Le Québec aspire à devenir le leader de l'innovation et de l'entrepreneuriat en Amérique du Nord et, pour cela, s'appuie sur les établissements d'enseignement supérieur (EES) qui ont un rôle central dans cette démarche. Les EES permettent le développement des compétences et l'épanouissement des talents, tout en créant de nouveaux liens avec leurs communautés - notamment avec le secteur privé, les pouvoirs publics et la société civile. La Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI) place les EES au cœur des efforts provinciaux réalisés en matière d'innovation et d'entrepreneuriat, grâce notamment à une approche spatiale explicite à travers les "zones d'innovation". La présente étude évalue la "géographie de l'enseignement supérieur" au Québec à travers dix études de cas d'EES innovants et engagés dans le soutien à l'entrepreneuriat et à l'innovation dans leurs communautés. L’analyse montre aussi dans quelle mesure les EES québécois soutiennent l’entrepreneuriat, l'innovation, la mise en relation entre acteurs, ainsi que la mobilisation de ressources et d'acteurs politiques. Des recommandations politiques implémentables sont proposées afin de continuer à développer cette dynamique.
La géographie de l'enseignement supérieur au Québec, Canada
Résumé
Synthèse
Le Québec vise à devenir un leader en matière d’innovation et d’entrepreneuriat en Amérique du Nord, en donnant aux établissements d’enseignement supérieur (EES) un rôle central dans cette dynamique. Les EES jouent un rôle central dans le développement des compétences et des talents, en établissant des liens avec leurs communautés, y compris les entreprises, les autorités publiques et la société civile, et en contribuant à ces communautés. La Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI 2) 2022-2027 a confié aux EES un rôle important à jouer dans l’effort provincial en matière d’innovation et d’entrepreneuriat, notamment avec une approche spatiale explicite, par la mise en place de « zones d’innovation », qui relient les programmes d’innovation et de développement régional dans les zones non métropolitaines, en mettant l’accent sur le développement urbain durable. La SQRI 2 représente un investissement total de 7,5 milliards de CAD (environ 5,2 milliards d’EUR) mis en œuvre sur une période de cinq ans qui a débuté en 2022.
Dans ce contexte, et reflétant une tendance internationale, les EES du Québec offrent de plus en plus d’opportunités éducatives pour que les étudiants développent un esprit d’entreprise. Les collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps) et les centres collégiaux de transfert de technologie et de pratiques sociales innovantes (CCTT), ainsi que les universités du réseau de l’Université du Québec, sont propres au système provincial et particulièrement aptes à s’engager avec des partenaires locaux.
Le Québec a fait de grands progrès dans la promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation, mais avec encore des marges d’amélioration. La province a mobilisé une série de réseaux d’entrepreneuriat, avec un accent particulier sur l’entrepreneuriat scientifique. Si l’accent mis sur l’IA et les start-ups de deep-tech a contribué à créer des communautés de start-ups technologiques dynamiques, l’élargissement de cette orientation pourrait renforcer l’entrepreneuriat et l’innovation dans d’autres secteurs.
Une grande variété d’accélérateurs/incubateurs offrent des services spécialisés aux entrepreneurs. Toutefois, ces entités semblent agir en vase clos, ce qui limite la possibilité de stimuler l’entrepreneuriat et l’innovation en reliant différentes disciplines (par exemple, l’économie, la médecine, les affaires, entre autres). En outre, alors que les EES sont bien engagés dans des activités de collaboration avec leurs partenaires, l’examen met en évidence des écarts entre les activités institutionnelles et les incitations/propositions de carrière pour les chercheurs qui s’engagent dans des collaborations avec des parties prenantes externes et des communautés.
Le gouvernement provincial est bien placé pour créer des complémentarités et des synergies entre l’enseignement supérieur, l’entrepreneuriat, l’innovation et le développement régional, car tous ces domaines relèvent de sa compétence. Une approche plus large de l’entrepreneuriat et une coordination plus étroite entre les acteurs gouvernementaux de la province, tels que le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec, peuvent contribuer à stimuler le potentiel entrepreneurial et innovant du Québec, en mobilisant des ressources dans la région métropolitaine de Montréal, devenue un véritable pôle entrepreneurial, ainsi que dans d’autres régions du Québec, y compris les régions rurales.
Les zones d’innovation, un autre dispositif gouvernemental récent, méritent une attention particulière. Les zones d’innovation favorisent la spécialisation locale dans des secteurs à forte intensité de connaissances, en particulier dans les régions non métropolitaines du Québec. Elles forment de nouveaux modèles d’écosystèmes entrepreneuriaux, relient différents acteurs et tirent parti du rôle des établissements d’enseignement supérieur au sein de leurs propres communautés. Parallèlement, du moins sur le papier, les zones d’innovation devraient avoir pour but de promouvoir un développement urbain et régional durable et inclusif, en mettant l’accent sur la dimension sociale des écosystèmes entrepreneuriaux. Du fait de ces caractéristiques, les zones d’innovation peuvent offrir la possibilité de piloter des synergies et des complémentarités entre un large éventail de secteurs politiques tels que l’enseignement supérieur, le développement régional et les politiques d’innovation.
Dix établissements d’enseignement supérieur ont fait l’objet d’études de cas dans le cadre de cette étude, notamment des universités de recherche et des cégeps, des établissements d’enseignement supérieur qui proposent des programmes techniques post-secondaires ou pré-universitaires. Ces études de cas représentent des exemples d’EES innovants et entreprenants qui s’inscrivent dans les politiques provinciales et fédérales et soutiennent l’entrepreneuriat et l’innovation au sein de leurs communautés. Les études de cas racontent notamment l’histoire de la province de Québec en matière de promotion de l’entrepreneuriat et d’innovation, de mise en relation des acteurs et de mobilisation des ressources et des politiques. La méthodologie utilisée dans cette étude s’appuie sur deux entretiens sur place avec les EES sélectionnés et leurs partenaires (représentants des universités, autorités publiques et entreprises collaborant avec les EES) et sur une série d’entretiens à distance. L’étude a également été alimentée par une enquête sur les dirigeants des EES menée auprès de tous les EES de la province, une enquête sur l’enseignement de l’entrepreneuriat destinée aux étudiants et une évaluation quantitative mesurant l’impact de la dimension spatiale entre les universités et les entreprises sur l’innovation régionale, réalisée en coopération avec Statistique Canada.
Principales recommandations
L’étude a permis d’identifier quatre recommandations principales sur la base des entretiens, des enquêtes et des recherches documentaires réalisés dans le cadre de ce travail :
Créer davantage d’espaces de collaboration (colliders) pour soutenir l’éducation entrepreneuriale. Bien qu’elles soient en plein essor, les activités d’éducation entrepreneuriale dans les EES du Québec semblent souvent fragmentées entre les disciplines universitaires (p. ex. économie, santé, etc.), ce qui nuit à l’efficacité et à l’ampleur de l’éducation entrepreneuriale. Les autorités provinciales pourraient envisager la création d’espaces communs pour renforcer l’approche transdisciplinaire. Ce dernier point est particulièrement pertinent à Montréal, qui est en passe de devenir un leader international en matière d’entrepreneuriat.
Capitaliser sur les cégeps et les CCTT pour renforcer les écosystèmes entrepreneuriaux dans toutes les régions. Les CCTT pourraient ainsi dispenser une formation à l’entrepreneuriat aux personnes et aux entreprises (y compris celles qui sont déjà établies), ce qui favoriserait l’innovation et la croissance dans toutes les régions du Québec.
Impliquer le ministère de l’Enseignement Supérieur (MES) dans les politiques d’entrepreneuriat et d’innovation, en promouvant les interventions pilotes et les réformes dans les zones d’innovation. Le MES pourrait utiliser les zones d’innovation comme bancs d’essai pour introduire des incitations et des opportunités de carrière pour les universitaires et les étudiants (par exemple, en promouvant le statut d’ « étudiant entrepreneur ») afin de libérer le potentiel des activités de collaboration et du mouvement des start-ups dans ces zones. Une fois testées dans les zones d’innovation, les initiatives pourraient être étendues au reste de la province.
Promouvoir les aspects de développement social et urbain des zones d’innovation afin de relier le mouvement des start-ups et l’éducation entrepreneuriale à d’autres programmes liés au bien-être et à la durabilité, dans toutes les régions du Québec. Les composantes de développement social et urbain sont pertinentes et ne doivent pas être négligées lors de la mise en place des zones d’innovation.
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Étude de cas16 novembre 2022