Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE mène tous les cinq à six ans un examen par les pairs qui passe en revue les efforts de coopération pour le développement de chacun de ses membres. Ces examens visent à améliorer la qualité et l’efficacité de leur coopération, en mettant en évidence les bonnes pratiques et en recommandant des améliorations. Membre du CAD depuis 2013, la Pologne a aligné son Programme pluriannuel 2021-2030 sur l'Agenda 2030, sous la direction du ministère des Affaires étrangères (MAE). En s'appuyant sur les recommandations formulées lors du premier examen par les pairs de la Pologne en 2017, celui-ci identifie les moyens pour le système polonais de coopération au développement de travailler de façon plus efficace, de mieux programmer l'APD bilatérale et de renforcer ses partenariats multilatéraux et avec la société civile. Il recommande de passer d’un système d’appels à propositions annuels à un modèle de partenariats plus durable, de renforcer la capacité du MAE à se coordonner avec les acteurs des pays partenaires et de mieux aligner l'engagement international de la Pologne avec ses engagements en faveur du développement durable.
Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement : Pologne 2023
Résumé
Synthèse
Ce rapport évalue les progrès accomplis depuis le premier examen par les pairs du CAD consacré à la Pologne en 2017. Le rapport souligne les résultats positifs et les difficultés rencontrées, et formule des recommandations pour l’avenir. Il a été préparé par des examinateurs de la Nouvelle‑Zélande et de la Suède, avec le soutien du Secrétariat de l’OCDE.
Le cadre juridique et stratégique de la Pologne fixe une ambition claire en matière de développement et d’aide humanitaire. Le programme pluriannuel 2021-30 de la Pologne est compatible avec le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030) et a été adopté à l’échelle de l’ensemble de l’administration par le Conseil des ministres. Si, en principe, l’ensemble de l’administration est censée s’approprier ce programme, dans la pratique le soutien politique à la coopération pour le développement ne va pas de soi, et c’est dans ce contexte difficile que la Pologne tente de réaliser ses ambitions en matière de réformes depuis 2017.
Le volume de l’aide publique au développement (APD) de la Pologne n’a pas suivi le rythme de sa solide conjoncture économique et demeure principalement composée des coûts sur le territoire du pays donneur et de prêts liés à des entreprises polonaises. Entre 2017 et 2021, l’APD totale est passée de 0.13 % à 0.15 % du revenu national brut (RNB) du pays. Face à l’urgence des besoins, la Pologne a mobilisé des financements supplémentaires en 2022 et son APD s’est élevée exceptionnellement à 0.51 % du RNB cette année-là. Pour maintenir cette dynamique et permettre au pays de respecter son engagement visant à consacrer 0.33 % de son RNB à l’APD d’ici à 2030, des efforts soutenus et une feuille de route claire seront nécessaires. Se faisant, il sera également important d’accroître la part d’APD déliée fournie aux pays partenaires, comme cela avait été recommandé en 2017.
La réponse impressionnante apportée par l’ensemble de la société polonaise aux conséquences de la guerre d’agression engagée par la Russie contre l’Ukraine a démontré la flexibilité du pays et sa capacité à mobiliser différents acteurs en cas de besoin. Différents ministères et parties prenantes interviennent dans le cadre de ces interventions, notamment la Banque de développement polonaise (Bank Gospodarstwa Krajowego, BGK). En outre, un nombre toujours plus important d’acteurs s’impliquent de plus en plus dans la fourniture de l’APD polonaise. La fondation polonaise Solidarity Fund PL s’est également adaptée pour répondre aux crises récentes : au cours des trois dernières années, son budget et son personnel ont connu une croissance considérable, principalement grâce à l’augmentation du financement apporté par des partenaires extérieurs ainsi que par différentes branches de l’administration polonaise.
Tirer le meilleur parti de cette flexibilité tout en dotant le ministère des Affaires étrangères (MAE) polonais du mandat et de la capacité permettant de piloter un système de coopération pour le développement en pleine évolution constitue un enjeu majeur à l’heure actuelle. Au sein du MAE, la Direction de la coopération pour le développement (DCD) demeure chargée de piloter la coopération polonaise pour le développement, mais son mandat et sa capacité d’action doivent être renforcés. Une première mesure importante serait de doter la DCD des capacités nécessaires à l’établissement de relations de travail efficaces, grâce à des responsabilités et des rôles clairement définis et soutenu par le leadership politique.
Utiliser plus efficacement le Conseil stratégique de la coopération pour le développement de la Pologne permettrait de renforcer la conception, la coordination et le suivi stratégique de l’action publique. En Pologne, le débat politique sur la coopération pour le développement est limité et le Conseil stratégique pourrait jouer un rôle beaucoup plus actif en formulant des conseils, en appuyant la coordination et en orientant la demande de résultats et de suivi. Améliorer la transparence et consacrer du temps à l’étude des résultats, des pratiques et des stratégies permettrait de renforcer la capacité du Conseil à émettre des recommandations solides à l’intention de l’administration. Intégrer l’ensemble des acteurs clés dans la composition du Conseil lui permettrait également de piloter la coordination, de mener des débats constructifs sur les difficultés rencontrées par la coopération polonaise et les possibilités qui s’offrent à elle, et de promouvoir une orientation plus stratégique à l’échelle de l’administration.
Développer la coordination entre les ministères permettrait également d’améliorer la cohérence entre les différents objectifs stratégiques. Les documents stratégiques de la Pologne énoncent un engagement en matière de cohérence des politiques au service du développement et listent une série de domaines prioritaires. Publier les rapports établis par les ministères sectoriels concernant les priorités en matière de cohérence des politiques et les discussions qui en résultent permettrait de suivre les progrès et de faire vivre un débat public plus éclairé, afin que la Pologne puisse résoudre les problèmes qu’elle rencontre. Faire en sorte que les positions polonaises en matière de politique internationale n’entravent pas la conclusion d’accords d’une importance stratégique pour le développement durable et les pays en développement contribuerait également à améliorer la cohérence, non seulement au sein de l’administration polonaise mais également avec les efforts menés par le pays en matière de coopération pour le développement.
Comme souligné en 2017, le recours persistant à un cycle de programmation annuel pour l’APD bilatérale représente une charge sur le plan administratif et limite la capacité du pays à établir une planification stratégique adaptée aux priorités des pays partenaires. Ces dernières années, le lancement tardif des appels à propositions et la lenteur de la prise de décision ont entraîné des retards dans le versement des fonds par le MAE. La coexistence d’une multitude de petits projets gérés dans le cadre d’instruments distincts entraîne également des risques de chevauchements et d’incohérences. Cette fragmentation, associée à la programmation annuelle, rend la Pologne moins à même de mettre en place une coordination avec d’autres organisations dans les pays partenaires et de respecter l’engagement en matière d’appropriation par les pays partenaires. Une mesure importante consistera donc à privilégier une approche plus stratégique et pérenne de la programmation de l’APD bilatérale, sur la base d’une planification et d’une budgétisation pluriannuelles et de projets moins nombreux mais plus importants.
Définir des objectifs plus clairs à l’échelle de l’ensemble de l’administration dans chaque pays partenaire permettrait d’orienter plus efficacement la programmation. Renforcer l’orientation géographique et thématique de l’APD polonaise, conformément à la recommandation du dernier examen par les pairs, permettrait d’améliorer sa qualité ainsi que son impact. La Pologne devrait également prendre garde à ne pas diluer sa valeur ajoutée en multipliant les priorités thématiques. Une prochaine étape importante sera de tirer parti des consultations menées avec les pays partenaires pour concevoir des plans évolutifs couvrant l’ensemble de l’action de la Pologne dans le pays concerné et conformes à l’avantage comparatif polonais. L’existence d’un système de suivi, d’évaluation et de notification des performances est un critère majeur d’appartenance au CAD et un élément essentiel d’une coopération bilatérale efficace.
Investir dans l’amélioration des capacités de gestion de projet permettrait de renforcer la qualité et l’efficacité des résultats. Une attention particulière devrait être accordée au renforcement des systèmes du MAE afin de gérer les risques et d’intégrer les questions liées à l’égalité des genres, au climat et à l’environnement. Une collaboration plus étroite entre les différents acteurs polonais, en s’inspirant de l’expérience d’autres membres du CAD, permettrait également de s’assurer que les efforts à venir visant à renforcer les systèmes de la Solidarity Fund PL, sur la base de l’évaluation des piliers menée par l’UE, contribuent à améliorer les pratiques et les connaissances à l’échelle de l’ensemble du programme de coopération de la Pologne, Polish Aid.
Les ressources humaines représentent un verrou majeur et doivent faire l’objet d’investissements prioritaires. La DCD est particulièrement concernée par les contraintes en matière de ressources humaines, ce qui réduit sa capacité à mettre en œuvre les réformes nécessaires et entraîne un risque réel pour la qualité de la coopération polonaise. Réfléchir à la façon dont le MAE peut devenir plus attractif pour retenir le personnel compétent et qualifié, investir dans la formation, rechercher des compétences supplémentaires en cas de besoin et renforcer les capacités des ambassades en matière de développement favoriseraient également des partenariats plus efficaces.
L’Union européenne (UE) demeure le principal canal multilatéral de l’APD polonaise, mais davantage d’efforts pourraient être déployés pour faire du développement une priorité de son engagement politique. La présidence polonaise du Conseil de l’UE en 2025 survient à un moment stratégique : elle offre à la Pologne une occasion majeure de s’appuyer sur la réponse apportée à la guerre menée par la Russie en Ukraine pour mener des actions de sensibilisation et jouer un rôle de chef de file. La Pologne pourrait également tirer plus efficacement parti de sa présence et de sa valeur ajoutée dans les pays partenaires en mettant en place une coordination accrue avec les États membres de l’UE au niveau national.
Pour exploiter pleinement les atouts des organisations de la société civile (OSC) polonaise, il sera nécessaire d’adopter une stratégie de financement et de partenariat à plus long terme. Si les stratégies polonaises tiennent compte du rôle essentiel de la société civile au sein de Polish Aid, les partenariats pâtissent du déclin des financements, de la prévisibilité et de la confiance. Évoluer vers des financements de base et un modèle de partenariat ne dépendant pas d’appels à propositions annuels serait davantage conforme aux bonnes pratiques. Un dialogue plus systématique et global permettrait de rebâtir la confiance et de promouvoir des partenariats de travail plus efficaces. Il serait également possible de mobiliser davantage la société civile afin de sensibiliser la société polonaise et les responsables politiques à l’importance de la coopération pour le développement.
Le Profil de coopération au développement de la Pologne fournit des informations supplémentaires sur la coopération polonaise. Les pratiques polonaises susceptibles d’inspirer d’autres membres du CAD et acteurs du développement sont présentées sur la plateforme d’apprentissage consacrée aux Outils, enseignements et pratiques de la coopération pour le développement.
Les recommandations du CAD à l’intention de la Pologne
1. Afin d’accroître le soutien du public et l’engagement politique en faveur de Polish Aid, la Pologne devrait investir dans la sensibilisation aux enjeux du développement et encourager le débat au sein du parlement et de la société sur la façon dont la coopération pour le développement contribue à la réalisation des objectifs des pouvoirs publics polonais.
2. Pour améliorer l’élaboration des politiques, la coordination et la supervision stratégique, la Pologne devrait s’appuyer davantage sur le Conseil stratégique de la coopération pour le développement pour mener des débats de fond, notamment via une composition plus inclusive et des processus plus transparents.
3. Forte de sa croissance économique robuste depuis son adhésion au CAD et conformément à son engagement de consacrer 0.33 % de son RNB à l’APD d’ici à 2030, la Pologne devrait fixer des objectifs clairs pour accroître le volume de son APD au cours des sept prochaines années et s’y engager dans sa planification budgétaire, comme cela avait été recommandé en 2017.
4. Afin de maximiser les contributions de tous les acteurs du système polonais de coopération pour le développement, sur la base d’une coopération et d’une communication plus efficace au niveau opérationnel :
a. La Pologne devrait réaffirmer la mission du MAE et renforcer sa capacité à définir les orientations et à piloter l’ensemble du système de coopération pour le développement, mais aussi reconnaître davantage l’utilité de cette coopération pour la politique étrangère du pays, notamment par un plus ample partage des analyses et des connaissances au sein du MAE.
b. L’ensemble des ministères devraient aligner leurs activités relevant de l’APD sur les engagements et les priorités énoncés dans le programme pluriannuel et tenir compte des orientations du MAE.
c. La fondation Solidarity Fund PL devrait renforcer ses capacités et ses systèmes pour assurer une mise en œuvre efficace de la coopération pour le développement, sur la base d’une approche professionnelle, adaptable et pilotée par les pays.
d. La BGK devrait travailler en collaboration avec le MAE pour inscrire son engagement croissant dans les pays partenaires dans une perspective de développement.
5. Pour disposer d’une main-d’œuvre compétente, le MAE devrait privilégier le recrutement fondé sur le mérite et allouer des ressources pour renforcer les aptitudes en matière de développement, notamment parmi les hauts fonctionnaires et le personnel des ambassades.
6. Afin de tirer le meilleur parti des enseignements récemment tirés de ses interventions liées à la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine et de se doter d’un système moderne et adaptatif de réponse aux crises, la Pologne devrait préciser son leadership institutionnel, améliorer la coordination entre ses initiatives humanitaires, de développement et en faveur de la paix, et permettre l’établissement de partenariats plus stratégiques grâce à des financements pluriannuels.
7. Pour accroître l’efficacité et l’impact de son APD bilatérale, et conformément aux recommandations formulées en 2017, la Pologne devrait adopter une approche plus programmatique, notamment grâce aux mesures suivantes :
a. concentrer le budget de son APD bilatérale sur un nombre restreint de pays et de thèmes prioritaires, et veiller à ce que les allocations correspondent à ces priorités ;
b. définir des objectifs clairs à l’échelle de l’ensemble de l’administration pour chaque pays partenaire prioritaire sur la base des consultations menées avec les parties prenantes du pays partenaire et en coordination avec les autres fournisseurs de coopération ; et
c. réduire considérablement le nombre d’appels à propositions pour favoriser des projets plus importants et plus durables, notamment en abandonnant progressivement ceux gérés au siège du MAE.
8. Pour gérer plus efficacement l’APD bilatérale, le MAE devrait :
a. élaborer des orientations, à l’intention de l’ensemble de l’administration polonaise, en matière de gestion des risques et de prise en compte de l’environnement et de l’égalité des genres dans tous les projets, en s’appuyant sur les orientations et l’apprentissage du CAD ;
b. rétablir une fonction d’évaluation ; et
c. mettre en place une approche simple pour évaluer de quelle façon les allocations d’APD contribuent à la réalisation des objectifs convenus, ce qui aura pour effet de renforcer la compréhension parmi les membres du personnel et au niveau des responsables afin de susciter une demande d’informations de qualité sur les résultats obtenus.
9. La Pologne devrait s’appuyer sur son expérience de la coopération pour le développement pour orienter son action politique à Bruxelles, notamment dans la perspective de sa prochaine présidence de l’UE, et clarifier de quelle manière Polish Aid entend bénéficier de la future coopération déléguée de l’UE, en veillant à ce que les systèmes et les capacités nécessaires soient en place à cet effet.
10. Afin de mieux refléter le rôle majeur que joue la société civile dans l’élaboration des politiques publiques et de respecter son engagement à aider les organisations de la société civile (OSC) œuvrant dans le domaine du développement, la Pologne devrait :
a. éliminer les obstacles à l’octroi de financements de base et à plus long terme aux OSC ;
b. organiser des consultations systématiques et utiles avec la société civile ; et
c. définir, en collaboration avec les OSC, un nouveau rôle pour la société civile dans le cadre de la politique nationale de coopération pour le développement, en tant qu’acteur à part entière de cette coopération.
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