Comment un système de coopération pour le développement doté de ressources humaines et financières limitées peut-il apporter son soutien à des projets de qualité à grande échelle ? Cette question sous-tend l’examen par les pairs de la Slovénie réalisé par le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE sous la conduite du Danemark et de la Suisse. Cet examen dresse un état des lieux de la situation en Slovénie, des réalisations du pays et donne des pistes d’amélioration. Il met en avant les atouts de la Slovénie : son influence au sein des organisations multilatérales, son engagement apprécié dans les Balkans occidentaux – fondé sur l’expérience acquise par le pays lors de son adhésion à l’Union européenne (UE) – et son soutien résolu aux efforts de reconstruction post-conflits au travers d’initiatives de déminage. La décision prise en novembre 2022 de mettre de nouveau sur pied une Direction de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire, et l’inclusion de la coopération pour le développement parmi les priorités de la politique étrangère du Gouvernement ouvrent des perspectives pour accroître davantage l’ampleur et l’impact de la coopération pour le développement de la Slovénie.
Pour tirer le meilleur parti de son expertise et de ses ressources, la Slovénie devrait davantage orienter sa coopération pour le développement vers certains pays prioritaires et les principaux partenaires multilatéraux. L’aide publique au développement (APD) bilatérale brute de la Slovénie est pour l’essentiel acheminée vers les régions désignées comme prioritaires par le pays, à savoir les Balkans occidentaux, le voisinage européen et l’Afrique subsaharienne, mais répartie entre de nombreux pays. Mettre davantage l’accent sur les principales organisations multilatérales pourrait par ailleurs permettre d’approfondir les partenariats. Les contributions versées aux organisations multilatérales au titre de l’assistance humanitaire ont été multipliées par six entre 2021 et 2023 ; il importera de garantir la continuité du financement des institutions multilatérales pour garantir leur efficacité.
La Slovénie peut poursuivre ses efforts visant à évoluer vers de grands projets pluriannuels. Ces dernières décennies, la Slovénie a créé quatre institutions de mise en œuvre et mis au point un modèle innovant permettant de renforcer l’expertise sur des sujets spécifiques, en fonction de l’avantage comparatif du pays, et de mobiliser des ressources auprès d’autres donneurs. Si la Slovénie s’est efforcée de financer moins de projets de plus grande envergure avec les organisations non gouvernementales (ONG), elle peut aller plus loin en appliquant une démarche similaire aux organisations multilatérales et à ses institutions de mise en œuvre. La plupart des fonds alloués par le ministère des Affaires étrangères et européennes (MAEE) permettent aux partenaires de planifier des projets pluriannuels, mais il est impossible de reporter les financements non utilisés d’une année sur l’autre.
Bien que la Slovénie se soit engagée à accroître son APD pour la porter à 0.33 % de son revenu national brut (RNB) d’ici à 2030, les ressources financières et humaines ne sont pas en phase avec ses ambitions. La Résolution de 2017 appelait à l’adoption d’un plan d’action à l’échelle de l’ensemble de l’administration, dans un délai de six mois, pour permettre à la Slovénie de respecter ses engagements aux niveaux national et européen, mais le pays n’a pas été en mesure de concrétiser cette ambition. Le ratio APD/RNB du pays a progressé, passant de 0.16 % en 2017 à 0.19 % en 2021, avec une hausse temporaire à 0.29 % en 2022 sous l’effet de l’augmentation des coûts des réfugiés sur le territoire liée à la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine et des allégements de dette. Mais en 2023, l’APD a reculé et, selon les anticipations de la Slovénie, cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2025, avec un ratio APD/RNB estimé à 0.21 %, ce qui mettrait en péril ses ambitions. Se doter d’un plan d’action à long terme visant à accroître l’APD permettrait à la Slovénie de mieux évaluer les possibilités et les risques associés à l’augmentation des contributions versées au titre de l’APD et de prendre des décisions éclairées s’agissant des domaines concernés par cette hausse. Cela pourrait inclure, par exemple, une réflexion stratégique sur l’impact des futures adhésions à l’UE sur le programme slovène de coopération pour le développement.
Outre ce plan d’action à long terme en matière d’APD, il sera essentiel de consolider les ressources humaines du MAEE affectées à la coopération pour le développement afin de veiller à ce qu’elles soient en adéquation avec les ambitions affichées. Au moment du dernier examen par les pairs, seuls 12 agents travaillaient dans le domaine de la coopération pour le développement à Ljubljana. Avec le rétablissement d’une direction dédiée et la présidence slovène de l’UE, les effectifs ont augmenté pour atteindre 20 personnes, mais le nouveau personnel ne s’est pas entièrement consacré au programme bilatéral de coopération. La participation du pays au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2024‑25 pourrait se traduire par des pressions similaires. Malgré la motivation et le dévouement de ses agents, la Direction de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire est confrontée à des difficultés liées au manque d’expertise dans le domaine du développement notamment du fait d’un taux de rotation élevé. Le renforcement des ressources humaines et la mise en place d’un parcours professionnel spécialisé dans la coopération pour le développement, semblable à ceux des spécialités en diplomatie consulaire et économique, pourrait aider à faire du développement un choix de carrière prisé des diplomates.
Une coordination interministérielle plus poussée permettrait d’améliorer la cohérence de la coopération pour le développement, notamment en matière d’éducation. En tant que coordinateur national, le MAEE est chargé d’élaborer les programmes-cadres interministériels, mais il n’a pas été en mesure de le faire depuis le programme-cadre 2016‑19 en raison de la pandémie de COVID-19, de la présidence de l’UE et d’un soutien politique limité. Le MAEE recueille chaque année les plans budgétaires à deux ans de tous les autres ministères et devrait mettre à profit le groupe de coordination interministérielle permanent pour approfondir le dialogue stratégique sur les objectifs, le volume et les modalités des programmes de coopération pour le développement. Notamment, une plus grande cohérence serait nécessaire s’agissant du vaste programme slovène d’exonération de frais de scolarité, en vertu duquel les étudiants de l’enseignement supérieur des pays partenaires peuvent étudier gratuitement en Slovénie. Les coûts imputés des étudiants, qui représentent 40 % de l’APD bilatérale, sont gérés par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Science et de l’Innovation, et ne sont pas considérés comme un élément à part entière du dialogue sur le développement mené avec les pays partenaires. L’émigration des jeunes est pourtant un enjeu de développement majeur dans les Balkans occidentaux ; il serait essentiel de réfléchir aux solutions permettant d’éviter une fuite des cerveaux dans les pays partenaires et de soutenir au mieux leurs systèmes éducatifs.
La Slovénie est résolument engagée en faveur de l’égalité entre les genres, mais elle peut encore améliorer la qualité de ses programmes liés à l’environnement, ainsi que la mesure des résultats et l’évaluation. La Slovénie a adopté une vision féministe pour sa politique étrangère et pris des mesures positives pour intégrer de façon systématique la problématique du genre dans ses programmes. Les progrès ont été plus lents s’agissant de la prise en compte des questions environnementales, mais des lignes directrices sur l’environnement devraient être formulées d’ici l’été 2024. Si les priorités thématiques de la Slovénie ciblent quatre Objectifs de développement durable (ODD), ses projets sont axés sur les produits, ce qui limite la capacité du pays à évaluer sa contribution à l’appui du développement et à élaborer un discours convaincant sur son programme. Pendant plusieurs années, aucun agent du MAEE n’a été affecté aux évaluations, si bien que le pays n’a pas été en mesure d’évaluer sa stratégie de coopération pour le développement en 2023, comme prévu initialement, ni de mettre en œuvre l’intégralité de son plan d’évaluation 2020‑22. Notons toutefois deux avancées positives dans ce domaine : la nomination à temps partiel, en 2024, d’un agent de la Direction de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire chargé de travailler sur les évaluations, et l’adoption récente du plan d’évaluation 2024‑26.
La Slovénie tire plusieurs avantages de ses partenariats stratégiques et peut encore améliorer sa collaboration avec les ONG. Les partenariats stratégiques avec Karitas Slovenia (2021‑23) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) (2023‑25) ont permis à la Slovénie de gagner en flexibilité face aux situations d’urgence et contribué au renforcement des capacités. Élargir les modalités des partenariats stratégiques de façon à les ouvrir aux ONG œuvrant dans les domaines du développement, de la sensibilisation et de l’éducation à la citoyenneté mondiale pourrait permettre à la Slovénie d’intensifier considérablement ses efforts dans ces secteurs. En considérant en outre les ONG comme des acteurs à part entière et en s’associant à elles par l’apport de financements à leur budget central, la Slovénie pourrait contribuer à renforcer progressivement les capacités et l’impact de ces organisations.
La Slovénie a mis au point un mécanisme innovant visant à mobiliser les ressources et l’expertise du secteur privé, mais l’efficacité des collaborations pourrait être améliorée. Depuis 2018, le MAEE favorise la coopération entre ONG et secteur privé en encourageant la participation de ce dernier aux appels à propositions à destination des ONG, dans des proportions pouvant atteindre 10 % de l’enveloppe des projets. Ces partenariats ont permis à la Slovénie de mobiliser les ressources et l’expertise du secteur privé, mais ce mécanisme devra être perfectionné de façon à garantir l’adéquation des incitations mises en place. Par ailleurs, si le soutien apporté aux micro-entrepreneurs et aux petites et moyennes entreprises des pays partenaires est positif, il demeure fragmenté. Faire le bilan des diverses initiatives entreprises par les institutions de mise en œuvre, les ambassades, les ONG et les organisations multilatérales aiderait à déterminer si de nouveaux instruments sont nécessaires. Notamment, l’analyse de l’additionnalité et de la viabilité de ces initiatives permettrait de hiérarchiser les engagements.