La pandémie de COVID‑19 a mis les systèmes de santé à rude épreuve, et c’est grâce au travail acharné et à la mobilisation des soignants que de nombreuses vies ont été sauvées et que l’aide nécessaire a pu être apportée. Quelques années après les avoir applaudis régulièrement depuis nos fenêtres, il semble pourtant que nous les ayons oubliés. Les conditions de travail dans le secteur des soins de longue durée (SLD) restent globalement médiocres et il est difficile d’y attirer des travailleurs et de les retenir. La situation est particulièrement grave en ce qui concerne les aides-soignants, qui représentent les quatre‑cinquièmes environ des effectifs de SLD dans la zone OCDE, l’autre cinquième étant constitué des personnels infirmiers. Les difficultés vont en outre considérablement s’amplifier avec le vieillissement de la population. Nous devons aller Au-delà des applaudissements et, pour ce faire, prendre des mesures déterminantes pour améliorer les salaires et, de manière plus générale, les conditions de travail, afin de veiller à ce que les personnes qui ont besoin d’aide dans leur vie quotidienne puissent en bénéficier. Le présent rapport porte précisément sur ces mesures et ce qu’elles recouvrent.
Au-delà des applaudissements ? Améliorer les conditions de travail dans le secteur des soins de longue durée (version abrégée)
Résumé
Les pénuries de main-d’œuvre de SLD pourraient atteindre des niveaux socialement inacceptables faute d’action décisive maintenant
Les besoins non satisfaits en matière de soins sont d’ores-et-déjà considérables. En Europe, avant même la crise du COVID‑19, la moitié seulement des personnes de 65 ans et plus fortement limitées dans les activités du quotidien bénéficiaient d’une prise en charge formelle, tandis qu’un quart d’entre elles ne bénéficiaient d’aucune prise en charge, qu’elle soit formelle ou familiale – situation qui s’est aggravée pendant la pandémie. Dans la zone OCDE, la part des travailleurs de SLD dans l’emploi total est passée de 1.7 % en 2011 à 1.9 % en 2021. Si leur nombre a progressé au même rythme que celui des personnes âgées, les pénuries demeurent.
De nombreux pays peinent à recruter des travailleurs de SLD. Compte tenu du vieillissement de la population, la demande de main-d’œuvre va augmenter rapidement, et pourrait être particulièrement difficile à satisfaire dans les pays dont la population d’âge actif diminue. Pour répondre à cette hausse de la demande, la part des SLD dans l’emploi total devrait augmenter d’au moins 27 % (0.5 point de pourcentage) dans l’hypothèse d’une forte croissance de la productivité dans le secteur, ou plus probablement de 32 % (0.6 point) en moyenne dans la zone OCDE au cours des dix prochaines années.
Des conditions de travail difficiles nuisent à la prise en charge et dissuadent les travailleurs potentiels
Les conditions de travail sont très difficiles dans le secteur des SLD. La tension physique et psychologique ainsi que des horaires de travail lourds comptent parmi les principaux inconvénients auxquels sont confrontés ces travailleurs, qui sont ainsi exposés à des risques professionnels plus élevés que les autres salariés. De surcroît, par rapport aux travailleurs présentant des caractéristiques analogues (par ex., âge, niveau d’études, genre et ancienneté), les aides-soignants perçoivent un salaire horaire inférieur à celui de la plupart des autres professions, et ce, encore plus s’ils travaillent dans le secteur des SLD plutôt qu’à l’hôpital. Si les femmes représentent plus de 85 % de l’emploi dans ce secteur, elles gagnent toujours moins que les hommes à travail égal. La prise en charge informelle (essentiellement non rémunérée et souvent assurée par la famille) comme substitut possible aux services formels contribue à expliquer la faiblesse des salaires dans le secteur des SLD. Par ailleurs, les travailleurs nés à l’étranger représentent une forte proportion des aidants habitant avec la personne aidée, et dont les conditions d’emploi sont généralement difficiles à contrôler. Il semble paradoxal que les salaires soient si bas dans un secteur qui pâtit de pénuries de main-d’œuvre depuis de nombreuses années. Les mécanismes de marché devraient conduire à ce qu’un excès de demande tire les salaires vers le haut afin d’attirer davantage de travailleurs. Les raisons qui empêchent le marché d’équilibrer l’offre et la demande diffèrent selon les pays.
Les travailleurs des SLD souffrent également d’un manque de reconnaissance sociale. La majorité des pays de l’OCDE ont pris des initiatives pour améliorer cette situation, notamment augmenter les salaires, lutter contre les discriminations envers les femmes, valider les acquis de l’expérience en SLD dans la formation, renforcer les exigences de formation et mener des campagnes publiques d’information, mais beaucoup reste à faire.
Conséquences pour l’action des pouvoirs publics
Une stratégie globale est nécessaire pour améliorer les conditions de travail médiocres et la reconnaissance sociale insuffisante des professionnels des personnles de SLD. Celle‑ci doit porter sur plusieurs dimensions et reposer sur des priorités différentes selon les pays en fonction de la façon dont leur secteur des SLD fonctionne. Si la réglementation, y compris celle qui traite de la concurrence, est efficace, il sera probablement préférable d’augmenter les ressources financières et de laisser aux prestataires la possibilité de moduler entre salaires plus élevés, horaires plus lourds et personnels plus nombreux. En revanche, si, malgré la réglementation, les prestataires privés de soins de longue durée dégagent des bénéfices élevés, une intervention plus directe sur les salaires ou le personnel se justifiera.
Relever les financements publics et renforcer le rôle moteur des pouvoirs publics. Les crises récentes et actuelles mettent les finances publiques à rude épreuve, mais des moyens supplémentaires sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail actuelles et limiter les pénuries de main-d’œuvre futures. Si une forte hausse des dépenses publiques en faveur des SLD est nécessaire, les pouvoirs publics doivent également jouer un rôle de premier plan dans la définition des normes de qualité des emplois.
Intervenir directement pour augmenter les salaires et améliorer la réglementation relative aux effectifs. Des salaires plus élevés dans le secteur public peuvent contraindre les prestataires privés à augmenter eux aussi les salaires. Parmi les autres mesures visant les prestataires publics et privés de SLD figurent les suivantes : augmenter les dotations en personnel ; renforcer la conformité aux règles applicables au personnel ainsi que la transparence dans la communication des taux d’encadrement réels ; appliquer les règles relatives au salaire minimum tout en encourageant des salaires adaptés dans les conventions collectives ; et relever le salaire minimum sectoriel dans les pays où cet instrument existe. Dans certains pays, la réglementation du secteur des SLD se caractérise davantage par son inobservation que par son respect : il faut que cela change.
Soutenir la négociation collective. Il est possible d’améliorer la protection des personnels de SLD en étendant les conventions collectives à l’ensemble de ces travailleurs, et en renforçant le respect et l’application des règles par le biais d’inspections du travail renforcées et d’informations plus claires sur le contenu des conventions collectives, de même qu’en soutenant l’affiliation syndicale, par exemple au moyen de subventions.
Renforcer la formation. La formation des aides-soignants, en particulier de ceux qui prodiguent des soins à domicile, doit être améliorée, par exemple par une formation initiale sur la prise en charge des personnes âgées présentant des limitations physiques et mentales courantes, complétée par des cours continus adaptés aux besoins des personnes aidées. Dans de nombreux pays, les programmes de formation du personnel infirmier doivent mettre davantage l’accent sur les soins gériatriques.
Promouvoir la reconnaissance sociale. Outre l’amélioration de la formation et des salaires, des campagnes d’information et de recrutement remettant en cause les stéréotypes de genre apparaissent essentielles ainsi que la certification des formations.
Développer le recours aux nouvelles technologies. Au-delà de l’augmentation des budgets, l’utilisation des nouvelles technologies devrait être développée en veillant à ce que les cadres de gouvernance des données garantissent la protection de la vie privée, en dispensant des formations pour améliorer les compétences numériques des personnels et en informant les prestataires des technologies disponibles.
Renforcer les politiques de prévention. Des campagnes publiques d’information visant à promouvoir des modes de vie sains et des mesures de réadaptation peuvent freiner la demande croissante de services de soins de longue durée. Le rôle des travailleurs de SLD dans la prévention peut être renforcé par des formations et des conseils sur la manière d’aider les personnes âgées à rester en bonne santé plus longtemps. Les technologies peuvent contribuer à réduire les risques sanitaires, à atténuer le déclin physique et cognitif et à faciliter l’autonomie.
Favoriser le passage des soignants non déclarés à l’emploi formel. Le travail non déclaré dans le secteur des soins de longue durée étant courant dans plusieurs pays, en particulier parmi les travailleurs nés à l’étranger, il est indispensable de promouvoir le passage à l’emploi formel pour améliorer les conditions de travail et assurer un meilleur respect des normes définies dans les conventions collectives. Pour ce faire, il serait souhaitable, entre autres, d’émettre des bons pour le paiement du travail déclaré, de réduire le coût du respect de la législation et de mettre en place des incitations fiscales.