Ce chapitre examine comment les Adhérents adaptent les politiques de l’eau à la situation locale. Il fournit des exemples de la planification de la gestion de l’eau à long terme, notamment des examens réguliers et des mises à jour des plans ainsi que de la consultation des parties prenantes. Il montre aussi comment les Adhérents gèrent les interactions entre la gestion des eaux souterraines et de surface. Il décrit les actions mises en œuvre pour gérer conjointement la quantité et la qualité des ressources en eau, ainsi que pour s’attaquer aux pratiques, aux tendances et aux évolutions influant sur la disponibilité et la demande d’eau et sur les risques liés à l’eau. Enfin, ce chapitre aborde la question de la mise au point et la diffusion d’innovations.
Boîte à outils pour des politiques et la gouvernance de l’eau
2. Généralités sur les politiques de l’eau
Abstract
La première section de la Recommandation énonce un ensemble de recommandations générales et transversales sur les politiques de l’eau que les Adhérents doivent concevoir et mettre en œuvre :
2.1. Adapter les politiques de l’eau à la situation locale
La première partie de la Recommandation appelle les Adhérents à concevoir et mettre en œuvre des politiques de l’eau « adaptées à la situation locale ». Cela nécessite de prendre en compte les particularités géographiques, culturelles et politiques des lieux aux échelles qui conviennent. Il est possible de le faire de deux manières, exposées ci-dessous. La question est abordée à nouveau au chapitre 6 sur la gouvernance de l’eau.
La première manière est d’ajuster la gestion de l'eau aux conditions locales. Il est alors essentiel d’assurer une coordination verticale entre les différentes échelles. Un grand nombre de pays veillent à mettre en place des institutions dans cette optique. À titre d'exemple, la France a créé en 1964 six agences de bassin hydrographique sur son territoire métropolitain afin de mieux comprendre les difficultés locales en matière de gestion de l’eau et de veiller à ce que les frontières administratives suivent une logique hydrographique. Dans l’Union européenne, la directive-cadre sur l’eau a encouragé l’intégration et la centralisation de toutes les activités de gestion de l’eau au niveau des districts hydrographiques (Union européenne, 2000[1]). Certains pays privilégient l’aire de captage comme échelle géographique appropriée pour la gestion de l’eau (Autriche, Allemagne). Ce principe de décentralisation a été mis en œuvre à travers l’obligation d’élaborer des plans de gestion des bassins hydrographiques transrégionaux et transfrontaliers. Le chapitre 6 (sur la gouvernance) fournit des illustrations de la façon d’assurer une coordination verticale.
La seconde manière consiste à adapter les instruments d'action publique (tels que les redevances de prélèvement) aux conditions locales. Par exemple, les redevances de prélèvement sont souvent différenciées par zones hydrographiques, dans le but d’envoyer un signal adéquat sur la valeur de l’eau et de tenir compte de l’équité. Au Canada, ces redevances sont ainsi définies au niveau des provinces (voir le chapitre 8 pour plus de détails). De même, les redevances ont parfois besoin d’être différenciées sur le plan géographique pour prendre convenablement en compte différents paramètres environnementaux (OCDE, 2017[2]). Au Portugal, la taxe sur les ressources en eau instaurée en 2008 varie selon les secteurs et les régions et est actualisée régulièrement. En Europe, la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires fixe des normes plus exigeantes pour le traitement des eaux résiduaires dans les zones sensibles, c’est-à-dire où la capacité de dilution est faible ou bien où l’eau est employée à des usages récréatifs (Union européenne, 1991[3]).
Les conditions locales fluctuent dans le temps. En Australie, des droits échangeables donnent accès à un certain pourcentage de l’eau disponible dans un « pool de consommation » (consumptive pool) et les allocations d’eau changent en fonction de la disponibilité saisonnière des ressources en eau dans le pool de consommation (OCDE, 2019[4]) (voir la section 4 pour plus de détails).
2.2. Planification de la gestion de l’eau à long terme
La deuxième partie de la Recommandation sur l’eau appelle les Adhérents à concevoir et mettre en œuvre des politiques de l’eau « qui reposent sur des plans de gestion de l’eau à long terme, établis de préférence au niveau des bassins versants ou des aquifères et, le cas échéant, dans un cadre transfrontalier. De tels plans devraient favoriser une gestion combinée des eaux souterraines et de surface, et faire l’objet d’examens réguliers et de mises à jour ». L’enquête de suivi 2019 de l’OCDE montre que la quasi-totalité des 27 répondants ont un plan national de gestion de l’eau en place. Dans les pays fédéraux, les plans peuvent être définis à l’échelon infranational lorsque la gestion de l’eau ne représente pas un enjeu national.
La directive-cadre sur l’eau de l’UE, qui engage à protéger sur le long terme les ressources en eau disponibles, impose à ses États membres d’évaluer les changements à long terme des conditions naturelles (Union européenne, 2000[1]). La Commission européenne prévoyait que le premier projet officiel de plan de gestion de district hydrographique (PGDH) soit présenté avant la fin 2008. À ce jour, tous les États membres ont adopté leurs PGDH et la quasi-totalité d’entre eux ont communiqué à la Commission européenne leurs deuxièmes PGDH pour la période 2015-2021 au titre de la directive-cadre sur l’eau. Le contenu des PGDH est disponible dans le système européen d'information sur l’eau WISE1 : les cartes comprennent les districts hydrographiques et leurs sous-unités, les masses d’eau superficielle (catégorie de masse d’eau, état ou potentiel écologique et état chimique), les masses d’eau souterraine (type d’aquifère, état quantitatif et état chimique) et les sites de surveillance.
L’incertitude est une caractéristique essentielle de la planification à long terme. L'enquête de suivi 2019 de l’OCDE montre que, sur les 26 Adhérents ayant répondu, 22 prennent en compte des facteurs d’incertitude pour planifier la disponibilité et la demande d’eau futures (Graphique 2.1).
Parmi les Adhérents intégrant des facteurs d’incertitude dans leur planification, près de 70 % prennent en compte différents scénarios climatiques et de demande d’eau, et 70 % également intègrent des risques liés à l’eau (Graphique 2.2). L'enquête 2019 de l’OCDE sur l’évolution de l’action publique dans les domaines de l’agriculture et de l’eau a montré néanmoins que, parmi les Adhérents qui fixent des objectifs quantifiés dans la planification nationale de l’utilisation des ressources en eau pour le secteur agricole, seuls 41 % tiennent compte du changement climatique. Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer la manière dont les pays élaborent et intègrent des scénarios relatifs au changement climatique et aux disponibilités en eau futures dans leurs instruments de planification. L'évolution régionale et locale des précipitations est en effet incertaine, différents modèles climatiques prévoyant des sens d’évolution divergents pour certaines régions.
La Turquie a travaillé à améliorer sa modélisation du climat futur au moyen de scénarios reposant sur des températures planétaires moyennes à élevées (RCP4.5 et RCP8.5). Elle utilise trois modèles climatiques mondiaux découpés en mailles de 20 km, ce qui permet de repérer les évolutions locales. La Turquie tient compte également des hausses des températures et des variabilités dans les niveaux de précipitation, à un horizon allant jusqu’à la fin du XXIe siècle (OCDE, 2019[5]). En France, les agences de bassin ont établi des plans stratégiques afin de s’adapter au changement climatique, qui constitue une priorité de la période de programmation en cours. Au Chili, certains plans de gestion des cours d’eau – ceux élaborés pour les fleuves Maule et Maipo, par exemple, tiennent compte des impacts du changement climatique. Des mesures ont été prises pour intégrer une modélisation des eaux superficielles et souterraines dans les prochains plans de gestion des cours d’eau (OCDE, 2019[6]). L’Espagne tient compte des incertitudes relatives aux conditions hydriques à long terme en améliorant ses modèles climatiques et en actualisant en conséquence sa cartographie des masses d’eau. Les modèles intègrent une longue série chronologique de données historiques et établissent des projections ambitieuses des disponibilités en eau2 (OCDE, 2019[6]).
Le plan Delta des Pays-Bas vise à garantir aux générations actuelles et futures d’être à l’abri de l’eau et de disposer de quantités suffisantes d’eau douce au cours des prochains siècles. Il adopte une approche adaptative de la gestion des deltas, en prenant des mesures à court terme qui amélioreront la capacité du pays à s’adapter aux changements à long terme et à résister à des situations extrêmes. Le plan bénéficie du soutien d’un fonds Delta spécifique, qui fournit les ressources financières nécessaires à sa mise en œuvre (OCDE, 2014[7]).
Des études complémentaires sont nécessaires pour évaluer si les plans de gestion des bassins hydrographiques intègrent l’évolution de paramètres influant sur les disponibilités en eau et l’utilisation de la ressource ainsi que l’exposition à des risques liés à l’eau (voir aussi le chapitre 3), si ces plans sont en phase avec ceux établis dans d’autres domaines (par exemple l’occupation des sols et l’aménagement urbain, le développement agricole, l’approvisionnement énergétique), s’ils sont appuyés par des stratégies financières solides, et s’ils commandent les décisions prises en matière de gestion de l’eau et d’investissement.
2.3. Interactions entre la gestion des eaux souterraines et de surface
Parallèlement à une planification à long terme, la Recommandation appelle les Adhérents à favoriser « une gestion combinée des eaux souterraines et de surface ».
C’est ce que fait l’Australie avec son initiative nationale de réforme de l’eau (National Water Initiative, NWI) qui a été adoptée durant une sécheresse prolongée (1996-2010). La NWI prend acte des liens existant entre les eaux de surface et les eaux souterraines et appelle à gérer ces systèmes de manière combinée (OCDE, 2018[8]). Elle rappelle également que les autorités compétentes doivent veiller à ce que la gestion des débits écologiques locaux et les objectifs environnementaux locaux (par exemple en matière de qualité de l’eau, d’habitats et de lutte contre les ravageurs) soient cohérents entre cours d’eau complémentaires (OCDE, 2019[4]). La bonne application de ce principe est visible au niveau local. Aux États-Unis par exemple, l’une des administrations chargées de gérer les ressources et les infrastructures hydrauliques en Californie, le Arvin Edison Water Storage District, a adopté ce type de gestion combinée. Elle stocke de l’eau dans le sous-sol durant les années pluvieuses et la repompe en surface pendant les saisons sèches, ce qui procure aux usagers des avantages mesurables (OCDE, 2015[9]).
2.4. Examens et mises à jour
Le Conseil recommande également que les plans de gestion de l’eau à long terme fassent l’objet « d’examens réguliers et de mises à jour ». Cette idée est illustrée aussi dans les Principes de l’OCDE sur la gouvernance de l’eau (chapitre 6), qui appellent à suivre et évaluer régulièrement les politiques de l’eau. La section qui suit présente des exemples au niveau national, qui sont applicables également à tous les niveaux de la gouvernance.
L’immense majorité des répondants, à savoir 92 % de ceux ayant répondu « oui » à la question sur l’existence d’un plan national de gestion de l’eau dans l’enquête de suivi 2019 de l’OCDE, doivent rendre compte de la mise en œuvre du plan ou de l’équivalent (pour les pays ayant des plans à un échelon infranational). Sur les répondants tenus à une obligation de ce type, 72 % ont des objectifs quantitatifs fixés pour suivre la mise en œuvre du plan (Graphique 2.3). L’UE impose à ses États membres de procéder à un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de leurs plans de gestion des districts hydrographiques, qui sont actualisés tous les six ans. En plus de le faire pour ses 25 plans de gestion de district hydrographique, l’Espagne publie un rapport annuel dans le cadre de cet exercice de communication de rapport. Certains pays, dont la France, rendent aussi compte d’objectifs qualitatifs.
2.5. Consultation des parties prenantes
Enfin, en ce qui concerne la planification de la gestion de l’eau à long terme et la gestion combinée des eaux, la Recommandation indique à propos des politiques de l’eau qu’« il serait utile de les soumettre à la consultation des parties prenantes ». Cette phrase fait écho au principe 10 de la section 6 de la Recommandation, qui encourage la participation des parties prenantes à la gestion de l’eau d’une manière générale.
Il existe de plus en plus d’exemples de lois, règlements, lignes directrices et normes qui établissent un cadre formel à la participation des parties prenantes afin d’encourager la communication d’informations, la coopération, la consultation ou la sensibilisation en matière de procédures et de règles opérationnelles. Ainsi, en vertu de l’article 14 de la directive-cadre sur l’eau de l’UE, des consultations avec le public doivent être organisées durant les différentes étapes d’élaboration des plans de gestion de district hydrographique. En Allemagne, l’État du Baden-Würtemberg a impliqué les principales parties prenantes dans l’établissement d’un plan de gestion de l’eau au moyen de plus de 70 événements locaux.
Des obstacles demeurent néanmoins dans la pratique, notamment le phénomène de lassitude que les consultations peuvent susciter, dû souvent au manque de clarté sur la manière d’utiliser les contributions des parties prenantes dans le processus décisionnel et la mise en œuvre. Les autres difficultés identifiées sont notamment le manque de temps, de personnel et de financements, le fait que les cadres juridiques soient peu propices, la surreprésentation de certaines catégories de personnes dans les consultations, le niveau de capacités insuffisant, le manque d’intérêt et de sensibilisation du public, l’asymétrie de l’information, la fragmentation des structures institutionnelles, et la complexité des problèmes (OCDE, 2015[10]).
2.6. Gestion conjointe de la quantité et de la qualité des ressources en eau
Le Conseil recommande que les Adhérents conçoivent et mettent en œuvre des politiques de l’eau qui « encouragent à gérer à la fois les volumes et la qualité de l’eau et prêtent attention aux caractéristiques hydromorphologiques et à la variabilité des masses d’eau dans le temps, dans la mesure où ces aspects ont des répercussions sur la quantité et la qualité de l’eau, les catastrophes liées à l’eau et les écosystèmes aquatiques ».
L’enquête de suivi 2019 de l’OCDE montre que les pays ont adopté des plans nationaux de gestion de l’eau intégrant de nombreux aspects différents, afin d’assurer une coordination entre les mesures prises dans le domaine de l’eau (Graphique 2.4). Ils couvrent habituellement la quantité et la qualité des ressources en eau, l’exposition aux risques liés à l’eau, l’accès aux services d’eau et d’assainissement ainsi que les investissements dans des infrastructures.
Dans la directive-cadre sur l’eau de l’UE, la gestion conjointe de la quantité et de la qualité des ressources en eau est encouragée par le biais des plans de gestion de district hydrographique. Ces plans indiquent de manière détaillée la manière dont les objectifs fixés pour le district hydrographique (sur l’état écologique, l’état quantitatif, l’état chimique et les aires protégées) seront atteints. L’état écologique est fondé sur des éléments de qualité biologique et des éléments de qualité physico-chimique et hydromorphologique (Union européenne, 2000[1]). En Israël, la qualité et la quantité d’eau sont intrinsèquement liées dans la gestion des ressources hydriques : l’eau de mer dessalée y est une source essentielle d'alimentation en eau et les eaux usées épurées sont très utilisées pour l’irrigation, afin de réduire les besoins de prélèvement d’eau douce des aquifères et des masses d’eau de surface. La coordination est assurée par le Conseil du service des eaux, créé en 2007, qui prend toutes les décisions et définit les politiques du Services des eaux israélien.
Les solutions fondées sur la nature (SFN) offrent des possibilités prometteuses pour gérer la ressource sur le plan tant quantitatif que qualitatif. Par exemple, l’initiative Upstream Thinking de gestion des captages au Royaume-Uni a permis de restaurer plus de 2 000 hectares de terres sensibles dans la région de l’Exmoor entre 2010 et 2015 afin d’améliorer les tourbières et la biodiversité, et de réduire la charge solide et le risque d’inondation en aval. Elle doit bénéficier à 15 installations d’épuration des eaux qui fournissent 72 % de la quantité d’eau distribuée chaque jour aux clients de la région (OCDE, 2017[11]). L’utilisation des solutions fondées sur la nature est encouragée en Europe, notamment via le programme-cadre Horizon 2020 pour la recherche et l’innovation qui a alloué quelque 185 millions EUR à des programmes de recherche et des projets pilotes entre 2014 et 2020 (Parlement européen, 2017[12]).
Des comités interinstitutionnels peuvent aider à gérer divers enjeux en rapport avec l’eau et garantir la cohérence entre les mesures prises par les différentes autorités nationales chargées de l’eau et des autres domaines de l’action publique. En Irlande, le Water Policy Advisory Committee (comité consultatif sur la politique de l’eau) assure la coordination entre la directive-cadre sur l’eau de l’UE et les autres directives, notamment la directive Inondations et la directive-cadre pour le milieu marin. Au Costa Rica, il existe des comités sur l’hydrologie et la météorologie, les eaux souterraines, les eaux de surface et les eaux usées. Certains pays ont réuni les attributions en matière d’eau et d’environnement, par exemple certains États du Brésil. En Corée, la loi sur l’organisation de l’État adoptée en juin 2018 rassemble au sein du ministère de l’Environnement la grande majorité des missions de gestion de la quantité et de la qualité des ressources en eau (OCDE, 2018[13]) (Encadré 2.1). Le chapitre 6 présente d’autres arrangements favorisant la cohérence des politiques politiques en ce qui concerne la gestion de l’eau.
Encadré 2.1. Une réforme nationale pour remédier aux déficiences de la gestion nationale de l’eau sur le plan institutionnel et financier en Corée
Pour remédier aux déficiences de ses politiques nationales de gestion de l’eau sur le plan institutionnel et financier, la Corée a adopté une réforme visant à mettre en place une gestion intégrée de l’eau. En 2018, la loi sur l’organisation de l’État a été amendée pour transférer au ministère de l’Environnement les compétences en matière de préservation, utilisation et développement des ressources en eau qui étaient auparavant dévolues au ministère du Territoire, des Infrastructures et des Transports. À cette occasion, 188 fonctionnaires de ce dernier ministère, avec un budget supérieur à 500 millions USD affecté à la gestion quantitative de l’eau, et 5 878 employés de la compagnie des eaux K-water (d’une valorisation d’environ 9 milliards USD) ont été transférés au ministère de l’Environnement. Ont également été intégrées à celui-ci les autorités chargées de superviser la quantité et la qualité des eaux souterraines ainsi que la gestion des ouvrages hydrauliques locaux et multirégionaux.
De plus, la loi-cadre sur la gestion de l’eau a été adoptée en 2018 pour la première fois dans l’histoire de la Corée. Elle pose les fondements juridiques d’une gestion intégrée de l’eau englobant les aspects quantitatifs et qualitatifs de la ressource. Cette loi-cadre en vigueur depuis juin 2019 énonce 12 principes fondamentaux de la gestion de l’eau, notamment le caractère public de l’eau, un cycle de l’eau rationnel, la gestion par bassin, la gestion intégrée de l’eau, la gestion de la demande d’eau, la prise en compte du changement climatique, et la participation multipartite parallèlement au plan-directeur national pour la gestion de l’eau et aux plans détaillés de gestion de l’eau par bassin.
À la suite de l’adoption de la loi-cadre sur la gestion de l’eau, la commission présidentielle sur l’eau et 4 commissions de bassin ont été créées. Placée sous l’autorité du Bureau de la Présidence, la commission présidentielle sur l’eau est présidée par le Premier ministre, et un expert civil nommé par le Président. Une majorité de membres de la commission doivent être des personnalités civiles non membres de droit, et un ratio hommes-femmes approprié doit être respecté.
Le plan-directeur national pour la gestion de l’eau applicable à la prochaine décennie, qui représente la première initiative de coordination des stratégies de gestion de l’eau entre administrations de l’histoire du pays, et les plans détaillés de gestion de l’eau par bassin, devraient être achevés d’ici juin 2021 et juin 2022, respectivement. Ces plans devront être ajustés en fonction des résultats d’une évaluation qui sera réalisée tous les 5 ans, et leur mise en œuvre fera l’objet d’un suivi annuel. Les commissions présidentielles de gestion de l’eau et de bassin seront chargées d’examiner et coordonner plusieurs lois et plans définis par les ministères et les administrations locales du pays afin d'assurer la cohérence et l'efficacité des politiques.
2.7. Réponse aux pratiques, tendances et évolutions influant sur la disponibilité et la demande d’eau et sur les risques liés à l’eau
En dehors de la gestion conjointe de la quantité et de la qualité des ressources en eau, le Conseil recommande que les Adhérents « s’attaquent aux pratiques, aux tendances et aux évolutions qui influent sur la disponibilité et la demande d’eau et sur l’exposition et la vulnérabilité aux risques liés à l’eau ; et tiennent compte de leurs conséquences économiques, sociales et environnementales plus larges, à différentes échelles ». On trouvera plus de détails sur la gestion quantitative de l’eau au chapitre 3, sur les risques liés à l’eau au chapitre 5, et sur les instruments de tarification au chapitre 8.
2.8. Promotion de la mise au point et de la diffusion d’innovations
Le Conseil recommande que les Adhérents conçoivent et mettent en œuvre des politiques de l’eau qui « facilitent la mise au point et la diffusion de modes de gestion de l’eau innovants et plus efficients, fondés sur des innovations techniques ou non techniques ».
Des innovations techniques existent dans différents domaines en rapport avec l’eau, notamment la réduction de la pollution (l'épuration des eaux usées, par exemple), la gestion de la demande (l’économie d’eau dans les intérieurs ou dans l’irrigation, par exemple l’irrigation localisée ou les technologies de prévention des fuites) et la gestion de l’offre (la récupération de l’eau de pluie, le dessalement de l’eau de mer et de l’eau saumâtre, par exemple) (Haščič et Migotto, 2015[16]). Il existe aussi des innovations techniques dans les technologies de l’information et de la communication (TIC), telles que les compteurs intelligents, qui sont intéressantes pour le secteur de l’eau (Encadré 2.2).
Les données sur les brevets déposés dans le domaine de l’eau, utilisées pour étudier la mise au point d’inventions, montrent que plusieurs pays Adhérents sont à la pointe de l’innovation en matière d’eau, à savoir les États-Unis, qui représentent plus de 30 % des brevets sur des technologies en rapport avec l’eau déposés dans le monde entre 1990 et 2015, suivis de la Corée, de l’Allemagne et du Japon (Tableau 2.1). La part de la Corée dans les dépôts de brevet a fortement augmenté, qu’il s'agisse des technologies dans le domaine de l’eau ou des autres types de technologie. Pour les technologies en rapport avec l’eau, elle est passée de moins de 1 % en 1990 à plus d’un quart des brevets déposés dans le monde depuis 2009. Il est à noter également qu’Israël affiche le plus grand pourcentage de brevets sur la demande d’eau, et un pourcentage relativement plus élevé d’inventions très intéressantes pouvant être transférées à d’autres pays (Leflaive, Krieble et Smythe, 2020[17]).
Tableau 2.1. Principaux pays inventeurs de technologies dans le domaine de l’eau, 1990-2015
Pays |
États-Unis |
Corée |
Allemagne |
Japon |
Royaume-Uni |
France |
Canada |
Suisse |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Pourcentage des brevets déposés dans le monde sur des technologies en rapport avec l’eau |
30.90 % |
14.50% |
12.00% |
6.90% |
4.60% |
4.00% |
2.50% |
1.90% |
Avantage technologique relatif (ATR) |
1.14 |
0.97 |
1.22 |
0.48 |
1.85 |
1.55 |
1.45 |
2.05 |
Note : Les inventions brevetées en rapport avec l’eau portent sur la réduction de la pollution de l’eau ou les technologies axées sur la demande ou l’offre.
Source : (Leflaive, Krieble et Smythe, 2020[17]).
Si l’on considère l’avantage technologique relatif (ATR), qui mesure le degré de spécialisation d’un pays dans un domaine technologique particulier, la Suisse a un ATR de 2.05, qui indique que le pays est relativement spécialisé dans les technologies relatives à la sécurité hydrique par rapport à d’autres domaines. À l’inverse, avec un ATR de 0.48, le Japon possède proportionnellement moins de brevets dans le domaine de l’eau que dans d’autres domaines d’invention. Certains pays Adhérents, comme le Chili ou l’Australie, sont hautement spécialisés dans les technologies en rapport avec l’eau, qui représentent une part importante de leurs brevets déposés au niveau national. Ils figurent en tête à la fois comme pays inventeurs et comme marchés potentiels pour la technologie brevetée (Leflaive, Krieble et Smythe, 2020[17]). Les dynamiques différentes observées entre les pays, et la relative spécialisation de certains d’entre eux, indiquent que les Adhérents conçoivent et mettent en œuvre des stratégies diverses pour favoriser et accélérer la mise au point d’innovations dans le domaine de l’eau.
Les pays ont aussi recours à des mécanismes différents pour faciliter la diffusion des innovations en rapport avec l’eau. Certains constituent des groupes chargés de transférer les connaissances et les données accessibles au public. Par exemple, la Nouvelle-Zélande a mis en place un groupe consultatif pour les sciences et les techniques (le Science and Technical Advisory Group) afin de superviser les données scientifiques servant de référence pour élaborer les politiques publiques en matière d’eau douce, et créé le LAWA (Land Air Water Aotearoa), une plateforme de communication de données et d’informations sur l’environnement destinée à aider les communautés à trouver un juste compromis entre l’utilisation des ressources naturelles et le maintien de la qualité de l’eau et de la disponibilité de la ressource. La Commission européenne a établi une plateforme de connaissances sur l’agriculture et la gestion de l’eau, qui vise à fournir des liens vers des informations issues de la recherche dans ce domaine.3
La mise au point et le déploiement de réseaux d’eau intelligents ont été encouragés par un certain nombre d’Adhérents, dont l’Australie, la France, Israël, la Corée et les Pays-Bas, ainsi que par des entités infranationales (les États de l’Arizona et de la Californie aux États-Unis, et la province de l’Ontario au Canada). Leur déploiement s’est accompagné de réformes de la tarification de l’eau et de mesures destinées à encourager une utilisation efficiente de la ressource. Dans l’Arizona, les compagnies de distribution ont adopté des compteurs d’eau intelligents permettant aux clients de suivre leur consommation. De nouvelles entreprises utilisant des technologies intelligentes ont vu le jour dans l’Ontario et en Israël. En France, les mesures d’incitation destinées à réduire les fuites dans les réseaux d’eau et d’assainissement ont conduit à multiplier les compteurs intelligents et les investissements dans la surveillance des données afin de détecter et de localiser les anomalies en temps réel (OCDE, 2017[2]).
Des innovations non techniques peuvent favoriser des changements de comportement aboutissant à une utilisation plus efficiente de l’eau (voir la section Promouvoir l'efficacité de l'utilisation de l'eau).
Encadré 2.2. Science citoyenne et mobilisation du public : des outils pour améliorer l’information sur l’eau
La science citoyenne, c’est-à-dire la participation des citoyens à la recherche scientifique et/ou à la production de connaissances, représente une nouvelle source de données non traditionnelle pouvant jouer un rôle important dans la surveillance des ressources en eau. Le développement de nouvelles technologies comme les applis des téléphones portables et les réseaux sociaux a élargi les possibilités de contribution des citoyens, permettant aux scientifiques de traiter des volumes de données beaucoup plus importants qu’auparavant. On trouve aujourd’hui de nombreux exemples de projets de science citoyenne couvrant des domaines très divers, notamment le secteur de l’eau, aux quatre coins du monde. Ainsi, SciStarter.org est un moteur de recherche sur les projets de science citoyenne, et un inventaire des activités de science citoyenne menées en Europe dans le domaine environnemental a été publié récemment.
Plusieurs applications mobiles ont été développées pour faciliter la participation des citoyens à la collecte et à la transmission d’informations dans le but de surveiller les ressources en eau. Par exemple, Ciclop’s EyeOnWater et Earthwatch’s FreshWater Watch permettent à des bénévoles de transmettre des données sur la couleur des eaux littorales ; ces données constituent un indicateur d’eutrophisation simple et accessible qui peut être utilisé parallèlement à des données de télédétection. La NASA étudie la possibilité d’exploiter des photos aériennes prises depuis des aéronefs de l’aviation générale pour évaluer le niveau d’eutrophisation. Une comparaison entre les données communiquées par les citoyens et celles recueillies par les organismes chargés de la surveillance de la qualité des eaux au Royaume-Uni montre que les données de FreshWater Watch complètent les données officielles de surveillance de l’environnement en comblant des lacunes dans le maillage spatial et temporel, ainsi que dans les types de masses d’eau étudiées.
Même si tous les programmes de science citoyenne ne sont pas conçus pour éclairer l’action publique ou ne s’y prêtent pas, il est essentiel de comprendre et de favoriser au maximum les conditions dans lesquelles les responsables publics peuvent faire appel à la science citoyenne pour participer à l'accumulation mondiale d’informations locales indispensable pour relever les défis à venir dans le domaine de l’eau.
Source : (OCDE, 2019[6]); (OCDE, FAO, IIASA, 2020[18])
Références
[16] Haščič, I. et M. Migotto (2015), « Measuring environmental innovation using patent data », Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, n° 89, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5js009kf48xw-en.
[17] Leflaive, X., B. Krieble et H. Smythe (2020), « Trends in water-related technological innovation: Insights from patent data », Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, n° 161, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/821c01f2-en.
[6] OCDE (2019), Atelier de l’OCDE sur la mise en œuvre de la Recommandation de l’OCDE sur l’eau 14 octobre 2019, Paris.
[5] OCDE (2019), OECD Environmental Performance Reviews: Turkey 2019, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/405578df-fr.
[4] OCDE (2019), OECD Environmental Performance Reviews: Australia 2019, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264310452-en.
[8] OCDE (2018), Implementing the OECD Principles on Water Governance: Indicator Framework and Evolving Practices, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264292659-en.
[13] OCDE (2018), Managing the Water-Energy-Land-Food Nexus in Korea: Policies and Governance Options, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264306523-en.
[11] OCDE (2017), Diffuse Pollution, Degraded Waters: Emerging Policy Solutions, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264269064-en.
[2] OCDE (2017), Enhancing Water Use Efficiency in Korea: Policy Issues and Recommendations, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264281707-en.
[9] OCDE (2015), Les périls du tarissement : Vers une utilisation durable des eaux souterraines en agriculture, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264248427-fr.
[10] OCDE (2015), Stakeholder Engagement for Inclusive Water Governance, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264231122-en.
[7] OCDE (2014), L’eau et l’adaptation au changement climatique : Des politiques pour naviguer en eaux inconnues, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264200647-fr.
[18] OCDE, FAO, IIASA (2020), Towards a G20 Action Plan on Water. Background note to the G20 Saudi Presidency.
[12] Parlement européen (2017), Nature-based solutions: Concept, opportunities and challenges, http://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document.html?reference=EPRS_BRI(2017)608796 (consulté le 29 octobre 2019).
[15] République de Corée (2020), Article 21 of the « Framework Act of Water Management ». 26 May 2020 (partial amendment), Ministère des Législations gouvernementales de la République de Corée.
[14] République de Corée (2019), Establishment of Integrated Water Management System, communiqué de presse, 23 janvier 2019.
[1] Union européenne (2000), « Directive-cadre européenne sur l’eau », dans Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, Union européenne, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:32000L0060.
[3] Union européenne (1991), « Directive de l’UE sur le traitement des eaux urbaines résiduaires », dans Directive du Conseil relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, Union européenne, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:31991L0271.
Notes
← 1. https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/explore-interactive-maps/water-framework-directive-2nd-rbmp
← 2. Pour plus d’informations : https://www.miteco.gob.es/es/agua/temas/planificacion-hidrologica/memoria_infoseg_2018_tcm30-482594.pdf
← 3. Enquête 2019 de l’OCDE sur l'évolution de l'action publique dans les domaines de l’agriculture et de l’eau.