Depuis la révolution de la dignité et de l’accord d’association signé entre l’Union européénne et l’Union européenne et l’Ukraine en 2014, l’Ukraine a accéléré ses efforts pour répondre aux défis environnementaux et s’est engagée sur la voie de la transformation verte de son développement économique.
Les progrès économiques et environnementaux accomplis sont cependant mis à mal depuis le début de l’invasion russe, et les espoirs de voir s’instaurer une économie verte et durable en Ukraine reculent.
La guerre a infligé à l’environnement des dommages considérables et graves, avec des conséquences immédiates et à plus long terme sur la santé humaine, les écosystèmes, l’économie ukrainienne et au-delà.
Les autorités travaillent actuellement à mettre au point un plan de redressement et de développement d’après-conflit conforme aux principes de l’économie verte et du développement à faibles émissions.
Dans l’immédiat, l’Ukraine devrait s’attacher en priorité à éliminer ou réduire les risques immédiats que la guerre fait peser sur la santé humaine et l’environnement.
À plus long terme, la reconstruction « verte » d’après-conflit ne saurait être considérée comme un « plus » souhaitable quoique facultatif, mais au contraire comme une nécessité économique en vue de la transformation radicale de l’Ukraine en une économie verte à zéro émission nette.
Conséquences environnementales de la guerre en Ukraine et perspectives pour une reconstruction verte
Messages clés
Contexte et principaux enjeux
À la proclamation de son indépendance en 1991, l’Ukraine a hérité de l’Union soviétique une structure économique dominée par des secteurs fortement consommateurs d’énergie et de ressources et très polluants, caractérisée par des technologies dépassées dans les activités minières et métallurgiques, des logements à faible efficacité énergétique et des systèmes de transport obsolètes. Pour une grande part, la production d’électricité, l’industrie sidérurgique et les systèmes de chauffage urbain dépendaient fortement du charbon et du gaz naturel, en grande partie importés de Russie. C’est ainsi que l’Ukraine a continué d’afficher des niveaux d’intensité énergétique et d’intensité de CO2 plus élevés que tous ses voisins, et bien supérieurs à ceux des États membres de l’Union européenne.1 En raison de la part importante de la population exposée à la pollution de l’air imputable à l’industrie lourde et à l’essor rapide des transports, avec un parc de véhicules vieillissant, la mortalité liée à la pollution atmosphérique en Ukraine est restée élevée par rapport aux taux observés dans les pays de l’OCDE.2 Les ressources en eau relativement abondantes du pays ont été mises en tension par la pollution industrielle, agricole et domestique. La dégradation des terres agricoles s’est poursuivie tandis que la superficie couverte par les forêts s’est amenuisée.
Depuis la révolution de la dignité et l’accord d’association signé entre l’Union européenne et l’Ukraine en 2014, le pays a accéléré ses efforts pour s’attaquer à ces défis environnementaux. Le pays a pris toute une série de mesures pour restaurer et préserver son capital naturel, intégrer les préoccupations environnementales dans son développement économique et accélérer sa transition sur la voie d’une économie verte et sobre en carbone. La Stratégie de politique environnementale nationale de l’Ukraine jusqu’à 2030 et son Plan d’action d’ici à 2025 fixent des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des pollutions et d’efficience dans l’utilisation des ressources naturelles. La Contribution déterminée au niveau national actualisée de l’Ukraine l’engage par ailleurs à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) jusqu’en 2030.3 Des plans visant à mettre un terme à l’extraction houillère d’une manière qui soit socialement responsable ont été lancés, doublés d’efforts pour améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.4 L’Ukraine a de surcroît réalisé des avancées importantes en matière de libéralisation partielle des tarifs du gaz et de réduction des subventions aux combustibles fossiles nuisibles à l’environnement. Des systèmes assez complets de mesure des progrès accomplis dans la mise en œuvre des politiques environnementales et l’écologisation de l’économie ukrainienne ont également été mis en place.5 Les efforts de l’Ukraine pour verdir son économie sont soutenus par ses partenaires internationaux, dont l’OCDE. 6
D’importantes mesures ont été prises pour réformer la gouvernance environnementale de l’Ukraine, tandis que la législation environnementale a été réformée dans le respect étroit de l’acquis environnemental de l’Union européenne, conformément aux dispositions de l’accord d’association. Des efforts ont été déployés pour engager les ministères sectoriels et les entreprises dans la transition verte. Avec la création d’un organe interministériel chargé de mettre en œuvre en Ukraine le Pacte vert pour l’Europe, dirigé par le Vice-premier ministre, le pays s’est doté d’un mécanisme important pour la coordination intersectorielle sur l’agenda vert.
Ces efforts de réforme ont commencé à produire des résultats tangibles. Les niveaux de productivité de l’économie concernant l’énergie, le CO2 et l’eau ont progressé respectivement de 51, 42 et 28 % sur la période 2010-19/20, tandis que le taux de raccordement aux réseaux d’assainissement a été multiplié par deux pour atteindre 64 % de la population.7 La part des énergies renouvelables dans l’approvisionnement total en énergie primaire a plus que doublé sur la période, tout comme leur part dans la consommation finale d’énergie, qui s’élevait à 7.4 % du total en 2019. La part des espaces protégés a progressé pour atteindre près de 7 % de la superficie totale du pays en 2020 (Graphique 1).
Les progrès économiques et environnementaux accomplis sont néanmoins mis à mal depuis le début de l’agression à grande échelle par la Russie, et les espoirs de voir émerger une Ukraine indépendante, verte et durable reculent. Les pertes en vies humaines se comptent par dizaines de milliers depuis le début du conflit et la crise humanitaire qu’il a déclenché touche un nombre considérable de personnes, assiégées ou déplacées à l’intérieur du pays ou à l’étranger.8 Les conséquences économiques sont également considérables. Selon des estimations récentes, les dommages causés aux infrastructures, aux logements et aux bâtiments non résidentiels se chiffrent à plus de 100 milliards USD, avec des habitations, des routes et des voies ferrées, ainsi que des terres agricoles et autres capacités de production largement détruites.9
Quelles sont les répercussions ?
L’environnement, les ressources naturelles et les infrastructures n’ont pas été épargnés par la guerre. Le pilonnage des forêts, des écosystèmes terrestres et marins, des installations industrielles, des infrastructures de transport et des habitations mais aussi des infrastructures d’approvisionnement en eau, d’assainissement et de gestion des déchets, a provoqué d’immenses et graves dégâts, avec des conséquences immédiates et à plus long terme sur la santé humaine et les écosystèmes (Encadré 1).
Encadré 1. Incidences environnementales de la guerre : quelques exemples
Avec le barrage constant de frappes sur les raffineries, les usines chimiques, les installations de production d’énergie, les dépôts industriels et les pipelines, l’air, l’eau et le sol du pays sont pollués par des substances toxiques ou à la suite d’incendies et d’effondrements de bâtiments, laissant planer la menace de conséquences à plus long terme sur le plan sanitaire, avec par exemple des risques accrus de cancers et de maladies respiratoires.10 Nombre de ces problèmes peuvent être considérés comme dépassant les frontières, de sorte que les effets ne se feront pas seulement sentir en Ukraine, mais que de graves risques existent collectivement pour la santé publique. Chaque jour, les autorités ukrainiennes enregistrent des cas d’exposition à des gaz toxiques libérés par des explosions, y compris au-delà des frontières du pays.
En raison des dommages causés aux infrastructures d’approvisionnement en eau, on estime que 1.4 million d’Ukrainiens sont actuellement totalement privés d’eau potable et que 4.6 millions d’autres n’y ont accès que de façon restreinte. Par exemple, les canalisations en provenance du Dniepr qui alimentent en eau la ville de Mykolaïv ont été gravement endommagées par les bombardements, coupant l’accès à l’eau potable durant trois semaines, jusqu’à ce qu’un acheminement soit établi depuis les régions voisines pour satisfaire les besoins essentiels. Depuis le 1er juin, l’Ukraine a mis en place une surveillance épidémiologique renforcée des cas présentant des symptômes de choléra.
Les opérations militaires ont également entraîné une augmentation considérable des volumes de déchets. Véhicules et équipements militaires endommagés ou abandonnés, fragments d’obus, véhicules civils, décombres de bâtiments, déchets ménagers et médicaux non collectés, etc., la liste est longue. Certains d’entre eux, notamment les fragments d’obus, les déchets médicaux ainsi que les décombres contenant de l’amiante, des polychlorobiphényles (PCB) et des métaux lourds, sont toxiques et leur manipulation, leur transport et leur élimination nécessiteront des procédures spécifiques.
La nature et les écosystèmes payent également un lourd tribut. Selon les estimations des autorités ukrainiennes, quelque 900 zones naturelles protégées d’Ukraine ont été affectées par les activités militaires de la Russie, et 1.2 million d’hectares, soit environ 30 % de l’ensemble des espaces protégés du pays, souffrent des effets de la guerre.11 Des forêts ont été anéanties par les incendies provoqués par les bombardements et par les agissements des forces russes, et beaucoup sont jonchées de véhicules militaires détruits ou abandonnés.
L’armement utilisé, avec ses effets potentiels importants et à long terme sur la santé environnementale, a inévitablement des impacts négatifs graves. Les risques directs pour la santé publique sont liés à l’exposition aux substances dangereuses contenues dans les restes de munitions, qui laissent échapper des matières toxiques dans le sol et affectent la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines. Les métaux lourds que contiennent les munitions, les composés énergétiques, tels que le trinitrotoluène (TNT), l’hexogène (RDX), et les propergols des missiles et des roquettes, sont aussi des éléments de risque.12 Les nombreux véhicules militaires abandonnés ou endommagés renferment des matériaux toxiques qui présentent des risques pour les civils et pour l’environnement, et qui devront être manipulés avec précaution lors des opérations de collecte et d’élimination.
Si les dommages environnementaux sont évidents, leur ampleur est néanmoins difficile à mesurer. 13 La pollution causée par les activités militaires n’est pas recensée, les systèmes de surveillance ayant été mis à l’arrêt ou détruits, et les dommages continuent d’augmenter. Dès le début de la guerre, plusieurs outils ont été mis en place par les autorités pour documenter les dommages environnementaux subis, notamment grâce à un tableau de bord de suivi des impacts de la guerre sur l’environnement, « EcoZagroza »14, et aux travaux de l’Inspection environnementale de l’État, qui a répertorié à ce jour plus de 250 cas de crimes contre l’environnement et plus de 1 200 cas de dommages à l’environnement liés à l’agression15. Des unités spéciales sont chargées de rassembler des éléments de preuve, sous la forme notamment de photos, de vidéos et d’images satellite et, lorsqu’elles le peuvent, d’échantillons d’air et de sol qui pourront être analysés en laboratoire. Un travail a été engagé pour élaborer des méthodologies permettant de calculer la valeur monétaire des dommages causés à l’environnement.
Quelles sont les perspectives ?
La reconstruction d’après-conflit sera une tâche monumentale, impliquant un effort global, bien coordonné et solidement financé. L’Ukraine a déjà mis en place un Conseil national pour le redressement d’après-conflit, chargé d’élaborer un plan de redressement et de développement post-conflit à l’échelle nationale. L’élaboration du plan est étayée par l’excellente coopération et les capacités institutionnelles remarquables dont font preuve les autorités ukrainiennes tous niveaux confondus, les municipalités, les entreprises ainsi que la société civile.
Le plan de redressement et de développement d’après-conflit est conforme aux principes de l’économie verte et du développement à faibles émissions. Un groupe de travail sur la « sécurité environnementale », constitué pour élaborer des propositions au titre de ce plan, a identifié cinq domaines prioritaires : i) la réforme de l’administration publique en charge de l’environnement ; ii) la politique d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ; iii) la sécurité environnementale et la gestion efficace des déchets ; iv) l’utilisation durable des ressources naturelles ; et v) la conservation des écosystèmes naturels, la préservation de la diversité biologique et la restauration et le développement des zones protégées.
Le plan prévoit des priorités à court et à long terme, qui reflètent les contributions issues d’un vaste processus de consultation des parties prenantes. L’effort de développement de l’après-conflit doit en effet recueillir l’adhésion des parties prenantes ukrainiennes, et associer toutes les autorités nationales et infranationales compétentes, les experts et les représentants du secteur des affaires ainsi que les citoyens. Une coopération et une coordination étroites avec les pays fournisseurs d’aide, les organisations internationales et les institutions financières internationales sont également indispensables pour mobiliser l’expertise et les ressources financières nécessaires à la reconstruction, dans le respect des priorités environnementales identifiées plus haut.
À court terme, il importe que l’Ukraine concentre son action sur l’élimination et la réduction des risques immédiats que les conséquences de la guerre font peser sur la santé humaine et l’environnement. La préparation et la mise en œuvre d’un effort général de dépollution de l’environnement, notamment concernant la collecte, le traitement et l’élimination en toute sécurité de la grande quantité de déchets militaires et autres, contribueront à réduire les risques sanitaires immédiats. En parallèle, l’urgence sera de réparer et de reconstruire des infrastructures environnementales plus efficaces pour assurer l’approvisionnement en eau potable, une infrastructure d’assainissement adéquate et des mécanismes appropriés de collecte, stockage et traitement des déchets. La hiérarchisation des actions doit être déterminée en fonction des répercussions existantes et potentielles sur la santé humaine.
À plus long terme, le processus de développement économique d’après-conflit devrait permettre d’étayer la transformation fondamentale de l’Ukraine en une économie verte à zéro émission nette. La reconstruction ne doit pas aboutir à recréer l’économie telle qu’elle se présentait avant-guerre, basée sur les combustibles fossiles, inefficace sur le plan énergétique et très polluante. Il convient en priorité d’ajuster la structure économique via la construction d’industries et de systèmes de transport plus efficaces sur le plan énergétique et moins polluants. La reconstruction du parc immobilier, des écoles et des hôpitaux devrait également permettre d’en améliorer l’efficacité énergétique et recourir à des matériaux décarbonés (Graphique 2).16 Il sera important de formuler clairement et d’énoncer explicitement le double objectif consistant à réduire la dépendance aux combustibles fossiles, et à intégrer en priorité la transition verte et la durabilité à long terme dans tous les aspects du développement économique d’après-conflit. Cette vision doit couvrir non seulement les zones les plus touchées par la guerre, mais aussi l’ensemble du territoire ukrainien.
Les politiques et réglementations en matière de protection de l’environnement sont également cruciales pour contribuer à la transformation verte de l’économie. Elles devraient être plus souples, fondées sur les risques, axées sur les résultats, déterminées par les données et cohérentes, avec des procédures plus simples, afin de permettre que les objectifs environnementaux soient effectivement atteints et que la charge et les obstacles administratifs soient réduits au minimum.17 L’accord d’association signé entre l’Union européenne et l’Ukraine en 2014 comportait une liste exhaustive des mesures à prendre à cet égard. La toute récente décision du Conseil européen d’accorder le statut de pays candidat à l’Ukraine constitue une occasion importante d’accélérer les progrès en vue d’aligner le cadre juridique ukrainien sur l’acquis communautaire de l’UE et d’améliorer l’exécution réglementaire.
Pour promouvoir l’efficacité énergétique et matérielle et réduire la pollution, une étape importante consistera à réformer les réglementations et les normes de construction et d’exploitation, en particulier pour les gros pollueurs, dans le respect des bonnes pratiques de l’Union européenne et des pays de l’OCDE. 18 Recourir plus largement et plus systématiquement à de procédures d’évaluation environnementale rationalisées (comme les évaluations environnementales stratégiques des politiques, des plans et des programmes et les études d’impacts environnementaux des projets individuels) peut amener à envisager et à élaborer des solutions de rechange exerçant moins de pressions sur l’environnement. Une supervision et une réglementation rigoureuses sont également nécessaires pour garantir l’efficacité de l’action menée.19
Les réglementations techniques actualisées doivent être étayées par des mécanismes de marché respectant le principe pollueur-payeur de l’OCDE.20 Il convient en priorité de mettre en place es taxes et redevances liées à l’environnement ou de réformer celles qui existent, de supprimer les subventions aux combustibles fossiles nuisibles à l’environnement, et d’instaurer des systèmes d’échange de quotas d’émission et d’autres instruments fondés sur le marché qui fournissent des incitations économiques à respecter les exigences environnementales, voire à les dépasser lorsque cela est possible. Les analyses et recommandations de l’OCDE sur l’utilisation des instruments fondés sur le marché devraient être utiles à cet égard.
Garantir le financement durable de plans d’investissement vert cohérents et stratégiques est essentiel. Dans ce contexte, les flux financiers destinés aux investissements de reconstruction devront être dûment contrôlés et analysés afin de s’assurer qu’ils contribuent en même temps à la réalisation d’objectifs environnementaux et écologiques. La taxonomie de l’UE concernant les activités durables et les analyses de l’OCDE sur la mobilisation des financements et des investissements verts peuvent constituer une référence utile de ce point de vue. La constitution d’une réserve de projets d’investissements verts perçus comme rentables peut faciliter la mobilisation de financements privés nationaux et internationaux et de financements publics internationaux.21 Passer en revue les environnements réglementaires favorables, utiliser de manière appropriée les instruments économiques et renforcer la capacité à préparer des projets d’investissement sont autant d’actions susceptibles de contribuer à cet objectif.
Il faut poursuivre la modernisation des institutions environnementales aux niveaux national et infranational afin de se doter des capacités administratives requises pour planifier et mettre en œuvre des efforts de reconstruction écologiquement durables.22 La mise en place, sur une base ad hoc ou permanente, de comités interministériels et intersectoriels, de groupes de travail ou de groupes de réflexion, avec la participation des autorités environnementales, devrait contribuer à garantir que les principes relatifs à l’environnement et à la croissance verte se traduisent par des stratégies, politiques et plans d’action sectoriels cohérents. L’engagement de la société civile est également une composante importante du succès de la transformation d’après-conflit.
L’Ukraine sera confrontée à des défis lors de sa reconstruction et de sa transformation écologique. Ainsi, des pressions pourraient s’exercer dans l’optique de reconstruire rapidement avec les technologies existantes, en particulier si les coûts initiaux d’investissement dans d’autres solutions plus écologiques sont perçus comme plus élevés. L’Ukraine pourrait également avoir des difficultés à lever des fonds suffisants en vue d’une reconstruction écologiquement durable, sans parler des défis liés à la transparence et à l’efficacité de leur utilisation. Enfin, la pénurie de personnel qualifié affectera les capacités institutionnelles, car de nombreux experts ukrainiens font partie des personnes déplacées, souvent de façon définitive.
La reconstruction « verte » ne doit pas être considérée comme un « plus » souhaitable quoique facultatif, mais bien comme une nécessité économique pour le développement futur de l’Ukraine.23 La transition verte contribuera à une plus grande efficacité économique et à une compétitivité accrue de l’Ukraine sur les marchés européens et mondiaux. La reconstruction donne à l’Ukraine la possibilité d’adopter des technologies plus vertes, de réduire sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles et de s’orienter vers une économie à zéro émission nette.24
Encadré 2. Quelles sont les principales considérations pour les décideurs ?
À court terme, l’Ukraine devrait concentrer son action sur l’élimination et la réduction des risques immédiats pour la santé humaine et l’environnement. La préparation et la mise en œuvre d’un effort général de dépollution de l’environnement, notamment concernant la collecte, le traitement et l’élimination en toute sécurité de la grande quantité de déchets militaires et autres, contribueront à réduire les risques sanitaires immédiats.
L’urgence sera également de réparer et de reconstruire des infrastructures environnementales plus efficaces permettant d’assurer l’approvisionnement en eau potable, des modalités d’assainissement adéquates et des mécanismes appropriés de collecte, de stockage et de traitement des déchets. La hiérarchisation des actions doit être déterminée en fonction des répercussions existantes et potentielles sur la santé humaine.
À plus long terme, le processus de développement économique d’après-conflit devrait permettre d’étayer la transformation fondamentale de l’Ukraine en une économie verte et à zéro émission nette. La transition verte contribuera à une plus grande efficacité économique, à une compétitivité accrue de l’Ukraine sur les marchés européens et mondiaux et au bien-être de sa population.
Les réglementations, normes et règles techniques en matière d’environnement, ainsi que la transformation en profondeur de l’exécution réglementaire, sont indispensables pour qu’il soit possible d’atteindre efficacement les objectifs environnementaux tout en réduisant la charge administrative et les obstacles à l’investissement et à l’innovation. Cette évolution devrait également passer par un recours plus large au principe pollueur-payeur de l’OCDE.
Attendu que des fonds importants devraient être mobilisés pour soutenir les efforts de reconstruction, il faudra veiller à ce que les flux financiers contribuent également à la réalisation des objectifs environnementaux et écologiques.
L’Ukraine doit également poursuivre la modernisation des institutions environnementales aux niveaux national et infranational afin de se doter des capacités administratives requises pour planifier et mettre en œuvre des efforts de reconstruction durables sur le plan environnemental, et appliquer la réglementation de manière transparente, professionnelle, fondée sur les risques et axée sur les résultats.
Notes
← 1. EU4Environment (2022, à paraître), « Towards green transformation of Ukraine: State of Play in 2021 Monitoring progress based on the OECD green growth indicators ».
← 2. OCDE/OMS (2015), Economic cost of the health impact of air pollution in Europe Clean air, health and wealth, https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/276772/Economic-cost-health-impact-air-pollution-en.pdf
← 3. La Contribution déterminée au niveau national actualisée du pays, plan non contraignant de contribution à la réalisation des objectifs mondiaux de l’Accord de Paris, fixe à l’Ukraine l’objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 65 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2060.
← 4. Saha D. et al (2022), Economic reasons for a green reconstruction programme for Ukraine reforms, https://www.lowcarbonukraine.com/wp-content/uploads/PB_03_2022_en_Green-reconstruction.pdf et https://voxukraine.org/en/economic-reasons-for-a-green-reconstruction-programme-for-ukraine/
← 5. OCDE (2021), Fossil-Fuel Subsidies in the EU’s Eastern Partner Countries: Estimates and Recent Policy Developments
← 6. EU4Environment (2021), Towards a Green Economy in Ukraine: Work in Progress – 2019-20, https://www.eu4environment.org/app/uploads/2021/05/Ukraine-country-profile-2020-21-second-edition.pdf
← 7. EU4Environment (2022, à paraître), « Towards green transformation of Ukraine: State of Play in 2021 ‑ Monitoring progress based on the OECD green growth indicators ».
← 8. Actuellement, le nombre de réfugiés ukrainiens bénéficiant d’une protection temporaire ou d’un régime de protection national similaire en Europe s’élève à quelque 5.1 millions de personnes. Source : https://data.unhcr.org/en/situations/ukraine
← 9. Kyiv School of Economics (2022), Direct damage caused to Ukraine’s infrastructure during the war has reached over USD 105.5 billion, https://kse.ua/about-the-school/news/direct-damage-caused-to-ukraine-s-infrastructure-during-the-war-has-reached-over-105-5-billion/
← 10. Ministère de la protection de l’environnement et des ressources naturelles (2022), « Digest of the key consequences of Russian aggression on the Ukrainian environment for June 9-15, 2022 », https://mepr.gov.ua/news/39320.html
← 11. Ministère de la protection de l’environnement et des ressources naturelles (2022), « Damage to natural reserves and protected ecosystems », https://mepr.gov.ua/en/news/39144.html
← 12. PAX (2022), « Environment and Conflict Alert Ukraine: A first glimpse of the toxic toll of Russia’s invasion of Ukraine », https://paxforpeace.nl/news/overview/environment-and-conflict-alert-ukraine-a-first-glimpse-of-the-toxic-toll-of-russias-invasion-of-ukraine
← 13. Hakim S., Makuch, K. (2022), « Conflicts of Interest: The Environmental Costs of Modern War and Sanctions », https://www.rusi.org/explore-our-research/publications/commentary/conflicts-interest-environmental-costs-modern-war-and-sanctions
← 15. En vertu du code pénal ukrainien, « la destruction massive de la flore et de la faune, l’empoisonnement de l’air ou des ressources en eau, de même que tout autre acte susceptible de provoquer une catastrophe environnementale », constituent une infraction pénale.
← 16. Becker, T. et al (2022), A Blueprint for the Reconstruction of Ukraine, Centre for Economic Policy Research, London
← 17. OCDE (2021) – Recommandation sur la réglementation agile, https://www.oecd.org/mcm/Recommendation-for-Agile-Regulatory-Governance-to-Harness-Innovation.pdf
← 18. Commission européenne (2022), Ukraine : la Commission propose un plan pour une réponse immédiate de l’Union aux besoins de financement de l’Ukraine et pour sa reconstruction à plus long terme : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_3121
← 19. OCDE (2019), Boîte à outils de l’OCDE sur le contrôle et la mise en œuvre de la réglementation, https://www.oecd.org/fr/gov/politique-reglementaire/boite-a-outils-de-l-ocde-sur-le-controle-et-la-mise-en-uvre-de-la-reglementation-705e3dc1-fr.htm
← 20. OCDE (1992) Le principe pollueur-payeur : Analyses et Recommandations de l’OCDE, https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=OCDE/GD(92)81&docLanguage=Fr
← 21. Commission européenne (2022), Taxonomie de l’UE en ce qui concerne les activités durables : actions de l’UE pour créer un système de classification des activités durables à l’échelle européenne, https://ec.europa.eu/info/business-economy-euro/banking-and-finance/sustainable-finance/eu-taxonomy-sustainable-activities_en
← 22. Commission européenne (2022), Ukraine : la Commission propose un plan pour une réponse immédiate de l’Union aux besoins de financement de l’Ukraine et pour sa reconstruction à plus long terme: https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_22_3121
← 23. Saha D. et al (2022), Economic reasons for a green reconstruction programme for Ukraine reforms, https://www.lowcarbonukraine.com/wp-content/uploads/PB_03_2022_en_Green-reconstruction.pdf and https://voxukraine.org/en/economic-reasons-for-a-green-reconstruction-programme-for-ukraine/
← 24. Becker, T. et al (2022), A Blueprint for the Reconstruction of Ukraine, Centre for Economic Policy Research, London