Le monde est confronté à un nombre croissant de défis immenses, appelant une action immédiate et de portée mondiale. Le COVID‑19 et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine non seulement ont des conséquences dévastatrices sur le court terme, mais ils hâtent aussi des évolutions de long terme d’ordre économique et géopolitique. Dans le même temps, le changement climatique risque d’induire un recul dans les progrès accomplis ces dernières décennies sur le plan du développement, surtout dans les pays les plus pauvres. L’architecture internationale du développement doit agir face à ces défis, tout en apportant un soutien aux populations les plus touchées.
L’OCDE a été fondée durant une période d’incertitude du même ordre, dans le but de concourir à la mise en œuvre du Plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale. Forte de la réussite de cet effort conjoint, l’Organisation a porté son attention sur le soutien au développement et à la prospérité des pays autres que ses membres. S’agissant de l’aide publique au développement (APD), qui sous-tend les relations bilatérales de ses membres avec les pays à revenu faible et intermédiaire, l’OCDE s’est positionnée comme le responsable des normes et données dans le domaine de la coopération pour le développement. Nous constituons une enceinte qui favorise les bonnes pratiques, la transparence et la redevabilité. Les engagements pris par nos membres vont de l’amélioration de leurs pratiques, avec, par exemple, le déliement de l’aide, à une collaboration plus efficace avec tous les partenaires, y compris les acteurs dans le domaine humanitaire, de la recherche de la paix, de la société civile ou les acteurs multilatéraux. L’OCDE aide également les membres à placer le développement parmi les préoccupations de tous les ministères et départements publics ; elle a d’ailleurs tiré parti des compétences et l’expertise dans l’ensemble des domaines d’intervention de l’Organisation pour établir la Recommandation du Conseil sur la cohérence des politiques au service du développement durable (2019).
Il est maintenant temps de mettre à bon usage ces fondations solides et d’évoluer une fois de plus pour relever les défis d’aujourd’hui, afin de produire un système international plus juste, qui associe tous les pays sur un pied d’égalité, au service de l’avenir. Comme le montrent clairement leurs contributions à ce rapport, les responsables de pays à revenu faible et intermédiaire, dirigeants d’organisations non gouvernementales internationales ou d’organisations multilatérales, chercheurs et groupes de la société civile voient s’ouvrir une rare fenêtre de temps propice au changement, mais pas pour longtemps. Les Membres de l’OCDE peuvent adopter de nouvelles méthodes de travail et de nouveaux modes de réflexion, et associer de nouveaux acteurs dans le domaine du développement. Il s’agit notamment de s’appuyer sur les atouts des pays en développement, s’engager en faveur d’un développement à long terme piloté à l’échelon local et s’attaquer aux problèmes systémiques, tels que le racisme ou les héritages d’un passé colonial.
La concrétisation de ces changements ne sera pas immédiate. Dans un environnement de plus en plus complexe, caractérisé par des biens publics mondiaux et des défis communs, il faut adapter l’APD. Il sera donc demandé aux acteurs du développement t de gérer des risques plus grands et plus complexes. Les banques multilatérales de développement devront davantage faire usage de leur accès aux marchés, tandis que les partenaires des pays en développement pourraient devoir actualiser leurs approches vis-à-vis du risque afin de travailler plus directement avec les parties prenantes locales. Par ailleurs, de nouvelles opportunités se font jour, comme les mécanismes d’assurance innovants, contribuant à transférer les risques de catastrophe humanitaire vers des acteurs privés.
L’OCDE est bien placée pour aider les membres à faire face à ces changements fondamentaux. Tout d’abord, le Comité d’aide au développement et ses organes subsidiaires constituent une enceinte sans égal pour l’échange et le consensus entre les principaux fournisseurs d’APD de la planète (185.9 milliards USD en 2021) et les principales parties prenantes des organisations multilatérales. Ensuite, compte tenu de nos solides partenariats avec des pays à revenu faible ou intermédiaire, le système des Nations Unies, le Groupe des Vingt et d’autres fournisseurs de coopération pour le développement, il est plus facile de trouver un terrain d’entente. Enfin, nous apportons une expertise dans de multiples domaines d’action publique pour aider les membres à coopérer afin de s’attaquer à des problèmes ou à d’ambitieux objectifs de développement qui font fi des frontières territoriales aussi bien qu’entre institutions ou qu’entre disciplines.
Ce rapport concourra à fractionner des défis complexes en domaines d’action gérables, et à comprendre dans quels domaines nos pratiques et politiques actuelles sont insuffisantes. Cela jettera les fondations qui permettront à nos membres et à d’autres parties prenantes de mettre en commun informations et conseils, de tirer des enseignements des réussites les uns des autres, et de veiller à ce que les politiques de développement contribuent à apporter de véritables solutions aux défis urgents qui se posent aujourd’hui.
Mathias Cormann,
Secrétaire général de l’OCDE