Ce chapitre inclut les contributions de cinq responsables politiques et experts qui suivent, animent et influencent le débat politique en cours sur l’urbanisation en Afrique. Leurs contributions présentent toute la diversité des points de vue sur le potentiel des économies urbaines, les défis et les politiques publiques nécessaires pour parvenir à une prospérité économique durable et inclusive.
Dynamiques de l'urbanisation africaine 2022
6. L’urbanisation en Afrique : perspectives des responsables politiques et experts
Abstract
Jean Pierre Elong Mbassi
Secrétaire général, Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLU Afrique)
Quelles sont les politiques nationales et locales qui permettent aux administrations locales de jouer un rôle plus important dans le développement socio-économique de l’Afrique ?
Les villes africaines abriteront bientôt la majorité de la population du continent et les estimations prévoient qu’à l’horizon 2050 elles compteront 950 millions de plus d’habitants (OCDE/CSAO, 2020[1]). Ces villes produisent dès à présent environ 60 % du Produit intérieur brut (PIB) du continent, si bien que le devenir économique de l’Afrique est de plus en plus lié à l’attractivité, à la performance économique et au bon fonctionnement de ses villes et territoires.
Les politiques de décentralisation ont donné aux villes et aux zones rurales un rôle plus important à jouer dans le développement socio-économique de l'Afrique. Ces politiques reconnaissent les collectivités territoriales comme des autorités publiques de proximité dotées d’une autonomie administrative et financière, qui leur donnent la capacité de définir et mettre en œuvre des politiques publiques locales, en application des politiques nationales, ou en considération des contextes spécifiques justifiables de politique locale différentiées.
La volonté politique de décentralisation a été affirmée au plus haut niveau par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union Africaine lors de la conférence tenue en juin 2014 à Malabo, Guinée Équatoriale, par l’adoption de la Charte africaine des valeurs et principes de la décentralisation, de la gouvernance locale et du développement local, en tant qu’instrument de l’Union africaine. L’adoption de cette Charte a montré que les plus hauts responsables de l’Afrique apprécient à sa juste mesure la contribution des villes et zones rurales à la transformation structurelle du continent africain, et qu’ils souhaiteraient que cette contribution soit amplifiée pour renforcer le développement socio-économique au sein du continent Africain.
Quatre grands enjeux doivent être considérés pour que la contribution des collectivités territoriales puisse être à la hauteur des résultats attendus : 1) le renforcement du cadre de mise en œuvre de la politique de décentralisation ; 2) l’organisation des relations financières entre les gouvernements nationaux et les collectivités territoriales ; 3) l’amélioration des performances des administrations et l’augmentation de leurs effectifs, en nombre et en qualité ; 4) l’impératif de la planification pour renouveler la trajectoire du développement socio-économique du continent porté par les collectivités territoriales.
L’amélioration du cadre de mise en œuvre de la politique de décentralisation
Dans tous les pays africains qui la mettent en œuvre, la politique de décentralisation est envisagée comme une modalité pour enraciner la démocratie et améliorer la gouvernance des affaires publiques, grâce à une relation plus directe entre les contributions des citoyens sous forme d’impôts et taxes et les services que leur rendent en contrepartie les collectivités publiques. Il est postulé que les collectivités publiques de proximité sont plus efficaces que les administrations nationales quand il s’agit de répondre aux besoins et attentes des populations.
Malgré cette reconnaissance formelle des autorités locales face aux attentes des populations (participation à la gestion de leurs propres affaires, accès aux services essentiels), et en dépit des lois et règlements de transferts de compétences, les administrations nationales continuent d’assurer les missions relevant des collectivités locales. Elles le font à travers les représentants des ministères sectoriels sur le terrain, ce qui a pour effet de prolonger la pratique du travail en silo aux niveaux infranational et local ; une pratique décriée au niveau national. Cette situation fragilise l’autonomie des collectivités sur la conduite des affaires locales. Elle peut entraîner une crise de confiance entre les autorités publiques locales et les populations. Cette crise de confiance peut s’élargir à l’ensemble des autorités publiques (locales, comme nationales), et nourrir une crise générale de la gouvernance. Cette absence d’amélioration de la décentralisation est le plus grand obstacle à une plus grande contribution des collectivités territoriales au développement socio-économique de l’Afrique.
En collaboration avec Cities Alliance, CGLU Afrique a entrepris d’évaluer, tous les trois ans depuis 2012, l’environnement institutionnel mis en place par les États africains en faveur des initiatives et des actions des collectivités territoriales (CGLU Afrique, 2018[2]). En 2018, il a été estimé que l’environnement institutionnel créé par le gouvernement national était « favorable » ou « plutôt favorable » aux initiatives des villes et collectivités territoriales dans 16 sur 53 pays, alors que 37 pays étaient classés parmi les pays ayant un environnement institutionnel « globalement défavorables » ou « pas du tout favorables » (Graphique 6.1). En d’autres termes, beaucoup reste à faire pour que la volonté politique de décentralisation exprimée au plus haut niveau ne devienne une réalité. Cet effort doit porter sur la clarification des compétences et des fonctions entre les autorités publiques nationales et les autorités publiques territoriales ; la promotion d’une gouvernance coopérative entre le niveau national et le niveau territorial à travers la mise en œuvre effective du principe de subsidiarité; une meilleure coordination des politiques publiques sur le terrain grâce à l’adoption de la perspective territoriale en complément de l’approche sectorielle privilégiée jusqu’ici. Mais cet effort doit aussi offrir l’opportunité aux collectivités territoriales de s’ouvrir aux partenariats en coopération décentralisée, y compris dans le cadre de programmes de solidarité intercommunale, ou de programmes de coopération décentralisée transfrontière.
L’organisation des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales
Après le Moyen Orient et l’Asie occidentale, l’Afrique est la deuxième région du monde où la part des collectivités territoriales en pourcentage du revenu public et en pourcentage du PIB est la plus faible: 12.3 % et 3.3 % respectivement (Graphique 6.2).
Les collectivités territoriales ont classiquement deux sources de revenus: les transferts financiers de l’État conséquence de la dévolution de certaines compétences précédemment exécutées par l’État ; et les ressources propres en vertu de l’application du principe de la libre administration et de l’autonomie financière des collectivités territoriales.
Dans la plupart des pays africains, la mise en œuvre de la décentralisation est déséquilibrée par le fait que le transfert des compétences ne va souvent pas de pair avec le transfert des ressources correspondantes. Les règles de transferts financiers de l’État sont globalement imparfaites voire illisibles, et les transferts et les montants alloués sont imprévisibles, donc difficiles à intégrer dans les programmations budgétaires annuelles. Elle est encore plus compliquée lorsque le leadership des collectivités locales n’a pas la même couleur politique que celle des dirigeants au niveau national.
C’est pourquoi les associations nationales de collectivités territoriales demandent que soit précisé à l’avance la part des ressources de l’État qui leurs sont allouées. Elles demandent que la clé de répartition soit la plus objective et démocratique possible ; et que les procédures de transfert des ressources soient transparentes. Elles militent pour la création de fonds gérés paritairement qui permettraient d’améliorer la performance et la prévisibilité des subventions. Elles demandent enfin l’instauration de contrats État-Régions précisant le partage des responsabilités et les flux financiers.
La capacité des collectivités territoriales à mobiliser des ressources propres est fonction de la marge d’autonomie que leur fixent les lois et règlements pour prélever les impôts, taxes et redevances, fixer leur assiette, et procéder à leur recouvrement. De ce point de vue, la situation des collectivités territoriales diffère et dépend souvent de la culture administrative héritée de la colonisation.
Dans les pays francophones, L’unicité de caisse (toutes les ressources des collectivités locales sont versées au Trésor Public) limite l’autonomie financière locale. Ainsi, une collectivité peut avoir des ressources au Trésor sans pouvoir en disposer parce que l’État les aura affectées à une autre utilisation. Enfin, dans la majorité des cas, la définition de l’assiette et le recouvrement des impôts et taxes relèvent de l’administration fiscale nationale, dont les principales missions sont de répondre avant tout aux besoins de l’État. Il n’est donc pas surprenant que les performances de la fiscalité locale ne soient pas au niveau requis puisque ce n’est pas principalement sur ces performances que sont évalués les personnels des administrations fiscales. C’est pourquoi les collectivités territoriales francophones questionnent le principe d’unicité de caisse et demandent que leur soit reconnus des pouvoirs plus importants dans l’élaboration, la gestion et le recouvrement des impôts, taxes et redevances.
Les experts estiment qu’il faut investir environ 80 milliards USD par an au cours des 10 à 15 prochaines années dans les villes africaines pour pouvoir tirer profit du potentiel économique du continent, accueillir dans de bonnes conditions une population urbaine croissante, et diminuer de manière significative le déficit accumulé d’infrastructures et d’équipements urbains. Il est attendu des collectivités territoriales qu’elles contribuent à cet effort à hauteur de 25 milliards USD par an sur leurs budgets. De tels volumes financiers sont nettement plus élevés que leurs ressources propres. Par ailleurs, si les investissements en infrastructures et équipements urbains sont indispensables à la croissance, la création d’emplois et l’amélioration des conditions de vie, ils s’amortissent sur le long terme. Le recours à l’emprunt, au marché financier, ou à des partenariats public/privé est donc incontournable. C’est pourquoi CGLU Afrique a créé l’Agence Territoriale Afrique qui est un véhicule financier permettant aux villes et territoires d’accéder à l’emprunt et au marché financier.
Améliorer les performances des administrations des collectivités territoriales.
Ces collectivités sont sous-administrées et sous-encadrées. Elles souffrent d’une insuffisance chronique de capacités ; pas assez de personnels, pas assez qualifiés, pas assez payés. Une enquête conduite par Cities Alliance sur un échantillon de 16 villes a montré que le taux d’encadrement est de 1.4 agent pour 1 000 habitants ; ce taux devrait être au moins trois fois plus important. Dans les pays développés il est de 36 agents pour 1 000 habitants (Cities Alliance, 2017[5]). L’enquête montre également que les salaires des cadres dirigeants des administrations territoriales sont inférieurs de 20 à 30 % à ceux de leurs homologues de l’administration centrale ou du secteur privé.
Les recrutements reposent trop souvent sur les relations politiques et personnelles, plus que sur le mérite ou la compétence. La politisation des pratiques de recrutement, la faible capacité managériale, le manque de capacités dans la préparation et la structuration, ainsi que dans la modélisation technique et financière des projets, sont autant de facteurs qui expliquent le faible niveau de performance des administrations territoriales.
Il est urgent d’accorder à la gestion des ressources humaines l’attention qu’elle mérite. La décentralisation ne donnera pas les résultats attendus tant que cette question ne sera pas sérieusement traitée. L’Académie africaine des collectivités territoriales (ALGA) a été mise en place par CGLU Afrique pour relever ce défi. Dans ce cadre, l'Observatoire des Ressources Humaines des Collectivités Territoriales permet de définir des référentiels de performance managériale des administrations. Tous les trois ans, il publie un rapport sur l'état des ressources humaines dans les villes et territoires d’Afrique, dans le but d’ancrer une culture d'évaluation et de comparaison des performances des gouvernements infranationaux africains.
L’impératif de la planification
La vitesse de la croissance urbaine nécessite de disposer de plus données pour anticiper les besoins des citoyens et planifier les réponses à ces besoins. Or, la plupart des collectivités territoriales n’ont pas de services statistiques ou de planification. Les systèmes statistiques sont conçus pour répondre aux besoins des administrations nationales. Ils n’ont pas la granularité suffisante pour appréhender les dynamiques locales. La base de données Africapolis va sans doute dans la bonne direction mais elle ne doit être cantonnée dans les seuls milieux universitaires, de la recherche ou des organisations internationales. S’il est vrai qu’on ne peut correctement gérer ce qu’on ne sait pas bien mesurer, alors les données et les outils de suivi sont le socle de la planification stratégique.
Selon les estimations actuelles, le taux de croissance moyen annuel de la population urbaine africaine devrait être de 4 à 7 % d’ici 2050, soit un doublement dans les 20 prochaines années. Une telle croissance sur une si longue période est inédite dans l’histoire humaine. Elle appelle à une mise en perspective stratégique des cinq fonctions principales attendues des collectivités territoriales : 1) assurer la sécurité alimentaire ; 2) planifier et construire ; 3) fournir des services de base ; 4) entretenir et maintenir les infrastructures, les équipements et les services de base ; 5) administrer et assurer la gouvernance.
La crise de la COVID-19 a mis en évidence la fragilité des stratégies de développement trop centrées sur l’insertion des collectivités territoriales dans l’économie mondiale. Elle a mis en lumière les limites du modèle basé sur des ponctions trop importantes de ressources naturelles assorties de rejets nocifs. Les villes et territoires d’Afrique veulent rejeter ce modèle pour se tourner vers un développement plus durable et plus respectueux des écosystèmes naturels. Pour assurer une résilience optimale et être socialement inclusive et équitable, cette piste doit privilégier l’économie circulaire dont l’empreinte écologique est plus faible. Les villes petites et intermédiaires, beaucoup moins enchâssées dans l’économie dominée par les énergies fossiles, sont particulièrement bien placées pour amorcer ce virage vers un modèle plus respectueux de la nécessaire cohabitation entre les êtres humains et les autres espèces. Ceci passe par la relocalisation de la production au plus près des lieux de consommation, des modes de production plus économes en ressources naturelles, une diminution de consommation en général.
L’Afrique est sur le point de devenir le premier foyer de peuplement humain du monde. Engager la bifurcation des modèles de production et de consommation de l’humanité dans une trajectoire plus durable, telle est la responsabilité historique qui revient aux collectivités territoriales et aux autres acteurs du continent Africain.
Taibat Lawanson
Professeure au Département de l’aménagement et de la gouvernance urbains à l’Université de Lagos, Nigéria
Que faire des « vies en attentes » des jeunes urbains en Afrique?
Quelles sont vos perspectives quand vous êtes jeune et pauvre ? Comment vous y prenez-vous pour échapper à l’extrême pauvreté ? Comment vous saisissez-vous de la promesse d'un « lendemain meilleur » ? En Afrique, où environ 450 millions de personnes sont âgées de 15 à 34 ans (Rocca et Schultes, 2020[6]), les jeunes se déplacent vers les villes où ils perçoivent de meilleures opportunités (Lawanson, 2018[7]).
Même si en moyenne les jeunes valides perçoivent la migration vers la ville comme un rite de passage à l’âge adulte, il y a de fortes chances qu’ils ne possèdent ni l’éducation ni les compétences nécessaires pour satisfaire leurs espoirs (Min-Harris, 2009[8]). En Afrique, plus de 100 millions d’enfants en âge d’être scolarisés ne vont pas à l’école, un chiffre qui a considérablement augmenté en raison de la COVID-19 (UNICEF, 2020[9]). Rien qu’en Afrique du Sud, en juillet 2021, plus de 400 000 enfants avaient abandonné l’école au cours des 16 mois précédents (UNICEF, 2021[10]).
Si les jeunes ne possèdent pas les compétences requises, les seules opportunités qui leur sont offertes se limitent aux marges de la vie urbaine, à des emplois précaires et à des logements dans des établissements informels. Même parmi les jeunes les plus éduqués, des millions d’étudiants du premier cycle universitaire sont incapables d’accéder à des emplois dans le secteur formel. Au Nigéria, par exemple, les jeunes diplômés peuvent rester sans travail pendant dix ans et sont obligés d’accepter des petits « boulots » pour survivre (Kazeem, 2020[11]).
Les « vies en attente »
Quelle que soit leur origine sociale, la plupart des jeunes Africains ne peuvent prétendre participer pleinement et indépendamment aux privilèges et responsabilités associées à la vie adulte. Les inégalités socio-économiques dans les zones urbaines, ainsi que l’hostilité inhérente à l’égard de l’informel dans de nombreuses villes, rendent leur présence « hors-la-loi », les obligeant à constamment se battre contre l’antagonisme institutionnel et la marginalisation pour survivre.
Alcinda Honwana (2013[12]) qualifie cette situation de « Waithood », ou « vie en attente », c’est-à-dire une période d’arrêt prolongée au cours de laquelle l’accès des jeunes gens à l’âge adulte social est retardé ou refusé. De ce fait, ils n’ont d’autre choix que d’assurer leurs moyens de subsistance en improvisant et de développer leurs relations sociales en dehors des cadres économiques et familiaux dominants. Cette période d’attente peut être marquée par l’innovation ou par la disruption. L’Afrique a, au cours des 20 dernières années, assisté à l’occurrence simultanée de ces deux facteurs, sous la forme d’une vague d’innovations de la part des jeunes ainsi que sous la forme de mouvements de protestation également dirigés par les jeunes, beaucoup de ces manifestations prenant une tournure violente.
Les conflits suscitent une autre forme de « vie en attente ». Les villes africaines sont fortement touchées par les migrations induites par les conflits, forcées ou volontaires. ; en particulier celles des jeunes gens. (Institute of Migration, 2020[13]). Même si un grand nombre de pays disposent de camps pour les personnes déplacées internes (PDI), les conditions particulièrement brutales qui y règnent poussent les jeunes à chercher ailleurs des moyens de subsistance indépendants. En général ils se tournent vers les villes où ils espèrent trouver de meilleures opportunités et un environnement plus sûr. Lagos, Johannesburg, Monrovia et Nairobi ont vu l’arrivée de centaines de milliers de jeunes à la recherche de sécurité et de moyens de subsistance. Mais leurs compétences sont souvent incompatibles avec la vie urbaine, ils sont de facto prédisposés à une vie marginalisée et aux vulnérabilités qu'elle induit.
Les « vies en attente » sont une menace urbaine
Les pays africains présentent un risque élevé de conflit civil, dû à trois facteurs de stress : la grande proportion de jeunes, la rapidité de la croissance urbaine et les niveaux exceptionnellement faibles d’accès aux ressources (Cincotta, Engelman et D., 2003[14]). À l’heure actuelle presque 16 millions de jeunes Africains sont au chômage, cette incidence étant en général plus élevée dans les zones urbaines (Mo Ibrahim Foundation, 2019[15]). Par ailleurs, les femmes sont les plus négativement affectées car il est bien plus facile pour les hommes de trouver du travail, même à compétences et expériences égales (Igbohor, 2017[16]).
Un chômage élevé chez les jeunes menace la stabilité nationale, car l’incapacité d’assurer un niveau de vie digne mène à l’agitation et l’impatience, assorties de conséquences désastreuses d’un point de vue socio-économique et politique. Ceci est mis en évidence dans la littérature analysant les motifs de la violence civile. Les théories de la frustration-agression et de la privation relative suggèrent que les individus deviennent agressifs lorsqu’ils sont confrontés à des obstacles latents ou réels qui, dans la vie, entravent leur trajectoire vers le succès, particulièrement lorsque leurs besoins matériels élémentaires ne sont pas satisfaits (Moller, 1968[17]). Ce type de ressenti s’est exprimé ces dernières années à Sahr, à Khartoum, à Dakar, à Tunis, au Caire, à Kampala, à Lagos et à Ouagadougou, pour ne citer que quelques villes, sous forme de manifestations contre la mal-gouvernance, le chômage des jeunes, la brutalité des forces de l’ordre, le coût élevé de la vie.
Curieusement, l’éducation est un facteur important dans la façon dont ces protestations se déroulent. Par exemple, le mouvement de protestations « #FeesMustFall » en Afrique du Sud en 2015, ou « #End SARS » au Nigéria en 2020, étaient menés par des jeunes éduqués et soutenus par un militantisme et des débats s’appuyant sur les médias sociaux (Agbor, Taiwo et Smith, 2012[18]). Bien qu’elles soient arrivées à effectivement paralyser la vie économique dans les villes touchées, la plupart des manifestations n’étaient pas violentes. Il n’en a pas été de même en ce qui concerne les destructions et le brigandage commis par les militants armés du groupe Niger Delta, par l’organisation terroriste Al-Shabab, le groupe terroriste Boko Haram et par d’autres groupes extrémistes et organisations criminelles (Honwana, 2015[19]). Souvent, ces groupes radicaux recrutent des écoliers qui ont faim ou cherchent simplement à être protégés (UNICEF, 2020[9]).
La violence structurelle est également une menace lorsque les villes maintiennent les populations dans la misère et la vulnérabilité matérielle (Bornstein, 2005[20]). Ce sont les enfants issus de l’immigration qui vivent dans des bidonvilles et des implantations sauvages qui sont les plus exposés. Dans de nombreuses villes, ils sont oubliés et sont coupés des services sociaux et de l’éducation ; ce qui les laisse en proie à de multiples menaces et met en péril à la fois leur bien-être et celui de la ville. Les jeunes déplacés internes contribuent à l’expansion des bidonvilles, augmentant le nombre de personnes sans abri. Ils sont également responsables de l’émergence de nouveaux bidonvilles, lorsque leurs cabanes temporaires situées en périphérie urbaine deviennent des habitations insalubres (Roberts et Lawanson, 2021[21]). Leurs compétences étant incompatibles avec la vie urbaine et en l’absence de mécanismes de sécurité sociale, leurs perspectives d’avenir se limitent à devenir des petits commerçants, manœuvres ou travailleurs du secteur informel des transports. Les jeunes hommes et les garçons sont la cible d’organisations criminelles, alors que les jeunes femmes et les filles sont attirées par la prostitution juvénile, les mariages précoces, les grossesses précoces et la traite des êtres humains.
Ce cercle vicieux risque de se perpétuer pendant bien des générations.
Tirer parti de la technologie pour surmonter la « vie en attente »
Les jeunes entrepreneurs sont nombreux dans les micro, petites et moyennes entreprises. Ils sont plus enclins à employer leurs pairs (OIT, 2020[22]). Les liens de réciprocité, de solidarité et d’attention qu’ils entretiennent envers les plus vulnérables les poussent à s’aider eux-mêmes et les autres, comme ce fut le cas durant la crise de la COVID-19 (Diepeveen, Tant et Bailey-Athias, 2021[23]). Les projections économiques officielles reconnaissent rarement ces communautés solidaires.
Les jeunes instruits ont exploré la possibilité de se tourner vers des opportunités génératrices de revenus en ligne. Même si les femmes sont moins nombreuses à travailler dans les technologies numériques (Toesland, 2018[24]), de plus en plus d’entre elles s’orientent vers ce secteur comme alternative à une carrière dans les grandes entreprises, dont les politiques en matière de mariage et de procréation pénalisent souvent les femmes (Matotoka, 2021[25]).
Les emplois technologiques vont de la création d’applications, les monnaies numériques, les médias sociaux, ou encore le gig work (travail à la demande). Ce faisant, nombreux sont les jeunes en mesure de s’investir dans l’économie mondiale et gagner suffisamment d’argent pour s’en sortir. Cependant, cela implique des dépenses liées aux données et aux équipements, et peut se révéler frustrant si les gouvernements adoptent des politiques arbitraires.
Les restrictions imposées sur les transactions de crypto-monnaie et la mise à l’index de Twitter au Nigéria ont paralysé les investissements étrangers directs dans l’industrie Fintech (industrie englobant les technologies financières). Elles ont eu des effets directs négatifs sur des millions de jeunes Nigérians qui gagnent leur vie dans ce secteur. Toutefois, beaucoup d’entre eux ont trouvé le moyen de contourner légalement ces restrictions et de continuer leurs activités, privant ainsi le Nigéria des taxes et des frais de transaction qui autrement auraient été perçus (Baydakova, 2021[26]).
De la même façon, la politique du gouvernement interdisant les mototaxis a sérieusement affecté le secteur du transport à Lagos. Le système de transit rapide par bus, financé par le gouvernement de l’État de Lagos ne peut transporter que 200 000 passagers par jour (BRT Data, 2021[27]), c’est-à-dire moins de 10 % de tous les trajets de la ville. C’est pourquoi les navetteurs privilégient le secteur informel – minibus (Danfo), tricycles (keke) et mototaxis (okada) – comme principal moyen de transport. Des sociétés, dirigées par des jeunes (dont Max et Gokada) ont formalisé les okada ; par la création d’une application, la normalisation des tarifs, le profilage et la formation des conducteurs, le suivi des motos et du comportement des conducteurs. Ces mesures ont renforcé la sécurité et amélioré les revenus de nombreux conducteurs. Néanmoins, en février 2020, le gouvernement a interdit les mototaxis dans la plupart des régions de l’État, mettant à pied des entreprises s’acquittant de leurs impôts et employant des milliers de personnes ; entreprises qui ont investi plus de 200 millions USD dans l’économie de Lagos (Oluka, 2020[28]). Cette interdiction a eu pour effet d’accroître l’afflux d’okada dans la ville, constituant une source facile d’emploi de migrants non éduqués et sans papiers. Elle est aussi à l’origine d’une dérégulation du secteur ainsi que d’affrontements violents entre des conducteurs d’okada non formés et les forces de l’ordre (Baer Arnorld, 2013[29]).
Le déficit de gouvernance
Dans de nombreuses villes africaines, les aspirations des dirigeants en matière de développement économique sont souvent déconnectées des réalités tangibles des jeunes résidents. Le lien entre les migrations des jeunes et l’urbanisation n’est pas bien compris et les réponses des pouvoirs publics sont souvent inadéquates ou inefficaces (Amare et al., 2021[30]). Nombreux sont les pays signataires du Nouvel Agenda Urbain des Nations Unies (New Urban Agenda, NUA, en anglais)1. Cet agenda les engage à assister les migrants, les réfugiés et les personnes déplacées dans des zones d’installation urbaines, et à les aider à accéder à un niveau de vie convenable et à des emplois productifs et décents. À vrai dire, une grande proportion de migrants sont sans papiers et ne peuvent accéder à ces aides, quel que soit l’endroit où elles sont disponibles. De plus, l’absence de données complique l'intégration urbaine des migrants par des interventions ciblées.
Les politiques qui ne reconnaissent pas le continuum formel-informel détruisent les moyens de subsistance des pauvres en milieu urbain. Les lois et règlementations qui criminalisent les activités économiques informelles manquent de vision, qu’il s’agisse de l’interdiction des mototaxis ou même des politiques destinées à accroître la responsabilité environnementale.
L’Union africaine s’est dotée d’un objectif ambitieux : « que les villes d’Afrique recyclent au moins 50 % des déchets qu’elles produisent d’ici à 2023 » (PNUE, 2018[31]). Les communautés à faibles revenus vivant dans les villes sont les recycleurs les plus actifs qui soient. La collecte des plastiques leur procure des emplois, leur donne accès à l’éducation pour les enfants et même à la dignité. De facto, ces communautés montrent qu’elles sont capables de soutenir des politiques environnementales (Racapé, 2019[32] ; Global Opportunity Explorer, 2018[33]). Toutefois, le ramassage de déchets est une activité illégale dans bien des villes, dont Lagos et Johannesburg (Harrisberg, 2019[34]). Dans ces villes l’État a tenté de restructurer le secteur, de privatiser ou d’accroître les investissements étrangers. Les communautés impliquées dans le recyclage n’ont jamais été reconnues ni impliquées dans la chaîne de valeur de la gestion des déchets.
Les politiques de réduction de la pauvreté et d’appui à la jeunesse ont également tendance à être « tokénistes ». Les programmes de développement économique ne sont pas inclusifs et n’offrent pas d’opportunités à tous. En fait, les programmes d’intervention sociale qui se concentrent sur l’offre de prestations sociales concrètes, telles que des denrées alimentaires gratuites, des transferts en espèces ou des emplois à court terme et à durée d’occupation précaire, sont loin d’offrir des perspectives de conditions de vie sûres et durables. Souvent, l’importance accordée à la formation professionnelle s’opère au détriment de la création de petites entreprises, de l’accès au capital et aux compétences nécessaires pour développer ces petites entreprises. Les entreprises dirigées par des jeunes restent donc perpétuellement en marge de l'économie.
Lorsque l’opinion publique se soulève contre les décisions prises par le gouvernement, les autorités municipales et nationales ne perdent pas de temps pour recourir à la violence plutôt qu’au dialogue. La conséquence de cette attitude est que les personnes instruites choisissent de partir à l’étranger, provoquant une fuite des cerveaux, pendant que les autres s’engagent sur des routes migratoires dangereuses et illégales. 45 % de Nigérians adultes (Connor et Gonzalez-Barrera, 2019[35]) désirent quitter leur pays. Cette proportion est en hausse depuis le mouvement de protestation « #End SARS » en 2020 (Ishaku, 2021[36]). Il y a plus de professionnels qualifiés et de scientifiques formés en Afrique qui travaillent à l’étranger que sur le continent (Woldegiorgis et Scherer, 2019[37]). Depuis 2015, 13 584 médecins formés en Afrique travaillent aux États-Unis. En 2017, 9 946 exerçaient au Royaume Uni (Irune, 2018[38]).
En marche vers un meilleur avenir pour la jeunesse africaine
Un avenir meilleur n’est possible que si les autorités accordent la priorité à la jeunesse urbaine. Le développement économique des villes et pays africains peut être renforcé en impliquant toutes les catégories de jeunes. Pour cela, des données précises, fiables et désagrégées sont nécessaires. Des décisions économiques et de développement claires et cohérentes doivent être prises, et une étude des liens multisectoriels doit être menée pour atténuer les conséquences négatives inattendues.
Le faible intérêt pour la coproduction des politiques publiques explique peut-être l'échec de nombreuses politiques dans cette région du monde. Le concept des biens communs urbains et le potentiel de conception et de développement collaboratifs doivent être reconnus et élargis. L’inclusivité découlera de ce processus, tout comme les espaces civiques sûrs et accessibles de participation et de contestation non violente.
Le recours à la planification et l’aménagement urbains sera déterminant pour mettre fin aux disparités socio-économiques. Ces solutions doivent donner la priorité aux besoins des enfants et des jeunes. Par exemple, en prévoyant d’offrir une éducation et une formation aux enfants des bidonvilles et des camps de déplacés internes, ainsi qu’en instaurant des filets de sécurité pour faciliter l’intégration urbaine, et en tenant compte de la dynamique sexospécifique de la vulnérabilité des citadins. De plus, les programmes dont la vocation est d’améliorer les conditions de vie dans les camps et de promouvoir la rénovation urbaine doivent se concentrer sur les améliorations in situ de la santé et du bien-être.
Les politiques de développement en faveur des plus démunis doivent spécifiquement cibler l’emploi et l’émancipation des jeunes, valoriser le potentiel des organisations de solidarités et des forces libératrices de la technologie. Si les entreprises dirigées par les jeunes détiennent les connaissances, les compétences, le mentorat et les ressources financières adéquats, elles peuvent aider les économies à se développer et offrir des perspectives d’emploi (BAfD, 2021[39]). Il est essentiel de soutenir délibérément les activités économiques informelles, notamment en créant des possibilités de développer et de formaliser ces activités.
L’avenir de l’Afrique appartient aux jeunes. Les jeunes continueront de migrer vers les villes et vers des horizons plus lointains. Que ces « vies en attente » soient une opportunité ou une menace dépend de la manière dont elles sont encadrées. Il incombe aux gouvernements municipaux de veiller à ce que l'expérience urbaine de cette majorité démographique soit sûre, inclusive et économiquement gratifiante.
S.E. Albert M. Muchanga
Commissaire chargé du commerce et de l’industrie, Commission de l’Union Africaine
L’Union africaine au cœur de la transformation urbaine de l’Afrique pour un partage de la prospérité
L’adoption de l’Agenda 2063 en janvier 2015 à Addis-Abeba, à l’occasion du 24e sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine (UA), atteste clairement de l’engagement des dirigeants africains à bâtir une société unie, pacifique, durable, inclusive et prospère dans les prochaines décennies. Cet Agenda, schéma directeur d’une transformation socio-économique de l’Afrique, place l’urbanisme au cœur de l’élan continental vers une société cohésive où chaque citoyen a un rôle à jouer et profite des fruits de cette transformation. Porté par cette vision, l’aménagement urbain est un catalyseur de changements structurels qui optimisera la croissance et créera des emplois de qualité, en particulier pour les femmes et les jeunes.
Entre 2000 et 2016, malgré la crise environnementale mondiale, l’Afrique a connu une période de performance économique sans précédent, affichant un taux de croissance moyen de 4.6 %. Toutefois, la croissance s’est limitée à des enclaves économiques, sans accélération de la diversification économique souhaitée qui pourrait résoudre les défis structurels de la pauvreté et de l’inégalité. En Afrique, le taux de croissance anticipé au titre de l’Agenda 2063 – susceptible d’impulser la prospérité du continent, à la lumière de ses immenses ressources naturelles – reste en deçà des 7 % escomptés.
Selon les prévisions, la diversification de l’activité économique et une transition de l’agriculture de subsistance à des secteurs productifs tels que l'agriculture transformée, l'industrie manufacturière et les services de haute qualité devraient être les moteurs de cette transformation. La croissance démographique rapide et dynamique, qui appelle à des politiques appropriées, rend d’autant plus urgent le besoin d’une planification urbaine stratégique. Les projections de la Banque africaine de développement indiquent que la proportion d’habitants des villes devrait passer de 40 % de la totalité de la population recensée en 2000 à 50 % et 65 % en 2030 et 2060, respectivement.
L’Agenda 2063 définit clairement la voie à suivre pour aboutir à des résultats positifs dans des domaines tels que la pauvreté, la paix et la sécurité, la prospérité, l’environnement et l’intégration régionale, qui appellent tous à l’élaboration de politiques, de programmes et de projets stratégiques pour des établissements urbains et humains durables.
Le rôle de la Commission de l’Union africaine dans la réalisation du programme de développement urbain de l’Afrique
L’appui de la Commission aux États membres tend à concevoir des politiques et des institutions qui encouragent la croissance urbaine et renforcent la cohésion sociale. Les principaux domaines d'action sont les suivants :
Concevoir et investir dans des villes durables et résilientes
Investir dans des villes durables permet de relever les défis structurels qui font obstacle au développement de l'Afrique. Le travail de la Commission avec les États membres et les communautés économiques régionales consiste à soutenir la conception et l’application de politiques favorisant la croissance urbaine et inversant la tendance à la hausse de la vulnérabilité et de l’inégalité. L’appui des politiques en faveur de la planification urbaine durable se focalise sur les régimes fonciers et les droits de propriété, avec pour intention de développer une croissance urbaine efficace ainsi que le renforcement des capacités des institutions qui gouvernent les droits de propriété ; cette initiative pouvant aider à accélérer la réalisation du programme de transformation productive de l’Afrique. Ainsi, la gestion de la croissance rurale-urbaine servira de catalyseur pour atteindre l’Aspiration 1 de l’Agenda 2063 vers une Afrique prospère ayant pour fondements une croissance inclusive et un développement durable.
L’Afrique est dotée de 60 % des terres arables du monde. L'affectation de quantités appropriées de terres à l'agriculture sera décisive pour stimuler la transformation agricole de l’Afrique, en vue de nourrir la population africaine et de devenir le grenier du monde dans les décennies à venir. Cette démarche peut transformer les économies africaines, grâce à la valorisation des ressources naturelles, de la fabrication, de l’industrialisation et de la valeur ajoutée, tout en optimisant la productivité et la compétitivité. Plus important encore, la diversification économique, par le biais d’un développement industriel accéléré, sera cruciale pour créer un nombre massif d’emplois de qualité dont a besoin la population jeune d’Afrique et pour réduire fortement la pauvreté et les inégalités généralisées. Par ailleurs, la gestion urbaine durable jouera un rôle décisif dans le renforcement des chaînes de valeur régionales déjà en place et dans la conception de nouvelles chaînes. Développer des agro-industries et des entreprises agroalimentaires compétitives, durables et inclusives en Afrique peut être un moyen d’optimiser la croissance économique et la sécurité alimentaire.
Accélérer l’intégration régionale en gérant plus efficacement la migration interne
La libre circulation des personnes et le droit d’établissement constituent l'un des piliers fondamentaux du programme d'intégration de l'Afrique en vue de la réalisation de la Communauté économique africaine. Pour la Commission de l’Union africaine, garantir la libre circulation des personnes et le droit d'établissement facilitera la mobilité de la main-d’œuvre qualifiée entre pays. Le programme d’urbanisation facilitera la libre circulation de la main-d’œuvre, ainsi que la délivrance des permis de travail aux citoyens africains indépendamment de leurs compétences, religion, ethnicité et nationalité. Le travail de la Commission avec les États membres est de réviser les codes nationaux de l’emploi conformément aux protocoles de la Communauté économique régionale (CER) et d’assurer que les droits des travailleurs migrants accueillis dans les pays hôtes sont bien protégés. À cet effet, une action concertée harmonisera les lois nationales en conflit avec les traités régionaux et abordera la question des droits de résidence et d’établissement des migrants. Cela implique de modifier la législation nationale, les instruments réglementaires et les pratiques administratives, et d’aligner les intérêts politiques nationaux sur les objectifs et ambitions régionaux à long terme que certains États membres ne considèrent peut-être pas encore comme une priorité.
L’urbanisation jouera un rôle déterminant dans l’accélération de l’intégration régionale. Les acteurs des économies locales seront plus étroitement liés à leur homologues régionaux grâce à l’amélioration de la production locale et régionale et des chaînes d’approvisionnement, et aussi grâce aux transferts des biens, des personnes et de l’information. Une urbanisation stratégiquement planifiée ouvre la voie à des niveaux d’agglomération plus élevés et à une spécialisation économique accrue entre les pays. Parallèlement, l’augmentation de la productivité urbaine et du pouvoir d’achat élargira les opportunités de développement du commerce intra-africain. La croissance rapide de la population urbaine, l’augmentation de la densité urbaine et la diversification des activités économiques contribueront à intensifier les interactions spatiales et, ainsi, à créer des conditions favorables à l'intégration régionale.
Garantir la paix et la sécurité grâce à une croissance urbaine durable
La paix et la sécurité sont des conditions préalables à l’Agenda 2063. Au cours des dernières années, la question du foncier est devenue un sujet politique sensible. Des questions telles que les droits de propriété et la répartition équitable sont devenues des obstacles à la paix et à la prospérité. Dans les années à venir, la gestion foncière accélérera les conflits si des mesures politiques préventives concernant l’urbanisation rurale ne sont pas prises à temps. Certains conflits en cours concernent l'eau, les terres et la dégradation de l'environnement et appellent des actions stratégiques. Le changement climatique ne fera qu’exacerber ces problématiques, provoquant des migrations des zones rurales aux zones urbaines et des tensions et désaccords au sujet de la répartition des espaces vitaux pour le logement, l'agriculture et le pastoralisme. Les efforts de la Commission pour promouvoir une croissance urbaine durable constituent une base pour la bonne gouvernance et la responsabilité au sein des pays africains. Il s’agit d’une composante essentielle à l’instauration d’une société cohésive qui œuvre en faveur du bien-être de tous ses membres, qui se bat contre l’exclusion et la marginalisation, qui crée un sentiment d’appartenance, qui inculque la confiance et offre à ses membres la possibilité d’une mobilité ascendante. Pour garantir la paix et la sécurité en Afrique, condition préalable à une croissance inclusive et durable, la Commission aidera les États membres à mettre en place des mécanismes capables de prévenir ou de résoudre immédiatement les conflits intercommunautaires.
Encourager la durabilité environnementale et renforcer la résilience et la réduction des risques
La durabilité environnementale, le renforcement de la résilience et de la réduction des risques sont autant de composantes majeures du développement durable, telles qu’inscrites dans l’Aspiration 1 de l’Agenda 2063. La vision de l’Afrique est de parvenir à une situation où les ressources naturelles sont gérées durablement, les sociétés consomment et produisent des biens et des services de manière durable et où la biodiversité est totalement préservée. Il est prévu d’avoir recours à des pratiques et de mettre en place de nouvelles technologies permettant d’utiliser efficacement les ressources en eau ainsi que les systèmes de production faibles en carbone et climato-résilients, dans un souci de réduire autant que possible la vulnérabilité du continent aux risques climatiques et aux catastrophes naturelles qui y sont associées. Dans le cadre des efforts que déploie le continent pour aboutir à la durabilité environnementale, les pays de l’Afrique ont signé l’Accord de Paris sur le climat et l’Union africaine a adopté un Programme d’action en vue de l’application du Cadre de Sendai pour la réduction des risques de catastrophes. La dimension urbaine de ces deux engagements figure en premier plan dans le Nouvel Agenda Urbain des Nations Unies qui souligne que les villes et les établissements humains sont confrontés à des menaces inédites. Les modes de consommation et de production non durables, la perte de biodiversité, la pression exercée sur les écosystèmes, la pollution, les catastrophes naturelles et d'origine humaine, ainsi que le changement climatique et les risques qui y sont liés, mettent à mal les efforts visant à mettre fin à la pauvreté dans toutes ses dimensions. Les tendances démographiques des villes peuvent jouer un rôle essentiel dans les efforts d'atténuation et d'adaptation liés au changement climatique et dans l'utilisation des ressources et des écosystèmes. La durabilité et la résilience des territoires seront directement touchées par la manière dont les zones urbaines sont planifiées, financées, aménagées, construites, gouvernées et gérées, et ce bien au-delà des limites des aires urbaines.
Bâtir des structures de gouvernance urbaine
L’approche de l’urbanisation adoptée par l’Agenda 2063 préconise une perspective de développement axée sur l’être humain, qui envisage la création d’une société socialement cohésive. Dans cette société, l’engagement civique aidera à donner à tous les habitants un sentiment d’appartenance et de propriété, et la réalisation de l’égalité de genre permettra aux femmes et aux filles d’être pleinement incluses dans tous les domaines et d’occuper des postes de leadership, à tous les niveaux décisionnels. Les populations ont un rôle capital à jouer dans la mise en œuvre de l’Agenda, et il est essentiel d’instaurer des institutions et des processus qui le permettent. Dans le même temps, le Nouvel Agenda Urbain des Nations Unies reconnaît le rôle des villes et des établissements humains en tant que plateformes de collaboration dans lesquelles le secteur public, le secteur privé et la société civile s’engagent à travailler à une vision commune. Des institutions et des mécanismes solides garantiront les capacités de contrôle et de contre-pouvoir à l’ensemble des acteurs urbains. Le Nouvel Agenda Urbain des Nations Unies s’engage à renforcer la gouvernance urbaine et à élargir les plateformes inclusives, conformément aux politiques nationales, et a promis d’aider les gouvernements infranationaux et locaux – selon qu’il convient – à assumer le rôle central qui leur revient dans le renforcement du dialogue entre les diverses parties prenantes. Les opportunités de dialogue seront fondées sur des approches sensibles à l’âge et au genre, regroupant tous les segments de la société. Hommes et femmes, enfants et jeunes, personnes âgées et personnes handicapées, personnes autochtones et communautés locales, réfugiés et personnes déplacées internes et migrants, quel que soit leur statut migratoire, seront invités à participer au dialogue, sans distinction d’origine, de religion, d’appartenance ethnique ou de statut socio-économique.
Edgar Pieterse
Directeur du Centre africain pour les villes à l’Université du Cap, Afrique du Sud
Implications politiques de l’urbanisation africaine
Il est bien établi que l’urbanisation africaine est la plus rapide du monde. Il est aussi bien connu que 90 % de la croissance urbaine mondiale sera concentrée en Afrique et en Asie entre 2021 et 2050. Au cours des deux prochaines décennies, l’évolution de l’urbanisation sera confrontée à de grands défis. Ces défis comprennent le changement rapide des technologies numériques qui conditionneront la compétitivité relative des économies nationales et régionales, les catastrophes climatiques plus intenses et plus fréquentes, les changements de nature du travail et des catégories professionnelles ; auxquels viennent s’ajouter les atermoiements des politiques et les tentations extrémistes et populistes de certaines franges de la population. En somme, tous les ingrédients sont réunis pour créer l’incertitude et être source de conflits.
La pandémie de COVID-19 a donné un avant-goût de ce que ces convulsions pourraient signifier en termes de vie quotidienne, de bouleversements économiques, de tensions politiques et de pressions sur des infrastructures et des institutions publiques précaires2. Ces pressions exogènes sont susceptibles d’augmenter en fréquence et en impact, soulevant des interrogations sur les réformes politiques et institutionnelles supposées être à même d’anticiper et de répondre de manière proactive. Dans la plupart des pays africains, compte tenu du retard des politiques de décentralisation démocratique et de la nécessité de renforcer l’efficacité des politiques urbaines nationales, un certain nombre d’innovations institutionnelles pourraient aider les gouvernements à se préparer à ce qui les attend.
Réformes constamment retardées
Il y 50 ans, Richard Stren, l’un des plus anciens observateurs de la politique et de la gouvernance urbaines, a fait l’observation ci-après :
« L’une des critiques les plus répandues des politiques urbaines en Afrique est qu’elles sont dépourvues d’homogénéité, qu’elles sont confuses et ne sont pas formulées de façon cohérente… Les planificateurs physiques travaillent rarement avec des économistes, les ministères chargés de l’urbanisme n’existent pas, et même des problèmes bien précis comme le logement et les transports urbains touchent l’ensemble des négociations gouvernementales avant que rien ne puisse être sérieusement envisagé. Le clivage fonctions et compétences entre les gouvernements locaux et le gouvernement central laisse une large marge de manœuvre, de conflit, et de juxtaposition au niveau des politiques urbaines. » (Stren, 1972[40]).
Cette analyse est antérieure à l’action politique concertée menée dans les années 1990, sous l’impulsion de plusieurs agences de développement internationales en faveur d’un transfert de pouvoirs politiques et fonctionnels élargis des gouvernements centraux vers le niveau local. Au début des années 1990, l’action vers la décentralisation coïncidait avec le développement de deux discours : d’une part la durabilité environnementale, sujet dont il est tenu compte dans les plans de l’Agenda 21 local, et d’autre part le développement participatif, qui doit être inscrit dans les mécanismes institutionnels au niveau municipal, pour permettre à la société civile et aux citoyens de se faire entendre. Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, les donateurs multilatéraux insistent sur la nécessité de ces réformes, pour accéder au financement par l’emprunt ou à des allégements de dettes. Le fait est que les expériences de décentralisation menées en Afrique se sont soldées par des résultats inégaux (Pieterse et Smit, 2014[41]), dans le contexte plus large du développement du multipartisme.
La littérature s'accorde à dire que la décentralisation a été souvent plus creuse que substantielle. Les gouvernements locaux ont été créés par la loi, mais ces niveaux de gouvernement ont rarement reçu les pouvoirs, les fonctions et les capacités fiscales nécessaires pour prendre le contrôle de leurs territoires. Ils ne sont en fait que des prolongements administratifs des ministères nationaux, et la plupart des infrastructures et services urbains sont planifiés, mis en œuvre et gérés par les entreprises publiques nationales qui écartent les processus politiques locaux. Rien n’est fait pour remédier à ces discordances institutionnelles, en partie parce qu’un bon nombre de gouvernements nationaux ont réalisé que leurs adversaires politiques trouveraient leur plus solide appui électoral dans les villes. Il est donc politiquement nécessaire de maintenir les gouvernements locaux, en particulier dans les villes, dans une position de faiblesse et de ne pas leur octroyer de ressources.
Les politiques urbaines nationales peuvent-elles changer la donne ?
Dans ce contexte politique, il est important de prêter attention à l’adoption de politiques urbaines nationales (PUN) dans de nombreux pays africains. Selon les données disponibles les plus récentes, 23 pays africains se sont dotés de PUN et un certain nombre d'autres sont en train de le faire (ONU-Habitat, 2021[42]).
Innovations institutionnelles, suite à l’Accord de Paris sur le climat de 2015 et l’adoption de l’Agenda 2030 fixant les Objectifs de développement durable (ODD), ces politiques sont assimilées à des mécanismes permettant de faciliter une convergence intergouvernementale autour d’objectifs liés au climat et au développement économique. Les PUN peuvent donc devenir l’espace politique où se décide les investissements en infrastructures nécessaires à une croissance à faible intensité carbone adaptés aux contraintes territoriales d’un pays donné. En d’autres termes, une stratégie énergétique renouvelable à grande échelle doit répondre aux besoins économiques, par exemple ceux des grands pôles régionaux. Elle doit aussi séquencer les investissements en tenant compte des contraintes tout en garantissant l’impact économique le plus élevé. Simultanément, elle doit promouvoir des technologies énergétiques à petite échelle et à coût faible, susceptibles d’être exploitées par les communautés elles-mêmes.
La Politique urbaine nationale peut orienter la mise en œuvre d’un tel programme d’investissement en infrastructures spatialement différenciées, tout en définissant ce que cela signifie pour les relations les différents niveaux de gouvernement et la politique fiscale. Par ailleurs, une PUN permettra de mieux aligner les investissements dans les infrastructures, de développer les synergies les plus rentables, dans la perspective d’une transformation structurelle et de la promotion d'une industrialisation verte (Lopes, 2019[43]). Pour être précis, il s’agit d’un rôle potentiel que pourraient assumer les PUN en Afrique. Il reste à savoir si elles le font ou non. Il est encore trop tôt pour se prononcer.
Nouvelles échelles de coordination
La nouvelle ère appelle à un recalibrage des échelles auxquelles les économies et l’action collective sont organisées. La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la vulnérabilité des chaînes de valeur mondialisées. Cette prise de conscience rejoint la critique environnementale des chaînes d'approvisionnement à longue distance. En réponse à cette critique, les échelles régionales de l’organisation logistique sont revenues sur la table des politiques, avec des arguments convaincants. Il est plus facile d’optimiser des systèmes de mobilité à faible émission de carbone si l'échelle territoriale de l’approvisionnement en matières premières, de la valorisation, du conditionnement et de la distribution est physiquement plus limitée. Il est aussi plus aisé de gérer et de coordonner des ressources naturelles rares, telles que l’eau, quand leur planification et leur gestion opérationnelle sont fonction des bassins versants régionaux. De nouvelles formes d’approvisionnement en énergie, en passant par des systèmes de mini-réseaux renouvelables, se prêtent également à des échelles d’organisation et de distribution moins larges, plutôt que de dépendre des réseaux nationaux.
À l’avenir, la compétitivité économique régionale dépendra de plus en plus d’une compréhension approfondie des offres endogènes d’un territoire donné. Elle nécessitera également la mise en place d’infrastructures de soutien et d'une intermédiation sur le marché du travail pour mettre en valeur les potentiels et atouts régionaux. Compte tenu de la dimension centrale qu’occupent les pôles économiques des villes-régions, particulièrement en Asie et en Europe, les nouvelles formes de diplomatie et d'engagement économique des villes-régions sont de plus en plus importantes. Les villes-régions d’Afrique devront composer avec ces impératifs et créer l’échafaudage politique et institutionnel nécessaire. Ce sont précisément ces nouveaux impératifs de coordination infrarégionale et régionale et de travail en réseau qui doivent être inscrits dans les PUN.
Une autre échelle – hyperlocale – aura une importance croissante à mesure que les prestations de services et l’infrastructure sous-jacente évolueront vers des technologies propres, une utilisation efficace des matériaux et une plus grande intensité de main-d’œuvre. Ceci est essentiel dans la plupart des villes africaines. Il y est possible de repenser les systèmes d’infrastructure et les prestations de services connexes à l’intersection des principes de l’économie circulaire, de la technologie numérique, des impératifs d’aménagement du territoire et de création d’emploi ; tout en renforçant les entreprises sociales au sein des communautés concernées. Ces opportunités concernent en particulier les quartiers les plus pauvres où plusieurs types de systèmes de fortune ont compensé l’incapacité de l’administration locale à fournir des services abordables et cohérents. Le défi est de créer de nouveaux cadres d’engagement et de négociation, pour repenser et concevoir des systèmes de prestation de services (par exemple, l’électricité, l’eau, l’assainissement, l’enlèvement des déchets et la fourniture de logements), ainsi que des services qui structurent les espaces communs en intégrant des espaces publics, une infrastructure verte et en améliorant la qualité de l’air.
Il est intéressant d’examiner une illustration de la manière dont les services d’assainissement peuvent être réinventés, non seulement pour satisfaire les besoins de base, mais aussi pour respecter les principes régissant l’économie circulaire et améliorer les résultats en matière de santé publique. Cet exemple s’appuie sur une étude menée par la Water Research Commission (Afrique du Sud) et la Toilet Board Coalition. Le Graphique 6.4 résume le potentiel de réorganisation de la base technologique de l’assainissement dans les ménages pauvres. Des capteurs numériques installés dans les systèmes produisent des données sanitaires préventives vitales. Les matières et résidus des toilettes peuvent être évacués dans des flux de déchets biologiques ; ces derniers pouvant être traités pour soutenir les économies agricoles. Ce qui n’est pas mentionné ici est la nécessité de renforcer les entreprises sociales au sein de ces communautés pour assurer le maintien et l’exploitation des systèmes. Cela permettra de réduire le coût pour les ménages participants et de créer des opportunités de nouvelles formes de travail dans un contexte où les possibilités d’emploi formel sont rares. Des logiques de conception similaires peuvent être appliquées à d'autres secteurs.
De nouvelles politiques grâce à l’innovation
Ces nouvelles échelles de coordination doivent composer avec un monde urbain en proie à des risques environnementaux extrêmes et à de profondes inégalités socio-économiques. Il n’est pas certain que les acteurs politiques en place verront un alignement entre leurs propres intérêts et l'expérimentation de nouvelles formes de planification et de coordination. Il sera dans l’intérêt des gouvernementaux locaux organisés, de concert avec les organisations de la société civile, le milieu universitaire et le secteur privé, d’organiser des forums où ces nouvelles opportunités politiques et de développement pourront être discutées. Les gouvernements nationaux, quant à eux, œuvreront pour harmoniser les engagements des ODD avec les CDN (Contributions déterminées au niveau national), en termes d'objectifs de réduction des émissions carbone et de stratégies d'industrialisation verte conformes aux impératifs de la Zone de libre-échange continentale africaine. Cela peut être l’occasion d’offrir une ouverture à la croissance inclusive, à l’emploi, à la réduction des inégalités et à l’amélioration de la durabilité environnementale. La différence, par rapport aux perspectives antérieures concernant ces interdépendances, réside dans le fait qu’il est désormais acquis qu’une telle approche a de profondes implications spatiales, en particulier dans un contexte d’urbanisation rapide.
C’est pour cette raison qu’il est essentiel de reconnaître la valeur des systèmes d’innovation. Ces systèmes peuvent être déployés pour tenter de comprendre comment adapter des technologies et des cadres réglementaires aux défis politiques et matériels spécifiques des villes d’Afrique. En d’autres termes, comme indiqué ci-dessus, ce qui demande à être changé a bien été compris, mais l’éternelle question demeure : comment renverser le statu quo ?
Les méthodes habituelles d’action sont défendues par de puissants intérêts particuliers, par des comportements profondément ancrés, des préférences, des normes institutionnelles et des sanctions dont il est difficile de se défaire car ils relèvent de la loi de la puissance politique3. Les « solutions » génériques devront être adaptées aux contextes locaux pour avoir une chance d'être adoptées, d'avoir un impact et d'être durables. Cela soulève la question suivante : Qui sera responsable d’adapter les idées novatrices de développement urbain aux dynamiques locales ? Les laboratoires d’expérimentations urbaines peuvent en prendre la responsabilité.
Dans l’idéal, la responsabilité d’instaurer des plateformes de recherche et de discussion, sur les problèmes les plus pressants auxquels sont confrontées les zones urbaines dans le contexte local, devrait être confiée à un groupe de réflexion ou à un centre de recherche urbain d’une université locale. Un tel point nodal devra assumer les fonctions suivantes :
La « recherche fondamentale » (collecter et analyser les données) : en vue de créer une base de données factuelles crédible sur les différents systèmes de la région-urbaine ou la région-ville correspondante. Si l’on dispose de suffisamment de ressources, ce type de travail progressif devrait prendre la forme d’observatoires dotés des capacités géospatiales et des interfaces publiques requises.
La « recherche-action » : sur des sujets identifiés par des acteurs locaux du secteur public, de la société civile et du secteur privé, pour concrétiser et faire progresser un plan stratégique à moyen et long terme coproduit de manière participative. Ce plan peut s'inscrire dans le cadre des planifications territoriales et environnementales formelles, statutairement requises.
La « recherche translationnelle » : qui nécessite un examen et une analyse des objectifs de développement mondiaux (par exemple, ODD, Nouvel Agenda Urbain des Nations Unies), continentaux (Agenda 2063) et nationaux en vue de leur application à l'échelle locale. Cette tâche permettra de renforcer les priorités locales, et d’affiner les hypothèses des cadres de mise en œuvre qui découlent de ces impératifs politiques plus larges.
L’ « expérimentation et le prototypage » : dont le but est de découvrir les mécanismes pratiques d’application des orientations politiques globales ; dans les domaines de la résilience, de l’adaptation au changement climatique, de la résolution des conflits, etc. On ne saurait trop insister sur l'importance de tester de nouvelles idées, car la plupart des idées politiques prometteuses s’échouent sur les contraintes règlementaires et institutionnelles.
L’ « intermédiation de connaissances » : par le biais de processus de coproduction et d’échange entre parties prenantes dans une ville ou une zone spécifique où une recherche-action ou une expérimentation est menée. Ces processus sont cruciaux pour générer une véritable innovation en relation avec l'identification de solutions qui peuvent fonctionner efficacement dans le contexte local, adaptées de manière appropriée pour refléter les sensibilités culturelles et les conditions uniques (Parnell et Pieterse, 2015[45]).
Ces différentes fonctions impliquent que de tels centres de recherche urbains comprennent un spectre varié de compétences académiques et professionnelles permettant de travailler dans un cadre de systèmes ouverts, fondamentalement interdisciplinaire. Ils doivent aussi disposer d’une capacité d’action transdisciplinaire, qui implique l’articulation et la synthèse de connaissances académiques, tacites, professionnelles et intuitives. La recherche transdisciplinaire est une interdisciplinarité axée sur les problèmes menée avec, et non pour, des acteurs sociétaux.
L’Afrique traverse une période de profondes mutations sociales, politiques, technologiques et démographiques qui se manifestent particulièrement dans les villes et agglomérations africaines. Les formes d’organisation politiques actuelles et leur logique de direction et de contrôle ne sont tout simplement plus appropriées. De nouvelles dynamiques spatiales s’imposent pour définir des politiques et des stratégies permettant de relever les défis. Une nouvelle génération de capacité d'innovation à l'échelle urbaine est nécessaire, soutenue par les ressources et la confiance dont elle a besoin pour faciliter les conversations difficiles portant sur la transition vers un avenir urbain plus intégré, durable et équitable.
Yvonne Aki-Sawyerr
Maire de Freetown, Sierra Leone
Un moteur de développement ? Le défi de faire de Freetown un moteur de croissance
La population de Freetown est aujourd’hui d’environ 1.5 million d’habitants, soit dix fois plus qu’à l’indépendance de la Sierra Leone en 1961. Durant la guerre civile qui a frappé le pays dans les années 1990, une grande partie de la population a fui vers la capitale. On a construit sur des terrains auparavant inutilisés pour le logement - et la majorité s’est définitivement installée. La ville s’est étendue pour faire face à cet afflux, sans toutefois s’appuyer sur une quelconque stratégie urbaine ou plan. Malgré ce manque de planification, depuis déjà deux décennies, la ville contribue à plus d’un quart du produit intérieur brut (PIB) national, selon un rapport de la Banque mondiale de 2019, réaffirmant l’importance de Freetown en tant que moteur de croissance potentiel du pays.
Cela dit, en raison d’un manque de planification urbaine, les villes risquent de devenir des goulots d’étranglement faisant obstacle à la croissance, soit un défi majeur auquel la ville doit faire face. Malgré l’importance économique nationale de Freetown, la ville est mal desservie, surpeuplée et vulnérable aux risques naturels ; autant de défis qui ne feront que croître dans les décennies à venir en raison de l’accroissement démographique de la Sierra Leone et des impacts du changement climatique qui seront plus vivement ressentis par les habitants. La ville connaît déjà une pénurie chronique de logements abordables et de terrains. Selon les dernières estimations, le déficit de logements serait de 166 000 unités, et pourrait même atteindre 280 000 unités au cours des deux prochaines décennies. Un nombre considérable d'habitants vivent au sein des plus de 70 quartiers informels de la ville qui sont éloignés des services de base, souvent situés dans des zones à risque exposées aux inondations.
Depuis mon élection en tant que Maire en mars 2018, le Conseil municipal de Freetown a pris des mesures concertées pour améliorer les conditions de ces zones. L’agenda Transform Freetown (transformer Freetown) (2019-22), élaboré suivant un processus de consultation interactive, a identifié quatre clusters prioritaires – la résilience, le développement humain, la santé et la mobilité urbaine – à travers lesquels nous canalisons nos interventions.
La résilience englobe trois domaines – la gestion de l’environnement, la mobilisation de revenus, et la planification urbaine, qui comprend les logements. Depuis 2019, nous avons travaillé de très près avec les communautés des quartiers informels pour identifier et soutenir les mesures à prendre pour améliorer leur capacité de préparation aux catastrophes, en particulier contre les risques liés aux inondations annuelles. Nous avons également travaillé à renforcer la génération de recettes de la municipalité, en prenant les initiatives nécessaires pour instaurer un régime de fiscalité foncière numérique et à points. Une initiative a été proposée pour faire en sorte que la charge fiscale soit répartie plus équitablement et que le prélèvement des impôts soit plus efficace : autant de mesures qui devraient permettre de quintupler les revenus et qui pourraient soutenir d’autres améliorations dont bénéficieraient les résidents urbains. Cependant, cette initiative a été reportée jusqu’à nouvel ordre, en premier lieu en raison de la suspension par le gouvernement central de la collecte des impôts fonciers en 2020 et, en second lieu, et ce plus récemment, en raison d’une résistance institutionnelle interne.
Enfin, tout en reconnaissant que les défis que posent la planification urbaine et le logement appellent à une intervention soutenue sur le long terme, nous avons déployé de grands efforts pour améliorer la condition des quartiers informels ainsi que pour coordonner et améliorer les normes et efforts de planification. Ces efforts ne pourront être mis à profit que si et quand l'aménagement du territoire et la délivrance des permis de construire seront transférés du ministère des Terres, du Logement et de l’Aménagement du territoire aux gouvernements locaux. Par ailleurs, l’initiative du gouvernement de créer un diplôme de maîtrise en aménagement urbain à l’Université de Njala ne fera que conforter ces objectifs, et confirmer l’importance accordée à ce domaine critique.
L'accent que nous mettons sur le développement humain vise à créer des emplois, améliorer l’accès à l’éducation, développer les compétences des résidents et aider les personnes handicapées vivant dans ces zones à relever les défis auxquels elles sont confrontées. Beaucoup de Freetoniens s’en remettent à l’économie informelle pour assurer leur revenu quotidien. Leur condition de vie a été bouleversée par la pandémie de COVID-19, qui a entraîné dans son sillage des mesures du type couvre-feu et une réduction du nombre de passagers dans les transports publics et privés. La création d’emplois formels dans le secteur du tourisme – un secteur reconnu aussi bien par le gouvernement central que par l’agenda Transform Freetown comme étant un potentiel domaine de croissance – a aussi été sensiblement touchée par la pandémie.
La santé, l’eau et l’assainissement sont les trois composantes du troisième groupe de priorités d’une ville saine. L’amélioration de l’accès aux services tels que l’approvisionnement en eau et l’élimination efficace des déchets sont essentiels au développement d’un environnement plus favorable et propice à l’épanouissement économique des citoyens. S’inscrit dans ce cadre le cluster mobilité urbaine, dont le but est de décongestionner le quartier d’affaires par le biais d’ambitieux projets de transport public tels que l’initiative Freetown Cable Car (initiative Téléphérique de Freetown). Sur la base d'un examen d'études comparables, le système de téléphérique de Freetown peut servir de connecteur inclusif pour les communautés souffrant de sous-investissements dans des régions et/ou difficilement accessibles. Des plans sont également en cours pour revitaliser le quartier des affaires, financés par un partenariat de ville à ville avec Zurich (Suisse). Ce financement soutiendra techniquement et financièrement un programme de promotion de la marche à pied en améliorant les voies piétonnes, en réintroduisant l’éclairage publics et des aires de stationnement sous surveillance.
Cependant, pour concrétiser tous ces chantiers, le conseil municipal ne peut agir et réussir seul. Nous devons œuvrer en étroite collaboration avec les ministères, les départements et les agences de l’administration centrale si l’on veut mener des interventions cohérentes et communes. Or, cette démarche constitue le plus grand obstacle à la transformation de Freetown d’un moteur de croissance potentiel en un moteur de croissance réel. Comme c’est le cas dans bien d’autres villes d’Afrique – entre autres Dakar et Kampala – le représentant d’un parti politique élu pour assurer le bon fonctionnement de la ville n’est pas membre du parti politique au pouvoir. En Sierra Leone, où les loyautés et les clivages politiques sont particulièrement prononcés, cette situation continue à provoquer des blocages.
Malgré le transfert des pouvoirs énoncé dans le 2004 Local Government Act (Loi de 2004 sur l’administration locale), ces mesures ne se sont toujours pas matérialisées. Les ministères compétents de l’administration centrale – par exemple, le ministère des Administrations locales et du Développement rural et le ministère des Terres, du Logement et de l’Aménagement du territoire – ont pour mission de fixer les orientations générales des politiques. Pour autant, le manque de dialogue, de coordination et d’engagement politique ne font que retarder et entraver l’application effective des politiques et décisions proposées.
Le Conseil municipal de Freetown mène un nombre d’initiatives croissant pour stimuler la transformation économique de la ville. La planification est une partie essentielle de tout effort de développement d’une ville. Cependant, à Freetown, il est impossible d’en assurer effectivement la réalisation, lorsque la politique influence les initiatives. Ce sont les Freetoniens eux-mêmes qui, plus que d’autres, en ressentent les conséquences. En dernier ressort, ils se tournent vers la ville dans l’espoir d’y trouver de meilleurs services, un encombrement moindre et des initiatives capables d’atténuer les vulnérabilités climatiques et d’améliorer les opportunités économiques. Freetown a toujours le potentiel de devenir un moteur de croissance mais, à l’instar de bon nombre d’initiatives en Sierra Leone, un manquement à concrétiser les plans envisagés – surtout en ce qui concerne la planification urbaine et la délivrance de permis de construire – continue de freiner les ambitions de la ville.
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Notes
← 1. Aussi Nouveau Programme pour les villes des Nations Unies (https://habitat3.org/wp-content/uploads/NUA-French.pdf)
← 2. Se reporter à l’analyse du Bureau régional pour l’Afrique du PNUD (2021) Analysing long-term socio-economic impacts of COVID-19 across diverse African contexts, United Nations Development Programme, Johannesburg, qui apporte une réflexion réaliste et nuancée.
← 3. Ces dynamiques sont présentées ailleurs : Pieterse, E (2018[45]), “The Politics of Governing African Urban Spaces”, International Development Policy / Revue internationale de politique de développement, No. 10, pp. 26-54, http://journals.openedition.org/poldev/2626.