Ce chapitre analyse les implications de l’émergence de grappes urbaines à travers l’Afrique. Il présente une nouvelle méthodologie permettant de les identifier et montre que l’Afrique en compte un nombre important et croissant. Il décrit ensuite leur potentiel économique et présente les principaux obstacles à une intégration économique plus étroite que rencontre les villes qui les composent. Il souligne la nécessité d’améliorer les infrastructures et fournit de nouvelles mesures du réseau routier africain. En appliquant un modèle de gravité des échanges commerciaux, le chapitre montre que des coûts frontaliers, même faibles, peuvent entraîner d’importantes réductions de flux commerciaux entre les villes séparées par une frontière.
Dynamiques de l'urbanisation africaine 2022
2. Grappes urbaines, connectivité et intégration économique en Afrique
Abstract
Résumé
Le processus rapide d’urbanisation de l’Afrique modifie sa géographie urbaine. De nouvelles villes se forment à une vitesse accélérée et des villes de petite taille se transforment en grands centres urbains. Depuis 1990, le nombre de villes a plus que doublé, passant de 3 300 à 7 700. Cette évolution a entraîné la formation de grappes urbaines rassemblant des villes situées à proximité les unes des autres.
Ces grappes offrent de nouvelles opportunités de développement économique. Parmi les villes les plus prospères au monde, beaucoup se situent au sein de grappes urbaines. Elles forment un écosystème économique de clients, de fournisseurs, d’investisseurs et d’innovateurs bien plus vaste que celui d’une ville individuelle. Ce phénomène profite notamment aux villes intermédiaires, où la masse économique ne suffit pas à attirer d’importants investissements privés.
Une méthodologie innovante, utilisée dans le présent rapport, identifie 6 grappes de plus de 10 millions d’habitants et 31 de plus de 2.5 millions d’habitants, selon l’emplacement des villes au sein du réseau routier. La moitié d’entre-elles se situe à l’intérieur des terres. Cette méthodologie souligne la nature évolutive et diversifiée de l’urbanisation africaine. Les grappes urbaines intérieures sont susceptibles de développer des spécialisations économiques différentes de celles côtières. Ensemble, elles offrent une opportunité de diversifier et de connecter les économies africaines, et de soutenir ainsi un développement territorial plus équilibré.
Alors que l’on assiste à la formation de grappes urbaines à travers l’Afrique, les liens économiques entre elles restent fragiles. La plupart sont encore très jeunes et il faut du temps pour que les liens économiques se développent. Cependant, l’infrastructure inadaptée et les barrières au commerce transfrontalier sont deux autres facteurs qui entravent l’établissement de liens économiques plus étroits entre les villes qui forment ces grappes.
Les frictions frontalières, même les plus insignifiantes, peuvent avoir un effet néfaste sur le commerce interurbain. Un modèle de gravité des échanges commerciaux interurbains basé sur le principal réseau routier africain montre que ces frictions – qui affectent les villes différemment – limitent fortement le commerce des grandes villes d’Afrique centrale situées à proximité de frontières internationales mais éloignées d’autres marchés intérieurs.
Les villes seront les grandes bénéficiaires de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Le commerce africain, grand exportateur de matières premières vers d’autres régions du monde, ne génère que des bénéfices indirects pour les économies urbaines. Le renforcement du commerce intra-africain devrait bénéficier aux secteurs essentiellement urbains, tels que les l’industrie et les services marchands. En outre, les villes représentent de grands marchés de consommation. Une réduction des droits de douane et autres barrières commerciales devrait générer un surplus important pour les consommateurs, en entraînant une baisse du prix des biens de consommation.
La réduction des barrières commerciales, bien que nécessaire, ne permet pas, à elle seule, de renforcer le commerce intra-africain entre les villes. De bonnes liaisons de transport sont une condition préalable aux échanges économiques interurbains, et des investissements importants sont nécessaires. De toutes les régions du monde, c’est en Afrique que la densité des routes est la plus faible, qu’il s’agisse du nombre de kilomètres de route par région ou par habitant.
Il est essentiel d’améliorer les infrastructures de transport interurbain dans les grappes urbaines, car ce n’est que si les villes qui les constituent sont efficacement interconnectées qu’elles peuvent entraîner des répercussions économiques positives, telles que des économies d’agglomération dites « par emprunt » et des économies de réseau. L’efficacité d’une infrastructure urbaine repose avant tout sur la mise en place d’un bon réseau de transport au sein des grappes urbaines. Parce qu’elle dessert un grand nombre d’usagers et d’entreprises, le coût par habitant d’une infrastructure interurbaine tend à être plus faible que dans d’autres parties du pays, alors que le nombre d’usagers potentiels y est plus élevé.
Le réseau routier africain varie d’un pays à l’autre. Ce chapitre présente de nouvelles mesures permettant de le caractériser dans son ensemble, notamment sa complexité, sa linéarité ou sa sinuosité. Bénéficiant d’une géographie naturelle favorable, certains pays, comme l’Égypte, se sont dotés d’un réseau étendu de connexions directes entre les villes. À l’inverse, dans des pays montagneux comme le Rwanda, seules quelques connexions indirectes relient les villes entre elles.
Pour qu’un système de transport soit efficace, il doit être multimodal. L’infrastructure routière ne peut, à elle seule, satisfaire tous les besoins des grappes urbaines émergentes. Les pays africains doivent investir dans le transport ferroviaire. L'expérience de la Chine montre que ces investissements peuvent être particulièrement rentables, même lorsque les niveaux de revenu des pays sont faibles.
La nécessité croissante de relier les villes entre elles
Les villes sont des carrefours d’échange de marchandises, de capitaux et de connaissances. Plus elles grandissent, plus elles bénéficient d’économies d’échelle, les grandes étant généralement plus productives que les petites (voir Chapitre 1). Cependant, même les grandes villes ne bénéficient pas d’économies d’échelle dans tous les domaines nécessaires pour maximiser leurs performances. De nombreuses villes parmi les plus prospères du monde, font partie d’une grappe urbaine ; ceci n’est pas surprenant. Ces grappes permettent aux entreprises d’accéder à un écosystème économique de clients, de fournisseurs, d’investisseurs et d’innovateurs plus vaste que celui d’une ville seule. Appartenir à une grappe est intéressant pour les villes moyennes ne disposant pas d’une masse économique suffisante pour attirer les grandes industries.
L’urbanisation sans précédent de l’Afrique modifie sa géographie humaine. La population urbaine augmente tout comme celle de villes de toutes tailles et par conséquent de grappes urbaines. Autrefois, les villes étaient trop petites et trop éloignées les unes des autres pour que s’établissent d’étroites relations économiques. À mesure qu’elles se développent, tant en taille qu’en nombre, de plus en plus de villes sont situées à proximité d’autres grandes villes (OCDE/CSAO, 2020[3]). Ces grappes urbaines émergentes sont une opportunité de bâtir des économies interconnectées qui, par leur taille, peuvent avoir une portée internationale.
Cependant, aujourd’hui, les interactions économiques entre villes restent faibles, même lorsqu’elles réunies en grappes. Un grand nombre de ces grappes sont récentes et ont besoin d’un certain temps d’ajustement. Pour autant, les obstacles tels que l’insuffisance d’infrastructures et les frontières, entravent les connexions économiques entre les villes. Certaines des principales grappes émergentes s’étendent sur plusieurs pays. Les interactions en leur sein restent entravées par les obstacles à la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des idées. La ZLECAf pourrait être une réponse.
Ce chapitre étudie les opportunités offertes par l’établissement de liens entre villes africaines voisines. Il montre tout d’abord comment l’urbanisation crée des grappes urbaines, un phénomène courant dans d’autres régions du monde mais relativement récent dans la majeure partie de l’Afrique. Ces grappes, de tailles et de configurations différentes, ne regroupent parfois que quelques villes intermédiaires à quelques dizaines de kilomètres les unes des autres. Dans d’autres cas, elles peuvent s’étendre sur des centaines de kilomètres et englober plusieurs grandes villes ainsi que de multiples villes plus petites et intermédiaires (par exemple, le corridor Ibadan-Lagos-Accra-Abidjan). Ensuite, ce chapitre évalue les coûts commerciaux des frontières supportés par les villes en s’appuyant sur un modèle de gravité des échanges commerciaux interurbains ; avant d’examiner les possibilités d’une meilleure intégration des villes grâce à la ZLECAf. Enfin, le chapitre fournit une analyse des politiques nécessaires pour relier les villes entre elles, en insistant sur le rôle des infrastructures. S'il est possible d'identifier des grappes urbaines en fonction de la proximité entre les différentes villes, cette proximité ne garantit pas l’établissement de liens économiques entre elles. La mise en place de politiques publiques est essentielle à la création de telles connexions, tout comme le sont les investissements en infrastructure.
Les grappes urbaines sont les piliers d’un grand nombre d’économies florissantes
Si la mise en relation de villes de différents pays est importante pour l’économie de ces villes, elle l’est aussi pour l’intégration économique régionale. Des liens économiques étroits avec les villes d'un même pays sont toutefois tout aussi importants. Le Chapitre 1 a montré qu'en Afrique, les grandes villes obtiennent de meilleurs résultats que les plus petites et que la proximité des villes profite aux zones rurales dans bien des domaines. Ce schéma, que l’on peut observer à travers le monde, repose sur plusieurs facteurs : un appariement de l’offre et de la demande de main d’œuvre que facilite l’élargissement des marchés du travail; une plus grande spécialisation des entreprises dans les grandes villes ; une diffusion plus rapide des connaissances ; une prestation plus efficace des services publics ; et une meilleure utilisation des infrastructures (OCDE, 2015[4]).
Toutes les villes ne peuvent pas être de grandes métropoles. Et pourtant, même les villes intermédiaires peuvent assumer les fonctions d’une plus grande ville et en tirer les mêmes avantages en créant des économies d’agglomération dites « par emprunt » (Meijers et Burger, 2016[5]) ainsi que des économies de réseau. Leur productivité augmente alors, tout comme leurs chances d’attirer des entreprises. Tel est le cas, par exemple, de Francfort (Allemagne), qui occupe la 495e position au classement des plus grandes villes du monde, et compte moins de 1 million d’habitants (Commission européenne, 2020[6]). Cette ville figure pourtant parmi les plus grands centres financiers mondiaux, son aéroport se classe au quinzième rang mondial pour sa fréquentation et elle abrite la troisième plus grande foire internationale du monde. Aucune de ces ressources économiques ne serait viable si Francfort n’était pas étroitement intégrée à une grappe urbaine polycéphale de villes qui longe le Rhin et s’étend de la Suisse à l’Allemagne de l’Ouest, à l’est de la France et jusqu’aux Pays-Bas. Composée principalement de villes intermédiaires de moins de 1 million d’habitants, cette région est l’une des plus riches d’Europe, des plus peuplées et des plus importantes de la sphère économique. Grâce à l’économie interconnectée de la région, bon nombre de ses villes intermédiaires hébergent des activités économiques à forte valeur ajoutée, généralement associées aux seules grandes villes.
Les grappes souffrent moins que les grandes villes des effets négatifs associés aux niveaux de population élevés, ce qui leur confère un atout supplémentaire. À titre d’exemple, les terrains ont tendance à être moins rares parce que les grappes couvrent une plus grande superficie qu'une seule ville de population équivalente. Même si les grappes ne peuvent pas reproduire tous les avantages économiques des très grandes villes, elles peuvent néanmoins être aussi productives, et souffrent de moins d'inconvénients, tels que le prix élevé du foncier et les problèmes de congestion.
Il existe des grappes urbaines, de tailles et de configurations diverses. La côte nord-est des États-Unis en est un exemple notoire, englobant Boston, New York, Philadelphie et Washington D.C. Le delta de la Rivière des Perles en Chine en est une jeune – mais très vaste – comprenant Guangzhou, Foshan, Shenzhen et Dongguan. Grâce à l’urbanisation rapide que connaît la Chine, cette région, à l’origine un système polycentrique de villes, est devenue l’agglomération urbaine la plus grande du monde, avec près de 50 millions d’habitants. Cela dit, les petits groupes de villes peuvent aussi avoir une importance majeure pour leur pays. Les deux villes principales de la grappe d’Øresund – Copenhague (Danemark) et Malmö (Suède) – comptent à elles deux une population de moins d’1 million d’habitants. Cette grappe n’en est pas moins essentielle à l’économie danoise et suédoise. Quelque 20 000 personnes traversent chaque jour le pont d’Øresund pour aller travailler dans la ville située de l’autre côté du détroit d’Øresund, les villes et leur région contribuant à hauteur de 27 % au Produit intérieur brut (PIB) cumulé du Danemark et de la Suède (OCDE, 2012[7]).
Beaucoup d’avantages liés à l’intégration économique des villes contribue au développement de chacune d’entre elles ; l’activité économique globale augmente, plutôt que de simplement être redistribuée d’une ville à l’autre. Le fait que Francfort possède un grand aéroport international, loin de nuire aux villes voisines, leur offre une connectivité mondiale exceptionnelle à laquelle une ville intermédiaire n’aurait normalement pas accès. De même, la productivité des villes du Delta de la Rivière des Perles est renforcée par la proximité de centres industriels puissants qui donnent aux entreprises la possibilité d’accéder à un réseau de fournisseurs et de clients sans pareil.
Les grappes urbaines diffèrent par leur taille, leur configuration et leur fonction
La morphologie des grappes urbaines et les connexions fonctionnelles des villes qui les composent peuvent prendre de multiples formes. À l’échelle locale, les villes séparées seulement par quelques kilomètres forment souvent des zones urbaines fonctionnelles. Les villes appartenant à une zone urbaine fonctionnelle gardent une apparence de villes indépendantes mais fonctionnent économiquement comme une seule et même ville disposant, par exemple, d’un marché du travail local intégré. À plus grande échelle, les villes créent des grappes aux tailles, configurations et échelles variables. Il peut s’agir de quelques villes intermédiaires relativement proches les unes des autres. Il peut aussi s’agir d’une mégalopole s’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres, composée de multiples villes et comptant plusieurs millions d’habitants. Une grappe urbaine peut être monocentrique, avec une ville centrale principale entourée d’un grand nombre de villes plus petites, ou polycentrique, avec plusieurs villes de taille semblable. Les villes peuvent former un corridor le long de la côte, d’une route principale ou d’une voie navigable intérieure. Elles peuvent être réparties régulièrement selon les réseaux commerciaux historiques, ou être dispersées, sans schéma précis.
Les économies des grappes urbaines sont tout aussi variées. Les villes peuvent dépendre de la même industrie, se spécialiser dans des activités différentes, mais connexes, ou avoir des économies fondamentalement distinctes les unes des autres. Souvent, les grappes se sont constituées autour d’une concentration d’industries de nos jours obsolètes. Ceci peut créer des difficultés dans la mesure où les formes urbaines anciennes ne sont pas nécessairement adaptées aux structures économiques émergentes. Cependant, dans de nombreux cas, les grappes urbaines sont des incubateurs dynamiques pour de nouvelles activités économiques et réussissent mieux une transition vers de nouvelles activités que d’autres zones.
La nombre de termes utilisés pour décrire les grappes urbaines est à l’image de leur diversité. Grappes de villes, pôles urbains, clusters, constellations urbaines, mégalopoles, conurbations, corridors urbains, systèmes de villes et méga régions sont autant de termes utilisés pour décrire des ensembles de villes situées à proximité les unes des autres. Certains de ces termes ont des connotations spécifiques (le terme « conurbation », par exemple, s’applique aux villes qui ont pratiquement fusionné en une même zone urbaine fonctionnelle, alors que le terme « corridor urbain » décrit un système de villes à orientation linéaire). Il n’existe aucune définition officielle largement acceptée, et il est peu probable qu’une telle définition soit efficace. Les villes ont tellement de relations qui se recoupent dans de nombreuses dimensions qu'il est difficile de faire des distinctions nettes entre les types de grappes.
L’urbanisation favorise l’émergence de grappes urbaines en Afrique
Les grappes urbaines ne sont pas un phénomène ancien en Afrique. La plupart des villes africaines ont longtemps été de petite taille et éloignées les unes des autres. En 1960, la distance moyenne séparant une ville de la ville la plus proche était de 113 kilomètres. La croissance rapide de la population au cours de ces 50 dernières années et l’urbanisation associée ont changé la donne. Le nombre de villes est passé d’un peu plus de 1 000 en 1960 à plus de 7 700 en 2015, tandis que la distance moyenne entre deux villes voisines a diminué jusqu’à atteindre 36 kilomètres. On a ainsi assisté à l’émergence de grappes urbaines. Bien que bon nombre d’entre elles n’en soient encore naissantes, presque toutes connaissent une croissance rapide de leur population. Si les tendances actuelles se poursuivent, certaines compteront parmi les grappes urbaines les plus peuplées du monde dans les vingt prochaines années.
Les grappes urbaines diffèrent en fonction de leur taille et de leur densité. Certaines sont denses - villes situées à proximité les unes des autres - mais ne comportent que peu de villes. D’autres regroupent un grand nombre de villes situées relativement loin les unes des autres. Enfin, un petit nombre réunissent un grand nombre de villes proches les unes des autres.
Une grappe urbaine « compacte » est défini comme une région où au moins 2.5 millions de résidents urbains vivent dans des villes de plus de 30 000 habitants, situées à moins de 100 kilomètres les unes des autres par la route. Une grappe urbaine « étendue » est une région qui rassemble au moins 10 millions de résidents urbains vivant dans des villes de plus de 30 000 d’habitants, situées à moins de 250 kilomètres les unes des autres par la route. Une grappe urbaine étendue peut comprendre une ou plusieurs grappes urbaines compactes. Une définition détaillée est donnée dans l’Encadré 2.1.
L’Afrique compte actuellement 31 grappes urbaines compactes et 6 grappes urbaines étendues (Carte 2.2 et Carte 2.3). C’est en Égypte, le long du Nil et sur son delta, que s’étend la plus importante ; l’un des rares exemples de grappe urbaine compacte à très forte population. Elle abrite 82 millions de résidents urbains, soit plus de 80 % de la population totale égyptienne. En plus du Caire, elle comprend six villes de plus d’un million d’habitants. La deuxième plus grande grappe compacte se situe à cheval entre le Nigéria et le Bénin et comprend, entre autres, Lagos, Ibadan et Cotonou. Bien que ces trois villes soient les seules à compter une population supérieure à un million d’habitants, la région n’héberge pas moins de 33 millions de résidents urbains. Au Nigéria, l’ensemble constitué d’Onitsha, Uyo et Port Harcourt, est la troisième plus grande grappe compacte avec 23 millions d’habitants urbains. Il existe d’autres grappes urbaines compactes autour de Johannesburg, Kisumu, Addis-Abeba et Kinshasa, qui abritent chacune au moins 9 millions de résidents urbains.
La plus grande grappe urbaine étendue englobe les villes d’Afrique de l’Ouest de Kumasi (Ghana) à l’ouest, Kano (Nigéria) au nord et Port Harcourt (Nigéria) à l’est. Elle accueille une population urbaine de 83 millions d’habitants et comprend 15 villes de plus d’un million d’habitants. En son sein, plusieurs grappes urbaines compactes peuvent être identifiées ; ceci témoignant de la nécessité de prendre en compte différentes échelles. À l’inverse, la population de la grappe englobant le Caire reste pratiquement inchangée, que l’on utilise la définition de grappe urbaine compacte ou étendue. Quelle que soit la définition choisie, la plupart des villes égyptiennes font partie de la grappe, mais aucune ville située dans d’autres pays n’est suffisamment proche pour y appartenir.
La grappe Nairobi-Kisumu-Kampala, en Afrique de l’Est, compte 36 millions de résidents urbains et six villes de plus d’un million d’habitants. Les trois grappes suivantes, situées en Afrique du Sud, au Maroc et en Algérie, comptent toutes moins de la moitié d’habitants. Une liste complète des grappes des Carte 2.2 et Carte 2.3 est présentée au sein de l’Annex 2.A.
Un grand nombre des grappes présentées ci-après sont encore en pleine expansion. Si la population des villes d’Afrique de l’Ouest continue d’augmenter d’environ 50 % tous les dix ans (le rythme observé ces dernières décennies), la grappe Lagos-Accra-Kano s’étendra pour inclure Abidjan (Côte d’Ivoire) et rassemblera plus de 115 millions de résidents urbains. Sur la même période, neuf autres grappes compactes devraient voir le jour, ce qui portera le total à 39 en Afrique.
Il est important de préciser que les grappes sont identifiées sur la base des distances qui séparent les villes les composant, et non sur la base de leurs relations fonctionnelles. Beaucoup de ces grappes sont encore émergentes et les réseaux de transport interurbains sont bien souvent déficients. Tout laisse à penser que ces nouvelles grappes ne disposent pas encore de liens économiques, culturels et sociaux semblables à ceux rencontrés dans les grappes mondiales les plus prospères. Le développement de ces liens dépendra de l’ensemble des politiques publiques, conçues pour renforcer les liens interurbains, qui seront mises en place à tous les niveaux de gouvernement.
Les Carte 2.2 et Carte 2.3 illustrent la nature changeante de l’urbanisation en Afrique. La moitié des grappes urbaines sont situées à l’intérieur des terres et devraient développer des spécialisations économiques différentes de celles des grappes urbaines côtières. Elles pourront, par exemple, se concentrer sur les marchés intérieurs et continentaux plutôt que de s’orienter vers les marchés mondiaux, plus difficiles d’accès. La croissance des grappes urbaines à l’intérieur des territoires offre des opportunités de diversification et d’intégration des économies africaines, favorisant un développement territorial plus équilibré.
Encadré 2.1. Identifier les grappes urbaines
Dans ce chapitre, les grappes urbaines sont identifiées en fonction de la distance qui sépare les villes qui les composent et de la taille de leur population combinée. Deux définitions permettent de les différentier. La première identifie les petites grappes formées de villes situées à proximité les unes des autres. La seconde identifie les grappes plus grandes formées de villes potentiellement plus éloignées les unes des autres. Une ville peut appartenir à une petite ou à une grande grappe, aux deux ou à aucune. Cependant, une même ville ne peut pas appartenir à plusieurs petites ou grandes grappes.
Définition des grappes urbaines
Grappes urbaines « compactes »
Ensemble de villes de plus de 30 000 habitants situées à moins de 100 kilomètres les unes des autres par la route, et dont la population urbaine totale est supérieure à 2.5 millions d’habitants (y compris leur propre population). Les villes répondant à ces critères et situées à moins de 100 kilomètres par la route les unes des autres appartiennent à la même grappe. Les villes qui ne remplissent pas ces conditions mais qui se trouvent à moins de 60 minutes de trajet d’une ville qui, elle, les remplit, appartiennent elles aussi à la même grappe.
Grappes urbaines « étendues »
Ensemble de villes de plus de 30 000 habitants situées à moins de 250 kilomètres les unes des autres par la route, et dont la population urbaine totale est supérieure à 10 millions d’habitants (y compris leur propre population). Les villes répondant à ces critères et situées à moins de 250 kilomètres par la route les unes des autres appartiennent à la même grappe. Celles qui ne remplissent pas ces conditions mais qui se trouvent à moins de 60 minutes de trajet d’une ville qui, elle, les remplit, appartiennent elles aussi à la même grappe.
La réduction des barrières frontalières facilitera le développement des économies urbaines
Certains des plus grandes grappes urbaines, particulièrement en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest, sont transfrontalières et s’étendent sur deux pays ou plus. Leur développement économique est entravé par les barrières commerciales. Cependant, même les villes qui ne se trouvent pas directement sur une frontière sont soumises aux coûts économiques associés aux barrières au commerce intra-africain.
En Afrique, les échanges transfrontaliers sont soumis à de nombreux coûts monétaires et non monétaires, dont les droits de douane, les redevances et parfois même les pots-de-vin. Exportateurs et importateurs doivent se soumettre à des formalités complexes et sont bien souvent confrontés à des délais longs et imprévisibles. La Banque mondiale estime qu’en Afrique subsaharienne, l'exportation d'une cargaison d'une valeur de 50 000 USD nécessite des délais moyens de 97 heures aux frontières1, sans compter les 72 heures supplémentaires à prévoir pour l’obtention et le traitement des documents nécessaires. Les frais associés aux formalités douanières, tels que les redevances, les frais d’assurance et les pots-de-vin (droits de douane exclus), s’élèvent en moyenne à 777 USD. Les délais et les coûts des procédures d’importation sont encore plus élevés que ceux des exportations (Banque mondiale, 2019[8]).
Quantifier l’impact des barrières commerciales et identifier les plus déterminantes d’entre elles est toujours une tâche difficile ; elle l’est encore plus en Afrique. Une grande partie des échanges intra-africains sont informels et n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. Une étude quantitative des échanges entre le Bénin et le Nigéria, par exemple, a montré que le volume d’importations informelles non enregistrées du Nigéria vers le Bénin était pratiquement égal à celui des importations enregistrées, alors que le nombre d’exportations non enregistrées du Bénin vers le Nigéria était cinq fois plus élevé que celui des exportations enregistrées (Bensassi, Jarreau et Mitaritonna, 2018[9]). Comme il y a peu de chevauchement de produits entre les biens échangés de manière formelle et informelle, les statistiques officielles sous-estiment non seulement l'ampleur du commerce intra-africain, mais aussi la diversité des biens échangés. Le transfert du commerce informel vers l'économie formelle suite à la réduction des barrières commerciales pourrait présenter des avantages supplémentaires2.
Outre les coûts monétaires et non monétaires des passages aux frontières, l’émergence d’un marché unique panafricain est compliquée par les obstacles aux investissements transfrontaliers et aux flux de capitaux, ainsi que les cadres juridiques et réglementaires (Banque mondiale, 2020[10]). Alors que les droits de douane sont souvent perçus comme des obstacles majeurs au commerce, nombre de ces mesures dites « derrière les frontières » sont essentielles pour permettre le libre-échange entre les pays et pour favoriser le développement d’un marché intégré (de Melo et Tsikata, 2014[11]).
Les frictions frontalières divisent les villes frontalières et empêchent l’émergence d’une zone urbaine fonctionnelle unique. Les sections d’une même ville séparées par une frontière fonctionnent comme des villes plus petites, générant par conséquent moins d’économies d’agglomération que ne le ferait la ville qui ne serait pas divisée. Dans de nombreuses villes frontalières, il est difficile – voire impossible – pour les résidents de trouver un emploi de l’autre côté de la frontière et pour les petits commerçants d’y vendre leurs marchandises.
Brazzaville (République du Congo, 1.6 million d’habitants) et Kinshasa (République démocratique du Congo, 7.3 millions d’habitants), sont deux des plus grandes villes frontalières du monde. Elles ne sont séparées que par le fleuve Congo. Sans les délais au passage de la frontière, la quasi-totalité de Kinshasa serait accessible du centre de Brazzaville en moins de 90 minutes. Sans les frictions aux frontières et autres obstacles, les économies des deux villes seraient probablement étroitement intégrées, d’autant que les langues parlées dans les deux pays se recoupent. L’élimination de ces obstacles sera d’autant plus pertinente si le projet de pont entre les deux villes (prévu en 2028) se concrétise. Un tel investissement, associé à des politiques facilitant la mobilité et le commerce, permettrait aux deux villes de fusionner. Au moment de l'ouverture prévue du pont, la zone urbaine combinée de Kinshasa et de Brazzaville devrait être la troisième plus grande agglomération africaine (plus de 10 millions d’habitants).
À plus grande échelle, les frontières divisent les grappes urbaines. Elles réduisent le potentiel commercial des villes et les empêchent de développer les interdépendances économiques que permettent de bonnes connexions entre villes voisines. Elles empêchent l’émergence d’économies d’agglomération dites « par emprunt » et d’économies de réseau qui contribuent normalement à une hausse des niveaux de productivité dans les grappes urbaines bien connectées (voir ci-après).
Les coûts transfrontaliers, même minimes, peuvent entraîner des réductions importantes du commerce interurbain
Les effets des frictions frontalières sur le commerce peuvent être simulés à l’aide d’un modèle de gravité. Dans ce modèle, le volume des échanges entre deux destinations est supposé dépendre de leur activité économique ou de la taille de leur population et du temps de trajet entre elles3. Ces deux facteurs permettent de prédire le volume des échanges commerciaux entre deux villes. Pour simuler l’effet des frictions aux frontières, le modèle introduit un délai de franchissement d’une frontière, pouvant aller jusqu’à 1 000 minutes, et modélise la contraction des échanges interurbains qui en résulte, par comparaison à une situation où les frontières peuvent être franchies sans obstacle.
Le modèle n’évalue les frictions frontalières qu’en termes de coûts temporels. Mais ces derniers peuvent représenter des coûts monétaires, réglementaires ou de tout autre type, encourus par les entreprises. Les coûts temporels modélisés sont approximatifs et ne prétendent pas refléter de manière réaliste la diversité des situations. Les frictions auxquelles les entreprises sont confrontées dépendent non seulement du pays avec lequel elles traitent, mais aussi de leur taille et de leur secteur d’activité.
La Carte 2.6 représente le réseau routier africain, avec et sans délais aux frontières. La longueur de chaque segment correspond au temps requis pour se rendre d’un endroit à l’autre par la route, et non la longueur de la route4. Elle déforme donc le continent en figurant le temps nécessaire pour se rendre d’une ville à l’autre. Les routes sont colorées différemment en fonction de la population urbaine accessible dans un temps de trajet de dix heures. Celles qui traversent une frontière sont colorées en gris clair. Dans un scénario sans délais aux frontières (carte de gauche), les villes de pays différents sont plus proches les unes des autres, ce qui reflète l’absence de friction dans les déplacements. En revanche, la prise en compte de délais aux frontières (carte de droite sur laquelle un délai de franchissement de frontière de 1 000 minutes est ajouté) augmente les distances entre les pays. Les pays deviennent « insulaires » dans le sens où les temps de déplacement à l’intérieur d’un même pays sont bien plus courts que ceux nécessaires pour se rendre dans les pays voisins ; ceci reflétant les difficultés des déplacements et des échanges transfrontaliers.
Encadré 2.2. Analyser l’ensemble du réseau routier principal en Afrique
Grâce aux progrès informatiques, il est désormais possible d’analyser le réseau routier reliant la majorité des villes d’Afrique de plus de 30 000 habitants (ainsi que toutes les villes de plus de 100 000 habitants). Après avoir extrait d’OpenStreetMap les données disponibles sur les routes principales (autoroutes, routes nationales et principaux axes routiers), un algorithme a été développé pour assigner les villes au réseau routier et pour compléter les tronçons de routes non répertoriés dans OpenStreetMap (il existe encore certaines zones non couvertes par OpenStreetMap, rendant les données imparfaites).
Chaque ville de plus de 100 000 habitants est représentée par un nœud du réseau qui est relié par des arêtes correspondant aux routes principales. Chaque agglomération urbaine de plus de 100 000 habitants est affectée à ses coordonnées routières les plus proches. Ensuite, les agglomérations urbaines de moins de 100 000 habitants sont affectées à leurs coordonnées routières les plus proches si la distance entre une ville et un nœud de transport est inférieure à 10 km. Pour préserver la configuration géographique du réseau, les intersections des routes en dehors d’une ville sont considérées comme des nœuds sans habitants. Le réseau simplifié ainsi obtenu préserve la structure du réseau routier d’origine en représentant chaque axe routier par un lien unique contenant des informations sur la longueur et la vitesse de déplacement du tronçon routier d’origine.
Une fois les données routières transformées en une représentation de réseau de ce type, il est possible d’appliquer des méthodes d’analyse de réseau pour en identifier les caractéristiques. La représentation du réseau des villes d’Afrique et des routes qui les relient sera partagée avec les chercheurs sur demande. Merci de contacter africapolis@oecd.org pour accéder à ces données. De plus amples détails sur la méthodologie, et des analyses supplémentaires, sont disponibles dans Prieto Curiel et al. (2021[13]).
Même limités, les retards aux frontières entraînent des réductions considérables des volumes prédits du commerce interurbain. Cependant, les effets varient fortement d’une région à l’autre (Graphique 2.2). Le principal déterminant dans la modélisation de l'impact des retards aux frontières sur les villes est leur localisation. S’il s’agit de villes proches de grandes villes situées de part et d’autre d’une frontière, mais loin d’autres grandes villes du même territoire, l’impact des coûts frontaliers estimé est considérable. En revanche, s’il s’agit de villes situées près de grandes villes du même pays, et loin de villes situées de l’autre côté d’une frontière, l’impact des coûts frontaliers estimé est faible. Pour tenir compte des différences d'infrastructure, le modèle utilise les temps de trajet entre les villes, calculés à partir des liaisons routières réelles, et non les distances géographiques.
Les frictions frontalières sont particulièrement importantes pour les villes des pays d’Afrique centrale. La région comprend deux pays enclavés et compte de nombreuses grandes villes situées près de frontières et loin des autres centres urbains domestiques. Tel est le cas de Bangui, Brazzaville, N’Djaména et Kinshasa, respectivement capitales et villes principales de la République centrafricaine, de la République du Congo, du Tchad et de la République démocratique du Congo. Ces quatre villes figurent parmi les plus grandes villes frontalières du monde. En l’absence de barrières au commerce international, les partenaires commerciaux naturels de ces villes seraient situés de l’autre côté des frontières limitrophes. Les coûts frontaliers ont cependant un impact significatif sur les échanges commerciaux prédits.
Dans l’ensemble, les coûts frontaliers se font moins ressentir dans les pays d’Afrique de l’Est, mais n’en restent pas pour autant moins importants. Le Kenya, le Rwanda, le Mozambique et l’Ouganda, abritent des grappes urbaines transfrontalières. L’Éthiopie est le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique. Ses voisins, le Soudan, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie, possèdent tous de grands centres urbains à proximité des grandes villes éthiopiennes. En l'absence de frictions frontalières, ces villes seraient naturellement des partenaires commerciaux.
L'Afrique de l'Ouest présente un tableau inégal. La région est dominée par le Nigéria, pays nettement plus peuplé que ses voisins ; sa population est six fois plus élevée que celle du Ghana, deuxième pays le plus peuplé d’Afrique de l’Ouest. Ceci explique pourquoi la majeure partie des échanges interurbains prédits au Nigéria sont domestiques. Selon la modélisation, les coûts frontaliers ne réduiraient la totalité des volumes des échanges commerciaux interurbains dans le pays que de quelques points de pourcentage. En revanche, pour les pays environnants, le Nigéria représente un marché potentiel important. Les frictions frontalières réduisent fortement leur potentiel de commerce interurbain, et l’impact prédit des coûts frontaliers pour ces pays est élevé.
La situation de l’Afrique australe est quelque peu comparable à celle de l’Afrique de l’Ouest, en ce que la région est dominée par un seul grand pays (l’Afrique du Sud), pour lequel l’impact des coûts frontaliers est faible car la plupart des échanges interurbains prédits sont domestiques. À l’inverse, les coûts frontaliers pour d’autres pays sont nettement plus élevés. Eswatini et le Lesotho en particulier sont confrontés à des coûts frontaliers élevés. Cependant, ces deux états sont si petits qu’ils n’exercent pratiquement aucune influence sur la moyenne régionale. En moyenne, les coûts frontaliers en Afrique australe n'entraînent que de faibles réductions du commerce interurbain.
Par rapport à la plupart des autres régions, les coûts frontaliers modélisés sont relativement faibles en Afrique du Nord. En raison de la géographie de la région, la plupart des villes d’Afrique du Nord font partie de grappes urbaines nationales relativement éloignées des villes des pays voisins. Le modèle prédit donc de faibles volumes d’échanges commerciaux transfrontaliers, même en l’absence totale de coûts frontaliers. Considérant que les échanges transfrontaliers prévus seraient de toute façon mineurs, les effets des coûts frontaliers sur les volumes commerciaux prédits sont faibles.
Le Graphique 2.2 présente la réduction des échanges interurbains estimée dans chaque région. Il s’agit d’un aperçu des tendances générales et non de prédictions au sens propre du terme. Les résultats dépendent des spécifications du modèle et des paramètres sélectionnés. Il est probable que les tendances commerciales réelles diffèrent de celles du modèle, mais du fait de la disponibilité limitée d’informations systématiques sur le commerce interurbain africain, il est impossible de vérifier et de quantifier l’éventuel degré de divergence.
La ZLECAf crée une base pour l’intégration économique régionale
La ratification de l'accord de libre-échange continental africain (ZLECAf) aura des effets importants sur les villes d'Afrique. À travers le monde, les villes sont des pôles de transport et d’échanges internationaux de biens et de services. Comme indiqué au Chapitre 1, les villes africaines remplissent ce rôle à un degré moindre que celui attendu compte tenu de leurs avantages économiques par rapport aux zones rurales. La ZLECAf offre aux villes l’opportunité de développer leurs économies en renforçant les liens économiques internationaux qui les unissent, et, dans le même temps, de devenir les piliers de l'intégration régionale.
L’accord fondateur de la ZLECAf, entré en vigueur le 30 mai 2019, a été signé par 54 des 55 États membres de l’Union africaine (UA) et ratifié par 30 d’entre eux ; le démantèlement des droits de douane a débuté en janvier 2021. L’accord prévoit la suppression des droits de douane sur 90 % des biens échangés d’ici à 2025, ainsi qu’une réduction des droits de douane sur 7 % de biens supplémentaires sur 10 à 13 ans dans la majorité des pays concernés. La modalité du commerce des services fera l’objet de négociations en 2022 pour étendre la portée de l’accord (Tralac, 2020[14] ; UA & CEA, 2020[15]). Outre la réduction des droits de douanes, l’accord contient une annexe portant sur les barrières non tarifaires (BNT) telles que les retards douaniers et administratifs, les barrières liées aux normes techniques et sanitaires, et les mesures non tarifaires sur les importations, qui auront un impact encore plus important que la simple réduction des droits de douane (Abrego et al., 2019[16] ; UA & CEA, 2020[15]).
La ZLECAf réunira un marché de 2.5 trillions de dollars pour une population de 1.35 milliard de personnes sur un continent qui a été fragmenté par des frontières, confronté à de multiples obstacles entravant la connectivité interne, et dont la majorité des exportations dans les secteurs des matières premières est destinée à la demande en dehors de la région (UA & CEA, 2020[15] ; CEA, 2022[17] ; ONU DAES, 2019[18]).
Les économies urbaines profiteront de l’intégration économique continentale
Les villes africaines ont été affectées par la structure commerciale historique du continent. Les exportations de ressources naturelles, peu génératrices d’emplois, ont évincé les emplois urbains. Les barrières commerciales ont entravé la compétitivité des exportations de biens produits dans les villes (Gollin, Jedwab et Vollrath, 2015[19] ; Graff, 2018[20]).
La ZLECAf peut contribuer à changer la donne en stimulant les échanges intra-africains de biens et de services à valeur ajoutée, tels que les produits de haute compétence et de haute technologie, les produits alimentaires et les produits manufacturés en général (Graphique 2.3). Le renforcement du commerce intra-africain devrait permettre aux villes de jouer un rôle plus important dans la production des biens commercialisés.
La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) (CEA, 2022[17]), estime que le commerce dans les secteurs économiques urbains devrait connaître une forte croissance grâce à la mise en œuvre de l’accord ZLECAf (Graphique 2.4). L’industrie (à l’exception des secteurs énergétiques et miniers) représente 66 % de la croissance prévue d’ici à 2040 à travers le continent. Les 10 premiers secteurs les plus rentables en USD sont les secteurs manufacturiers, basés généralement dans les villes principales et intermédiaires, parmi lesquels figurent : les véhicules et le matériel de transport (hausse de 8.4 milliards USD), les métaux (hausse de 8.1 milliards USD), les machines (hausse de 7.6 milliards USD), les produits chimiques (hausse de 5.5 milliards USD), les autres produits alimentaires (hausse de 2.8 milliards USD) et les textiles (hausse de 2 milliards USD). L'alimentation et l'agriculture représentent 20 % de la croissance des exportations prévue dans le cadre de l’accord ZLECAf (CEA, 2022[17]), avec des implications pour les petites villes et villes moyennes, dont une grande partie de la valeur ajoutée provient de ces secteurs (Henderson et Kriticos, 2018[22]).
Les villes représentent de grands marchés de consommation et bénéficieront de la diminution des barrières commerciales
Les villes représentent d’importants marchés de consommation pour les biens échangés, notamment les produits manufacturés et denrées alimentaires. Elles abritent les classes moyennes émergentes, dont les niveaux de revenus permettent d’importantes dépenses de consommation. La taille de la classe moyenne africaine fait l’objet de débat. Il ne fait cependant aucun doute qu’elle est très majoritairement urbaine. Les grandes villes sont les principaux marchés de consommation, en raison de leurs revenus plus élevés et de la taille de leur population (Gadzala, 2017[23] ; Oxford Economics, 2020[24]). Les ménages des zones urbaines consomment davantage d'aliments transformés et de produits manufacturés et dépensent plus pour le logement (CEA, 2017[25]). Les pays les plus urbanisés importent davantage de produits manufacturés par habitant (Graphique 2.5). La réduction des barrières commerciales intrarégionales offre aux exportateurs africains la possibilité de profiter pleinement de cette demande urbaine croissante (CEA, 2017[25]).
Lorsque les coûts des biens échangés diminuent, les consommateurs profitent de la baisse des prix (Melitz et Trefler, 2012[27]). Les urbains, principaux consommateurs de biens échangés, en sont les premiers bénéficiaires (University of Alberta, Canada, 2017[28]). Selon les prévisions, la ZLECAf devrait avoir un impact majeur sur le commerce de denrées alimentaires, dépense centrale du budget des ménages pauvres urbains. Les entreprises urbaines bénéficient également de la baisse du coût des importations. Il existe donc un potentiel croissant pour le commerce intra-africain interentreprises et les chaînes de valeur régionales émergentes, lié à la ZLECAf (CEA, 2022[17]).
Les grandes villes qui disposent déjà d’un important secteur commercial tireront le plus grand bénéfice de l’intégration commerciale intra-africaine. Selon la théorie du commerce international et de la nouvelle économie géographique, la production tend à se concentrer lorsque les frais de transport et les coûts commerciaux diminuent. Les entreprises se regroupent pour profiter des économies d'agglomération surtout si elles peuvent facilement atteindre les marchés transfrontaliers avec leurs biens et services (Fujita, 2007[29]). Déjà aujourd’hui, la plupart des exportations intra-africaines de biens urbains se concentrent dans quelques grands pôles commerciaux, à savoir l’Afrique du Sud, le Nigéria, l’Égypte, le Maroc et le Sénégal (Carte 2.7). Les augmentations des exportations intra-africaines prévues dans le cadre de la ZLECAf prolongent cette tendance ; les trois économies les plus puissantes en termes de PIB (Égypte, Nigéria et Afrique du Sud) devraient – selon les projections – ensemble – représenter de 44 % à 47 % du total des exportations intra-africaines (CEA, 2022[17]). Ces pays abritent certaines des plus grandes agglomérations urbaines d’Afrique - Johannesburg, Le Caire, Lagos - qui devraient conserver leur statut de centres de gravité régionaux dans le cadre de la ZLECAf.
Les échanges commerciaux sont bien plus nombreux entre pays limitrophes qu’entre pays plus éloignés les uns des autres (Carte 2.7). Le nord et le sud de l’Afrique sont chacun dominés par des carrefours d’échanges régionaux (l’Égypte et l’Afrique du Sud respectivement), alors que les grappes urbaines en Afrique de l’Est et de l’Ouest comptent de multiples pôles commerciaux et ont tendance à être plus fragmentées par les frontières nationales. L’Afrique centrale, quant à elle, est largement contournée par les flux commerciaux régionaux (CEA, 2022[17]). Toutefois, les pays enclavés d'Afrique centrale ont tout à gagner de la ZLECAf, car l'absence de ports les rend plus dépendants du commerce intra-africain (CEA, 2022[17]).
Les grandes villes ne seront pas les seules bénéficiaires de l’intégration commerciale régionale. Cette dernière permet aux petites villes de desservir les marchés régionaux à mesure que les barrières commerciales diminuent. Les petites villes pourront jouer un rôle important dans les filières agroalimentaires en approvisionnant les entreprises de transformation des aliments situées dans les grandes villes ; elles pourront tirer parti de la demande alimentaire croissante des villes plus importantes ; elles pourront à terme tirer avantages du développement du cybercommerce et de réseaux de petites et moyennes entreprises.
Quelque 41 millions d’Africains habitent dans des villes de petite ou moyenne taille pour lesquelles la grande ville la plus proche, de 300 000 habitants ou plus, se trouve dans un pays limitrophe. Parmi ces populations, 16 millions environ vivent dans des villes de tout au plus 50 000 habitants. Si les obstacles au commerce international entravent le commerce interurbain, la réduction des barrières commerciales n'est pas la seule mesure nécessaire. L’infrastructure de transport joue un rôle essentiel dans la connexion des villes entre elles. Dans de vastes régions d’Afrique, cette infrastructure est insuffisante ; y compris en comparaison avec d’autre pays au niveau de développement similaire. Ceci augmente les temps et les coûts de déplacement des personnes et marchandises, rend les voyages imprévisibles.
La littérature fournit de nombreuses évidences théoriques et empiriques à ce sujet et atteste de l’importance que représentent les coûts de transports pour les économies urbaines (Storeygard, 2016[30]). Bien qu’il reste à définir dans quelle mesure la qualité de l’infrastructure influe sur les coûts de transport (Banque mondiale, 2008[31]), la nécessité d’investir dans les infrastructures en Afrique ne fait aucun doute. De toutes les régions du monde, c’est le continent africain qui compte le moins de kilomètres de route par habitant et par superficie (Graphique 2.6).
Partout dans le monde, les grappes urbaines prospères bénéficient toutes d’infrastructures de transport de qualité reliant les villes entre elles. La circulation rapide, bon marché et pratique des personnes, des marchandises et de l’information entre les villes facilite l’émergence d’économies interconnectées créatrices d’économies d’agglomération et d’économies de réseau qui, à leur tour, nourrissent un cercle vertueux attirant de nouvelles entreprises.
Les grappes urbaines émergentes identifiées précédemment permettent de repérer les régions où les investissements dans les infrastructures de transport peuvent générer de hauts rendements. Du fait de la densité de la population et de l’activité économique, les routes et les voies ferrées peuvent y bénéficier d’un grand nombre d’utilisateurs ; le nombre d’usagers potentiels étant bien plus élevé dans les villes qu’en milieu rural. Contrairement aux zones rurales, les investissements dans les transports, dans une ligne ferroviaire de banlieue par exemple, peuvent donc être économiquement viables en ville.
Toutefois, les infrastructures de transport interurbain ne seront profitables que si elles sont mises en place par des structures de gouvernance à même de cibler les secteurs les plus rentables et de coordonner leur action avec d’autres politiques publiques (FIT, 2018[33]). Si les grands investissements routiers relèvent des gouvernements nationaux, ils doivent être reliés à l’infrastructure locale, dont la responsabilité incombe bien souvent aux gouvernements infranationaux. Il est donc indispensable de coordonner les investissements avec les politiques de secteurs autres que celui des transports ; en particulier l’aménagement du territoire (voir Chapitre 4).
Un manque de coordination entre les secteurs politiques et les niveaux de gouvernement peut entraîner des conséquences inattendues. Au XXe siècle, les autoroutes des pays riches ont souvent été construites à travers des zones bâties, sans tenir compte des conséquences au niveau local. Cela a conduit à une dégradation des villes et des quartiers entiers ont été virtuellement détruits, avec des répercussions économiques et sociales sur plusieurs dizaines d’années (Lewis, 2017[34]). Des infrastructures de transport interurbain mal connectées aux réseaux locaux de transport peuvent également entraîner des engorgements de circulation, ou rendre les trajets en train inefficaces si les gares ne sont pas facilement accessibles.
Encadré 2.3. De nouvelles mesures pour décrire le réseau routier africain
L’analyse de réseau utilisée ci-dessus pour identifier les grappes urbaines permet de développer de nouvelles mesures pour le réseau routier des pays africains. Ces mesures sont basées sur la relation entre la distance géographique séparant deux villes et la distance réelle de trajet en empruntant les routes principales qui relient les villes.
Le rapport de sinuosité permet de quantifier dans quelle mesure les routes d’un pays adoptent une voie directe ou effectuent des détours pour contourner des obstacles naturels, tels que des rivières ou des montagnes. Ce rapport est appliqué à deux villes directement reliées par une route. Si la route est parfaitement rectiligne, la distance géographique est égale à la distance de trajet et le rapport entre les deux villes est de 1. Plus la route est sinueuse et plus la distance de trajet entre les villes est longue, plus le rapport augmente. Il est possible, en mesurant le rapport pour toutes les paires de villes directement reliées par une route, de calculer le rapport de sinuosité moyen par pays.
Le rapport de distance est un rapport similaire qui tient également compte du fait que de nombreuses villes ne sont pas reliées par une route directe. Plutôt que de se rendre directement d’une ville à l’autre, il est parfois nécessaire de faire des détours par d’autres villes. Le rapport de distance en tient compte en calculant le rapport entre la distance par la route et la distance géographique de toutes les villes d’un pays, qu’elles soient ou non reliées par une route directe. La moyenne nationale de ce rapport est influencée par deux facteurs, à savoir la sinuosité des routes existantes et la mesure dans laquelle le réseau routier oblige à effectuer des détours par d’autres villes plutôt que de relier directement deux villes données.
Ces deux paramètres sont étroitement liés aux conditions géographiques. Il est plus facile de relier par une route directe des villes situées en plaine, qu’aucun obstacle de taille ne sépare, que des villes séparées par une chaîne de montagnes. Ainsi, le Rwanda, l’un des pays d’Afrique les plus montagneux, affiche les rapports les plus élevés sur ces deux indices. De plus, le niveau de revenu est un facteur déterminant de l’état du réseau routier. Il n’est donc pas surprenant de constater que certains des pays les plus développés d'Afrique, comme l'Algérie, l'Égypte et l'Afrique du Sud, présentent les rapports route/distance géographique les plus faibles, indiquant que la plupart des villes de ces pays bénéficient de connexions routières directes.
Le Graphique 2.8 illustre la relation entre le rapport de sinuosité et le rapport route/distance géographique. Certains pays, comme la Somalie, affichent un taux réseau-distance élevé mais un rapport de sinuosité faible. En effet, dans ces pays, les routes sont relativement droites, mais de nombreuses villes qui ne sont pas reliées par des routes directes, ce qui implique des détours par d’autres villes. Inversement, d’autres pays affichent un rapport de sinuosité relativement élevé, mais un taux réseau-distance faible, indiquant que de nombreuses villes sont reliées entre elles par des routes directes, quoique relativement sinueuses et détournées. On retrouve également ce schéma dans les pays où de nombreuses villes sont reliées entre elles par plusieurs routes, comme en Égypte. Il se peut que certaines de ces routes soient des autoroutes modernes qui relient les villes directement, réduisant ainsi le rapport route/distance géographique, alors que d’autres routes, plus anciennes et moins rectilignes, existent en parallèle, augmentant le rapport de sinuosité.
Un bon réseau ferroviaire est indispensable pour relier les villes au sein des grappes
Les grappes urbaines ont été identifiées en fonction des liaisons routières existantes entre les villes. Cette méthode a été adoptée car le transport routier est de loin le mode de transport majoritaire. Toutefois, le chemin de fer est un mode de transport essentiel pour les grappes urbaines. Dans de nombreux pays, le transport ferroviaire représente plus de 50 % des trajets interurbains sur des distances de plusieurs centaines de kilomètres (L.E.K., 2019[35]). C’est par exemple le cas en Corée où plus des deux tiers des trajets reliant la capitale Séoul à Busan, deuxième ville du pays situées à environ 330 kilomètres, sont effectués en train (Matsumoto, Morichi et Acharya, s.d.[36]).
Parfois jugé non prioritaire, le chemin de fer peut pourtant s’avérer très rentable. L’exemple chinois en est l’illustration. Dès le milieu des années 1990, alors que son PIB annuel par habitant était de 1 100 USD, la Chine a massivement investi dans son réseau ferroviaire ; puis s’est tournée vers des lignes à grande vitesse au milieu des années 2000, alors que son PIB par habitant s’élevait à 2 400 USD. Aujourd’hui, la plupart des pays africains dépassent ou atteignent ces niveaux de revenus. Pour éviter une dépendance excessive au transport routier, ils doivent accroitre leurs investissements ferroviaires urbains et interurbains.
Les avantages du transport ferroviaire sont les suivants.
Premièrement, ils ont une capacité de transport de passagers largement supérieure à celle des réseaux routiers. Ceci est important dans les villes très peuplées où les routes sont encombrées et l’espace limité. Les chemins de fer à double voie peuvent transporter plus de 50 000 passagers par heure (RATP, 2017[37]) ; alors que la capacité maximale d’une voie unique d’autoroute est d’environ 2 000 véhicules par heure (National Roads Authority, 2012[38]). Même les autoroutes à grande circulation ne transportent pas plus de 20 000 véhicules par voie par jour, et donc bien moins que le nombre de passagers qu’une voie ferrée peut transporter en une heure seulement.
Deuxièmement, les chemins de fer modernes sont bien souvent le mode de transport le plus rapide entre les villes ; même en tenant compte des temps de déplacement vers et depuis les gares. Les trains atteignent des vitesses beaucoup plus élevées que les voitures et ne sont pas gênés par la circulation. La vitesse opérationnelle d’un grand nombre de lignes à grande vitesse – y compris le premier train à grande vitesse d’Afrique qui assure la liaison Tanger-Casablanca au Maroc (Encadré 2.4) – dépasse les 300 kilomètres à l’heure. Des trains dont la vitesse opérationnelle serait au moins deux fois inférieure peuvent eux aussi permettre d’économiser un temps considérable par rapport aux liaisons routières encombrées. Par ailleurs, le voyage en train est plus rapide que le voyage en avion sur les distances habituelles à l’intérieur des grappes urbaines ; les aéroports étant souvent situés loin des centres villes et les procédures d’embarquement fastidieuses allongent la durée du trajet.
Troisièmement, l’empreinte écologique du transport ferroviaire est plus faible. Les émissions de carbone par passager-kilomètre en train sont de 3 à 24 % inférieures au transport routier en voiture individuelle (Department for Business, Energy and Industrial Strategy, 2020[39]). Par ailleurs, le transport ferroviaire génère des quantités bien plus faibles de polluants atmosphériques que le transport routier ; avantage essentiel dans les zones urbaines à forte densité de population plus gravement touchées par les problèmes de pollution atmosphérique que d’autres parties du pays.
Quatrièmement, le développement ferroviaire améliore la sécurité routière et diminue la mortalité sur les routes. L’Afrique compte pour plus de 23 % des décès par accident de la route dans le monde, soit 27.5 décès pour 100 000 habitants (Banque mondiale, 2019[40]). 3.3 % des décès en Afrique seraient dus à des accidents de circulation.
Encadré 2.4. Le train à grande vitesse est un mode de transport essentiel pour de nombreuses grappes urbaines
Le Tōkaidō Shinkansen japonais, la plus ancienne ligne ferroviaire à grande vitesse au monde, relie l’une des plus grandes mégalopoles de la terre
La ligne à grande vitesse Tōkaidō Shinkansen, au Japon, est la plus ancienne du monde et l’une des plus prospères. Elle relie Tokyo, Nagoya, Kyoto et Osaka, les plus grandes villes de la mégalopole Taiheiyō Belt, dont les zones urbaines abritent quelque 60 millions d’habitants au total. Lors de son inauguration en 1964, ses trains atteignaient des vitesses allant jusqu’à 210 kilomètres à l’heure. Par la suite, la ligne a été modernisée pour permettre aux trains de circuler à des vitesses atteignant 285 kilomètres à l’heure. Aujourd’hui, deux heures et demie suffisent pour effectuer les 515 kilomètres qui séparent Tokyo et Osaka.
Si la vitesse d’exploitation du Tōkaidō Shinkansen est aujourd’hui dépassée par de nombreux autres systèmes ferroviaires à grande vitesse, la fréquence de ses trains et le nombre de passagers transportés restent remarquables. En 2016, 365 trains transportant 455 000 passagers par jours circulaient quotidiennement sur la ligne. Pour accroître la capacité et réduire les temps de trajet, le Japon construit actuellement une ligne à suspension magnétique (maglev) le long du même couloir, pour des trains capables de circuler à 500 kilomètres à l’heure. Dans un premier temps, cette ligne reliera Tokyo à Nagoya, avant qu’elle ne soit potentiellement prolongée jusqu’à Osaka.
Al-Boraq, la première ligne ferroviaire à grande vitesse d’Afrique, relie Tanger à Casablanca
La première ligne ferroviaire à grande vitesse d'Afrique a été ouverte en 2018 au Maroc, et relie Tanger à Rabat et Casablanca. Elle utilise en partie une ligne ferroviaire existante modernisée et en partie une ligne à grande vitesse nouvellement construite qui permet d’atteindre des vitesses d’exploitation de 320 kilomètres à l’heure. L'ouverture de ces 323 kilomètres de voie ferrée a permis de réduire le temps de trajet entre Tanger et Casablanca de 4 h 45 min à 2 h 10 min, soit environ la moitié du temps nécessaire pour effectuer le même trajet en voiture. La ligne ferroviaire propose des connexions toutes les 30 minutes aux heures de pointe, et toutes les heures pendant les heures creuses.
Au cours des 16 premiers mois de son exploitation, 3 millions de passagers ont emprunté la ligne. Les plans d'extension prévoient la construction de nouvelles voies à grande vitesse le long des tronçons actuellement exploités sur des voies anciennes modernisées, ainsi que la construction d'une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Marrakech et Agadir. En outre, une extension du réseau ferroviaire à Casablanca est prévue, afin d'améliorer les liaisons entre la gare ferroviaire et la zone métropolitaine environnante.
Source : Briginshaw (2014[41]), International Railway Journal, https://www.railjournal.com/in_depth/shinkansen-half-a-century-of-speed ; Matsumoto, Okuda et Fukasawa (2018[42]), Method for Forecasting Fluctuation in Railway Passenger Demand for High-speed Rail Services, http://dx.doi.org/10.2219/rtriqr.59.3_194.
Références
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[41] Briginshaw, D. (2014), « Shinkansen: half a century of speed », International Railway Journal, https://www.railjournal.com/in_depth/shinkansen-half-a-century-of-speed.
[17] CEA (2022), State of Urbanization 2020 - Cities: gateways for economic integration in Africa.
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[22] Henderson, J. et S. Kriticos (2018), « The Development of the African System of Cities », Annual Review of Economics, vol. 10/1, pp. 287-314, https://doi.org/10.1146/annurev-economics-080217-053207.
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[36] Matsumoto, M., S. Morichi et S. Acharya (s.d.), International Comparison on Modal Share of Intercity Passenger Trips in Asian Countries, http://library.jsce.or.jp/jsce/open/00039/201206_no45/pdf/346.pdf.
[42] Matsumoto, R., D. Okuda et N. Fukasawa (2018), « Method for Forecasting Fluctuation in Railway Passenger Demand for High-speed Rail Services », Quarterly Report of RTRI, vol. 59/3, pp. 194-200, https://doi.org/10.2219/rtriqr.59.3_194.
[5] Meijers, E. et M. Burger (2016), « Stretching the concept of ‘borrowed size’ », Urban Studies, vol. 54/1, pp. 269-291, https://doi.org/10.1177/0042098015597642.
[27] Melitz, M. et D. Trefler (2012), « Gains from Trade when Firms Matter », Journal of Economic Perspectives, vol. 26/2, pp. 91-118, https://doi.org/10.1257/jep.26.2.91.
[38] National Roads Authority (2012), « A Study of Lane Capacity in the Greater Dublin Area », Transport Research & Information Note, https://www.tii.ie/tii-library/strategic-planning/transport-research-and-information-notes(trins)/A-Study-of-Lane-Capacity-in-the-Greater-Dublin-Area.pdf.
[12] Nelson, A. et al. (2019), « A suite of global accessibility indicators », Scientific Data, vol. 6/1, https://doi.org/10.1038/s41597-019-0265-5.
[44] OCDE (2021), Investissements d’infrastructure (indicateur), https://doi.org/10.1787/0906a198-fr (consulté le 9 septembre 2021).
[4] OCDE (2015), The Metropolitan Century : Understanding Urbanisation and its Consequences, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264228733-en.
[7] OCDE (2012), OECD Territorial Reviews: Skåne, Sweden 2012, OECD Territorial Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264177741-en.
[3] OCDE/CSAO (2020), Dynamiques de l’urbanisation africaine 2020 : Africapolis, une nouvelle géographie urbaine, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/481c7f49-fr.
[2] OCDE/CSAO (2018), Africapolis (base de données), http://africapolis.org.
[18] ONU DAES (2019), World Urbanization Prospects, 2018 Revision, ONU DESA, https://population.un.org/wup/.
[1] OpenStreetMap (2021), OpenStreetMap (base de données), https://www.openstreetmap.org/.
[24] Oxford Economics (2020), « Africa’s emerging role as a global consumer powerhouse », Research Briefing | Africa.
[13] Prieto Curiel, R. et al. (2021), « Detecting cities with high intermediacy in the African urban network », pre-print, https://doi.org/10.48550/arXiv.2110.12142.
[37] RATP (2017), Les chiffres-clés du RER A, Groupe RATP, https://www.ratp.fr/travaux-ete-rer/les-chiffres-cles-du-rer.
[30] Storeygard, A. (2016), « Farther on down the Road: Transport Costs, Trade and Urban Growth in Sub-Saharan Africa », The Review of Economic Studies, vol. 83/3, pp. 1263-1295, https://doi.org/10.1093/restud/rdw020.
[14] Tralac (2020), Trade in services negotiations under the AfCFTA, The Trade Law Centre, https://www.tralac.org/documents/resources/faqs/3190-trade-in-services-negotiations-under-the-afcfta-q-a-march-2020/file.html.
[15] UA & CEA (2020), African Continental Free Trade Area, Updated Questions and Answers, https://www.tralac.org/documents/resources/cfta/3226-afcfta-updated-questions-and-answers-atpc-auc-january-2020/file.html.
[28] University of Alberta, Canada (2017), « How does international trade affect household welfare? », IZA World of Labor, https://doi.org/10.15185/izawol.378.
[26] World Development Indicators (s.d.), World Development Indicators, https://data.worldbank.org/indicator/EG.ELC.ACCS.ZS.
Annex 2.A. Grappes urbaines en Afrique
Tableau d’annexe 2.A.1. Grappes urbaines compactes
Grappes urbaines de plus de 2.5 millions de résidents urbains dans un rayon de distance de trajet de 100 kilomètres
Nom de la grappe |
Population urbaine totale |
Population totale |
Nombre de villes |
Villes de plus de 1 million d’habitants |
Superficie totale de la grappe (en km2) |
Zone bâtie totale (en km2) |
---|---|---|---|---|---|---|
Le Caire-Alexandrie-Sohag |
81 892 000 |
92 039 000 |
1 005 |
7 |
73 108 |
6 344 |
Lagos-Ibadan-Cotonou |
32 988 000 |
45 629 000 |
246 |
3 |
65 715 |
5 647 |
Onitsha-Uyo-Port Harcourt |
27 582 000 |
42 587 000 |
201 |
6 |
54 510 |
8 393 |
Johannesburg -Soshanguve-Evaton centre |
15 830 000 |
19 970 000 |
112 |
2 |
55 388 |
4 141 |
Casablanca-Rabat-Meknès |
10 666 000 |
14 576 000 |
40 |
3 |
37 336 |
1 168 |
Addis Abeba-Sodo-Hawassa |
10 582 000 |
16 019 000 |
60 |
3 |
29 068 |
4 277 |
Accra-Kumasi-Koforidua |
10 432 000 |
17 972 000 |
101 |
2 |
47 990 |
2 681 |
Kisumu-Mbale-Kericho |
9 887 000 |
12 542 000 |
22 |
2 |
21 379 |
9 549 |
Kinshasa-Brazzaville-Mbanza-Ngungu |
9 212 000 |
9 126 000 |
13 |
2 |
7 295 |
701 |
Alger-Blida-Tizi Ouzou |
7 877 000 |
12 065 000 |
85 |
1 |
29 825 |
1 512 |
Nairobi-Machakos-Tala/Kangundo |
7 747 000 |
11 434 000 |
21 |
1 |
15 440 |
2 461 |
Luanda-Sassalemba-Caxito |
7 116 000 |
16 925 000 |
3 |
1 |
5 578 |
1 011 |
Kampala-Jinja-Njeru |
6 513 000 |
10 338 000 |
44 |
1 |
17 623 |
1 561 |
Dar es Salaam-Zanzibar-Mkwajuni |
6 339 000 |
8 753 000 |
11 |
1 |
11 039 |
1 305 |
Khartoum-al-Khalas-al-Sururab Ouest |
6 076 000 |
6 038 000 |
24 |
1 |
5 107 |
1 019 |
Kigali-Gisenyi/Kisoro-Ruhango |
5 835 000 |
10 921 000 |
28 |
2 |
16 275 |
1 989 |
Abidjan-Grand-Bassam-Adzopé |
5 457 000 |
5 681 000 |
30 |
1 |
14 388 |
519 |
Kano-Wudil-Gwarzo |
5 131 000 |
14 283 000 |
53 |
1 |
17 859 |
430 |
Kisii-Bomet-Migori |
4 772 000 |
5 283 000 |
6 |
1 |
9 851 |
7 686 |
Le Cap-Paarl Centre-Strand Centre |
4 705 000 |
5 942 000 |
27 |
1 |
16 818 |
855 |
Tunis-Sousse-Nabeul |
4 685 000 |
6 606 000 |
41 |
1 |
23 013 |
884 |
Durban-Pietermaritzburg Centre-Empumalanga |
4 684 000 |
6 006 000 |
30 |
1 |
13 420 |
1 445 |
Dakar-Thiès-M’bour |
4 378 000 |
6 726 000 |
21 |
1 |
10 215 |
436 |
Abuja-Karu-Gwagwalada |
4 123 000 |
7 044 000 |
45 |
1 |
21 049 |
868 |
Yaoundé-Mbalmayo-Obala |
4 055 000 |
4 917 000 |
6 |
1 |
8 637 |
383 |
Constantine-Sétif-El Eulma |
3 966 000 |
6 607 000 |
91 |
0 |
26 094 |
666 |
Douala-Limbe-Buéa |
3 672 000 |
4 978 000 |
22 |
1 |
10 364 |
438 |
Bamako-Koulikoro |
2 845 000 |
5 443 000 |
3 |
1 |
5 481 |
515 |
Ville de Maputo-Municipalité de de Manhiça-Ville de Boane |
2 836 000 |
3 167 000 |
10 |
1 |
5 240 |
1 012 |
Harare-Ruwa-Marondera |
2 723 000 |
3 677 000 |
10 |
1 |
16 578 |
900 |
Lusaka-Kafue-Chongwe |
2 613 000 |
3 682 000 |
4 |
1 |
8 556 |
718 |
Note : Voir l’Encadré 2.1 pour davantage d’informations concernant la définition des grappes urbaines.
Tableau d’annexe 2.A.2. Grappes urbaines étendues
Grappes urbaines de plus de 10 millions de résidents urbains sur un rayon de distance de trajet de 250 kilomètres
Nom de la grappe |
Population urbaine totale |
Population totale |
Nombre de villes |
Villes de plus de 1 million d’habitants |
Superficie totale de la grappe (en km2) |
Zone bâtie totale (en km2) |
---|---|---|---|---|---|---|
Ouest-africain |
83 903 000 |
139 017 000 |
821 |
12 |
321 499 |
19 169 |
Nil |
82 583 000 |
93 427 000 |
1 025 |
7 |
138 412 |
6 549 |
Afrique des Grands Lacs |
35 589 000 |
57 522 000 |
151 |
6 |
155 281 |
26 862 |
Algérien |
19 789 000 |
32 380 000 |
332 |
2 |
138 095 |
3 470 |
Sud-africain |
19 651 000 |
27 377 000 |
236 |
2 |
232 890 |
6 209 |
Marocain |
15 807 000 |
26 358 000 |
107 |
5 |
120 991 |
1 692 |
Note : Voir l’Encadré 2.1 pour davantage d’informations concernant la définition des grappes urbaines.
Notes
← 1. Ces retards peuvent survenir aux frontières ou dans d'autres endroits, comme les entrepôts, où les formalités d'exportation ont lieu et où les marchandises sont contrôlées.
← 2. Peu d'informations systématiques sont disponibles sur l'impact des barrières commerciales sur le commerce à petite échelle. Cela est dû en partie à la nature informelle d'une grande partie de ce commerce (Bensassi, Jarreau et Mitaritonna, 2018[9]) et en partie à la grande diversité des produits, des frontières traversées et de la taille des cargaisons. En outre, les coûts encourus peuvent prendre des formes variées, y compris les délais prolongés et la nécessité de verser des redevances ou des pots-de-vin.
← 3. Pour plus d’informations techniques sur le modèle, se reporter à (Prieto Curiel et al., 2021[13])
← 4. Les temps de trajet sont estimés sur la base de la longueur et de la classification des routes (p. ex., route principale, route secondaire) fournies par OpenStreetMap.