Les gouvernements et les responsables des politiques d'éducation s’intéressent de plus en plus à l’équité et à l’inclusion au sein de l’éducation en raison d’un certain nombre de grandes évolutions mondiales telles que les transformations démographiques, les crises migratoires et de réfugiés, la hausse des inégalités et le changement climatique. Ces évolutions ont contribué à accroître la diversité et poussent à s’interroger sur la manière de favoriser une plus grande équité et l’inclusion de tous les élèves dans l'éducation. Le rapport Equity and inclusion in education: Finding strength through diversity de 2023 résume les principaux résultats du projet de l’OCDE La diversité fait la force (ci-après dénommé le « Projet »). Il présente un cadre global pour l’étude de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement, structure l’analyse selon cinq domaines d'action principaux : gouvernance, ressources, renforcement des capacités, interventions scolaires et suivi et évaluation. De plus, il donne des exemples de mesures efficaces et de bonnes pratiques, et dispense des conseils stratégiques sur la promotion de systèmes éducatifs plus équitables et inclusifs.
Équité et inclusion dans l'éducation (version abrégée)
Équité et inclusion dans l’éducation : la diversité fait la force
Évolutions contextuelles qui façonnent la diversité, l'équité et l’inclusion dans l’enseignement scolaire
Les politiques d’éducation ne fonctionnent pas en vase clos. Elles nécessitent une certaine ouverture sur l’extérieur et des interactions entre les systèmes et leur environnement et elles sont influencées par les tendances économiques, politiques, sociales et technologiques (OCDE, 2016[1] ; OCDE, 2019[2]). Les développements globaux majeurs de notre époque, tels que les transformations démographiques, les crises migratoires et de réfugiés, la hausse des inégalités et le changement climatique ont contribué à l'augmentation de la diversité présente dans nos pays, communautés et salles de classe. Ces changements entrainent des réflexions quant aux implications de la diversité dans les systèmes éducatifs et, inversement, le rôle potentiel que peuvent jouer les systèmes éducatifs dans l'orientation de ces dynamiques et la construction de nos sociétés de demain, des sociétés plus durables, solidaires et inclusives.
Vieillissement de la population et urbanisation
Dans 29 pays de l’OCDE sur 361, la diminution naturelle de la population2 est une réalité dans plusieurs régions, et le vieillissement de la population urbaine et rurale est important. Cette évolution démographique aura des répercussions sociales et économiques majeures (OCDE, 2019[3]). La diminution des taux3 de fécondité entraînera une baisse du nombre d'élèves et de diplômés au cours de la prochaine décennie (Santa, 2018[4]). Les populations âgées, quant à elles, ont des besoins éducatifs différents, par rapport à la population qui suit traditionnellement une formation, notamment en ce qui concerne le développement des compétences en matière de culture technologique et numérique qu’ils n’auront pas eu l’occasion d’acquérir au cours de leur formation initiale.
Ces évolutions ont une incidence forte sur l’équité et l’inclusion au sein des systèmes éducatifs. La qualité et l’accessibilité de l’enseignement varient fortement entre les zones rurales et urbaines, les villes offrant des possibilités d'éducation plus nombreuses et de meilleure qualité que dans les zones rurales (OCDE/Commission européenne, 2020[5]). Dans la plupart des pays, les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés sont plus nombreux dans les écoles rurales4 que dans celles des zones urbaines et les élèves des écoles rurales ont tendance à obtenir de moins bons résultats dans l’enseignement du secondaire et sont moins susceptibles d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur comparativement aux élèves des villes (OCDE, 2014[6] ; OCDE, 2019[7]). Outre le fossé entre zones urbaines et rurales dans les systèmes éducatifs, les inégalités au sein des villes se creusent également. Certaines des inégalités qui menacent l’équité et l’inclusion dans l'enseignement sont la répartition inégale des moyens éducatifs, un manque d'accès aux établissements culturels, une discrimination liée au secteur d’habitation dans les grandes villes, une plus grande concentration des familles monoparentales et des niveaux de revenus plus hétérogènes (OCDE, 2014[8]). Les inégalités géographiques au sein des villes sont étroitement liées au statut social et économique qui présente en sus un risque de discrimination dans les écoles sur la base du lieu de résidence et de la situation sociale (OCDE, 2017[9] ; OCDE, 2019[10]). De plus, les résultats de l’enseignement présentent des écarts importants entre les élèves issus de milieux socioéonomiques différents, ce qui indique que l’éducation est à la fois un facteur prédictif de la discrimination et son résultat (Cerna et al., 2021[11]).
Augmentation des crises migratoires et des réfugiés
Les évolutions démographiques de ces dernières décennies ont également été conditionnées par les flux migratoires qui transforment radicalement la composition des sociétés et, de fait, la composition des écoles et des salles de classe (Cerna, Brussino et Mezzanotte, 2021[12]). Les migrants sont nettement plus concentrés dans certains types de régions que les individus nés dans le pays. Dans 22 pays de l’OCDE, dont les données sont disponibles, plus de la moitié de la population née à l’étranger (53 %) vit dans de grandes régions métropolitaines, contre seulement 40 % des personnes nées dans le pays (OCDE, 2022[13]). Les populations d'élèves et les salles de classe des régions urbaines sont donc plus diversifiées et devraient l’être de plus en plus compte tenu des tendances migratoires (Cerna et al., 2021[11]). Les crises de réfugiés se sont produites plus fréquemment et à plus grande échelle ces deux dernières décennies. Le Graphique 1 témoigne de la rapide croissance du nombre de réfugiés. De plus, les effets néfastes des changements climatiques et des catastrophes naturelles, comme la hausse du niveau de la mer, la désertification et les phénomènes météorologiques extrêmes, contribueront à renforcer les crises des réfugiés, conduisant à une hausse du nombre de personnes déplacées et rendant les conditions de vie de plus en plus difficiles pour de nombreux groupes vulnérables (HCR, 2022[14]).
Hausse des inégalités
La croissance économique mondiale a progressé ces dernières décennies permettant à des millions d’individus de sortir de la pauvreté. Toutefois, cette croissance ne profite pas à tous de façon équitable. Presque tous les pays de l’OCDE ont connu une hausse des inégalités de revenus ces 30 dernières années (OCDE, 2011[16] ; OCDE, 2015[17] ; OCDE, 2016[18]), la mobilité sociale a marqué le pas (OCDE, 2019[19]), et les classes moyennes ont été éprouvées par la hausse des coûts, la précarité de l’emploi et la stagnation des revenus (OCDE, 2019[20] ; OCDE, 2022[21]). De plus, les progrès technologiques peuvent exacerber les inégalités. Face à l'automatisation, l'intelligence artificielle et l’essor du numérique, la demande sur le marché du travail de compétences de niveau moyen s'amenuise alors que celle des compétences élevées et faibles (pour des tâches difficiles à automatiser) augmente (OCDE, 2013[22] ; OCDE, 2016[23]). Ceci a conduit à une érosion des emplois nécessitant des compétences moyennes (OCDE, 2016[23]). C'est ainsi que s’est produite une polarisation des emplois selon le niveau de compétences demandé dans de nombreux pays de l’OCDE (Autor, 2015[24] ; Berger et Frey, 2016[25]). Ceci se traduit par une hausse importante de l’emploi dans certains secteurs et certaines régions et une baisse significative dans d'autres. Compte tenu de l’évolution des perspectives professionnelles, la transition peut s'avérer particulièrement difficile pour les individus des régions rurales dont les aptitudes technologiques sont moins évidentes et pour qui les possibilités de reconversion sont moins nombreuses.
Le creusement des inégalités a également des répercussions sur la croissance et la stabilité macroéconomique puisqu’il peut conduire à une utilisation moins optimale des ressources humaines et augmenter le risque de voir des crises se produire (Dabla-Norris et al., 2015[26]). Les inégalités perpétuent les contextes socioéconomiques défavorisés et la mobilité intergénérationnelle en entravant la capacité des individus issus de milieux défavorisés à investir dans une meilleure éducation et formation pour eux-mêmes et leurs enfants (Katharine Bradbury et Robert K. Triest, 2016[27]). En effet, les enfants dont les parents n’ont pas suivi d’enseignement dans le secondaire ont 4.5 fois moins de chance de suivre un enseignement supérieur que les enfants dont au moins un parent est titulaire d’un diplôme du supérieur, en moyenne parmi les pays qui participent à l’Enquête sur les compétences des adultes, un produit du Programme pour l'évaluation internationale des compétences des adultes (PIAAC) (OCDE, 2014[28]). L'éducation a un rôle important à jouer pour briser ce cycle en veillant à ce que tous les élèves disposent des possibilités d'apprentissage et de l’accompagnement dont ils ont besoin pour réussir leur avenir.
Transformation numérique
La façon dont nous travaillons, consommons et communiquons les uns avec les autres a rapidement évolué ces dernières décennies puisque presque tous les domaines de notre vie quotidienne et professionnelle ont été transformés par l’avènement du numérique (OCDE, 2019[29]). Les nouvelles technologies numériques et les technologies de l’information et de la communication sont à la fois propices au développement de l’éducation inclusive et sources de problèmes. D’un côté, elles permettent d'accompagner et d’améliorer les processus d’enseignement pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, les minorités et les élèves qui vivent dans des régions où l’offre traditionnelle d’instruction est plus limitée. Par exemple, l’apprentissage personnalisé ou la Conception universelle des apprentissages (CUA) permettent de concevoir des programmes d’enseignement équitables et inclusifs (OCDE, 2021[30]) ainsi que l'apprentissage assisté par ordinateur réalisé sur tablette et iPad (UNESCO, 2020[31]). D’un autre côté, de nombreux pays rencontrent de réelles difficultés quant aux inégalités d'accès aux technologies numériques et à internet dans l’enseignement. Pour surmonter ces inégalités, des mesures ont été adoptées pour encourager la participation des groupes sous-représentés dans l'économie numérique au moyen d’universités en ligne ou d’ateliers d'apprentissage numérique (van der Vlies, 2020[32]).
Un autre aspect touche à l’exclusion numérique fondée sur le genre en raison d’un manque d’accès aux compétences et à la culture technologiques pour les filles qui sont moins souvent exposées aux outils technologiques, ce qui contribue à créer un clivage numérique entre les genres dans le domaine des sciences, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. Afin d'atténuer les inégalités de cette nature, il est essentiel de réaliser des campagnes de sensibilisation et d'adopter des mesures en faveur d’un accès aux outils numériques renforcé, plus sûr et abordable (OCDE, 2018[33]).
La transformation numérique peut avoir des répercussions sur le bien-être des élèves qui constitue un aspect essentiel de l’inclusion. En effet, si les espaces numériques offrent aux enfants des possibilités infinies de jeu, d'apprentissage et de découvertes, ils accroissent aussi les risques inhérents au numérique. Par exemple, le cyberharcèlement, les propos haineux et la vengeance pornographique peuvent avoir des effets néfastes sur le bien-être des enfants (Burns et Gottschalk, 2020[34]). Les enfants victimes de cyberharcèlement, par exemple, ont tendance à présenter des niveaux d'anxiété et des symptômes dépressifs plus importants qui peuvent nuire à leur éducation (Gottschalk, 2022[35]). Certains élèves sont plus exposés au risque de cyberharcèlement que d'autres : les élèves à besoins éducatifs particuliers et ceux identifiés comme LGBTQI+5. Les filles sont également plus susceptibles d’être cyberharcelées que les garçons (ibid.), ce qui sous-entend que c’est un risque numérique qui peut être vécu de façon disproportionnée par différents groupes d'élèves et peut avoir des répercussions sur l’équité et l’inclusion dans l’environnement scolaire. Les enfants à besoins particuliers, ceux qui présentent des troubles d’ordre psychologique, et ceux atteints d’un handicap physique peuvent également être exposés de façon disproportionnée aux risques liés au numérique (El Asam et Katz, 2018[36]).
Affaiblissement de la confiance et de la cohésion sociale
L'enseignement peut aider les sociétés à renforcer la confiance et la cohésion sociale. En effet, plus les individus obtiennent un niveau élevé d’instruction, plus la participation citoyenne est élevée, comme la participation électorale et le bénévolat, ce qui contribue à renforcer la cohésion sociale (Mezzanotte, 2022[37] ; OCDE, 2010[38]). L'association de tous ces faits peut contribuer à créer une démocratie florissante et saine (ibid.). Ceci motive donc les gouvernements à investir dans un enseignement de qualité pour tous les citoyens, y compris notamment pour les groupes aux profils divers, pour éliminer tout ce qui fait obstacle à leur inclusion dans l'enseignement et bénéficier à la fois aux individus et aux sociétés dans lesquelles ils vivent.
De plus, l’inclusion des groupes minoritaires dans l’enseignement a un effet sur le développement des autres groupes (Mezzanotte, 2022[37]). En effet, de plus en plus d'éléments prouvent que les interactions sociales entre les groupes ont des effets positifs sur la cohésion sociale et renforcent notamment la confiance. Au fur et mesure qu’ils vivent leurs premières expériences, les enfants se forgent des attitudes et des opinions au sujet des autres groupes qui peuvent être difficiles à changer une fois à l’âge adulte (ibid.). Les jeunes doivent avoir des occasions d’interagir avec des membres d'autres groupes ethniques pour que des liens solides se tissent entre les groupes, et les écoles où la population est hétérogène offrent plus d’occasions de cette nature. En effet, les environnements scolaires inclusifs se caractérisent par des expériences sociales positives pour tous les élèves (Nishina et al., 2019[39]), comme une diminution du harcèlement, un sentiment de solitude moins important et un plus grand nombre d'amitiés entre les groupes. De plus, des études réalisées auprès d'élèves évoluant dans des milieux inclusifs indiquent que les élèves scolarisés dans ces écoles voient plus largement un intérêt à vivre et travailler dans un milieu à forte diversité ethnique une fois à l’âge adulte et sont plus susceptibles de le faire en tant qu'adultes. En revanche, les écoles homogènes d’un point de vue ethnique offrent moins d’occasions pour les jeunes de remettre en question les perceptions et les points de vue biaisés au sujet des individus appartenant à d'autres groupes raciaux (Tropp et Saxena, 2018[40]).
Bien-être et santé mentale
Dans la zone OCDE, jusqu’à un individu sur cinq présente une maladie mentale, à tout moment, et près d’un individu sur deux sera atteint d’une maladie mentale au cours de sa vie (OCDE, 2021[41]). La santé mentale des enfants et des adolescents peut avoir des répercussions importantes sur leur éducation. La majorité des troubles psychiques ont tendance à apparaître pendant les années scolaires : la moitié de toutes les maladies mentales apparaissent vers l’âge de 14 ans et les trois quarts vers la vingtaine (Kessler et al., 2007[42] ; OCDE, 2018[43]), et les troubles anxieux et de la personnalité commencent parfois autour de 11 ans (OCDE, 2012[44]).
Les problèmes de santé mentale peuvent affecter plusieurs domaines de la vie des élèves, en dégradant leur qualité de vie et leurs résultats scolaires, notamment avec le décrochage scolaire précoce (Breslau et al., 2008[45]). Ils peuvent également détériorer le niveau d'énergie de l’élève, sa concentration, sa confiance en lui et son optimisme, ce qui nuit à sa performance (Eisenberg et al., 2009[46] ; Suicide Prevention Resource Center, 2020[47]). Au-delà de l'éducation, vivre avec une maladie mentale rend plus difficile le maintien à l’école ou dans l’emploi, d'étudier ou de travailler efficacement, et de garder une bonne condition physique (OCDE, 2021[41]). Les problèmes de santé mentale sont ceux qui pèsent le plus lourd parmi les jeunes, et la mauvaise santé mentale est au moins aussi répandue chez les jeunes que chez les adultes (OCDE, 2015[48]). La prévalence des troubles psychiques génère des difficultés importantes pour les systèmes éducatifs qui doivent accompagner la santé mentale des élèves et répondre à leurs besoins en matière de bien-être.
COVID-19
La pandémie de COVID-19 a eu et continue d'avoir des répercussions profondes sur la santé des individus mais aussi sur leur façon d'apprendre, de travailler et de vivre. Au plus fort de la crise, en 2020, plus de 188 pays, représentant près de 91 % des apprenants inscrits dans le monde, ont fermé leurs écoles pour tenter de contenir la propagation du virus (UNESCO, 2020[49]). Les fermetures d'établissements ont un coût social et économique élevé pour les personnes appartenant à diverses communautés. Ce coût a toutefois été particulièrement lourd pour les élèves les plus vulnérables et marginalisés et pour leur famille. Les perturbations de l’apprentissage causées par les fermetures d'écoles peuvent exacerber des inégalités déjà présentes au sein des systèmes éducatifs mais aussi toucher d'autres aspects de la vie de ces élèves, notamment avec l’interruption de l’apprentissage, une mauvaise alimentation, l’exposition à des violences et à de l’exploitation, et la hausse du taux de décrochage scolaire (UNESCO, 2020[50]). La réouverture des écoles a également rendu difficile pour les pays de répondre aux besoins des élèves issus de milieux défavorisés et vulnérables puisque ces élèves se sont en moyenne largement moins impliqués dans l'apprentissage à distance (Lucas, Nelson et Sims, 2020[51]).
La pandémie de COVID-19 a prouvé que l’avenir était imprévisible et que les individus devaient savoir s'adapter et faire preuve de résilience afin de faire face à un monde qui évolue rapidement (OCDE, 2021[52]). L'éducation est essentielle pour renforcer la résilience cognitive, sociale et émotionnelle6 des apprenants en les aidant à comprendre que pour vivre dans ce monde il faut essayer, échouer, s'adapter, apprendre et évoluer. Les établissements d’enseignement et les systèmes éducatifs doivent eux aussi devenir plus flexibles et résilients pour faire face à des bouleversements imprévisibles. Les systèmes éducatifs résilients se préparent aux bouleversements, surmontent les imprévus et s’en remettent, et sont capables de faire respecter le droit des humains à l’éducation, quelles que soient les circonstances, et d’entretenir le niveau du capital humain dont les économies ont besoin pour réussir à court et à plus long terme (OCDE, 2021[52] ; Schleicher, 2020[53]). Dans le même temps, les systèmes éducatifs résilients façonnent des individus résilients qui savent relever les défis du quotidien, qui participent activement à leur communauté et s'adaptent à un environnement global toujours plus instable, incertain et ambigu (OCDE, 2021[52]).
Changement climatique et crises environnementales
Les changements climatiques peuvent porter atteinte aux enfants vulnérables et accroître les inégalités actuelles en matière d'éducation (UNICEF, 2019[54]). Les individus plus susceptibles d’être touchés par les risques liés au climat sont ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté, que ce soit dans les zones urbaines et rurales, ceux qui souffrent d’un handicap physique, les jeunes filles et garçons, les personnes appartenant à des minorités ethniques et les migrants (Hijioka et al., 2014[55] ; UNICEF, 2015[56]). De plus, les catastrophes liées au climat peuvent endommager ou même détruire des écoles et du matériel pédagogique ainsi que des infrastructures importantes comme les ponts et les routes qui permettent d'accéder aux établissements scolaires. Ces événements peuvent perturber l'apprentissage des enfants pendant plusieurs mois et les contraindre à manquer des jours d'école, et l’absentéisme peut alors conduire à une baisse des résultats scolaires par rapport aux élèves des autres écoles. Le changement climatique a également des répercussions sur la qualité de l’air, de l’eau potable et la disponibilité d’une alimentation nourrissante suffisante et d’un abri sûr, ce qui se répercute sur le bien-être intellectuel des enfants. Compte tenu des risques liés à la sécurité de leurs moyens de subsistance et de leurs revenus, les parents n’ont pas les moyens de payer le coût de la scolarité et les enfants manquent souvent les cours pour participer aux activités domestiques. Dans certains cas, les familles sont contraintes d'émigrer ce qui conduit fréquemment à des abandons scolaires ou à une baisse des résultats scolaires (UNICEF, 2019[54]).
La pollution atmosphérique pèse également sur l'apprentissage des élèves. Comme l’indique la Banque mondiale (2022[57]), une étude à Barcelone (Espagne) montre que, une fois le statut socioéconomique pris en compte, les élèves exposés à des niveaux de pollution de l’air élevés dans les écoles présentent un développement cognitif moindre que ceux d’écoles moins polluées (Sunyer et al., 2015[58]). De la même façon, des données américaines montrent que les résultats aux tests sont moins élevés et l'absentéisme plus important chez les enfants scolarisés dans des écoles situées en aval d’une grande autoroute (Heissel, Persico et Simon, 2019[59] ; UNESCO, 2020[60]). En outre, à la fin du secondaire, des niveaux élevés de pollution transitoire et des températures extrêmes peuvent nuire aux résultats des élèves lorsqu’ils passent des examens importants qui conditionnent leur entrée dans les établissements de l’enseignement supérieur. Par conséquent, les élèves les plus touchés par des conditions environnementales défavorables peuvent avoir moins de chances d’accéder à un établissement de l’enseignement supérieur ou ne pas réussir à entrer dans les établissements les plus prestigieux (Ebenstein, Lavy et Roth, 2016[61] ; Graff Zivin et al., 2020[62] ; Graff Zivin et al., 2020[63] ; Park, 2020[64]). Le tri peu optimal qui en résulte dans l’enseignement et sur le marché du travail peut avoir un impact sur l'acquisition de compétences et la rémunération à long terme (Horvath et Borgonovi, 2022[65] ; Kyndt et al., 2012[66]).
Évolutions dans le domaine de l’équité et de l’inclusion
Un aperçu de l’état de l’équité et de l’inclusion dans les systèmes éducatifs de la zone OCDE constitue un point de départ important pour cette analyse. En effet, en l’absence d’informations pertinentes sur l’état actuel de l’équité et de l’inclusion et les progrès réalisés dans ce domaine au fil des années, toute analyse ne dresserait qu’un tableau incomplet. Toutefois, les efforts nécessaires à la production d’une analyse complète de l’équité et de l’inclusion nécessitent de relever plusieurs défis inhérents à des difficultés de mesure, à la complexité du domaine et à la disponibilité limitée des données, entre autres.
Les données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) 2018 donnent une première idée de l’état de l’équité et de l’inclusion de groupes divers, notamment caractérisés par un milieu socioéconomique favorisé ou défavorisé, le genre et le statut au regard de l’immigration. Concernant la situation socioéconomique, le PISA a constaté que les élèves issus d’un milieu socioéconomique favorisé obtiennent de meilleurs résultats que ceux des milieux socioéconomiques défavorisés dans tous les pays de l’OCDE dont les données sont disponibles. En moyenne dans les pays de l’OCDE7, la différence entre les élèves du quart supérieur et du quart inférieur de l’indice SESC8 était de 89 points, avec des variations selon les pays. Concernant les disparités en matière de genre, les données indiquent un écart de compétences en lecture en faveur des filles dans tous les pays de l’OCDE en 2018, avec un écart moyen de 29 points. Cet écart est plus marqué pour les élèves du 10e centile, avec une moyenne de 41 points, comparativement aux élèves situés dans le 90e centile qui présentent un écart de 18 points. Enfin, en ce qui concerne le statut au regard de l’immigration, dans presque tous les pays de l’OCDE, un écart en lecture apparaît en faveur des élèves natifs par rapport aux élèves issus de l’immigration. En moyenne, les élèves migrants obtiennent 40 points de moins que leurs pairs nés dans le pays. Cette différence se réduit entre les deux groupes une fois pris en compte le genre et le profil socioéconomique des élèves et des écoles.
Alors que cet aperçu dresse un tableau des disparités constatées en 2018, il peut être intéressant de considérer les tendances de la dernière décennie pour comprendre l’évolution de ces disparités. Depuis longtemps les pays considèrent qu’il est important d'améliorer leurs résultats et de favoriser l’équité dans l’enseignement et l’inclusion de tous les élèves.
Tableau 1 propose un aperçu de l’évolution des écarts de résultats entre les différents groupes entre 2009 et 2018. Les données indiquent que le genre est la seule dimension de la diversité pour laquelle une évolution importante a été constatée au cours de cette période : c'est la seule dimension pour laquelle un grand nombre de pays rapportent une diminution significative de l’écart entre filles et garçons. Dans aucun pays les écarts entre les compétences en lecture des individus de genre différent n’ont augmenté de façon statistiquement significative. Cependant, on observe une grande variété d’évolutions. En Estonie, Irlande, Pologne, République tchèque, Slovénie et Suède, les résultats des garçons et des filles ont tous deux augmenté, mais ils ont augmenté de façon plus marquée chez les garçons ce qui a réduit l'écart entre les deux groupes. En Allemagne, France, Italie, Lettonie, Lituanie, au Luxembourg, Mexique, Portugal, en République de Türkiye et en moyenne dans les pays de l’OCDE, les résultats en lecture des garçons ont augmenté, mais ils ont diminué chez les filles. Enfin, en Hongrie, au Japon, en Nouvelle-Zélande, République slovaque et Suisse, les résultats des deux groupes ont baissé, mais ceux des filles dans une plus forte proportion, ce qui a également entraîné une réduction de l’écart entre les deux.
Pour les deux autres dimensions, aucun schéma évident n'apparaît car la plupart des changements ne sont pas significatifs et vont dans les deux sens. La Finlande, la République slovaque et la République tchèque sont notamment les seuls pays pour lesquels l’évolution entre 2009 et 2018 est significative au regard du statut socioéconomique de leurs élèves. Alors qu’en République tchèque les résultats des deux groupes ont augmenté au fil du temps (quoique plus fortement pour les élèves favorisés, ce qui a creusé l'écart), les résultats en Finlande et en République slovaque ont baissé, mais plus fortement pour les élèves défavorisés.
La variable liée au statut au regard de l’immigration indique des résultats inégaux : pour les quelques pays dont les données sont significatives, l’Italie et le Luxembourg présentent une réduction de l’écart entre les deux années de référence. Dans ces deux pays, les résultats des élèves issus de l’immigration ont augmenté et ceux des élèves non issus de l’immigration ont baissé, ce qui a réduit l’écart. En revanche, aux Pays-Bas, les résultats de ces deux groupes ont baissé, mais de façon plus marquée pour les élèves issus de l’immigration, ce qui a creusé l’écart. En Slovénie, les résultats des élèves issus de l’immigration ont diminué alors qu’ils ont augmenté pour les autres, ce qui a également creusé l’écart entre les deux groupes.
Conceptualiser la diversité, l’équité et l’inclusion dans l’enseignement
Définir les concepts clés dans les domaines de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement n’est pas une tâche facile. Ces concepts varient non seulement dans les publications, mais également dans le sens que leur attribuent les différents systèmes éducatifs. En effet, il n’existe pas de définition universelle de l'équité ni même de l’inclusion dans l’enseignement. Le Projet a adopté certaines définitions pour rendre les concepts opérationnels et pour servir de base à son analyse mais elles n’ont pas vocation à être normatives ou directives pour les pays. La plupart des pays et des systèmes éducatifs ont développé leurs propres définitions qui tiennent compte de leur histoire, de leurs priorités et de leurs objectifs éducatifs.
La plupart des territoires de la zone OCDE ont une définition de l’équité et de l’inclusion
La majorité des systèmes éducatifs ont une définition de l’équité et de l’inclusion (Graphique 2). Vingt-huit territoires ont déclaré dans l’enquête 2022 de La diversité fait la force disposer d’une définition de l’équité, formelle ou opérationnelle, et 30 d’une définition de l’inclusion. Seuls quatre territoires n’avaient pas adopté de définition de l’inclusion (Australie, Finlande, Nouvelle-Zélande et Pays-Bas) et quatre n'avaient pas de définition de l’équité (Danemark, Finlande, Lituanie et Nouvelle-Zélande).
Une analyse des définitions et explications des concepts proposées par les systèmes éducatifs montre qu’il existe des points communs entre les définitions de l’équité adoptées par ces systèmes. Vingt-trois des 30 systèmes éducatifs qui ont déclaré disposer d’une définition mentionnent explicitement que l’enseignement doit être dispensé sans préjudice des caractéristiques, du milieu et des origines des élèves. Ces éléments couvrent le statut social, la nationalité, l’origine ethnique, le genre, les besoins éducatifs particuliers ou le handicap, l’orientation sexuelle, l'appartenance religieuse et politique, l'état de santé, l’instruction des parents et le lieu de résidence. À cet égard, 12 systèmes ont souligné que des efforts particuliers devaient être consentis pour prévenir la discrimination dans l'éducation. Quinze systèmes éducatifs ont également souligné l’importance de garantir l'égalité des chances entre les élèves. Selon la définition générale de la Slovénie, la notion d'égalité des chances suppose que chaque individu soit traité conformément à la loi - ce qui signifie que les situations égales doivent être traitées de la même façon et que les autres doivent être traitées en fonction de leurs différences - dans les situations où les individus sont nombreux à se partager des ressources limitées (par exemple, l’entrée dans une école ou une université où l’enseignement est de qualité). Enfin, plusieurs systèmes ont souligné que tous les élèves devraient pouvoir accéder à l’éducation (dix systèmes éducatifs), pour éviter de créer des écarts ou des différences entre eux (six), et pour leur permettre de réussir en levant les barrières et les obstacles (quatre). Des points supplémentaires mentionnés par une petite minorité de systèmes éducatifs figurent dans le Tableau 2.
Tableau 2. Éléments clés mentionnés dans les définitions de l’équité et de l’inclusion des systèmes éducatifs
Équité |
Inclusion |
||
---|---|---|---|
Éléments clés mentionnés dans les définitions des systèmes éducatifs |
Nombre de systèmes éducatifs |
Éléments clés mentionnés dans les définitions des systèmes éducatifs |
Nombre de systèmes éducatifs |
Groupes |
23 |
Pour tous |
20 |
Égalité des chances |
15 |
Accès/Participation |
12 |
Discrimination/Exclusion |
12 |
Élèves à besoins éducatifs particuliers |
11 |
Pour tous |
10 |
Apprentissage |
10 |
Accès |
9 |
Groupes |
9 |
Différences/Écarts |
6 |
Diversité |
8 |
Potentiel/Réussite |
6 |
Discrimination/Exclusion |
7 |
Barrières/Obstacles |
4 |
Milieu scolaire ordinaire |
7 |
Gratuit |
2 |
Aide/Aménagement |
6 |
Ségrégation |
1 |
Égalité des chances |
6 |
Appartenance |
2 |
Barrières |
6 |
Diversité |
1 |
Développement |
5 |
Social |
4 |
||
Processus |
3 |
||
Qualité |
3 |
||
Différences/Écarts |
2 |
||
Identité |
2 |
||
Appartenance |
2 |
||
Participation des parents/de la communauté |
2 |
Note : Analyse de texte réalisée à partir des définitions et des descriptions données par les systèmes éducatifs de l'équité et de l’inclusion dans l'éducation.
Source : OCDE (2022[68]), Enquête 2022 de La diversité fait la force.
Pour ce qui est de l’inclusion, sur les 30 pays qui ont déclaré disposer d’une définition dans l’enquête 2022 de La diversité fait la force, 20 ont précisé que l’inclusion concernait tous les élèves, sans distinction. Douze pays ont également mentionné l’importance de garantir l'accès et la participation aux élèves afin d'assurer leur inclusion dans l’enseignement. Contrairement à leur approche de la définition de l’équité, plusieurs systèmes éducatifs (11) ont considéré que l’inclusion concernait les élèves à besoins éducatifs particuliers, parfois de façon exclusive et parfois en tant que groupe central mais non exclusif. Par exemple, le concept d’inclusion dans la communauté flamande de Belgique « est destiné à un usage exclusif puisqu’il se réfère au principe directeur des écoles pour la prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers » (OCDE, 2022[68]). Si l’Irlande ne possède pas de définition d’ensemble générale sur l’inclusion dans l'enseignement, elle dispose d’une définition spécifique de l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers qui précise que « un enfant à besoins éducatifs particuliers doit être instruit dans un environnement inclusif avec des enfants qui n’ont pas ces besoins à moins que la nature ou le degré de ces besoins rendent cela contreproductif » (ibid.). Sept pays ont mentionné le rôle du milieu scolaire ordinaire dans l’inclusion des élèves à besoins éducatifs particuliers.
Un autre élément courant, également identifié dans les définitions de l’équité des systèmes, concerne l’importance d'éviter les discriminations, avec une mention précise de différents groupes d'élèves. Toutefois, cette référence diffère de celle de l’équité car la définition de l’inclusion de huit pays faisait clairement référence à la notion de diversité. La Colombie, l’Écosse (Royaume-Uni) et le Mexique, par exemple, ont souligné l’importance de valoriser et respecter la diversité des élèves.
Une autre différence est que les définitions de l’inclusion (pour six systèmes éducatifs) mentionnaient l’importance d'apporter de l’aide et de proposer des aménagements aux élèves qui en ont besoin, au même titre que de garantir un apprentissage satisfaisant pour tous (dix systèmes). L'égalité des chances a également été mentionnée par six systèmes éducatifs, comme pour l’équité, ainsi que le fait de lever les barrières (six systèmes). Enfin, trois systèmes éducatifs ont insisté sur le fait que l’inclusion était un processus, ce qui constitue un aspect central de la définition proposée par l’UNESCO et adoptée par le Projet (comme indiqué dans la prochaine partie). Trois systèmes ont également souligné l’importance de garantir la dispense d’un enseignement de qualité dans leur définition de l’inclusion, puisqu’il ne suffit pas pour les enfants d'accéder à l’enseignement s’ils ne reçoivent pas un apprentissage de qualité. Des points supplémentaires mentionnés par une petite minorité de systèmes éducatifs figurent dans le Tableau 2.
Étant donné que, comme mentionné, les définitions des systèmes éducatifs varient largement, le Projet a adopté des définitions spécifiques qui permettent une compréhension commune des concepts lors de l'analyse des politiques et des pratiques relatives à l'équité et à l’inclusion dans l'enseignement (Cerna et al., 2021[11]). Ces définitions ne se veulent pas normatives et n’ont pas vocation à être adoptées par les systèmes éducatifs mais elles traduisent ce qu'il faut comprendre globalement de ces domaines tout au long des travaux du Projet. Les parties suivantes décrivent les concepts clés dans les domaines de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement, et mettent en exergue les évolutions et les principes qui ont conduit le Projet à sélectionner spécifiquement ces interprétations.
Équité
Le Projet définit les systèmes éducatifs équitables comme étant ceux qui veillent à ce que la réussite scolaire ne résulte pas de la situation personnelle et sociale des élèves, y compris de facteurs comme le genre, l’origine ethnique, l’origine autochtone, le statut au regard de l’immigration, l’orientation sexuelle et l’identité de genre, les besoins éducatifs particuliers et le haut potentiel intellectuel (Cerna et al., 2021[11] ; OCDE, 2017[9]). Lors de la mise en application de l'équité dans l'enseignement, l’OCDE fait la distinction entre l'équité horizontale et verticale (OCDE, 2017[69]). Alors que l'équité horizontale porte sur une juste fourniture des ressources en général à chacune des parties du système scolaire (fournir à tous les mêmes ressources), l'équité verticale sous-entend de fournir aux groupes d'élèves ou aux établissements défavorisés des ressources supplémentaires en fonction de leurs besoins (ibid). Ces deux approches sont complémentaires et jouent un rôle important dans le processus d’inclusion des groupes d'élèves vulnérables (décrits ci-dessous).
Toutefois, d'autres organisations, d'autres projets et chercheurs ont adopté des définitions différentes des concepts d’équité et d'égalité (Mezzanotte et Calvel, à paraître[70]). Pour l’UNESCO, l’équité « se rapporte aux branches de l'éducation de la justice sociale en ce qui concerne l'égalité, la justesse et l’impartialité de sa distribution à tous les niveaux ou sous-secteurs de l'éducation » (UNESCO-ISU, 2018, p. 17[71]). L’UNESCO définit également le concept d’égalité, comme « le fait d’être à un niveau égal en termes de quantité, de rang, de statut, de valeur ou de degré » (ibid.). L’égalité des chances signifie notamment que tout le monde devrait avoir les mêmes possibilités de s'épanouir, « quels que soient les milieux dans lesquels on vient au monde » (ibid.). Même si ces possibilités se présentent et une fois les capacités naturelles prises en compte, les résultats des élèves dépendront tout de même des efforts qu'ils voudront bien consentir. Ce concept considère les individus comme étant responsables au même titre qu’ils sont considérés comme responsables des efforts fournis et maîtres de ces efforts. Ceci implique que les écarts de résultats qui s’expliquent par des efforts différents sont justes alors que ceux qui sont liés à des caractéristiques personnelles - comme le milieu socioéconomique ou le genre - ne le sont pas. La définition adoptée par le Projet, et décrite ci-dessus, est donc conforme au concept d'égalité des chances.
Inclusion
Le Projet adopte une définition large de l’éducation inclusive mais reconnaît qu’il existe plusieurs définitions de ce concept et des désaccords à leur sujet (Cerna et al., 2021[11]). Pour les travaux étendus du Projet, l’éducation inclusive se définit comme « une démarche permanente visant à offrir une éducation de qualité pour tous dans le respect de la diversité et de la multiplicité des besoins, des aptitudes, des caractéristiques et des attentes vis-à-vis de l’enseignement des élèves et des communautés, en éliminant toutes les discriminations » (UNESCO, 2009, p. 126[72]). Cette définition ne décrit pas simplement une politique ou une pratique rapportée à un groupe particulier d’élèves ou d’individus, mais plutôt ce qui caractérise une philosophie d’inclusion et identifie les communautés d’apprenants, en s’intéressant non seulement à l’individu mais aussi au collectif. L’objectif de l’éducation inclusive est de répondre aux besoins de tous les élèves, au-delà de la fréquentation et des résultats scolaires, tout en améliorant le bien-être et la participation de tous les élèves (Cerna et al., 2021[11]).
L’inclusion peut également se définir comme une évolution historique de différents modèles d’enseignement. Les chercheurs classent généralement les systèmes éducatifs en quatre catégories : exclusion, ségrégation, intégration et inclusion (Graphique 3).
Tout d'abord, l’exclusion se produit lorsque les élèves sont privés directement ou indirectement d'accès à un enseignement sous quelque forme que ce soit. Ceci peut se produire lorsque les élèves ne sont pas autorisés à s’inscrire ou à se rendre à l’école, ou lorsque leur fréquentation de l’école se fait sous conditions. L’exclusion de l’enseignement signifie que ces enfants sont sortis du milieu scolaire mais elle peut s’exprimer de plusieurs façons (Bureau international d’éducation, 2016[74] ; UNESCO, 2012[75]). Par exemple, l’exclusion peut se manifester par une interdiction d’entrée dans une école ou un programme d’enseignement parce qu’on ne peut pas payer les frais ou parce qu’on ne répond pas aux critères d'éligibilité. La ségrégation se produit lorsque des groupes d’élèves aux profils différents suivent un enseignement dans un environnement séparé (dans une autre classe ou un autre établissement). Ceci peut se produire, par exemple, lorsque des élèves atteints d’un trouble de l’apprentissage sont contraints d’intégrer une école/classe exclusivement réservée aux élèves handicapés, mais aussi lorsque les établissements n’enseignent qu’aux filles ou aux garçons (c’est à dire, un enseignement non mixte ou dans un établissement de filles ou de garçons). L’intégration s’obtient en plaçant les élèves à besoins particuliers dans des établissements de l’enseignement ordinaire moyennant certaines adaptations et des ressources, à condition que cela soit compatible avec des structures et des attitudes préexistantes et s’intègre dans un environnement inchangé (UNESCO, 2017[76]). Par exemple, l’intégration peut consister à placer un élève atteint d’un handicap physique ou d’un trouble de l'apprentissage dans une classe ordinaire mais sans accompagnement individualisé et avec un enseignant incapable de répondre à ses besoins d'apprentissage, sociaux ou liés à son handicap, ou qui n’est pas disposé à le faire. Dans les publications et sur le plan stratégique, l’intégration et l’inclusion ont été comparées et parfois prises l’une pour l’autre alors que ces deux concepts présentent des différences importantes.
L’inclusion est un processus qui permet de surmonter les obstacles qui limitent l’accès, la participation et la réussite de tous les apprenants. Il s'agit de changer le système pour qu’il s’adapte à l’élève et non de changer l’élève pour qu’il s'adapte au système parce que le « problème » de l’exclusion est inhérent au système et non pas lié à la personne ou à ses caractéristiques (UNICEF, 2014[77]). D'après l’UNICEF (2014[77]), l’éducation inclusive se définit comme un processus dynamique qui évolue constamment en fonction de la culture locale et du contexte alors qu’il vise à permettre aux communautés, systèmes et structures de combattre la discrimination, de valoriser la diversité, de promouvoir la participation et de surmonter les obstacles à l’apprentissage et à la participation de toutes les personnes. Toutes les différences personnelles (liées à l’âge, au genre, au groupe ethnique, à l’origine autochtone, aux langues, à l’état de santé, etc.) sont reconnues et respectées.
L’UNESCO (2008[78]) a également décrit les facteurs clés de l’éducation inclusive pour tous les élèves : i) promouvoir la participation des élèves et la lutte contre l’exclusion de et par l’enseignement ; et ii) la présence, la participation et la réussite de tous les élèves, mais en particulier de ceux qui sont exclus ou exposés au risque de marginalisation. Le message clé est que tous les apprenants comptent et importent tout autant. De plus, d'après l’UNESCO (2005[79]), l’inclusion accorde une large place aux groupes d'apprenants potentiellement exposés au risque de marginalisation, d’exclusion ou d’échec scolaire, y compris les élèves appartenant à des groupes ethniques, des minorités nationales ou des élèves issus de l’immigration, entre autres. L’interprétation de l’UNESCO implique également une responsabilité morale afin de s'assurer que les groupes statistiquement plus à risque sont soigneusement suivis et que des mesures sont prises pour garantir leur présence, leur participation et leur réussite sur le plan scolaire (UNESCO, 2005[79]).
Pourquoi il est pertinent de différencier équité et inclusion
Les concepts d'équité et d’inclusion sont étroitement liés et se confondent mais ils mettent l'accent sur des éléments complémentaires qui contribuent au succès des systèmes éducatifs. L'équité insiste sur le fait qu’il est important de donner les mêmes possibilités à tous les élèves et d'égaliser entre tous les ressources déployées pour les aider. L’équité a pour objectif de donner à tous les élèves les moyens de réussir à la hauteur de leurs capacités.
Mais se soucier de l'équité dans l’enseignement ne permet pas de prendre pleinement en compte la diversité des élèves. En effet, s’intéresser exclusivement à l'équité pourrait conduire à restreindre les mesures et les pratiques en faveur de l’assimilation ou de l’isolement sans tenir pleinement compte de l’inclusion. Par exemple, permettre à tous les élèves d’atteindre un niveau scolaire minimum et de répondre à des objectifs éducatifs fixés sans prendre en compte la diversité de leurs expériences (assimilation) peut promouvoir l’équité mais pas l’inclusion. L’inclusion englobe les principes de l’équité mais ouvre cette perspective en proposant une approche transformative qui consiste à lever les obstacles pour tous les élèves, en insistant notamment sur la nécessité de reconnaître et prendre en compte les différences en termes d’expériences, de besoins et de difficultés de groupes d'élèves aux profils divers et vulnérables. Si l’équité s'intéresse aux possibilités proposées, l’inclusion est plus strictement liée à l’individu, c'est-à-dire à son identité (par exemple l’identité culturelle, de genre), et à la capacité du système éducatif à reconnaître les individus pour qui ils sont (c’est-à-dire, le sentiment d'appartenance). De plus, un des éléments clés de l’inclusion est de favoriser le bien-être des élèves pour s'assurer qu’ils prennent pleinement part à l’enseignement, en renforçant l’estime qu’ils ont d’eux-mêmes et leur sentiment d'appartenance à une école ou une communauté. Le bien-être n’est généralement pas un point de préoccupation aussi évident que l'équité.
L'amélioration de l’équité ne se traduit pas nécessairement par la validation d’une bonne estime de soi et d’un sentiment d'appartenance à une société. Si cette validation ne se produit pas, cela peut freiner la cohésion sociale à plus grande échelle et à plus long terme. Les recherches dans le domaine de l'éducation ont permis de mieux comprendre à quel point il est important de répondre aux besoins individuels des élèves en leur proposant à chacun une écoute personnalisée et des programmes inclusifs et multiculturels (Nusche, 2009[80]). Dans ce contexte, les systèmes éducatifs peuvent jouer non seulement un rôle important pour favoriser l’équité mais aussi pour promouvoir des sociétés justes et inclusives.
L’importance de l’équité et de l’inclusion dans l’enseignement
Il est important de favoriser l'équité et l’inclusion dans les structures d’enseignement pour plusieurs raisons qui vont des droits de l’homme aux avantages éducatifs, individuels et sociétaux (Mezzanotte, 2022[37]). Il a été prouvé qu’un enseignement plus équitable et inclusif bénéficiait à tous les élèves grâce à l’amélioration de la qualité de l’enseignement, davantage centré sur les élèves et l'obtention de bons résultats d'apprentissage par tous, y compris ceux dont les capacités sont diverses (UNESCO, 2009[81]). Une meilleure équité dans l’enseignement peut aider les élèves à exploiter au mieux leur potentiel ce qui peut avoir des répercussions sur leurs perspectives d'avenir. Un enseignement inclusif soigneusement planifié peut non seulement améliorer les résultats scolaires des élèves mais aussi favoriser leur développement socioémotionnel, leur estime personnelle et l'acceptation de leurs pairs (UNESCO, 2020[60]). Par exemple, une étude de Ruijs et Peetsma (2009[82]) montre que les élèves à besoins éducatifs particuliers obtiennent de meilleurs résultats dans des environnements inclusifs que dans les autres. La recherche montre également que fréquenter un établissement d’enseignement inclusif et bénéficier d’un accompagnement au sein de cette structure peut donner plus de chances à un élève à besoins éducatifs particuliers de suivre un enseignement supérieur (Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2018[83]). Ces structures profitent également aux élèves qui ne souffrent ni d’une déficience ni d’un handicap puisque faire partie d’une classe aux côtés d’élèves à besoins éducatifs particuliers peut avoir des répercussions positives sur les attitudes et les opinions sociales (Abt Associates, 2016[73]). De même, grâce à l’inclusion d'élèves issus de groupes ethniques et de minorités nationales dans les établissements d’enseignement ordinaires, les jeunes ont l’occasion, grâce à des contacts et expériences répétés, d'échanger avec des individus différents d’eux. Cette interaction peut favoriser un sentiment de satisfaction et une efficacité sociale au sein de l’établissement scolaire fréquenté, et servir de repère pour les futures interactions sociales et la capacité d'adaptation dans les établissements d’enseignement supérieur, les communautés et sur le lieu de travail (Nishina et al., 2019[39]). L’inclusion d'élèves aux profils divers peut donc aider à combattre la stigmatisation, les stéréotypes, la discrimination et l’isolement dans les écoles et plus largement dans les sociétés (UNESCO, 2020[60]). La Déclaration de Salamanque et cadre d'action pour l’éducation et les besoins spéciaux stipule que « les écoles ordinaires ayant une orientation inclusive constituent le moyen le plus efficace de combattre les attitudes discriminatoires, en créant des communautés accueillantes, en édifiant une société inclusive et en atteignant l’objectif de l'éducation pour tous » (UNESCO, 1994, p. ix[84]). Comme le prévoit l’hypothèse du contact (Allport, 1954[85]), une augmentation du contact entre des groupes peut conduire à une baisse de l’hostilité, des préjugés et de la discrimination entre ces groupes, ce qui peut s'appliquer à tous les types de diversité. En revanche, un milieu qui permet le contact entre des pairs d’origines diverses peut faciliter l’acquisition de compétences sociales fortes, des qualités importantes dans le monde du travail actuel, varié et international.
De meilleurs résultats scolaires et sociaux pour tous les élèves se traduisent par de meilleurs résultats professionnels plus tard dans la vie, ainsi que par une meilleure santé et plus de bien-être (Mezzanotte, 2022[37]). Les publications mettent en évidence la corrélation entre les compétences acquises à l’école et les niveaux de revenu sur le marché du travail (Hanushek et Woessmann, 2008[86]), et une corrélation encore plus marquée entre les années d’enseignement suivies et les retombées pour l’enseignement grâce à une hausse de la productivité ou le signal donné par le niveau d'éducation9 (Hanushek et Woessmann, 2020[87] ; Harmon, Oosterbeek et Walker, 2003[88]). Compte tenu de l’importance accordée à l’enseignement et aux compétences sur le marché du travail, il paraît important de savoir si ces possibilités d'apprentissage peuvent être accessibles à tous. De précédents travaux de l’OCDE ont constaté que les pays avaient progressé à des vitesses différentes pour proposer un enseignement de qualité aux personnes défavorisées et leur offrir des possibilités de développement des compétences (OCDE, 2017[9]). Dans la plupart des pays, l’inégalité d'accès à l'apprentissage commence dès la naissance et se creuse souvent au fur et à mesure que ces individus grandissent (ibid.). Ces inégalités se traduisent par des résultats très différents dans la vie des adultes. Dans certains pays, l’accès aux possibilités d'apprentissage varie considérablement selon les groupes de population, ce qui souligne la nécessité d’instaurer des systèmes éducatifs plus équitables et inclusifs.
Un meilleur enseignement apporte également un éventail d'avantages indirects également susceptibles d'avoir des retombées économiques positives (Mezzanotte, 2022[37]). Par exemple, un meilleur enseignement est associé à un meilleur état de santé et à de meilleurs résultats dans certains domaines de la cohésion sociale et de la participation à la vie politique (OCDE, 2006[89]). Concernant la santé, les publications montrent qu’un plus grand nombre d'années d'études et des niveaux d’instruction plus élevés sont corrélés à une baisse de l’incidence des troubles physiques et mentaux. D'après les études, ces relations se retrouvent dans différents pays, indépendamment du revenu, de l’âge et de l’origine ethnique (OCDE, 2006[89]).
Ces effets positifs sur les résultats individuels entraînent également, dans une perspective plus large, des avantages pour la société (Mezzanotte, 2022[37]). Les publications économiques ont étudié le rôle de l’enseignement dans la hausse des revenus à l’échelle nationale, notamment en termes de hausse du produit intérieur brut (PIB) par habitant et de son taux de croissance annuel (Bassanini et Scarpetta, 2001[90] ; Hanushek et Woessmann, 2007[91]). Offrir plus d’enseignement, de connaissances et de compétences aux individus, c’est-à-dire enrichir les ressources humaines, améliore leur productivité et leur aptitude au travail, ce qui se traduit dès lors par une hausse du revenu et du développement global du pays. Les résultats individuels non économiques ont aussi un effet sur la société en général : plus d’éducation peut conduire à une réduction de la violence et des taux de criminalité, une baisse des coûts en soins de santé et en prestations sociales (par exemple les allocations de chômage, etc.) et peut favoriser l’innovation. Les mesures adoptées pour aider les individus à obtenir les meilleures qualifications dont ils sont capables peuvent avoir des retombées positives personnelles mais aussi économiques. Il s'agit à la fois d’économies concernant les soins de santé du pays et les coûts socio-politiques, notamment grâce à une meilleure participation à la vie politique, des niveaux de confiance plus élevés et des attitudes plus positives entre les groupes (Easterbrook, Kuppens et Manstead, 2015[92]).
La Banque mondiale avance également que l’équité et l’inclusion dans l'enseignement sont essentielles pour une prospérité partagée et un développement durable (Mezzanotte, 2022[37] ; Groupe de la Banque mondiale, 2016[93]). Les inégalités dans l’enseignement sont un des principaux facteurs des inégalités de revenu, à la fois au sein des pays et les uns par rapport aux autres. Sans un enseignement de base, il est peu probable que les individus situés en bas de l’échelle de répartition des revenus d’un pays réussissent dans une économie mondialisée. Comme le fait remarquer l'édition 2012 du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale, l’enseignement juste et inclusif constitue un des outils les plus puissants pour une société plus équitable (Banque mondiale, 2011[94]). Si, comme mentionné, il y a des raisons humaines, économiques, sociales et politiques très fortes pour poursuivre une politique et une approche en faveur d’un enseignement plus équitable et inclusif, c'est également un moyen de susciter un développement personnel et de construire des relations entre les individus, les groupes et les nations (UNESCO, 2005[79]). L'éducation inclusive peut en outre offrir à tous les enfants une chance de découvrir et accepter les compétences, les talents et les besoins des autres (Mezzanotte, 2022[37]). Ce processus, développé grâce à la formation de relations et d'amitiés constructives, peut renforcer les compétences sociales tout en favorisant la cohésion sociale (Conseil de l'Europe, 2015[95]). Dans un monde de plus en plus mondialisé et complexe, l'éducation inclusive peut renforcer la confiance et le sentiment d’appartenance des individus et des individus entre eux.
Certains chercheurs ont fait part de leurs inquiétudes quant aux éventuels effets négatifs des systèmes éducatifs inclusifs et à la difficulté de leur mise en œuvre (Forlin et al., 2011[96]). Par exemple, un argument fréquemment avancé contre l’éducation inclusive porte sur l’effet défavorable qu’elle pourrait avoir sur les résultats des élèves qui n’ont pas de besoins éducatifs particuliers (Mezzanotte, 2022[37]). Les arguments contre l’inclusion consistent à dire que les élèves à besoins éducatifs particuliers monopolisent l'attention de l’enseignant, ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur les autres enfants (Dyson, Farrell et Cooke, 2004[97] ; Huber, Rosenfeld et Fiorello, 2001[98]). En revanche, les défenseurs de l’éducation inclusive soutiennent que dans les classes inclusives, l’enseignement est plus adaptable, ce qui peut avoir un effet bénéfique sur tous les élèves (Dyson, Farrell et Cooke, 2004[97]). De manière générale, les publications ont constaté que l'éducation inclusive avait essentiellement des effets positifs ou neutres sur les résultats scolaires des élèves qui n’ont pas de besoins éducatifs particuliers, notamment dans les premiers niveaux d’enseignement (Kart et Kart, 2021[99]). Les données indiquent qu’il est possible pour tous les apprenants d’obtenir de bons résultats dans un système scolaire inclusif (AuCoin, Porter et Baker-Korotkov, 2020[100] ; Mezzanotte, 2022[37]).
Diversité
La diversité constitue un autre concept important en lien à la fois avec l'équité et l’inclusion. La notion de diversité se réfère aux différences entre les individus : race, origine ethnique, genre, orientation sexuelle, langue, culture, religion, capacité physique et mentale, classe sociale et statut au regard de l’immigration (UNESCO, 2017[76]). Elle correspond plus précisément au fait qu’un grand nombre de personnes se considèrent ou sont considérées comme différentes et forment tout un éventail de groupes qui cohabitent. La diversité est multidimensionnelle, c’est-à-dire qu’elle peut concerner des aspects physiques, culturels ou autres et trouve son sens dans les démarcations établies par des groupes d’individus.
Les élèves issus de milieux correspondant à cette diversité sont généralement plus défavorisés dans l'enseignement et deviennent, pour cette raison, la cible des réformes, des pratiques et des stratégies en faveur de l'équité et de l’inclusion (Cerna et al., 2021[11]). Tel que mentionné précédemment, plusieurs pays reconnaissent l’importance de s’intéresser à des groupes d'élèves spécifiques et de valoriser leur diversité dans leur définition de l’équité et de l’inclusion dans l’enseignement.
Tout en reconnaissant l’existence de plusieurs dimensions de la diversité, le Projet s'est concentré sur les dimensions suivantes (Cerna et al., 2021[11]):
migration ;
groupes ethniques, minorités nationales et peuples indigènes
genre ;
identité de genre et orientation sexuelle ;
besoins éducatifs particuliers ;
haut potentiel intellectuel.
Outre ces six dimensions de la diversité, le Projet s’intéresse également au rôle de deux facteurs dominants, à savoir le statut socioéconomique des élèves et leur situation géographique, comme indiqué dans le Graphique 4.
Les systèmes éducatifs de l’OCDE s’intéressent à différentes dimensions de la diversité selon leur contexte national
Les systèmes éducatifs des pays de l’OCDE attribuent un terme/nom officiel ou administratif aux différents groupes selon leur contexte et leurs priorités. Bien que leur terminologie ne coïncide pas toujours avec celle du Projet, les groupes ont été constitués de sorte à correspondre aux huit groupes étudiés précédemment. Le Graphique 5 indique que la majorité des systèmes éducatifs qui ont répondu à l’enquête de 2022 de La diversité fait la force ont donné un terme/nom officiel ou administratif aux différents groupes qui composent la diversité.
Un grand nombre de systèmes éducatifs (31) ont déclaré disposer d’un terme pour les élèves à besoins éducatifs particuliers. Mais le sens de ce terme varie assez largement d’un système à l'autre. Pour certaines administrations, ce terme porte essentiellement sur le handicap ou l’aspect médical (par exemple pour la communauté flamande de Belgique ou la Suède), alors que pour d'autres, il s'agit davantage des besoins supplémentaires d'apprentissage de ces élèves. Le Portugal, par exemple, a cessé de catégoriser les élèves en 2018. Utilisé comme une approximation dans le Graphique 5, le terme « besoins éducatifs particuliers » n’est donc plus utilisé et a été remplacé par « élèves nécessitant de mesures d'accompagnement éducatif ». De même, l’Écosse (Royaume-Uni) a adopté le terme « élèves ayant besoin d'une aide supplémentaire ». Cette définition est large et s'applique aux enfants ou aux jeunes qui, peu importe la raison, ont besoin d’une aide supplémentaire, à court ou long terme, pour pouvoir tirer le meilleur de leur enseignement scolaire et être parfaitement inclus.
De la même façon, un grand nombre de systèmes éducatifs (28) ont adopté un terme pour les élèves issus de l’immigration. Toutefois, pour un grand nombre de ces systèmes, les élèves concernés sont identifiés selon des critères différents. En général, les systèmes font référence aux élèves de nationalité différente ou dont la langue maternelle est différente/qui ont des besoins d'apprentissage de la langue. Par exemple, la République tchèque considère les élèves issus de l’immigration comme appartenant à un des deux groupes suivants : « élèves étrangers », de citoyenneté étrangère, et « élèves ayant une maîtrise insuffisante de la langue des enseignements ».
D'autres systèmes, au contraire, présentaient des classifications plus détaillées qui concernent plusieurs groupes d'élèves issus de l’immigration. La Slovénie, par exemple, disposait de plusieurs groupes de classification :
Les anciens migrants qui possèdent la citoyenneté slovène : les personnes nées en République de Slovénie et qui y vivent depuis leur naissance (deuxième ou troisième génération de migrants dont la langue maternelle est le slovène), ou les personnes qui ne sont pas nées en Slovénie mais qui ont obtenu la nationalité ;
Les personnes qui n’ont pas la nationalité slovène, qui ont obtenu un titre de séjour permanent en Slovénie et les personnes titulaires d'un titre de séjour temporaire leur permettant de rester temporairement dans le pays ;
Les demandeurs d'asile et les personnes sous protection internationale ;
Les citoyens des États membres de l’Union européenne ;
Les enfants de migrants slovènes ou de parents partis travailler à l'étranger (avec ou sans la nationalité slovène) de retour en Slovénie.
Conformément à la loi nationale sur la scolarisation de base, les enfants qui sont des citoyens étrangers ou apatrides et qui résident en Slovénie bénéficient de l’enseignement scolaire obligatoire dans les mêmes conditions qu’un citoyen de Slovénie.
Vingt systèmes éducatifs ont également adopté une terminologie pour les élèves appartenant à des groupes ethniques ou à des minorités nationales. En Europe, une large proportion de pays mentionne la communauté rom, avec différentes déclinaisons du terme et du groupe ethnique selon le pays, comme les Gens du voyage, les Sintés, et d’autres (une description détaillée des classifications européennes des personnes roms est disponible dans Rutigliano (2020[101])). D'autres systèmes ont également qualifié de minorités des groupes ayant des pays d’origine différents. La Finlande, par exemple, citait les Kvènes/Finlandais norvégiens (descendants de Finlandais dans le nord de la Norvège) et les Skogfinns (peuple finlandais installé en Norvège). Le Japon a également identifié spécifiquement les Coréens vivant au Japon, et la Slovénie, les membres des communautés nationales italienne et hongroise.
Vingt-et-un et 14 systèmes ont respectivement adopté des termes spécifiques pour les élèves issus d’un milieu socioéconomique défavorisé et pour les élèves situés dans une zone géographique particulière. Dans différents systèmes, le statut socioéconomique était généralement évalué en fonction d’un seuil de niveau de revenu du ménage, calculé selon que les familles peuvent être bénéficiaires ou bénéficient de prestations sociales, estimées à partir du statut au regard de l’emploi/du niveau d’instruction/de l’ensemble normalisé des biens immobiliers des parents, ou à partir de l’ensemble de ces indicateurs (18 systèmes) (Varsik, 2022[102]). Les zones géographiques particulières ont été identifiées par les systèmes selon : i) leur éloignement (12 systèmes) ; leur niveau socioéconomique ou de développement (9 systèmes) ; et une liste de régions/provinces/États spécifiques (9 systèmes) (ibid.). Plusieurs systèmes éducatifs se sont penchés sur plus d’une de ces catégories (ibid.).
Dix-neuf systèmes ont également identifié les élèves à haut potentiel intellectuel mais la terminologie choisie varie (Rutigliano et Quarshie, 2021[103] ; Varsik, 2022[102]). L’Irlande, par exemple, parle d’« élèves exceptionnellement doués », alors que l’Écosse (Royaume-Uni) les décrit comme étant « hautement compétents ». Au contraire, la Türkiye et les États-Unis ont respectivement adopté le terme d'élèves « talentueux » et « doués et talentueux ».
Les élèves LGBTQI+ et d’origine autochtone sont les deux groupes les moins désignés par les systèmes éducatifs de l’OCDE. Respectivement dix et huit systèmes éducatifs ont adopté un terme spécifique pour ces deux groupes.
Intersectionnalité
Il existe de nombreux recoupements possibles entre les dimensions de la diversité, mais aussi avec des facteurs prédominants tels que le statut socioéconomique et le lieu géographique (Cerna et al., 2021[11]).. Le terme « intersectionnalité », qui repose sur les travaux de Crenshaw (1989[104]) sur le genre et l’appartenance ethnique, est couramment utilisé dans d’autres domaines depuis quelques années (Davis, 2008[105] ; Lutz, Herrera Vivar et Supik, 2011[106]). Les identités se chevauchent et se recoupent, entrainant de nouvelles retombées sur les politiques d'éducation. Dans le domaine de la diversité et de l’inclusion, le projet entend par intersectionnalité le croisement de plusieurs dimensions de la diversité chez une même personne, qui l’expose ainsi à différents types de discrimination et de handicaps (Lavizzari, 2015[107]). Il examine ces croisements des six dimensions les unes avec les autres et avec les facteurs dominants que sont le statut socioéconomique et la situation géographique (si l’élève fréquente une école dans une zone urbaine ou rurale).
Cadre global de la diversité, de l’équité et de l’inclusion
Les notions de diversité, équité et inclusion dans les systèmes éducatifs doivent être abordées de façon globale, en s'appuyant sur leurs interdépendances afin de faire apparaître des complémentarités et d’éviter les incohérences entre les objectifs. Cette partie présente les synergies qui peuvent être générées entre les différents éléments en réponse aux questions stratégiques dominantes du Projet (Cerna et al., 2021[11]):
« Comment les systèmes éducatifs peuvent-ils améliorer l’apprentissage et le bien-être de populations diverses et renforcer leur inclusivité ? » et
« Comment les systèmes éducatifs peuvent-ils aider tous les individus à acquérir les compétences nécessaires pour communiquer avec les autres dans des sociétés de plus en plus diverses et complexes ? »
L'évaluation de l'équité et de l’inclusivité des systèmes éducatifs est un processus complexe qui touche à un éventail de domaines de l’action publique et nécessite de suivre une approche analytique globale et de manipuler les concepts avec beaucoup de prudence (Cerna et al., 2021[11]). En particulier, l'évaluation de l’équité et de l’inclusion dans les systèmes éducatifs nécessite d'adopter une approche générale de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement. Ceci suppose de sortir des cloisonnements politiques et de regrouper ces concepts dans un cadre structuré qui relie les principaux domaines de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement (ibid.).
Le Projet étudie de façon générale si les systèmes éducatifs peuvent garantir aux sociétés d’être convenablement équipées pour offrir des possibilités d’enseignement équitables et inclusives, et dans quelle mesure. Pour ce faire, il prend en compte les vulnérabilités et les atouts spécifiques que certains élèves peuvent présenter de par leur origine et leur situation, et examine comment les systèmes éducatifs peuvent réduire au mieux la prévalence ou les effets des facteurs de risque qui conduisent à l’échec scolaire et à une baisse du bien-être général . Ce cadre analytique global et innovant peut orienter les pays qui veulent faire en sorte que leur système éducatif s'adapte plus facilement aux besoins des populations de profils divers. Le cadre global a été élaboré à partir d'un examen approfondi des précédents travaux menés par l’OCDE sur l'équité et l’égalité des chances dans l’enseignement et s’est appuyé sur cet examen pour identifier et étudier avec attention des points de départ et des questions sans réponse en vue de la conceptualisation de l’éducation inclusive. Le cadre global élargit notamment les fondements théoriques existants des travaux de l’OCDE sur l’équité dans l’enseignement.
Le cadre étudie six dimensions de la diversité (le statut migratoire ; l’appartenance à des groupes ethniques, minorités nationales et peuples autochtones ; le genre ; l’identité de genre et l’orientation sexuelle ; les besoins éducatifs particuliers ; le haut potentiel intellectuel) et leurs recoupements. Pour assurer des approches inclusives et équitables dans les systèmes éducatifs, une réflexion sur les éléments suivants est essentielle :
Un cadre systémique global pour gouverner la diversité, l’inclusion et l’équité dans l’éducation doit être en place (Gouvernance) ;
Les ressources doivent être utilisées efficacement au service de la diversité, de l'équité et de l’inclusion dans l’enseignement (Allocation de ressources) ;
Le système doit pouvoir renforcer les capacités de toutes les parties prenantes au service de la diversité, de l’équité et de l’inclusion dans l’enseignement (Renforcement des capacités) ;
Les écoles doivent mettre en place des interventions efficaces à l’appui de la diversité, de l'équité et de l’inclusion dans l’enseignement (Interventions scolaires) ; et
Les processus et les résultats doivent être suivis et évalués en soutien de la diversité, de l’inclusion et de l’équité dans l’enseignement (Suivi et évaluation).
Cinq domaines d'action majeurs pour promouvoir l’équité et l’inclusion
Gouverner et concevoir des systèmes éducatifs de sorte à promouvoir l’équité et l’inclusion
Pour développer un système éducatif équitable et inclusif, il convient d'adopter une approche globale. Il s'agit, pour les systèmes éducatifs, de voir au-delà des cloisonnements politiques et de les connecter en créant un cadre qui mette en relation les domaines clés de l’équité et de l’inclusion, tels que la conception des programmes d’enseignement, l'élaboration de pratiques pédagogiques, le renforcement des capacités du personnel enseignant, et la mise en œuvre de collectes de données et du suivi des résultats des élèves. Un cadre d'action peut également faire apparaître l’importance de soutenir le bien-être des élèves au même titre que leurs résultats, et mettre en avant le rôle des écoles dans le développement d’environnements inclusifs.
Il est également essentiel d’impliquer de façon constructive toutes les parties prenantes en faveur d’un enseignement équitable et inclusif tout au long du cycle d'élaboration des politiques. Ceci sous-entend de les impliquer dans la réalisation du cadre d'action afin de favoriser une compréhension commune des objectifs, des moyens et des concepts adoptés par le système éducatif. Il en découle ainsi la construction de partenariats qui permettent de mettre en œuvre le cadre à différents niveaux du gouvernement et de favoriser la collaboration avec d'autres domaines administratifs (par ex. la santé et les services sociaux), et des organisations non gouvernementales (par ex. les syndicats d’enseignants et les employeurs). Les systèmes éducatifs se différencient selon qu’ils cherchent ou non à atteindre des objectifs et de quelle façon, et selon la manière dont ils formulent des cibles à l'appui de l’équité et de l’inclusion. Ces objectifs sont exprimés à la fois à un niveau général (par ex. les objectifs éducatifs généraux) et plus précisément (par ex. sur l’élaboration des programmes d’enseignement) (OCDE, 2013[108]).
Objectifs éducatifs et programme d’enseignement à l'appui de l'équité et de l’inclusion
Il est essentiel d’instaurer des objectifs éducatifs clairs et soutenus par le plus grand nombre lors de l’élaboration des politiques d'éducation. Ces objectifs sont généralement formulés comme étant des objectifs permanents et peuvent figurer dans des traités internationaux, une législation nationale, des documents d’orientation et des stratégies. Les objectifs éducatifs sont généralement instaurés afin de mettre en phase les processus et les contributions des acteurs scolaires (OCDE, 2013[108]). Plusieurs systèmes éducatifs considèrent l’éducation équitable ou inclusive comme un objectif. Par exemple, en Islande, l’Education Policy 2030 s’intéresse à l’égalité des chances pour tous, au Japon, le Third Basic Plan pour la promotion de l'éducation a pour ambition d’atteindre l’égalité des chances dans l’enseignement, et le National Education Goals de Nouvelle-Zélande cherche à offrir un accès à l’enseignement pour tous et à faire progresser les projets en faveur de l’éducation pour les Maoris (ministère japonais de l'Education, de la Culture, des Sports, des Sciences et de la Technologie, 2018[109] ; Ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Zélande, 2021[110] ; OCDE, 2021[111]). Les gouvernements devraient formuler des engagements au sujet des objectifs ultimes de leur système éducatif et instaurer des priorités qui les guident vers de meilleurs résultats (Cerna et al., 2021[11]). Ces priorités peuvent porter sur des actions individuelles qui permettent d’atteindre les objectifs. Les gouvernements peuvent également fixer des objectifs en matière d'éducation et des indicateurs pour évaluer les progrès accomplis vers la réalisation de ces objectifs. L'adoption de cadres pour le suivi et l'évaluation est indispensable afin de s’assurer que des mesures adaptées sont prises pour atteindre les objectifs éducatifs. Plusieurs systèmes éducatifs ont instauré des indicateurs et des cibles spécifiques aux différentes dimensions de la diversité. En 2022, l’équité et/ou l’inclusion ont été identifiées comme étant des priorités pour la plupart des systèmes éducatifs, avec toutefois des différences dans la façon dont les concepts ont été définis (OCDE, 2022[68]).
Les programmes d’enseignement constituent le principal vecteur d'application des principes de l’inclusion et de l’équité au sein d’un système éducatif (UNESCO, 2017[76]). Ils traduisent ce qui doit être enseigné (contenu) et appris (objectifs). Ils doivent être cohérents avec la manière dont ils doivent être enseignés (méthodes pédagogiques) et appris (tâches), ainsi qu'avec le matériel en support des apprentissages (par ex. les manuels et les ordinateurs) et les méthodes d'évaluation de l’apprentissage (par ex. les examens et les projets) (UNESCO, 2020[60]). Les programmes d’enseignements jouent également un rôle dans l’équité et l’inclusion. Les recherches sur les résultats scolaires des groupes défavorisés montrent que les programmes d’enseignement peuvent être conçus de manière à répondre efficacement aux besoins spécifiques d’apprenants aux profils divers (Darling-Hammond et al., 2019[112]). Ainsi, les pays conçoivent de plus en plus des programmes d’enseignement qui favorisent l’équité dans l’enseignement, adoptent une approche qui tient compte de l’enfant dans sa globalité et de son développement personnel à travers des méthodes pédagogiques et d'évaluation qui aident tous les apprenants à réussir. Si certains pays mettent l’accent sur l’égalité, en s’efforçant d’offrir des chances égales pour tous les apprenants (par ex., normes minimales ou tronc commun), d'autres adoptent une approche axée sur l’équité, en apportant un soutien différencié en fonction des besoins individuels (par ex., cours de soutien pour les élèves en difficulté). D’autres encore choisissent la diversité et fondent l’élaboration et l’application des programmes sur le principe de l’inclusion (en tenant compte de l’identité culturelle des différents apprenants par exemple) (OCDE, 2021[30] ; OCDE, 2022[113]).
L’enquête 2022 de La diversité fait la force montre que 26 systèmes éducatifs parmi les pays de l’OCDE tiennent compte à la fois des principes et des valeurs de l’équité et/ou de l’inclusion dans les thèmes ou compétences transdisciplinaires et les intègrent dans une ou plusieurs matières (Graphique 6). Vingt-cinq systèmes éducatifs font également la promotion de ces principes d'équité et d’inclusion au sein de la classe, de la vie à l’école et de la culture, et 18 systèmes éducatifs encouragent ces principes au travers d'activités périscolaires. Toutefois, seuls 14 systèmes éducatifs ont intégré les principes de l'équité et de l’inclusion au cœur de leur vision des résultats des élèves et/ou de leurs profils.
Intersectionnalité de la diversité dans l’enseignement
Le terme « intersectionnalité » a été introduit par Kimberlé Crenshaw, une juriste féministe noire, pour éveiller les consciences sur les difficultés liées à l’association du genre et de l’appartenance ethnique, en particulier pour les femmes noires (Crenshaw, 1989[104]). Le concept a depuis été appliqué dans plusieurs domaines universitaires, notamment celui de l’éducation, où une approche de l’intersectionnalité a révélé des disparités de résultats qui n’étaient pas reconnues avant cela (Bauer et al., 2021[114]). Un cadre de l’intersectionnalité met en évidence le fait que différents aspects des identités individuelles intéragissent pour créer des identités et des expériences uniques qui ne peuvent être comprises si l’analyse traite séparément chacune de ces dimensions (Christoffersen, 2021[115]). L'application de méthodologies de l’intersectionnalité peut aider les responsables de l’action publique à évaluer les interventions et l’efficacité des processus en atténuant les problèmes liés à l’intersectionnalité et en se concentrant sur les identités entremêlées des individus. Toutefois, la plupart des systèmes éducatifs de l’OCDE n’avaient pas adopté de stratégie pour répondre aux difficultés posées par le fait d’incarner plus d’une dimension de la diversité considérée comme préjudiciable (Tableau 3). Il est important que l'élaboration des politiques adopte une approche intersectionnelle pour promouvoir l'équité et l’inclusion dans l’enseignement, car les recherches et les politiques qui ne traitent que d’une dimension de la diversité peuvent ne pas refléter ou contenter les besoins des individus dont les identités sont multiples (Hancock, 2007[116]). En outre, pour une approche intersectionnelle, les groupes marginalisés doivent être inclus dans les échanges et pouvoir transformer le processus d'élaboration des politiques en aidant les responsables de cette élaboration à prendre conscience de ce qu’ils vivent (Hankivsky et Cormier, 2011[117]).
Tableau 3. Systèmes éducatifs disposant de politiques ciblées sur des groupes d'élèves qui cumulent plusieurs dimensions de la diversité
Intersection |
Systèmes éducatifs |
---|---|
Élèves issus de l’immigration et à besoins éducatifs particuliers |
Colombie, Communauté flamande (Belgique), Communauté française (Belgique), Grèce, Islande, Irlande, Italie, Suède, Türkiye |
Élèves femmes issues de l’immigration |
Communauté flamande (Belgique), Corée, Türkiye |
Élèves hommes issus de l’immigration |
Communauté flamande (Belgique), Corée, Türkiye |
Élèves appartenant à un groupe ethnique ou une minorité nationale à besoins éducatifs particuliers |
Colombie, Irlande, République slovaque, Suède |
Élèves hommes appartenant à un groupe ethnique ou une minorité nationale |
|
Élèves femme appartenant à un groupe ethnique ou une minorité nationale |
Portugal |
Élèves à besoins éducatifs particuliers et à haut potentiel intellectuel |
Corée, Grèce, Irlande, Italie, République slovaque, Türkiye |
Élèves hommes LGBTQI+ |
|
Élèves femmes LGBTQI+ |
|
Élèves LGBTQI+ ayant des besoins éducatifs particuliers |
Irlande |
Élèves LGBTQI+ issus de l’immigration |
|
Élèves issus de l’immigration et d’un milieu socioéconomique défavorisé |
Danemark, Communauté flamande (Belgique), Communauté française (Belgique), Pays-Bas, Grèce, Irlande, Irlande du Nord (R.-U.) Islande, Italie, Suède, Türkiye |
Élèves issus de l’immigration et vivant en zone rurale/dans une zone géographique pénalisante |
Danemark, Irlande du Nord (R.-U.), Suède, Türkiye |
Élèves autochtones ayant des besoins éducatifs particuliers |
Irlande, Irlande du Nord (R.-U.) |
Élèves autochtones issus d’un milieu socioéconomique défavorisé |
Irlande, Irlande du Nord (R.-U.) |
Élèves à besoins éducatifs particuliers et vivant en zone rurale/dans une zone géographique pénalisante |
Corée, Irlande du Nord (R.-U.) |
Note : Réalisé à partir des réponses à la question : « Existe-t-il des mesures spécifiques qui ciblent une intersection de dimensions correspondant à un des groupes d’élèves suivants de niveau 2 de la CITE ?
Dans la communauté flamande de Belgique, les réponses sont en lien avec des projets de recherche mandatés par le ministère de l’Éducation et de la Formation, et non des politiques d'éducation ou une législation officielles.
Source : OCDE (2022[68]), Enquête 2022 de La diversité fait la force.
Spécialisation des environnements d’apprentissage
Bien que l’équité et l’inclusion soient les objectifs à atteindre, il peut être nécessaire, dans certain cas, d’offrir à certains élèves des environnements pédagogiques spécialisés. Proposer des contextes d'apprentissage spécialisés peut être une stratégie efficace pour répondre aux besoins de certains élèves. Le Graphique 7 montre que les environnements pédagogiques sont le plus souvent adaptés pour répondre aux besoins des élèves à besoins éducatifs particuliers, des élèves issus de l’immigration et d’un milieu socioéconomique défavorisé. Pour tous les groupes d'élèves, mis à part pour les élèves à besoins éducatifs particuliers et, dans une certaine mesure, les élèves appartenant à une communauté autochtone, les environnements pédagogiques sont conçus en faveur de l’intégration des élèves. La plupart des systèmes éducatifs proposaient des cours ordinaires à temps plein pour tous les groupes d’élèves, mis à part pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, et en deuxième lieu, des cours ordinaires avec des ressources supplémentaires ou une aide indirecte. Pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, la plupart des systèmes éducatifs proposent plusieurs options d'accompagnement, comme des établissements spécialisés exclusivement conçus pour l’accueil de ces élèves, des classes spécifiques au sein des établissements ordinaires, et l’intégration dans des classes ordinaires au sein d'écoles ordinaires. Enfin, plusieurs systèmes éducatifs ont signalé qu’ils proposaient différents environnements pédagogiques aux élèves, quel que soit le groupe auquel ils appartenaient. Ceci se comprend puisque plusieurs systèmes éducatifs évaluent l’orientation des élèves selon des approches fondées sur les besoins plutôt que sur des étiquettes. Les environnements pédagogiques spécialisés présentent des avantages et des inconvénients, comme le fait de potentiellement mieux répondre aux besoins individuels et de promouvoir l’intégration dans la classe, mais aussi de conduire à une baisse des attentes en matière de résultats scolaires et une hausse du risque de stigmatisation et du manque d’inclusion sociale dans l’école et plus tard, dans la vie, ainsi que le fait de coûter plus cher et de générer des problèmes d’ordre académique et socioémotionnel pour certains élèves lorsqu’ils retrouvent un établissement ordinaire (Brussino, 2020[118]).
Pistes d’action pour l’élaboration de politiques en matière de gouvernance
Concevoir des cadres stratégiques qui favorisent l'équité et l’inclusion dans l’enseignement.
Désigner clairement les responsabilités en matière d'équité et d’inclusion et promouvoir une coordination horizontale et verticale plus forte.
Impliquer de façon utile tous les acteurs pertinents du début du cycle d'élaboration des politiques jusqu’à la fin.
Concevoir des programmes d’enseignement équitables et inclusifs qui restent flexibles pour permettre à tous les apprenants d’exploiter au mieux leur potentiel.
Coordonner diverses offres éducatives et créer des parcours éducatifs flexibles.
Veiller à ce que les environnements pédagogiques soient à l’écoute des besoins d’une population d'élèves diverse et s'adaptent en fonction.
Règlementer soigneusement le choix des établissements pour éviter une éventuelle ségrégation.
Allouer des ressources aux systèmes éducatifs de sorte à favoriser l’équité et l’inclusion
Alors qu’il est important de consacrer un niveau minimum d’investissement à l’éducation, le plus important dans le financement apporté en faveur de l’équité et de la qualité de l’enseignement repose sur la façon dont ce financement est attribué aux écoles qui ont le plus besoin de ressources supplémentaires (OCDE, 2017[69]). Les écoles au profil socioéconomique défavorisé, et les écoles qui accueillent des populations importantes d'élèves à besoins éducatifs particuliers (par ex. des élèves issus de l’immigration), peuvent avoir besoin de ressources plus importantes que les autres pour être en mesure d'accompagner efficacement leurs élèves. C’est pourquoi, par exemple, la plupart des gouvernements des pays d’Europe centrale allouent des ressources supplémentaires aux écoles qui ont des besoins de financement plus importants (Commission européenne/EACEA/Eurydice, 2016[119]). Cependant, l’équité des financements n'émane pas uniquement du pouvoir central : d'autres autorités en charge de l’éducation, au niveau régional ou local, peuvent être tout autant responsables de l’allocation de ressources supplémentaires pour aider les élèves défavorisés (OCDE, 2017[69]). L’existence de niveaux de gouvernance différents permet de maintenir une attribution des ressources en faveur de l’enseignement qui soit équilibrée, et ces différents pouvoirs doivent trouver des moyens de répondre aux besoins spécifiques des populations ciblées.
Une fois les différents besoins identifiés au sein des écoles, les gouvernements peuvent généralement adopter deux grandes approches pour concevoir des mécanismes de financement : i) l’introduction d’un financement supplémentaire dans le principal mécanisme d'allocation des ressources en faveur des prestataires ou des établissements d’enseignement particuliers ; ii) la fourniture d’un financement ciblé avec une ou plusieurs aides financières différentes indépendantes du principal mécanisme d'attribution des ressources (OCDE, 2017[69]). Dans la plupart des systèmes, on trouve généralement un mélange entre ces mécanismes de financement. La Finlande, par exemple, suit ces deux mécanismes : le pouvoir central tient compte de certaines caractéristiques de la population lorsqu’il calcule les principales ressources affectées aux municipalités mais il dispense également des aides financières supplémentaires aux administrations locales (OCDE, 2022[120]).
Principaux mécanismes d'allocation des ressources
Afin de respecter le principe d’équité, les principaux mécanismes d'allocation des ressources (ou financement ordinaire) peuvent s'appuyer sur des formules de financement qui tiennent compte des besoins spécifiques des élèves, des écoles ou des secteurs lorsqu'ils fixent le montant du financement qui sera attribué aux administrations locales en charge de l'éducation ou aux écoles. Les pays peuvent procéder de la sorte indépendamment des mécanismes d'allocation choisis, en octroyant des sommes forfaitaires, des financements affectés à des dépenses spécifiques, des subventions globales ou d'autres mécanismes. Au Danemark et en Norvège, par exemple, le versement initial d’une somme globale par le pouvoir central tient compte de certaines caractéristiques démographiques. Au Danemark, ceci s'appuie sur certaines caractéristiques des municipalités, notamment leur structure socioéconomique (Nusche et al., 2016[121] ; Ministère danois de l’Intérieur et du Logement, s.d.[122]). En Norvège, l'aide financière générale tient compte du nombre d'élèves issus de l’immigration présents dans chaque municipalité afin d'égaliser les sommes qui leur sont versées (Eurydice, 2021[123]). Au Chili, le montant de la subvention principale accordée à l’enseignement ordinaire est calculé selon une formule qui tient compte de différents coefficients pour les élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés, les écoles rurales ou fortement isolées, et l’offre d’enseignement spécialisé (OCDE, 2017[69]).
L’enquête de 2022 du projet La diversité fait la force évalue comment les systèmes éducatifs tiennent compte des caractéristiques des élèves dans leurs méthodes de financement (Graphique 8). Il en ressort que la plupart des systèmes éducatifs tiennent compte des élèves à besoins éducatifs, des élèves défavorisés sur le plan socioéconomique, des élèves issus de l’immigration et des élèves situés dans certaines zones géographiques. Il n’existe pas de règle universelle qui pourrait être suivie par les pays pour concevoir une formule de financement et choisir les pondérations relatives permettant d'équilibrer les résultats des élèves dans leur système éducatif. Chaque pays doit évaluer la variation de ses coûts liés à l’éducation et choisir dans quelle direction ou pour quelle cible ils veulent concentrer leur financement. Les catégories qui doivent figurer dans une formule devraient s'appuyer sur un processus formalisé de participation des parties prenantes et une analyse des données afin d’identifier les besoins éducatifs particuliers des élèves dans le pays.
Répartition ciblée des ressources : programmes et ressources ciblés à l’appui des élèves
Un financement ciblé attribue des ressources aux administrations locales (par ex. les municipalités) ou aux écoles, destinées à un usage spécifique, avec pour objectif de garantir la prise en compte de priorités émergentes et des besoins identifiés de certains groupes. En effet, recourir à des programmes ciblés permet un meilleur pilotage et suivi de l’utilisation des ressources publiques en faveur de l’équité au niveau de l’école (OCDE, 2017[69]). Le financement ciblé peut donc constituer un outil pratique pour les pouvoirs centraux qui se préoccupent du respect de l’équité dans la répartition des financements.
Dans l’enquête 2022 du projet La diversité fait la force, il était demandé aux systèmes éducatifs s’ils apportaient des ressources supplémentaires aux écoles en fonction du nombre d'élèves inscrits ayant des caractéristiques spécifiques. La plupart des systèmes éducatifs qui ont répondu à l’enquête ont déclaré fournir des ressources en fonction de l’effectif des élèves à besoins éducatifs particuliers (pour 22 systèmes éducatifs) et des élèves issus de milieux socioéconomiques défavorisés (17) (Graphique 9). Quatorze systèmes éducatifs ont également déclaré fournir un financement en rapport avec le nombre d'élèves issus de l’immigration et 13 en rapport avec leur emplacement géographique. Aucun système éducatif n’a mentionné de subvention supplémentaire attribuée en fonction des élèves LGBTQI+, et des effectifs de garçons ou de filles.
Les mécanismes d'attribution ordinaires et les attributions de ressources ciblées peuvent contribuer à favoriser l’équité et l’inclusion par différents moyens et comportent différents risques (OCDE, 2017[69]). D’un côté, le financement ciblé permet aux systèmes éducatifs de mieux orienter et contrôler l’utilisation des ressources publiques au profit de l’équité et de l’inclusion, mais peut comporter des risques tels que la multiplication de programmes, un manque de coordination et des inefficacités. D’un autre côté, tirer parti des mécanismes ordinaires d'attribution des ressources peut réduire les frais de transaction et simplifier le système d'allocation des ressources. Dans les pays qui donnent une plus grande liberté de manœuvre aux écoles quant à l’utilisation des aides financières, la fourniture de ressources financières équitables par le biais des allocations ordinaires peut donner aux administrateurs des écoles une plus grande flexibilité dans l’attribution des fonds permettant de répondre à des difficultés locales particulières. Toutefois, s’ils ne s’accompagnent pas de mesures fortes pour la justification des dépenses, les mécanismes ordinaires d'allocation des ressources ne permettent pas aux gouvernements de surveiller et contrôler comment et dans quelle mesure les fonds servent effectivement l'équité et l’inclusion. Les systèmes éducatifs devraient donc tirer parti de ces deux systèmes de financement avec vigilance afin qu’ils favorisent l’équité et l’inclusion, en tenant compte des écueils à éviter et en pesant le pour et le contre.
Financer l’enseignement privé : impacts sur l’équité
Lorsqu’on évalue un système éducatif, il ne suffit pas de prendre simplement en compte comment le financement est assuré et si les élèves défavorisés ou de profils divers bénéficient d'une aide dans les établissements ordinaires ou spécialisés. D’autres facteurs, comme le financement des écoles privées, peuvent également avoir des répercussions sur l’équité dans l’enseignement. Les publications indiquent que dans les pays où la part de financement privé est plus importante, l’impact du contexte familial sur l’équité est plus important. Il y a plusieurs raisons à cela, comme un plus grand nombre d'élèves scolarisés dans des écoles privées, la présence d’un plus grand nombre d'écoles privées, le prix plus élevé en moyenne des écoles privées ou l’investissement plus important des parents dans d'autres formes d’enseignement privé (Eurydice, 2020[124]). Toutefois, il est probable qu’une part plus élevée de financement privé ait un impact négatif sur l'équité dans l’enseignement puisque la capacité à investir dans l’enseignement privé est inégalement répartie dans la société (ibid.).
Les conditions que les établissements privés doivent remplir pour pouvoir recevoir des fonds publics comptent également pour beaucoup dans l'équité et l’efficacité d’un système éducatif. Il est notamment important de tenir compte de leur rôle dans le choix d’une école (OCDE, 2017[69]). Le fait que les écoles privées puissent sélectionner les élèves et faire payer des droits de scolarité supplémentaires peut questionner quant à l'équité et à la qualité pédagogique (ibid.). L'admission sélective permet aux écoles privées de choisir des élèves du secteur public ayant de fortes aptitudes, ce qui amplifier la ségrégation des élèves et creuse les écarts de résultats déjà observés. Ce procédé peut également nuire aux écoles publiques puisque les élèves doués peuvent en sortir pour intégrer des écoles privées, vidant le système scolaire public d'éléments essentiels (Boeskens, 2016[125]).
Dans un système de choix des établissements où les écoles privées sont autorisées à demander une contribution parentale élevée, les différences socioéconomiques entre les écoles risquent de croître. Par conséquent, de nombreux pays qui subventionnent les prestataires privés posent des restrictions quant aux droits de scolarité supplémentaires qu’ils peuvent demander (OCDE, 2017[69]). Pour limiter les risques en matière d’équité, les systèmes éducatifs devraient instaurer des règlementations communes sur les frais de scolarité et les conditions d’admission pour tous les prestataires financés par des fonds publics et en contrôler le respect.
Les établissements financés par des fonds privés et qui facturent des droits de scolarité, s’ils ne sont pas pris en charge par un chèque scolaire, peuvent également créer des obstacles au choix d’une école et contribuer à instaurer des différences d’ordre socioéconomique. Afin de rendre les écoles privées plus accessibles, certains pays adoptent des règlementations qui empêchent les établissements subventionnés de facturer des frais susceptibles de créer une barrière à l'entrée (OCDE, 2017[69]). Enfin, il est nécessaire de contrôler l’effet des contributions parentales en faveur des prestataires privés sur l’équité, en particulier lorsque ces contributions sont censées compenser les écarts entre le financement des établissements publics et privés. Tout effet négatif devrait donner lieu à un examen approfondi de la mesure et à une évaluation de la façon d’y remédier en modifiant les subventions publiques.
Pistes d’action pour l’élaboration de politiques relatives à l'allocation des ressources
Tirer parti à la fois des principaux mécanismes d'allocation des ressources et des financements ciblés pour favoriser l'équité et l’inclusion.
Utiliser différents types de ressources et de paramètres pour les attribuer, pour apporter des moyens aux groupes d'élèves de profils divers, et pour soutenir les priorités de l’action publique en lien avec l'équité et l’inclusion.
Renforcer la capacité des différents niveaux administratifs pour soutenir les objectifs d’enseignement et d’inclusion.
Renforcer les capacités à l'appui de l’équité et de l’inclusion
Pour favoriser l'apprentissage et le bien-être de tous les élèves, les enseignants doivent disposer de connaissances théoriques solides sur l’enseignement différencié et des compétences pour les mettre en pratique. Lorsqu’ils n’ont pas la possibilité de se former comme il se doit au cours de leur carrière d’enseignant, ils se sentent souvent mal préparés pour répondre aux divers besoins des élèves. C'est pourquoi il est important d’introduire la diversité, l’équité et l’inclusion dans la formation initiale et la formation professionnelle continue des enseignants.
Préparer et accompagner les enseignants pour les aider à répondre à des profils de plus en plus divers et à créer des environnements pédagogiques équitables et inclusifs
La promotion de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement repose sur les efforts d’enseignants de qualité dûment préparés et accompagnés pour répondre à une diversité croissante et créer des environnements pédagogiques dans lesquels tous les élèves peuvent s’épanouir (Cerna et al., 2021[11]). Les enseignants, acteurs majoritairement responsables de l’environnement créé en salle de classe, jouent un rôle crucial pour favoriser les multiples dimensions du bien-être de l’élève. Si la qualité des enseignants est souvent considérée, et depuis longtemps, comme ayant un effet puissant sur les résultats de l'apprentissage des élèves (OCDE, 2022[126]), les enseignants peuvent également améliorer les compétences sociales et émotionnelles des élèves (Blazar et Kraft, 2017[127] ; Jackson, 2018[128] ; OCDE, 2022[126]), et leurs dispositions et compétences peuvent avoir une influence sur l’implication, l’entrain et la confiance des élèves (Rutigliano et Quarshie, 2021[103]). Les pratiques des enseignants, par exemple, ont été reconnues comme jouant un rôle dans la réduction des écarts cognitifs et socioémotionnels liés au statut socioéconomique (OCDE, 2018[129]). Les publications indiquent également que les enseignants, et en particulier leurs attitudes, leur volonté et leur formation, influencent profondément le développement éducatif et le bien-être psychologique des élèves doués, et qu’ils jouent un rôle central dans le repérage, l’accompagnement et le suivi de ces élèves (De Boer, Minnaert et Kamphof, 2013[130] ; Lassig, 2015[131] ; Plunkett et Kronborg, 2019[132] ; Polyzopoulou et al., 2014[133] ; Rutigliano et Quarshie, 2021[103]). De même, les enseignants jouent également souvent un rôle important pour repérer ou identifier et orienter les élèves présentant divers besoins éducatifs particuliers, comme le trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) (Brussino, 2020[118] ; Mezzanotte, 2020[134] ; Moldavsky et al., 2012[135]). Des données indiquent également que la perception des enseignants, en particulier leurs attentes au regard du potentiel et du niveau d’instruction, peut avoir des répercussions sur les résultats de l’apprentissage des élèves réfugiés (Koehler, Palaiologou et Brussino, 2022[136]).
À la lumière de ce constat, il a été établi que le renforcement de la capacité des enseignants à faire face à la diversité et à satisfaire les besoins de tous les élèves est un levier d’action essentiel pour favoriser l’équité dans l’enseignement (OCDE, 2018[129]). Cet aspect fondamental du soutien apporté à tous les apprenants pour assurer la réussite de leur parcours éducatif est également crucial pour développer chez les élèves leur estime personnelle et leur sentiment d’appartenance à leur établissement scolaire ou à leur communauté (Cerna et al., 2021[11]).
Bien que l’intérêt porté à l'équité et inclusion dans l'enseignement augmente, il est encore largement nécessaire d’insister sur la diversité, l’équité et inclusion lors de la formation des enseignants dans les pays de l’OCDE. La dernière Enquête internationale sur l'enseignement et l'apprentissage de l’OCDE (TALIS) a révélé que seule une minorité d’enseignants du premier cycle du secondaire avait déclaré avoir été formés pour enseigner dans des environnements multiculturels et multilingues lors de leur formation initiale ou au cours d'activités de formation professionnelle au cours des 12 derniers mois. De plus, d'après les données de TALIS 2018, la plupart des enseignants du premier cycle du secondaire ne se sentaient pas prêts à enseigner dans une classe multiculturelle ou multilingue, ce qui est inquiétant puisqu’un pourcentage important d’enseignants travaillaient dans des écoles où se mêlent diverses langues et cultures. Ces résultats apparaissaient dans l’enquête PISA 2018 de l’OCDE qui indiquait que plus de la moitié des élèves étaient scolarisés dans des écoles où les enseignants exprimaient le besoin d’être formés pour enseigner en milieux multiculturels et multilingues (Graphique 10). Toutefois, les publications indiquent qu’une formation initiale et continue des enseignants qui traite de la diversité et de l’inclusion peut aider les enseignants à se sentir plus en confiance lorsqu’il s'agit d’enseigner dans des classes qui rassemblent différentes dimensions de la diversité et d'améliorer leurs pratiques pédagogiques (OCDE, 2022[137]). Les données montrent que les programmes d’enseignement aux élèves à haut potentiel intellectuel, du repérage et de l’évaluation des élèves à la différenciation pédagogique, entre autres stratégies, sont mis en œuvre plus efficacement par les enseignants qui ont suivi une spécialisation dans l’enseignement pour ce type d'élèves (Centre for Education Statistics and Evaluation, 2019[138] ; Rutigliano et Quarshie, 2021[103]). Les enseignants qui ont suivi des formations spécialisées indiquent également mieux comprendre la question des LGBTQI+ et avoir gagné en assurance quant à l’enseignement de contenu en lien avec ce sujet (Greytak, Kosciw et Boesen, 2013[139] ; Greytak et Kosciw, 2010[140] ; Kearns, Mitton-Kukner et Tompkins, 2014[141] ; McBrien, Rutigliano et Sticca, 2022[142]).
Renforcer l’introduction de sujets liés à la diversité et à l’inclusion dans la formation initiale des enseignants
De nombreux systèmes éducatifs de l’OCDE ont intégré des contenus relatifs à l’équité, à l’inclusion et à la diversité dans leurs programmes de formation initiale des enseignants. Par exemple, des cours ponctuels sur la diversité, l’équité et l’inclusion, mais aussi sur l’enseignement en milieu multiculturel et urbain, sont proposés de plus en plus fréquemment dans le cadre des programmes de formation initiale des enseignants dans plusieurs États des États-Unis, ainsi que des activités menées au service des collectivités dans des établissements accueillant des élèves de profils divers (Brussino, 2021[144] ; Mule, 2010[145] ; Yuan, 2017[146]). Dans certains pays européens, des cours indépendants qui abordent la diversité, l’équité et l’inclusion peuvent figurer dans les programmes d'études des formations initiales des enseignants (Brussino, 2021[144] ; Commission européenne, Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture, 2017[147]). De plus, les programmes d'études des formations initiales intègrent une formation à l’enseignement dans les établissements aux populations diverses par le biais d'activités et de programmes pratiques spécifiques qui encouragent les futurs enseignants à porter un regard critique sur leur façon de voir le monde et leurs préjugés.
Il est essentiel de proposer des expériences pratiques en situation de classe lors de la formation initiale des enseignants pour les préparer à gérer la diversité des classes. Ces expériences permettent de confronter les futurs enseignants aux dynamiques de classe, de mettre en lien les théories pédagogiques et la pratique en classe et d'apprendre à anticiper les difficultés qu’ils pourraient rencontrer dans les écoles (Brussino, 2021[144] ; Musset, 2010[148] ; OCDE, 2019[149] ; Commission européenne, Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture, 2017[147]). Les expériences pratiques menées dans des environnements caractérisés par une certaine diversité peuvent avoir un effet positif sur les enseignants en formation et favoriser l'acquisition de connaissances et de compétences en lien avec la diversité, l'équité et l’inclusion dans l'enseignement (Commission européenne, Direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture, 2017[147]). Il a été reconnu que des expériences de terrain structurées offrent aux futurs enseignants un éveil culturel, en particulier lorsque ces expériences s'accompagnent de moments de profonde réflexion (Acquah et Commins, 2017[150]). Certains programmes pour la formation initiale des enseignants ont intégré des programmes d'immersion culturelle qui permettent aux enseignants en formation de développer leur capacité à enseigner à des élèves issus d’ethnies et de cultures différentes. Ces programmes ont eu des répercussions positives et fait apparaître un changement dans la prise de conscience et les perspectives des futurs enseignants, leur perception des autres cultures, et leur éveil à la diversité mondiale et dans leur pays (Cerna et al., 2019[151]).
Des cadres de compétences et des normes applicables aux enseignants peuvent influencer le contenu enseigné lors de leur formation initiale, et l’introduction des notions de diversité et d’inclusion peut doter les futurs enseignants des compétences nécessaires pour répondre aux besoins des apprenants de profils divers avant d’entrer dans une salle de classe. Les Teachers’ Standards appliquées aux enseignants en Angleterre (Royaume-Uni) et les Australian Professional Standards for Teachers, les normes professionnelles australiennes des enseignants, sont des exemples de ces cadres qui demandent aux enseignants en formation de parfaitement maîtriser la diversité et l’inclusion en classe et d’être préparés pour réagir face aux divers besoins des élèves et à leurs divers styles d'apprentissage grâce à la pédagogie différenciée (AITSL, 2011[152] ; Department for Education, 2021[153] ; OCDE, 2017[154] ; OCDE, 2022[155] ; Révai, 2018[156]).
Favoriser un enseignement équitable et inclusif grâce à la formation professionnelle continue
Les formations professionnelles continues formelles qui offrent aux enseignants et au personnel des établissements des occasions de promouvoir la diversité, l'équité et l’inclusion prennent différentes formes, notamment de séminaires, de cours, d'ateliers, de conférences et de formations en ligne (Brussino, 2021[144]). Ces programmes sont dispensés par plusieurs acteurs, notamment des institutions gouvernementales, des organisations non gouvernementales (ONG) et des prestataires extérieurs privés. En Italie, les enseignants suivent des formations continues sur l’enseignement aux élèves à besoins éducatifs particuliers, tandis qu’en Nouvelle-Zélande, le programme Te Ahu o te Reo Māori permet de développer les compétences des enseignants dans le domaine de la langue et de la culture maori (Brussino, 2021[144] ; Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2021[157] ; Kral et al., 2021[158]). Plusieurs systèmes éducatifs de l’OCDE proposent des formations en ligne telles que sur le portail en ligne du gouvernement anglais (Royaume-Uni) qui permet d'accéder à du matériel professionnel pour l’enseignement à un public à besoins éducatifs particuliers (Brussino, 2020[118] ; Ministère de l’Éducation du Royaume-Uni, 2014[159]). Les ONG jouent également un rôle central en proposant des formations professionnelles continuent pour répondre aux besoins des différents groupes d'élèves, comme les élèves à haut potentiel intellectuel, les LGBTQI+ et les élèves réfugiés.
Pour dispenser un enseignement équitable et inclusif, il est essentiel de supprimer les obstacles qui empêchent les enseignants de participer à la formation professionnelle continue (OCDE, 2022[155]). Pour promouvoir la participation à ces formations, il est essentiel de leur octroyer du temps pour le faire et une aide financière (OCDE, 2022[155] ; OCDE, 2022[137]). Par exemple, les enseignants de la communauté française de Belgique ont six demi-journées par an pour se consacrer à la formation professionnelle continue alors que les enseignants de Victoria, en Australie, disposent de quatre jours pour le faire (Commission européenne/EACEA/Eurydice, 2021[160] ; OCDE, 2022[155]). Plusieurs systèmes éducatifs de l’OCDE ont également instauré des jours de formation professionnelle dispensés à l’échelle de l’école (OCDE, 2022[155]).
Des initiatives collaboratives de formation professionnelle continue sont en cours de mise en œuvre dans certains systèmes éducatifs de l’OCDE pour préparer et aider les enseignants à adopter des environnements pédagogiques équitables et inclusifs (Brussino, 2021[144]). L’Alberta et l’Ontario au Canada sont deux exemples de systèmes éducatifs où la collaboration au sein de l’école est encouragée et appliquée à travers diverses activités (OCDE, 2023[161]). Les communautés en lien avec la formation professionnelle peuvent favoriser le développement des connaissances et des compétences qui permettent aux enseignants de répondre et de faire face aux besoins de tous les élèves en créant des environnements informels qui favorisent l’apprentissage et la réflexion mutuelle (Alhanachi, de Meijer et Severiens, 2021[162] ; Brussino, 2021[144] ; Lardner, 2003[163]).
L’enseignement collaboratif constitue une autre stratégie de formation professionnelle qui peut aider les enseignants à répondre et satisfaire aux besoins des élèves de profils divers. Il peut s'agir d’enseignants en établissements traditionnels qui travaillent en tandem avec des enseignants d'établissements spécialisés pour planifier des leçons et les enseigner ou évaluer les progrès réalisés par les élèves tout en respectant les mêmes normes éducatives pour tous les élèves (Morin, s.d.[164] ; Varsik et Gorochovskij, à paraître[165]). Des conseillers ou des professionnels en soutien peuvent apporter une aide précieuse aux enseignants et aux chefs d’établissement et les guider pour qu’ils développent l'apprentissage et le bien-être d’élèves ayant des besoins divers (Mezzanotte, 2020[134]).
Concevoir et mettre en œuvre une évaluation des enseignants à l'appui d’un enseignement équitable et inclusif
L'adoption de processus d'évaluation des enseignants efficaces peut avoir un effet déterminant sur la préparation et l’accompagnement des enseignants qui doivent répondre aux besoins d'apprenants divers et sur la promotion de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement. Toutefois, il manque actuellement de cadres pour évaluer les enseignants en matière de diversité, d'équité et d’inclusion dans un grand nombre de systèmes éducatifs de l’OCDE (Brussino, 2021[144]). Pour améliorer les processus d'évaluation des enseignants, des normes appliquées à l'enseignement, claires et structurées, peuvent constituer un mécanisme puissant pour définir ce qu’est un enseignement de qualité, et respecter les différents éléments lors du développement des connaissances et des compétences des enseignants (OCDE, s.d.[166]). Il est essentiel d’incorporer des compétences et des connaissances en matière de diversité, d’équité et d’inclusion dans les normes d’enseignement pour s'assurer que les évaluations des enseignants les préparent et les forment plus efficacement à l’enseignement inclusif.
L’observation par des pairs et le retour d’information après observation peut améliorer efficacement les pratiques pédagogiques des enseignants, et favoriser notamment le développement de stratégies d’enseignement équitables et inclusives chez les enseignants (Brussino, 2021[144] ; Hendry, Bell et Thomson, 2014[167]). Si l’observation par les pairs suscite un intérêt croissant, cette pratique n’est pas encore généralisée parmi les pays de l’OCDE (Brussino, 2021[144]). Cependant, certains systèmes éducatifs, comme en Australie et au Canada, ont adopté des mesures et des pratiques pour promouvoir l’observation par les pairs, ce qui peut faciliter le développement et la mise en œuvre de processus d’observation par les pairs entre enseignants (OCDE, 2023[161]).
Un point important concernant l'évaluation des enseignants nécessite d’être abordé, celui des préjugés à l’encontre de groupes d’enseignants aux profils divers et de ceux qui travaillent dans des écoles défavorisées. Les publications indiquent que ces groupes ont tendance à avoir des évaluations plus mauvaises de façon disproportionnée, ce qui indique que le parti pris de celui qui note ou évalue l’enseignant joue un rôle important (Bailey et al., 2016[168]). Ce biais de l’examinateur peut être influencé par des stéréotypes, des idées préconçues et des facteurs socioéconomiques qui ont des répercussions sur les résultats scolaires des élèves (Milanowski, 2017[169]). Faire un lien entre les notes accordées aux enseignants et les résultats des élèves peut également être discriminatoire à l’encontre des enseignants qui travaillent dans des établissements défavorisés, conduisant à un manque de diversité et d’inclusivité plus marqué au sein du personnel enseignant (Brussino, 2021[144] ; Newton et al., 2010[170]). Afin de résoudre cette question, les responsables de l’évaluation des enseignants ont besoin d’être formés pour être en mesure de reconnaître et de lutter contre un biais conscient et inconscient dans la classe. Le système national d'évaluation des performances au Chili, par exemple, tient compte des caractéristiques des écoles pour déterminer les primes financières accordées aux enseignants, afin de garantir une meilleure impartialité (Brussino, 2021[144] ; Santiago et al., 2017[171]). De manière générale, ce processus d’évaluation nécessite d’être adapté afin de veiller à ce qu'il soit juste et équitable pour tous les enseignants, indépendamment de leur origine et des élèves auxquels ils enseignent.
Recruter et retenir les enseignants d’origines diverses
Afin de promouvoir l’équité et l’inclusion, il est essentiel d'avoir un personnel enseignant de profils divers, en particulier dans les écoles où les populations sont de plus en plus diverses (Brussino, 2020[118] ; Brussino, 2021[144]). Les publications ont montré que la diversité des enseignants avait des effets positifs sur plusieurs dimensions relatives au bien-être des élèves, notamment sur leurs résultats scolaires et leurs résultats socioémotionnels, pour les élèves associés à la diversité mais aussi pour l’ensemble des élèves (Brussino, 2021[144]). Par exemple, il a été démontré qu’un encadrement égalitaire entre enseignants et élèves noirs avait un effet positif sur les résultats en lecture et en mathématiques, en particulier pour les élèves dont les résultats sont faibles, et que la présence d’enseignants issus de l’immigration permettait d'améliorer les résultats scolaires et en général des élèves migrants (Carver-Thomas, 2018[172] ; Carver-Thomas et Darling-Hammond, 2017[173] ; Clotfelter, Ladd et Vigdor, 2007[174] ; Egalite, Kisida et Winters, 2015[175] ; Gershenson et al., 2022[176] ; OCDE, 2022[137]). Les enseignants aux profils divers peuvent également servir de modèle et susciter chez les élèves un sentiment d’appartenance. Par exemple, les enseignants handicapés peuvent jouer le rôle de modèles pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, et les membres du personnel scolaire d’origine autochtone peuvent aider les élèves d’origine autochtone à éprouver un sentiment d'appartenance (Brussino, 2020[118] ; Ferri, Keefe et Gregg, 2001[177] ; OCDE, 2017[154]). Les enseignants LGBTQ+ peuvent favoriser et créer un climat scolaire plus tolérant pour les élèves LGBTQ+ (Kosciw et al., 2018[178]). La diversité des enseignants peut également aider à identifier les besoins des élèves aux profils divers et à réduire le taux d’orientation des élèves issus de minorités ethniques vers des programmes destinés aux élèves à haut potentiel intellectuel.
Renforcer les capacités des chefs d’établissement pour promouvoir l’équité et l’inclusion
Les chefs d’établissement constituent des acteurs majeurs lorsqu’il s'agit de construire la philosophie d’inclusion d’une école et de s'assurer que les mesures et la législation en matière d'équité et d’inclusion dans l’enseignement sont appliquées au moyen de pratiques ajustées au contexte local de l’école et de la communauté (Cerna et al., 2021[11] ; Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2021[179] ; OCDE, 2017[154]). Du point de vue de l’équité, la direction d'un établissement a été reconnue comme étant un facteur majeur qui influence les résultats scolaires des élèves (OCDE, 2022[126]), et le point de départ vers l’amélioration des résultats des élèves dans les écoles défavorisées (OCDE, 2013[180]). La direction d’un établissement joue également un rôle primordial dans le développement et la mise en œuvre d’un programme d’enseignement inclusif, ainsi que pour créer des environnements scolaires collaboratifs qui favorisent l'adoption de pratiques pédagogiques inclusives et répondent aux besoins de tous les élèves (Brussino, 2021[144] ; Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2020[181] ; UNESCO, 2020[182] ; OCDE, 2022[155]). En effet, un examen des publications internationales a constaté que les écoles dotées d'une culture de l’inclusion avaient tendance à avoir des chefs d'établissements « attachés aux valeurs de l’inclusion et à une direction qui encourage un large éventail d’individus à assurer des fonctions de direction » (Ainscow et Sandill, 2010, p. 405[183]).
Des formes particulières de direction ont été considérées comme étant efficaces pour promouvoir l’équité et l’inclusion dans les écoles en facilitant l'adoption « de formes d’enseignement et d'apprentissage plus puissantes, en créant des communautés fortes d’élèves, d’enseignants et de parents, et en faisant grandir des cultures éducatives au sein des familles » (Ainscow et Sandill, 2010, p. 406[183]). Le projet de soutien pour des directions d’établissement inclusives, élaboré par l'Agence européenne pour l'éducation adaptée et inclusive a identifié trois fonctions fondamentales de la « direction d'établissement inclusive » (la définition de la direction, le développement organisationnel et le développement humain) (Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2021[179] ; Agence européenne pour l’éducation adaptée et inclusive, 2018[184]). Ces trois fonctions centrales se traduisent par un certain nombre de rôles et de responsabilités spécifiques aux niveaux individuel, de l’établissement, de la communauté et du système. Ils sont présentés dans le Tableau 4.
Tableau 4. Rôles et responsabilités de la direction d'établissement dans la promotion de l’équité et de l’inclusion
Niveau individuel |
Niveau de l'établissement |
Niveau de la communauté |
Niveau du système |
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Soutenir des pédagogies et des pratiques innovantes et éclairées par des données dans la classe |
Orienter et influencer l’organisation des ressources de l'établissement de façon à favoriser l’équité |
Établir des partenariats avec des organismes de soutien et d'autres écoles de la communauté |
Influencer le développement de politiques à l’échelle du système sur l’équité et l’inclusion dans l'enseignement par le biais de la consultation et de la communication |
Suivre les pratiques en classe |
Demander à la communauté de l’établissement de suivre un processus d'auto-évaluation et de réfléchir sur les données pour orienter l'amélioration continue de l’établissement |
Renforcer les capacités de l’école à répondre à la diversité grâce à la recherche et à des activités collaboratives de formation professionnelle (par exemple avec les universités) |
Concrétiser et mettre en œuvre des politiques en respectant le contexte particulier des établissements, et gérer les changements au niveau de l’établissement en ce qui concerne les programmes d’enseignement et les cadres d’évaluation, le développement professionnel, le financement et l’attribution de ressources, l'assurance de la qualité et l’obligation de rendre des comptes |
Développer une culture de la collaboration grâce à des relations positives et fondées sur la confiance |
Proposer des possibilités de formation professionnelle au personnel de l'école et leur permettre d’y accéder |
Favoriser une adhésion en faveur d’une vision commune de l’inclusion |
|
S'appuyer sur des données pour éclairer la formation professionnelle continue des enseignants |
S'assurer que les programmes d'études et les processus d'évaluation des élèves satisfont aux besoins de tous les apprenants |
Gérer les ressources financières de sorte à répondre aux besoins de l’ensemble de la communauté scolaire |
|
Promouvoir des pratiques pédagogiques centrées sur l’apprenant |
S'assurer que le personnel et les apprenants se sentent soutenus |
||
Faire participer activement toutes les familles |
Source : Tiré de l’Agence européenne pour l'éducation adaptée et inclusive (2021[179]), Soutien pour des directions d'établissement inclusives – Messages politiques, https://www.european-agency.org/sites/default/files/SISL%20Policy%20Messages-EN.pdf (consulté le 16 décembre 2022).
Sensibiliser les parties prenantes à la diversité dans l’enseignement
Les enseignants et les chefs d’établissement sont essentiellement responsables de l’environnement scolaire, mais les attitudes et les perceptions d'autres parties prenantes jouent également un rôle dans l'apprentissage et le bien-être de tous les élèves. Les convictions et la vision du monde des élèves sont influencées par ce à quoi ils sont exposés chez eux et dans les communautés qu’ils fréquentent. Il est donc essentiel de sensibiliser les parents, les tuteurs et les membres de ces communautés à la diversité. Des comportements discriminatoires et des idées stéréotypées peuvent avoir des effets négatifs sur les élèves de profils divers et mettre à mal les efforts en faveur de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement. Il est essentiel d'éveiller les consciences afin de lutter contre les attitudes négatives et les stéréotypes qui marginalisent les élèves handicapées, réfugiés, LGBTQI+ et les autres. Les parents, tuteurs et membres des communautés peuvent jouer un rôle essentiel dans le soutien des politiques et des pratiques de l’éducation inclusive (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, Rapport mondial de suivi sur l’éducation, IGLYO, 2021[185]). La sensibilisation de la société à la diversité est à la base des avancées en direction d’une éducation équitable et inclusive, en complément de la formation professionnelle continue et pour favoriser l'adhésion des enseignants aux approches en faveur de l’équité et de l’inclusion (Brussino, 2020[118]). De même, l'éveil des consciences des chefs d’établissement est essentiel pour favoriser un environnement scolaire inclusif et collaboratif (Neca, Borges et Pinto, 2020[186]).
Pistes d’action pour l’élaboration de politiques relatives au renforcement des capacités
Introduire l'équité et l’inclusion en tant que thèmes transversaux dans les programmes de formation initiale des enseignants.
Donner aux enseignants la possibilité de continuer à enrichir leurs connaissances et leurs compétences en matière d’enseignement équitable et inclusif tout au long de leur carrière.
Favoriser une plus grande diversité du corps enseignant en envisageant l'adoption de mesures ciblées pour inciter des candidats aux profils divers à suivre une formation initiale.
Soutenir le maintien en poste des enseignants de profils divers grâce au mentorat et à des réseaux d'accompagnement professionnels.
Encourager le respect et la compréhension entre les élèves afin de créer un environnement inclusif.
Sensibiliser les différentes parties prenantes à la diversité afin de susciter le soutien en faveur des politiques et des pratiques éducatives équitables et inclusives.
Favoriser l’équité et l’inclusion au moyen d’interventions à l’échelle de l’école
Les politiques des systèmes éducatifs peuvent créer un cadre équitable et inclusif pour les établissements d’enseignement mais c’est leur mise en œuvre à l’échelle de l'établissement qui détermine l'expérience au quotidien des élèves dans la classe. C'est au sein des écoles que les politiques prennent la forme de ressources spécifiques, de pratiques d’enseignement, et de mécanismes de soutien pédagogique ou non pédagogique. Plusieurs interventions et adaptations à l’échelle de l’école (y compris mettre en adéquation les ressources au sein des écoles avec les besoins éducatifs individuels des élèves ; mettre à disposition des stratégies pédagogiques qui tiennent compte de la diversité ; proposer un soutien et des services non pédagogiques ; et dialoguer avec les parents et les communautés) sont nécessaires pour promouvoir l'équité et l’inclusion de tous les élèves.
Adapter les formats d’enseignement
Il existe plusieurs façons d'adapter les formats d’enseignement afin de proposer un soutien ciblé aux apprenants. Les deux approches principales pour apporter un accompagnement et un enseignement de soutien sont les cours particuliers et les interventions en petit groupe et elles sont souvent utilisées pour aider les élèves à besoins éducatifs particuliers dans leurs apprentissages (Brussino, 2020[118]). Les cours particuliers consistent en un enseignement intensif individuel assuré par un enseignant spécialisé ou un assistant, au sein de la classe ordinaire ou en dehors. Avec ce format, les élèves peuvent apprendre à leur rythme, avec des contraintes de temps et de pression moins importantes qu’en groupe (Grasha, 2002[187]). De plus, les cours particuliers ne stimulent pas la compétition avec les autres élèves ce qui, pour beaucoup, constitue un point positif. Plusieurs avantages et inconvénients doivent être pris en compte lors de la conception et de l'adoption de formats d’enseignements pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, comme le résume le Tableau 5.
Tableau 5. Avantages et inconvénients des cours particuliers et en petit groupe
Avantages |
Inconvénients |
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Cours particuliers |
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Cours en petits groupes |
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Source : Adapté de Brussino (2020[118]), Mapping policy approaches and practices for the inclusion of students with special education needs", OECD Education Working Papers, No. 227, https://doi.org/10.1787/600fbad5-en.
Adapter les programmes d’enseignement
L'élaboration de plans individualisés constitue un outil essentiel pour adapter les programmes d’enseignement. Les plans d’enseignement individuels tiennent généralement compte de deux types d’ajustements : les aménagements et les adaptations. Les aménagements correspondent à des changements qui permettent aux élèves de mieux apprendre, alors que les adaptations correspondent à des changements liés à ce que les élèves apprennent. Les aménagements peuvent comprendre des ajustements au niveau des stratégies pédagogiques, des changements physiques apportés à l’environnement de la classe ou de l'école, et des modifications dans les méthodes d'évaluation. Les aménagements ont une efficacité optimale lorsqu’ils sont conçus pour répondre aux besoins spécifiques de l’élève. Les adaptations peuvent prendre la forme de changements concrets apportés au programme d’enseignement ou aux devoirs pour permettre aux élèves de garder plus facilement le cap. D'après l’enquête de 2022 de La diversité fait la force, 24 systèmes éducatifs ont déclaré réaliser des aménagements et des adaptations pour les élèves à besoins éducatifs particuliers (Graphique 11). Alors que certains systèmes permettent des aménagements et des adaptations exclusivement pour les élèves à besoins éducatifs particuliers, d'autres les proposent à d’autres groupes, comme les élèves issus de l’immigration, les élèves à haut potentiel et les élèves défavorisés sur le plan socioéconomique.
Cadres pour l’apprentissage inclusif
Pour faire progresser l’inclusion et l'équité, l’apprentissage et l’enseignement doivent être adaptés aux élèves au lieu de demander aux élèves de s’adapter aux pratiques d’apprentissage et d’enseignement traditionnelles. La Conception universelle des apprentissages (CUA) est un outil qui peut aider les enseignants et les parties prenantes de l’enseignement à concevoir et mettre en œuvre un enseignement inclusif au moyen de pédagogies, de programmes d’enseignement et d'évaluations. La CUA vise à éliminer les barrières pour tous qui font obstacle à la participation et à l'apprentissage en tenant compte de la variabilité de l’apprenant dans la conception du programme d'études (Waitoller et King Thorius, 2016[188] ; Rose et Meyer, 2002[189]).
La CUA est particulièrement utile dans les classes où la diversité ne cesse de croître puisqu’elle apporte la flexibilité nécessaire à la prise en compte de besoins et de styles d'apprentissages divers (Brussino, 2021[144]). En proposant aux élèves différents moyens d’interagir avec le matériel pédagogique et en adaptant les informations données aux élèves (au lieu de demander aux élèves de s'adapter aux informations), la CUA peut aider les écoles à prévoir de meilleurs aménagements en fonction des besoins et de l'apprentissage des élèves dans des classes aux profils divers (CAST, 2018[190]).
Les lignes directrices de la Conception universelle des apprentissages ont été développées pour les enseignants et d’autres acteurs de l’éducation pour mettre en œuvre le cadre de la CUA. Ces lignes directrices apportent des suggestions pratiques pour concevoir des stratégies d’enseignement et d'apprentissage inclusives qui peuvent améliorer le bien-être de tous les élèves (Tableau 6).
Tableau 6. Lignes directrices de la Conception universelle
Offrir plusieurs moyens de participation |
Offrir plusieurs moyens de représentation |
Offrir plusieurs moyens d’action et d’expression |
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Offrir des possibilités pour éveiller l’intérêt : Optimiser les choix individuels et l'autonomie Optimiser la pertinence, la valeur et l’authenticité Minimiser les risques et les distractions |
Offrir des possibilités en matière de perception : Proposer plusieurs moyens de personnaliser la présentation de l’information Proposer d'autres modes de présentation pour les informations auditives Proposer d'autres modes de présentation pour les informations visuelles |
Offrir des possibilités en matière d'action physique : Varier les méthodes de réaction et d’interaction Optimiser l'accès aux outils et aux technologies d'assistance |
Offrir des possibilités pour soutenir l’effort et la persévérance : Souligner l’importance des buts et des objectifs Varier les exigences et les ressources pour rendre les défis plus stimulants Favoriser la collaboration et la communauté Augmenter le retour d’information pour une plus grande maîtrise |
Offrir des possibilités en matière de langue et de symboles : Clarifier le vocabulaire et les symboles Clarifier la syntaxe et la structure Soutenir le décodage des textes, de la notation mathématique et des symboles Faciliter la compréhension lors du passage d’une langue à l’autre Illustrer l’information à l’aide de plusieurs supports |
Offrir des possibilités en matière d’expression et de communication : Utiliser plusieurs supports de communication Utiliser plusieurs outils pour l’élaboration et la composition Développer les compétences grâce à un soutien échelonné en situation de pratique et de performance |
Offrir des possibilités en matière d'autorégulation : Promouvoir les attentes et les idées qui optimisent la motivation Développer la faculté d'adaptation de l’élève et les stratégies d'autorégulation Développer la capacité d’autorégulation et de réflexion |
Offrir des possibilités en matière de compréhension : Activer les connaissances antérieures ou fournir les connaissances de base Faire ressortir les modèles, les caractéristiques essentielles, les idées fortes et les relations entre les notions Guider le traitement et la visualisation de l’information Maximiser le transfert et la généralisation |
Offrir des possibilités en matière de fonctions exécutives : Guider l’élève dans l'établissement d’objectifs appropriés Soutenir la planification et l’élaboration de stratégies Faciliter la gestion de l’information et des ressources Améliorer la capacité à suivre ses progrès |
Source : Brussino (2021[144]), d'après CAST (2018[190]), Lignes directrices de la Conception universelle des apprentissages, http://udlguidelines.cast.org (consulté le 15 octobre 2020).
Garantir des pratiques d'évaluation équitables et inclusives
Un volume important de publications indiquent que le type d'évaluation peut avoir de lourdes répercussions sur les résultats d'apprentissage des élèves (OCDE, 2013[108]). Les données recueillies sur différentes méthodes montrent que l’évaluation peut soutenir ou au contraire limiter la motivation et les résultats des élèves, en fonction de la manière dont elle est conçue, mise en œuvre et utilisée. Les évaluations qui ne sont pas conçues et déployées correctement peuvent contribuer à aliéner les élèves (et les enseignants) du système éducatif et à renforcer les inégalités en matière d’éducation. À l’inverse, si elles sont minutieusement préparées, alignées sur les objectifs d’apprentissage et centrées sur l’élève, les évaluations peuvent contribuer à améliorer les résultats scolaires et à résorber les inégalités (ibid.).
Les évaluations devraient permettre à tous les élèves de montrer ce qu’ils ont appris et compris, sans être pénalisés par des caractéristiques individuelles qui n’ont aucun rapport avec ce qui est évalué (Binkley et al., 2010[191] ; Abd Razak et Lamola, 2019[192]). Les évaluations doivent donc être adaptées aux différents stades de développement des élèves et tenir compte des besoins de certains groupes d'élèves, comme les minorités ethniques, les élèves de langue étrangère et ceux ayant des besoins éducatifs particuliers (OCDE, 2013[108]). Afin de garantir des évaluations justes pour tous les élèves, il est important d'élaborer des cadres pour des évaluations équitables pour un large éventail de groupes d'élèves différents sans privilégier un groupe plutôt qu’un autre (ibid.). L'élaboration d’un cadre élargi à l’appui de l’équité pour tous les élèves dans les évaluations nécessite l’adoption de lignes directrices centrales pour assurer l’orientation et la cohérence au sein des établissements d’éducation mais, dans le même temps, ce cadre doit rester flexible et laisser la possibilité d’adapter les pratiques au niveau local et de l’établissement (ibid.)
Accompagnement et services non pédagogiques
Soutenir tous les apprenants pour leur permettre de réaliser leur potentiel en matière d'éducation et développer en eux un sentiment d'appartenance ne relève pas de la seule responsabilité des enseignants et des chefs d’établissement mais aussi de la possibilité de bénéficier d’un accompagnement et de services non pédagogiques à l’école (Cerna et al., 2019[151]). Les conseillers et les psychologues scolaires peuvent, par exemple, jouer un rôle important dans le soutien et la promotion du bien-être des élèves issus de milieux divers. De plus, le volet social et émotionnel des programmes d’enseignement et les stratégies d’enseignement qui tiennent compte des traumatismes peuvent aider à répondre aux besoins des élèves qui ont pu vivre un traumatisme ou qui peuvent avoir besoin d’un soutien social et émotionnel particulier (Cerna, 2019[193] ; McBrien, 2022[194] ; Sullivan et Simonson, 2016[195]). D'autres services thérapeutiques, comme la physiothérapie et les services de soutien en matière de santé mentale, peuvent également faire du bien à certaines élèves, en particulier à ceux qui souffrent de handicaps physiques.
De plus, le conseil en orientation professionnelle et éducative peut permettre de donner à tous les élèves les mêmes chances de réussir et aider à améliorer les résultats de l’enseignement et de l’emploi (Cerna et al., 2021[11]). Des programmes de tutorat ou de mentorat peuvent également contribuer à soutenir les élèves issus de la diversité ou marginalisés à réussir leur parcours éducatif et à développer un sentiment d’appartenance à leur école.
Dialoguer avec les parents ou les tuteurs et les communautés
Favoriser un climat scolaire inclusif qui aide tous les apprenants à réussir leur parcours éducatif nécessite d’impliquer tous les membres de la communauté de l’établissement, y compris le personnel scolaire, les élèves, les parents et les membres de leur famille, les organisations impliquées dans l'école, et les membres de la communauté au sens large (Cerna et al., 2019[151]). Les travaux de recherche indiquent que l’implication des parents ou tuteurs et des communautés dans l'apprentissage de leurs enfants est un facteur déterminant pour la réussite scolaire des élèves et leur bien-être au sens large (OCDE, 2019[196] ; Rutigliano et Quarshie, 2021[103]). Pour les écoles qui cherchent à créer un environnement scolaire inclusif et équitable, il est donc essentiel de faire participer les communautés, les parents ou les tuteurs et les familles (Cerna et al., 2021[11]). La participation et l’implication des parents ou des tuteurs et de la communauté au sens large peuvent être favorisées par des structures de gouvernance et des initiatives de l’école, et par des mécanismes qui cherchent à créer un climat scolaire positif. Ceci est fondamental pour garantir une responsabilisation horizontale quant à l’évaluation du niveau d’équité et d’inclusivité des écoles, une plus grande capacité d'adaptation aux besoins divers et aux priorités des communautés que l'école doit prendre en compte, et l'élaboration de stratégies conjointes afin de créer un environnement scolaire qui aide tous les élèves à réussir leur scolarité et à éprouver un sentiment d'appartenance (Cerna et al., 2021[11]).
Pistes d’action pour l’élaboration de politiques relatives aux interventions à l’échelle de l’école
S'assurer que les enseignants adoptent une variété de formats d'enseignement et des méthodes pédagogiques qui permettent de satisfaire aux besoins de tous les élèves.
Fournir des mesures et des outils de soutien appropriés et adaptés aux divers besoins des élèves
S'assurer que les évaluations des élèves sont conçues et mises en œuvre de façon équitable et inclusive.
Tirer parti de l’offre de services non pédagogiques pour améliorer le bien-être des élèves.
Adopter des stratégies pour impliquer les parents et les communautés.
Suivre et évaluer l’équité et l’inclusion dans l’enseignement
Le suivi et l'évaluation peuvent jouer un rôle majeur pour s'assurer qu’un système éducatif ne se contente pas d’adopter des mesures pour améliorer l’équité et l’inclusion mais qu’il les met effectivement en œuvre et qu’elles atteignent leurs objectifs. Ainsi, il est crucial que les systèmes éducatifs suivent les progrès réalisés dans l'amélioration de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement, et évaluent les politiques publiques, les programmes et les processus à l'appui de l’équité et de l’inclusion dans l'enseignement.
Suivre l’évolution de l’amélioration de l’équité et de l’inclusion dans l’enseignement
L'évaluation des progrès accomplis dans la réalisation des objectifs d’inclusion et d'équité ne peut se faire sans de solides collectes de données qui suivent l’accès, la participation et les résultats de tous les apprenants. Il peut s'agir de suivre des groupes spécifiques mais aussi divers résultats d'élèves. L’enquête 2022 de La diversité fait la force indique qu’un éventail de groupes d'élèves figure dans les collectes de données nationales des systèmes éducatifs de l’OCDE. Trente systèmes éducatifs ont déclaré collecter des données sur les élèves à besoins éducatifs particuliers, 28 sur les élèves issus de l’immigration, 22 sur les élèves défavorisés sur le plan socioéconomique, 18 sur les élèves appartenant à certains groupes ethniques ou certaines minorités nationales, 11 sur les élèves à haut potentiel intellectuel et 9 sur les élèves appartenant à une communauté indigène. Seuls le Canada et le Chili recueillent des données sur les élèves LGBTQI+ (Graphique 12).
Certaines dimensions de la diversité (le haut potentiel intellectuel, l’orientation sexuelle et l’identité de genre) sont sous-représentées dans les collectes de données, comme l’admettent les publications de la recherche internationale (McBrien, Rutigliano et Sticca, 2022[142] ; Rutigliano et Quarshie, 2021[103]). Les données de certaines dimensions de la diversité ne sont pas recueillies au niveau national (ou infranational) pour diverses raisons. Les cadres législatifs de certains pays n’autorisent pas la collecte de certaines caractéristiques (comme l’orientation sexuelle) en raison du caractère privé et sensible de ces données. Certains systèmes éducatifs, comme celui du Portugal, ne classent pas les élèves selon leurs caractéristiques mais s’intéressent aux mesures d’aide dont ils ont besoin. D'autres systèmes éducatifs adoptent des politiques qui n'autorisent pas les distinctions raciales et interdisent donc le recueil de données sur certaines caractéristiques, comme l’origine ethnique.
La vie et les expériences des élèves sont façonnées par un ensemble de facteurs. Outre pour l’apprentissage, les élèves passent aussi beaucoup de temps à l'école à socialiser avec leurs pairs et à interagir avec le personnel scolaire. Les résultats scolaires ne sont qu’un aspect de ce qui compose le vécu à l’école, et il est important de savoir à quel point les élèves sont heureux et satisfaits des différents aspects de leurs vies, dans quelle mesure ils sont connectés aux autres et s’ils ont une bonne santé physique et mentale (Cerna et al., 2021[11]). Ces renseignements peuvent s'acquérir grâce à une collecte de données relatives aux résultats en matière de bien-être d’un ensemble d’élèves, comprenant les résultats sur le plan scolaire, psychologique, physique, social et matériel (ibid.). Ces dimensions constituent des ingrédients clés du bien-être commun des individus et contribuent à leur développement personnel à court, moyen et long terme (ibid.).
Les collectes de données sur les résultats scolaires des élèves et en matière de bien-être peuvent être très instructives. Les systèmes éducatifs ont le plus fréquemment déclaré recueillir des données sur les résultats scolaires et le bien-être quels que soient les groupes spécifiques (Graphique 13). Les dimensions de la diversité que l’on trouve le plus couramment dans les collectes de données par groupes sont le genre, l’origine socioéconomique, le statut au regard de l’immigration, les besoins éducatifs particuliers,et la situation géographique particulière. Seuls huit et trois systèmes éducatifs ont recueilli des données respectivement sur les résultats scolaires et sur le bien-être auprès d’élèves appartenant à un groupe ethnique ou une minorité nationale. Six systèmes éducatifs ont recueilli des données sur les résultats scolaires et deux sur le bien-être auprès d'élèves appartenant à une communauté indigène, et les collectes de données auprès des élèves à haut potentiel intellectuel et LGBTQI+ ont été encore plus rares. Pour tous les groupes d'élèves, des données sur tous les types de résultats en matière de bien-être ont été largement moins souvent collectées que celles sur les résultats scolaires.
Utilisation des résultats du suivi
Les systèmes éducatifs utilisent plusieurs approches pour utiliser et publier les résultats de leurs collectes de données. Il peut s'agir de la publication d’un rapport statistique annuel, d’un rapport gouvernemental sur un état des lieux de l’enseignement, de rapports réalisés par les organismes chargés de l'évaluation, de rapports de synthèse sur les résultats des évaluations nationales, des rapports d'audit national sur le secteur de l’éducation ou une partie, et de divers rapports produits par des administrations infranationales compétentes en matière d’éducation (OCDE, 2013[108]). Les pays utilisent souvent plusieurs formats dont la conception et le contenu varient largement (ibid.).
Outre la production d'écrits, les systèmes éducatifs tiennent compte de l’accessibilité et renforcent l’utilisation des résultats des évaluations en matière d'éducation en les publiant sous la forme de bases de données et de tableaux de bord destinés à un large éventail de parties prenantes, y compris au grand public. Aux États-Unis, par exemple, les données du National Assessment of Educational Progress sont résumées dans des tableaux de bord qui ventilent les données, notamment les résultats d’apprentissage des élèves, par emplacement géographique, genre, origine ethnique et contexte socioéconomique (par ex. niveau d’instruction parental et éligibilité au programme National School Lunch) (The Nation's Report Card, 2022[197]). L’inspection académique de République tchèque a conçu un tableau de bord qui présente plusieurs indicateurs sur une carte, comme le nombre d'élèves selon la typologie de leurs besoins éducatifs particuliers (Czech School Inspectorate, 2022[198]). Les données peuvent également être consultées par des organismes privés. En République tchèque, Prokop Analysis and Quantitative Research (PAQ Research), par exemple, utilise des outils de cartographie pour illustrer un large éventail d’indicateurs susceptibles de créer des inégalités au niveau scolaire à l’échelle régionale, y compris le nombre d’enfants sans domicile, le nombre d’enfants en logements inadaptés et surpeuplés, les ressources par élève, le nombre d'élèves sortis précocement du système scolaire, le nombre de redoublements et bien d'autres (PAQ Research, 2022[199]). Les données peuvent également être téléchargées dans un format modifiable par l’utilisateur pour permettre des analyses approfondies.
Évaluer les politiques, les programmes et les processus conçus pour améliorer l’équité et l’inclusion dans l’enseignement
L'évaluation peut étayer l’élaboration de politiques publiques, des programmes d’enseignement, de la planification, la reddition de comptes, les décisions d’attribution des ressources et la gestion des résultats et, dans le cas de ressources limitées, elle peut être essentielle pour assurer une optimisation des ressources (Cerna et al., 2021[11]). Les cadres d'évaluation des mesures et des programmes mis en œuvre dans le domaine de l’équité et de l’inclusion sont façonnés par le contexte élargi des politiques éducatives ainsi que des traditions, des valeurs et des cultures existantes. Alors que la nécessité des évaluations est largement reconnue dans le secteur éducatif, les traditions et les cultures dans l’enseignement influencent la nature et le sens des activités d'évaluation (OCDE, 2013[108] ; OCDE, 2022[200]). Ainsi, il n’existe pas de définitions communes et les concepts des politiques et des pratiques d'évaluation varient au sein des pays de l’OCDE (Golden, 2020[201]).
Bien que l’évaluation des politiques adoptées figurait parmi les domaines prioritaires identifiés par de nombreux systèmes éducatifs entre 2008 et 2019, les examens de l’OCDE ont continué de mettre en évidence une possible absence ou un manque de développement des éléments de l'évaluation du système, un manque de clarté des processus d'évaluation, d'éventuelles lacunes dans les collectes de données susceptibles de signaler une amélioration ou des problèmes en matière de qualité (OCDE, 2019[196]). Parmi les pays de l’OCDE, seule une réforme éducative sur dix est suivie par une tentative d'évaluation de ses effets (OCDE, 2015[202]). Les évaluations dans le domaine de l’équité et de l’inclusion sont tout aussi rares. Les chercheurs ont identifié un manque d'évaluations des programmes pour les élèves LGBTQI+, les élèves à haut potentiel intellectuel, et ceux appartenant à des minorités ethniques ou des peuples autochtones (McBrien, Rutigliano et Sticca, 2022[142] ; OCDE, 2017[154] ; Rutigliano, 2020[101]).
Aider les écoles à améliorer leurs pratiques en faveur de l’équité et de l’inclusion grâce à des processus d'évaluation
Les interventions en faveur de l’équité et de l’inclusion des élèves sont gérées au niveau national mais aussi à l'échelle locale et de l’établissement. Les évaluations individuelles des établissements peuvent constituer un outil important pour aider à la prise de décision, à l'attribution des ressources et à l’amélioration de l’enseignement. En effet, le suivi et l’évaluation des écoles, notamment des aspects liés à l'équité et à l’inclusion, sont indispensables à leur amélioration. Les écoles ont besoin de retours d’informations sur leurs pratiques pour identifier dans quels domaines progresser.
La façon dont les évaluations des écoles sont conçues et mises en œuvre peut avoir des effets significatifs sur les efforts déployés pour améliorer l'équité et l’inclusion (Cerna et al., 2021[11]). D’un côté, des systèmes efficaces sont nécessaires pour garantir la mise en œuvre des actions locales et leur conformité aux exigences nationales (OCDE, 2022[137]). D’un autre côté, rejeter la faute de façon disproportionnée pour des problèmes systémiques en matière d'éducation sur n’importe quel acteur peut avoir des répercussions négatives graves, creuser les inégalités et nuire à l’apprentissage (UNESCO, 2017[203]).
L'évaluation à l’échelle des établissements peut être externe (par exemple par des inspecteurs scolaires) et interne (auto-évaluations). En 2018, les évaluations internes et externes étaient courantes au sein des pays de l’OCDE. Plus de 94 % et 76 % des élèves de 15 ans fréquentaient des établissements dont les dirigeants déclaraient procéder respectivement à des évaluations internes et externes de leur établissement (OCDE, 2020[204]). Toutefois, les pratiques individuelles des pays varient et il n’existe pas de méthode unique qui pourrait s'appliquer à tous les systèmes éducatifs.
La nature des retours d'information présentés par les organes chargés de l’évaluation diffère selon les systèmes éducatifs. Dans certains systèmes éducatifs, les processus de développement sont encouragés par des retours d’information indirects. Dans d'autres systèmes, l’évaluation cherche davantage à savoir si les écoles ont respecté des critères pré-définis (Ehren, Perryman et Shackleton, 2014[205]). Les cadres politiques pour l’évaluation des écoles des systèmes éducatifs peuvent également s’intéresser spécifiquement aux thèmes de l’équité et de l’inclusion. En 2022, 11 systèmes éducatifs de l’OCDE sur 34 ont formulé des critères pour l’évaluation de l’équité et de l’inclusion dans leur cadre stratégique d'évaluation des établissements (la Communauté flamande de Belgique, l’Espagne, la France, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, la Nouvelle-Zélande, le Portugal et la Türkiye)) (OCDE, 2022[68]).
La traduction de l’évaluation des écoles par une avancée en faveur de l’équité et de l’inclusion dépend de nombreux facteurs. Il est important de comprendre que l’évaluation des écoles a des répercussions différentes sur chaque établissement et plusieurs paramètres déterminent si et dans quelle mesure les écoles acceptent les résultats de l’analyse et agissent en conséquence (OCDE, 2013[108]).
Pistes d’action pour l’élaboration de politiques relatives au suivi et à l’évaluation
Concevoir des systèmes de suivi qui évaluent les progrès réalisés en faveur de l’équité et de l’inclusion.
Concevoir le suivi de l'équité et de l’inclusion dans l’enseignement au sein d’une stratégie d’ensemble.
Tirer parti des évaluations pour identifier les actions, les programmes et les processus qui répondent le mieux aux besoins des élèves.
S'assurer que les évaluations des écoles peuvent être utilisées pour améliorer l’équité et l’inclusion.
Les six étapes vers l'équité et l’inclusion dans l’enseignement
Il n’existe pas un parcours unique que tous les systèmes éducatifs devraient emprunter pour parvenir à l’équité et à l’inclusion. Pour chaque système, le chemin et les défis à relever seront différents, façonnés par leur propre histoire, leurs cultures et leurs données démographiques. Si les interventions des pouvoirs publics qui permettent de faire progresser l’équité et l’inclusion dépendront des contextes individuels, certaines leçons générales et éléments fondamentaux pris en compte dans le développement des réformes éducatives peuvent être soulignés. Cette partie examine les étapes clés d'application universelle pour les systèmes éducatifs qui s’efforcent de parvenir à l’équité et à l’inclusion. Ces étapes devraient être suivies en parallèle, compte tenu du fait que progresser vers l'équité et l’inclusion dans l'enseignement nécessite d'adopter une approche globale qui touche différents domaines de l'action publique.
Élaborer un cadre stratégique sur l'équité et l’inclusion et l’intégrer dans tous les domaines des politiques d'éducation
Un cadre stratégique complet est nécessaire pour développer un système éducatif équitable et inclusif. Ce cadre devrait mettre en relation les grands domaines de l’équité et de l’inclusion, y compris la conception des programmes d’enseignement, les pratiques pédagogiques, le renforcement des capacités du personnel enseignant et le suivi des résultats des élèves. En plus d'évaluer et prendre la mesure des besoins des élèves et du personnel enseignant, les cadres stratégiques devraient également tenir compte de l’intersectionnalité et mettre en évidence comment les caractéristiques et les expériences des élèves sont façonnées par leur environnement et leur contexte social. Les cadres stratégiques peuvent garantir un suivi et une évaluation continue des progrès réalisés en faveur de l’équité et de l’inclusion en intégrant des systèmes de suivi et d'évaluation dont les objectifs et les priorités sont clairement identifiés.
S'assurer que le système éducatif est flexible et en mesure de s'adapter aux besoins des élèves
L'accroissement de la diversité des classes compte tenu des tendances démographiques et des évolutions sociales impose aux systèmes éducatifs d’être réactifs et flexibles en suivant comme principes directeurs des stratégies en faveur de l'équité et de l’inclusion. La flexibilité devrait se retrouver dans différents domaines d'action des politiques d'éducation, comme les parcours scolaires, le choix des écoles, les programmes d’enseignement et les stratégies pédagogiques. Proposer aux élèves un éventail de parcours éducatifs et de programmes parallèles peut contribuer à garantir une offre éducative qui correspond aux besoins, aux intérêts et au potentiel de chaque élève. Les pratiques adoptées par les enseignants dans la classe jouent également un rôle essentiel dans l'apprentissage de leurs élèves. Différentes pédagogies peuvent aider les enseignants à s’adapter aux divers besoins des élèves et à accompagner tous les élèves. De manière générale, un système éducatif qui favorise l'équité et encourage l’inclusion parmi ses élèves devrait être réactif et flexible.
Faire de l’équité et de l’inclusion les principes directeurs des mécanismes principaux d’attribution des ressources et des financements ciblés des systèmes éducatifs
La façon dont les fonds sont attribués aux écoles et aux élèves peut avoir des répercussions sur l’équité et l’inclusivité d’un système éducatif. Les financements ciblés et les mécanismes d'allocation des ressources principaux peuvent contribuer à atteindre ces objectifs, mais les uns et les autres comportent des risques et des avantages. Les financements ciblés peuvent servir à diriger les ressources vers des groupes ou des problématiques spécifiques mais peuvent conduire à un manque de coordination et à des inefficacités. Les mécanismes d'allocation des ressources principaux permettent d’harmoniser le système d'allocation mais peuvent manquer de mesures en matière de reddition des comptes. Les systèmes éducatifs devraient donc tirer parti de ces deux systèmes de financement avec vigilance afin qu’ils favorisent l’équité et l’inclusion, en tenant compte des écueils à éviter.
Impliquer toutes les parties prenantes pertinentes et renforcer la coordination au sein du système éducatif
Il est essentiel d’impliquer les parties prenantes pour promouvoir l'équité et l’inclusion dans l'enseignement, et un éventail d'acteurs devraient y participer, comprenant les syndicats d’enseignants, les autorités locales, les parents et les organisations représentant des groupes spécifiques. Les parties prenantes devraient être impliquées dans le cycle d'élaboration des politiques, du développement à l’évaluation, en passant par la mise en œuvre, et leurs retours d’informations devraient être pris en compte pour identifier les difficultés et y remédier. Il est tout aussi important de faire participer les parties prenantes à l’échelle de l’école pour créer un climat scolaire positif qui aide tous les apprenants. Enfin, il est capital de sensibiliser à la diversité pour promouvoir l’acceptation et l’inclusion et effacer les pensées stéréotypées et discriminatoires qui peuvent toucher les enfants aux profils divers.
Préparer et former les enseignants et les chefs d’établissement dans le domaine de l’équité et de l’inclusion
Enseigner dans des classes concernées par la diversité nécessite que les enseignants disposent de compétences, connaissances et attitudes variées afin de créer des environnements pédagogiques équitables et inclusifs. Les enseignants devraient avoir des connaissances théoriques de la pédagogie différenciée et les compétences pour les appliquer. Les systèmes éducatifs doivent préparer et aider les enseignants à promouvoir l’équité et l’inclusion dès leur formation initiale et au cours de leur formation professionnelle continue. La diversité au sein des enseignants peut également favoriser un environnement de classe plus équitable et inclusif. Les chefs d’établissement jouent également un rôle important dans la mise en œuvre d’un enseignement équitable et inclusif et la création d’un climat scolaire positif.
Identifier les besoins des élèves, les accompagner et suivre leurs progrès
Il est fondamental d’identifier les besoins spécifiques des élèves pour promouvoir l'équité et l’inclusion. Les évaluations diagnostiques sont généralement utilisées pour identifier les élèves en difficulté scolaire et évaluer leurs besoins éducatifs qui sont dès lors pris en compte grâce à des outils tels que les projets éducatifs individualisés, les aménagements et les adaptations. De plus, les écoles peuvent fournir des services d'accompagnement psychologique et proposer des programmes d'apprentissage émotionnel et de la vie en société pour favoriser le bien-être des apprenants aux profils divers. L'évaluation des progrès des élèves devrait également être conçue de sorte à éviter les biais et à permettre à tous les élèves de montrer ce qu’ils ont appris au moyen de plusieurs formes et techniques d'évaluation. La Conception universelle des apprentissages constitue un outil pratique qui aide les enseignants à concevoir et mettre en œuvre un enseignement inclusif.
Notes
← 1. Les données citées n’incluent pas les pays récemment devenus membres de l’OCDE, la Colombie et le Costa Rica, qui ont rejoint l’Organisation respectivement en 2020 et 2021.
← 2. La diminution naturelle de la population s’explique par des taux de natalité bas et un vieillissement de la population.
← 3. L’indicateur conjoncturel de fécondité pour une année donnée mesure le nombre d’enfants qu’aurait une femme qui vivrait jusqu’à la fin de sa période de procréation et qui mettrait au monde des enfants en accord avec le taux de fécondité à cet âge.
← 4. Conformément aux conférences PISA de l’OCDE, les établissements scolaires ruraux s’entendent de ceux situés dans des communes de moins de 3 000 habitants et les établissements urbains désignent ceux situés dans toute grande ville de plus de 100 000 habitants, sauf indication contraire (OCDE, 2018[208]).
← 5. Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, intersexes et autres identités de genre non cisgenres et orientations sexuelles non hétérosexuelles.
← 6. Les apprenants résilients savent s'adapter à différentes tâches et environnements, tirer parti des occasions qui se présentent pour pouvoir donner toute la mesure de leurs capacités. Ces apprenants ont les moyens et la capacité de repérer les opportunités que le système leur propose et d’en tirer parti, ou de se créer les leurs. Ils sont également capables de passer d’une tâche et d’un environnement pédagogique à l’autre, en fournissant par anticipation les efforts nécessaires pour les enrichir (OCDE, 2021[52]).
← 7. Les données ne comprennent pas l’Espagne par manque de données disponibles et comprennent celles du Costa Rica (qui ne figurent pas dans les rapports PISA de l’OCDE publiés en 2019).
← 8. L’indice SESC correspond à l’indice PISA du statut économique, social et culturel.
← 9. Les publications économiques se partagent entre deux courants qui associent les répercussions de l’enseignement à deux phénomènes différents. D’un côté, la théorie du capital humain avance que les hausses de revenus sont associées à une hausse de la productivité qui se produit lorsque les individus acquièrent des qualifications supplémentaires. D’un autre côté, une préoccupation importante porte sur le fait que l’enseignement peut avoir une valeur sur le marché du travail non pas en raison d’un effet sur la productivité mais pour des raisons « trompeuses ». En particulier, le niveau d’enseignement peut signaler une compétence ou d'autres caractéristiques auxquelles les employeurs accordent de la valeur parce qu’elles contribuent à la productivité mais qu’ils ne peuvent pas observer facilement, ce qui se définit comme un signal donné par le niveau d’enseignement (Riley, 2001[207] ; Spence, 1973[206]).