Ce chapitre analyse l’état des mesures actuelles de réponse aux crises et aux situations de fragilité. Dans la lignée du Programme d’action d’Addis-Abeba, il étudie le paysage économique et financier dans les contextes fragiles et recense les risques et les capacités d’adaptation au-delà des financements au titre de l’aide publique au développement. Il présente ensuite les approches en matière d’action publique et de programmation autour de trois thématiques clés qui, dans un avenir proche, auront un impact sur les politiques et les pratiques dans les contextes fragiles : les canaux économiques qui répercutent les chocs et renforcent la résilience, les risques grandissants liés au changement climatique et à la fragilité environnementale et les liens sous-développés entre développement et recherche de la paix.
États de fragilité 2022
2. État des mesures de réponse aux crises et aux situations de fragilité
Abstract
En bref
Les bailleurs ont réagi aux chocs planétaires en augmentant le volume de l’aide publique au développement (APD). Le volume total de l’aide aux contextes fragiles a culminé en 2020 à 91.4 milliards USD, soit le volume le plus élevé jamais enregistré.
Sur ce total, l’aide nette des membres du Comité d’aide au développement (CAD) aux contextes fragiles s’est élevée à 61.9 milliards USD, ce qui représente une hausse de 5 % par rapport à 2019, et 60 % de leur aide ventilable par pays. Toutefois, la part de leur APD totale allouée aux contextes fragiles est au plus bas depuis 2016. Cette dernière a fortement augmenté dans les contextes extrêmement fragiles ces dernières années, prenant le pas sur le financement du développement, malgré des besoins considérables en la matière. Sur le total de l’APD du CAD allouée aux contextes fragiles en 2020, 25 % ont été acheminés au titre de l’aide humanitaire, 63 % en faveur du développement et 12 % de la paix.
Des institutions inclusives et légitimes restent indispensables pour sortir de la fragilité. La capacité à générer des recettes fiscales et l’ensemble des dimensions de la fragilité sont étroitement liées. Seulement un tiers des 43 contextes fragiles analysés ont atteint un ratio recettes fiscales/produit intérieur brut (PIB) de 15 %, un critère largement reconnu pour permettre à un État de fonctionner efficacement et à l’économie de se développer. Dans le même temps, 39 contextes fragiles sur les 60 recensés ont bénéficié de l’APD pour contribuer à renforcer leur politique fiscale et leurs capacités administratives.
Les perspectives économiques des contextes fragiles sont très hétérogènes, mais les risques se concentrent autour de l’accessibilité des prix alimentaires et de la viabilité de la dette. On dénombre aujourd’hui davantage de contextes fragiles à revenu intermédiaire que de contextes fragiles à faible revenu. Dans la mesure où la fragilité demeure corrélée à la catégorie de revenu et aux résultats économiques, les contextes ne peuvent tout simplement pas s’extirper de la fragilité par eux-mêmes. Les contextes fragiles attirent moins d’investissements privés que les autres contextes en développement, augmentant ainsi les difficultés à développer le secteur privé intérieur. Un grand nombre d’entre eux restent fortement tributaires des envois de fonds pour faire face à cette situation.
Les mesures des pouvoirs publics doivent porter sur l’ensemble des dimensions de la fragilité, renforçant ainsi la résilience économique tout en prenant en compte les différentes façons dont les canaux économiques peuvent répercuter les chocs et nourrir les conflits. Il est nécessaire d’étudier plus avant comment la coopération pour le développement peut être un vecteur de changement dans la dimension économique. L’adoption de stratégies sur la fragilité dans les institutions financières internationales est une tendance récente encourageante. De même, certains processus de paix comportent désormais un volet économique.
La lutte contre le changement climatique et la fragilité environnementale sera une composante permanente des activités dans les contextes fragiles. Il importe non seulement d’accroître, mais également de mieux adapter, l’action climatique et environnementale dans les contextes fragiles en termes de programmation, d’instruments, de préparation aux chocs et aux pertes, et de liens avec l’action publique.
Il est nécessaire de renforcer la cohérence et le dialogue entre les acteurs du développement, de la paix et de la sécurité. Du Sahel à l’Afghanistan, les lacunes et les erreurs frappantes des responsables de l’action publique et opérationnels témoignent de l’incapacité à communiquer efficacement dans les sphères du développement et de la paix.
Les chocs observables aujourd’hui, aux premiers rangs desquels le COVID‑19, les conflits et le changement climatique, sont des phénomènes à long terme. Les tendances observées en matière de fragilité et présentées au Chapitre 1 ne l’illustrent que trop bien, ces trois chocs ont bouleversé les mécanismes nationaux et internationaux traditionnels de réponse aux crises et de reprise. Bien que les bailleurs aient réagi en portant les volumes d’APD versée aux contextes fragiles à des niveaux inédits, la part correspondante de l’APD totale est plus faible qu’auparavant et, dans les contextes extrêmement fragiles, une proportion plus importante est dirigée vers l’action humanitaire au détriment du développement et de la recherche de la paix.
Ce chapitre analyse les mesures actuelles de réponse aux situations de fragilité dans une période de crises concomitantes aux effets conjugués, et examine les tendances de l’APD ainsi que son allocation (modalités, finalité et proportion), en plus des défis que représentent les réponses à apporter aux situations de fragilité dans les contextes à revenu intermédiaire et faible. Il aborde ensuite les réponses en matière d’action publique et de programmation face aux répercussions socioéconomiques des chocs récents, en mettant l’accent sur deux problématiques majeures qui, dans un avenir proche, orienteront la trajectoire de la coopération pour le développement dans les contextes fragiles : le climat et l’environnement et les liens entre développement et recherche de la paix.
Le caractère multidimensionnel de la fragilité et la diversité des contextes fragiles appellent à la cohérence des mesures en faveur du développement et de la paix adoptées par les acteurs internationaux et locaux afin d’atténuer la survenue des risques et les conséquences des risques qui se concrétisent immanquablement. La fragilité environnementale est désormais un élément central des politiques menées par les partenaires au développement dans la majorité, voire tous, des contextes fragiles et elle sera le moteur de la demande de ressources supplémentaires. Dans le même temps, le fossé entre les politiques en faveur de la paix et les politiques de développement pose de sérieux problèmes. Pour surmonter ce défi, la première étape consiste à combler les lacunes en matière de communication. Comme présenté au Chapitre 1, les mesures de réponse à la fragilité économique ou à la fragilité des États jouent souvent un rôle déterminant dans l’efficacité des actions mises en œuvre, mais elles ne sont que rarement, pour ne pas dire jamais, suffisantes en elles-mêmes.
La nature complexe de la fragilité et des crises redessine les mesures financières prises en réponse à la fragilité
L’aide publique au développement (APD) est l’un des leviers les plus saillants que les membres de l’OCDE et les autres pays actionnent pour apporter un soutien aux contextes fragiles. De tout temps, l’APD a constitué une ressource stable et prévisible en faveur des contextes fragiles, et elle revêt un caractère particulièrement critique pour les contextes extrêmement fragiles, dans lesquels elle éclipse souvent les autres apports financiers. En termes de volume, dans les quinze contextes extrêmement fragiles, l’APD était sept fois plus importante que l’investissement direct étranger (IDE) et plus de trois fois supérieure aux envois de fonds. Cette section porte essentiellement sur l’ampleur et l’utilisation de l’APD dans les contextes fragiles par les membres du CAD et les autres acteurs, évaluant cette réponse avec pour toile de fond les efforts et ressources déployés par les contextes fragiles eux-mêmes pour faire face aux situations de fragilité et aux chocs qu’ils subissent.
Les bailleurs ont réagi aux chocs planétaires en augmentant le volume de l’aide publique au développement
En 2020, la réponse financière de la communauté des bailleurs face aux chocs et aux situations de fragilité observés au cours des deux dernières années a atteint des records. L’APD nette allouée aux contextes fragiles par l’ensemble des fournisseurs de coopération pour le développement, incluant les sorties de fonds des organisations multilatérales, s’est établie à 91.4 milliards USD en 2020, soit le volume le plus élevé jamais enregistré. Dans cette enveloppe globale, l’APD des membres du CAD en faveur des contextes fragiles a atteint un total de 61.9 milliards USD, représentant 60 % de leur aide ventilable par pays. Il s’agit du volume le plus important depuis 2006, pour une hausse de 5 % par rapport à 2019. Cette réponse d’un niveau inédit est survenue dans un contexte où les appels de fonds humanitaires restent invariablement supérieurs aux financements alloués.
Toutefois, si le volume de l’APD acheminée vers les contextes fragiles par les bailleurs du CAD et tous les autres bailleurs est à un plus haut historique, cela illustre une intensification plus générale de l’APD, le plus souvent en réponse au COVID‑19 et non avec une attention particulière portée aux situations de fragilité (Graphique 2.1). De fait, la proportion de l’APD du CAD allouée aux contextes fragiles a reculé de trois points de pourcentage depuis 2019 pour atteindre son niveau le plus bas depuis 2016. Compte tenu des crises qui bouleversent le monde aujourd’hui, les membres du CAD doivent impérativement continuer de s’efforcer à maintenir leur aide destinée aux contextes fragiles (Infographie 2.1). L’APD reste une ressource essentielle, notamment dans les contextes extrêmement fragiles, et plus particulièrement dans des domaines cruciaux pour les mesures de réponse et de reprise, comme les secteurs sociaux, la sécurité alimentaire, la recherche de la paix et la prévention.
Il existe un risque de voir l’aide basculer en faveur des besoins humanitaires au long cours, au détriment des objectifs de développement et de paix. En 2020, 63 % de l’APD brute bilatérale des membres du CAD destinée aux contextes fragiles a été consacrée au pilier du développement du nexus action humanitaire-développement-recherche de la paix, 25 % aux objectifs humanitaires et 12 % aux objectifs de paix1 (Infographie 2.1). L’aide allouée par les membres du CAD en faveur de la recherche de la paix dans les contextes fragiles a reculé de 19 % entre 2010 et 2020. Sur la même période, l’aide humanitaire a progressé de 57 %, et a été pour l’essentiel dirigée vers les contextes extrêmement fragiles. Quatre pour cent du total de l’aide ventilable par pays des membres du CAD ont été consacrés à la prévention des conflits, une sous-catégorie du secteur de la paix. En d’autres termes, pour chaque dollar investi dans la prévention, six dollars ont bénéficié à l’aide humanitaire, malgré l’évidence et le poids des arguments en faveur de la prévention : chaque dollar destiné à la prévention aujourd’hui peut permettre d’économiser seize dollars par la suite (OCDE, 2021[2]).
La rapidité des mesures adoptées pour lutter contre le COVID‑19 et la nécessité de réaffecter des fonds afin de faire face à la crise ont renforcé la tendance existante à l’utilisation des fonds à l’appui de l’action humanitaire, plutôt qu’en faveur des mesures de développement ou de recherche de la paix, notamment dans les contextes extrêmement fragiles. Parce qu’elle contribue à sauver des vies et à préserver la dignité humaine, l’action humanitaire est en soi un facteur essentiel de la résilience à l’échelle mondiale. Mais elle n’est ni structurée ni conçue pour aider, à elle seule, à diminuer de façon pérenne les risques et à développer durablement les capacités d’adaptation. Aujourd’hui, les besoins humanitaires ne cessent de croître, exerçant une pression colossale sur les budgets humanitaires et les capacités des systèmes. Dans ce contexte, l’invocation de plus en plus fréquente du motif humanitaire pour répondre aux besoins des personnes est inquiétante puisque les investissements en faveur de la recherche de la paix et du développement se retrouvent alors sacrifiés sur l’autel des interventions d’urgence en réponse aux besoins humains dans les situations de crise qui, presque toujours, s’étendent sur des décennies (Programme alimentaire mondial, 2022[3]).
En 2020, l’APD du CAD était pour deux tiers bilatérale et pour un tiers allouée sous forme de contributions au budget central d’organisations multilatérales. Les bailleurs du CAD ont alloué 13.8 milliards USD de leur APD ventilable par pays en qualité d’APD transitant par des acteurs locaux – en d’autres termes, l’APD est acheminée par l’intermédiaire d’organisations non gouvernementales basées dans les pays en développement et des administrations infranationales et nationales. Cette aide a augmenté au cours des cinq dernières années, mais elle est davantage dirigée vers les autres contextes fragiles que vers les contextes extrêmement fragiles. La majeure partie de cette APD est acheminée par l’intermédiaire des administrations nationales, moins de 1 % étant acheminé par l’intermédiaire des administrations infranationales et environ 5 % par les organisations non gouvernementales basées dans les pays en développement (OCDE, 2022[1]).
D’un point de vue sectoriel, les infrastructures et les services sociaux ont bénéficié de la plus grande part de l’APD allouée par le CAD en 2020, avec 20.8 milliards USD, soit 42.6 % du total. L’APD dirigée vers le secteur humanitaire, à savoir la deuxième catégorie la plus importante, s’est élevée à 12 milliards USD, record historique en termes de volume, représentant 24.6 % du total. L’infrastructure économique et les services économiques, troisième secteur le plus important, ont reçu 5.8 milliards USD, soit 42.6 % du total ; les secteurs de production ont bénéficié de 3.4 milliards USD, soit 6.9 % du total. L’aide plurisectorielle et sous forme de produits et l’aide‑programme générale se sont vu allouer 2.3 milliards USD chacune, soit 5 % du total. Les bailleurs du CAD ont versé 960 millions USD au titre de frais administratifs, ce qui représente 2 % du total, soit une légère baisse par rapport au pic historique de 1.05 milliard enregistré en 2019 (OCDE, 2022[1]).
Des institutions inclusives et légitimes restent indispensables pour sortir de la fragilité
Comme en témoigne la diversité des contextes sur le Cadre sur la fragilité 2022, il est nécessaire d’adopter des approches multidimensionnelles pour lutter contre la fragilité, renforcer durablement les capacités d’adaptation et appuyer les efforts déployés par les contextes eux-mêmes afin de sortir de la fragilité. Ce type d’approche doit aussi s’intéresser à la fragilité de l’État en analysant la gouvernance, l’économie politique dans laquelle s’inscrit l’État, la façon dont ce dernier communique avec les citoyens et ses moyens de financement.
Le rôle déterminant de l’inclusivité du leadership, du discours et des institutions au niveau national est bien ancré dans la politique relative à l’efficacité du développement (Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement, 2022[4]), reflétant un axe majeur de la littérature sur le développement économique consacrée à l’importance de l’économie politique et des institutions politiques (North, 1990[5] ; North, Wallis et Weingast, 2009[6] ; Besley et Mueller, 2021[7]). L’un des dénominateurs communs de tous ces travaux stratégiques de recherche universitaire et appliquée est l’importance pour les contextes fragiles d’être directement acteurs de leur sortie de la fragilité pour que celle-ci soit pérenne.
La fragilité devrait être envisagée au-delà de la seule fragilité traditionnelle des États, même si le rôle et la nature de l’État jouent un rôle déterminant soit en entretenant la dynamique à l’œuvre dans les situations de fragilité et les conflits, soit en définissant des possibilités de sortie de ces situations. Il peut être difficile d’asseoir le leadership national dans les contextes où la légitimité de l’État ou les capacités institutionnelles sont limitées et, en outre, la dynamique de l’État oriente les modalités de collaboration avec les partenaires au développement. La société civile et le secteur privé contribuent fortement au leadership national et au renforcement des institutions. Pour choisir les partenaires locaux auprès desquels s’engager, il convient de bien cerner la dynamique politique à l’œuvre. Dans certains contextes, les priorités nationales peuvent ne pas être en phase avec les objectifs de développement durable (ODD) et les institutions publiques peuvent manquer de reconnaissance sur le plan international ou ne pas être considérées comme représentatives de l’ensemble de la société. Le cas échéant, les interventions à l’appui de la réalisation des ODD ou l’engagement de ne laisser personne de côté peuvent être incompatibles avec le principe d’efficacité de l’appropriation par les pays. En partenariat avec Chatham House et le Center on International Cooperation de l’Université de New York, et avec le soutien du ministère suédois des Affaires étrangères, l’OCDE se penche sur le potentiel de la coopération pour le développement dans des environnements marqués par de telles contraintes politiques.
L’OCDE a récemment effectué des travaux de recherche sur 124 contextes admissibles au bénéfice de l’APD. Ces travaux révèlent que, dans le monde, le nombre de contextes qui ont bénéficié de l’APD et sont répertoriés comme autocratiques est passé de 68 en 2010 à 75 en 2019, dont 57 entraient dans la catégorie des autocraties électorales (OCDE, 2022[8]). Reflétant une tendance croissante, le concept d’autocratie électorale désigne un système où « des institutions fonctionnent en apparence de façon démocratique, mais se situent en réalité en-dessous du seuil de démocratie en termes d’authenticité ou de qualité » (Boese et al., 2022[9]). Les contextes fonctionnant sous des régimes autocratiques absorbent un volume croissant de l’APD, qui est passé de 64 % en 2010 à 79 % en 2019, et l’APD, notamment versée au titre de l’aide humanitaire, est de plus en plus dirigée vers des contextes marqués par des autocraties fermées. Une étude menée par l’OCDE sur l’APD par contexte selon les régimes révèle que le type de régime ne semble pas influencer fortement les dotations d’APD, mais lorsqu’un régime devient plus démocratique, il est en général récompensé par une augmentation de l’aide qui lui est allouée (OCDE, 2022[8]).
Les moyens de financement d’un État sont l’un des ressorts clés de sa légitimité et de sa fragilité. En 2020, les bailleurs du CAD ont fourni 106 millions USD à 39 des 60 contextes fragiles recensés, pour renforcer leur politique et leurs capacités en matière de fiscalité (OCDE, 2022[1]). La pérennité d’une base fiscale ne se résume pas, loin de là, aux recettes générées. Il faut pour cela renforcer la légitimité de l’État et de ses institutions budgétaires, accroître les attentes des contribuables vis-à-vis des services publics et renforcer le contrat social et le civisme fiscal – à savoir la disposition des citoyens à soutenir financièrement leur gouvernement (OCDE, 2019[10] ; Besley et Mueller, 2021[7]).
Même si les économies stables sont susceptibles de pouvoir choisir entre des approches fondées sur une fiscalité plus élevée (comme le Danemark) ou plus faible (comme Singapour), on observe en général une forte corrélation entre la fragilité et les ratios des recettes fiscales au PIB (Graphique 2.2). Cette corrélation se vérifie pour chacune des six dimensions de la fragilité (Thompson, 2022[11]), ainsi que pour le risque de conflit, qui chute de façon spectaculaire dès lors que les capacités budgétaires sont plus importantes (Besley et Mueller, 2021[7]).
Dans la littérature économique couvrant les ressources auxquelles les États ont accès pour investir dans le développement et la stabilité, les recettes fiscales sont considérées comme le seul moyen permettant de mettre sur pied des financements publics durables et de soutenir une gouvernance inclusive sur le long terme (Thompson, 2020[13]). Selon les éléments factuels recueillis, les autres sources de revenu, comme les ressources naturelles ou même l’APD, n’ont pas le même effet et elles pourraient même amoindrir l’incitation à investir dans les capacités budgétaires, de même que la responsabilité envers les citoyens qui va de pair avec des recettes fiscales plus importantes (Besley et Mueller, 2021[7]). Selon les données disponibles les plus récentes, seulement un tiers des 43 contextes fragiles qui pourraient être analysés ont atteint un ratio des recettes fiscales au PIB de 15 %, référence de base communément acceptée pour l’efficacité du fonctionnement de l’État et du développement économique (UNU-WIDER, 2021[12]).
Hormis l’aide, les ressources économiques et financières des contextes fragiles sont hétérogènes, et les risques autour de la viabilité de la dette et de l’accessibilité des prix alimentaires de plus en plus courants
La fragilité est souvent perçue comme synonyme de revenu faible et de résultats économiques médiocres. Le Cadre de l’OCDE sur la fragilité reconnaît ces liens en mesurant les risques et les capacités d’adaptation aux chocs externes et aux défis endogènes qui se dressent face aux ménages, aux entreprises et à la macroéconomie. D’après le Cadre 2022, on observe une hausse du nombre de contextes à revenu intermédiaire considérés comme fragiles. Les contextes fragiles à revenu intermédiaire (33) sont désormais plus nombreux que les contextes fragiles à faible revenu2 (26), tendance déjà décelée dans le rapport États de fragilité 2020, qui annonçait 30 contextes fragiles à revenu intermédiaire et 27 à faible revenu. Si la fragilité reste globalement liée à la catégorie de revenu et aux résultats économiques, certaines économies à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et même certaines économies à revenu intermédiaire de la tranche supérieure figurent parmi les contextes extrêmement fragiles (Graphique 2.3). Néanmoins, les trois contextes fragiles à revenu intermédiaire ajoutés en 2022 ont tous intégré le cadre pour la première fois, laissant à penser que leurs scores de fragilité reflètent davantage une meilleure mesure des risques et des capacités d’adaptation plutôt qu’une progression du nombre de contextes fragiles ayant des revenus plus élevés.
On dénombre aujourd’hui davantage de contextes fragiles à revenu intermédiaire que de contextes fragiles à faible revenu
La prévalence des contextes fragiles à revenu intermédiaire soulève de nouveaux défis concernant le financement de transitions durables pour sortir de la fragilité. De nombreux mécanismes de financement au titre de l’APD visant à lutter contre la fragilité sont assortis de critères d’éligibilité liés à faible revenu – y compris par l’intermédiaire du Fonds monétaire international (FMI), des banques multilatérales de développement et d’autres institutions financières internationales – et les bailleurs bilatéraux ont tendance à cibler en priorité les bénéficiaires à faible revenu pour leurs financements sous forme de dons ou leurs prêts concessionnels. Dès lors, ces critères d’éligibilité selon le revenu peuvent, pour les contextes fragiles à revenu intermédiaire, complexifier l’accès aux financements concessionnels, même si une transition vers la catégorie de revenu intermédiaire ne signifie pas forcément qu’un pays rencontre des difficultés différentes ou moindres (di Ciommo et Sergejeff, 2021[15]). En effet, les défis tels que la violence infranationale, les répercussions des conflits et le surendettement ne se dissolvent pas pour autant.
Les mesures visant à renforcer les capacités d’adaptation et à réduire les risques peuvent aller bien au-delà des interventions financées au moyen de l’aide, notamment dans les contextes fragiles plus stables. Il peut s’agir par exemple d’interventions efficaces en faveur du développement du secteur privé intérieur et de la promotion de l’investissement international conformément aux Principes de Kampala3. Le secteur privé intérieur est souvent un fournisseur essentiel et constant de biens et services même lorsque l’instabilité interdit tout accès aux fournisseurs d’aide humanitaire et d’aide au développement. Mais souvent les contextes fragiles ont des possibilités limitées, qu’il s’agisse de l’accès aux sources de financement et de la présence d’un cadre réglementaire, ou encore du développement de leurs secteurs privés intérieurs (Thompson, 2020[13]). De manière générale, ils ont tendance à attirer moins d’investissement direct étranger que les autres pays en développement, risquent d’être évincés par le secteur public et peuvent être confrontés au risque de fuite des capitaux. Comme l’illustre le Figure 2.3Graphique 2.4, les flux d’IDE à destination des contextes fragiles ont considérablement varié d’une année à l’autre, avec des fuites massives depuis 2011.
Au cours des deux dernières années, les envois de fonds ont été un moyen d’adaptation financier particulièrement efficace. Même si les vastes apports sous forme d’envois de fonds sont parfois vus négativement comme une marque de dépendance à l’égard des financements externes, ils peuvent aider à faire face aux difficultés dans la mesure où ils sont en général des sources contracycliques de revenu. Au niveau des ménages, ces envois peuvent contribuer à maintenir la qualité nutritionnelle des repas et à soutenir le capital humain en servant au règlement des frais de santé et de scolarité (Marcelin, 2020[17] ; Thompson, 2022[11]).
La résilience des envois de fonds a parfois manqué de façon frappante pendant la pandémie, notamment en Haïti, en Iraq et au Niger (Graphique 2.5). Sur l’ensemble des contextes fragiles répertoriés sur l’édition 2020 du Cadre de fragilité, Haïti ressortait comme le premier destinataire des envois de fonds en proportion du PIB, ces envois représentant plus de 35 % du PIB du pays en 2019 (OCDE, 2021[2]). Or en 2020, les envois à destination de Haïti ont diminué de plus de 13 points de pourcentage à la suite des pertes d’emploi liées aux mesures de confinement face au COVID‑19 instaurées dans les principaux pays d’origine de ces envois et en raison des hausses des coûts de transfert (Banque mondiale, 2022[18]).
La communauté internationale a déployé beaucoup d’efforts pour étudier les multiples aspects de la tarification des envois de fonds, ce qui s’est notamment traduit par le délaissement des espèces au profit des canaux numériques (Partenariat mondial pour l’inclusion financière, 2021[19]). Mais les contextes fragiles n’ont toujours pas fait l’objet d’une attention particulière. Le coût des transferts à destination des contextes fragiles reste résolument élevé par rapport à d’autres contextes en développement (Thompson, 2020[13]) ; sachant que les services financiers sont parfois sous-développés, la mise en conformité avec des réglementations telles que les lois contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme peut être onéreuse et la concurrence entre les intermédiaires du secteur formel est souvent limitée (Commodore, 2020[20]).
Sur le plan économique, deux risques supplémentaires convergent et soulèvent de nouveaux défis pour les contextes fragiles, aggravant les fragilités existantes : l’endettement élevé et les tensions inflationnistes (Infographie 2.2). L’inflation figure aujourd’hui parmi les préoccupations de premier plan dans la majeure partie du monde, résultant en partie des effets de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. Mais elle touchait déjà certains contextes fragiles où elle avait atteint des niveaux à deux ou trois chiffres en 2020. Au Zimbabwe par exemple, l’inflation s’est élevée à 99 % en 2020 et s’est située entre 10 % et 27 % dans huit autres contextes (Banque mondiale, 2022[22]). Au-delà des répercussions immédiates sur le prix des denrées alimentaires et sur la sécurité alimentaire, un niveau d’inflation élevé peut amplifier les risques économiques. Les pays en mesure de le faire relèvent leurs taux d’intérêt de référence en réaction à la forte inflation ; cela a pour effet de rendre plus attractifs les investissements rémunérés dans ces pays et pourrait donc conduire à une fuite des capitaux en dehors des économies des pays en développement et des contextes fragiles. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les turbulences observées sur les marchés en raison du COVID‑19 et de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ont eu des répercussions négatives sur l’économie de nombreux contextes fragiles, même si les exportateurs d’énergie ont, dans une certaine mesure, tiré parti de la hausse des prix.
La crise du coût de la vie qui frappe les ménages dans de nombreux contextes fragiles survient de façon concomitante avec l’érosion des réserves budgétaires des administrations, amoindrissant un peu plus encore les capacités d’adaptation. Certains éléments factuels laissent à penser que même lorsque les contextes ont la capacité d’engager des dépenses pour soutenir leur population lorsque de tels chocs surviennent – par exemple avec le soutien des partenaires bailleurs –, ce type de dépenses peut se révéler moins efficace en tant qu’incitation budgétaire si les réserves nationales sont faibles (Huidrom et al., 2022[23]). Les tendances en matière d’endettement sont une source de préoccupation majeure pour les contextes fragiles et leurs partenaires. Déjà en 2020, les ratios de la dette sur le revenu national brut étaient à la hausse et se rapprochaient des niveaux observés avant l’allègement de la dette accordé dans le cadre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’initiative d’allègement de la dette multilatérale au milieu des années 2000 (Graphique 2.6). Tout porte à croire que l’endettement continuera d’augmenter et atteindra un seuil critique pour de nombreux contextes fragiles, alors même que les mesures emblématiques adoptées par les pouvoirs publics, telles que l’Initiative de suspension du service de la dette du Groupe des Vingt (G20), touchent à leur fin.
À l’avenir, il sera crucial de s’interroger sur la meilleure façon de faire usage de l’allocation extraordinaire de 650 milliards USD de droits de tirage spéciaux (DTS) approuvée par le conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre de la riposte à la pandémie. Ces DTS sont distribués aux pays au prorata de leurs quotes-parts relatives au FMI, c’est-à-dire que chaque membre pourrait utiliser ses DTS en tant que liquidité pour répondre aux besoins en devises à court terme, par exemple pour le remboursement de la dette ou l’achat de vaccins. Les membres moins vulnérables, qui ont souvent des quotes-parts plus importantes et, partant, bénéficient d’allocations plus conséquentes, pourraient chercher comment utiliser leurs allocations à l’appui des membres les plus vulnérables, soit directement soit par des mécanismes collectifs (Plant, 2021[25]). Le FMI, par exemple, a récemment créé un fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité, structuré de façon à mobiliser ces DTS afin de faire face aux défis de portée mondiale tels que l’adaptation au changement climatique et la préparation aux pandémies, mais qui posent également des risques au plan macroéconomique pour les pays membres individuels (FMI, 2022[26]).
Sur les 38 membres du FMI éligibles au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, qui sont en situation de risque élevé de surendettement ou déjà en situation de surendettement4, 25 sont également des contextes fragiles (FMI, 2022[27]). À l’image d’autres pays en développement, les contextes fragiles sont confrontés à des risques plus hétérogènes que pendant l’ère pré-PPTE, avec des dettes auprès de créanciers privés et non-membres du Club de Paris, ce qui donne lieu à un environnement moins favorable à l’instauration d’un cadre commun pour la résolution des crises d’endettement (Kose et al., 2021[28]).
Les mesures des pouvoirs publics doivent porter sur l’ensemble des dimensions de la fragilité
Les partenaires au développement reconnaissent de plus en plus le caractère multidimensionnel de la fragilité et, par conséquent, la nécessité de disposer d’outils, d’approches et de stratégies pour aider à gérer ce caractère multidimensionnel et la complexité de la fragilité. Le cas des États-Unis, premier fournisseur d’APD dans les contextes fragiles en 2020, en est un bon exemple : le pays s’est doté d’une stratégie pour la prévention des conflits et de la fragilité qui vise à « adopter une approche à plusieurs volets, multisectorielle afin de renforcer la résilience des nations partenaires » (Département d’État des États-Unis, 2020, p. 7[31]). D’autres partenaires de premier plan dans les contextes fragiles, tels que l’Union européenne, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ont suivi cet exemple et reconnu le caractère multidimensionnel de la fragilité (Desai et Yabe, 2022[32]).
Ces évolutions ont été soutenues par un ensemble d’engagements et d’instruments juridiques portés par le CAD de l’OCDE au cours des dernières années afin d’encourager des axes d’engagement de meilleure qualité et plus inclusifs en faveur de la coopération pour le développement. Par exemple, au cours des trois dernières années, le CAD a adopté trois instruments juridiques liés à la promotion de la cohérence, de la complémentarité et de la coordination autour de l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix (OCDE, 2019[33]) ; à l’élimination de l’exploitation sexuelle, des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel (OCDE, 2019[34]) ; et au renforcement de la société civile en matière de coopération pour le développement et d’aide humanitaire (OCDE, 2021[35]). Plus récemment, le CAD a publié une déclaration historique sur une nouvelle approche visant à aligner la coopération pour le développement sur les objectifs de l’Accord de Paris sur les changements climatiques (OCDE, 2021[36]). À la suite de la déclaration du CAD, le Réseau international sur les situations de conflit et de fragilité (INCAF) a arrêté en 2022 une position commune sur le climat, la biodiversité et la fragilité environnementale, qui établit quatre principes de bonnes pratiques visant à améliorer les connaissances, l’analyse, le financement et les stratégies pour faire face à la fragilité environnementale (INCAF, 2022[37]).
La réflexion menée dans cette section s’appuie sur les principes qui sous-tendent ces engagements, notamment au regard du changement climatique, de la fragilité environnementale et de l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix, dans le but d’illustrer les modalités d’engagement des partenaires au développement sur les questions critiques qui façonneront à l’avenir le paysage de la coopération pour le développement dans les contextes fragiles.
Les réponses des pouvoirs publics doivent renforcer la résilience économique tout en prenant en compte les différentes façons dont les canaux économiques peuvent répercuter les chocs et nourrir les conflits
Au vu des deux dernières années écoulées, la dimension économique apparaît comme un canal important de transmission des chocs et une « arène de contestation » à part entière (ONU/Banque mondiale, 2018[38]), notamment au vu de l’intégration grandissante des contextes fragiles dans l’économie mondiale (Thompson, 2022[11]). Les chocs peuvent avoir des effets dévastateurs sur les populations dans les contextes fragiles. Par exemple, il est largement admis que, dans les contextes fragiles, l’impact socioéconomique du COVID‑19 dépasse de loin les répercussions directes sur le plan sanitaire (Connor, 2021[39]). L’arrêt des activités économiques dans le monde dû à la pandémie et la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine ont rapidement affecté les capacités de subsistance nationales et aggravé l’insécurité alimentaire. Du fait de la guerre et d’autres facteurs qui pèsent sur l’économie mondiale, la croissance dans les contextes fragiles en 2023 devrait reculer de 0.45 point de pourcentage dans les contextes extrêmement fragiles, contre 0.08 point dans les autres pays en développement. (FMI, 2022[30] ; FMI, 2021[40])
Les liens entre risques économiques, risques budgétaires et risques de conflit sont de plus en plus tangibles. Par exemple, le risque de conflit chute de façon spectaculaire dès lors que les capacités budgétaires augmentent (Besley et Mueller, 2021[7]). Le contrôle de l’économie par les élites peut entraver la mise sur pied d’un environnement économique et des affaires ouvert et équitable, augmentant la fragilité et les risques. Les politiques contracycliques élaborées pour faire face aux chocs économiques peuvent diminuer le risque de conflit armé, notamment en Afrique, dans les sociétés marquées par de plus fortes inégalités, et dans les pays où les institutions sont faibles (Alguirre, 2016[41]). Deléchat et al. (2018[42]) ont établi que le renforcement de la résilience est profondément lié au développement des institutions budgétaires, notamment à la capacité à générer des recettes fiscales, maîtriser les dépenses courantes, réduire les dépenses militaires et, dans une certaine mesure, et augmenter les dépenses sociales.
La dimension économique peut créer une ligne de fracture et donner lieu à une véritable situation de conflit alors que des groupes luttent pour prendre le contrôle de l’économie, des recettes, des actifs et des institutions économiques et que le développement des économies de guerre profondément ancrées peut favoriser le prolongement des conflits et des situations de fragilité. Le cas du Yémen illustre cette dynamique : la compétition économique entre les Houthis au nord du pays et le gouvernement reconnu au niveau international dans le sud a morcelé les principales institutions économiques qui contrôlent la politique monétaire, la monnaie, le secteur financier et les échanges commerciaux par le port d’Hodeida situé sur la mer Rouge. Un conflit violent, une fois déclenché, a une incidence à long terme sérieuse sur le capital humain, le capital physique et le capital social, qui sont les piliers du bon fonctionnement des économies et des capacités de subsistance (Bendavid et al., 2021[43]). Par exemple, si le conflit au Yémen se poursuit jusqu’en 2030, le PIB du pays ne sera, selon les prévisions, que d’un tiers de ce qu’il aurait pu être en l’absence de conflit (Hanna, Bohl et Moyer, 2021[44]).
Les revenus et les actifs de tout type peuvent devenir des incitations supplémentaires à contester et s’emparer de l’autorité étatique et du contrôle du territoire, notamment les revenus générés par les ressources naturelles et de la parafiscalité. Le cas de la RDC illustre ce scénario avec les réactions observées après la découverte dans l’est du pays de gisements de coltan, minerai composé des minéraux de terres rares que sont la colombite et la tantalite, dont la demande est forte dans le secteur de l’électronique et les grands volumes extraits difficiles à dissimuler. Cette situation a amené des acteurs non étatiques armés à instaurer des pratiques douanières illicites et un chantage à la protection sur les sites d’extraction minière ; la découverte d’un gisement d’or dans des conditions similaires a conduit à la mise en place de visas miniers illégaux, et de paiements et pratiques administratives semblables à l’imposition de taxes dans les villages environnants où les produits dégagés sont dépensés (de la Sierra, 2020[45]). En Afghanistan, le retour au pouvoir des Talibans en 2022 a été préfiguré par des systèmes de collecte de recettes indépendants mais semblables aux systèmes étatiques. Les paiements apparentés à des taxes englobaient l’ushr, impôt sur les récoltes légales et illicites, des droits de douane appliqués au transport des biens et marchandises, et des impôts prélevés sur les interventions au titre de l’aide (Amiri et Jackson, 2022[46]).
Les tensions économiques observées aujourd’hui – endettement insoutenable et hausse des prix des denrées alimentaires, des fertilisants et de l’énergie – peuvent avoir un impact particulièrement important sur les conditions de vie des personnes les plus pauvres et d’une classe moyenne dont le rôle est vital pour la stabilité du pays. Les conséquences de ces tensions sont tangibles depuis deux ans au Soudan et dans d’autres contextes fragiles, ainsi que dans certains contextes qui ne figurent pas formellement sur le Cadre, à l’image du Sri Lanka (Encadré 2.1).
Encadré 2.1. Sri Lanka et Soudan : illustration des défis économiques inhérents à un processus de sortie de la fragilité
Le Sri Lanka est confronté à la pire crise économique de son histoire
Le Sri Lanka traverse aujourd’hui la pire période d’instabilité de son histoire depuis l’insurrection des Tigres tamouls qui s’est étendue des années 80 au début des années 2000, ainsi que la pire crise économique. Même s’il n’est pas formellement sur le Cadre de l’OCDE sur la fragilité, le Sri Lanka illustre les défis qui se posent dès lors qu’un pays œuvre pour sortir de la fragilité. Le pays s’est retrouvé accablé par un endettement insoutenable après avoir accepté des emprunts extérieurs conséquents pour investir dans les infrastructures au lendemain de la guerre civile, situation exacerbée par les dégrèvements fiscaux destinés à renforcer le soutien politique derrière le premier ministre de l’époque, Mahinda Rajapaksa, qui s’est par la suite enfui du pays. Les créanciers non souverains et non-membres du Club de Paris détiennent un part importante de la dette du Sri Lanka, ce qui complique la mise sur pied de solutions réalistes.
Les turbulences sur le plan macroéconomique ont été aggravées par les difficultés économiques sérieuses provoquées par l’arrêt du tourisme en raison du COVID‑19 et par la décision hâtive des autorités d’interdire les fertilisants chimiques, laissant la principale plantation de thé destinée à l’exportation dévastée. La crise de la dette et les troubles civils qui en ont résulté ont aujourd’hui un effet désastreux sur la population du pays ; en outre, cette situation est perçue par nombre de personnes comme le type de crise susceptible de survenir dans d’autres pays soumis à des pressions similaires.
Au Soudan, la fragilité politique a sapé une transition économique délicate
En 2019, à la suite des mouvements de protestation qui ont abouti au renversement du dictateur Omar al-Bashir, le Soudan a eu l’occasion, au niveau national, d’opérer une transition et de sortir d’un régime autocratique. Mais la donne a changé en octobre 2021, lorsque l’armée soudanaise s’est de nouveau emparée du pouvoir qui était entre les mains du gouvernement de transition, mettant un terme à l’accord de partage du pouvoir entre civils et militaires, qui était censé aboutir à des élections. Même après le départ d’Omar al-Bashir, les militaires ont continué à jouer un rôle important dans la vie politique et l’économie du pays, disposant de sources de revenu propres qui échappaient au contrôle des civils et renforçaient leur ancrage au pouvoir.
L’un des principaux défis que posait l’accord de partage du pouvoir avant le coup d’État était d’équilibrer le budget dans le contexte 1) des fortes subventions au carburant et à l’alimentation et 2) de l’accès limité du pays au financement en faveur du développement en raison d’arriérés de longue date auprès des principaux bailleurs de fonds et après avoir figuré pendant 27 ans sur la liste des États soutenant le terrorisme dressée par les États-Unis. Après avoir repris le contrôle du pouvoir politique, les militaires ont annoncé le maintien des réformes économiques initialement négociées avec le FMI. Mais cela sera de toute évidence bien plus difficile désormais. Le coup d’État a entraîné le gel d’importants dispositifs d’APD et de l’annulation de la dette, et l’inflation galopante touchant les denrées alimentaires et les carburants exacerbe les difficultés grandissantes qui pèsent sur la population soudanaise, faisant planer la menace de troubles sociaux.
Source : Salikuddin (2022[47]), Five Things to Know about Sri Lanka’s Crisis, https://www.usip.org/publications/2022/07/five-things-know-about-sri-lankas-crisis ; (ONU, 2022[48]), “Sri Lanka: UN experts sound alarm on economic crisis”, https://www.ohchr.org/en/press-releases/2022/07/sri-lanka-un-experts-sound-alarm-economic-crisis ; Devarajan et Kharas (2022[49]), “Is the Sri Lankan debt crisis a harbinger?”, https://www.foreignaffairs.com/sri-lanka/sri-lankan-debt-crisis-harbinger ; International Crisis Group (2022[50]), Sudan: Toward a Reset for the Transition, https://www.crisisgroup.org/africa/horn-africa/sudan/sudan-toward-reset-transition ; Abdelaziz and Abdalla (2022[51]), “Sudan’s economy sinks as post-coup leadership searches for support”, https://www.reuters.com/article/us-sudan-economy-idAFKBN2O10Y9.
Ces défis font ressortir l’importance, mais aussi la difficulté, de mettre sur pied des approches sur mesure, qui tiennent compte des conflits, dans une optique triple : parvenir à la stabilité macroéconomique, ne plus instrumentaliser les institutions économiques en tant que lignes de fracture sources de situations de conflit, et soutenir les revenus des ménages. Il convient d’explorer davantage le rôle de la coopération pour le développement en tant que vecteur de changement positif dans la dimension économique, notamment parce que le risque existe dans certains cas de voir l’aide elle-même devenir un facteur de renforcement de la dynamique de conflit ou amoindrir les incitations destinées au développement des institutions nationales (Besley et Mueller, 2021[7] ; Amiri et Jackson, 2022[46]).
Malgré sa technicité, ce travail doit aussi être adapté aux besoins et à la dynamique de conflit des contextes fragiles lors de la mise en œuvre de l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix. Contrairement au rythme habituellement plus lent des actions en faveur du développement, les interventions d’ordre économique dans les contextes et situations fragiles peuvent revêtir un caractère d’urgence ; elles peuvent aussi se poser comme prérequis à une stabilisation totale et être déployées dans des environnements opérationnels complexes. Ces interventions nécessitent d’aborder de façon pragmatique et progressive les réformes des politiques publiques et institutionnelles qui valorisent en priorité les réussites manifestes plutôt que la perfection des analyses, ainsi qu’une tolérance au risque plus élevée que ce que l’on observe habituellement. Tendance encourageante, on observe depuis peu les institutions financières internationales adopter des stratégies sur la fragilité, à l’image de la Banque mondiale, du FMI et des banques régionales de développement (Département indépendant d’évaluation de la BAsD, 2022[52]). Autre élément prometteur, le suivi des processus de paix sous un angle économique, par exemple au Yémen, permet de déterminer les mesures incitatives partagées et le fondement économique potentiel de la paix (ONU, 2022[53]). Il sera judicieux à l’avenir pour les acteurs du développement et de la paix de partager les enseignements tirés lors de ces expériences.
Il importera tout autant de soutenir la parole des contextes fragiles au sein de l’architecture économique internationale afin de prendre en compte leurs priorités et préoccupations lors de l’élaboration des politiques publiques, à l’image des appels formulés tout au long de la position commune sur le climat, la biodiversité et la fragilité environnementale, arrêtée par l’INCAF en 2022.
La lutte contre le changement climatique et la fragilité environnementale sera une composante permanente des activités dans les contextes fragiles.
Les contextes fragiles sont souvent fortement exposés aux effets du changement climatique et à d’autres sources de fragilité environnementale qui font peser une menace sur la sécurité humaine, les infrastructures construites et les capacités de subsistance, et qui perturbent la vie économique et sociale. Les progrès réalisés par les contextes fragiles au regard des Objectifs de développement durable 12 et 13 reflètent vraisemblablement leur contribution très limitée au changement climatique en raison des bas niveaux de croissance économique et/ou de consommation et des faibles émissions de gaz à effet de serre, bien qu’ils soient exposés à des risques très élevés et disposent de capacités très limitées pour s’adapter aux effets du changement climatique et lutter contre la fragilité environnementale.
Le changement climatique, la perte de biodiversité et la dégradation de l’environnement alimentent la fragilité. Par ailleurs, en situation de fragilité, il est plus difficile de s’adapter au changement climatique et de diminuer et gérer les risques liés à ce changement, ainsi que de faire face aux répercussions de la perte de biodiversité et de la dégradation de l’environnement. Afin d’atténuer le changement climatique et de s’y adapter, de remédier aux pertes et aux dommages, et de faire face aux autres sources de fragilité environnementale, il conviendra de mettre en place des actions équilibrées et fondées sur les efforts visant à cibler les causes profondes de la fragilité. Même s’ils émettent moins de gaz à effet de serre, les contextes fragiles ont très fortement besoin de s’adapter au changement climatique et de lutter contre les autres causes de fragilité environnementale. Ils seront souvent plus vivement touchés par les pertes et les dommages que d’autres pays puisqu’ils ont au départ moins de ressources et des réserves plus maigres en cas de chocs.
La révision du Cadre de l’OCDE sur la fragilité, présentée au Chapitre 1, visait à garantir la bonne prise en compte de la nature transversale de la fragilité environnementale dans toute approche de la fragilité. Afin de maîtriser ces risques, les nouveaux indicateurs tiennent compte des risques écologiques et des risques liés aux ressources qui pèsent sur l’intégrité de l’environnement et les vies humaines, ainsi que sur les capacités d’adaptation. Les questions abordées sont scindées en deux catégories principales :
Intégrité climatique et écologique : cette catégorie rend compte de l’exposition aux risques climatiques et écologiques et de leur impact, et de la capacité d’un pays à s’y adapter et à faire face à de tels risques, en se concentrant sur les conséquences des conditions environnementales sur les humains.
Alimentation, ressources en eau et ressources naturelles : cette catégorie reflète le degré de pérennité de la société humaine en bénéficiant des services environnementaux, et se concentre sur les activités anthropiques qui tirent parti de l’environnement et/ou l’exploite.
Ces éléments factuels actualisés sur les liens existants entre la fragilité climatique et environnementale et les autres dimensions de la fragilité nourrissent le regard porté sur les tendances en matière de financements et de programmation relatifs au climat et à l’environnement, ce qui éclaire ensuite les mesures publiques adoptées. Il importe non seulement d’accroître les financements des actions en faveur du climat et de l’environnement dans les contextes fragiles, mais également d’adapter ces financements en termes de programmation, d’instruments, de préparation aux chocs et aux pertes, et de liens avec l’action publique. Cela implique de se pencher sur le type de soutien apporté par les bailleurs en faveur de divers objectifs climatiques et environnementaux, ainsi que sur l’intégrité écologique au-delà d’une simple atténuation du changement climatique. Cela appelle aussi à étudier comment les populations interagissent avec leur environnement dans le but de créer leurs moyens de subsistance (dimension économique), contrôler les ressources (dimension politique) et promouvoir la sécurité alimentaire et la nutrition (dimension humaine). Un nombre croissant d’éléments factuels démontrent les interactions entre dégradation de l’environnement, changement climatique, chocs financiers négatifs et conflits.
En général, en matière de financements et de programmation, le changement climatique et la fragilité environnementale ne figurent pas encore autant parmi les priorités dans les contextes fragiles que dans d’autres pays en développement. Comme indiqué, seule une petite part de l’APD dirigée vers la plupart des contextes fragiles vise à atténuer le changement climatique ou à s’y adapter, et c’est dans des proportions encore plus restreintes qu’elle vise des objectifs de préservation de la biodiversité et de lutte contre la désertification. Sur trois des quatre objectifs environnementaux reflétés dans la base de données de l’OCDE (biodiversité, adaptation au climat et atténuation du changement climatique), cette proportion est plus faible dans les contextes fragiles que dans d’autres pays en développement.
On observe un écart entre les volumes de financement destinés aux contextes fragiles et ceux destinés aux autres pays en développement, mais l’écart le plus important ressort entre les contextes fragiles et les contextes extrêmement fragiles : dans ces derniers, le volume et la proportion des financements assortis d’un – ou plusieurs – objectif environnemental sont restés inchangés au cours de la dernière décennie, malgré le fait que les risques liés au climat et à d’autres facteurs environnementaux continuent de s’amplifier (Infographie 2.3). D’autres contextes fragiles, en revanche, ont continué de diriger une part plus importante de leur APD, tant en volume qu’en proportion, vers des objectifs environnementaux. Ces contextes ont même dépassé d’autres pays en développement concernant la proportion d’APD assortie d’un objectif environnemental, bien que cela s’explique pour l’essentiel par de fortes augmentations de l’APD assortie d’objectifs non environnementaux allouée à d’autres pays en développement au cours des dernières années.
D’autres défis se dressent dès lors qu’il s’agit de l’adaptation, de l’accès et de la prise en compte systématique des financements à l’appui d’objectifs climatiques et environnementaux dans les contextes fragiles. De nombreux fonds spécifiquement axés sur les questions climatiques requièrent un processus dirigé au niveau des pays et peuvent prévoir des exigences relativement contraignantes. Souvent, les pouvoirs publics ne font pas du changement climatique et de la fragilité environnementale une priorité ou un élément à part entière des programmes de développement nationaux ou urbains. Par ailleurs, les contextes fragiles sont confrontés aux difficultés liées à l’intégration d’une dimension écologique dans les opérations humanitaires, la prévention des conflits, la gestion des crises et les mesures inhérentes, et la consolidation de la paix ; ils font aussi face au défi supplémentaire consistant à rendre le financement de la reconstruction et du développement climato-compatible lorsqu’il est abordé à travers le prisme de la fragilité et des conflits.
L’augmentation de l’APD liée aux questions climatiques et environnementales coïncide avec une prévalence accrue des prêts (Infographie 2.3). Les outils de financement utilisés doivent être adaptés pour fonctionner dans les contextes fragiles et contribuer à la viabilité de la dette, notamment dans le cas des contextes fragiles déjà en prise avec des difficultés d’ordre budgétaire. Aujourd’hui, une grande partie du financement spécifiquement consacré aux questions climatiques repose sur des emprunts. Pour les contextes fragiles à revenu intermédiaire, cela a des implications au niveau des conditions qui pourraient leur être proposées. Si les investissements réalisés peuvent être rentables dans la mesure où ils évitent certains coûts ultérieurs – puisque des ajustements en premier lieu, par exemple, seront moins coûteux que l’adoption de mesures ultérieures face aux effets du changement climatique –, ils ne vont pas nécessairement jusqu’à générer des revenus qui pourraient contribuer directement au remboursement du financement de la dette. Il pourrait être judicieux de tirer parti de toute discussion relative à la restructuration de la dette afin d’avancer vers la réalisation d’objectifs à plus long terme concernant le climat et les écosystèmes.
L’inaction en matière de prévention et une mauvaise communication freinent tout progrès en cas de chevauchement des priorités en matière de développement et de recherche de la paix
La paix et la sécurité sont toutes deux des conditions préalables au développement. Mais le développement est lui aussi crucial pour une sécurité durable (OCDE, 2008, p. 3[58]). Le recul de la paix et la forte progression des décès causés par les conflits armés dans les contextes fragiles examinés au Chapitre 1 ne font que souligner l’importance que revêt le pilier de la recherche de la paix du triple nexus. Cela se reflète dans l’adage qui est au cœur de la Recommandation du CAD sur l’articulation entre action humanitaire, développement et recherche de la paix : « la prévention permanente, le développement chaque fois que possible, l’action humanitaire si nécessaire ». L’efficacité des interventions dans les contextes fragiles repose donc sur la cohérence entre les actions humanitaires, de développement, de recherche de la paix et de sécurité (Banque mondiale, 2011[59]). Dans la pratique, cette cohérence s’avère difficile à établir. Chaque contexte fragile est caractérisé par une combinaison évolutive et diverse de canaux d’acheminement de l’aide, de bailleurs et de politiques publiques. Mise en perspective avec la fragilité au niveau régional ou des pays, cette combinaison fait souvent ressortir les déséquilibres et les lacunes (Graphique 2.7).
Les partenaires au développement tardent encore à agir au regard du potentiel de la prévention
Le rapport phare Chemins pour la paix a vivement plaidé pour que les acteurs externes se concentrent sur le renforcement des capacités des acteurs locaux en vue d’atteindre l’objectif de pérennisation de la paix (ONU/Banque mondiale, 2018[38]) ; cela revêt une importance particulière pour les groupes les plus vulnérables de la société (Groupe de la Banque mondiale, 2017[60]). Il importe tout autant de prendre en compte la stratégie politique de ces acteurs locaux, dont les mesures d’incitation à la recherche de la paix varieront (Marley, 2020[61]). Dans le cas des contextes violents, cela souligne l’intérêt des approches telles que l’analyse des configurations politiques qui examinent les configurations aux niveaux national, local et sectoriel, en mettant l’accent sur le lien entre ces différents types de configuration (Di John et al., 2017[62]). Le recours à des outils tels que cette analyse offre aussi de précieuses occasions de se pencher sur les stratégies politiques adoptées en matière de prévention, notamment dans les sociétés qui reposent sur des systèmes coutumiers et informels pour élaborer les mesures d’incitation en faveur de la paix (Desai, 2020[63]). Cet aspect est significatif à la lumière d’une analyse récente des modèles d’alerte rapide et d’action, qui révèle que les augmentations de l’APD versée au titre de la paix et de la sécurité ne surviennent que tardivement dans les cycles de conflit et que les bailleurs n’utilisent pas l’aide à la gouvernance comme un outil de prévention des conflits (Mueller, Rauh et Ruggieri, 2022[64]). Même si des travaux de recherche supplémentaires sont nécessaires, ces conclusions suggèrent que les acteurs de la paix et du développement ne tirent pas parti des possibilités de prévention précoce contre les moteurs des crises et des conflits dans de nombreux contextes fragiles. La réaction modeste des partenaires au développement et des partenaires de la paix suite aux recommandations formulées dans le rapport Chemins pour la paix suggère sans doute une lacune plus profonde – une communication inadaptée ou inefficace entre les acteurs du développement, de la paix et de la sécurité sur la stratégie et les approches, et le renforcement de la sensibilisation autour de l’impact de leurs activités respectives sur les autres dans un espace partagé.
Le manque de communication amplifie l’incohérence
Le cas de l’Afghanistan illustre les conséquences d’un manque de communication ou d’une communication inefficace (à la base du manque de cohérence) entre les piliers du développement et de la recherche de la paix du triple nexus. Les liens entre ces deux piliers sont souvent sous-estimés et mal compris (Forsberg, 2020[65]). Une méta-analyse récente qui recense les écarts entre la recherche de la paix, la sécurité et le développement a révélé que, sur une période de 20 ans, les interventions en lien avec la sécurité et la justice menées en Afghanistan ont été moins efficaces que les activités liées au développement, tandis que les projets de stabilisation ont été « pour l’essentiel inefficaces » (Zürcher, 2020[66]). L’objectif poursuivi par le gouvernement afghan visant à « améliorer le système de recouvrement des recettes fiscales du pays, et à améliorer l’efficience par la prévention des actes de corruption et de détournement de fonds et par des mécanismes stricts de suivi des dépenses dans le secteur de la sécurité » (Gouvernement islamique de l’Afghanistan, 2017[67]) s’est délité avec l’échec plus général des mesures de renforcement de la gouvernance et des capacités institutionnelles (Zürcher, 2020[66]).
De l’Afghanistan au Sahel, cette incapacité à communiquer avec efficacité dans les sphères du développement et de la paix engendre des lacunes qui sapent l’analyse des mesures publiques adoptées en matière de recherche de la paix, de sécurité et de développement, ainsi que des liens et des complémentarités entre elles. Divers facteurs aggravent cette dynamique : les approches disparates et fragmentées du financement selon les bailleurs ; l’incapacité à gérer les intersections entre les questions de sécurité et de développement, par exemple, que l’on décèle dans le manque de progrès réalisés au regard du programme d’action en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité (Banjo, 2022[68]) ; l’insuffisance des capacités de l’État pour gérer les financements ; les processus politiques déconnectés ; et les désaccords et la confusion autour de la finalité stratégique des processus relatifs à la recherche de la paix, à la sécurité et au développement qui sont souvent cloisonnés. Tous ces facteurs portent la marque d’une communication médiocre ou insuffisante à plusieurs niveaux, et notamment au plus haut niveau où la cohérence stratégique entre les partenaires au développement et les partenaires de la paix fait souvent défaut (Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction, 2021[69]).
Analyser la fragilité sous son aspect multidimensionnel peut aider à nourrir des approches en faveur du développement et de la recherche de la paix plus avisées sur le plan politique
L’analyse de la fragilité sous son aspect multidimensionnel aux niveaux régional et national peut aider à déterminer les domaines qui offrent le plus grand potentiel s’agissant de promouvoir la résilience et la prévention dans l’ensemble des dimensions de la fragilité. Se concentrer sur la fragilité permet, entre autres avantages, d’appréhender des leviers qui ne seraient pas aussi facilement décelés avec des outils sectoriels, notamment en mettant l’accent sur la fragilité politique, sociétale ou humaine qui peut être importante pour la crédibilité des approches adoptées par les bailleurs et les partenaires et la confiance qu’elles suscitent. La prise en compte de la fragilité politique, par exemple, peut aider à affiner les hypothèses autour des libertés démocratiques et à remettre en question l’influence de la dynamique politique à l’œuvre dans les autres dimensions de la fragilité, facilitant ainsi l’élaboration de politiques plus nuancées qui restent axées sur la finalité de la résilience (en faveur de qui et de quoi) dans un contexte donné (Brown, 2022, pp. 11-13[70]).
Fait révélateur, de nombreux contextes fragiles ont eux-mêmes toujours défendu l’idée selon laquelle la consolidation de la paix et le renforcement de l’État devraient être envisagés en priorité dans toutes les actions de développement (Pays du G7+, 2022[71]). Cette idée est soutenue par une analyse qui met l’accent sur la transition d’une aide et d’une coopération fondées sur des « modèles occidentaux » vers des processus locaux qui « renforcent les institutions, les capacités et la légitimité de l’État, portés par les relations entre l’État et la société » (Papoulidis, 2022[72]). Dans le prolongement de cette idée, il est aussi possible de recourir à l’analyse de la fragilité sous son aspect multidimensionnel pour recenser d’éventuelles « poches d’efficacité » dans l’ensemble des administrations publiques, des institutions et/ou des coalitions dans les contextes fragiles (Kelsall et al., 2022[73]). Même dans les contextes où les configurations politiques sont dispersées de façon plus étroite – autrement dit lorsqu’elles sont souvent dépendantes de l’exploitation de ressources ponctuelles ou d’activités criminelles –, les bailleurs peuvent s’appuyer sur une bonne compréhension du caractère multidimensionnel de la fragilité lorsqu’ils envisagent de réformer le système régional ou international au sein duquel ces ressources sont échangées ou ces activités mises en place, afin d’aider à « réorienter l’attention des élites vers des secteurs économiques dont les retombées sont plus positives » (Kelsall et al., 2022[73]).
Cette perspective est précieuse pour les partenaires au développement et les partenaires de la paix qui s’efforcent d’ancrer dans la durée les gains obtenus dans ces domaines, mais dont les ressources ne sont pas suffisamment alignées sur le potentiel observé dans les contextes fragiles. Par exemple, les secteurs de la sécurité peuvent favoriser le développement économique, la cohésion sociétale et la mise sur pied de configurations politiques inclusives et holistiques en ouvrant un espace pour le renouveau et les investissements dans l’ensemble des thématiques socioéconomiques (ONU/Banque mondiale, 2018, p. 161[38]). Le bon fonctionnement des secteurs de la sécurité est essentiel pour pouvoir la garantir au titre de bien public régional et mondial. Toutefois, le rôle de la coopération pour le développement dans la promotion de la gouvernance et d’une réforme du secteur de la sécurité est à ce jour limité : en 2020, l’APD consacrée à la gestion et à la réforme des systèmes de sécurité ne représentait que 0.6 % de l’APD totale des membres du CAD en faveur des contextes fragiles (Marley, à paraître[74]). Pour qu’une paix réelle perdure et dépasse la simple absence de violence et de conflit, les progrès accomplis au regard des objectifs de développement – de la collecte des recettes fiscales à l’accès à l’éducation et la santé – peuvent venir à l’appui d’un secteur efficace, efficient et responsable en matière de sécurité. De la sorte, les avantages retirés en conciliant recherche de la paix, sécurité et développement sont tout aussi pertinents pour la prévention des conflits et la résilience à long terme que pour les objectifs à court terme des transitions post-conflit (Marley, à paraître[74]). Compte tenu des sensibilités politiques souvent associées aux approches de la recherche de la paix et du développement dans les contextes fragiles, cela fait aussi ressortir combien une action collective et une organisation efficace sur l’ensemble du nexus sont importantes en vue de renforcer la résilience face aux risques complexes et en interaction entre eux, et leurs causes profondes, notamment dans les contextes en situation de conflit ou exposés à un risque élevé de l’être.
Références
[51] Abdelaziz, K. et M. Abdalla (2022), Sudan’s economy sinks as post-coup leadership searches for support, https://www.reuters.com/article/us-sudan-economy-idAFKBN2O10Y9.
[41] Alguirre, A. (2016), « Fiscal Policy and Civil Conflict in Africa », Journal of African Economies, vol. 25/4, pp. 614–636, https://doi.org/10.1093/jae/ejw004.
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Notes
← 1. Dans le Cadre de l’OCDE sur la fragilité, l’APD dirigée vers les secteurs liés à la recherche de la paix fait l’objet d’un suivi à l’aide des codes sectoriels ci-après du Système de notification des pays créanciers : 15110 (Politiques publiques et gestion administrative), 15111 (Gestion des finances publiques), 15112 (Décentralisation et soutien aux administrations infranationales), 15113 (Organisations et institutions pour la lutte contre la corruption), 15130 (Développement des services légaux et judiciaires), 15150 (Participation démocratique et société civile), 15152 (Assemblées législatives et partis politiques), 15153 (Médias et liberté de l’information), 15160 (Droits de la personne), 15170 (Organisations et mouvements de défense des droits des femmes et institutions gouvernementales), 15180 (Élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles), 15190 (Faciliter la migration et la mobilité de façon ordonnée, sans danger, régulière et responsable), 15210 (Gestion et réforme des systèmes de sécurité), 15220 (Dispositifs civils de construction de la paix, et de prévention et de règlement des conflits), 15230 (Participation à des opérations internationales de maintien de la paix), 15240 (Réintégration et contrôle des armes légères et de petit calibre), 15250 (Enlèvement des mines terrestres et restes explosifs de guerre) et 15261 (Enfants soldats (Prévention et démobilisation)).
← 2. Ce nombre total provient du système de classification de la Banque mondiale par catégorie de revenu, établi en juillet 2022. Le Venezuela, 60e contexte fragile, est exclu de ces données : auparavant répertorié comme un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, il est désormais sorti de la classification en raison de l’absence de données disponibles depuis le début de la crise économique et politique que traverse le pays.
← 3. Les Principes de Kampala pour un engagement efficace du secteur privé dans le cadre de la coopération pour le développement – ensemble de normes à l’appui de partenariats efficaces avec le secteur privé – proposent des orientations pratiques sur la façon de concevoir, élaborer et exécuter des projets en partenariat avec le secteur privé au niveau des pays, afin de tirer parti de leur potentiel et de stimuler les marchés et secteurs où les personnes les plus vulnérables peuvent trouver un emploi et puiser leurs moyens de subsistance.
← 4. Le fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance donne accès aux ressources concessionnelles du FMI. Un cadre différent pour la viabilité de la dette est utilisé dans le cas des pays ayant accès aux marchés, dont plusieurs sont également confrontés à des problèmes de viabilité de leur dette.