Le rééquilibrage en faveur d'un modèle de croissance axé sur la consommation a marqué une pause du fait d'un redémarrage de l’économie tiré par l’investissement et, de la même façon, la lenteur de la reprise des activités liées au tourisme a porté un coup au rééquilibrage en faveur des services. Bien que la finance et les technologies de l’information aient été des moteurs de premier plan lorsque les autres secteurs ont faibli, ces secteurs ne sont pas aussi importants du point de vue de la création d’emplois que le commerce de détail ou l’hébergement et la restauration. À la suite de la perte de leur emploi, les travailleurs migrants ont été nombreux à retourner dans leur ville natale, inversant ainsi le processus d'urbanisation, qui constitue un facteur d'amélioration de la croissance. Les taux d’emploi en milieu urbain sont en baisse, alors qu'ils étaient en légère progression au début de la pandémie.

L’investissement dans les infrastructures, dont la moitié concerne le transport et les équipements collectifs, s’est stabilisé. Grâce à l’augmentation des taux d'utilisation des capacités industrielles, l’investissement des entreprises se porte bien. L'investissement immobilier est à l’arrêt, ce qui est imputable à la situation de certains promoteurs immobiliers en défaut de paiement et à la baisse des ventes.

Les exportations atteignent des plus hauts historiques, mais les importations accusent un certain retard. Le rattrapage de la demande mondiale d'équipements de protection contre le COVID-19 et de biens liés au télétravail a permis de stimuler les exportations. Les importations continuent de ralentir, car les producteurs font de plus en plus appel à des intrants chinois, et le contenu en importations de la consommation reste peu élevé. Le redressement tardif de la consommation et les restrictions mondiales sur les déplacements pèsent sur les importations de services touristiques. Les engagements de la Chine au titre de la première phase de l'accord commercial avec les États-Unis ont été reportés.

Avec la reprise, l'activité a retrouvé ses niveaux d'avant la crise au troisième trimestre de 2020, et la dynamique ne s’essouffle pas. En 2021, le taux de croissance sera élevé (en partant, il est vrai, d'un niveau bas), mais il renouera ensuite avec sa trajectoire de fléchissement progressif. La Chine doit consacrer davantage de ressources aux investissements aussi bien « immatériels » (éducation, santé, protection sociale) que « matériels » (infrastructures environnementales, énergies renouvelables, systèmes de transport urbain, etc.), tandis qu’il conviendrait de résorber les capacités excédentaires dans l'immobilier.

La politique monétaire continue de soutenir l’activité en fournissant les liquidités nécessaires, cependant que l’activité du système bancaire parallèle a été maintenue sous contrôle. Le taux d’intérêt préférentiel est désormais le nouveau taux de référence. Ce taux va permettre d'améliorer le mécanisme de transmission de la politique monétaire, car il est lié au taux pratiqué sur les opérations d’open market (c’est-à-dire principalement le taux de la facilité de crédit à moyen terme), lequel reflète mieux les conditions de financement. De fait, auparavant, les taux débiteurs ne baissaient pas toujours lorsque les coûts de financement diminuaient.

Les risques financiers ont été exacerbés par la récession induite par la pandémie. La dette des entreprises s’est envolée, de même que les défauts de paiement, en particulier dans le secteur immobilier. Les institutions financières non bancaires ont été durement touchées par les défaillances des emprunteurs à haut risque, qui sont leurs principaux clients. Les entreprises publiques, qui sont les plus gros emprunteurs, ont également vu leur endettement croître, et elles ont été plus nombreuses à être en défaut de paiement. Trois petites banques se sont également retrouvées en défaut de paiement et leur renflouement partiel ne fera qu’aiguiser la perception du risque. Les tests de résistance bancaire pratiqués par la banque centrale montrent que dans un scénario de crise grave, les banques pourraient être insuffisamment capitalisées. Les garanties implicites devraient être progressivement retirées pour permettre aux entreprises publiques et autres entités du secteur public de faire faillite, et à leurs créanciers de comptabiliser des pertes.

La protection sociale doit être renforcée, mais les recettes publiques sont modestes et il faut de ce fait revoir les régimes de retraite et de santé ainsi que le système de recettes publiques. Les Chinois jouissent d'une longue espérance de vie par rapport au niveau de revenu du pays, mais ils prennent leur retraite jeunes. Il existe plusieurs régimes de retraite offrant des prestations différentes, mais les taux de cotisation représentent une lourde charge pour les personnes à faible revenu. La portabilité des droits entre les régions n’est pas toujours facile. Les entreprises publiques, en particulier les institutions financières, contribuent peu au budget. En Chine, les recettes fiscales sont modestes, comme l’est la part de l’impôt sur le revenu dans le total des recettes fiscales. Lorsque l’économie se sera pleinement redressée, il conviendra d’élargir la base d'imposition et de supprimer les abattements. Pour atténuer les inégalités de patrimoine, il faudrait mettre en place un impôt périodique sur la propriété immobilière ainsi que des droits de succession.

La pandémie de COVID-19 a mis au jour les faiblesses du système public de santé. Les dépenses restant à la charge des patients ont contribué à la pauvreté. Le taux de remboursement devrait être relevé tout en le maintenant dans des limites soutenables, et la portabilité des droits devrait être garantie sur tout le territoire. Améliorer le financement et la dotation en ressources humaines des centres de contrôle des maladies permettrait d'éviter une nouvelle crise sanitaire. Le mécanisme de notification des maladies infectieuses devrait être mieux appliqué.

Les engagements relatifs au climat se multiplient. Avec le rebond de l’activité, la pollution est repartie à la hausse et dans de nombreuses villes, elle a nécessité des fermetures temporaires d’usines dans les industries polluantes. Les autorités ont revu leurs ambitions à la hausse concernant les objectifs de réduction des émissions de carbone et les engagements à accroître la part des énergies renouvelables. Les énergies renouvelables deviennent de plus en plus abordables, et les capacités actuelles devraient être démultipliées pour ramener à zéro les émissions nettes d’ici 2060, ou plus tôt dans l’idéal.

Au cours de la dernière décennie, la Chine a simplifié ses procédures administratives et les restrictions à l’entrée d’entreprises étrangères ont été assouplies ces dernières années, mais il faut aller plus loin encore pour mettre en place des règles du jeu équitables.

Les obstacles à l’entrepreneuriat ont diminué, mais pas de la même façon partout. La réglementation des marchés devrait être unifiée pour aboutir à un marché unique. Il faudrait mettre en place dans tout le pays un système de guichet unique pour la création d’entreprise, et il faudrait pouvoir faire davantage de démarches en ligne.

L’existence de monopoles administratifs (droits exclusifs et autres privilèges accordés en vertu de la réglementation) empêche l’exercice d'une concurrence loyale. Les réglementations nouvelles sont soumises au mécanisme d’examen de l'équité de la concurrence, mais des textes antérieurs contraires au droit de la concurrence subsistent. Les monopoles administratifs devraient être démantelés et le pouvoir des services administratifs être restreint.

Les contrôles exercés par l’État restent forts. Les grandes entreprises publiques continuent de dominer la plupart des segments du marché du gaz et de l’électricité. Sur les segments où la concurrence s’est développée, il faudrait lever les contrôles des prix.

Des subventions ont permis à certaines industries d’opérer un rattrapage, voire de faire d’énormes progrès, mais elles ont souvent abouti à des gaspillages et entraîné une distorsion de la concurrence sur les marchés nationaux et mondiaux. Un nombre croissant d’entreprises chinoises s’affirmant comme des acteurs d’envergure internationale, il est d'autant plus intéressant pour tous d'assurer une concurrence loyale partout dans le monde. De la même façon, comme la Chine voit se développer sa position d’inventeur mondial, l’importance d'un renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle vaut aussi pour les entreprises chinoises.

L’entrée et les activités des entreprises étrangères ont été facilitées, mais il faut rendre les règles du jeu encore plus équitables. Il faudrait multiplier le nombre des secteurs ouverts à l’investissement étranger, et supprimer l’obligation de constitution de co-entreprises.

La corruption est généralisée, notamment les pots-de-vin dans le secteur public. Une exigence plus forte de transparence et d’obligation de rendre des comptes et une diminution de la concentration des pouvoirs dans les mains des dirigeants permettraient de lutter contre la corruption et de réduire les coûts qu’elle entraîne.