L'Irlande se caractérise toujours par un niveau de bien-être élevé (Graphique 11, partie A). La croissance a été forte, malgré des épisodes de volatilité. Le salaire réel moyen était similaire à la moyenne de l'OCDE au milieu des années 90, mais il lui est maintenant supérieur de plus de 15 %. En outre, un système d'impôts et de transferts très redistributif a limité les inégalités de revenu disponible (Graphique 1.1, partie B).
Études économiques de l'OCDE : Irlande 2020 (version abrégée)
1. Principaux éclairages sur l'action publique
La population bénéficie également d'un niveau élevé de bien‑être dans d'autres dimensions (Graphique 1.2). On observe une forte satisfaction à l'égard de la vie, en phase avec le dynamisme de l'économie ainsi qu'avec d'autres éléments tels qu'un faible niveau de pollution, des liens sociaux forts et un niveau perçu élevé de sécurité des personnes. Les résultats scolaires dépendent moins de la situation socioéconomique des élèves que dans la plupart des autres pays de l'OCDE. L'écart de rémunération entre hommes et femmes est aussi un des plus modestes de la zone OCDE, sachant qu'il a sensiblement diminué au cours des dernières décennies. S'agissant de l'avenir, l'Irlande est bien placée pour tirer parti des perspectives ouvertes par les évolutions technologiques, même si une grande attention devra être accordée à divers problèmes.
Compte tenu de la croissance impressionnante qu'elle a connue ces dernières années, l'économie commence à se heurter à des contraintes de capacité, prenant la forme de pénuries de main‑d'œuvre et de tensions sur des infrastructures clés. La population vieillit, tandis que le nombre de personnes de plus de 65 ans augmente plus vite que la cohorte des personnes d'âge très actif depuis 2008. La structure de l'économie se transforme par ailleurs considérablement. Les entreprises établies en Irlande se sont montrées plus enclines à adopter les nouvelles technologies que leurs homologues de la plupart des autres pays de l'OCDE, mais cela n'a eu jusqu'ici qu'un impact modeste sur la croissance de la productivité dans la plupart des entreprises. Ces évolutions s'inscrivent dans un contexte d'incertitude mondiale exacerbée, sur fond de séquelles persistantes laissées par la crise financière, prenant notamment la forme d'un fort endettement des administrations publiques, d'éléments de fragilité dans le secteur bancaire et d'un taux élevé de chômage de longue durée (Graphique 1.2).
Au regard de ces différents enjeux, le gouvernement a élaboré un programme de réformes. Les décisions d'investissement public doivent être en phase avec un cadre national de planification, intégré dans le projet « Irlande 2040 ». En outre, les autorités ont défini une stratégie en faveur des emplois de l'avenir (Future Jobs Ireland), pour aider les entreprises à adopter les évolutions technologiques propices aux gains de productivité et faciliter leur transition vers une économie bas carbone, tout en promouvant un renforcement du taux d'activité et de l'accumulation de compétences. Dans la perspective du retrait du Royaume‑Uni de l'Union européenne (UE), le gouvernement a également mis en place différentes aides destinées aux entreprises irlandaises qui seront probablement les plus affectées.
Dans ce contexte, les principaux messages de cette Étude économique sont les suivants :
la situation des finances publiques s'est nettement améliorée, mais les autorités doivent continuer à faire preuve de prudence budgétaire, étant donné que les coûts budgétaires liés au vieillissement démographique vont sensiblement augmenter et que les perspectives mondiales sont entourées d'une forte incertitude.
Les contraintes de capacité qui se font jour peuvent être atténuées par une augmentation de l'offre. Celle‑ci peut se fonder sur une hausse du taux d'activité et une relance de la croissance de la productivité.
La poursuite de l'adoption des nouvelles technologies par les entreprises tirera la productivité vers le haut si des progrès supplémentaires sont accomplis en termes d'amélioration des compétences. Les politiques publiques doivent être réexaminées dans d'autres domaines, notamment ceux de la concurrence et du marché du travail, compte tenu de la diffusion des nouvelles technologies.
Évolutions macroéconomiques récentes et perspectives à court terme
Les résultats économiques sont restés impressionnants, malgré divers facteurs d'incertitude. Les comptes nationaux irlandais ont été considérablement faussés par les activités des entreprises multinationales ces dernières années, ce qui a conduit les autorités à élaborer de nouvelles mesures analytiques, telles que le revenu national brut ajusté (RNB* ; voir l'Étude économique de l'OCDE de 2018 consacrée à l'Irlande pour une description exhaustive) et la demande intérieure ajustée.
Au cours de l'année écoulée, la demande intérieure sous‑jacente a augmenté de 3 % environ (Graphique 1.3). L'investissement a fléchi quelque peu, mais la croissance de la consommation privée a été vigoureuse. Les recettes fiscales du Trésor qui sont sensibles au cycle économique, telles que celles provenant de l'impôt sur le revenu et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ont fortement augmenté.
La vigueur de la croissance de la consommation tenait au dynamisme du marché du travail. L'emploi total a enregistré une augmentation de 3 % par an environ depuis 2013, totalement imputable à une progression du nombre de salariés à temps plein. L'amélioration des perspectives s'est traduit par une hausse du taux d'activité (Graphique 1.4, partie A), notamment pour les personnes d'âge très actif (25‑54 ans). Néanmoins, le taux d'activité reste inférieur de 4 points de pourcentage au point haut atteint juste avant la crise financière. L'immigration s'est effondrée entre 2007 et 2010 mais s'est redressée depuis lors, tandis que l'émigration irlandaise a diminué. Le solde migratoire est donc positif et en augmentation depuis 2015. Cela dit, le marché du travail s'est tendu. L'augmentation régulière du taux d'emplois vacants observée depuis 2010 a tiré les salaires vers le haut. Le salaire horaire moyen a progressé à un rythme annualisé de 2½ pour cent au cours des dernières années (partie B), ce qui s'est en partie répercuté sur les prix, en particulier dans le secteur des services.
Les dépenses de consommation seraient encore plus vigoureuses si l'incertitude n'était pas aussi marquée. La confiance des consommateurs n'a jamais été aussi basse depuis 2014, et le taux d'épargne des ménages a augmenté depuis le milieu des années 2010 (Graphique 1.5). Le total des crédits octroyés au secteur des ménages a également diminué, même si cela tient essentiellement à une contraction des prêts au logement sur fond de durcissement des normes macroprudentielles relatives aux crédits.
L'investissement reste alimenté par la forte croissance de la construction de logements (Graphique 1.6, partie A), ce qui correspond à un processus de rattrapage consécutif à l'effondrement de l'offre de logements intervenu pendant la crise financière (OECD, 2018a) et lié à l'augmentation de la population. L'accroissement de l'offre de biens immobiliers d'habitation a contribué à ralentir la hausse de leurs prix, en particulier à Dublin.
Les autres dépenses de construction ont également été vigoureuses, en partie du fait des projets publics s'inscrivant dans le cadre du plan « Irlande 2040 » du gouvernement. Par contre, les investissements en machines et équipements et en actifs incorporels stagnent depuis 2015, sur fond d'incertitude politique et économique exacerbée au niveau mondial. Cela concorde avec une baisse persistante du crédit bancaire aux petites et moyennes entreprises (PME). Ces derniers mois, les indices des directeurs d'achat ont fléchi, en particulier dans le secteur manufacturier (Graphique 1.6, partie B), laissant augurer un tassement de l'investissement des entreprises privées.
La politique budgétaire a été expansionniste au cours de l'année écoulée, les dépenses publiques d'investissement ayant été vigoureuses et la consommation publique ayant régulièrement augmenté. Le niveau estimé du solde budgétaire primaire sous‑jacent a diminué de ½ point de PIB environ en 2019, laissant à penser que l'augmentation du solde budgétaire global était entièrement imputable à l'amélioration de la conjoncture et à l'évolution des taux d'intérêt.
Le dynamisme persistant des exportations a également soutenu l'activité économique en Irlande. Les exportations de services ont grimpé en flèche ces dernières années, essentiellement du fait des services informatiques. Le secteur des services représente maintenant environ la moitié de l'ensemble des exportations irlandaises. Les exportations de marchandises ont augmenté plus modérément, en partie en raison du ralentissement des économies européennes qui sont les principaux marchés de ces biens (Graphique 1.7, partie A).
Malgré le dynamisme de la croissance globale des exportations, le retrait prévu du Royaume‑Uni de l'Union européenne (« Brexit ») et le ralentissement ont commencé à se répercuter sur les échanges de l'Irlande dans certains secteurs. Le Royaume‑Uni représente 14 % de l'ensemble des exportations irlandaises. Les exportations de machines et d'équipements, de produits chimiques et de tourisme vers les grands voisins de l'Irlande ont soit stagné, soit diminué depuis le référendum organisé au Royaume‑Uni sur l'appartenance à l'UE en 2016. L'Étude économique de l'OCDE de 2018 consacrée à l'Irlande présentait des estimations obtenues à partir de l'outil de modélisation des échanges de l'OCDE (METRO, ModElling TRade at the OECD), indiquant que les exportations irlandaises pourraient reculer d'environ 20 % dans certains secteurs, tels que l'agriculture et l'alimentation, en cas de conclusion entre le Royaume‑Uni et l'UE d'un accord commercial fondé sur le principe de la nation la plus favorisée de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Pour l'heure, néanmoins, rien n'indique clairement que les exportations aient enregistré dans ces secteurs une baisse sensible résultant de l'incertitude liée au Brexit (Central Bank of Ireland, 2019a).
Globalement, l'économie irlandaise a gagné en compétitivité et les déséquilibres externes ont diminué ces dernières années. La croissance des exportations irlandaises a été plus rapide que celle des marchés extérieurs de l'Irlande, indiquant des gains de parts de marché à l'exportation. Le solde des paiements courants de l'Irlande est fluctuant et considérablement influencé par les activités des entreprises multinationales. Néanmoins, le solde ajusté des paiements courants, c'est‑à‑dire sa valeur sous‑jacente, est passé d'un déficit de 7½ pour cent du revenu national brut ajusté (RNB*) en 2008 à un excédent de 6½ pour cent du RNB* en 2018 (Graphique 1.8). L'excédent des paiements courants a été gonflé par des rentrées d'impôt sur les sociétés d'un niveau exceptionnellement élevé ces dernières années, mais même en faisant abstraction de ces plus‑values de recettes fiscales entre 2015 et 2018, le compte courant aurait encore été excédentaire à hauteur de 4 % du RNB* environ en 2018 (Department of Finance, 2019a).
Dans les temps à venir, dans l'hypothèse d'un Brexit ordonné, la croissance économique devrait se modérer mais demeurer légèrement supérieure au niveau estimé de la croissance de la production potentielle (Tableau 1.1). L'incertitude persistante liée au Brexit va peser sur l'investissement des entreprises et la consommation privée. Les projets d'investissement public et de construction liés au logement continueront de soutenir l'économie, même si l'accentuation des contraintes de capacité est susceptible d'entraver la croissance dans ces secteurs. Le taux de chômage continuera de diminuer pour s'établir à un très bas niveau par rapport à ceux observés par le passé, et les tensions sur les salaires vont s'accentuer. À mesure que les hausses de salaires se répercuteront sur les prix, la compétitivité se dégradera, à moins d'un regain de croissance de la productivité. Un ralentissement de la demande chez les principaux partenaires commerciaux de l'Irlande va également contribuer à ralentir la croissance des exportations.
Dans l'hypothèse d'un Brexit ordonné, la politique budgétaire devrait avoir un effet globalement neutre sur l'économie. Étant donné que le taux de croissance devrait être légèrement supérieur au niveau estimé de l'augmentation de la production potentielle, et que l'orientation de la politique monétaire de la zone euro exerce un effet stimulant, il faudrait durcir la politique budgétaire pour qu'elle ait un effet légèrement restrictif. Cela dit, compte tenu du niveau élevé d'incertitude observé à l'heure actuelle, les autorités devraient se préparer à apporter de nouveaux ajustements anticycliques à la politique budgétaire dans l'éventualité de chocs ayant un effet positif ou négatif sur l'activité.
Tableau 1.1. Indicateurs et prévisions macroéconomiques
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
---|---|---|---|---|---|---|
Irlande |
Prix courants (mds EUR) |
Pourcentage de variation annuelle, en volume (prix de 2017) |
||||
PIB aux prix du marché |
271.4 |
8.1 |
8.3 |
5.6 |
3.3 |
3.0 |
Consommation privée |
91.8 |
3.3 |
3.4 |
2.6 |
2.4 |
2.3 |
Consommation publique |
33.5 |
3.5 |
4.4 |
4.0 |
4.3 |
4.1 |
Formation brute de capital fixe |
96.6 |
‑7.1 |
‑20.6 |
39.2 |
‑26.9 |
4.5 |
Demande intérieure finale |
221.8 |
‑1.2 |
‑5.2 |
17.5 |
‑8.5 |
3.3 |
Variation des stocks |
6.6 |
1.3 |
‑2.4 |
2.1 |
0.3 |
0.0 |
Demande intérieure totale |
228.5 |
11.4 |
‑6.4 |
22.2 |
‑7.9 |
3.2 |
Exportations de biens et services |
328.0 |
9.1 |
10.4 |
10.0 |
4.8 |
4.4 |
Importations de biens et services |
285.1 |
0.9 |
‑2.9 |
20.6 |
‑4.7 |
5.1 |
Solde extérieur |
42.9 |
10.0 |
15.5 |
‑6.1 |
10.8 |
0.9 |
Pour mémoire |
|
|
|
|
|
|
VAB, hors secteurs dominés par des entreprises multinationales à capitaux étrangers |
_ |
8.1 |
8.3 |
3.9 |
3.8 |
3.3 |
Déflateur du PIB |
_ |
1.1 |
0.8 |
0.9 |
2.0 |
2.5 |
Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) |
_ |
0.3 |
0.7 |
1.2 |
2.0 |
2.2 |
IPCH sous‑jacent |
_ |
0.2 |
0.3 |
1.1 |
1.9 |
2.2 |
Taux de chômage (% de la population active) |
_ |
6.7 |
5.7 |
5.3 |
4.8 |
4.6 |
Taux d'épargne net des ménages (% du revenu disponible) |
_ |
6.0 |
5.8 |
5.8 |
5.7 |
5.3 |
Solde financier des administrations publiques (% du PIB) |
_ |
‑0.3 |
0.0 |
0.2 |
0.4 |
0.6 |
Dette brute des administrations publiques (% du PIB) |
_ |
77.4 |
73.1 |
69.2 |
64.2 |
61.5 |
Dette brute des administrations publiques, au sens de Maastricht (% du PIB) |
_ |
67.8 |
63.7 |
59.7 |
54.8 |
52.0 |
Solde des paiements courants (% du PIB) |
_ |
0.5 |
10.6 |
1.4 |
9.6 |
9.9 |
Note : Ces prévisions sont susceptibles d'être révisées avant publication et reposent actuellement sur l'hypothèse d'un processus de Brexit ordonné, caractérisé par la conclusion d'un accord au début de l'année 2020, suivie d'une période de transition. Les valeurs indiquées pour la variation des stocks sont les contributions aux variations du PIB réel (montant effectif dans la première colonne). Les prévisions relatives aux exportations reposent sur l'hypothèse que les activités de fabrication en sous‑traitance (qui correspondent à l'exportation par des entités résidentes en Irlande de biens produits à l'étrangers en sous‑traitance) des entreprises multinationales demeurent à leur niveau de 2019 en 2020 et 2021. Le sigle VAB désigne la valeur ajoutée brute, et les données relatives à la période 2017‑21 sont des estimations de l'OCDE. Le solde financier des administrations publiques tient compte de l'effet ponctuel des opérations de recapitalisation ayant eu lieu dans le secteur bancaire.
Source : Perspectives économiques de l'OCDE, n° 106.
Les risques qui pèsent sur les perspectives économiques sont orientés de manière prédominante à la baisse. Une grande incertitude entoure l'impact exact du Brexit sur le Royaume‑Uni et l'UE, mais un net ralentissement de la demande en provenance de ces économies affaiblirait sensiblement l'économie irlandaise compte tenu de sa dépendance à l'égard des échanges. L'effet induit sur l'Irlande pourrait être amplifié si le fléchissement de la demande se traduisait par une baisse des prix de l'immobilier d'habitation freinant la construction de logements dans le pays. En outre, au‑delà des prévisions fondées sur le scénario central et des risques connexes, une issue désordonnée des négociations relatives au Brexit, une montée des tensions liées aux politiques commerciales impliquant directement les économies européennes, et un choc affectant l'offre de pétrole modifieraient considérablement les perspectives (Tableau 1.2).
Si des risques négatifs se concrétisaient, certains points faibles de l'économie irlandaise pourraient accentuer leurs retombées préjudiciables. Alors même que l'incertitude liée à l'action publique est forte à l'échelle mondiale, l'incertitude politique interne s'accentue aussi, dans la mesure où des élections législatives auront probablement lieu en Irlande en 2020. Les séquelles de la crise financière pourraient aussi amplifier un choc économique négatif. La charge de la dette du secteur des ménages demeure volumineuse en termes de comparaison internationale, même si elle a nettement diminué au cours des dix dernières années (Graphique 1.9). La dette du secteur public reste également élevée, et les éléments de fragilité du secteur financier demeurent une source de préoccupation pour les responsables de l'action publique (deux facteurs examinés de manière plus approfondie ci‑après). Un grand atout de l'économie irlandaise, mais aussi un facteur de vulnérabilité, réside dans la forte proportion de sociétés à capitaux étrangers dans le secteur des entreprises. Elles représentent actuellement environ un emploi sur cinq en Irlande (en tenant compte à la fois des effets directs et indirects) et l'essentiel des recettes d'impôt sur les sociétés. Ces entreprises sont mobiles sur le plan international et une remise en cause de leur volonté de résider en Irlande pourrait être lourde de conséquences pour son économie. La dette des entreprises est volumineuse en termes de comparaison internationale, mais elle est gonflée par l'endettement de grandes entreprises multinationales vis‑à‑vis d'entités étrangères qui appartiennent souvent au même groupe d'entreprises. Abstraction faite de ces engagements, la dette du secteur irlandais des entreprises est d'un niveau assez similaire à ceux observés dans les autres pays européens (Department of Finance, 2019b).
Tableau 1.2. Événements peu probables qui pourraient modifier sensiblement les perspectives
Choc |
Conséquences possibles |
---|---|
Brexit désordonné |
Une augmentation sensible des obstacles liés à l'action publique dans le cadre des relations entre l'Irlande et le Royaume‑Uni et un ralentissement marqué de l'économie britannique pourraient avoir d'amples effets négatifs sur l'économie irlandaise. |
Montée des tensions liées aux politiques commerciales |
En tant que petite économie ouverte constituant une plaque tournante pour les transactions commerciales entre les États‑Unis et l'Europe, l'Irlande est particulièrement exposée à toute escalade des tensions liées aux politiques commerciales. |
Choc affectant l'offre de pétrole |
Toute interruption des approvisionnements mondiaux en pétrole faisant monter ses cours aurait un impact négatif sur la demande des consommateurs et la compétitivité. L'intensité énergétique de la production irlandaise est faible, mais le pays ne produit pas de pétrole et est lourdement tributaire de cet hydrocarbure pour les transports et le chauffage. |
Un réajustement des primes de risque au niveau mondial |
Une diminution soudaine de l'appétence pour le risque au niveau mondial pourrait entraîner une hausse des taux d'intérêt et une baisse de valeur des actifs. Les sociétés financières irlandaises sont directement exposées aux marchés de capitaux mondiaux, notamment au marché mondial des prêts à effet de levier, et l'endettement des ménages ainsi que celui du secteur public demeurent élevés. |
Préserver la stabilité financière
Le secteur bancaire irlandais s'est nettement désendetté depuis la crise financière, puisque la taille des bilans a diminué de 60 % environ depuis 2009. Des sources de financement plus stables représentent maintenant une part plus importante des engagements, et les banques sont devenues plus résistantes aux chocs. Le ratio de levier (c'est‑à‑dire le rapport entre fonds propres de base et actifs totaux) était proche du double de la moyenne de l'UE au début de 2019, sachant que le secteur de la banque de détail affichait un ratio fonds propres de base/actifs pondérés en fonction des risques deux fois plus élevé qu'en 2010. Les marges d'intérêt sont relativement confortables (Graphique 1.10), ce qui tient essentiellement au fait que les coûts de financement sont plus faibles et les taux d'intérêt des prêts hypothécaires et des crédits consentis aux PME plus élevés dans d'autres pays (European Commission, 2019).
Les résultats des tests de résistance réalisés en 2018 à l'échelle de l'UE laissent à penser que les banques irlandaises seraient en mesure de faire face à un fléchissement marqué de l'activité. Les banques testées disposaient de fonds propres suffisants pour rester solvables en cas de récession à l'échelle européenne, tout en maintenant le niveau du crédit au reste de l'économie à hauteur des remboursements de dette des emprunteurs. La Banque centrale d'Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) a activement utilisé des instruments macroprudentiels pour étayer la stabilité du système financier. Depuis 2015 sont appliquées des règles macroprudentielles relatives au crédit hypothécaire, telles que le plafonnement de la quotité de financement (ratio prêt/valeur du bien) et du ratio prêt/revenu. Il existe un volant de fonds propres contracyclique fixé à 1 %, et des obligations supplémentaires en matière de volant de fonds propres s'appliquent à six établissements surveillés qui sont considérés comme revêtant une importance systémique.
La CBI a récemment décidé de maintenir au même niveau la limite réglementaire du ratio prêt/revenu et celle de la quotité de financement en 2020. Ces dispositifs sont devenus de plus en plus contraignants, les prix des logements ayant augmenté plus vite que les revenus (Kelly and Mazza, 2019). Dans la mesure où des contraintes continuent de limiter l'offre sur le marché de l'immobilier d'habitation, cela signifie que ces mesures jouent le rôle prévu : favoriser l'octroi de crédits hypothécaires correspondant à la capacité de remboursement des emprunteurs, et contrecarrer l'effet de conditions propices à l'enclenchement d'un nouveau cycle de forte hausse et d'effondrement des prix des logements alimenté par le crédit. D'après les estimations présentées dans une récente analyse contrefactuelle, les prix de l'immobilier d'habitation auraient été supérieurs de 26 % à leur niveau constaté au début de 2019 si les mesures macroprudentielles relatives aux prêts hypothécaires n'avaient pas été adoptées (Central Bank of Ireland, 2019b).
Il faudrait continuer d'évaluer la panoplie d'instruments macroprudentiels au regard des risques qui se font jour. Les dispositions actuellement en place reposent sur l'hypothèse d'un Brexit ordonné. Elles sont par ailleurs axées principalement sur le secteur bancaire, bien que la proportion d'établissements financiers non bancaires ait augmenté de manière spectaculaire ces dernières années (IMF, 2019). Il faudrait envisager de définir un volant de fonds propres applicable au risque systémique, le ministre des Finances ayant donné son accord pour que cette mesure soit transposée dans le droit irlandais et que la banque centrale soit chargée de sa mise en œuvre et de son calibrage. L'adoption d'un tel outil permettrait à la banque centrale d'appliquer des exigences de fonds propres supplémentaires aux banques pour préserver le système financier en cas de choc idiosyncratique. L'intégration de ce volant de fonds propres applicable au risque systémique dans la panoplie d'instruments macroprudentiels pourrait être particulièrement importante pour une économie très ouverte comme l'Irlande, qui a souvent connu des épisodes de volatilité par le passé.
La rentabilité du secteur de la banque de détail s'est redressée depuis la crise. Néanmoins, un certain nombre de banques d'importance systémique dont le siège se trouve en Irlande ont toujours une capitalisation boursière inférieure à leur valeur comptable, ce qui indique que les acteurs du marché sont pessimistes quant à leur rentabilité future et à la qualité de leurs actifs. Les coûts des banques irlandaises sont plus élevés que ceux d'autres banques européennes (Central Bank of Ireland, 2019b) et en augmentation : le coefficient d'exploitation (ratio charges d'exploitation/produits d'exploitation) de l'ensemble du secteur s'est hissé de 56 % à la mi‑2016 à 63 % environ en 2019. Les pressions à la baisse exercées sur les marges d'intérêt nettes par le bas niveau des taux d'intérêt et la persistance d'un encours volumineux de créances douteuses ou litigieuses (CDL) dans les bilans des banques ont également réduit leurs bénéfices.
Le ratio de CDL a diminué, passant de 15 % environ à la mi‑2016 à 5 % en 2019, sous l'effet de cessions de portefeuilles et d'une amélioration de la situation économique. En outre, l'encours de CDL caractérisés par des arriérés de paiement de plus d'un an a diminué de moitié entre juin 2018 et juin 2019. Néanmoins, le ratio de CDL global demeure élevé en Irlande par rapport à ceux observés dans les pays européens comparables (Graphique 1.10) et nombre des créances douteuses ou litigieuses figurant toujours au bilan des banques pourraient s'avérer difficiles à apurer (Central Bank of Ireland, 2019c). Cela tient en partie à la force exécutoire limitée des garanties, liée à la lenteur des procédures de saisie par rapport à d'autres pays (O’Malley, 2018 ; National Competitiveness Council, 2019). Ces procédures de saisie sont particulièrement longues pour les résidences principales (OECD, 2018a), et les crédits hypothécaires liés à ce type de logements représentent toujours l'essentiel de l'encours des CDL encore inscrits aux bilans des banques.
La lenteur des procédures de saisie dissuade à la fois les emprunteurs et les prêteurs de s'engager dans ces démarches. En conséquence, la proportion de prêts renégociés en Irlande était plus de deux fois supérieure à la moyenne de l'Union européenne en 2019 (Graphique 1.10). En outre, plus de la moitié des arriérés de paiement au titre de prêts concernant des résidences principales sont par nature à long terme (retard de plus de 720 jours). Compte tenu de la force exécutoire relativement limitée des hypothèques en Irlande, il pourrait être nécessaire d'accroître les provisions constituées au titre des prêts aux logements constituant des CDL, notamment dans la mesure où le niveau de ces provisions est relativement faible en Irlande. Bien que les produits des cessions de CDL se soient traduits dans la plupart des cas par des pertes n'excédant pas les montants qui avaient été provisionnés, un durcissement des règles de provisionnement inciterait les banques à réduire plus rapidement leur encours de CDL et leur permettrait de le faire sans menacer leur solvabilité. En tout état de cause, une augmentation des provisions au titre des CDL sera sans doute nécessaire au cours des années à venir au regard des attentes prudentielles relatives au provisionnement prudentiel pour les expositions non performantes définies par la Banque centrale européenne (BCE) (Central Bank of Ireland, 2019b).
Pour favoriser encore l'apurement des créances douteuses ou litigieuses, les autorités devraient également déterminer quelles mesures permettraient d'accélérer les procédures de saisie. Comme cela avait été évoqué dans l'Étude économique de l'OCDE de 2018 consacrée à l'Irlande, la lenteur des procédures de saisie tient en partie à la fréquence des ajournements de procédure dans les affaires d'arriérés de paiement sur emprunt hypothécaire portées devant les tribunaux (OECD, 2018a). Les autorités devraient envisager d'uniformiser les ordonnances de saisie avec sursis, comme au Royaume‑Uni (CCPC, 2012). Cela inciterait davantage l'emprunteur et le prêteur à s'entendre, dans la mesure ou le prêteur obtiendrait le droit de saisir à une date ultérieure le bien fourni en garantie, le sursis à exécution étant subordonné à des critères clairement définis. Une telle approche présente néanmoins un inconvénient : elle pourrait avoir pour conséquence non désirée d'inciter les emprunteurs à liquider les biens fournis en garantie. Il faudrait également évaluer l'impact de toute réforme de ce type sur le bien‑être des emprunteurs, sachant qu'il faudrait l'élaborer avec soin pour garantir que ses avantages en termes de réduction de l'incertitude et de promotion de l'apport de financements l'emportent sur ses coûts éventuels résultant d'effets non désirés.
Tableau 1.3. Recommandations antérieures concernant l'amélioration de la stabilité financière
Recommandations de l'Étude précédente |
Mesures prises depuis mars 2018 |
---|---|
Adopter des dispositions réglementaires pour inciter les banques à réduire encore les créances douteuses ou litigieuses (CDL). |
La Banque centrale d'Irlande (CBI, Central Bank of Ireland) est partie prenante au mécanisme de surveillance unique (MSU) au niveau de l'Union européenne. En mars 2018, la Banque centrale européenne (BCE) a adopté la version finale du document intitulé Addendum aux lignes directrices de la BCE pour les banques en ce qui concerne les prêts non performants : attentes prudentielles relatives au provisionnement prudentiel pour les expositions non performantes. |
Accorder aux créanciers un droit de saisie à une date ultérieure. |
Aucune mesure spécifique n'a été prise. |
Faire en sorte que les débiteurs ne puissent pas basculer dans la pauvreté en continuant d'étoffer le parc de logements sociaux. |
Dans le cadre du budget 2020, les crédits affectés au logement ont augmenté de près de 300 millions EUR pour atteindre 2.6 milliards EUR. Cette hausse intégrait 20 millions EUR supplémentaires destinés à financer des services aux sans‑abri. |
Nouveaux entrants dans le secteur financier
La réduction de la taille des bilans des banques a coïncidé avec une forte croissance du secteur financier non bancaire. Les organismes de placement collectif (OPC), qui constituent la composante la plus importante du secteur financier non bancaire irlandais, ont multiplié la taille de leur bilan par plus de six depuis la fin de 2008. À la mi‑2019, les actifs gérés par ces OPC représentaient 2 600 milliards EUR (environ 8 fois le PIB annuel).
L'exposition des entités financières non bancaires correspond essentiellement à des non‑résidents. Les avoirs et les engagements de ces entités se caractérisent par une diversification géographique raisonnablement satisfaisante, même si 30 % environ de leurs actifs et de leurs financements sont directement liés aux États‑Unis (IMF, 2019). Au cours des dernières années, les liens entre le secteur non bancaire et l'économie irlandaise se sont resserrés. Les OPC résidant en Irlande détiennent aujourd'hui environ un tiers du stock de biens immobiliers à usage commercial pouvant faire l'objet de placements (Central Bank of Ireland, 2019b). En outre, les banques résidentes placent aujourd'hui environ 12 % de leurs avoirs auprès d'OPC et d'autres intermédiaires financiers non bancaires, et approximativement 10 % des financements des banques proviennent de ces sources (IMF, 2019). Ces liens plus étroits accentuent le risque qu'un choc subi par le secteur financier non bancaire se répercute sur la sphère réelle de l'économie.
Certains segments du marché non bancaire se caractérisent par un endettement élevé. Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) ont notamment accru leur endettement au cours des cinq dernières années. Cela tient en partie à l'instauration d'un taux d'imposition de 20 % appliqué aux investisseurs étrangers détenteurs de parts d'OPCI investissant dans l'immobilier irlandais, qui a entraîné l'utilisation croissante de prêts accordés par les détenteurs du capital en lieu et place de titres de participation (Central Bank of Ireland, 2019b). Dans le cadre du budget 2020, le gouvernement a adopté des dispositions limitant la déductibilité des charges d'intérêts, en vue de dissuader les OPCI de porter leur endettement à un niveau élevé. Néanmoins, même en faisant abstraction de l'augmentation des prêts accordés par les détenteurs du capital due à la modification antérieure des dispositions fiscales, ces organismes de placement collectif demeurent très endettés par rapport à leurs homologues européens (Central Bank of Ireland, 2019b). Un risque inhérent à cette situation est qu'une hausse des taux d'intérêt du marché (résultant, par exemple, d'une diminution soudaine de l'appétence pour le risque au niveau mondial) se traduise par des ventes forcées d'actifs immobiliers.
Étant donné la diversité des entités et des activités du secteur non bancaire, les autorités doivent continuer à consacrer des ressources au suivi de son évolution, et renforcer leurs capacités de réaliser des tests de résistance solides concernant ce secteur. Ce faisant, il conviendra de prendre garde à ne pas créer de charges réglementaires excessives, qui entraveraient le développement de solutions financières innovantes pouvant se substituer aux financements bancaires. Les taux d'intérêt appliqués par les banques sont relativement élevés en Irlande (Graphique 1.11), en partie du fait d'un manque de concurrence dans le secteur financier à la suite de la crise financière, de sorte qu'il conviendrait de favoriser le développement de nouvelles sources de financement.
La technologie a permis l'émergence de nouveaux modèles économiques d'intermédiation du crédit fondés sur internet – c'est‑à‑dire du secteur des technologies financières (FinTech) – tels que le financement participatif par prêt et les prêts octroyés directement par des plateformes de financement (des entités non bancaires qui se financent par endettement et jouent un rôle de transformation des risques et des échéances). Les financements alternatifs en ligne sont relativement développés en Irlande par rapport à la situation observée dans la plupart des autres pays de l'UE (Graphique 1.12). Ces sources de financement peuvent à la fois entrer en concurrence avec le secteur bancaire traditionnel et permettre à des entités ayant du mal à obtenir des crédits auprès des banques classiques d'accéder à des financements. Ainsi, certaines jeunes entreprises ayant peu d'actifs matériels et des antécédents limités peuvent se tourner vers les plateformes de financement alternatif en ligne. L'émergence de la FinTech peut aussi réduire l'importance systémique de certaines entités en place. En outre, l'intermédiation fondée sur les plateformes est sans doute moins exposée aux phénomènes autoréalisateurs de retraits massifs que les banques classiques, dans la mesure où elle se caractérise par une relation directe entre emprunteurs et prêteurs, qui implique que la rémunération d'un prêteur ne dépend pas des mesures prises par les autres prêteurs (Havrylchyk, 2018). Cela dit, le développement des technologies financières décentralisées peut comporter des risques pour la stabilité financière. Ainsi, les mécanismes de prêt entre pairs ont souvent tendance à être procycliques et soulèvent des problèmes juridiques et administratifs en matière de redressement et de résolution des défaillances (Financial Stability Board, 2019).
Récemment, des géants des technologies (Big Tech) ayant de nombreux utilisateurs sont entrés sur le marché des paiements dans l'Union européenne (on peut citer à cet égard Apple Pay, Google Pay et les règlements et dons de pair à pair effectués via Facebook Messenger). Pour ce faire, certaines de ces entreprises ont obtenu les autorisations nécessaires en Irlande. Compte tenu de l'ampleur du réseau que détiennent ces grands groupes technologiques, leur effet perturbateur potentiel sur le marché existant est particulièrement important. Leur entrée peut rendre les paiements transnationaux moins coûteux et moins chronophages pour les consommateurs. Certains entrants adoptent un modèle économique gratuit‑payant (freemium), suivant lequel les services de paiement n'ont pas de coût financier pour les utilisateurs mais leurs données sont collectées et peuvent être utilisées à des fins publicitaires ou autres. Ces informations pourraient être utilisées par les géants des technologies pour créer des modèles d'évaluation de la solvabilité des emprunteurs vendus aux banques et à d'autres émetteurs de crédits. Des travaux antérieurs ont mis en évidence le fait que les informations provenant des activités en ligne d'utilisateurs pouvaient sensiblement améliorer les prévisions en matière de défaut de paiement lorsqu'elles étaient conjuguées avec les évaluations d'organismes d'évaluation du crédit (Berg et al., 2018). En principe, une amélioration des prévisions en matière de défaut de paiement devrait renforcer la stabilité financière.
La taille des géants des technologies et le vaste réseau de clients dont ils disposent peuvent avoir des conséquences négatives pour la concurrence sur le marché. Les paiements en ligne peuvent se caractériser par une dynamique du « tout au gagnant », dans la mesure où l'intérêt que présente une plateforme pour les consommateurs augmentera sans doute avec le nombre de ses utilisateurs actifs. De nombreux géants des technologies exercent en outre un pouvoir de filtrage considérable, compte tenu de leur capacité d'empêcher d'autres entreprises d'accéder à leur infrastructure technologique (Khan, 2018). Si une accentuation de la concentration du marché n'est pas nécessairement inopportune, les responsables de l'action publique doivent veiller à ce que les entreprises en place ne préservent pas une position dominante en adoptant un comportement anticoncurrentiel. Cela recouvre notamment l'acquisition par les grands groupes technologiques de petites entreprises innovantes susceptibles de devenir ultérieurement leurs concurrents.
Environ un tiers seulement des entreprises de technologie financière sont soumises à un contrôle réglementaire exercé par la Banque centrale d'Irlande, ou par les autorités d'autres pays européens (Enterprise Ireland, 2018). En outre, les entités non réglementées n'ont aucune obligation déclarative vis‑à‑vis de l'organisme de régulation. Certaines de ces entreprises non réglementées ne fournissent pas de services financiers, mais la conception d'un cadre réglementaire solide suppose que les autorités de régulation aient une connaissance intime des différences entre les nouveaux modèles et économiques et les pratiques de gestion des risques. La banque centrale a mis en place un pôle d'innovation pour resserrer les liens entre autorités de régulation et entreprises de technologie financière. Il faudrait compléter cette initiative en conférant aux autorités de régulation le pouvoir d'obtenir les informations voulues des entités non réglementées fournissant certains types de services financiers, tout en veillant à ce ces obligations n'imposent pas une charge administrative démesurée à ces entreprises. Plusieurs autres pays de l'UE ont mis en place des bacs à sable réglementaires qui permettent aux entreprises de technologie financière de tester des biens ou des services innovants dans un environnement réglementaire moins contraignant. Ainsi, au Royaume‑Uni, l'Autorité des pratiques financières (FCA, Financial Conduct Authority) applique une procédure d'autorisation spécifique aux entreprises et dispose de la latitude nécessaire pour les dispenser de l'application de règles excessivement lourdes ou pour modifier ces règles, afin de leur permettre de tester un produit. La FCA ne prend aucune mesure disciplinaire contre les entreprises qui se trouvent dans le bac à sable réglementaire, tant qu'elles font preuve de transparence vis‑à‑vis de l'autorité de régulation, respectent les paramètres de test qui ont été convenus et traitent les consommateurs de manière équitable. Depuis 2017, plus de 100 entreprises ont été admises au bénéfice de ce dispositif.
La banque centrale et les autorités de la concurrence devraient également continuer à surveiller de près le niveau de concentration du marché dans le secteur financier non bancaire, notamment au regard de l'essor des services de paiement proposés par les géants des technologies. Si ces entités lancent un nouveau service de paiement par l'intermédiaire d'une filiale, les autorités de régulation irlandaises traitent cette nouvelle entreprise de la même façon que toute autre jeune pousse (start‑up). Or, compte tenu du pouvoir de marché potentiel conféré à ce prestataire de services de paiement par le réseau dont dispose déjà sa société mère, un examen plus approfondi des effets induits sur la concurrence par l'entrée de ce type d'entreprise sur le marché s'impose.
Assurer la viabilité des finances publiques
Évolutions budgétaires récentes
La situation des finances publiques de l’Irlande continue de s’améliorer. Pour la première fois en dix ans, le solde budgétaire a renoué avec l’excédent en 2018. Pour autant, l’embellie de ces dernières années n’est pas tant le fruit d’un resserrement structurel de la politique budgétaire que de recettes inattendues de l’impôt sur les sociétés et d’économies réalisées sur les taux d’intérêt, qui ont permis aux comptes publics de revenir à l’équilibre. Face à des capacités de plus en plus sous tension, la politique budgétaire a été trop laxiste, même si elle a moins procyclique qu’entre 2005 et 2009 ou entre 2010 et 2014 (graphique 1.13). Les autorités devraient veiller à ne pas reproduire des schémas de politique monétaire qui, ces dernières années, ont accentué, plus qu’ils n’ont lissé, les fluctuations du cycle économique.
La hausse récente des recettes issues de la fiscalité des entreprises prendra probablement fin à moyen terme et les autorités devraient établir des plans en conséquence. Le Conseil consultatif budgétaire irlandais (IFAC, Irish Fiscal Advisory Council) a estimé qu’en 2018, ces recettes avaient été de 30 à 60 % (soit 1½-3% du revenu national brut ajusté (RNB*)) supérieures aux prévisions établies en fonction des performances de l’économie sous-jacente (Irish Fiscal Advisory Council, 2019 ; graphique 1.14, partie A). La concentration du produit de l’impôt sur les sociétés est de plus en plus forte : en effet, les 10 premières sociétés y étant assujetties entraient pour 45 % dans les recettes totales de cet impôt en 2018, soit une hausse de 39 % par rapport à 2017 (Department of Finance, 2019c). En préparant le budget de l’exercice suivant, le ministère des Finances (Department of Finance) a adopté une démarche prudente en retenant comme hypothèse qu’un tiers environ de ces recettes correspondaient à des recettes exceptionnelles. Toutefois, l’ampleur des dépenses non inscrites au budget de ces dernières années a entraîné qu’une fraction importante de ces recettes exceptionnelles ont été dépensées au cours de l’exercice considéré (graphique 1.14, partie B).
Le secteur de la santé a été une source non négligeable de dépassement de dépenses courantes ces dernières années, en dépit d’une augmentation des crédits budgétaires. La prime de Noël versée aux bénéficiaires de prestations sociales sur le budget du ministère de l’Emploi et de la Protection sociale (Department of Employment Affairs and Social Protection), qui n’est pas budgétée et dont le montant est modulé d’année en année en fonction des « conditions qui prévalent », constitue un autre problème récurrent. Sans compter que d’importants projets d’investissements publics ont donné lieu à des dépassements de budget considérables. Le Contrôleur et auditeur général d’Irlande (Ireland’s Comptroller and Auditor General) a procédé à un examen des dépassements de délais et de budget de grande ampleur, observés dans des projets d’investissements réalisés récemment dans le secteur de l’enseignement supérieur (Comptroller and Auditor General, 2019). S’agissant des dépenses publiques de fonctionnement comme d’investissement, les dépassements de budget observés par le passé et compensés par des rallonges budgétaires n’incitent guère à rechercher à l’avenir une meilleure efficience de la dépense publique.
De nouveaux dépassements budgétaires pourraient avoir pour effet d’exclure d’autres dépenses de fonctionnement ou d’investissement nécessaires. Le gouvernement a mis en réserve une enveloppe de 116 milliards EUR dans le cadre de son Plan de développement national 2018-2027. Il s’agit par là même de répondre aux coupes sévères pratiquées dans les investissements publics tout au long des années de crise, et aux tensions démographiques qui ne manqueront certainement pas de peser à l’avenir sur les infrastructures. Bon nombre de ces projets sont indispensables, et il faudra éviter de dépasser les budgets ou de mal sélectionner les projets, ce qui aurait pour effet d’éliminer des investissements publics dont le rendement pour la collectivité serait meilleur. À défaut, une augmentation des dépenses publiques non budgétées pourrait ralentir le nécessaire processus de réduction continue de la dette publique si d’autres projets de dépenses devaient être maintenus en recourant à nouveau à l’emprunt pour les financer.
La nécessité de disposer d’informations plus précises sur le patrimoine public pour la définition des investissements publics prioritaires, leur chiffrage et leur réalisation, a été mise en évidence dans l’Étude économique 2018 de l’OCDE sur l’Irlande. Plus généralement, une étude de l’OCDE sur l’IGEES (Irish Government Economic and Evaluation Service), le Service irlandais d’analyse économique et d’évaluation, a relevé que l’insuffisance d’informations constituait un obstacle à la formulation, à partir d’une base factuelle, des politiques publiques (OECD, 2020). Le regain d’attention que les autorités ont porté à l’amélioration de la collecte de données et à l’identification des lacunes en la matière, dans leur réexamen 2019 des dépenses publiques, constitue une évolution positive à cet égard. De nouveaux outils ont également été mis au point, à l’image du tableau synoptique des programmes et projets d’infrastructure (Investment Projects and Programmes Tracker), qui renseigne sur le stade d’avancement de tous les grands investissements prévus au titre de l’initiative Project Ireland 2040. Pour autant, il convient de ne pas relâcher l’effort pour parvenir à une collecte systématique des informations sur les actifs publics existants afin de pouvoir hiérarchiser les priorités, en toute transparence et sur le fondement d’éléments factuels, entre les futurs projets d’infrastructure. La Nouvelle-Zélande fournit un exemple de pays ayant pointé l’insuffisance de données comme un obstacle à un processus rationnel de planification des infrastructures. C’est pourquoi une base d’informations intersectorielles a été publiée en 2014 et actualisée ultérieurement. Cette base de données livre des indicateurs de performance sur les actifs publics ainsi que des analyses de scénarios, permettant d’identifier les sources de tension futures, côté demande, sur le stock d’infrastructures.
Les ratios de dette publique poursuivent leur orientation à la baisse, mais la dette brute des administrations publiques demeure élevée et s’établit à plus de 100 % du revenu national brut ajusté (RNB*). Pour l’Irlande, le RNB* constitue un meilleur indicateur de la capacité du gouvernement à rembourser sa dette dans la mesure où celui-ci est moins sujet à l’influence de certains facteurs exceptionnels, en lien avec l’activité des entreprises multinationales. Exprimée en montant par habitant, la dette publique irlandaise est l’une des plus élevées de l’OCDE (graphique 1.15). Plus de la moitié des obligations à long terme de l’État irlandais sont détenues par des non-résidents, une situation qui comporte un risque accru de retrait brutal des fonds dans l’éventualité d’un choc négatif (Department of Finance, 2019d). Le risque de refinancement a été réduit en allongeant notablement l’échéance moyenne des obligations d’État irlandaises au cours des dix dernières années. Ainsi en 2018, l’échéance moyenne de la dette irlandaise était, à plus de 10 ans, supérieure à celle d’autres pays européens (Department of Finance, 2019d).
Par ailleurs, le gouvernement a désormais mis en place son fonds de réserve de stabilisation (« Rainy Day Fund »), qui a vocation à être utilisé en cas de choc négatif sévère sur l’économie (tableau 1.4). À l’origine, il était prévu que ce fonds soit abondé grâce à des transferts du Trésor, d’un montant de 500 millions EUR par an jusqu’en 2023, si bien que celui-ci a accumulé pour l’heure 2 milliards EUR de liquidités. Toutefois, au moment de préparer le budget 2020, les autorités ont décidé de ne pas transférer pour cet exercice l’enveloppe de 500 millions EUR spécialement réservée au fonds, en raison des difficultés potentielles que pourrait soulever un Brexit sans accord. À l’avenir, il conviendrait d’abonder chaque année le fonds du montant décidé, le montant des ressources versées ne pouvant être réduit qu’en cas de choc négatif sévère sur l’économie. Qui plus est, le gouvernement devrait s’engager à affecter les plus-values de recettes de l’impôt sur les sociétés au remboursement de la dette publique et en partie, à l’abondement du fonds de réserve de stabilisation, pour que les chocs futurs puissent être compensés grâce à un assouplissement de la politique budgétaire.
À l’avenir, le cadre budgétaire devra à nouveau être réformé étant donné que certaines règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance de l’Union européenne ne sont pas entièrement applicables au contexte irlandais. La distorsion à la hausse des chiffres du PIB de l’Irlande et le gonflement de l’impôt sur les sociétés donnent une image flatteuse de la situation des finances publiques du pays lorsque celle-ci est appréciée en regard des règles budgétaires établies sur la base du PIB ou de l’indicateur apparenté de croissance de la production potentielle, qui est harmonisé entre les pays de l’UE. Dans son document budgétaire pour 2020 (Budget 2020), le ministère des Finances a relevé que les principaux éléments constitutifs des règles budgétaires de l’UE, à savoir le plafond contraignant de 3 % du PIB applicable au déficit budgétaire global, la limite de 60 % applicable au ratio dette-PIB, l’« objectif à moyen terme » et la règle de dépenses (ou « critère des dépenses ») (ces deux dernières règles reposant sur des estimations de la croissance de la production potentielle), sont trompeurs dans le cas de l’Irlande (Department of Finance, 2019e). Afin de mieux calibrer sa politique budgétaire, l’Irlande soit s’imposer à elle-même des objectifs budgétaires plus stricts, définis à partir du RNB* (et non pas du PIB) et de l’indicateur de croissance de la production potentielle, élaboré par le ministère des Finances et validé par le Conseil consultatif budgétaire irlandais. Le gouvernement a récemment avancé sur cette question en annonçant que son objectif était de ramener la dette publique à 85 % du RNB* d’ici 2025 et à environ 60 % à plus long terme.
L’Irlande continue de jouer un rôle actif dans les initiatives menées pour promouvoir la coordination internationale des politiques fiscales. De nombreuses mesures ont été prises pour mettre en œuvre les recommandations formulées dans le cadre du projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Parmi ces mesures, l’on citera l’obligation faite aux grandes entreprises multinationales de produire des rapports pays par pays et l’introduction du premier régime fiscal préférentiel applicable aux brevets, conforme aux normes de l’OCDE ; en outre, l’Irlande a très vite signé et ratifié l’Instrument multilatéral sur le BEPS.
L’OCDE a récemment publié deux documents pour consultation sur les changements qui pourraient être apportés au système fiscal international. Ces propositions relèvent de deux piliers. Au titre du pilier 1, le Secrétariat a proposé une approche unifiée, visant à établir un nouveau lien et à attribuer de nouveaux droits d’imposition aux juridictions où se situent le marché ou les utilisateurs. En vertu de cette proposition, les pays se verraient attribuer certains droits d’imposition qui ne reposeraient pas sur le critère de présence physique mais seraient basés largement sur les ventes (OECD, 2019a). Le document soumet en outre, au titre du pilier 2, une proposition qui viserait à ce que toutes les entreprises ayant des activités à l’international acquittent un niveau minimum d’impôt sur leur revenu de source étrangère. Si de nombreuses modalités précises de ces propositions sont encore en cours d’examen par le Cadre inclusif sur le BEPS, un tel accord permettrait d’avancer quelque peu dans la résolution de certaines des problématiques fiscales que soulève la transformation numérique de l’économie.
Tableau 1.4. Recommandations antérieures concernant l’efficience de la dépense publique et la fiscalité
Recommandations de l'Étude précédente |
Mesures prises depuis mars 2018 |
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Fixer des objectifs à moyen terme de dette publique en pourcentage de l’activité économique sous-jacente (RNB* par exemple). |
Le gouvernement a annoncé que son objectif était désormais de ramener la dette publique à 85 % du RNB* d’ici 2025 et à 60 % à plus long terme. |
Rembourser une partie de la dette des administrations publiques grâce à des recettes exceptionnelles inattendues et mettre en œuvre le fonds de réserve de stabilisation proposé. |
Le projet de loi de 2018 sur l’instauration d’un fonds de réserve (Reserve Fund for Exceptional Contingencies), qui porte création du fonds de réserve de stabilisation (Rainy Day Fund), a été adopté par le parlement irlandais (Oireachtas). |
Dresser une liste de projets d’investissement publics classés par ordre de priorité en fonction de leur rentabilité économique, qui pourraient être mis en œuvre rapidement (par exemple entretien, R-D publique) en cas de choc économique négatif. |
En cas de choc économique, le fonds de réserve de stabilisation pourrait être utilisé pour maintenir le niveau d’investissement prévu, notamment dans les projets actuellement programmés dans le Plan de développement national. |
Réduire le nombre de taux de TVA. |
Le nombre de taux de TVA n’a pas été modifié. Toutefois, dans le budget 2019, le gouvernement a réinstauré le taux de 13.5 %, contre 9 %, pour la majorité des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration. |
Procéder plus régulièrement à une réévaluation des biens aux fins du calcul des taxes foncières locales. Parallèlement, protéger les travailleurs à faible revenu pour lesquels ces mesures auraient un impact négatif. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Recueillir systématiquement des informations sur la performance des actifs publics existants pour qu’il soit possible de classer les futurs projets d’infrastructure par ordre de priorité de manière transparente, en s’appuyant sur des données factuelles. |
Les autorités ont amélioré la collecte des données et ont pointé les lacunes en la matière dans le cadre de leur réexamen 2019 des dépenses publiques. |
De lourdes tensions budgétaires se profilent à l’horizon
Les coûts liés au vieillissement pèseront lourdement sur les finances publiques dans les prochaines années. Les évolutions observées actuellement laissent penser que l’augmentation des dépenses publiques de santé et de retraite devrait être l’une des plus fortes de l’OCDE et atteindre plus de 6 points de PIB à l’horizon 2060 (graphique 1.16, partie A). En l’absence de mesures de rééquilibrage, la dette publique devrait grimper à plus de 150 % du PIB (graphique 1.16, partie B). Le vieillissement devrait également faire baisser les recettes publiques puisqu’il aura pour effet de diminuer le nombre d’actifs sur le marché du travail formel dans un système fiscal fortement tributaire des prélèvements sur le travail. Des réformes structurelles favorisant des gains de croissance pourraient apporter une bouffée d’oxygène, mais cela ne suffira pas pour replacer la dette sur une trajectoire viable.
De même, les recettes de l’impôt sur les sociétés seront probablement appelées à diminuer. Les autorités admettent que les plus-values de recettes de l’impôt sur les sociétés, engrangées ces dernières années, risquent de ne pas se pérenniser, et que les nouvelles règles de la fiscalité internationale dans le domaine de l’économie numérique pourraient faire baisser encore les recettes de cet impôt (Government of Ireland, 2019a). L’incidence des modifications de la fiscalité internationale sur les recettes fiscales de l’Irlande dépendra fortement des règles précises qui seront adoptées.
La combinaison de facteurs tels qu’une dette publique encore élevée, un climat économique très incertain et de lourdes tensions à venir sur les dépenses et les recettes, exige de réformer en profondeur la politique budgétaire. Si des marges existent pour progresser encore dans l’efficience de la dépense publique, il faudra trouver de nouvelles pistes de recettes fiscales si l’on veut assurer la viabilité des finances publiques et éviter des coupes de grand ampleur dans les services publics. L’Irlande s’est avérée experte dans l’art de mettre en œuvre des réformes économiques essentielles qui ont bien été expliquées à l’opinion tout au long de la dernière crise économique, ce qui laisse espérer que de telles réformes de politique budgétaire sont réalisables.
Améliorer l’efficience de la dépense publique
Une population vieillissante signifie que le gouvernement consacrera une plus grande fraction de ses dépenses à la santé, aux services sociaux et aux pensions et retraites au cours des prochaines années. Si l’on ajoute à cela que les dépenses de santé et de protection sociale connaissent de forts dépassements de budget depuis quelque temps (graphique 1.14, partie B), une meilleure efficience de la dépense publique dans ces domaines devrait être une priorité.
Dans le secteur de la santé, l’augmentation récente des financements publics a été absorbée pour l’essentiel par le secteur hospitalier. Pour autant, aucune amélioration notable n’a été observée dans les résultats mesurés (Lawless, 2018), le nombre total de patients inscrits sur les listes d’attente des hôpitaux n’ayant pas diminué (Health Service Executive, 2019). Les dépenses de santé non budgétées ont été mises sur le compte de faiblesses à la fois dans les mécanismes de contrôle des dépenses et dans la planification budgétaire (Irish Fiscal Advisory Council, 2018). Plusieurs initiatives récentes ont cherché à améliorer l’efficience des dépenses hospitalières. Le financement à l’activité (en vertu duquel un budget est alloué à chaque hôpital en fonction du nombre de patients et de la complexité des cas) a remplacé les dotations globales de financement des soins dispensés à l’hôpital et en ambulatoire. L’administration de la santé (Health Service Executive, HSE) a également mis en place un cadre comptable pour ce secteur, qui a fait l’objet d’un examen en 2015. Toutefois, plusieurs des recommandations du rapport d’examen, y compris l’obligation faite aux hôpitaux de produire leurs propres plans de productivité, n’ont pas été suivies d’effet.
Le plan national de services (National Service Plan) constitue le principal instrument à la disposition du HSE pour planifier le budget de la santé. Ces plans sont assortis d’obligations inscrites dans la loi et doivent fixer le type et le volume des services de santé à fournir pour l’exercice à venir, compte tenu de l’enveloppe budgétaire allouée. Il reste que plusieurs de ces obligations n’ont pas été remplies ces dernières années (Connors, 2018). À l’avenir, chaque plan devrait : i) être élaboré conformément à l’enveloppe budgétaire décidée et publiée à la mi-décembre chaque année ; ii) fournir une estimation des effectifs du HSE au cours de la période et des services auxquels ils sont affectés ; iii) indiquer le type et le volume des services de santé et des services sociaux à la personne devant être fournis pendant la période couverte par le plan.
Dans le domaine de la protection sociale, les dépenses de retraite devraient augmenter d’environ 0.7 % de PIB au cours de la prochaine décennie et représenter la moitié de l’accroissement des dépenses publiques liées à l’évolution démographique. Le régime de retraite public en Irlande est un régime par répartition, ce qui signifie que les pensions versées sont financées par les impôts et par les cotisations sociales des actifs. La hausse prévue du taux de dépendance démographique des personnes âgées, qui devrait passer 20.5 % en 2016 (soit 4.9 actifs pour chaque personne âgée dépendante) à 44 % en 2051 (Parliamentary Budget Office, 2019), mettra alors en péril la pérennité du système. Pour aider à relever ce défi, l’âge d’éligibilité à la pension de base a été relevé à 66 ans en 2014 et passera à 67 ans en 2021 et 68 ans en 2027. Il devrait ensuite être indexé sur l’évolution de l’espérance de vie.
Actuellement, le montant de la pension de base est fixé de manière discrétionnaire, dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle. Ces modalités contrastent avec la pratique suivie dans de nombreux autres pays de l’OCDE, où la revalorisation de cette prestation est indexée sur l’évolution intérieure des salaires ou des prix. Depuis 2002, la pension de base a ainsi augmenté de 65%, suivant largement en cela les fluctuations du cycle économique, tandis que les prix à la consommation augmentaient dans le même temps de 20 % (graphique 1.17). Comparé à d’autres pays de l’OCDE, le montant de la pension de base paraît approprié actuellement en Irlande (OECD, 2017b). L’indexation future de cette prestation sur la hausse des prix à la consommation constituerait une pratique plus transparente qui, à en juger par l’expérience récente, devrait permettre de réaliser des économies budgétaires. De la même manière, la prime de Noël versée aux bénéficiaires de prestations sociales devrait être découplée des recettes réalisées afin d’améliorer la viabilité des finances publiques et d’éviter une politique budgétaire qui accentue les fluctuations du cycle économique. En outre, cette prime devrait être intégrée systématiquement au processus de planification budgétaire.
Augmenter les recettes publiques grâce à des sources de recettes fiscales propices à la croissance
En complément des réformes structurelles et d’une meilleure efficience de la dépense publique, il faudra vraisemblablement faire appel à de nouvelles sources de recettes pour placer la dette publique sur une trajectoire viable. Comparativement à d’autres pays de l’OCDE en Europe, la charge fiscale est faible aujourd’hui en Irlande (graphique 1.18). En première approche, il conviendrait d’élargir la base d’imposition précisément des prélèvements dont il est avéré qu’ils engendrent moins de distorsions sur l’activité économique, ou qu’ils dissuadent de mener des activités non souhaitables. Certains changements de politique fiscale peuvent avoir des incidences négatives sur la distribution des revenus et nécessiter des mesures compensatoires pour préserver la cohésion sociale.
La réintroduction du taux de TVA de 13.5 % (contre 9 % auparavant) applicable à la majorité des entreprises de l’hôtellerie et de la restauration, annoncée dans le document de budget pour 2019 (Budget 2019) (tableau 1.4), constitue un changement de politique fiscale récent qu’il convient de saluer. Les taxes sur la consommation engendrent moins de distorsions sur l’économie que certains autres prélèvements, notamment sur le revenu (Johansson et al., 2008), et la réduction du taux de TVA à 9 %, décidée pour les activités de l’hôtellerie et la restauration en 2011, n’a guère convaincu sur le plan économique. L’expérience menée dans d’autres pays européens, notamment en France, incite à penser que l’effet stimulant d’une telle mesure sur l’emploi est modeste (Benzarti and Carloni, 2017). Qui plus est, étant donné que bon nombre de transactions dans ce secteur sont, dans une proportion considérable, le fait de consommateurs aux revenus relativement élevés, la réintroduction du taux à 13.5 % ne devrait pas porter préjudice à la cohésion sociale.
Ainsi qu’il était souligné dans l’Étude économique 2018 de l’Irlande, il existe une marge pour élargir encore la base d’imposition et améliorer l’efficience du système fiscal en ramenant le nombre de taux de TVA de cinq à trois. L’une des modalités de cette réforme serait d’assujettir au taux de 5 % tous les produits imposés aujourd’hui au taux zéro. Étant donné que ce dernier est appliqué actuellement à de nombreux produits de première nécessité (à savoir, la majorité des produits alimentaires, les livres, les vêtements et chaussures pour enfants, les médicaments administrés par voie orale), un tel changement pourrait avoir des conséquences néfastes pour les ménages modestes. Aussi une partie des recettes collectées via cette réforme pourrait-elle être utilisée pour des transferts ciblés en faveur des plus modestes. Globalement, un train de réformes, qui viserait à simplifier le barème de la TVA tout en augmentant les transferts en faveur des ménages modestes, pourrait améliorer l’efficience du système de prélèvements et de transferts et permettre de lever des recettes publiques supplémentaires à hauteur d’environ 0.5 % de PIB (tableau 1.5).
En outre, l’Irlande compte relativement peu sur certaines autres sources de recettes fiscales d’un meilleur rendement, telles que les impôts périodiques sur la propriété immobilière (graphique 1.19). Les impôts de ce type engendrent moins de distorsions que les impôts sur le revenu car ils influent moins sur les décisions d’offre de main-d’œuvre, d’investissement dans le capital humain et dans d’autres actifs, de production et d’innovation (Johansson et al., 2008). Ainsi qu’il est mentionné dans l’Étude économique 2018 de l’Irlande, les recettes issues de l’impôt sur la propriété immobilière pourraient être augmentées en actualisant plus régulièrement la valeur vénale des biens. Depuis lors toutefois, les autorités ont repoussé à 2020 la réévaluation des biens qui servent d’assiette au calcul de cet impôt. Ce report fait suite à un premier, qui avait déjà repoussé cet exercice de réévaluation de 2016 à 2019. La plupart des biens immobiliers sont aujourd’hui assujettis à un impôt calculé sur leur valeur de 2013, ou n’y sont pas assujettis du tout (s’ils ont été construits depuis 2013). Toutefois, compte tenu de la hausse constante des prix de l’immobilier résidentiel, les ménages de certaines localités pourraient être confrontés à une augmentation vertigineuse de leur dette fiscale immobilière si la base de calcul était actualisée en fonction de la valeur vénale des biens en 2019. Dans un souci de stabilité de l’imposition immobilière locale et de protection des sources de recettes fiscales, un comité interministériel a proposé récemment diverses méthodes possibles de réévaluation.
À l’avenir, il sera primordial de réévaluer plus régulièrement les bases de calcul de la fiscalité immobilière locale. Ces prélèvements devraient continuer d’être calculés sur la base de valeurs retardées pour les prix des logements afin de réduire au minimum l’effet procyclique de cette source de recettes. Des réévaluations plus régulières aideraient également les autorités à minimiser les ajustements de grande ampleur et imprévus à opérer dans la dette fiscale immobilière des ménages. Compte tenu du fait qu’un taux d’imposition majoré est appliqué aujourd’hui aux biens immobiliers d’une valeur supérieure à 1 million EUR et que la région de Dublin (où les revenus sont relativement élevés) a enregistré la plus forte hausse des prix de l’immobilier depuis 2013, une réévaluation des biens ne devrait certainement pas aggraver les inégalités globales de revenu. Il conviendrait néanmoins de continuer de surveiller les conséquences préjudiciables que pourrait avoir l’évolution de la dette fiscale immobilière sur la distribution des revenus. Ainsi qu’il est précisé au chapitre 2, le gouvernement irlandais pourrait également envisager de remplacer certains impôts et taxes de son arsenal fiscal immobilier, tels que le droit de timbre, par un impôt foncier périodique, prélevé sur la valeur des terrains. Ce remplacement pourrait être sans incidence sur les recettes, mais il favoriserait une meilleure utilisation des sols tout en générant moins d’effets de distorsion sur les décisions d’investissement des ménages et des entreprises (Blöchliger, 2015).
De même, les taxes liées à l’environnement devraient être revues à la hausse pour réduire les dommages qu’occasionnent les ménages et les entreprises à l’environnement naturel. Au vu des politiques actuellement menées, l’Irlande n’atteindra pas ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre en 2020, ni à l’horizon 2030. La fiscalité environnementale reste peu élevée en proportion du PIB, comparée à la moyenne de l’OCDE, et moins de la moitié des émissions de CO2 d’origine énergétique sont taxées à plus de 30 EUR la tonne, soit la fourchette basse du coût climatique estimé (graphique 1.20). Le gouvernement irlandais s’est fermement engagé en faveur d’une économie décarbonée et a publié un plan d’action pour le climat. Il y est proposé de relever la taxe carbone de 20 EUR la tonne de CO2 à 80 EUR d’ici 2030. La première étape de ce processus a été décidée dans le cadre du budget 2020, qui porte à 26 EUR par tonne la taxe carbone prélevée sur l’essence et le gazole (son application aux autres combustibles ayant été repoussée à mai 2020, une fois terminée la saison de chauffe hivernale). Il conviendra d’agir sans relâche pour réaliser ce changement stratégique en relevant la taxe carbone chaque année, en vertu d’un calendrier bien expliqué aux ménages et aux entreprises.
Lorsque l’on conçoit un train de mesures qui vise une revalorisation constante de la taxe carbone, ses effets sur la distribution des revenus et sur la pauvreté doivent être examinés. Les résultats de simulations récentes donnent à penser qu’un relèvement de la taxe carbone à 30 EUR la tonne générerait un repli de 4 % des émissions (Tovar Reaños and Lynch, 2019). Toutefois, cette revalorisation se révèle régressive étant donné que les dépenses d’énergie constituent une fraction relativement importante des dépenses des ménages modestes. Selon ces simulations, ces effets sur la distribution pourraient être entièrement résorbés en recyclant une partie de l’augmentation des recettes de la taxe carbone sous forme de transferts ciblés en direction des ménages les plus modestes via le système de protection sociale. Pour autant, ces transferts devraient être soigneusement étudiés pour ne pas constituer une contre-incitation à travailler. Lorsqu’il a été décidé d’augmenter la taxe carbone dans le budget 2020, le ministre des Finances a recensé trois affectations différentes pour ces recettes : i) soutien aux familles modestes grâce à une augmentation de l’allocation de chauffage et mesures de rénovation énergétique en faveur des ménages exposés à un risque de précarité énergétique ; ii) mesures de rénovation énergétique et nouveaux programmes de transition pour la région des Midlands, qui a connu des destructions d’emplois dans le secteur des tourbières en partie à cause des engagements pris par les autorités pour diminuer l’utilisation de la tourbe comme combustible dans les centrales électriques ; iii) mesures visant à promouvoir des changements de comportement, notamment l’investissement dans des projets d’aménagement de pistes cyclables et dans des infrastructures pour véhicules électriques.
L’expérience récente de certains autres pays européens pourrait être utile car les autorités irlandaises examinent les moyens de compenser les effets régressifs des revalorisations à venir de la taxe carbone. Des simulations récentes en Allemagne indiquent que l’affectation des deux tiers de la taxe carbone prélevée sur les carburants et les combustibles de chauffage à des transferts forfaitaires (par unité de consommation) éviterait de dégrader la situation économique de larges catégories de ménages et permettrait à la majorité des familles ainsi qu’aux ménages modestes, dont la consommation énergétique par unité de consommation est relativement faible, de mieux s’en sortir (Bach et al., 2019). De même, il serait peut-être prudent de verser ces transferts avant l’entrée en vigueur de la taxe afin de rallier l’opinion publique au projet. La Colombie britannique, au Canada, fournit un bon exemple de réussite dans la mise en œuvre d’une taxe carbone, les recettes issues de cette taxe étant redistribuées aux ménages via une réforme fiscale. Au niveau fédéral, le Canada a eu également recours à des transferts forfaitaires par unité de consommation ainsi qu’à des transferts dont le montant est modulé en fonction du lieu de résidence du ménage. Des transferts de ce type pourraient aider à réduire les contraintes financières qui pèsent sur les ménages tributaires de l’automobile pour leurs déplacements. Ces versements pourraient être temporaires et n’influent pas nécessairement sur les mesures incitatives s’ils sont liés au lieu de résidence au moment où la taxe est déployée.
Parallèlement, d’autres aspects de la politique fiscale pourraient être réformés pour mieux dissuader la pratique d’activités dommageables pour l’environnement. Les recettes issues de ces ajustements fiscaux pourraient être utilisées pour entreprendre de nouveaux projets écologiques, alléger d’autres types de prélèvements ou réduire le poids de la dette publique à rembourser. Ainsi, les engrais chimiques sont assujettis aujourd’hui au taux zéro de la TVA en dépit des incidences néfastes de leur utilisation sur l’environnement, notamment la pollution des sols et des ressources en eau. Grâce à la réforme plus générale du régime de TVA préconisée plus haut, les engrais chimiques seraient in fine changés de catégorie pour être assujettis, au minimum, au taux normal.
Par ailleurs, de nouvelles mesures devraient être prises pour réduire la congestion du réseau routier. Selon l’indicateur de trafic Tom Tom, Dublin était la troisième ville de l’OCDE la plus encombrée en 2018, derrière Istanbul et Mexico. Dans ce domaine, les autorités devraient envisager de mettre en place des péages de décongestion, qui dissuaderaient d’utiliser la voiture aux heures de pointe et inciteraient à prendre plus souvent les transports publics. Cependant, avant de mettre en place une telle politique des transports, il convient de veiller à ce que d’autres modes de déplacement appropriés soient proposés pour pouvoir gérer le renoncement à la voiture. Dans le cadre du Plan de développement national 2018-2027, le gouvernement a donné la priorité à de nouvelles infrastructures ferroviaires (notamment au projet de métro MetroLink et à l’extension du réseau suburbain DART à Dublin), à l’amélioration des réseaux de bus dans les villes d’Irlande et au développement des pistes cyclables et des voies piétonnes. Parallèlement, il conviendrait de promouvoir activement de nouveaux modes de mobilité partagée (International Transport Forum, 2018 ; Chapter 2). Outre les péages de décongestion, il faudrait peut-être envisager d’instaurer à l’avenir une tarification kilométrique des véhicules afin de compenser le manque à gagner sur les recettes publiques au fur et à mesure de l’électrification du parc automobile, non soumis au prélèvement de droits d’accise sur les carburants.
Encadré 1.1. Quantification de l’impact de certaines recommandations de réforme
Tableau 1.5. Illustration de l’impact de certaines recommandations de réforme sur le budget
Économies (+) et coûts (-) budgétaires
% du PIB |
% du RNB* |
|
---|---|---|
Dépenses |
||
Améliorer l’efficience de la dépense publique dans le secteur de la santé |
0.8 |
1.3 |
Augmenter les dépenses de santé |
-0.9 |
-1.4 |
Augmenter les dépenses affectées aux programmes actifs du marché du travail |
-0.6 |
-1.1 |
Total - Dépenses |
-0.7 |
-1.2 |
Recettes |
||
Élargir et simplifier la base de calcul de la TVA |
0.5 |
0.7 |
Augmenter les impôts périodiques sur la propriété immobilière |
0.9 |
1.5 |
Total – Réformes fiscales |
1.4 |
2.2 |
Total net des économies (+) ou des coûts (-) pour le budget |
0.7 |
1.0 |
Note : Concernant une meilleure efficience des dépenses de santé, l’hypothèse retenue dans le scénario est que les dépenses de santé par habitant, au titre des programmes de santé publique, convergent vers le niveau moyen de l’OCDE, 2018 étant l’année de référence retenue. L’augmentation des dépenses de santé est calculée sur la base du coût périodique estimé pour le déploiement du plan national de réforme de la santé et des services sociaux (Sláintecare) (Committee on the Future of Healthcare, 2017). L’augmentation des dépenses affectées aux programmes actifs du marché du travail est calculée selon le scénario d’une convergence à la fois des dépenses par bénéficiaire et du taux de participation à ces programmes en pourcentage de la population active vers la moyenne de la moitié supérieure des pays de l’OCDE. L’hypothèse retenue dans ce scénario est que certaines économies sont générées, pour compenser, en simplifiant simultanément les mesures passives du marché du travail. Quant à la réforme de la TVA analysée à titre d’illustration, elle impliquerait d’assujettir tous les produits à l’un des trois taux de 5 %, 15 % et 25 %, les recettes issues du changement de catégorie des produits imposés aujourd’hui au taux zéro pour les taxer à 5 % étant intégralement affectées à des transferts directs aux ménages modestes. Les estimations de recettes pour la réforme de la TVA sont empruntées au ministère des Finances (Department of Finance, 2019f). Enfin, le surplus de recettes perçues sur la fiscalité immobilière est calculé à partir de l’hypothèse d’une augmentation de la part des impôts périodiques sur la propriété immobilière dans l’imposition totale pour la porter à la moyenne mesurée dans le premier quartile de distribution des pays de l’OCDE.
Tableau 1.6. Illustration de l’impact des réformes structurelles sur le PIB par habitant
Écart du PIB par habitant par rapport au niveau de référence, 10 ans après la mise en œuvre des réformes, en %
Réforme |
Description |
% |
---|---|---|
Réduire encore les obstacles dans la réglementation des marchés de produits |
Les réformes, qui visent à réduire les obstacles à l’entrée sur le marché des services juridiques et à simplifier encore les obligations à remplir en matière d’autorisations ainsi que les procédures administratives, sont réalisées sur cinq ans. Le scénario retenu consiste à amener la réglementation des marchés de produits en Irlande au niveau de l’indicateur moyen du quartile de pays dont le cadre réglementaire est le plus ouvert à la concurrence. |
1.4 |
Nouveaux programmes de formation |
Les niveaux d’instruction s’améliorent progressivement de 5 % en dix ans. L’hypothèse retenue est que l’Irlande, classée au 22e rang de l’OCDE (d’après l’indicateur de capital humain du Wittgenstein Centre for Demography and Global Human Capital), se hisse au 18e rang en 2030. |
1.3 |
Mesures visant à mieux faire appliquer le nouveau droit pénal |
Améliorer l’application des règles de droit en Irlande en cinq ans de manière à ce qu’elles correspondent à l’indice moyen du premier quartile des pays de l’OCDE à l’indice de l’État de droit de la Banque mondiale (World Bank Rule of Law Index). |
1.6 |
Total |
4.3 |
Source : Simulations établies à partir du modèle à long terme du Département des affaires économiques de l’OCDE.
Enjeux à moyen terme pour l’action publique
À l’avenir, les pressions démographiques pourraient accentuer les contraintes de capacité (graphique 1.21). On estime en effet que, d’ici à 2050, la population augmentera d’un quart en Irlande, tandis que le taux de dépendance des personnes âgées va plus que doubler.
Pour relever ce défi, l’évolution enregistrée sur le front de l’offre devra se poursuivre. Le taux d’activité a diminué ces dix dernières années sous l’effet du vieillissement de la population (graphique 1.22, partie A). Il sera essentiel de soutenir ceux qui souhaitent travailler au cours des années à venir, dans l’objectif à la fois de ne laisser personne de côté et de renforcer la compétitivité de l’économie irlandaise. Pour ce faire, il conviendra de mettre en place un système de santé favorable à la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à un âge plus avancé.
L’efficience des processus de production devra être renforcée. L'Étude économique de l'Irlande menée en 2018 par l'OCDE mettait l’accent sur les problèmes provoqués, sur le front de l’offre, par la croissance atone de la productivité des entreprises locales (graphique 1.22, partie B). L’écart de productivité important entre les entreprises à capitaux étrangers et les sociétés irlandaises contribue aux fortes inégalités de revenu marchand observées en Irlande (graphique 1.1, plus haut), ce qui signifie que les gains de productivité obtenus dans les entreprises locales devraient aussi favoriser une plus grande inclusivité. Pour soutenir la productivité, le gouvernement peut aussi agir en veillant à ce que les mécanismes institutionnels empêchent la délinquance économique, et la sanctionnent. Parallèlement, une utilisation plus efficiente des ressources naturelles sera nécessaire compte tenu de l’expansion économique et démographique du pays, particulièrement au vu du risque croissant de conséquences graves et irréversibles liées au changement climatique.
Une meilleure utilisation de la main-d’œuvre pourrait contribuer à réduire les contraintes de capacité
Selon l’objectif défini dans Future Jobs Ireland, la stratégie de développement économique à moyen terme lancée par le gouvernement, le taux d’activité des 25-69 ans devra passer de 74.8 % en 2018 à 78 % d’ici à 2025 (Department of Business, Enterprise and Innovation, 2019). Pour y parvenir, il sera nécessaire de relever considérablement le taux d’activité de certaines cohortes, notamment des femmes et des travailleurs plus âgés. Par exemple, dans le scénario présenté au graphique 1.23 (« hausse du taux d’activité »), le taux d’activité s’inscrirait sur une trajectoire permettant d’atteindre l’objectif fixé par le gouvernement à l’horizon 2025. Aux termes de ce scénario, l’écart de taux d’activité entre les hommes et les femmes âgés de 25 à 64 ans (qui s’élève à 13.6 % aujourd’hui) devrait être comblé d’ici à 2040, tandis que le taux d’activité des 65-69 ans devrait passer de 23.3 % actuellement à 55.3 % d’ici à 2050.
Réduire le sous-emploi de la main-d’œuvre et le nombre de chômeurs de longue durée
Comme indiqué dans la nouvelle Stratégie pour l’emploi de l'OCDE, le taux de sous-utilisation de la main-d’œuvre en Irlande, qui couvre aussi les inactifs, est plus élevé que la moyenne de l'OCDE (graphique 1.24 ; OECD, 2018b). Cela s’explique par le sous-emploi des jeunes et d’autres catégories de population, comme les femmes ayant des enfants, les travailleurs seniors et les handicapés. L’une des priorités des pouvoirs publics consiste à augmenter l’offre d’emplois de qualité, de sorte à rendre le marché du travail plus inclusif. Pour favoriser la création d’emplois de qualité, il conviendra d’engager des réformes sur les marchés de produits en vue de réduire les barrières à l’entrée pour les nouvelles entreprises, de favoriser le développement des entreprises performantes et d’encourager la sortie ordonnée de celles qui ne sont pas viables (voir chapitre 2).
Si le taux d’activité des hommes est conforme aux moyennes constatées à l’échelle de l'OCDE et de l’UE, celui des femmes est inférieur à la moyenne de l’UE pour la tranche d’âge des 40-59 ans (graphique 1.25, parties A et B). En Irlande, les obligations familiales incombent le plus souvent aux femmes : l’écart entre hommes et femmes en termes d’heures de travail non rémunérées y est en effet l’un des plus élevés d’Europe (Russell et al., 2019). Le taux d’activité des jeunes femmes a augmenté sous l’effet de la hausse des dépenses publiques allouées aux prestations familiales, qui sont passées de 2.3 % du revenu national brut ajusté en 2000 à 3.6 % en 2015, mais les cohortes de femmes actuellement âgées de 40 à 59 ans affichaient des taux d’activité inférieurs lorsqu’elles avaient 35 à 39 ans. Les femmes de ces tranches d’âge sont en outre plus nombreuses à s’occuper de proches dépendants que les hommes ou que les femmes plus jeunes (Russell et al., 2019).
Afin de réduire les obstacles auxquels se heurtent les cohortes aux faibles taux d’activité et d’emploi, et notamment les femmes d’âge moyen, pour accéder à des emplois de qualité, il faut investir massivement dans la formation professionnelle. « Women ReBOOT », une initiative pilotée par des entreprises et co-financée par Skillnet Ireland, l’organisme irlandais en charge de la formation des adultes, aide les femmes inactives à réintégrer le secteur des technologies après une interruption professionnelle grâce à des services d’accompagnement, de placement et de développement des compétences. Ce programme obtient un taux de retour à l’emploi élevé, à 85 %, mais depuis 2017, seules un peu plus de 100 femmes peuvent y participer (Government of Ireland, 2019b). Les pouvoirs publics devraient étudier la possibilité de développer ce programme au vu des résultats positifs obtenus sur le front de l’emploi.
Les responsables de l’action publique devraient également s’efforcer d’éliminer tous les obstacles auxquels se heurtent les femmes désireuses de travailler davantage : plus de 30 % des femmes travaillent en effet moins de 30 heures par semaine, soit une proportion beaucoup plus importante que les hommes (graphique 1.26, partie B). Ces dernières années, le gouvernement a mis en place des aides financières pour les ménages où les deux parents travaillent, assorties d’autres mesures telles qu’un relèvement du seuil de revenu à partir duquel les prestations sociales sont supprimées (tableau 1.7). Le renforcement des capacités des structures de soins de longue durée aidera aussi les femmes qui s’occupent, sans être rémunérées, de membres de leur famille dépendants si elles souhaitent accroître leur temps de travail rémunéré.
Tableau 1.7. Recommandations antérieures visant à améliorer l’utilisation de la main-d’œuvre
Recommandations de l'Étude précédente |
Mesures prises depuis 2018 |
---|---|
Pour adapter le programme Pathways to Work à l’évolution structurelle de l’économie irlandaise, procéder régulièrement à un examen et à une évaluation du modèle utilisé pour le profilage. Étendre ce modèle pour y inclure les personnes les plus en marge du marché du travail. |
Aucune mesure particulière n’a été prise. |
Pour répondre à la demande de compétences spécialisées, concentrer les efforts de formation sur les programmes qui permettent d’acquérir des compétences de haut niveau, comme Momentum, Springboard ou ICT Skills. Les passerelles entre les différents niveaux d’enseignement devraient être renforcées. |
Springboard+ 2018 a été lancé en mai 2018, avec un début des cours à l’automne 2018. Ce programme propose des cours d’enseignement supérieur gratuits et financés à hauteur de 90 %, à temps plein et à temps partiel, dans des domaines où des besoins en compétences ont été identifiés. Jusqu’à présent, les cours dispensés portaient sur les domaines des TIC, de l’industrie manufacturière (y compris le secteur biopharmaceutique), de la construction, de l’entrepreneuriat, des compétences inter-entreprises, de l’hôtellerie et des services financiers internationaux. L’initiative Springboard+ englobe le programme de reconversion dans les technologies de l'information et de la communication. |
Pour répondre à la demande de travailleurs qualifiés dans les secteurs émergents, étendre l’apprentissage au-delà des métiers de l’artisanat et de l’industrie en mobilisant les PME, adapter les programmes de l’enseignement professionnel aux profils des chômeurs et aux besoins des employeurs et renforcer le volet consacré à l’expérience en entreprise. |
Avec les 20 nouveaux programmes pilotés par des consortiums, dans divers domaines comme les TIC, le secteur biopharmaceutique ou la logistique, le total des programmes d’apprentissage disponibles s’élève désormais à 45. |
Pour limiter l’inadéquation entre l’offre et la demande de compétences, mieux adapter le contenu des programmes d’enseignement et de formation aux compétences requises dans les secteurs en expansion. |
Pour être approuvés, les cours proposés dans le cadre de Springboard+ 2018 doivent répondre à un besoin en compétences actuel ou futur. Un appel à propositions de cours pour Springboard+ 2019 a été lancé en janvier 2019, avec un accent plus particulier mis sur les programmes visant à renforcer les compétences numériques, les compétences transversales, et les compétences en gestion et en management. |
Renforcer les compétences des chômeurs de longue durée en améliorant à la fois la quantité et la qualité des formations dispensées par le biais des services publics de l'emploi ou de prestataires privés. |
En octobre 2018 a été lancé le nouveau programme Youth Employment Support Scheme d’expérience en entreprise, spécialement ciblé sur les jeunes demandeurs d’emploi qui sont en situation de chômage de longue durée ou qui rencontrent d’importantes difficultés pour trouver un emploi. |
Faire respecter pleinement les obligations des chômeurs et améliorer le cadre d'application des règles à cet égard, en définissant plus objectivement, du point de vue du salaire et du type de contrat, l'offre d'emploi raisonnable que le bénéficiaire de prestations doit accepter. |
Aucune mesure particulière n’a été prise. |
Revoir les programmes destinés aux chômeurs de longue durée et veiller à déployer complètement le nouveau système d’information pour les programmes de formation. |
Un examen du service JobPath est en cours. |
Faire en sorte que toutes les prestations sociales soient accordées sous condition de ressources, et non de statut d’emploi, et les retirer de manière plus progressive à mesure que les revenus augmentent. |
Aucune mesure particulière n’a été prise. |
Accroître la part des financements consacrés à la formation pour les personnes pourvues d’un emploi et les aides financières aux travailleurs inscrits dans un cursus universitaire de troisième cycle. |
Springboard+ a été étendu en 2018 afin d’ouvrir les cours à tous, indépendamment de la situation au regard de l’emploi. Ces cours sont soit gratuits, soit très fortement subventionnés pour les participants qui occupent un emploi. En 2018, 3 millions EUR supplémentaires ont été alloués à Springboard+, ce qui a permis d’ouvrir plus de 1 600 places supplémentaires en 2018. |
Après 10 années de hausse des dépenses publiques qui ont permis de ramener les allocations de garde d'enfants à un niveau comparable à celui constaté dans d’autres pays de l'OCDE, les coûts nets de garde des enfants demeurent toutefois largement supérieurs en raison de l’augmentation correspondante des frais facturés par les prestataires (tableau 1.8). Une étude empirique récente fait ressortir une corrélation négative entre les coûts des services de garde d'enfants et l’emploi des Irlandaises : une hausse de 10 % des coûts de garde d’enfants entraîne une diminution d’une demi-heure du travail rémunéré par semaine pour les mères de famille (Russel, et al., 2018). En 2016, le taux d'inscription dans les structures d'éducation et d’accueil des jeunes enfants s’élevait à 16.6 % pour les enfants de 0 à 2 ans et à 77.2 % pour les 3-5 ans, ce qui est bien en-deçà des moyennes de l'OCDE (33.2 % et 86.3 % respectivement). En octobre 2019, le gouvernement a lancé le nouveau dispositif Affordable Childcare Scheme, qui a considérablement revu à la hausse le plafond de revenu net annuel permettant de bénéficier des prestations, de 47 000 à 60 000 EUR, ainsi que les prestations versées aux ménages pouvant y prétendre. Ce nouveau programme devrait s’accompagner de mesures visant à réglementer les frais facturés par les prestataires et à enrichir l’offre de services d’accueil des jeunes enfants.
Tableau 1.8. Les coûts nets de garde des enfants restent élevés en Irlande
En pourcentage du revenu net d’un ménage type avec deux enfants
|
Irlande |
OCDE |
||
---|---|---|---|---|
|
2008 |
2018 |
2008 |
2018 |
Ménage monoparental percevant le salaire minimum |
||||
Coût brut de la garde d’enfants |
75.9 |
82.1 |
56.3 |
45.1 |
Allocations de garde d’enfants1 |
7.6 |
34.8 |
39.5 |
31.4 |
Coût net de la garde d’enfants |
68.3 |
47.3 |
16.8 |
13.8 |
Couple percevant un salaire moyen2 |
||||
Coût brut de la garde d’enfants |
25.0 |
30.1 |
20.4 |
18.8 |
Allocations de garde d’enfants 1 |
2.5 |
8.4 |
6.1 |
6.1 |
Coût net de la garde d’enfants |
22.5 |
21.6 |
14.3 |
12.7 |
1. Comprend l’allègement fiscal et les allocations de logement.
2. Le premier adulte et son conjoint perçoivent un salaire correspondant au salaire moyen.
Source : OCDE, Modèles impôts-prestations.
Parmi les cohortes, on constate une chute brutale du taux d’activité entre 55-59 ans et 60-64 ans, pour les hommes comme pour les femmes (graphique 1.25, parties A et B). On observe le même schéma dans d’autres pays de l'OCDE, mais le taux d’activité des 65-69 ans en Irlande est inférieur à la moyenne de l'OCDE, en dépit de l’allongement de l’espérance de vie. L'âge effectif de départ à la retraite des hommes correspond actuellement à l’âge d’ouverture des droits à la pension du régime public, à savoir 66 ans, alors que celui des femmes, à 64.2 ans, est inférieur. Il est essentiel que les travailleurs seniors travaillent plus longtemps pour assurer la sécurité de leurs revenus, étant donné que l'âge d'ouverture des droits à pension devrait passer à 67 ans en 2021, puis à 68 ans en 2028. La promotion de l’emploi des seniors a aussi des implications macroéconomiques importantes (voir ci-dessus). Étant donné que les compétences et les capacités physiques peuvent s’amenuiser avec l’âge, il est nécessaire, pour permettre à tous de travailler plus longtemps, d’offrir la possibilité de se former tout au long de la vie, et de proposer des modalités de travail plus flexibles.
Si l’on s’attache plus particulièrement aux demandeurs d’emploi, on constate que le taux de chômage global a diminué pour rejoindre son niveau d’avant la crise, même si les résultats varient en fonction de la cohorte considérée. Le taux de chômage des hommes jeunes reste élevé, alors qu’il est bas pour les femmes par comparaison avec les autres pays de l’UE, et ce quel que soit l’âge (graphique 1.25, parties C et D). Cela tient principalement au fait que l’emploi des hommes jeunes se concentre dans les secteurs les plus durement touchés par la crise, comme la construction.
Le niveau élevé du chômage de longue durée demeure une source d’inquiétude, étant donné que de longues périodes de chômage peuvent nuire aux compétences des travailleurs et compliquer leur retour à l’emploi. Même si la proportion de personnes au chômage depuis un an ou plus a diminué pour s’établir à 40.8 % en 2018, elle reste largement supérieure à la moyenne de l'OCDE et à la proportion de chômeurs de longue durée observée avant la crise (graphique 1.28, partie A). Par ailleurs, la part des personnes au chômage depuis quatre ans ou plus parmi les chômeurs de longue durée a augmenté de 23.8 % à 43.8 % entre 2012 et 2016 (Bergin and Kelly, 2018). Si la part du chômage de longue durée est restée orientée à la baisse en 2019 pour venir s’inscrire à un niveau proche de celui d’avant la crise, les programmes du marché du travail devraient garder pour priorité de réduire la proportion de chômeurs de longue durée.
Par comparaison avec la moyenne de l'OCDE, les programmes du marché du travail en Irlande sont davantage axés sur le maintien du revenu en l’absence d’emploi (graphique 1.28, partie B). Ils empêchent ainsi les chômeurs de basculer dans la pauvreté, mais les prestations doivent être conçues de sorte à ne pas les dissuader d’accepter un emploi (OECD, 2018b). Les paramètres de l’action publique pourraient être modifiés afin d’encourager le retour à l’emploi rapide des chômeurs, en mettant davantage l’accent sur les incitations à l’emploi et les dépenses allouées aux programmes de formation, qui sont inférieures à la moyenne de l'OCDE par participant (voir chapitre 2). En 2012, le service public de l’emploi (SPE) a lancé un service de guichet unique baptisé Intreo, qui adapte toutes les aides à l'emploi et au revenu en fonction de la situation de chaque chômeur. Une évaluation du modèle d’Intreo à l’issue de ses premières années de fonctionnement n’a pas montré d’impact substantiel de la réforme sur la probabilité qu’un chômeur participe à un programme d’enseignement, de formation ou d’aide au retour à l’emploi (Kelly et al., 2019). Elle soulignait le fait qu’Intreo visait principalement à rationaliser les mesures d’activation plutôt qu’à adapter les programmes fournis. Un examen continu de l’efficacité de la stratégie d’activation s’impose donc à terme compte tenu de l’évolution des caractéristiques des demandeurs d’emploi, ce qui devrait probablement nécessiter d’engager des efforts supplémentaires de collecte de données (Lavelle and Callaghan, 2018 ; chapitre 2). Les mesures d’activation devraient aussi viser à renforcer les compétences professionnelles des travailleurs handicapés : en effet, en 2011, 30 % seulement des travailleurs handicapés occupaient un emploi, ce qui représente un écart de 31 points de pourcentage avec les travailleurs ne souffrant pas de handicap, le quatrième plus important de l’UE (Watson et al., 2017).
Le système de formation des adultes a un rôle clé à jouer face aux changements technologiques et démographiques
Le marché du travail irlandais a fait preuve de flexibilité face aux mutations structurelles et aux chocs économiques. Cette souplesse a été très utile à l’Irlande, à mesure qu’elle s’intégrait plus profondément dans l’économie mondiale et que les entreprises irlandaises avaient de plus en plus recours aux nouvelles technologies (chapitre 2). La productivité du travail est en hausse, surtout au sein des multinationales, même si cela tient essentiellement à l'augmentation de l'intensité capitalistique plutôt qu’à des gains d’efficience.
À l’avenir, l’accélération des progrès technologiques pourra faciliter la création de nouveaux produits et ouvrir de nouveaux marchés pour de nouveaux types d’équipements et de compétences. La diffusion à grande échelle des technologies propres à doper la productivité débouchera sur une baisse des prix de détail, avec à la clé une hausse de la demande globale. De nombreux nouveaux emplois pourraient ainsi être créés. Néanmoins, ces progrès pourraient aussi s’accompagner d’une obsolescence accélérée des compétences de certains travailleurs, qui se trouveraient ainsi piégés dans des emplois de qualité médiocre ou au chômage. À ce problème s’ajoute celui du vieillissement de la population, qui pourrait conduire à la mise à l’écart d’un grand nombre de travailleurs plus âgés en l’absence de programmes de reconversion bien pensés. Pour tirer le meilleur avantage des évolutions technologiques et démographiques, il est capital de renforcer encore la capacité d’adaptation du marché du travail en offrant à chacun des possibilités de développer, entretenir et améliorer ses compétences au moyen de programmes de formation dispensés tout au long de la vie.
La montée en compétences ou la reconversion des travailleurs constituent aujourd’hui un véritable défi. En dépit de l’accélération de la hausse du niveau d’études, les mesures des compétences des adultes en Irlande sont inférieures à la moyenne de l'OCDE. En 2017, la proportion de la population âgée de 55 à 64 ans diplômée de l’université ou de l’enseignement supérieur était proche de la moyenne de l'OCDE, alors qu’elle était largement supérieure pour les 25‑34 ans, à 53.5 % contre 44.1 % (graphique 1.29, partie A). Cependant, les compétences en littératie des Irlandais adultes restent proches de la moyenne de l'OCDE, tandis que leurs compétences en numératie et en résolution de problèmes sont sensiblement inférieures à la moyenne pour toutes les cohortes d’âge (graphique 1.29, parties B, C et D).
La croissance atone de l’offre de main-d’œuvre a entraîné des pénuries de compétences. En 2016, 29.5 % des emplois étaient occupés par des travailleurs sous-qualifiés, soit la proportion la plus élevée de la zone OCDE, tandis que 14.6 % étaient occupés par des travailleurs surqualifiés, contre 16.8 % en moyenne dans la zone OCDE (graphique 1.30). Selon une enquête réalisée dernièrement auprès des entreprises, 76 % des entreprises irlandaises invoquent le manque de personnel doté des compétences requises comme l’un des obstacles majeurs à l’investissement, juste derrière les incertitudes quant à l’avenir, citées par 79 % d’entre elles (European Investment Bank, 2019). Étant donné que les compétences déclinent avec l’âge, il est essentiel de mettre en place un système efficace de formation des adultes pour permettre à chacun d’actualiser en permanence ses compétences, de sorte à ne pas perdre son emploi ou à en trouver un nouveau (voir le chapitre 2). Les mécanismes de financement des programmes revêtent une importance particulière pour la formation des adultes en Irlande : les dépenses publiques allouées à la formation par participant, l’investissement des entreprises dans la formation non formelle en proportion de la valeur ajoutée brute, et l’offre de formations parrainées par les employeurs sont actuellement en deçà de la moyenne de l'OCDE. Les cotisations versées par les entreprises au fonds national pour la formation devraient être accompagnées d’un mécanisme de remboursement des dépenses permettant aux entreprises de récupérer les coûts de formation dont elles s’acquittent. Par ailleurs, les pouvoirs publics devraient optimiser la panoplie d’incitations financières à l’acquisition de nouvelles compétences, en envisageant différentes mesures comme i) un accent plus prononcé mis sur la formation dans le cadre des politiques actives du marché du travail, ii) la mise en place d’un congé de formation rémunéré et iii) l’offre de prêts à conditions préférentielles pour les personnes désireuses de suivre une formation.
Face au vieillissement démographique, un système de santé performant est plus que jamais nécessaire
L’amélioration des résultats en matière de santé représente un coût élevé, et la satisfaction des patients est faible
En Irlande, l’espérance de vie a augmenté plus rapidement que la moyenne des pays de l'OCDE, pour la dépasser aujourd’hui. Cela est évidemment positif pour la population irlandaise. Pour veiller à ce que ces années de vie supplémentaires soient vécues dans un état de santé aussi bon que possible, l’amélioration du fonctionnement et de la viabilité financière des systèmes de santé et de soins de longue durée doit rester une priorité de l’action publique, d’autant qu’elle favorisera une hausse du taux d’activité et du niveau de vie au cours des années à venir.
En 2017, 83.2 % des Irlandais adultes se déclaraient en « bonne » ou en « très bonne santé », soit le 5e rang des pays de l'OCDE. Toutefois, les résultats relativement bons obtenus sur le plan de la santé sont associés à un coût financier supérieur à celui observé dans de nombreux autres pays de l'OCDE. En 2018, les dépenses de santé par habitant s’élevaient à 4 915 USD, contre une moyenne de 3 992 USD dans la zone OCDE, alors que la population de l’Irlande est comparativement jeune. En l’absence de couverture universelle pour les soins primaires et compte tenu des liens étroits entre les systèmes de soins publics et privés, les dépenses privées jouent un rôle déterminant dans le financement du système de santé. En dépit de dépenses de santé par habitant élevées, les consultations médicales et les hospitalisations sont moins fréquentes qu’en moyenne dans l'OCDE. S’il tient en partie à l’état de santé de la population et aux lacunes dans la couverture de santé, ce phénomène témoigne aussi de contraintes de capacité : le nombre de médecins et de lits d’hôpital par habitant est inférieur à la moyenne de l'OCDE, tandis que les établissements hospitaliers fonctionnent presque au maximum de leur capacité (tableau 1.9). Ces contraintes se traduisent également par de longs délais d'attente pour les actes médicaux, ce qui pèse sur la satisfaction des patients (graphique 1.31).
Tableau 1.9. Les services de santé sont confrontés à de fortes contraintes de capacité
En 2018 ou dernière année pour laquelle des données sont disponibles
|
Total des dépenses de santé par habitant1 |
Part des dépenses privées 2,3 |
Nombre de consultations de médecins par habitant et par an |
Durée moyenne d’hospitalisation |
Taux d’occupation des services hospitaliers de soins curatifs3 |
Nombre de médecins en exercice5 |
Personnel infirmier professionnellement actif5 |
Nombre de lits d’hôpital |
Nombre de lits dans les établissements de soins de longue durée6 |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Irlande |
4 915.5 |
25.8 |
5.8 |
6.1 |
94.9 |
3.1 |
12.2 |
3.0 |
46.7 |
Moyenne de l'OCDE |
3 994.1 |
26.1 |
6.8 |
7.7 |
75.2 |
3.5 |
8.8 |
4.7 |
47.2 |
Valeur nationale maximale |
10 586.1 |
48.5 |
16.6 |
18.5 |
94.9 |
6.1 |
17.7 |
13.1 |
81.9 |
Valeur nationale minimale |
1 138.0 |
14.5 |
2.8 |
3.7 |
61.6 |
1.9 |
2.1 |
1.4 |
1.8 |
1. En dollars des États-Unis, à PPA courantes.
2. Somme des régimes d’assurance santé facultatifs et du reste à charge des ménages.
3. En pourcentage.
4. En nombre de jours.
5. Pour 1000 habitants. Les données de l’Irlande englobent aussi les personnels infirmiers exerçant dans le secteur de la santé en tant que cadres, enseignants, chercheurs, etc..
6. Pour 1000 habitants âgés de 65 ans et plus.
Source : OCDE, Statistiques de l'OCDE sur la santé (base de données) 2019.
Il est primordial, pour renforcer l’efficience du système de santé, d’assurer l’accès universel à un éventail complet de soins
L’Irlande est le seul pays d’Europe de l’ouest qui n’assure pas de couverture universelle pour les soins de santé primaires. Les résidents ayant de faibles revenus et ceux qui souffrent de certaines pathologies bénéficient d’une carte (Medical Card) qui leur permet d’accéder gratuitement aux soins primaires, aux services hospitaliers et aux médicaments, sous réserve d’une participation limitée aux coûts. D’autres catégories de population (10 % de la population totale) bénéficient d’une carte (GP Visit Card) qui couvre les frais de consultation des généralistes, mais pas les coûts des médicaments ni les frais hospitaliers. Toutefois, plus de la moitié de la population paie elle-même la consultation d’un médecin généraliste (OECD et European Observatory on Health Systems and Policies, 2019). En l’absence de couverture maladie universelle du régime public, la proportion de la population couverte par une assurance maladie privée est importante (45 % en 2017) ; les patients qui en bénéficient peuvent échapper aux longues listes d'attente du système public et accéder ainsi plus rapidement aux soins hospitaliers et aux diagnostics (OECD et European Observatory on Health Systems and Policies, 2019). Les consultants médicaux sont incités à donner la priorité aux patients couverts par une assurance maladie privée, étant donné qu’ils sont souvent rémunérés à l’acte dans ce cas, alors qu’ils sont rémunérés sous forme de salaire pour la prise en charge des patients du régime public. Dans le cadre du système actuel, les frais de santé peuvent donc atteindre des niveaux prohibitifs pour une catégorie de la population dont les revenus sont inférieurs à la moyenne, mais qui ne peuvent prétendre aux services gratuits. La priorité donnée, au sein du système, aux patients couverts par une assurance privée pose d’importants problèmes d’équité.
L’accès limité aux soins primaires peut entraîner des difficultés dans la prise en charge des maladies, avec à la clé des coûts de traitement en hausse et un encombrement des établissements hospitaliers. En effet, de nombreuses hospitalisations pourraient être évitées en Irlande : les taux d'admission à l'hôpital sont élevés pour l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive, des pathologies qui pourraient être traitées efficacement dans les structures de soins primaires. En 2015, le taux d’admission à l’hôpital pour ces maladies chroniques s’élevait à 329 pour 10 000 habitants, soit l’un des plus élevés de l'OCDE et le 2e plus élevé de l’UE. Le contrat lancé en 2019 avec les généralistes (GP Contract) vise à remédier à ce problème, puisqu’il inclut des dispositions relatives à la prise en charge des maladies chroniques dans le cadre des soins primaires. Toutefois, l’infrastructure de soins primaires reste insuffisamment développée.
Face à ces défis, le rapport Sláintecare publié par une commission parlementaire multipartite en 2017 a défini une feuille de route à suivre pour mettre en place, au cours des dix prochaines années, un système de santé et de protection sociale universel et centré sur le patient. Ce rapport contenait plusieurs recommandations clés, notamment : i) une augmentation sensible des capacités en matière de soins de proximité et hospitaliers ; ii) l’accès universel à un éventail complet de services de santé gratuits ou à coût réduit ; et iii) l’élimination progressive des soins privés dispensés dans les hôpitaux publics. L’objectif : réorienter les soins de l’hôpital vers les services de soins de proximité et de soins primaires, tout en étudiant la possibilité de garantir des délais d’attente inférieurs à 12 semaines pour une hospitalisation, 10 semaines pour des soins en ambulatoire et 10 jours pour un test de diagnostic. La hausse durable des dépenses publiques nécessaires pour mettre en œuvre les réformes a été estimée à 2.8 milliards EUR sur dix ans ; elle serait couverte par une caisse d’assurance maladie nationale unique financée par les recettes fiscales générales, avec affectation de fonds spéciaux. Outre ces dépenses publiques supplémentaires, le rapport Sláintecare préconisait de consacrer 3 milliards EUR au développement des infrastructures de santé, à la généralisation des services numériques dans la santé et au renforcement des capacités de formation des professionnels de santé.
Le gouvernement a ensuite lancé en 2018 une stratégie baptisée Sláintecare Implementation Strategy, caractérisée par un plan de mise en œuvre sur trois ans s’agissant de certains des éléments du rapport et une orientation stratégique à horizon 10 ans. La première stratégie de mise en œuvre sur trois ans mettait l’accent sur l’optimisation du cadre de gouvernance du système de santé, la préparation d’un plan directeur pour les nouveaux modèles de soins, et la création d’un fonds de transition. À juste titre, cette stratégie accorde également la priorité à l’amélioration continue des soins primaires et de longue durée. Selon les estimations, la demande d’aide à domicile et de places dans des établissements de soins de longue durée augmentera de plus de 50 % d’ici à 2030 (Wren et al., 2017). Par rapport à d’autres pays européens comparables, l’Irlande se distingue déjà par un taux élevé de besoins non satisfaits en matière de prise en charge à domicile (Privalko et al., 2019).
Le plan de mise en œuvre Sláintecare marque une première étape essentielle, mais la nouvelle stratégie qui débutera en 2022 devrait faire en sorte que les réformes soient mises à exécution le plus rapidement possible, en définissant la chronologie des mesures nécessaires à l’entrée en vigueur du nouveau système et en proposant des actions concrètes pour financer les dépenses supplémentaires requises. Compte tenu de l’augmentation considérable des dépenses publiques nécessaire à long terme, ce plan devrait s’accompagner d’un accroissement des sources de recettes fiscales stables, comme la TVA, ainsi que de nouvelles mesures visant à optimiser l’utilisation des dépenses (voir plus haut).
Des améliorations considérables sont possibles pour maîtriser les dépenses pharmaceutiques
Les dépenses consacrées aux produits pharmaceutiques représentent une part substantielle des coûts des soins de santé en Irlande. En 2017, les dépenses pharmaceutiques par habitant s’élevaient à 599 USD, contre 564 USD en moyenne dans l'OCDE. Pour réduire ces coûts, il est indispensable d’accroître le recours aux médicaments génériques. Le Health (Pricing and Supply of Medical Goods) Act de 2013 a défini des prix de référence, qui fixent un seuil de remboursement commun pour un groupe de médicaments pouvant se substituer les uns aux autres. Après l’adoption de cette loi, la part des médicaments génériques sur le marché pharmaceutique en volume est passée de 29 % à 40 % en 2017.
Néanmoins, la part des génériques reste sensiblement inférieure à celle constatée dans de nombreux autres pays de l'OCDE (graphique 1.32). Des mesures visant à encourager la concurrence sur le marché des médicaments tombés dans le domaine public auraient pour effet de stimuler l’utilisation des génériques, avec à la clé des économies supplémentaires. En particulier, la période de renouvellement du référencement de nombreux médicaments s’étale sur plusieurs années en Irlande, alors que de nombreux autres pays de l’UE passent en revue les prix deux fois par an. Or une évaluation peu fréquente des prix de référence peut se traduire par des taux de remboursement trop élevés si le prix d’un produit pharmaceutique a diminué sur le marché. Le prix le plus bas dans le groupe de médicaments interchangeables doit être établi dans le cadre d’évaluations plus fréquentes, comme c’est le cas aux Pays-Bas, et être utilisé comme référence pour définir le taux de remboursement maximum, tout en tenant compte de la nécessité d’assurer un approvisionnement continu (Connors, 2017). Par ailleurs, il conviendrait de raccourcir la durée de la fixation initiale du prix de référence après l’arrivée à expiration d’un brevet. Les politiques relatives aux prescriptions de médicaments doivent aussi encourager l’utilisation des génériques. L’Irlande pourrait à cet égard s’inspirer des mesures adoptées dans d’autres pays de l’UE, comme : i) les mesures incitant les médecins à prescrire des génériques au moyen d’un système de rémunération en fonction des résultats ; ii) les quotas de prescription pour les génériques ; et iii) les prescriptions obligatoires en dénomination commune internationale (afin de veiller à ce que les médecins utilisent les noms des principes actifs sur leurs ordonnances et non les noms de marque ; OECD, 2018c).
Lutter contre la corruption pour renforcer la confiance dans les transactions économiques
Il est important de combattre la corruption pour prévenir les distorsions de concurrence et une mauvaise affectation des ressources, tout en stimulant les transactions économiques. Dans l’Étude économique de l’OCDE sur l’Irlande parue en 2018, il a été souligné que, abstraction faite des entreprises multinationales, l’efficience de l’affectation des ressources est relativement faible en Irlande. Cette situation pèse sur la croissance globale de la productivité et entrave la capacité de l’économie à s’adapter aux nouvelles demandes d’une population en pleine expansion.
Selon les indicateurs de maîtrise de la corruption et de perception des risques de corruption, l’Irlande se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE mais ses performances sont médiocres par rapport à celles de nombre de pays d’Europe du Nord membres de l’Organisation et de petites économies ouvertes de l’OCDE comme le Canada et la Nouvelle‑Zélande (Graphique 1.33, Parties A, B et C). Des éléments empiriques indiquent que les entreprises des États qui sont Parties à la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales réduisent leurs investissements à destination des pays corrompus (Blundell-Wignall and Roulet, 2017). Il pourrait être positif pour l’économie irlandaise de faire aussi bien en matière de maîtrise de la corruption que les petites économies ouvertes de l’OCDE les mieux classées, notamment parce que l’Irlande resterait ainsi une destination attrayante pour les investissements directs étrangers.
Selon une enquête réalisée par la Commission européenne, 68 % des citoyens irlandais estiment que la corruption est un phénomène répandu, ce qui correspond à la moyenne de l’UE (European Commission, 2017b). Il ressort en outre de cette enquête que d’après 70 % d’entre eux, pourcentage également proche de celui de la moyenne de l’UE, les affaires de corruption à haut niveau ne font pas suffisamment l’objet de poursuites. Même si le pourcentage des représentants d’entreprise partageant cette opinion est moins élevé puisqu’il s’établit à 40 %, la plupart d’entre eux estiment que les personnes qui se livrent à des pratiques de corruption ont de grandes chances de se soustraire à de lourdes amendes ou à des peines d’emprisonnement (European Commission, 2017a). De fait, le régime irlandais de lutte contre le blanchiment de capitaux se caractérise par une application lacunaire de la loi au moyen d’enquêtes, de poursuites et de mesures de confiscation (Graphique 1.34, Partie B).
L’Irlande a mis en œuvre plusieurs réformes depuis l’adoption en 2017 du train de mesures contre la délinquance en col blanc. Au nombre de ces réformes figure la Loi de 2018 sur la justice pénale (Infractions pénales) (Criminal Justice (Corruption Offences) Act 2018), regroupant et remaniant sept textes législatifs relatifs à la corruption et établissant un certain nombre de nouvelles infractions. Dans le même ordre d’idées, l’Unité anticorruption de la police nationale (Garda Síochána) a été mise en place en 2017. Si ces mesures ont renforcé le régime de lutte contre la corruption, il n’en demeure pas moins que l’Irlande devrait déployer des efforts supplémentaires pour faire appliquer effectivement la nouvelle loi. Elle devrait ainsi prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les entités juridiques concernées, notamment celles qui ne sont pas constituées en société ou pour lesquelles aucun capital minimum n’est requis par la loi comme les succursales ou les sociétés en commandite simple et qui ne sont pas considérées comme des personnes morales en vertu de la Loi de 2018, soient tenues pour responsables en cas d’infractions pénales (OECD, 2019c). Par ailleurs, l’Irlande pourrait encore augmenter les ressources affectées à l’Unité anticorruption de la Garda Síochána et préciser son mandat en matière de prévention de la corruption. En outre, la mise en place d’une instance interservices contribuerait à clarifier la répartition des responsabilités entre les différents services compétents et faciliterait la coordination de leurs efforts de prévention de la corruption (United Nations, 2019).
La gouvernance des entreprises devrait aussi obéir au régime renforcé de lutte contre la corruption. Selon une enquête, 40 % des dirigeants et administrateurs d’entreprise en Irlande n’ont pas ou n’ont guère connaissance de la législation anticorruption tandis que seuls 18 % d’entre eux jugent que la corruption constitue un risque essentiel pour leur entreprise (Deloitte, 2019). L’Irlande devrait mettre à jour les codes de conduite applicable à toute une série d’entreprises et aux professions concernées pour promouvoir la mise en place de systèmes efficaces de contrôle interne. De plus, la modification apportée en 2018 à la Loi sur les lanceurs d’alerte ne contient aucune disposition sur la protection des personnes dénonçant des actes de corruption en divulguant des secrets commerciaux, à moins de prouver qu’elles agissent dans le souci de l’intérêt général. Si cette modification a fait suite à la directive européenne sur la protection des secrets commerciaux, l’Irlande est néanmoins le seul pays à avoir modifié en ce sens sa législation sur les lanceurs d’alerte (Dell and McDevitt, 2018). Il conviendrait de suivre de près les retombées de cette modification qui devra être revue si l’alourdissement de la charge de la preuve qui en découle s’avère faire obstacle à la pratique du lancement d’alerte.
L’Irlande devrait aussi intensifier ses efforts pour s’attaquer à la corruption à laquelle se livrent des personnes morales et physiques irlandaises dans le cadre de leurs activités à l’étranger ainsi que des entreprises étrangères exerçant des activités sur son territoire en mettant en œuvre la Convention anticorruption de l’OCDE. À ce jour, aucune entreprise présumée avoir corrompu des agents publics étrangers n’y a fait l’objet de poursuites et cet instrument y est mis en œuvre d’une manière jugée très lacunaire (Dell and McDevitt, 2018). Une coopération judiciaire internationale est indispensable pour parvenir à maîtriser la corruption exercée en rapport avec des activités menées à l’étranger. En Irlande, l’entraide judiciaire relève de la Loi de 2008 sur la justice pénale (Entraide judiciaire) (Criminal Justice (Mutual Assistance) Act 2008), qui s’applique à tous les pays de l’UE ainsi qu’à l’Islande et à la Norvège. La coopération avec d’autres pays est soumise à l’appréciation du gouvernement quand les pays concernés ne sont pas désignés dans la loi. Ainsi, même si les ordonnances de confiscation émanant de pays de l’UE sont directement applicables en vertu du droit interne, il appartient au gouvernement d’apprécier si les ordonnances émises par d’autres pays peuvent être présentées devant les tribunaux nationaux (United Nations, 2019). Bien que l’Irlande ait étendu l’entraide judiciaire à des pays non membres de l’UE en les désignant dans sa législation ou en application de traités, elle devrait veiller à ce que le gouvernement exerce sa marge d’appréciation conformément aux obligations prévues par la Convention de l’OCDE et la Convention des Nations Unies contre la corruption. Elle devrait également mettre en œuvre d’autres accords bilatéraux ou multilatéraux pour renforcer la coopération internationale au‑delà de l’UE.
Continuer de promouvoir une croissance écologiquement viable
À moins d’une évolution des activités de la population irlandaise dans le sens d’une utilisation plus efficiente et écologiquement viable des ressources, l’accroissement démographique attendu exercera aussi des pressions sur l’environnement. Les autorités du pays ont fixé pour objectif une réduction des émissions de dioxyde de carbone de 80 % d’ici à 2050 par rapport à 1990 dans trois secteurs clés : la production d’électricité, le cadre bâti et les transports. Cependant, elles défendent actuellement un objectif plus ambitieux au niveau de l’UE, à savoir ramener à zéro les émissions nettes à l’horizon 2050. Dans les secteurs de l’agriculture, de l’utilisation des terres et de la foresterie, les pouvoirs publics cherchent à avancer sur la voie de la neutralité carbone sans aller à l’encontre d’une production alimentaire durable.
Depuis quinze ans, le découplage des émissions de CO2 liées à l’énergie par rapport au PIB a progressé en Irlande, grâce notamment au recul de l’intensité énergétique et à l’augmentation de la production d’énergie renouvelable (graphique 1.35, parties A-C). Toutefois, les émissions de gaz à effet de serre (GES) autres que le CO2, principalement d’origine agricole, représentent un tiers du total et sont en hausse. Les émissions de GES totales sont inférieures de 11 % à leur niveau de 2005, mais elles ont progressé ces dernières années, notamment dans les transports. Comme la plupart des émissions de GES irlandaises n’entrent pas dans le périmètre du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne, les mesures d’atténuation nationales revêtent une importance particulière.
En cas de politiques inchangées, l’Irlande n’atteindra pas son objectif de réduire de 20 % entre 2005 et 2020 les émissions non visées par un système d’échange de quotas d’émission (Climate Change Advisory Council, 2019). Elle ne tiendra pas non plus, loin de là, l’objectif fixé pour 2030 (baisse de 30 % par rapport à 2005). Pour combler l’écart par rapport à l’objectif, elle a la possibilité d’acheter des quotas d’émission à l’intérieur de l’UE, mais cela reviendrait à faire payer les contribuables et à remettre à plus tard les nécessaires efforts de réduction des émissions. Qui plus est, repousser ces efforts risque de les rendre plus coûteux, et il importe donc d’investir au plus vite dans des infrastructures à durée de vie longue compatibles avec l’impératif de décarbonation. Comme le souligne le Climate Change Advisory Council (2019), le pays aurait intérêt à faire mieux que l’objectif fixé pour 2030, car cela réduirait le coût de réalisation de celui défini pour 2050 (abaissement de 80 % des émissions de GES).
Le Plan d’action pour le climat du gouvernement irlandais propose des objectifs d’émission sectoriels chiffrés pour atteindre l’objectif global de réduction à 2030 et préparer le terrain en vue de ramener à zéro les émissions nettes à l’horizon 2050. Il prévoit un renforcement du cadre de gouvernance de la politique climatique, moyennant la création d’un conseil de l’action climatique indépendant chargé de proposer des budgets carbone quinquennaux et de suivre les mesures prises pour les respecter. C’est en partie grâce à un dispositif similaire que le Royaume-Uni a pu réduire fortement les émissions dans la production d’électricité (OECD, 2019b). Le Plan d’action doit à présent se traduire par l’application suivie de mesures destinées à faire baisser les émissions. Comme évoqué plus haut, un relèvement des taxes environnementales s’impose pour décourager les activités dommageables. Des mesures plus ambitieuses de tarification des émissions auraient aussi pour effet de stimuler l’éco-innovation, qui laisse aujourd’hui à désirer (graphique 1.35, partie F).
En Irlande, le secteur agricole est le premier émetteur de gaz à effet de serre. Cela s’explique par l’importance relative de ce secteur, et en particulier de l’élevage intensif, dans l’économie du pays (graphique 1.36). Les émissions agricoles, qui proviennent principalement du bétail, ne font l’objet d’aucune tarification (Climate Change Advisory Council, 2019). L’Irlande pourrait envisager de suivre la méthode de la Nouvelle-Zélande concernant la tarification de ces émissions, qui donne lieu à une concertation étroite avec les exploitants agricoles. En Nouvelle-Zélande, il est prévu d’intégrer les émissions biologiques (méthane et hémioxyde d’azote) d’origine agricole au système d’échange de quotas d’émission si les agriculteurs ne les réduisent pas spontanément dans des proportions suffisantes. L’Irlande devrait s’employer à mettre pleinement et rapidement en œuvre les mesures d’atténuation décrites dans le rapport sur la « courbe des coûts marginaux de réduction des émissions » en agriculture (Teagasc, 2018). Ces 27 mesures efficaces et économes concernent notamment le boisement, l’amélioration de l’efficience de la production agricole, la gestion des superficies en herbe et d’autres sols, ainsi que des modifications en matière d’apports d’engrais, d’efficacité énergétique et d’utilisation de biomasse. Il ressort d’estimations que la mise en œuvre intégrale de ces mesures éviterait ou compenserait par l’absorption l’équivalent de 37 % des émissions agricoles de 2005 d’ici à 2030.
La diversification de l’utilisation des terres, en fonction des conditions locales et de la façon dont est mené le boisement, est porteuse d’avantages supplémentaires en termes de biodiversité, de qualité de l’eau, de loisirs, de services touristiques et de résilience au changement climatique (Climate Change Advisory Council, 2019). La montée en puissance du boisement devrait être prioritaire à court terme pour permettre à l’Irlande d’exploiter au maximum le potentiel de stockage de carbone des arbres d’ici à 2050. Il n’est pas certain que les objectifs publics de reboisement puissent être atteints, surtout dans le contexte actuel qui voit les pouvoirs publics soutenir différents modes d’utilisation des terres (dont l’agriculture) et des facteurs sociaux freiner l’expansion de la foresterie. Le soutien public aux producteurs et la compétitivité de la filière laitière irlandaise font augmenter la valeur des terres agricoles et, partant, le coût de l’atténuation par la diversification de l’utilisation des sols. L’Irlande pourrait néanmoins envisager de rééquilibrer le soutien apporté aux différents modes d’utilisation des sols pour qu’il appuie ses objectifs déclarés en matière de forêts et de climat, notamment en accordant une plus grande importance à la fourniture de services environnementaux comme la séquestration du carbone et la protection de la qualité de l’eau.
Dans les bâtiments aussi, l’intensité d’émission devrait être réduite. Il est primordial d’agir pour faire baisser la demande d’énergie, notamment en encourageant l’investissement dans l’amélioration de l’efficacité énergétique. En Irlande, les émissions de CO2 des logements sont supérieures de près de 60 % à la moyenne de l’UE (Sustainable Energy Authority of Ireland, 2018), ce qui tient notamment à la proportion relativement élevée des habitations chauffées aux énergies fossiles (IEA, 2019). L’intensité d’émission de CO2 de la consommation d’énergie résidentielle a baissé régulièrement entre 1992 et 2013, mais n’a guère diminué depuis (Sustainable Energy Authority of Ireland, 2018).
Selon la réglementation, tous les bâtiments neufs doivent désormais être dotés de systèmes d’énergie renouvelable et afficher une « consommation d’énergie quasi nulle ». En outre, les propriétaires qui procèdent à des travaux importants de rénovation ou d’agrandissement sont tenus de faire en sorte que le classement énergétique de leur logement dans son ensemble s’en trouve amélioré. Par ailleurs, les aides financières à l’acquisition de chaudières neuves fonctionnant au fioul ou au gaz ont été supprimées pour éviter que cela contribue à la pérennisation de systèmes de chauffage à fortes émissions de carbone.
Comme dans la plupart des pays de l’OCDE, la réduction des émissions dans le secteur locatif reste compliquée, en ce sens que les propriétaires qui n’occupent pas leur logement ont moins d’incitation à investir pour améliorer le rendement du système de chauffage. Les autorités ont décidé que les propriétaires qui améliorent le classement énergétique de leur logement d’au moins sept classes ne sont plus tenus de respecter le plafonnement de la hausse des loyers à 4 % dans les zones de tensions locatives (secteurs géographiques désignés où les loyers sont élevés et en hausse). Dans le cadre de son Plan d’action pour le climat, l’Irlande continue d’encourager l’amélioration de l’efficacité énergétique dans le secteur locatif. Comme l’a préconisé l’Agence internationale de l’énergie, les pouvoirs publics devraient envisager d’instaurer des normes minimales de performance énergétique applicables aux logements locatifs existants, afin d’encourager des rénovations permettant à la fois d’améliorer l’efficacité énergétique et de recourir d’avantage aux énergies renouvelables (IEA, 2019). Ils devraient définir des dates butoirs pour le respect de ces normes minimales qui soient cohérentes avec la trajectoire de réduction des émissions qu’ils proposent. Les financements publics devraient cibler en priorité les ménages à faible revenu vivant dans des logements de qualité médiocre dont les performances énergétiques laissent à désirer. En plus de concourir à la réduction des émissions, des investissements de ce type peuvent procurer des avantages importants en faisant baisser la pollution de l’air intérieur et extérieur, en atténuant la précarité énergétique et en permettant des températures plus confortables à l’intérieur des logements (OECD, 2019d). En Nouvelle-Zélande, il est apparu que les seuls bénéfices sanitaires justifiaient de tels investissements (Grimes et al., 2012). Par ailleurs, les normes ciblant les appareils et équipements des bâtiments revêtent une grande importance, en particulier celles prescrivant l’installation de pompes à chaleur électriques, ce qui peut également contribuer à rendre la demande d’énergie plus flexible en cas d’intermittence de la production d’électricité.
Principales conclusions |
Recommandations (Principales recommandations en gras) |
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Renforcer la viabilité budgétaire |
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Compte tenu de la vigueur de l'activité économique sous‑jacente et des contraintes de capacité qui se font jour, l'orientation de la politique budgétaire a été trop accommodante ces dernières années. Les plus‑values de recettes d'impôt sur les sociétés ont été utilisées en partie pour financer des dépassements de dépenses en cours d'exercice. |
En cas de Brexit ordonné, il faudrait durcir quelque peu l'orientation de la politique budgétaire. Utiliser les plus‑values de recettes d'impôt sur les sociétés pour rembourser la dette des administrations publiques ou alimenter le fonds de réserve de stabilisation (Rainy Day Fund). Découpler les primes de Noël versées aux bénéficiaires de prestations sociales des recettes budgétaires effectives, et intégrer systématiquement les montants correspondants dans les plans budgétaires du gouvernement. |
La distorsion à la hausse du PIB irlandais, qui est liée aux activités des entreprises multinationales, se traduit par une évaluation excessivement favorable de la situation budgétaire de l'Irlande au regard des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance de l'UE. |
Élaborer des règles budgétaires internes fondées sur la mesure du revenu national brut ajusté (RNB*) et sur une estimation de la croissance de la production potentielle qui soit adaptée au contexte irlandais. Fixer des objectifs à moyen terme de dette publique en pourcentage du RNB*. |
L'Irlande s'appuie moins que d'autres pays sur les sources de recettes fiscales les plus efficientes, telles que les taxes sur la consommation ou les impôts périodiques sur la propriété immobilière. L'impôt foncier local est actuellement prélevé sur les valeurs vénales de 2013. |
Simplifier le régime de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), en ramenant de cinq à trois le nombre de ses taux. Actualiser plus régulièrement les valeurs vénales utilisées pour calculer l'impôt foncier local. |
La population devrait vieillir rapidement au cours des décennies à venir. L'Irlande est le seul pays d'Europe occidentale sans couverture universelle pour les soins de santé primaires. Il existe un système de santé à deux vitesses, dans lequel les personnes en mesure de payer elles‑mêmes leur traitement bénéficient d'un accès aux soins plus rapide dans les hôpitaux publics et privés. L'insuffisance des capacités tant en matière soins primaires que secondaires contribue à la longueur des délais d'attente subis par les patients. |
Mettre en œuvre les principales propositions du rapport Sláintecare, en mettant en place un service de santé unifié assurant un accès universel aux soins de santé primaires. |
Le secteur de la santé s'est caractérisé par des dépassements de dépenses répétés depuis 2015. Les exigences législatives essentielles liées au Plan national de services, qui est le principal instrument de planification budgétaire utilisé par l'administration des services de santé (HSE, Health Service Executive), ne sont pas respectées. |
Veiller à ce que toutes les exigences législatives relatives au Plan national de services soient respectées par la HSE. |
Le montant de la pension publique est fixé de manière discrétionnaire et a connu une évolution fortement procyclique ces dernières années. Les dépenses de retraite devraient augmenter rapidement au cours des décennies à venir. |
Indexer sur l'inflation les futures hausses de la pension publique. Appliquer le relèvement prévu de l'âge d'admission au bénéfice de la pension publique à 68 ans d'ici à 2027, et lier ensuite son évolution à celle de l'espérance de vie. |
Préserver la stabilité financière |
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Le ratio de créances douteuses ou litigieuses (CDL) du secteur bancaire a sensiblement diminué. Il demeure cependant élevé par rapport à ceux observés dans les pays européens comparables. En outre, nombre des CDL figurant toujours au bilan des banques seront difficiles à apurer, en partie du fait de la lenteur des procédures de saisie. |
Envisager d'accorder aux prêteurs le droit de saisir à une date ultérieure les biens fournis en garantie. |
Environ un tiers seulement des entreprises de technologie financière (FinTech) sont soumises au contrôle réglementaire de la Banque centrale d'Irlande (CBI, Central Bank of Ireland). Les autres entreprises de technologie financière n'ont aucune obligation déclarative. |
Veiller à ce que les autorités de régulation aient le pouvoir d'obtenir les informations voulues des prestataires de services financiers non réglementés. |
Mieux protéger le milieu naturel |
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Les taxes liées à l'environnement demeurent modestes, et l'Irlande n'atteindra pas ses objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2020 ou 2030. Néanmoins, une augmentation de la taxe sur le carbone aurait un effet régressif. |
Relever progressivement le taux de la taxe sur le carbone suivant un calendrier clairement communiqué aux ménages et aux entreprises ; utiliser une partie des recettes collectées pour financer de nouveaux investissements verts et des mesures de compensation des effets redistributifs négatifs éventuellement induits par cette hausse de taux. |
Les coûts externes de l'utilisation des voitures particulières, notamment en termes de pollution atmosphérique et d'encombrements, sont supérieurs aux recettes des taxes sur les véhicules et sur les carburants, en particulier en milieu urbain. Les rues de Dublin font partie des plus embouteillées au monde. |
Mettre en place des dispositifs de promotion du covoiturage fondés sur le numérique et envisager d'instaurer des péages de décongestion. |
Les émissions de CO2 imputables au secteur résidentiel irlandais sont relativement élevées, en partie parce que le chauffage des logements repose dans une large mesure sur les combustibles fossiles. |
Envisager d'instaurer des normes minimales d'efficacité énergétique pour les logements anciens à usage locatif. |
Le secteur agricole est le premier contributeur aux émissions de gaz à effet de serre de l'Irlande. |
Procéder intégralement et rapidement à la mise en œuvre des mesures correspondant à la courbe de coût marginal de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole irlandais, notamment en matière de reboisement. |
Favoriser la diffusion des technologies et gérer les problèmes connexes |
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Il est crucial de favoriser un renforcement de la dynamique des entreprises pour promouvoir l'adoption des nouvelles technologies. La charge réglementaire pesant sur les nouvelles entreprises est relativement lourde, en raison de la complexité des procédures réglementaires ainsi que du système d'autorisations et de permis. |
Évaluer les obligations imposées aux entreprises en matière d'autorisations et les dispositifs qui facilitent l'acquittement de ces obligations, et lier davantage de procédures d'autorisation au Service intégré de traitement des autorisations (ILAS, Integrated Licence Application Service). |
La participation des adultes à la formation tout au long de la vie est faible. |
Améliorer les aides financières relatives aux programmes de formation destinés aux jeunes travailleurs. Mettre en place et promouvoir plus activement les programmes de formation à distance. Accorder des aides financières publiques suffisantes concernant les services d'accueil des jeunes enfants, tout en encadrant leurs tarifs et en étoffant les capacités d'accueil. |
Les disparités entre salariés et travailleurs indépendants en termes de protection sociale et de réglementation du marché du travail peuvent fausser les choix relatifs aux formes d'emploi, saper les fondements du système de protection social et affaiblir le pouvoir de négociation des travailleurs des plateformes. |
Imposer aux travailleurs indépendants des plateformes de verser des cotisations d'assurance sociale liée à la rémunération (PRSI, Pay‑Related Social Insurance) équivalentes à celles acquittées par les salariés, et instaurer une cotisation patronale. Transposer dans le droit interne la directive (UE) 2019/1152 pour élargir la portée des normes minimales relatives aux travailleurs et de la formation gratuite à toutes les formes d'emploi. |
Les spécificités des marchés numériques, notamment d'importants effets de réseau, peuvent avoir des effets négatifs sur la dynamique de la concurrence. |
Doter la Commission de la concurrence et de la protection des consommateurs (CCPC, Competition and Consumer Protection Commission) de pouvoirs d'exécution suffisants pour lutter contre les comportements anticoncurrentiels, notamment en lui permettant d'imposer des sanctions en cas d'infraction au droit de la concurrence qui soient suffisantes pour avoir un effet dissuasif. |
Les résultats de l'Irlande sont médiocres en termes de maîtrise de la corruption et de perception du risque de corruption par rapport à la plupart des autres pays de l'OCDE à revenu élevé. |
Veiller à ce que soient effectivement appliquées les nouvelles dispositions législatives contre la corruption, en renforçant l'unité de lutte contre la corruption au sein des forces de police nationales, en mettant sur pied un organisme interinstitutions chargé de coordonner les efforts de prévention de la corruption des entités compétentes, et mettre à jour les codes de conduite applicables aux entreprises et à certaines professions. Renforcer la mise en œuvre de la Convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption en améliorant l'entraide judiciaire internationale, notamment avec les États parties non membres de l'Union européenne (UE). |
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Annexe 1. Progrès accomplis en matière de réformes structurelles
Recommandations de l'Étude précédente |
Mesures prises depuis mars 2018 |
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Productivité |
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Abaisser le prix des permis de construire et les droits d’enregistrement des biens prélevés par les différentes autorités compétentes. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Autoriser l’introduction de nouvelles formes juridiques de sociétés. |
En 2019, la réglementation a été finalisée et autorise désormais la constitution de sociétés en nom collectif et en commandite simple. |
Remplacer la taxe locale sur les entreprises par une taxe foncière reposant sur une large assiette. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Élaborer des directives à l’intention des banques précisant les circonstances dans lesquelles aucune garantie personnelle ne devrait être demandée à une entreprise. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Continuer de développer des plateformes de financements alternatifs pour les jeunes entreprises.. |
En novembre 2018, la taille du fonds d’investisseurs providentiels (European Angels Fund Ireland) a été doublée et portée à 40 millions EUR. |
Développer le recours aux aides publiques directes à la recherche-développement dans les entreprises sous la forme de subventions, prêts et garanties de prêts. |
En juin 2018, le ministère de l'Économie, des Entreprises et de l'Innovation a annoncé le lancement du premier appel à manifestation d’intérêt pour un financement au titre du fonds pour l’innovation Disruptive Technologies Innovation Fund. En décembre 2018, le Trésor a accordé pour 75 millions EUR à 27 projets collaboratifs dans le cadre de ce dispositif de financement. |
Alléger les formalités administratives nécessaires à l’obtention des permis et autorisations pour créer une entreprise en déployant intégralement le nouveau service en ligne ILAS (Integrated Licence Application Service) permettant d’en faire la demande. |
En juillet 2018, le ministère de l'Économie, des Entreprises et de l'Innovation a signé un contrat de services pour le regroupement d’un certain nombre de procédures de demande d’autorisations en ligne via le portail Licences.ie. |
Développer des mécanismes extra-judiciaires de résolution des défaillances de remboursement de prêts, qui facilitent la conclusion d’un accord entre le débiteur et le créancier en assouplissant les obligations à remplir. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Envisager de réformer le dispositif EIIS (Employment and Investment Incentive Scheme), un abattement fiscal accordé aux investisseurs qui prennent des participations, afin de soutenir la transition des entreprises innovantes et leur introduction en bourse. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Monter en régime dans le financement des microentreprises (au titre du dispositif Microenterprise Loan Fund Scheme), de telle façon que les aides publiques bénéficient à des entreprises en phase de démarrage et qui relèvent d’un large éventail de secteurs. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Cibler le mécanisme de garantie de crédit sur la correction des défaillances du marché auxquelles les jeunes entreprises se heurtent habituellement, plutôt que sur le soutien d’entreprises matures. |
Le mécanisme de garantie de crédit aux PME a été révisé et est entré en application en juin 2018. La législation modifiée introduit de nouveaux produits bénéficiant de cette garantie, notamment l’escompte de factures et l’affacturage. |
Faire en sorte que les entreprises locales soient plus intégrées aux chaînes d’approvisionnement des entreprises à capitaux étrangers en donnant aux agences locales de promotion économique (Local Enterprise Offices, LEO) un rôle plus actif dans l’identification des liens logistiques possibles. |
Aucune mesure spécifique n’a été prise. |
Marché du logement |
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Encourager les autorités locales à reclasser en zones résidentielles les sites sous-exploités. |
Une nouvelle instance indépendante de régulation de l’urbanisme (Office of the Planning Regulator) a été créée pour que les décisions de zonage et d’urbanisme des autorités locales soient conformes au schéma directeur national et que les systèmes de planification soient cohérents dans leur fonctionnement. |
Assouplir les réglementations relatives à la construction dans les centres urbains du point de vue de la taille minimale des logements et de l’interdiction des façades orientés au nord pour les appartements. |
En mars 2018, le ministère du logement a publié de nouvelles directives à l’intention des autorités d’urbanisme concernant la construction de logements neufs durables en milieu urbain, intitulées « Sustainable Urban Housing: Design Standards for New Apartments ». Ces nouvelles directives autorisent, si nécessaire, la construction d’appartements orientés au nord. |
Croissance inclusive |
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Faire en sorte de passer à un accès universel aux services de santé et services sociaux et inciter les patients à se faire soigner ailleurs que dans les hôpitaux. |
Les investissements dans les centres de soins de santé primaires se sont poursuivis sans relâche. On dénombre actuellement 127 centres de soins désormais opérationnels dans tout le pays, soit 16 de plus qu’en mars 2018. |