La récession provoquée par la pandémie a été particulièrement profonde (Graphique 1). Un cadre de politique macroéconomique solide, sous-tendu par une gestion innovante de la dette, une politique monétaire rationnelle et un taux de change flexible, a permis de préserver la stabilité macroéconomique et de ménager un accès confortable aux marchés financiers internationaux. Le secteur manufacturier, profondément intégré dans les chaînes de valeur mondiales, a tiré la reprise, mais les secteurs de services ont récemment pris le relais en tant que moteur principal de la croissance. Après un repli notable, le taux d’activité se redresse tout en restant en deçà de ses niveaux d’avant la pandémie. Les travailleurs du secteur informel, les femmes et les jeunes ont été particulièrement touchés, ce qui n’a fait qu’exacerber des inégalités déjà anciennes.
Études économiques de l’OCDE : Mexique 2022 (version abrégée)
Résumé
L’économie connaît un rebond
La dernière vague de contamination a atteint son plus haut à la mi-août 2021 et la vaccination progresse. À terme, la reprise se poursuivra (Tableau 1). Les exportations continueront de tirer parti de la solidité de la croissance aux États-Unis. Vu qu’une plus forte proportion de la population est vaccinée et que le marché du travail se redresse graduellement, la consommation est appelée, elle aussi, à être un déterminant essentiel de la croissance. L’investissement va également se redresser, sous l’effet des projets d’infrastructure prévus. L’inflation se réorientera à la baisse au fil de 2022, après une augmentation notable en 2021. Le dernier plan budgétaire en date prévoit que le déficit restera globalement inchangé en 2022 pour diminuer progressivement par la suite. De ce fait et tout en restant prudente, l’orientation budgétaire est aujourd’hui moins restrictive et apporte un léger soutien à la reprise.
Tableau 1. L’économie se redresse
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
---|---|---|---|---|
Produit intérieur brut |
-8.2 |
5.3 |
2.3 |
2.6 |
Consommation privée |
-10.5 |
7.3 |
2.0 |
2.3 |
Formation brute de capital fixe |
-17.8 |
10.4 |
4.4 |
4.5 |
Exportations |
-7.3 |
5.9 |
6.5 |
5.3 |
Importations |
-13.7 |
14.6 |
6.0 |
5.8 |
Taux de chômage |
4.4 |
4.1 |
4.0 |
3.9 |
Indice des prix à la consommation |
3.4 |
5.7 |
5.4 |
3.4 |
Solde budgétaire (% du PIB) |
-2.9 |
-2.9 |
-3.2 |
-3.0 |
Dette publique (nette, % du PIB) |
51.5 |
49.9 |
50.0 |
49.7 |
Solde des paiements courants (% du PIB) |
2.3 |
-0.7 |
-0.8 |
-0.9 |
Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE.
Le Mexique a le potentiel nécessaire pour être une économie à forte croissance. D’une économie dépendante de son pétrole, le Mexique a amorcé sa transition, au début des années 1990, pour devenir une plateforme industrielle fortement intégrée dans les chaînes de valeur mondiales aujourd’hui. La proximité du marché d’exportation que sont les États-Unis constitue un avantage comparatif fondamental. Pour autant, ce potentiel reste inexploité et la croissance des dernières décennies a été faible (Graphique 2).
Les perspectives de croissance à moyen terme ont fléchi. L’emploi informel, le manque de concurrence, l’exclusion financière et la corruption sont quelques-uns des facteurs qui entravent la croissance de la productivité. La faiblesse de l’investissement et du taux d’activité des femmes ne fait que dégrader encore les perspectives de croissance. L’accord de libre-échange renégocié avec les États-Unis et le Canada pourra insuffler une nouvelle dynamique à la croissance. Toutefois, un programme de réforme complet sera nécessaire pour faire repartir l’investissement et redresser la productivité.
Les recettes fiscales demeurent modestes
Le Mexique s’est montré prudent dans sa gestion budgétaire au fil des années, ce qui lui a généralement permis d’atteindre ses objectifs en la matière et d’assurer la pérennité de ses finances publiques, même s’il affiche le plus faible ratio impôts/PIB de l’OCDE. Les recettes publiques ont bien résisté pendant la pandémie et le déficit budgétaire ne s’est que légèrement creusé.
Les dépenses sociales et l’investissement public ont récemment augmenté, mais la pandémie a suscité de nouveaux besoins face à la montée de la pauvreté, aux tensions exercées sur les systèmes de santé et d’éducation et à des déficits d’infrastructures qui perdurent. Accompagner les augmentations de dépenses publiques dans ces domaines essentiels par une augmentation progressive des recettes fiscales aiderait à répondre à ces besoins de dépenses tout en préservant et en renforçant l’engagement du Mexique vis-à-vis de la viabilité à long terme de sa dette.
L’élargissement des bases d’imposition, via la suppression d’exonérations inefficaces et régressives, permettrait d’augmenter les dépenses sans relever les taux d’imposition. En outre, il serait largement possible de renforcer la fiscalité des administrations infranationales, notamment les taxes sur l’immobilier et sur les véhicules.
Faire repartir l’investissement et stimuler la productivité sont des priorités essentielles
En demi-teinte depuis 2015 et en chute depuis 2019 (Graphique 3), l’investissement est bridé par l’incertitude entourant l’action des pouvoirs publics mexicains. Le climat d’incertitude s’est singulièrement alourdi à la suite de propositions de réforme du marché de l’électricité. Le potentiel de redémarrage de l’investissement serait non négligeable dans un environnement politique approprié. En outre, le Mexique pourrait recueillir les fruits de la forte reprise en cours aux États-Unis et de la relocalisation actuelle des chaînes d’approvisionnement mondiales, qui sont rapprochées des marchés de consommation. Enfin, des réformes garantes de la continuité juridique des contrats en cours et de la stabilité réglementaire revêtent une importance particulière.
À un taux d’environ 55 %, l’emploi informel demeure élevé et est à la fois une cause et une conséquence de la faiblesse de la productivité. Une stratégie intégrée s’impose pour réduire l’activité informelle, en intervenant dans plusieurs domaines d’action. L’une des pièces maîtresses de cette stratégie devrait être d’améliorer les règles applicables aux entreprises au niveau des États et au niveau local, qui demeurent parfois coûteuses et complexes.
La réforme de la réglementation commerciale serait également bénéfique pour les consommateurs et ferait gagner en productivité. Si le Mexique est bien intégré dans les chaînes de valeur de l’industrie, il pourrait l’être davantage dans celles des services. Par ailleurs, il est fondamental de renforcer le cadre institutionnel de lutte contre la corruption et de durcir l’application de la législation déjà en vigueur pour doper la productivité et améliorer la gouvernance.
L’accès des entreprises et des ménages au financement pourrait être largement développé (Graphique 4), ce qui donnerait un coup de pouce à la croissance et à l’inclusion. Favoriser la concurrence dans la profession bancaire concourrait à réduire les marges d’intérêt, facilitant ainsi l’accès des PME au crédit. Enfin, une mise à niveau de la réglementation des services de paiement numérique permettrait d’exploiter la capacité des technologies financières (FinTech) à renforcer l’inclusion financière.
Parmi les économies émergentes, le Mexique a fait œuvre de pionnier en prenant des mesures pour atténuer les effets du changement climatique et s’y adapter. Pour autant, d’autres mesures devront être prises pour atteindre les objectifs d’émissions fixés. Le Mexique dispose d’un important potentiel dans le secteur des énergies renouvelables, qui demeure toutefois inexploité. La réforme du marché de l’électricité actuellement à l’étude propose de garantir une part de marché d’au moins 54 % à la compagnie publique d’électricité et d’éliminer les organismes de réglementation compétents en matière de concurrence et de délivrance des permis. Le Mexique développe par ailleurs ses investissements dans l’exploration et l’extraction de combustibles fossiles et construit actuellement une nouvelle raffinerie. Les transports sont le deuxième secteur émetteur. L’expérience acquise dans plusieurs États mexicains témoigne des bienfaits de la transition vers l’adoption de moyens de transport plus propres.
Il conviendrait de redoubler d’efforts pour améliorer l’égalité des chances
Le Mexique affiche l’un des niveaux de pauvreté et d’inégalités les plus élevés de l’OCDE, ce qui impose de poursuivre les efforts pour renforcer la protection sociale, réduire les écarts hommes-femmes et améliorer l’éducation.
La pandémie et son corollaire, l’accroissement des fragilités sociales, sont le signe qu’il faut continuer de consolider le système de protection sociale tout en le rendant plus efficient et plus apte à réagir aux cycles économiques. Le nombre de bénéficiaires des programmes sociaux a récemment augmenté. Réduire le morcellement de ces programmes et mieux les cibler permettraient d’accroître encore le nombre de leurs bénéficiaires, notamment parmi les ménages modestes.
Des réformes importantes de la réglementation du marché du travail et des retraites sont en cours. Des réformes visant à renforcer la résolution des conflits, la représentation des salariés et la négociation collective permettraient de faciliter le règlement des conflits du travail et le respect des droits des travailleurs. Adoptée d’un commun accord avec le secteur privé, la réforme du système de retraite remédie à certaines de ses faiblesses, notamment des prestations peu généreuses et une couverture réduite.
Le Mexique a bien progressé sur le front de la représentation politique des femmes, mais le taux d’activité de ces dernières accuse un retard par rapport à la moyenne de l’OCDE et à d’autres pays d’Amérique latine (Graphique 5). Les responsabilités familiales reposent de manière disproportionnée sur les épaules des femmes, réduisant ainsi leurs chances de mener à bien des études ou d’intégrer le marché du travail. La réduction des inégalités hommes-femmes permettrait de stimuler sensiblement la croissance et le bien-être. Les femmes ont payé un tribut spécialement lourd à la pandémie, car elles ont été particulièrement touchées par la fermeture prolongée des écoles et occupent plus souvent des emplois dans des secteurs nécessitant une présence physique.
La pandémie a frappé de plein fouet le système éducatif. Après l’un des épisodes de fermetures d’écoles les plus longs qui aient été dans l’OCDE, les inégalités préexistantes vont sans doute se creuser encore. Avant la pandémie, le niveau des résultats scolaires des élèves mexicains était comparable à la moyenne de l’OCDE. Cela étant, l’écart entre les élèves les plus et les moins performants au Mexique était profond et équivalait à quatre années de scolarité.
PRINCIPAUX RÉSULTATS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
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Préserver la reprise en cours |
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La part de la population vaccinée augmente, mais reste inférieure à celle observée dans les pays comparables de l’OCDE et de la région. De nouvelles vagues de contaminations entraveraient la reprise. |
Accélérer la vaccination.w |
L’activité a rebondi plus rapidement que prévu. La reprise sur le marché du travail est toujours en cours. L’orientation budgétaire à court terme permet un léger soutien à la reprise. |
Se tenir prêt à fournir un soutien budgétaire ciblé supplémentaire si la reprise vacille ou si la pandémie repart. |
Continuer d’améliorer les politiques macroéconomiques |
|
Les dépenses publiques sont basses en termes de comparaison internationale. Les dépenses de protection sociale et l’investissement public ont récemment augmenté, mais la pandémie a mis les systèmes de santé et d’éducation à rude épreuve, la pauvreté s’est accrue et les déficits d’infrastructures demeurent importants. Une augmentation des recettes fiscales s’impose pour répondre à l’accroissement des besoins de dépenses tout en préservant l’engagement des autorités vis-à-vis de la viabilité à long terme de la dette. Le ratio impôts/PIB figure parmi les plus bas de l’OCDE et est inférieur à celui des pays comparables de la région. |
Accroître l’investissement public, en s’appuyant sur une analyse coûts-avantages rigoureuse et transparente, ainsi que les dépenses consacrées aux programmes sociaux, à l’éducation et à la santé, en ciblant particulièrement les ménages à faible revenu, à moyen terme. Élargir les bases d’imposition en supprimant progressivement les exonérations inefficaces et régressives et en réduisant l’activité informelle, et favoriser le recouvrement de l’impôt foncier en mettant à jour le cadastre grâce aux technologies numériques. |
La procédure budgétaire s’est améliorée. La capacité de mise en œuvre des mesures budgétaires contracycliques et de soutien à l’économie en cas de récession est limitée. La règle de dépense en vigueur ne porte que sur environ 36 % des dépenses du secteur public. |
Établir un ancrage de la dette à long terme et élargir la part des dépenses publiques visée par la règle de dépense. Mettre en place un conseil budgétaire indépendant et doté de ressources suffisantes. |
L’inflation s’est hissée bien au-delà de 3 %. Des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement et d’autres tensions intérieures sur certaines marchandises sont à l’origine de cette hausse. Les mécanismes de formation des prix risquent d’en être affectés de manière généralisée. |
Relever graduellement le taux directeur si l’inflation ne retourne pas vers sa cible de 3 %. Procéder à un durcissement plus rapide si les anticipations d’inflation à long terme commencent à augmenter. |
L’aide dispensée à PEMEX a été portée à 1 % du PIB. Malgré une nouvelle stratégie commerciale, PEMEX continue de présenter un risque majeur pour l’État. |
Renforcer la gouvernance de PEMEX et d’autres entreprises publiques en la mettant en adéquation avec les Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques. |
Relancer l’investissement et améliorer la productivité |
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L’investissement est atone depuis 2015. Les changements de pied dans les réformes et les modifications prévues dans la réglementation des marchés de l’électricité et du pétrole sont un facteur d’incertitude et nuisent à la confiance des investisseurs. |
Donner des assurances aux investisseurs quant à la continuité juridique des contrats en cours et à la stabilité réglementaire. |
L’accès au financement des entreprises et des ménages est peu développé. L’accès des PME au crédit est entravé par des marges d’intérêt élevées et par des asymétries d’information. Des obstacles sur les marchés des services de paiement numérique et le faible niveau de compétences en la matière freinent la transition numérique et l’emploi des technologies financières (FinTech). |
Renforcer le système d’enregistrement des crédits en veillant à ce que l’ensemble des prêteurs aient accès à la totalité des informations sur les antécédents de crédit des emprunteurs. Mettre à niveau la réglementation sur les services de paiement numérique pour faciliter l’entrée de nouveaux opérateurs sur le marché des cartes de paiement. Modifier les programmes scolaires pour donner un bagage numérique plus solide aux élèves dès leur plus jeune âge et assurer la montée en compétences numériques des enseignants. |
Les niveaux de perception de la corruption sont en repli, mais demeurent plus élevés que dans les pays comparables. La panoplie d’outils pour lutter contre la corruption a été étoffée, mais les initiatives pour leur mise en application tardent. |
Continuer de renforcer la lutte contre la corruption, notamment en améliorant l’expertise technique dans les agences de lutte contre la corruption. |
À un taux d’environ 55 %, l’emploi informel est élevé. Il est à la fois une cause et une conséquence de la faiblesse de la productivité. |
Mettre en place une stratégie intégrée afin de réduire les coûts de régularisation, notamment les coûts d’immatriculation que doivent acquitter les entreprises au niveau des États et au niveau local. |
La concurrence est faible dans certains secteurs clés de l’économie et un petit nombre d’entreprises tendent à dominer les marchés. |
Renforcer la concurrence, notamment en veillant à ce que l’autorité de la concurrence reste indépendante et à ce qu’elle dispose de ressources suffisantes et en allégeant les lourdeurs réglementaires. |
Renforcer l’égalité des chances |
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Les régimes d’assurance chômage protègent les individus en cas de perte de leur emploi et sont précieux comme amortisseurs contracycliques. |
Instituer un régime d’assurance chômage fédéral. |
Les inégalités du système éducatif sont importantes. Il est probable que les fermetures d’écoles prolongées auront des effets néfastes à long terme sur les compétences et la croissance. |
Mettre en place des programmes de réintégration à l’école des élèves ayant décroché pendant la pandémie et assurer un accompagnement ciblé et un tutorat auprès des élèves ayant des difficultés d’apprentissage. |
À 45 %, le taux d’activité des femmes est faible. Les responsabilités familiales réduisent les chances des femmes de mener à bien des études ou d’intégrer le marché du travail. |
Créer un réseau de structures pour l’accueil des jeunes enfants en donnant la priorité aux ménages modestes. |
Promouvoir la croissance verte |
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Compte tenu des politiques actuellement déployées, il sera difficile pour le Mexique de tenir ses engagements en matière de réduction des émissions, comme dans nombre d’autres pays. |
Élargir la base de la taxe carbone, relever progressivement son taux et affecter une fraction de son produit à la compensation des effets de la hausse des prix de l’énergie sur les ménages modestes. |
Le Mexique dispose d’un énorme potentiel inexploité dans le secteur des énergies renouvelables. Une réforme du marché de l’électricité actuellement à l’étude prévoit de limiter la participation du secteur privé au marché à 46 % au maximum et d’éliminer les organismes de réglementation compétents en matière de concurrence et de délivrance des permis. |
Maintenir en place une réglementation qui favorise la production d’énergies renouvelables et la participation du secteur privé. Moderniser le réseau électrique en déployant des technologies de réseau intelligent et en y intégrant des dispositifs de stockage. |