Face à la prolifération globale des régimes de protection sociale au XXIe siècle, un certain nombre de pays tentent de rassembler ces dispositifs individuels au sein de systèmes intégrés et cohérents. Cette approche s’inscrit dans la droite ligne de la cible 1.3 des Objectifs de développement durable, visant à « mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, adaptés au contexte national ». Ce processus de systémisation commence généralement par la formulation d’une politique de protection sociale, qui définit une vision pour l’intégration des différents régimes et l’amélioration de la couverture. En 2015, 77 pays en développement disposaient d’une politique ou d’une stratégie de protection sociale en vigueur, tandis que 31 autres s’attachaient à en planifier ou en définir une (Honorati, Gentilini et Yemtsov, 2015[1]).
S’il existe certes des variations entre les pays, le terme de « système de protection sociale » renvoie néanmoins généralement à un cadre permettant l’intégration ou (au minimum) la coordination des trois piliers de la protection sociale – à savoir l’assistance sociale, l’assurance sociale et les programmes du marché du travail. L’intégration implique en général la création de liens entre différents programmes au sein de chaque pilier du système de protection sociale, par exemple la combinaison de différents transferts au titre de la sécurité alimentaire dans le cadre du pilier de l’assistance sociale.
L’intégration peut aussi s’opérer entre les différents piliers. Au niveau administratif, par exemple, différents régimes de protection sociale peuvent partager leurs données et systèmes de suivi, idéalement en lien avec d’autres registres civils. Au niveau opérationnel, les régimes de protection sociale partagent souvent leurs systèmes d’inscription et de prestation, tandis qu’au niveau institutionnel, une institution unique peut être chargée de la coordination des activités de protection sociale entre les différents secteurs et ministères.
Les politiques et mécanismes du système de santé conçus en soutien de la couverture santé universelle peuvent s’envisager à la fois comme relevant des trois piliers de la protection sociale et comme formant à eux seuls un quatrième pilier. D’un point de vue conceptuel, la couverture santé universelle converge avec les objectifs de réduction de la pauvreté et de la vulnérabilité, dans la mesure où elle garantit que chacun ait accès aux services de santé et que personne ne soit exposé à une charge financière excessive au titre de ses dépenses de santé. D’un point de vue opérationnel, toutefois, la mise en œuvre de la couverture santé universelle et d’autres politiques de protection sociale relève souvent de structures de gouvernance et d’administration distinctes. Des liens se développent néanmoins, par exemple avec l’utilisation de mécanismes de ciblage de l’assistance sociale pour les régimes sociaux d’assurance santé ou, comme dans le cas du Cambodge, l’intégration de la couverture santé universelle au sein d’une politique nationale de protection sociale.
Les avantages d’un système de protection sociale intégré sont multiples. Il facilite l’offre d’un socle de protection sociale, permettant aux individus de bénéficier d’une protection adéquate tout au long de leur cycle de vie. Pour ce faire, il s’agit non seulement de veiller à l’existence d’un éventail suffisant de programmes pour couvrir le profil de risque d’une population, mais aussi de partager les informations sur différents individus afin de s’assurer de leur rattachement au programme adéquat. Les systèmes minimisent en outre les coûts, tant au niveau de l’État (en permettant le partage des infrastructures et la réalisation d’économies d’échelle) que des individus (en réduisant les coûts de transaction associés à la sollicitation de différents programmes de protection sociale).