Un cadre rigoureux de gouvernance d’entreprise est essentiel pour les économies de la région MENA soucieuses de promouvoir la croissance et d’édifier des sociétés prospères. Les Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE, les Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques et la Recommandation de l’OCDE sur l’égalité hommes‑femmes sont des références importantes pour la mise en place d’un tel cadre. Le présent chapitre offre un tour d’horizon des principales conclusions et moyens d’action à la disposition des pouvoirs publics énoncés dans les chapitres suivants. Il propose tout d’abord un état des lieux de la situation économique d’ensemble dans la région MENA, puis passe succinctement en revue les chapitres suivants, respectivement consacrés à l’accès aux financements et aux marchés financiers, à la transparence et à la communication d’informations, à une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes dans les organes de direction des entreprises et à la gouvernance des entreprises publiques dans les économies de la région.
Gouvernance d’entreprise dans la région MENA
Chapitre 1. Tour d’horizon de la gouvernance d’entreprise dans la région MENA
Abstract
Introduction
Il est essentiel que les économies de la région MENA soucieuses de promouvoir la croissance et d’édifier des sociétés prospères soient dotées d’un cadre de gouvernance d’entreprise solide. Les Principes de gouvernance d'entreprise du G20 et de l’OCDE soulignent qu’une saine gouvernance d’entreprise favorise l’efficience économique, une croissance durable et la stabilité financière (OCDE, 2015a).
À l’heure actuelle, les économies de la région MENA pourraient aligner encore plus leurs politiques et pratiques de gouvernance d’entreprise sur les normes internationales pour attirer les investisseurs et assurer leur développement économique.
Parmi les problèmes relatifs à la gouvernance d’entreprise dans la région, on peut citer la concentration de l’actionnariat, dominé par des familles ou par l’État, le sous‑développement des marchés financiers, la nécessité d’instaurer une culture d’entreprise plus transparente et la modeste participation des femmes aux postes de dirigeants.
Les auteurs de cet ouvrage font le point sur la gouvernance d’entreprise dans la région du Moyen‑Orient et d’Afrique du Nord et proposent aux responsables publics des pistes pour mettre en place un cadre plus solide de gouvernance d’entreprise en vue de stimuler la compétitivité et la croissance.
Ils examinent pour quelles raisons les questions de gouvernance d’entreprise sont importantes pour la région et pourquoi il importe d’y instaurer un cadre propice au développement des marchés financiers pour les entreprises en croissance, à la transparence et à la communication d’informations, à la participation des femmes aux organes de direction des entreprises et à l’amélioration de la gouvernance des entreprises publiques.
Cet ouvrage a été préparé par le Groupe de travail MENA-OCDE sur la gouvernance d’entreprise en coopération avec des représentants des pays ou territoires de la région ayant été évalués : l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Autorité palestinienne, le Bahreïn, le Djibouti, les ÉAU, l’Égypte, l’Iraq, la Jordanie, le Koweït, le Liban, la Libye, la Mauritanie, le Maroc, Oman, le Qatar, la Tunisie et le Yémen.
Des expériences internationales concernant l’élaboration de politiques de gouvernance d’entreprise saines et d’exemples de bonnes pratiques sont présentées ici afin de mettre en évidence des pistes de réforme que les décideurs et spécialistes de la région MENA pourraient étudier. Trois normes internationalement admises font référence, les Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE (OCDE, 2015a), les Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques (OCDE, 2015b) et la Recommandation de l’OCDE sur l’égalité hommes-femmes (OCDE, 2017a).
Situation économique globale dans la région MENA
La région MENA se caractérise par sa diversité économique même si les économies qui la composent partagent une même langue et ont une histoire commune. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant varie très largement entre les économies du Golfe les plus riches aux ressources naturelles abondantes et à la population relativement modeste et les autres économies de la région moins bien lotis. En 2017, le PIB du Qatar était ainsi 110 fois supérieur à celui du Yémen.
Le PIB total de la région s’élevait à 23 700 milliards USD en 2017, soit 3 % du PIB mondial (graphique 1.1) (FMI, 2018). La région dans son ensemble comptait 353 millions d’habitants en 2017, Djibouti étant le pays le moins peuplé avec 1 million d’habitants et l’Égypte le plus peuplé avec 97 millions d’habitants (Banque mondiale, 2018).
Ces dix dernières années, les pays exportateurs de pétrole ont bénéficié d’un renchérissement des cours et ont utilisé cette manne pour moderniser les infrastructures et créer des emplois (Fasano-Filho et Iqbal, 2003). En 2014, l’or noir représentait plus de 60 % des exportations totales des économies de la région MENA exportatrices de pétrole à l’exception des ÉAU (FMI, 2016a). En raison des liens économiques entre les économies de la région, ceux qui n’exportent pas de pétrole ont aussi bénéficié des recettes pétrolières par le biais des investissements réalisés par les économies exportatrices de pétrole. Ces recettes ont eu des répercussions sur toutes sortes d’activités, telles que le tourisme, qui ont à leur tour soutenu le marché du travail.
Cela étant, la dépréciation marquée des prix du pétrole fin 2014 a entraîné une détérioration des conditions économiques qui s’est traduite par un creusement des déficits budgétaires (tableau 1.1).
Tableau 1.1. Principaux indicateurs économiques pour la région MENA, 2000-2017
|
Moyenne 2000-2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
---|---|---|---|---|
PIB réel (croissance annuelle, en %) |
5.1 |
3.2 |
3.1 |
1.7 |
Balance courante (en %) |
10.6 |
-5.1 |
-6.1 |
-1.4 |
Solde budgétaire de base |
4.7 |
-10.1 |
-11.3 |
-6.2 |
Inflation annuelle (croissance annuelle, en %) |
4.7 |
4.6 |
4.0 |
5.8 |
Note: Ces indicateurs regroupent l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Autorité palestinienne, le Bahreïn, Djibouti, les ÉAU, l’Égypte, l’Iraq, le Koweït, le Liban, la Libye, la Mauritanie, le Maroc, Oman, le Qatar, la Syrie, la Tunisie et le Yémen, ainsi que la Somalie et le Soudan.
Source : FMI, Perspectives économiques régionales : Moyen-Orient et Asie centrale.
À ces conditions économiques difficiles se sont ajoutés des conflits politiques toujours d’actualité qui ont fragilisé la confiance des investisseurs dans la région. En outre, l’investissement direct étranger s’est aussi inscrit en repli depuis la crise financière mondiale de 2008 et le printemps arabe de 2011 (UnctadStat, 2017).
Faciliter l’accès aux financements et aux marchés financiers
Une bonne gouvernance d’entreprise permet de réduire les coûts d’investissement et favorise l’accès des entreprises aux capitaux (OCDE, 2015a). Même si les marchés des capitaux des économies de la région MENA en sont à différents stades de développement, des caractéristiques communes peuvent être mise en évidence dans la région.
L’accès restreint des entreprises aux financements bride le développement du secteur privé, en particulier celui des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises en croissance1, en raison de la forte concentration de l’intermédiation bancaire dans la région, de la rigueur des exigences en matière de garanties, de la diversification sectorielle limitée et du pourcentage élevé de grandes entreprises présentes sur les marchés financiers.
Les systèmes bancaires des économies de la région MENA dominent le paysage économique, les dépôts bancaires ayant représenté, en 2015, 80 % du PIB de la région, contre une moyenne mondiale de 50 % (GFDD, Banque mondiale).
Le ratio moyen du crédit au secteur privé‑PIB dans la région est comparable à celui d’économies comparables, exception faite des économies du Conseil de coopération du Golfe (CCG) où l’intermédiation bancaire moyenne, mesurée par le ratio du crédit au secteur privé‑PIB, s’élevait à 54 % de 2011 en 2015, pourcentage nettement inférieur à celui des pays comparables (78 % pour les pays à revenu élevé).
La taille des marchés d’actions dans la région MENA, qui représentait 1.42 % de la capitalisation boursière mondiale en 2017, est très modeste au vu de la contribution de 3 % de la région au PIB mondial.
Cela étant, la capitalisation boursière varie considérablement d’une économie de la région à l’autre, oscillant de 78 % du PIB au Qatar et 66 % en Arabie saoudite à 22 % en Tunisie et 19 % en Égypte. En 2017, les marchés d’actions de la région MENA (hors Djibouti, la Libye, la Mauritanie et le Yémen) comptaient 1 456 sociétés cotées, représentant une capitalisation boursière de 1 128 milliard USD.
Le dynamisme et l’efficience des marchés financiers pourraient contribuer à améliorer l’accès des entreprises aux financements. Certaines études donnent à penser qu’il existe un lien positif entre une bonne gouvernance d’entreprise et le développement des marchés financiers. Un meilleur cadre de gouvernance d’entreprise favorise en effet une plus forte activité, une meilleure liquidité et une plus grande efficience des marchés financiers (FMI, 2016b).
Certaines données d’observation montrent par ailleurs que la qualité de la gouvernance à l’œuvre au sein des entreprises peut améliorer à la fois leur capacité à accéder aux capitaux et leurs résultats financiers (Haque et al., 2008 ; FMI, 2016b) ainsi que leur valorisation boursière (Cheung et al., 2014).
Depuis son lancement en 2011, l’indice Hawkamah/S&P Pan Arab ESG, qui suit les 50 plus grandes sociétés cotées sur 11 marchés de la région affichant les meilleurs résultats à l’aune des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), a surperformé l’indice S&P Pan‑Arab. Ce résultat semble indiquer que les investisseurs ont tenu compte des pratiques de gouvernance d’entreprise pour décider dans quelles sociétés placer leurs capitaux. Nombre de sociétés de la région sont également cotées sur des places étrangères où elles sont généralement tenues à des normes plus strictes de communication d’informations (GOVERN, 2016).
Un cadre rigoureux de gouvernance d’entreprise favorise le développement des marchés financiers au fil du temps. Les investisseurs doivent être assurés que leurs droits seront protégés lorsqu’ils placent des capitaux sur les marchés financiers. De même, les entreprises ne sont pas disposées à faire appel à des marchés financiers dont les responsabilités ne sont pas clairement définies par un État de droit (OCDE, 2015c).
Selon le présent rapport, les marchés financiers de la région MENA ne reflètent pas le potentiel des économies qui la composent. Outre les facteurs susmentionnés, la valeur totale des introductions en bourse d’entreprises en croissance et la faible diversification sectorielle des marchés d’actions donnent à penser que seul un nombre limité d’entreprises de la région a accès aux marchés financiers.
Dans la région, les prêts bancaires sont principalement consentis aux grandes entreprises, en particulier aux entreprises publiques et aux grands groupes industriels, ce qui en prive les PME et les entreprises en croissance.
Le manque d’empressement des entreprises familiales à communiquer des informations ou à diluer leur capital en faisant appel à l’épargne publique a une incidence sur le développement des marchés financiers dans la région. Les limitations de la propriété étrangère y sont en outre un obstacle majeur à la progression de l’investissement étranger.
Le développement des marchés financiers accroîtrait les possibilités d’accès des entreprises en croissance aux financements et contribuerait au développement économique général de la région. Une meilleure gouvernance d’entreprise est donc tout à fait essentielle à cet égard.
Une bonne gouvernance d’entreprise peut avoir une incidence positive sur les résultats des entreprises, leur accès aux financements, le coût de l’investissement, la valorisation des sociétés et la performance des marchés financiers. En conséquence, elle favorise le développement de marchés financiers diversifiés et actifs qui sont essentiels aux entreprises en croissance, ce qui stimule ensuite le développement économique.
Améliorer la transparence et la communication d’informations dans la région MENA
La transparence et la communication d’informations des entreprises cotées sont une composante essentielle du cadre nécessaire pour promouvoir le développement du secteur privé dans la région MENA et constituent donc une question cruciale.
La transparence et la communication d’informations exactes et pertinentes en temps opportun sont des conditions préalables essentielles à l’efficience de l’allocation du capital et à la santé des marchés financiers. Les mesures prises pour garantir la protection des droits des investisseurs attirent les investisseurs nationaux et étrangers en instaurant un climat de confiance, de transparence et de responsabilité.
Une meilleure communication d’informations permet de réduire le coût de l’investissement (Barth et al., 2013), de faire baisser les coûts de la surveillance, de renforcer la confiance des investisseurs et de stimuler la compétitivité du marché (Leuz et Wysocki, 2016). Pour attirer les investisseurs et les inciter à prendre des participations, les pays doivent être dotés d’un cadre rigoureux de gouvernance d’entreprise imposant aux entreprises de communiquer des informations fiables.
Les Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE appellent à l’instauration de cadres nationaux de gouvernance d’entreprise pour assurer la communication d’informations exactes en temps opportun sur les questions essentielles en rapport avec les entreprises, comme leur situation financière, leurs résultats, leurs actionnaires et leur gouvernance.
Or il ressort du présent rapport que même si les économies de la région MENA ont pris des mesures pour améliorer la transparence des entreprises et leur imposer de communiquer plus d’informations, des problèmes à ce sujet perdurent dans la région.
L’actionnariat de la majorité des entreprises cotées de la région MENA est concentré. Il se compose de fonds souverains ou de propriétaires fondateurs, notamment des familles (Amico, 2014). Les structures actionnariales peuvent avoir une incidence sur la transparence et la communication d’informations. En règle générale, la qualité des informations communiquées spontanément par les entreprises est d’autant plus faible que leur actionnariat est plus concentré.
Deux domaines constituent un problème particulièrement épineux dans les économies de la région MENA : la communication d’informations sur la propriété effective des entreprises et la communication d’informations sur les transactions avec des parties liées et les conditions qui les gouvernent.
Les législations des économies de la région sur la propriété effective imposent en général aux actionnaires de référence et aux administrateurs des sociétés cotées de diffuser des informations relatives à la structure du capital de ces entreprises, conformément aux bonnes pratiques internationales. Cela étant, malgré les améliorations apportées à la réglementation, des difficultés subsistent, notamment en ce qui concerne l’identification des propriétaires effectifs ultimes et la communication d’informations à leur sujet.
Les définitions données à la notion de « transactions avec des parties liées » ont été affinées, mais les exigences relatives aux modes et aux délais de communication des informations qui s’y rapportent varient d’un économie à l’autre. En outre, de nombreuses économies de la région MENA n’ont pas encore arrêté de seuils de participation à partir desquels les entreprises sont tenues de communiquer ces informations ou d’obtenir l’accord des actionnaires.
Afin de renforcer l’efficacité de leur cadre de gouvernance d’entreprise, les économies de la région MENA doivent poursuivre leurs efforts de réforme dans le domaine de la transparence et de la communication d’informations en se fondant sur les normes et les bonnes pratiques internationales.
Le législateur et les entreprises doivent s’efforcer de garantir une communication d’informations complète et appropriée sur la structure de l’actionnariat et sur les transactions avec des parties liées, veiller à la supervision et au respect des règles de communication d’informations et faire en sorte que les parties prenantes soient davantage associées aux décisions grâce à une meilleure protection des droits des investisseurs minoritaires. Pour y parvenir, il convient de déterminer la combinaison souhaitable de textes législatifs et de codes volontaires en fonction des spécificités de chaque économie.
En complément des efforts déployés par le législateur, les entreprises peuvent prendre des mesures immédiates pour améliorer leurs pratiques de communication d’informations. Afin d’attirer les investisseurs dans la région, elles doivent mettre à jour régulièrement leur site web, y publier davantage d’informations en anglais, notamment des rapports sur leur gouvernance.
Ces efforts peuvent avoir pour effet de renforcer la confiance des investisseurs, d’améliorer la réputation des entreprises sur le marché et de fluidifier l’accès aux financements, ce qui contribuera à la croissance globale et au développement général des économies et entreprises de la région.
Parvenir à une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans les organes directeurs des entreprises
Dans le monde entier, les entreprises ont désormais fait leur l’objectif d’une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes aux niveaux décisionnaires. Cette représentation est une priorité pour les pays de l’OCDE dont la plupart ont adopté des mesures visant à promouvoir la parité femmes‑hommes dans les conseils d’administration et les organes de direction.
Il existe donc une dynamique forte poussant les économies de la région MENA à prendre part à des initiatives qui donnent plus de pouvoir aux femmes et qui les promeuvent dans le monde de l’entreprise. La présence de femmes aux postes de direction est de plus en plus considérée comme une pierre angulaire des entreprises compétitives et créatrices de valeur et, par extension, des économies résilientes et inclusives.
L’adoption de mesures visant à assurer une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes aux postes de direction a permis à certaines économies de la région MENA de faire concorder leurs garanties constitutionnelles d’égalité entre les hommes et les femmes et d’égalité des chances avec les engagements internationaux à cet égard. Pour autant, ces mesures n’ont pas fait évoluer les pratiques des entreprises dans toutes les économies de la région et la région MENA peine encore à combler l’écart de représentation des hommes et des femmes aux postes de décision.
Il ressort de ce rapport que dans les économies de la région MENA, les codes de gouvernance d’entreprise reprennent rarement à leur compte la question de la parité femmes‑hommes, que les économies de la région font l’économie de mesures ciblées visant à encourager une représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les instances supérieures de direction des entreprises et que le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières n’imposent pas, en général, la communication d’informations sur la composition femmes‑hommes des conseils d’administration et des organes de direction.
En outre, les cadres juridiques et les normes sociales des économies de la région, notamment les codes familiaux, y sont un facteur déterminant des inégalités entre les hommes et les femmes sur le marché du travail, notamment pour ce qui est des postes de direction au sein des entreprises.
Pour que s’opère un changement mobilisateur, les États de la région MENA et le secteur privé devront associer leurs efforts afin d’instaurer un environnement propice à une représentation plus équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d’administration et les organes directeurs des entreprises.
Les Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE encouragent les pays à mener toutes sortes de politiques et d’initiatives en vue de renforcer la parité hommes‑femmes dans les conseils d’administration et dans les instances de direction. Ces politiques peuvent imposer des quotas ou des objectifs ciblés, des exigences de communication d’informations, la communication volontaire, par les entreprises, d’informations sur la composition femmes‑hommes de leur conseil d’administration, l’augmentation du nombre de sièges d’administrateurs dans les conseils et le recrutement actif de femmes qualifiées en cas de vacance d’un siège auparavant occupé par un homme. Ces politiques peuvent être le fait des pouvoirs publics, des autorités de tutelle et des entreprises et s’accompagner de mesures adaptées à chaque contexte.
Objectifs et politiques peuvent être étayés par des stratégies ayant pour objet l’instauration d’une plus grande parité femmes‑hommes au sein de l’entreprise dans son ensemble et à chaque étape de la carrière professionnelle des femmes. Les formations aux fonctions de direction et les programmes de tutorat font partie des exemples de bonnes pratiques mises en œuvre dans la région.
L’un des principaux enjeux dans la région est la difficulté à évaluer la participation des femmes aux instances de direction des entreprises en raison des informations limitées qui sont communiquées et faute de données fiables. Pour concevoir des politiques appropriées, il est indispensable de disposer d’un plus grand nombre de données de meilleure qualité à l’échelon national et régional et émanant des entreprises.
Des mesures durables sont nécessaires pour faire évoluer les mentalités et dénoncer les idées fausses sur les aptitudes des femmes à exercer des postes de direction et pour accélérer leur progression vers ces fonctions. Un cadre d’action en faveur de la parité « à l’échelle de toute l’entreprise » et des politiques de ressources humaines porteuses concernant des aspects comme le recrutement sont indispensables pour créer un écosystème propice à l’exercice de fonctions de direction par les femmes dans la région.
Améliorer la gouvernance des entreprises publiques
Les entreprises publiques sont des composantes fondamentales de l’architecture économique de la région MENA. Elles exercent leurs activités dans un large éventail de secteurs, ont une importance stratégique et fournissent généralement des services publics aux citoyens.
Les entreprises publiques peuvent contribuer, aux côtés des entreprises privées, au bon fonctionnement des économies et des sociétés si elles sont bien dirigées et si elles sont efficientes. La transparence sur leurs activités et leurs objectifs est essentielle pour maximiser leurs contributions économiques et sociétales.
La fonction d’actionnaire de l’État donne lieu à une gouvernance particulière et suscite des risques liés à la réglementation susceptibles d’empêcher les entreprises publiques de contribuer autant qu’elles le pourraient à l’économie et à la société. Ainsi, quand un organisme public a en même temps pour mission d’exercer les droits d’actionnaire d’une entreprise publique et de réglementer le marché concurrentiel sur lequel cette entreprise exerce son activité, il peut s’ensuivre des décisions prises dans l’intérêt de cette seule entreprise au détriment de l’efficience du marché et de la compétitivité.
Les auteurs du rapport concluent que la fonction d’actionnaire de l’État est encore assumée par divers acteurs au sein de l’administration publique dans la plupart des économies de la région MENA. Dans de nombreux cas, les ministères exercent en même temps la fonction d’actionnaire et la fonction de réglementation, ce qui peut les placer devant des objectifs antagonistes.
Avec la libéralisation des marchés et leur ouverture à une plus grande concurrence exercée par les entreprises privées, conjuguées à la participation de plus en plus active des entreprises publiques des économies de la région aux échanges et aux investissements internationaux, on peut s’inquiéter de savoir en quoi les conditions de concurrence prévalant dans ces économies ont une incidence sur l’équité des règles du jeu au niveau mondial.
De plus, on ne dispose guère d’informations sur les entreprises publiques de la région. La rareté des données sur leurs objectifs et leurs résultats limite l’aptitude des États de la région à mettre en œuvre une réforme éclairée des politiques relatives à leur actionnariat. Or, sans transparence sur les activités des entreprises publiques, il est difficile de demander à l’État et aux conseils d’administration des comptes sur les résultats de ces sociétés.
Le manque d’informations disponibles sur les entreprises publiques vaut aussi pour leur identité. Les informations permettant de savoir quelles entreprises sont des entreprises publiques ne sont généralement pas communiquées au public, qui en est pourtant l’« actionnaire » ultime. Appréhender clairement le paysage des entreprises publiques dans la région MENA grâce à une plus grande transparence permettrait d’améliorer les pratiques de l’État actionnaire et d’assurer au final que les entreprises publiques exercent leurs activités avec efficience, transparence et dans le respect des conditions de concurrence vis‑à‑vis des entreprises privées. En outre, et même si nombre de économies de la région ont pris des mesures ces dernières années pour améliorer les pratiques de l’État actionnaire et de gouvernance, les auteurs du rapport estiment qu’il existe encore une marge de professionnalisation de la fonction d’actionnaire exercée par l’État. L’élaboration de normes unifiées de gouvernance d’entreprise applicables à toutes les entreprises publiques pourrait favoriser une telle amélioration.
Les Lignes directrices de l’OCDE sur la gouvernance des entreprises publiques, présentées au chapitre 5, proposent des pistes de réflexion pour faire en sorte que les entreprises publiques exercent leurs activités avec efficience, transparence et dans le respect de règles du jeu équitables vis‑à‑vis des entreprises privées. Le présent document peut servir de référence aux États de la région MENA qui envisagent d’engager des réformes de leurs politiques publiques et de leur législation en vue d’améliorer la gouvernance d’entreprise.
Références
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Banque mondiale (2018), World Bank Open Data (base de données) (consultée le 28 novembre 2018).
Barth, M.E., Y. Konchitchki et W.R. Landsman (2013), « Cost of Capital and Earnings Transparency », Journal of Accounting & Economics, vol. 55, n° 2-3, pp. 206-224, Rochester, NY.
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Fasano-Filho, U. et Z. Iqbal (2003), « GCC Countries: From Oil Dependence to Diversification », FMI Working Papers, Fonds monétaire international, Washington, D.C.
GOVERN (2016), What Role for Institutional Investors in Corporate Governance in the Middle East and North Africa?, The Economic and Corporate Governance Centre, Paris.
Haque, F., T.G. Arun et C. Kirkpatrick (2008), « Corporate Governance and Capital Markets: A Conceptual Framework », Corporate Ownership and Control, vol. 5/2, pp. 264-276, Virtus Interpress, Sumy, Ukraine.
FMI (2018), Base de données des perspectives économiques dans le monde (consultée en avril 2018).
FMI (2016a), « Economic Diversification in Oil-Exporting Arab Countries », Report to Annual Meeting of Arab Ministers of Finance, Fonds monétaire international, Washington, D.C.
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GFDD (2018), Base de données Global Financial Development (Développement financier dans le monde) de la Banque mondiale, Banque mondiale.
Leuz, C. et P.D. Wysocki (2016), « The Economics of Disclosure and Financial Reporting Regulation: Evidence and Suggestions for Future Research », ECGI Working Paper Series in Law, European Corporate Governance Institute, Bruxelles.
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OCDE (2017b), Rapport sur la mise en œuvre des recommandations de l’OCDE sur l’égalité hommes‑femmes : Des progrès mais beaucoup reste à faire, rapport établi en vue de la Réunion du Conseil de l’OCDE au niveau des ministres, OCDE, Paris, www.oecd.org/fr/rcm/documents/C-MIN-2017-7-FR.pdf.
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UNCTADStat (2017), Foreign Direct Investment: Inward and Outward Flows and Stocks, annual, 1970‑2016, (base de données), Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, Genève.
Note
← 1. Dans les travaux de la série consacrée par l’OCDE aux marchés financiers, les « entreprises en croissance » désignent celles dont la valeur lors de l’introduction en bourse était inférieure à 100 millions USD. Cette définition est complétée par celle d’Eurostat‑OCDE (2007) selon laquelle les entreprises en croissance sont celles dont la croissance moyenne du chiffre d’affaires ou des effectifs est supérieure à 20 % par an sur trois ans.