Les pays membres de l’OCDE ont signé et ratifié de nombreux traités, conventions et chartes au cœur desquels figurent les normes internationales relatives aux droits de l’homme notamment applicables aux personnes LGBTI. Ces pays sont également influencés par les nombreuses recommandations et rapports non coercitifs sur l’égalité des droits des personnes LGBTI publiés par les principaux défenseurs des droits de l’homme. Ce chapitre débute par une présentation de ces parties prenantes, à savoir l’Union européenne, les Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’Organisation des États américains. Il met ensuite l’accent sur les lois en faveur de l’intégration des personnes LGBTI, qui résultent de l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme au cas des personnes LGBTI. Il traite des dispositions générales présentant un intérêt pour l’intégration de l’ensemble des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes, avant de se pencher sur les dispositions catégorielles visant à combattre les difficultés spécifiques auxquelles se heurtent des sous-groupes de cette population.
Hors d’atteinte ? La route vers l’intégration des personnes LGBTI
2. Quelles sont les lois favorisant l’intégration des personnes LGBTI ?
Abstract
Qui sont les personnes LGBTI+ ?
LGBTI est l’acronyme de « lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres et intersexes ». Les personnes LGBTI sont définies en fonction de trois caractéristiques distinctes : l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles. L’orientation sexuelle fait référence à la capacité d’une personne à ressentir une attirance émotionnelle et sexuelle profonde pour des personnes de sexe opposé, des personnes de même sexe, ou les deux, et à avoir des relations intimes et sexuelles avec ces personnes. L’orientation sexuelle permet de distinguer les hétérosexuels, les lesbiennes, les gays et les bisexuels. L’identité de genre fait référence au sentiment intime d’être un homme, une femme ou androgyne, ou rien de tout cela. L’identité de genre permet de distinguer les personnes transgenres des personnes cisgenres, une personne transgenre/cisgenre étant une personne dont l’identité de genre est différente de/conforme à son sexe biologique à la naissance. Les caractéristiques sexuelles font référence aux structures chromosomique et hormonale, aux organes reproducteurs et à l’anatomie sexuelle, qui déterminent le sexe d’un individu. Parfois, les caractéristiques sexuelles ne correspondent pas aux définitions médicales strictes de ce qu’est une personne de sexe masculin ou féminin. Un individu dont les caractéristiques sexuelles ne sont ni entièrement féminines ni entièrement masculines est dit « intersexe ». Même si ces variations concernent une minorité d’individus, elles ne sont pas pathologiques. Seule une faible proportion d’entre eux souffrent de pathologies qui peuvent mettre leur vie en danger si elles ne sont pas prises en charge rapidement (Agence des droits fondamentaux, 2015[1]). Parce qu’elles se distinguent de la population majoritaire en termes d’orientation sexuelle et d’identité de genre, les personnes LGBTI sont également qualifiées de « minorités sexuelles et de genre ».
Même si la taille d’un groupe ne devrait pas avoir d’incidence sur son accès aux droits de l’homme, il est important de noter que la proportion de personnes s’identifiant comme LGBTI est non négligeable et en hausse. Aux États-Unis, par exemple, le pourcentage de personnes se définissant comme LGBT auprès des enquêteurs est passé de 3.5 % en 2012 à 4.5 % en 2017. Cette tendance devrait se poursuivre à l’avenir, sous l’influence des jeunes générations : en 2017, seuls 1.4 % des répondants nés avant 1945 se considéraient comme LGBT aux États-Unis, contre 8.2 % des personnes appartenant à la génération Y, c’est-à-dire nées entre 1980 et 1999 (OCDE, 2019[2]). Le groupe des personnes intersexes n’inclut pas seulement les individus nés avec des organes génitaux atypiques immédiatement détectables à la naissance, voire avant. Il se compose également d’individus nés avec des caractéristiques physiques, hormonales ou génétiques plus subtiles qui en font des personnes intersexes mais qui ne seront « découvertes », le cas échéant, que plus tard dans la vie, à la puberté par exemple1. Jusqu’à présent, deux études ont tenté de réaliser une estimation exhaustive de la population intersexe, sur la base d’une méta-analyse d’articles de recherche médicale. Cette estimation est comprise entre 0.5 % (van Lisdonk, 2014[3]) et 1.7 % (Blackless et al., 2000[4]) de la population totale.
Un « + » est souvent ajouté à l’acronyme LGBTI pour inclure les personnes qui ne s’identifient pas comme hétérosexuelles et/ou cisgenres, mais ne se qualifieraient pas non plus de LGBTI. Il s’agit notamment des personnes en questionnement (qui ne sont pas sûres de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre), des personnes pansexuelles (pour lesquelles le sexe et le genre ne sont pas pertinents pour déterminer leur attirance émotionnelle ou sexuelle envers d’autres personnes), ou des personnes asexuelles (qui n’éprouvent aucune attirance sexuelle pour qui que ce soit, ou montrent peu ou pas d’intérêt pour l’activité sexuelle).
1 Par exemple, le dramaturge et cinéaste canadien intersexe Alec Butler explique que, né femme et élevé comme une fille, sa vie a soudainement changé à l’âge de 12 ans lorsque sa barbe a poussé et qu’il a eu ses règles. Voir https://www.bbc.com/news/magazine-36092431 (consulté le 24 octobre 2019).
Il existe au moins trois raisons pour lesquelles les gouvernements des pays de l’OCDE devraient veiller à ce que les lesbiennes, les gays, les bisexuels, les personnes transgenres et les personnes intersexes – communément appelés « personnes LGBTI » – puissent vivre en tant que telles sans être victimes de stigmatisation, de discrimination ou d’agressions. La première, et la plus importante, est à l’évidence éthique. L’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles sont des traits inhérents à la personnalité de chacun. Les personnes LGBTI ne doivent pas être condamnées à vivre cachées ou à subir des représailles lorsque leur identité est révélée. La deuxième raison est d’ordre économique. La discrimination à l’encontre des personnes LGBTI entrave le développement économique par de multiples canaux. Elle entraîne ainsi une diminution de l’investissement dans le capital humain en raison du harcèlement scolaire dont sont victimes les jeunes LGBTI, et du moindre rendement de l’investissement éducatif sur le marché de l’emploi. Elle dégrade également les performances économiques en excluant les talents LGBTI du marché du travail, et en minant leur santé mentale et physique, donc leur productivité. La troisième raison pour laquelle l’intégration des personnes LGBTI doit figurer au premier rang des priorités de l’action publique est d’ordre social. L’intégration de ces personnes serait propice à l’émergence de normes de genre moins restrictives, bénéfiques à l’égalité des sexes en général et, par conséquent, à un élargissement des rôles socio-économiques, celui des femmes en particulier. En effet, l’intégration des personnes LGBTI peut contribuer à remettre en question les idées erronées selon lesquelles (i) les individus appartiennent à la naissance à l’un ou l’autre de deux sexes biologiques distincts (masculin et féminin), qui correspondent parfaitement à leur identité de genre ; (ii) ces deux sexes ressentent clairement une attirance sexuelle l’un pour l’autre ; (iii) au sein des couples ainsi formés, hommes et femmes assument des rôles biologiquement déterminés. Les données confirment que l’acceptation de l’homosexualité est fortement corrélée au soutien à l’égalité femmes-hommes à travers le monde (OCDE, 2019[2]).
La garantie de l’égalité des droits des personnes LGBTI est d’une importance capitale pour leur intégration dans la société dans son ensemble. Aucune amélioration de leur situation n’est envisageable si la loi ne les met pas d’abord à l’abri d’une inégalité de traitement. L’adoption de lois en matière d’égalité favorise aussi l’intégration des personnes LGBTI car elles influent sur les normes sociales. Les citoyens perçoivent les changements légaux comme des changements de normes sociales et sont pour beaucoup disposés à se conformer à ces changements (voir le chapitre 3 pour plus de détails). Des études récentes ont confirmé la forte corrélation entre les lois favorisant l’égalité de traitement des personnes LGBTI et le PIB par habitant, ce qui est cohérent avec leur importance pour l’intégration des personnes LGBTI et donc le développement économique (Encadré 2.1).
Encadré 2.1. Les lois en faveur de l’intégration des personnes LGB sont fortement corrélées au développement économique
Une étude récente analyse la corrélation entre l’« Indice global de reconnaissance juridique de l’orientation homosexuelle » (Global Index on Legal Recognition of Homosexual Orientation − GILRHO) et le développement économique de 132 pays, de 1966 à 2011. Le GILRHO porte sur huit catégories de droits légaux correspondant aux principales mesures juridiques mises en œuvre par différents pays pour renforcer les droits des personnes LGB : (1) légalité des rapports homosexuels consentants entre adultes ; (2) égalité des limites d’âge pour les rapports homosexuels et hétérosexuels consentants ; (3) interdiction légale explicite de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans l’emploi ; (4) interdiction légale explicite de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle dans l’accès à des biens et/ou des services ; (5) reconnaissance légale de l’union libre pour les couples homosexuels ; (6) possibilité de partenariat enregistré pour les couples homosexuels ; (7) possibilité d’adoption par le second parent et/ou d’adoption conjointe par des partenaires homosexuels ; et (8) possibilité légale de mariage pour les couples homosexuels. Chaque pays doté d’une loi correspondant à chacune de ces huit catégories se voit attribuer un point entier par an depuis l’entrée en vigueur de cette loi. Si la loi en question n’est appliquée que dans une partie du pays, un demi-point est attribué, quel que soit le nombre d’États, de provinces ou de régions où elle est en vigueur. D’après l’étude, chaque point supplémentaire sur l’échelle GILRHO des droits légaux des personnes LGB, qui comporte 8 points, est associé à une hausse d’environ 2000 USD du PIB réel par habitant. Une série de tests de robustesse confirme qu’une corrélation positive et statistiquement significative persiste entre cet indice et le PIB réel par habitant après prise en compte des estimateurs du développement économique corrélés avec le GILRHO, comme les mesures juridiques en faveur de l’égalité des sexes.
Source : Gadget, Waaldijk et Rodgers (2019[5]), « The relationship between LGBT inclusion and economic development », World Development.
Mais qu’entend-on par « lois en faveur de l’intégration des personnes LGBTI » ? Le droit de toute personne à l’égalité devant la loi est universel, comme l’énonce sans équivoque l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » Dans ce contexte, la protection des personnes sur la base de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre et de leurs caractéristiques sexuelles ne doit pas entraîner la création de droits nouveaux ou spéciaux pour les personnes LGBTI, mais simplement étendre à ces personnes les droits dont jouissent les autres individus en vertu des normes internationales relatives aux droits de l’homme.
Ce chapitre présente un ensemble essentiel de lois en faveur de l’intégration des personnes LGBTI, qui résultent de l’application de ces normes relatives aux droits de l’homme aux questions d’orientation sexuelle, d’identité de genre et de caractéristiques sexuelles. Ces normes incluent le droit à la non‑discrimination, le droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique et d’association, le droit à ne pas subir de violence, le droit à demander et recevoir l’asile dans d’autres pays pour fuir des persécutions, et le droit au respect de la vie privée et familiale. Ces normes sont au cœur des traités, conventions ou chartes signés et ratifiés par les pays de l’OCDE, et sont donc contraignantes pour ces signataires, au moins moralement. La section 2.1 présente les principales sources des normes internationales relatives aux droits de l’homme dans les pays de l’OCDE. Les sections 2.2 et 2.3 se concentrent sur les lois qui résultent de l’application de ces normes internationales relatives aux droits de l’homme au cas des personnes LGBTI1. Ces lois peuvent être divisées en deux catégories : les dispositions générales qui présentent un intérêt pour l’intégration de l’ensemble des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes (section 2.2), et les dispositions catégorielles qui visent à combattre les difficultés spécifiques auxquelles se heurtent des sous-groupes de cette population (section 2.3).
2.1. Principaux défenseurs des droits de l’homme dans les pays de l’OCDE
Dans les pays de l’OCDE, les lois régissant les droits de l’homme sont soumises aux organes compétents de plusieurs organisations internationales et régionales. Parce qu’elle bénéficie de la plus forte légitimité démocratique, l’Union européenne (UE), dont font partie 22 pays de l’OCDE, est la plus puissante de ces parties prenantes. Toutefois, d’autres organisations jouent également un rôle essentiel, notamment dans les pays de l’OCDE non membres de l’UE : l’Organisation des Nations Unies, dont tous les pays de l’OCDE sont membres ; le Conseil de l’Europe, qui regroupe les 27 pays européens de l’OCDE (les 22 membres de l’UE ainsi que l’Islande, la Norvège, le Royaume-Uni, la Suisse et la Turquie) ; et l’Organisation des États américains, qui regroupe les quatre pays de l’OCDE situés en Amérique du Nord et du Sud (Canada, Chili, Mexique et États-Unis)2.
2.1.1. L’Union européenne
Depuis 2009, la Charte des droits fondamentaux (CDF) est l’instrument de l’Union européenne dédié à la protection des droits de l’homme3. La CDF contribue à l’établissement de solides normes relatives aux droits de l’homme dans les pays membres. Elle inspire le droit communautaire, notamment les règlements et les directives, que les pays membres sont non seulement tenus de mettre en œuvre, mais également d’appliquer en conformité avec la CDF. La Commission européenne est en charge de veiller à ce que les systèmes juridiques nationaux s’alignent sur les exigences du droit communautaire. Dans le cas contraire, la Commission peut engager des procédures d’infraction à l’encontre des États membres. Une lettre de mise en demeure est alors envoyée, par laquelle la Commission permet à l’État membre de présenter son point de vue concernant l’infraction constatée. En l’absence de réponse à cette lettre, ou si les observations présentées par l’État membre ne sont pas jugées satisfaisantes, la Commission passe à l’étape suivante de la procédure d’infraction, à savoir l’avis motivé, qui est une demande formelle de se conformer au droit communautaire. Si l’État membre ne se conforme toujours pas, la Commission peut décider de porter l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, la plupart des affaires sont réglées avant d’être renvoyées devant la Cour.
L’égalité des personnes LGBTI est une priorité de l’Union européenne depuis 2014, lorsque le Parlement européen a publié une résolution sur la « Feuille de route de l’UE contre l’homophobie et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre », et a demandé à la Commission européenne d’élaborer « une politique pluriannuelle exhaustive en matière de protection des droits fondamentaux des personnes LGBTI » (Parlement européen, 2014[6]). Suite à cette résolution, la Commission européenne a présenté en 2015 une liste de mesures visant à faire progresser l’égalité de traitement des personnes LGBTI (List of actions to advance LGBTI equality), approuvée en 2016 par le Conseil de l’Union européenne. Cette liste présente les mesures concrètes que la Commission s’est engagée à prendre entre 2015 et 2019 pour intensifier les efforts de lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles. Elle se compose des volets suivants :
« Améliorer les droits et assurer la protection légale des personnes LGBTI et de leurs familles dans les principaux domaines de compétence de l’UE » : adopter à l’échelle européenne une législation de premier plan relative aux personnes LGBTI ;
« Surveiller et respecter rigoureusement les droits existants des personnes LGBTI et de leurs familles en vertu de la législation de l’UE » : garantir que les problématiques spécifiques liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre sont correctement prises en compte lors de la transposition et de la mise en œuvre de la législation de l’UE ;
« Sensibiliser les citoyens, encourager la diversité et la non-discrimination », c’est-à-dire améliorer l’acceptation sociale des personnes LGBTI grâce à de vastes campagnes de communication en faveur de leur intégration ;
« Soutenir les principaux acteurs chargés de promouvoir et de faire progresser l’égalité des droits des personnes LGBTI dans l’UE » (États membres, organisations publiques et privées) ;
« Faits et chiffres à l’intention des décideurs concernant les enjeux LGBTI au sein de l’UE : collecte de données et activités de recherche » : améliorer les données disponibles sur la situation des personnes LGBTI ;
« Agir en dehors de l’UE : les enjeux LGBTI dans les pays visés par l’élargissement, les pays voisins et les pays tiers » : aborder les questions préoccupantes concernant la situation des personnes LGBTI dans ces pays.
Suite à cette liste de mesures, de nombreux efforts ont été déployés pour s’assurer que les personnes LGBTI ne soient pas laissées pour compte – un grand nombre d’entre eux sont détaillés dans ce rapport. Pour renforcer ces mesures, un groupe de 19 États membres4 a présenté conjointement en 2018 un document officieux sur l’avenir de la liste de mesures, demandant l’adoption d’une stratégie en faveur des personnes LGBTI. En 2019, le Parlement européen a également demandé à la Commission européenne d’adopter un nouveau document stratégique pour faire progresser l’égalité des personnes LGBTI, actuellement en préparation.
2.1.2. Autres acteurs essentiels
Outre l’Union européenne, l’Organisation des Nations Unies, le Conseil de l’Europe et l’Organisation des États américains jouent un rôle essentiel pour faire progresser les droits des personnes LGBTI dans les pays de l’OCDE. Bien que leur capacité à sanctionner les États membres soit plus limitée, ces organisations contribuent tout de même à encourager les États à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme (Carraro, 2019[7]).
Système de protection des droits de l’homme des Nations Unies
Les mécanismes d’application des droits de l’homme font défaut à l’échelle mondiale. Le seul tribunal international prenant en charge les violations des droits de l’homme est la Cour pénale internationale, mais sa compétence est limitée aux violations flagrantes des droits de l’homme, comme les génocides et les crimes de guerre.
Néanmoins, bien qu’elle ne dispose d’aucun pouvoir coercitif, l’Organisation des Nations Unies5 (ONU) s’est engagée à susciter une adhésion mondiale aux obligations en matière de droit de l’homme, par le biais de quatre entités de premier plan :
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) – créé en 1993 : le HCDH aide les gouvernements à remplir les obligations énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, et soutient les individus dans la revendication de leurs droits. Bien qu’elle ne soit pas juridiquement contraignante, la Déclaration universelle des droits de l’homme a énoncé pour la première fois dans l’histoire de l’humanité les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels fondamentaux dont tous les êtres humains devraient jouir. Au fil des ans son statut de norme fondamentale des droits de l’homme, que tous les hommes devraient respecter et protéger, a été largement reconnu ;
Le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (CDH) – créé en 2006 en remplacement de la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies : le CDH est chargé d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme dans les États membres des Nations Unies, notamment par le biais de l’Examen périodique universel, un examen par les pairs qui analyse la situation des 193 pays membres tous les quatre ans et formule des recommandations d’amélioration (un premier cycle a eu lieu entre 2007 et 2011, un deuxième entre 2012 et 2016 et un troisième entre 2017 et 2021) ;
Les organes de traités des Nations Unies, des comités internationaux composés d’experts indépendants qui surveillent l’application par les États parties des traités fondamentaux relatifs aux droits de l’homme. Depuis la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), neuf grands traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ont été adoptés, dont le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). Avec la DUDH, ces deux pactes forment la Charte internationale des droits de l’homme. Ils ont été ratifiés par tous les pays membres de l’OCDE6 – à l’exception des États-Unis, qui ont signé le PIDESC mais ne l’ont pas ratifié. Les organes de traités des Nations Unies ont pour principale mission d’analyser les rapports soumis par les États. À cette occasion, les États sont évalués par rapport à la mise en œuvre de leurs obligations en vertu des traités, puis des recommandations d’amélioration leur sont faites ;
Les agences des Nations Unies œuvrant pour la promotion et la protection des droits de l’homme : le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’Entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU-Femmes).
Les Examens périodiques universels du CDH et la procédure de soumission de rapports des organes de traités sont jugés particulièrement efficaces pour faire respecter l’application des traités (Carraro, 2019[7]). Ils poussent les pairs et l’opinion publique à exercer une certaine pression sur les pays, ce qui peut les inciter à respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme par crainte de pertes matérielles ou des risques pour leur réputation. Parallèlement, ces mécanismes favorisent les progrès en enseignant aux pays comment respecter leurs obligations en matière de droits de l’homme, au moyen de recommandations transposables dans la pratique, aussi réalistes que détaillées.
Depuis 2011, le système de protection des droits de l’homme des Nations Unies a renforcé son engagement envers la protection des droits des personnes LGBTI, comme il ressort des étapes ci-après :
En 2011, le CDH a adopté une résolution demandant au HCDH de réaliser « une étude qui rende compte des lois et pratiques discriminatoires ainsi que des actes de violence commis contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre » (CDH, 2011[8]). C’était la première fois qu’un organe des Nations Unies approuvait une résolution affirmant les droits des personnes LGBT. À noter que cette résolution a été approuvée à une étroite majorité mais qu’elle a reçu un soutien notable de membres du CDH de toutes les régions. Le rapport du HCDH révèle que la violence à l’égard des personnes LGBT est omniprésente dans le monde (HCDH, 2011[9]). Ce rapport a ouvert la voie à la première publication phare du HCDH sur les droits des personnes LGBTI, intitulée « Nés libres et égaux » (HCDH, 2012[10]).
En 2014, le CDH a adopté une deuxième résolution demandant au HCDH d’établir un rapport sur les bonnes pratiques pour lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre (CDH, 2014[11]). C’était la première fois qu’une résolution sur les questions d’orientation sexuelle et d’identité de genre était adoptée par le CDH avec le soutien d’une majorité de ses membres. Le rapport du HCDH établit une liste de recommandations visant à protéger les personnes LGBT contre les violations des droits de l’homme, qui s’inspire des meilleures pratiques des États membres de l’ONU (HCDH, 2015[12]). Ce rapport constituait le premier pas vers la deuxième publication phare du HCDH sur les droits des personnes LGBTI, intitulée « Living Free and Equal » (Vivre libres et égaux, en anglais uniquement) (HCDH, 2016[13]).
En 2015, le HCDH, en association avec l’OIT, l’ONUSIDA, le PNUD, l’UNESCO, le FNUAP, le HCR, l’UNICEF, ONU Femmes et l’OMS, ainsi que l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et le Programme alimentaire mondial (PAM) ont publié une déclaration commune appelant les gouvernements à agir de toute urgence pour mettre fin aux violences et aux discriminations à l’encontre des adultes, des adolescents et des enfants LGBTI (HCDH et al., 2015[14]). Cette initiative a été saluée par le chef de l’ONU – à l’époque Secrétaire général, Ban Ki-moon – dans un discours historique prononcé devant le Core Group LGBTI des Nations Unies, un groupe informel d’États membres des Nations Unies créé en 2008 pour promouvoir les droits des personnes LGBTI, principalement au moyen d’une collaboration continue entre les diplomates des pays du Sud et des pays du Nord : « Lorsque les droits humains des personnes LGBT sont bafoués, nous sommes tous diminués. (…) Il ne s’agit pas seulement d’un engagement personnel, c’est un engagement institutionnel. Certains disent que je suis le premier Secrétaire général à défendre cette cause – mais je préfère dire que je suis le premier d’une longue série. Diriger cette Organisation signifie remplir sa mission sacrée, qui est de faire respecter les droits de l’homme pour tous les peuples. » (Secrétaire général des Nations Unies, 2015[15])
En 2016, le CDH a adopté une troisième résolution visant à nommer un expert indépendant chargé d’identifier les causes de la violence et de la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, et de débattre avec les gouvernements des moyens de protéger les victimes (CDH, 2016[16]). Cette même année, le Conseil de sécurité de l’ONU a publié un communiqué de presse qui « condamn[e] avec la plus grande fermeté l’attentat terroriste perpétré le 12 juin 2016 à Orlando (Floride), lors duquel 49 personnes visées en raison de leur orientation sexuelle ont trouvé la mort et 53 ont été blessées. » C’était la première fois que le Conseil de sécurité des Nations Unies reconnaissait verbalement la violence à l’encontre de la communauté LGBTI (Conseil de Sécurité de l’ONU, 2016[17]).
En 2018, à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Secrétaire général António Guterres a réaffirmé que « les Nations Unies défendent les droits de la communauté LGBTI » (Secrétaire général des Nations Unies, 2018[18]).
En 2019, le CDH a adopté une quatrième résolution visant à renouveler le mandat de l’Expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre.
Le Conseil de l’Europe
Depuis 1953, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) est l’instrument du Conseil de l’Europe dédié aux droits de l’homme7. Cette Convention bénéficie de solides mécanismes d’application : la Cour européenne des droits de l’homme est chargée de statuer sur les requêtes individuelles ou étatiques alléguant de violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention (après épuisement de toutes les voies de recours disponibles à l’échelle nationale), et les États membres sont tenus d’exécuter les arrêts de la Cour.
Le Conseil de l’Europe est doté de deux organes statutaires, qui sont les gardiens des valeurs fondamentales du Conseil :
Le Comité des ministres, composé des ministres des Affaires étrangères de chaque pays membre : ce Comité surveille notamment l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, en particulier pour garantir le paiement des sommes accordées par la Cour aux plaignants en réparation du préjudice qu’ils ont subi ;
L’Assemblée parlementaire, composée de 324 membres issus des parlements nationaux des États membres : les résolutions et recommandations adoptées par l’Assemblée parlementaire afin de maintenir des normes solides en matière de droits de l’homme sont politiquement contraignantes (mais juridiquement non contraignantes), ce qui signifie qu’elles peuvent être invoquées dans le cadre d’activités de sensibilisation au sein de chaque État membre.
Le Commissaire aux droits de l’homme est le troisième organe essentiel chargé des droits de l’homme au sein du Conseil de l’Europe. Établi en 1999, il est indépendant et chargé de promouvoir la sensibilisation aux droits de l’homme et leur respect dans les États membres. Pour remplir sa mission, le Commissaire aux droits de l’homme effectue des visites dans tous les États membres afin d’évaluer la situation des droits de l’homme, et émet des rapports, des avis et des recommandations à l’intention des gouvernements.
L’engagement de longue date du Conseil de l’Europe envers la protection des droits des personnes LGBTI remonte à 1981, lorsque l’Assemblée parlementaire a adopté une résolution exhortant les États membres à mettre fin aux violations des droits de l’homme à l’encontre des personnes homosexuelles (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 1981[19]). Cette résolution a été complétée en 1989 par une résolution relative à « la condition des personnes transsexuelles » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 1989[20]) et en 2000 par une résolution relative à « la situation des lesbiennes et des gays ». (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2000[21]). Le rôle du Conseil de l’Europe dans la création d’un cadre normatif visant à promouvoir l’égalité de traitement des personnes LGBTI s’est renforcé depuis 2010 lorsque :
Le Comité des ministres a publié un document de référence formulant des recommandations à l’intention des États membres afin de « combattre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre » (Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, 2010[22]);
L’Assemblée parlementaire a adopté une résolution appelant les pays membres à mettre fin à la « discrimination sur la base de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2010[23]).
Ces deux initiatives ont ouvert la voie à la première publication phare du Conseil de l’Europe sur les droits des personnes LGBTI, intitulée « Discrimination on Grounds of Sexual Orientation and Gender Identity » (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2011[24]).8
L’Organisation des États américains
Depuis 1978, la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH) est l’instrument de l’Organisation des États américains (OEA) dédié aux droits de l’homme9. Cette Convention a été signée et ratifiée par le Chili et le Mexique, mais pas par le Canada et les États-Unis10. Les organes chargés de surveiller le respect de la Convention par les signataires sont les suivants :
La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), dont la principale mission est de recevoir, analyser et traiter les pétitions individuelles contenant des allégations de violation des droits protégés par la Convention américaine relative aux droits de l’homme ;
La Cour interaméricaine des droits de l’homme, qui a une fonction d’arbitrage (elle entend et règle des cas spécifiques de violations des droits humains qui lui sont soumis) et de conseil (elle émet des avis sur des questions d’interprétation juridique qui ont été portées à son attention par d’autres organes de l’OEA ou les États membres).
En 2008, l’Assemblée générale de l’OEA a adopté une résolution exhortant les pays membres à lutter contre « les actes de violence et autres violations des droits humains perpétrés contre des personnes en raison de leur orientation sexuelle et de leur identité de genre » (Assemblée générale de l’OEA, 2008[25]). La Commission interaméricaine des droits de l’homme a ensuite publié un document de référence sur la protection et la promotion des droits des personnes LGBTI afin de donner aux pays membres des conseils sur les actions à mener pour lutter contre la violence et la discrimination généralisées à l’encontre des personnes LGBTI (CIDH, 2015[26] ; 2018[27]).
2.2. Lois favorisant l’intégration des personnes LGBTI : dispositions générales
Cette section et la suivante se concentrent sur l’ensemble des lois favorisant l’intégration des personnes LGBTI qui résultent de l’application des normes internationales relatives aux droits de l’homme au cas de ces personnes. La section 2.2 traite des dispositions générales qui présentent un intérêt pour l’intégration de l’ensemble des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes. Ces dispositions générales comptent cinq composantes : (i) protection des personnes LGBTI contre la discrimination ; (ii) protection des libertés publiques des personnes LGBTI ; (iii) protection des personnes LGBTI contre la violence ; (iv) protection des personnes LGBTI qui fuient à l’étranger pour échapper aux persécutions dont elles font l’objet dans leur pays ; et (v) existence d’un organisme de promotion de l’égalité, d’un médiateur ou d’une commission des droits de l’homme explicitement chargés de protéger les personnes LGBTI, entre autres groupes.
2.2.1. Protection des personnes LGBTI contre la discrimination
Les instruments contraignants de l’Union européenne ainsi que la résolution de 2019 du Parlement européen sur les droits des personnes intersexes garantissent aux personnes LGBTI une solide protection contre la discrimination (Encadré 2.2).
Encadré 2.2. Le cadre normatif de l’Union européenne visant à interdire la discrimination contre les personnes LGBTI
De la protection des personnes LGB contre la discrimination
Le paragraphe 1 de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne cite explicitement l’orientation sexuelle comme une catégorie protégée contre la discrimination : « Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle. » En outre, en 2000, le Conseil de l’Union européenne a adopté la directive 2000/78/CE du Conseil, connue sous le nom de directive européenne en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, qui interdit la discrimination fondée, entre autres, sur l’orientation sexuelle dans le domaine de l’emploi. En 2008, la Commission européenne a présenté une proposition de directive visant à appliquer le principe de l’égalité de traitement en dehors du marché du travail, indépendamment de l’âge, du handicap, de l’orientation sexuelle ou des convictions religieuses (dite « directive horizontale » qui prohibe la discrimination dans l’éducation, la protection sociale, l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services). Cette proposition n’a pas encore reçu l’accord unanime requis au sein du Conseil.
De la protection des personnes transgenres contre la discrimination
Le paragraphe 1 de l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne contient pas de disposition interdisant explicitement la discrimination fondée sur l’identité de genre, mais l’énumération de la Charte n’est pas exhaustive et est ouverte à une interprétation plus large, comme l’indiquent le terme « notamment » et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Plus précisément, dans l’affaire P c. S et Cornwall County Council 1996, la CJUE a été invitée à examiner la portée des protections contre la discrimination fondée sur le sexe dans le cadre de la directive 76/207/CEE, qui interdit la discrimination fondée sur le sexe dans l’emploi. La CJEU a statué que la catégorie du sexe protège l’identité de genre, bien que dans un sens plus restreint. Elle a estimé que le droit à l’égalité de traitement et à la non-discrimination ne saurait être réduit aux seules discriminations découlant de l’appartenance à l’un ou l’autre sexe. Plutôt, « il a vocation à s’étendre aux discriminations qui trouvent leur origine dans la conversion sexuelle, […] car licencier une personne au motif qu’elle a l’intention de subir ou qu’elle a subi une conversion sexuelle, c’est lui infliger un traitement défavorable par rapport aux personnes du sexe auquel elle était réputée appartenir avant cette opération. » Le droit à la protection contre les discriminations trouvant leur origine dans le changement de sexe d’une personne est également mis en avant dans la directive 2006/54/CE (paragraphe 3), relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail. En outre, bien que la directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services ne fasse pas expressément référence au changement de sexe, la Commission européenne fait valoir que la directive devrait être interprétée comme offrant une telle protection.1
De la protection des personnes intersexes contre la discrimination
La protection des personnes intersexes contre la discrimination n’est pas explicitement mentionnée dans les documents contraignants produits par l’Union européenne. Toutefois, en février 2019, le Parlement européen a adopté une résolution sur les droits des personnes intersexes dans laquelle il (i) « regrette que les caractéristiques sexuelles ne soient pas reconnues comme un motif de discrimination dans l’ensemble de l’Union, et souligne dès lors l’importance de ce critère pour garantir l’accès à la justice des personnes intersexes ; (ii) invite la Commission à renforcer l’échange de bonnes pratiques en la matière ; (iii) invite les États membres à adopter la législation nécessaire pour protéger, respecter et promouvoir de manière adéquate les droits fondamentaux des personnes intersexes, y compris des enfants intersexes, notamment en assurant une protection complète contre les discriminations » (Parlement européen, 2019[28]).
1 Voir par exemple la page 4 du Rapport de la Commission européenne sur l’application de la directive 2004/113/CE du Conseil.
Bien que les instruments des droits de l’homme des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des États américains n’interdisent pas explicitement la discrimination des personnes LGBTI11, ils incluent une large catégorie protégée (« toute autre situation » ou « toute autre condition sociale ») qui montre que la liste des motifs de discrimination prohibés est censée être ouverte, illustrative et non exhaustive. Au fil du temps, cette catégorie a été interprétée comme s’appliquant à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre et enfin aux caractéristiques sexuelles. Plus précisément :
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) a souligné à plusieurs reprises que les motifs de discrimination doivent évoluer avec le contexte, et que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et les caractéristiques sexuelles ne sauraient fonder une quelconque distinction dans le droit international des droits de l’homme (HCDH, 2012[10]). En outre, les organes des Nations Unies chargés des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme comportant un article général sur la discrimination ont largement confirmé que les minorités sexuelles et de genre sont protégées contre la discrimination en vertu de ces traités. Par exemple, en 2009, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui contrôle la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par ses États parties, a publié un commentaire général dans lequel l’expression « toute autre situation » est explicitement définie comme incluant les personnes LGBTI : « La catégorie “toute autre situation” reconnue au paragraphe 2 de l’article 2 comprend l’orientation sexuelle. Les États parties devraient veiller à ce que l’orientation sexuelle d’une personne ne soit pas un obstacle à la réalisation des droits consacrés par le Pacte, par exemple s’agissant de l’accès au droit à la pension de réversion. En outre, l’identité de genre est reconnue parmi les motifs de discrimination interdits ; par exemple, les personnes transgenres, transsexuelles ou intersexes sont souvent exposées à de graves atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment à du harcèlement dans les établissements d’enseignement ou sur le lieu de travail » (Comité des droits économiques, sociaux et culturels, 2009[29]).
Depuis 1991, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) s’appuie de plus en plus sur la définition suivante de la discrimination dans ses arrêts relatifs aux violations de l’article 14 de la CEDH : « traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées en la matière dans des situations comparables » (Fredin c. Suède 199112), ce qui signifie que toute identité de groupe est considérée comme un motif possible de discrimination illégale. En concordance avec cette norme, la Cour européenne des droits de l’homme a explicitement déclaré que « l’interdiction de discrimination prévue à l’article 14 de la Convention couvre dûment les questions liées à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre » (Identoba et autres c. Géorgie 201513). Aucun cas de discrimination à l’égard des personnes intersexes n’a encore été soumis à la Cour européenne des droits de l’homme. Toutefois, il ne fait guère de doute que la Cour européenne des droits de l’homme établirait à cette occasion que les caractéristiques sexuelles sont également un motif de discrimination prohibé relevant de la catégorie « autre situation » visée à l’article 14 de la CEDH. Anticipant cette prise de position, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a publié en 2017 une résolution qui exhorte les pays membres à « veiller à ce que les lois antidiscrimination s’appliquent effectivement aux personnes intersexes et les protègent, en faisant en sorte d’interdire expressément la discrimination fondée sur les caractéristiques sexuelles dans tous les textes pertinents et/ou en sensibilisant […] sur la possibilité de réagir aux actes de discrimination à [l’]encontre [des personnes intersexes] en invoquant une discrimination fondée sur le sexe ou encore “sur tout autre motif” (non précisé) lorsque la liste des motifs interdits dans les dispositions nationales antidiscrimination applicables n’est pas exhaustive » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2017[30]).
En 2017, la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a précisé dans un avis consultatif historique que l’expression « toute autre condition sociale » figurant à l’article 1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme interdit les lois, actes ou pratiques discriminatoires fondés sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’un individu (CIDH, 2017[31]). Cet avis consultatif appelle également à une meilleure intégration de toutes les minorités sexuelles et de genre, y compris les personnes intersexes.
Le droit des personnes LGBTI à ne pas être victimes de discrimination a été présenté comme potentiellement en conflit avec d’autres droits fondamentaux. Notamment, certains individus invoquent leur droit à la liberté de religion ou de croyance pour justifier la discrimination à l’encontre des minorités sexuelles et de genre, par exemple en refusant de leur fournir des biens ou des services. Les officiers d’état civil peuvent refuser de délivrer les certificats de publication des bans, les hôteliers de louer des chambres, et les boulangers de préparer des gâteaux pour les couples de même sexe en raison de leur foi.
Le droit à la liberté de religion ou de conviction est profondément ancré dans le droit international des droits de l’homme, comme le montrent la Charte internationale des droits de l’homme (article 18 de la DUDH et article 18 du PIDCP), ainsi que l’article 10 de la CDF, l’article 9 de la CEDH et l’article 12 de la CADH. Le droit à la liberté de religion ou de conviction comporte deux volets. Le premier volet est le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou conviction de son choix, ou de changer de religion ou de conviction. Cette liberté ne peut en aucun cas être restreinte. Le deuxième volet implique le droit de manifester sa religion ou ses convictions. Selon le droit international des droits de l’homme, il peut faire l’objet de restrictions dans un nombre limité de circonstances. En particulier, pour être admissible, une restriction à la liberté de religion ou de conviction doit viser à protéger les droits et libertés d’autrui, le terme « autrui » désignant d’autres personnes individuellement, ou les membres d’une communauté. Dans ce contexte, de nombreux tribunaux (par exemple au Canada, en Espagne ou au Royaume-Uni) ont estimé que les demandes de dérogation aux lois antidiscrimination sous prétexte que ces lois interfèrent avec le droit de manifester sa religion ou ses convictions pouvaient être rejetées14. On considère en effet que le préjudice subi par les personnes LGBTI rejetées en raison de ce qu’elles sont (et par la société dans son ensemble en raison de la négation du principe même d’égalité devant la loi) l’emporte sur le préjudice causé aux personnes dont la manifestation discriminatoire des croyances religieuses ne peut être prise en compte (Donald et Howard, 2015[32] ; INCLO, 2015[33] ; Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, 2017[34]).
Conformément à cette interprétation, la déclaration conjointe du HCDH et des entités des Nations Unies sur la fin de la violence et de la discrimination à l’encontre des personnes LGBTI insiste sur le fait que « les pratiques et croyances culturelles, religieuses et morales et les attitudes sociales ne peuvent être invoquées pour justifier des violations des droits de l’homme à l’encontre d’un groupe quelconque, y compris les personnes LGBTI » (HCDH et al., 2015[14]). De même, dans les deux affaires opposant liberté de religion et droit à la non-discrimination jugées par la Cour européenne des droits de l’homme, la Cour a statué en faveur de ce dernier (Encadré 2.3). Enfin, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a affirmé dans son avis consultatif historique que les convictions philosophiques ou religieuses « ne peuvent conditionner ce qu’établit la Convention à propos de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle » (CIDH, 2017[31]).
Cela étant, la liberté de religion est un droit fondamental qui doit être vigoureusement défendu, ce qui signifie que lorsque des cas limites se présentent, c’est-à-dire des cas dans lesquels les conséquences discriminatoires de la liberté de religion pour les personnes LGBTI sont plus difficiles à établir, une approche diligente et prudente est essentielle pour éviter d’amplifier les tensions autour des questions liées aux personnes LGBTI. En cas de doute, il peut être conseillé de s’abstenir de recourir à des sanctions légales ou à d’autres mesures restrictives (Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, 2017[34]). Cette position a été adoptée à l’unanimité par la Cour suprême du Royaume-Uni dans l’affaire « Lee c. Ashers Baking Company Ltd et autres », actuellement examinée par la Cour européenne des droits de l’homme (Encadré 2.3).
Encadré 2.3. Tension entre la liberté de religion ou de conviction et la non-discrimination à l’égard des personnes LGBTI : résumé de trois affaires soumises à la Cour européenne des droits de l’homme
Affaire 1 : Ladele c. London Borough of Islington (2009)
Lillian Ladele était employée par l’arrondissement londonien d’Islington, une autorité locale, depuis 1992. Islington appliquait une politique d’égalité et de diversité intitulée « Dignité pour tous », qui vise en particulier à lutter contre la discrimination fondée sur l’âge, le handicap, le sexe, la race, la religion et la sexualité. En 2002, Mme Ladele devient officier d’état civil (registrar) pour les naissances, les décès et les mariages. À la suite de l’introduction de la loi de 2004 sur l’union civile, l’autorité locale décide d’affecter tous les officiers d’état civil à l’enregistrement des unions civiles. Mme Ladele refuse qu’on l’oblige à célébrer des cérémonies d’union civile, en raison de ses convictions chrétiennes. Au départ, elle est autorisée à s’arranger informellement avec ses collègues pour se répartir les tâches de manière qu’elle n’ait pas à conduire de cérémonies d’union civile. Toutefois, en mars 2006, deux de ses collègues se plaignent que son refus d’exercer de telles fonctions est discriminatoire. Mme Ladele est avisée qu’aux yeux de l’autorité locale, son refus de s’occuper des unions civiles risque d’être constitutif d’une violation par elle du code de bonne conduite et de la politique d’égalité. Elle est priée de confirmer par écrit qu’elle célébrerait dorénavant les unions civiles. Mme Ladele refuse et prie l’autorité locale de prendre des dispositions pour s’accommoder avec ses convictions. En mai 2007, l’autorité locale ouvre une enquête préliminaire, à l’issue de laquelle – en juillet 2007 – le dépôt d’une plainte disciplinaire formelle contre Mme Ladele est recommandé au motif que, en refusant de célébrer les unions libres en raison de l’orientation sexuelle des parties, elle ne respecte pas le code de conduite et la politique d’égalité et de diversité de l’autorité locale. Un entretien disciplinaire a lieu le 16 août 2007. À la suite de cet entretien, Mme Ladele est priée d’accepter une nouvelle description de poste lui imposant expressément d’enregistrer les unions libres et d’exécuter les tâches administratives connexes, mais la dispensant de conduire les cérémonies. Mme Ladele saisit le tribunal du travail, se plaignant d’une discrimination directe et indirecte fondée sur la religion ou les convictions et d’un harcèlement. Le tribunal du travail juge fondés les griefs de discrimination religieuse directe et indirecte et de harcèlement. Islington saisit la Cour du travail qui infirme le jugement du tribunal du travail, et Mme Ladele dépose un recours devant la Cour d’appel. Selon Mme Ladele, les griefs de discrimination directe et de harcèlement auraient dû être confirmés. En revanche, Islington fait valoir qu’il n’y avait pas d’autre choix, compte tenu du règlement de 2007 relatif à la loi sur l’égalité (orientation sexuelle), que d’exiger de Mme Ladele qu’elle exerce pleinement ses fonctions. La Cour d’appel confirme la décision de la Cour du travail le 15 décembre 2009. La décision de la Cour d’appel est confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2013 dans l’affaire Eweida et autres c. Royaume-Uni.
Affaire 2 : McFarlane c. Relate Avon Ltd (2010)
Gary McFarlane était employé en tant que conseiller relationnel par la branche Avon de Relate, une organisation privée nationale prestataire de services relationnels – comme des conseils individuels, aux couples, aux familles, aux jeunes, des thérapies sexuelles, des services de médiation et des formations. Il rejoint l’organisation en août 2003, et une condition de son emploi était l’adhésion à la politique d’égalité des chances du groupe, qui lui imposait de s’assurer que « personne […] ne reçoive un traitement moins favorable en raison de caractéristiques tenant à l’individu ou à un groupe, par exemple […] l’orientation sexuelle... » Relate était également membre de la British Association for Sexual and Relationship Therapy, une association disposant d’un code de déontologie, en vertu duquel le thérapeute doit « éviter toute discrimination […] fondée sur […] l’orientation sexuelle. » M. McFarlane est quelque peu hésitant au départ à fournir des services de conseil à des couples homosexuels, mais après en avoir discuté avec son supérieur, il accepte l’idée que conseiller un couple homosexuel ne revient pas à cautionner une relation de ce type, et il est donc prêt à continuer. En 2007, M. McFarlane reprend ses études pour obtenir le diplôme d’enseignement supérieur de Relate en thérapie psychosexuelle. À l’automne de cette même année, on perçoit chez Relate qu’il est réticent à travailler sur les questions sexuelles avec les couples homosexuels. En réaction à ces inquiétudes, le directeur général de Relate s’entretient avec M. McFarlane en octobre 2007. Ce dernier confirme qu’il a des difficultés à concilier le travail avec des couples homosexuels et son devoir de suivre les enseignements de la Bible. Le directeur lui dit qu’il ne serait malheureusement pas possible de filtrer les clients de manière qu’il n’ait pas à pratiquer de thérapie psychosexuelle avec les couples lesbiens, homosexuels ou bisexuels. Bien qu’il ait affirmé par la suite qu’il accepterait de conseiller les couples homosexuels en matière de relations et de thérapie psychosexuelle, M. McFarlane semble bien incapable de fournir sans réserve tous les services de conseil à l’ensemble des clients. En 2008, il est démis de ses fonctions. Il saisit alors le tribunal du travail, plaidant notamment une discrimination fondée sur ses croyances religieuses. Le grief de discrimination est écarté. M. McFarlane attaque devant la Cour du travail les conclusions du tribunal du travail, mais la Cour du travail les confirme. Il demande à la Cour d’appel l’autorisation de former devant elle un recours contre l’arrêt de la Cour du travail. Le 20 janvier 2010, la Cour d’appel rejette cette demande au motif que, à la lumière de son arrêt de décembre 2009 dans l’affaire Ladele c. London Borough of Islington, le recours n’avait aucune chance réaliste d’aboutir. La décision de la Cour d’appel est confirmée par la Cour européenne des droits de l’homme en 2013 dans l’affaire Eweida et autres c. Royaume-Uni.
Affaire 3 : Lee c. Ashers Baking Company Ltd et autres (2018)
En 2014, Gareth Lee, un militant des droits des homosexuels, passe commande à la Ashers Baking Company, une boulangerie de Belfast, d’un gâteau décoré du slogan « Soutenez le mariage homosexuel », le mariage entre personnes du même sexe étant alors illégal en Irlande du Nord. Les McArthur, propriétaires de la Ashers Baking Company, de confession chrétienne, refusent la commande et remboursent M. Lee, en arguant qu’ils ne peuvent pas confectionner un gâteau en soutien à une cause qu’ils jugent offensante à l’égard de leurs croyances religieuses. M. Lee porte plainte auprès de la Commission pour l’égalité d’Irlande du Nord pour discrimination directe en raison de son orientation sexuelle, et la Commission pour l’égalité l’aide à intenter un procès pour discrimination contre Ashers et les McArthur. Le tribunal du comté donne raison à M. Lee et condamne Ashers à 500 GBP de dommages et intérêts. Ashers dépose un recours devant la Cour d’appel, qui confirme le verdict initial sur la base d’une discrimination directe. Ashers fait ensuite appel devant la Cour suprême du Royaume-Uni. Dans un arrêt unanime, la Cour suprême infirme les décisions du tribunal du comté de Belfast et de la Cour d’appel selon lesquelles Ashers avait fait preuve de discrimination à l’encontre de M. Lee en raison de son homosexualité. La Cour suprême établit une distinction entre le fait de refuser de confectionner un gâteau en raison du message qu’on demande d’y apposer, et le fait de refuser de confectionner un gâteau parce que le client qui le demande appartient à une catégorie protégée. Elle estime que les McArthur n’ont pas refusé de confectionner le gâteau en raison de l’orientation sexuelle de M. Lee, mais au motif qu’ils étaient en désaccord avec le message qu’on leur demandait d’y apposer. Elle statue en faveur de l’absence de discrimination directe. La Cour examine également la discrimination associative, mais statue de nouveau en faveur de l’absence d’une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle de M. Lee, les McArthur n’ayant pas refusé le service pour ces motifs personnels : les juges ont estimé que les McArthur auraient refusé de faire figurer ce message sur le gâteau de n’importe quel client, quelle que soit son orientation sexuelle. En août 2019, cette affaire dite du « gâteau gay » a été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui n’a pas encore rendu sa décision.
2.2.2. Protection des libertés publiques des personnes LGBTI
La garantie universelle des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association pacifiques constitue le fondement de toute société libre et démocratique. Ces droits sont inscrits dans le droit international des droits de l’homme, notamment :
La Charte internationale des droits de l’homme : article 19 (liberté d’expression) et article 20 (liberté de réunion et d’association pacifiques) de la DUDH, article 19 (liberté d’expression), article 21 (droit de réunion pacifique) et article 22 (droit d’association) du PIDCP ;
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : article 11 (liberté expression) et article 12 (liberté de réunion et d’association) ;
La Convention européenne des droits de l’homme : article 10 (liberté expression) et article 11 (liberté de réunion et d’association) ;
La Convention américaine relative aux droits de l’homme : article 13 (liberté expression) et article 15 (droit de réunion pacifique) et article 16 (liberté d’association).
Les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme autorisent à restreindre les droits d’expression, de réunion et d’association pacifiques. Toutefois, toute restriction doit répondre à trois critères pour être valide (Comité des droits de l’homme, 2011[35] ; Conseil de l’Europe, 2017[36] ; CIDH, 2015[26]). Plus précisément, toute restriction doit :
Être légale, c’est-à-dire « prévue par la loi ». Toute ingérence dans l’exercice des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique ou d’association doit avoir une base dans le droit national. En d’autres termes, la loi doit fixer les conditions dans lesquelles les droits peuvent être limités, et énoncer ces conditions avec suffisamment de précision pour qu’un individu comprenne ce qui caractérise un comportement licite.
Chercher à atteindre un but légitime, ce qui signifie que les États ne sont en droit d’imposer des restrictions à la liberté d’association que pour atteindre un nombre limité de buts légitimes. Les termes exacts de cette liste varient en fonction de la convention des droits fondamentaux, mais les principaux motifs de restriction des libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association se rapportent aux cinq dimensions suivantes :
Protection de la sécurité nationale : par exemple, il est possible de restreindre la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à divulguer des informations confidentielles ;
Protection de l’ordre public : par exemple, il est possible de restreindre la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à crier faussement au feu dans une salle de cinéma bondée ;
Protection de la moralité publique : par exemple, il est possible de restreindre la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à afficher des contenus pornographiques accessibles au grand public, gratuitement et sans restriction d’âge ;
Protection de la réputation d’autrui : par exemple, il est possible de restreindre la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à falsifier des faits pour porter atteinte à l’honneur d’une personne ;
Protection des droits d’autrui : par exemple, il est possible de restreindre la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à intimider les électeurs dans le cadre d’une campagne électorale.
Être nécessaire dans une société démocratique. Cette condition a deux conséquences.
Tout d’abord, les États doivent démontrer que les restrictions imposées au droit sont véritablement nécessaires pour écarter un danger réel, et pas seulement hypothétique Par exemple, deux des exemples cités ci-dessus devraient être précisés pour pouvoir être jugés nécessaires. La restriction de la liberté d’expression, lorsqu’elle consiste à divulguer des informations confidentielles, ne sera considérée comme véritablement nécessaire pour écarter un danger réel que si le statut « confidentiel » est accordé de manière appropriée, c’est-à-dire appliqué à des informations dont la divulgation constituerait effectivement une menace grave pour la sécurité nationale. De même, la restriction de la liberté d’expression lorsqu’elle consiste à afficher un contenu pornographique accessible au grand public ne sera considérée comme véritablement nécessaire que si le terme « pornographique » n’est pas utilisé de manière abusive, ce qui implique qu’il désigne des adultes se livrant à des actes sexuels destinés à provoquer une excitation sexuelle, et non s’embrassant de manière non provocatrice.
Deuxièmement, les États doivent veiller à ce que toute mesure restrictive se situe dans la limite de ce qui est acceptable dans une « société démocratique », c’est-à-dire une société caractérisée par la tolérance, le pluralisme et l’ouverture d’esprit15. En particulier, ces mesures restrictives doivent être proportionnelles au but légitime qu’elles visent et être les instruments les moins intrusifs parmi ceux qui pourraient remplir leur fonction de protection. Cette obligation vise à garantir que le rapport entre le droit et la restriction ne soit pas inversé, ce qui est une caractéristique essentielle des démocraties.
Certains pays ont cherché à justifier les restrictions aux droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association des personnes LGBTI en invoquant plusieurs motifs, dont le principal est la sauvegarde de la moralité publique (Secrétaire général des Nations Unies, 2016[37]). Ces restrictions ont récemment pris la forme de lois interdisant la soit-disant « propagande homosexuelle », similaires aux dispositions adoptées par plusieurs entités fédérales russes dès 2006, un processus qui a débouché en 2013 sur l’adoption de la loi fédérale « visant à protéger les enfants contre les informations qui favorisent le déni des valeurs traditionnelles de la famille » (Encadré 2.4). Pourtant, les lois interdisant la propagande homosexuelle ne sont pas conformes aux trois critères susmentionnés, comme le montrent les jugements du Comité des droits de l’homme des Nations Unies chargé de s’assurer du respect par les États parties du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Irina Fedotova c. Fédération de Russie 201016), et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Bayev et autres c. Russie 201717).
Encadré 2.4. Interdiction législative de la propagande homosexuelle en Russie
La loi fédérale russe « visant à protéger les enfants contre les informations qui favorisent le déni des valeurs traditionnelles de la famille » (loi fédérale no 135‑FZ du 29 juin 2013) a été votée à l’unanimité par la Douma russe et promulguée par le président Vladimir Poutine en 2013. Cette loi vise à protéger les enfants contre l’exposition à des contenus présentant l’homosexualité comme une norme. Elle modifie deux lois sur la protection de l’enfance (loi fédérale no 124‑FZ du 24 juillet 1998 et loi fédérale no 436‑F3 du 29 décembre 2010) afin d’ajouter les « informations qui font la promotion des relations sexuelles non traditionnelles » à la liste des « informations dont la diffusion est interdite aux mineurs ». En outre, la loi modifie le Code des infractions administratives de la Fédération de Russie en introduisant l’article 6.21 relatif à la « Promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs ». Cet article 6.21 dispose que : « La promotion des relations sexuelles non traditionnelles auprès des mineurs par la diffusion d’informations destinées à susciter chez eux une orientation sexuelle non traditionnelle, à promouvoir l’attrait des relations sexuelles non traditionnelles, à créer une image faussée d’équivalence sociale entre relations sexuelles traditionnelles et relations sexuelles non traditionnelles ou à imposer des informations sur les relations sexuelles non traditionnelles, à susciter de l’intérêt pour pareilles relations, si ces activités n’impliquent pas des actes réprimés par le droit pénal, sera passible d’une amende administrative de 4 000 à 5 000 roubles pour les particuliers, de 40 000 à 50 000 roubles pour les fonctionnaires et, pour les personnes morales, d’une amende de 800 000 à 1 000 000 roubles ou d’une suspension administrative de leurs activités pendant 90 jours au maximum. »
Plus précisément, ces jugements ont établi que les lois interdisant la propagande homosexuelle imposent des restrictions qui ne sont pas considérées comme nécessaires dans une société démocratique, pour deux raisons. Premièrement, ces lois reposent sur des termes ambigus qui peuvent être utilisés pour interdire toute mention de l’homosexualité dans l’espace public. La portée de cette interdiction est d’une ampleur inacceptable dans une démocratie censée promouvoir la tolérance, le pluralisme et l’ouverture d’esprit. Dans le cas de la Russie, par exemple, la formulation « susciter de l’intérêt pour des relations sexuelles non traditionnelles » peut inclure des informations même neutres sur l’homosexualité. En outre, l’expression « auprès des mineurs » est également vague et ne permet pas de déterminer si les restrictions s’appliquent au fait de s’exprimer en présence de mineurs ou dans tout lieu dans lequel des mineurs pourraient être présents. Plusieurs condamnations confirment que l’interdiction législative de la propagande homosexuelle en Russie vise à appliquer un large éventail de restrictions aux libertés publiques des personnes LGBTI. À titre d’exemple, un homme a été condamné à payer une amende pour avoir brandi une bannière portant la citation « L’homosexualité n’est pas une perversion » devant l’administration municipale de Saint-Pétersbourg, un lieu public qui n’est pas spécifiquement réservé aux mineurs.
Ensuite, les pays qui adoptent des lois interdisant la propagande homosexuelle invoquent généralement deux objectifs pour justifier la restriction des libertés d’expression, de réunion et d’association des personnes LGBTI : la protection de la morale publique, et la protection des droits d’autrui. Ces objectifs déclarés s’inscrivent parmi les buts légitimes mentionnés ci-dessus, mais au vu de la manière dont ils sont définis, aucun d’entre eux ne semble nécessaire dans une société démocratique. En ce qui concerne la protection de la morale publique, la formulation vague qui caractérise les lois interdisant la propagande homosexuelle montre clairement que l’interdiction n’est pas limitée à la représentation pornographique de l’homosexualité. En d’autres termes, la morale publique est implicitement assimilée aux valeurs et traditions de la majorité (hétérosexuelle). Une telle définition n’est pas admissible dans une démocratie, car elle implique que l’exercice par un groupe minoritaire des droits garantis par les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme soit soumis à l’acceptation de la majorité. Comme l’a indiqué le Comité des droits de l’homme dans son observation générale sur l’article 19 du PIDCP, « la conception de la morale découle de nombreuses traditions sociales, philosophiques et religieuses », ce qui signifie que les restrictions imposées « pour protéger la morale doivent être fondées sur des principes qui ne procèdent pas d’une tradition unique » (Comité des droits de l’homme, 2011[35]). Le second objectif mis en avant pour justifier les lois interdisant la propagande homosexuelle est la nécessité de protéger les mineurs contre une information susceptible de transmettre une image positive de l’homosexualité, et, partant, les convertir à un « mode de vie homosexuel ». Pourtant, il n’existe aucune preuve scientifique donnant à penser que la simple mention de l’homosexualité dans le domaine public nuirait aux enfants18. Par conséquent, les restrictions imposées par les lois interdisant la propagande homosexuelle ne sont pas nécessaires puisqu’elles visent à éviter un danger hypothétique et non réel.
Dans l’ensemble, les organismes internationaux des droits de l’homme ont conclu que les lois interdisant la propagande homosexuelle sont discriminatoires dans la mesure où « les auteurs des dispositions examinées n’ont pas avancé de critère raisonnable et objectif pour justifier l’interdiction de la “propagande de l’homosexualité” plutôt que de la “propagande de l’hétérosexualité” » (Commission de Venise, 2013[38]).19 Le fait d’empêcher la promotion des droits des personnes LGBTI, l’organisation d’événements publics LGBTI pacifiques, comme les marches des fiertés, ou l’enregistrement, l’exploitation et l’accès au financement d’associations de défense des droits des personnes LGBTI sous prétexte de préserver la morale publique et de protéger les enfants est incompatible avec les valeurs fondamentales des traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Il convient de souligner que l’invocation de la protection de l’ordre public pour interdire les marches des fiertés ou les associations de défense des droits des personnes LGBTI est jugée tout aussi infondée par les défenseurs internationaux des droits de l’homme. Dans une démocratie, il incombe en effet aux pouvoirs publics de garantir le droit à la liberté de réunion et d’association des individus en les protégeant contre la violence physique de leurs opposants. Cette protection est particulièrement nécessaire lorsque les personnes exposées à des représailles appartiennent à des groupes minoritaires, car leurs opinions sont plus susceptibles d’être jugées impopulaires par la majorité (voir Alekseyev c. Russie 201120 concernant la liberté de réunion pacifique des personnes LGBTI et Zhdanov et autres c. Russie 201921 concernant la liberté d’association des personnes LGBTI).
2.2.3. Protection des personnes LGBTI contre la violence
Les gouvernements ont l’obligation, en vertu du droit international des droits de l’homme, de protéger les personnes contre la privation arbitraire de leur vie par d’autres, ainsi que contre la torture ou tout autre traitement cruel, inhumain ou dégradant. Cette obligation est clairement énoncée dans :
La Charte internationale des droits de l’homme : article 3 (droit à la vie) et article 5 (interdiction de la torture) de la DUDH, article 6 (droit à la vie) et article 7 (protection contre la torture) du PIDCP ;
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : article 2 (droit à la vie) et article 4 (interdiction de la torture) ;
La Convention européenne des droits de l’homme : article 2 (droit à la vie) et article 3 (interdiction de la torture) ;
La Convention américaine relative aux droits de l’homme : article 4 (droit à la vie) et article 5 (interdiction de la torture).
Lois sur les crimes de haine
Les États doivent garantir le droit des personnes à vivre sans subir de violence, et sont tenus à ce titre de prendre des mesures spécifiques de protection à l’égard des groupes vulnérables, comme celles visant à prévenir les crimes de haine, c’est-à-dire les crimes motivés par la haine contre des groupes de personnes marginalisées auxquels l’agresseur pense que la victime appartient. La meilleure façon d’atteindre cet objectif, dans un premier temps du moins, consiste à voter des lois dites « contre les crimes de haine », qui permettent de considérer comme circonstance aggravante tout acte motivé par un préjugé défavorable envers une liste de critères protégés, soit en qualifiant cet acte d’infraction distincte, soit en renforçant la sanction d’un délit existant. Les défenseurs internationaux des droits de l’homme militent unanimement pour l’inclusion des minorités sexuelles et de genre au sein des groupes protégés.
L’Union européenne (UE) a appelé à protéger les personnes LGBTI contre la violence dans un ensemble de résolutions et de recommandations non contraignantes (Parlement européen, 2014[6]). En outre, l’UE suit de près la mise en œuvre de la directive 2012/29/UE (directive sur les droits des victimes) qui garantit à toutes les victimes – y compris celles faisant l’objet d’une criminalité motivée par des préjugés homophobes et transphobes – le droit de recevoir des informations, un soutien et une protection appropriés, et de participer aux procédures pénales. La directive fixe un ensemble de droits contraignants en faveur des victimes, ainsi que l’obligation pour les États membres de les mettre en oeuvre.
En 2011, le HCDH a constaté que la violence à l’égard des personnes LGBT était marquée par un « degré élevé de cruauté et de brutalité, et pren[d] la forme de passages à tabac, d’actes de torture, de mutilations, de castrations et d’agressions sexuelles » (HCDH, 2011[9]). En 2015, le HCDH a explicitement recommandé aux États de faire face à cette violence « en adoptant un arsenal législatif de répression des crimes de haine qui fasse de l’homophobie et de la transphobie des circonstances aggravantes aux fins de la détermination de la peine » (HCDH, 2015[12]). En 2018, dans son Observation générale sur l’article 6 (droit à la vie) du PIDCP, le Comité des droits de l’homme a invité les États à prendre des mesures de protection spéciales en faveur des personnes en situation de vulnérabilité, notamment les « personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et intersexes (LGBTI) », en particulier via l’adoption de lois sur les crimes de haine (Comité des droits de l’homme, 2018[39]).
En 2010, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a recommandé aux États membres (i) « [d’]enquêter efficacement, rapidement et de manière impartiale sur les allégations d’infractions pénales et autres incidents pour lesquels l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de la victime peut être raisonnablement soupçonnée d’avoir été l’une des motivations de l’auteur du crime » ; et (ii) que « lors de la détermination d’une peine, un mobile fondé sur un préjugé lié à l’orientation sexuelle ou à l’identité de genre puisse être pris en compte en tant que circonstance aggravante » (Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, 2010[22]). L’Assemblée parlementaire a adopté de nombreuses résolutions et recommandations qui condamnent également la violence à l’encontre des personnes LGBT, et préconise l’adoption de lois sur les crimes de haine comme principale mesure de prévention et de protection (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2010[23] ; 2013[40]). En 2017, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a explicitement inclus les personnes intersexes dans sa recommandation relative à la législation sur les crimes de haine. Il stipule que « la législation nationale sur l’égalité de traitement et la lutte contre les infractions motivées par la haine devrait être révisée pour garantir la protection des personnes intersexes. Les caractéristiques sexuelles devraient y figurer en tant que motif de discrimination interdit à part entière, ou, à tout le moins, le motif “sexe/genre” devrait être interprété d’autorité comme incluant les caractéristiques sexuelles » (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2015[41]).
En 2015, dans son rapport historique sur la violence à l’égard des personnes LGBTI, la Commission interaméricaine des droits de l’homme recommande aux États membres d’adopter une législation sur les crimes de haine afin « de mettre en lumière, de poursuivre et de punir la violence à l’égard des personnes fondée sur les préjugés liés à leur orientation sexuelle et leur identité de genre réelles ou présumées ». (CIDH, 2015[26]). Ces recommandations sont également reprises dans le rapport de la CIDH de 2018 sur la reconnaissance des droits des personnes LGBTI (CIDH, 2018[27]). Dans ce rapport, la CIDH reconnaît que plusieurs pays membres « ont adopté une législation qui pénalise spécifiquement la violence fondée sur les préjugés à l’encontre des personnes LGBTI, ou qui établit des circonstances aggravantes pour les crimes commis contre cette population ». La CIDH souligne expressément son soutien à ces mesures en insistant sur le fait qu’elles constituent « un premier pas vers une lutte efficace contre la violence fondée sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre ou la diversité corporelle des victimes ».
Lois sur les discours de haine
Pour prévenir pleinement les crimes de haine, il convient en parallèle de lutter contre les formes graves de « discours de haine ». Les preuves de l’existence d’une relation de cause à effet entre l’incitation à la haine et les crimes de haine se multiplient (Mueller et Schwarz, 2017[42]). L’article 20(2) du PIDCP dispose que « tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence est interdit par la loi »22. Les normes internationales relatives aux droits de l’homme précisent que les dispositions relatives au « discours de haine » devraient inclure un éventail plus large de caractéristiques protégées que celui initialement envisagé par l’article 20(2) du PIDCP, notamment l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou les caractéristiques sexuelles. La déclaration commune de 2015 du HCDH et des agences de l’ONU insiste sur l’importance d’une législation sur les discours de haine pour mettre fin à la violence et à la discrimination à l’égard des personnes LGBTI (HCDH et al., 2015[14]), comme le font plusieurs documents de référence publiés par le Conseil de l’Europe (Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, 2010[22] ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2010[23] ; 2013[40] ; Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2015[41]) et l’OEA (CIDH, 2015[26] ; 2018[27]). L’UE a également intensifié ses efforts de prévention et de lutte contre les discours de haine dans le cadre de la directive 2018/1808, qui modifie la directive 2010/13/UE (directive dite « Services de médias audiovisuels »). Cette directive révisée met l’accent sur la lutte contre les discours de haine dans tous les contenus audiovisuels. Elle invite notamment les pays membres à veiller à ce que les services de médias audiovisuels ne contiennent pas d’incitation à la violence ou à la haine fondée sur l’un des motifs visés à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, y compris l’orientation sexuelle.
Encadré 2.5. Tracer la frontière entre la liberté d’expression et le discours de haine
L’interdiction prévue à l’article 20, paragraphe 2, du PIDCP porte sur les éléments suivants :
L’orateur s’adresse à un public, et son discours contient un appel à la haine contre un groupe protégé sur la base de caractéristiques protégées, ce qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.
L’orateur a spécifiquement l’intention de lancer un appel à la haine et la discrimination et d’inciter le public à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, et a conscience du risque de passage à l’acte au sein de l’auditoire. L’imprudence et la négligence ne suffisent pas à qualifier un discours d’incitation à la hainece qui signifie qu’il faut envisager de protéger les communications simplement maladroites ou désinvoltes (comme une mauvaise blague), ou dont l’intention est plus nuancée (faire une satire, provoquer une réflexion ou remettre en cause le statu quo, y compris par le biais de l’art).
Le risque que le public soit effectivement incité à un acte proscrit à la suite d’un appel à la haine est probable et imminent. Il doit exister une probabilité raisonnable de discrimination, d’hostilité ou de violence comme conséquence directe du discours, mais le passage à l’acte n’est pas requis. Pour évaluer si cette condition est remplie, il faut notamment examiner :
Si le public comprend l’appel à la haine comme un appel à des actes de discrimination, d’hostilité ou de violence ;
Si l’orateur était en mesure d’influencer le public. Des mesures particulières doivent être prises lorsque l’orateur est un homme politique ou un membre éminent d’un parti politique, un chef religieux, un enseignant ou une personne de statut similaire, en raison de l’influence plus forte que ces personnes exercent sur les autres et de l’attention qu’elles suscitent ;
Si le public a les moyens de recourir à des actes de discrimination, d’hostilité ou de violence ;
Les cas récents d’actes de discrimination, d’hostilité ou de violence subis par le groupe cible à la suite d’une incitation ;
Le délai qui s’écoule entre le discours et le moment où la discrimination, l’hostilité ou la violence pourraient avoir lieu n’est pas suffisamment long pour mettre en doute le lien de cause à effet.
Source : Plan d’action de Rabat (HCDH, 2013[43]) et publications suivantes d’Article 19 : Principes de Camden sur la liberté d’expression et l’égalité (Article 19, 2009[44]), Prohibiting incitement to discrimination, hostility or violence (Article 19, 2012[45]) et ‘Hate Speech’ Explained. A Toolkit (Article 19, 2015[46]).
Bien entendu, il est essentiel que la législation sur les discours de haine ne soit pas utilisée pour justifier des restrictions inappropriées du droit à la liberté d’expression. Cet objectif implique que toute restriction du discours de haine soit conforme aux trois critères décrits dans la Section 2.2.2, ce qui signifie qu’elle doit (i) être prévue par la loi, (ii) poursuivre des buts légitimes et (iii) être nécessaire dans une société démocratique. L’Encadré 2.5 définit des orientations sur la manière de satisfaire concrètement cette exigence, sur la base du Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de tout appel à la haine (HCDH, 2013[43]), ainsi que des documents de référence élaborés par Article 1923, en collaboration avec différents experts du droit international des droits de l’homme, dont des hauts fonctionnaires des Nations Unies.
Pour que la législation sur les crimes et les discours de haine soit pleinement efficace, les gouvernements doivent abroger toute disposition légale susceptible d’être utilisée pour justifier la violence à l’égard des personnes LGBTI, au premier rang desquelles celles qui pénalisent l’homosexualité (voir 2.3.1). Les gouvernements doivent également réduire l’efficacité de certaines tactiques juridiques comme la « gay and trans panic defense » (ou argument de la panique homosexuelle ou trans), par laquelle l’auteur d’un délit prétend que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de sa victime non seulement explique, mais excuse aussi sa perte de maîtrise de soi et l’agression qui s’ensuit. L’action législative pour lutter contre cette tactique devrait notamment consister à : « (i) exiger des tribunaux lors de tout procès ou procédure pénale, à la demande d’une partie, de demander au jury de ne pas laisser les préjugés, la compassion, ou l’opinion publique influencer sa décision concernant les victimes, les témoins ou les accusés en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre ; et (ii) préciser que ni une avance sexuelle non violente, ni la découverte du sexe ou de l’identité de genre d’une personne ne constituent une provocation juridiquement adéquate pour requalifier un meurtre en homicide involontaire, ou pour atténuer la gravité de tout crime non capital » (American Bar Association, 2013[47]).
2.2.4. Protection des personnes LGBTI fuyant à l’étranger pour échapper aux persécutions dont elles font l’objet dans leur pays
Le droit international des réfugiés plonge ses racines dans la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (1951), également connue sous le nom de Convention sur les réfugiés. La Convention sur les réfugiés définit ce qu’est un réfugié, en s’appuyant sur l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui reconnaît que « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays24. » En 1967, la Convention sur les réfugiés a été complétée par le Protocole des Nations Unies relatif au statut des réfugiés. La Convention sur les réfugiés accordait la qualité de réfugié aux personnes ayant fui leur pays « par suite d’événements survenus avant le 1er janvier 1951 ». Elle donnait également aux États signataires le choix d’interpréter ces événements comme « survenus en Europe ou ailleurs ». Le protocole de 1967 a supprimé ces restrictions temporelles et géographiques. En conséquence, le droit international des réfugiés définit un réfugié comme « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner25. » Tous les pays membres de l’OCDE sont parties au protocole de 1967.
En 2012, le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a précisé que les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes sont membres d’un « certain groupe social », qui est défini comme « un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d’être persécutées, ou qui sont perçues comme un groupe par la société. » Cette caractéristique, comme le rappelle le HCR, « sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l’identité, la conscience ou l’exercice des droits humains. » (HCR, 2012[48])
Dans ce contexte, les défenseurs internationaux des droits de l’homme encouragent les pays à reconnaître explicitement la persécution (ou une crainte fondée de persécution) pour raison d’orientation sexuelle, d’identité de genre ou de caractéristiques sexuelles comme un motif valable d’octroi de l’asile. Cette approche est essentielle pour protéger les personnes LGBTI contre la violence, dans un contexte où un nombre considérable de pays se livrent encore à de graves violations des droits de l’homme à l’encontre des minorités sexuelles et de genre (HCDH et al., 2015[14] ; Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2018[49] ; CIDH, 2015[26]). Le cadre normatif établi par l’Union européenne est particulièrement contraignant. Les pays membres sont tenus de transposer dans leur droit national un ensemble de directives qui visent notamment à protéger les demandeurs d’asile LGB et transgenres . En outre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un certain nombre d’arrêts qui clarifient les protections dont bénéficient les demandeurs d’asile LGBTI (Encadré 2.6).
Encadré 2.6. Cadre normatif de l’Union européenne visant à protéger les personnes LGBTI fuyant à l’étranger pour échapper aux persécutions dont elles font l’objet dans leur pays
Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté plusieurs directives qui clarifient la protection dont bénéficient les demandeurs d’asile LGBTI dans l’Union européenne. En vertu de la directive 2004/83/CE, les pays membres ont l’obligation de tenir compte de l’orientation sexuelle lors de l’évaluation des motifs de persécution des demandeurs d’asile. Bien que l’identité de genre ne soit pas explicitement mentionnée, la formulation fait référence aux « aspects liés au genre », ce qui donne à penser que l’« appartenance à un certain groupe social » peut également être interprétée comme incluant l’identité de genre. La directive 2011/95/UE révise et remplace la directive 2004/83/CE. Elle indique explicitement que les motifs des persécutions fondées sur l’« appartenance à un certain groupe social » comprennent l’orientation sexuelle et l’identité de genre, qui doivent être dûment prises en considération lors de l’évaluation de la crainte fondée d’un demandeur d’asile d’être persécuté. Enfin, la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale demande que les personnes compétentes qui procèdent aux évaluations prennent en considération l’orientation sexuelle et l’identité de genre de la personne interrogée. Toutes ces directives établissent des normes juridiques et des politiques définissant la meilleure façon de soutenir et de protéger les droits des demandeurs d’asile LGBTI, et les pays membres ont l’obligation de les transposer dans le droit national.1
Dans le même ordre d’idée, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un certain nombre d’arrêts qui clarifient les protections dont bénéficient les demandeurs d’asile LGBTI. Dans l’affaire Minister voor Immigratie en Asiel c. X et Y et Z c. Minister voor Immigratie en Asiel (2013), la CJUE a estimé que les demandeurs d’asile homosexuels constituent un « certain groupe social » au sens de la directive 2004/83/CE pouvant être persécutés ou sanctionnés par une peine d’emprisonnement en raison de leur orientation sexuelle s’ils sont renvoyés dans leur pays d’origine. La Cour a en outre affirmé que les personnes LGBTI ne devraient pas être tenues de dissimuler leur orientation sexuelle ou leur identité de genre pour échapper aux violations des droits de l’homme, si elles sont renvoyées dans leur pays d’origine. Dans l’affaire A et autres c. Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (2014), la CJUE a statué que lors de l’établissement de la crédibilité de l’orientation sexuelle alléguée d’un demandeur d’asile, il est interdit aux autorités nationales de procéder à un interrogatoire détaillé sur les pratiques sexuelles des demandeurs d’asile ou de les soumettre à des « tests » en vue d’établir leur homosexualité, car de telles preuves porteraient atteinte, par nature, à la dignité humaine. Enfin, citant la directive 2011/95/UE dans l’affaire F. c. Bevándorlási es Állampolgársági Hivatal (2018), la CJUE a estimé qu’un demandeur d’asile ne peut être soumis à un test psychologique afin de déterminer son orientation sexuelle. La réalisation d’un tel test constitue une ingérence démesurée dans la vie privée du demandeur d’asile. Si les autorités nationales peuvent commander une expertise pour déterminer le besoin de protection du demandeur d’asile et évaluer sa crédibilité, il leur est interdit de le faire selon des modalités non conformes aux droits fondamentaux garantis par la Charte des droits fondamentaux de l’UE. En outre, il est interdit aux autorités et juridictions nationales de fonder leur décision sur les seules conclusions du rapport d’expertise ou de se considérer comme liées par celles-ci.
1 Le Danemark n’est lié par aucune de ces directives en vertu du protocole 22 sur sa position annexé au traité de Lisbonne. Voir https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:12016E/PRO/22.
2.2.5. Existence d’un organisme de promotion de l’égalité, d’un médiateur ou d’une commission des droits de l’homme explicitement chargés de protéger les personnes LGBTI
Les défenseurs internationaux des droits de l’homme ont également souligné que la mise en œuvre de législations relatives à l’égalité de traitement nécessite des institutions nationales indépendantes de défense des droits de l’homme, comme des organismes de promotion de l’égalité, des médiateurs ou des commissions des droits de l’homme. Par exemple, les principes de Paris adoptés en 1993 par l’Assemblée générale des Nations Unies encouragent les États à mettre en place une institution nationale chargée de la promotion et de la protection des droits de l’homme. Le premier volet de cette mission consiste à « veiller à l’harmonisation de la législation, des règlements et des pratiques nationaux avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, auxquels l’État est partie, et à leur mise en œuvre effective ». Selon le deuxième volet de cette mission, l’institution nationale doit être dotée de« compétences à caractère quasi juridictionnel », ce qui signifie qu’elle doit être habilitée à entendre et à examiner les plaintes et les requêtes qui lui sont soumises par des particuliers, leurs représentants, des tierces parties, des organisations non gouvernementales, des associations et syndicats et toutes autres organisations représentatives (Assemblée générale de Nations Unies, 1993[50]). Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe précise davantage le rôle essentiel des institutions nationales de défense des droits de l’homme en distinguant cinq domaines d’expertise complémentaires (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2011[51]) :
Promotion : les institutions nationales de défense des droits de l’homme encouragent le développement d’une culture du respect de cette législation auprès des employeurs, des prestataires de services et des responsables politiques, et les aident à élaborer des stratégies, des procédures et des pratiques efficaces en matière d’égalité au sein de leurs organisations ;
Application : les institutions nationales de défense des droits de l’homme permettent aux individus d’exercer leurs droits en vertu de la législation sur l’égalité de traitement, notamment en fournissant une assistance aux personnes victimes de discrimination ;
Communication : les institutions nationales de défense des droits de l’homme contribuent au développement d’une culture de droits dans la société ;
Recherche : les institutions nationales de défense des droits de l’homme élaborent une base de connaissances sur les questions de discrimination et d’inégalité en réalisant des travaux de recherche et des études ;
Effet multiplicateur : les institutions nationales de défense des droits de l’homme aident diverses organisations partenaires à s’investir dans la promotion de l’égalité et la lutte contre la discrimination.
De même, parmi les principaux objectifs du Plan stratégique 2017‑21 de la CIDH figure le renforcement des institutions nationales de défense des droits de l’homme (CIDH, 2017[52]).
Les défenseurs internationaux des droits de l’homme ne cessent de souligner que le mandat des institutions nationales de défense des droits de l’homme doit explicitement couvrir l’égalité de traitement des personnes LGBTI. Les pays membres de l’UE sont invités à « désigne[r] un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l’égalité de traitement entre toutes les personnes sans discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique » (directive 2000/43/CE), ainsi que « sur le sexe » (directive 2004/113/CE et directive 2006/54/CE). Bien que l’« orientation sexuelle », l’« identité de genre » et les « caractéristiques sexuelles » ne soient pas explicitement mentionnées dans ces directives, l’UE fait pression sur ses membres pour qu’ils mettent en œuvre la législation antidiscrimination protégeant les personnes LGBTI (Encadré 2.2), ce qui a facilité l’inclusion de ces motifs parmi ceux relevant de la responsabilité des organismes nationaux de promotion de l’égalité. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe reconnaît également que « les possibilités offertes par les structures nationales de promotion de l’égalité pour traiter les réclamations en cas de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre et, plus généralement, pour promouvoir l’exercice des droits de l’homme des personnes LGBT sont considérables » (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2011[24]). Fait important, le Commissaire a également recommandé que les médiateurs, les organismes de promotion de l’égalité et les commissions des droits de l’homme soient mandatés pour travailler sur les questions concernant les personnes intersexes (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2015[41]). Conformément à ces positions, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe ont mis en place Equinet, le Réseau européen des organismes de promotion de l’égalité, qui joue un rôle essentiel dans la coordination de ces organismes et leur apporte un soutien en matière d’interprétation juridique et de mise en œuvre des directives relatives à l’égalité de traitement. Il est présent dans 36 pays européens, et notamment tous les États membres de l’UE. Au sein de ce réseau, la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre est explicitement présentée comme un type de discrimination contre lequel les organismes de promotion de l’égalité doivent lutter26.
Les Nations Unies et l’Organisation des États américains encouragent également les institutions nationales de défense des droits de l’homme à protéger les personnes LGBTI. Le HCDH souligne qu’elles doivent combattre « toutes les formes de violations des droits de l’homme fondées sur l’orientation sexuelle, l’identité et l’expression de genre et les caractéristiques sexuelles » (HCDH, 2016[13]). De même, la CIDH cite expressément les personnes LGBTI parmi les groupes prioritaires dont l’inclusion est visée par le renforcement des institutions nationales des droits de l’homme (CIDH, 2017[52]).
2.3. Lois favorisant l’intégration des personnes LGBTI : dispositions catégorielles
Les dispositions générales définies à la section 2.2 présentent un intérêt pour l’intégration de l’ensemble des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexes. Toutefois, les sous-groupes de la population LGBTI se heurtent également à des difficultés spécifiques. Les dispositions générales devraient donc être complétées par des dispositions visant à éliminer ces obstacles. On compte deux types de dispositions catégorielles : celles qui visent à assurer l’égalité de traitement des personnes LGB (« dispositions concernant les personnes LGB », ci-après) et celles qui visent à assurer l’égalité de traitement des personnes transgenres et intersexes (« dispositions concernant les personnes transgenres et intersexes », ci-après).
2.3.1. Dispositions concernant les personnes LGB
Les dispositions découlant des normes internationales relatives aux droits de l’homme qui visent à promouvoir l’égalité de traitement des personnes lesbiennes, gays et bisexuelles plus spécifiquement, peuvent être réparties en cinq composantes : (i) égalité de traitement des rapports sexuels consentants entre personnes de même sexe et entre personnes de sexe opposé ; (ii) interdiction des thérapies de conversion ; (iii) reconnaissance juridique des couples homosexuels ; (iv) égalité des droits à l’adoption ; et (v) égalité d’accès à la procréation médicalement assistée.
Égalité de traitement des rapports sexuels consentants entre personnes de même sexe et entre personnes de sexe opposé
Deux types de lois sont contraires à l’égalité de traitement des rapports sexuels consentants entre personnes de même sexe et entre personnes de sexe opposé. Le premier type consiste à pénaliser les rapports homosexuels entre adultes consentants en punissant les actes « contre nature », allant à l’encontre de la « morale », de la « décence », ou les actes de « débauche ». Le deuxième type de lois préjudiciables à l’égalité de traitement des rapports sexuels consentants entre personnes de même sexe et entre personnes de sexe opposé fixe un âge de consentement plus élevé pour les rapports homosexuels consentants. Dans ce cas, les jeunes qui ont des rapports homosexuels font l’objet de sanctions pénales qui ne s’appliquent pas aux jeunes du même âge ayant des rapports hétérosexuels.
Ces lois violent évidemment le droit à la vie des individus lorsque les actes homosexuels entre adultes consentants sont punis de la peine de mort. Ils violent également le droit à l’égalité de traitement et à la non-discrimination, et constituent une atteinte inadmissible au droit à la vie privée, que le droit international des droits de l’homme défend fermement. Selon l’article 12 de la DUDH, l’article 17 du PIDCP, l’article 7 de la CDF, l’article 8 de la CEDH et l’article 11 de la CADH, « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. » Même dans les pays où ces lois sont adoptées mais non appliquées, leur simple existence favorise un environnement d’intolérance, d’hostilité et de violence à l’égard des personnes LGBTI en renforçant les préjugés, la stigmatisation et la légitimation de la discrimination à leur encontre (HCDH, 2011[9]).
Les publications phares des organismes internationaux des droits de l’homme mettent clairement l’accent sur l’obligation des gouvernements d’abroger les lois qui pénalisent les rapports homosexuels et fixent des âges de consentement différents pour les rapports homosexuels et hétérosexuels consentants. Cette obligation a également été soulignée dans une série de décisions juridiques (Encadré 2.7).
Encadré 2.7. Décisions des défenseurs internationaux des droits de l’homme exhortant les États membres à garantir l’égalité de traitement des rapports sexuels consentants entre personnes de même sexe et entre personnes de sexe opposé
En 1994, dans sa décision historique dans l’affaire Toonen c. Australie, le Comité des droits de l’homme a estimé que le Code pénal de l’État, qui pénalisait les relations homosexuelles entre adultes consentants, portait atteinte au droit à la vie privée de l’individu (PIDCP, article 17), même si ces dispositions n’étaient plus appliquées depuis une décennie. Le Comité a également décidé que l’orientation sexuelle est un motif de discrimination prohibé en vertu de l’expression « autre situation » figurant dans l’article 26 et l’article 2 du PIDCP. En outre, le Comité a également rejeté l’argument de l’État selon lequel la pénalisation des pratiques homosexuelles est raisonnablement justifiée pour des motifs de santé publique ou de morale.
La Cour européenne des droits de l’homme a rendu plusieurs arrêts importants concernant les rapports homosexuels. Dans l’arrêt historique Dudgeon c. Royaume-Uni de 1981, la pénalisation des rapports homosexuels entre deux hommes adultes consentants en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord a été considérée comme une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale en vertu de l’article 8 de la Convention. Dans cet arrêt, la Cour a souligné qu’il n’existe pas de « besoin social impérieux » d’ériger de tels actes en infractions, ni de preuve qu’ils nuisent à des segments vulnérables de la société, et que si l’accomplissement d’actes homosexuels par autrui et en privé peut heurter, choquer ou inquiéter des personnes qui trouvent l’homosexualité immorale, cela seul ne saurait autoriser le recours à des sanctions pénales quand les partenaires sont des adultes consentants. En 2001, dans l’affaire Sutherland c. Royaume-Uni, la Cour a estimé que le fait de fixer un âge minimal différent pour des rapports consentants entre des personnes de même sexe et entre des personnes de sexe opposé était discriminatoire (article 14) et portait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale (article 8), et a donc estimé que l’âge minimal de consentement pour les personnes de même sexe devait être égal à celui des personnes de sexe différent. De même, en 2003, dans les affaires L. et V. c. Autriche et S.L. c. Autriche, la Cour a estimé que la fixation par l’État d’un âge minimal de consentement plus élevé pour les relations homosexuelles masculines que pour les relations hétérosexuelles ou lesbiennes violait l’interdiction de discrimination (article 14) et le droit au respect de la vie privée (article 8).
Dans l’affaire Flor Freire c. Équateur (2013), la Cour interaméricaine des droits de l’homme a estimé que la différence entre les sanctions imposées aux actes hétérosexuels et celles frappant les actes homosexuels violait l’interdiction de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle prévue à l’article 1(1) de la Convention américaine des droits de l’homme.
Interdiction des thérapies de conversion
La thérapie dite « de conversion » fait référence aux pratiques visant à changer l’orientation sexuelle d’un individu d’homosexuel ou bisexuel à hétérosexuel27. Ces pratiques englobent un large éventail d’approches : thérapies de conversion individuelles ou de groupe où le « patient » se fait dire à plusieurs reprises que l’homosexualité n’existe pas, que tout le monde naît hétérosexuel, que l’attirance pour le même sexe est le résultat de traumatismes subis pendant l’enfance ou de relations familiales dysfonctionnelles, etc. ; des interventions spirituelles où le « patient » est traité comme une personne démoniaque ayant besoin d’être exorcisée ; des méthodes physiques plus invasives ou extrêmes telles que la thérapie d’aversion (chocs électriques, médicaments provoquant des nausées), les coups, la détention ou le viol « correctif », dont on pense qu’il conforme l’orientation sexuelle des victimes aux normes hétérosexuelles. Ces techniques peuvent être pratiquées par des auteurs aussi variés que des professionnels médicaux ou de la santé mentale, du personnel religieux, des guérisseurs ou des praticiens traditionnels ou spirituels, ou d’autres entités comme des groupes sociaux ou d’entraide (OutRight Action International, 2019[53]).
La thérapie de conversion est fondée sur la croyance (i) que les personnes LGB souffrent d’une pathologie et (ii) que l’homosexualité peut être soignée. Aucune de ces hypothèses n’est vraie. L’homosexualité n’est pas une pathologie. Elle a été officiellement rayée de la liste des troubles mentaux dès 1973, lorsque la troisième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) de l’American Psychiatric Association a conclu que l’attirance envers les personnes de même sexe faisait partie du spectre normal de la sexualité humaine. Cette évolution importante vers la dépathologisation de l’homosexualité a été confirmée en 1992, lorsque l’Organisation mondiale de la santé a supprimé l’homosexualité de la dixième édition de la Classification internationale des maladies (CIM). L’homosexualité n’est ni répressible ni modifiable. En 2009, le groupe de travail de l’American Psychological Association (APA) sur les réponses thérapeutiques appropriées à l’orientation sexuelle (Task Force on Appropriate Therapeutic Responses to Sexual Orientation) a procédé à un examen systématique des publications des revues à comité de lecture portant sur les interventions visant à modifier l’orientation sexuelle (sexual orientation change efforts, SOCE). Il est parvenu à la conclusion que « les résultats des recherches scientifiquement valides indiquent qu’il est peu probable que des individus soient en mesure d’atténuer l’attirance envers les personnes de même sexe ou de renforcer l’attirance envers les personnes de sexe opposé grâce aux SOCE » (American Psychological Association, 2009[54]). De même, des études récentes montrent que l’orientation sexuelle est déterminée par un mélange complexe d’influences génétiques et environnementales qui échappent au contrôle des individus (Ganna et al., 2019[55]).
Pourtant, malgré leurs effets extrêmement nocifs, les thérapies de conversion existent encore partout dans le monde. Elles visent généralement les mineurs, dont le consentement est obtenu par la coercition ou la tromperie. Le déni total et les tentatives d’effacement de leur véritable personnalité par leurs proches engendrent des sentiments profonds de haine de soi, une dépression et des pensées suicidaires chez les « survivants » (OutRight Action International, 2019[53]).
Les thérapies de conversion sont vivement condamnées par les défenseurs internationaux des droits de l’homme. Par exemple, dans son rapport de 2015, le HCDH écrit : « L’inquiétude grandit face aux thérapies dites “de conversion”, qui visent à “guérir” l’homosexualité. Ces thérapies se sont avérées contraires à l’éthique, dénuées de fondement scientifique, inefficaces et, pour certaines d’entre elles, constitutives de torture » (HCDH, 2015[12]). En 2018, l’Expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre a publié un rapport dans lequel il réaffirme son inquiétude quant à la mise en œuvre de thérapies de conversion, et recommande aux États d’« interdire les traitements dits de conversion » (CDH, 2018[56]). De même, la résolution de janvier 2019 du Parlement européen est la première à « condamne[r] avec force la promotion et la pratique de thérapies de conversion pour les personnes LGBTI et encourage[r] les États membres à ériger ces pratiques en infractions pénales » (Parlement européen, 2019[57]).
Reconnaissance juridique des couples homosexuels
La reconnaissance juridique des couples homosexuels vise principalement à éviter la discrimination des couples de même sexe dans l’accès aux droits financiers dans un large éventail de domaines, comme la fiscalité, les prestations sociales, les soins de santé, la location, la propriété, la retraite ou l’héritage. Cette reconnaissance prend trois formes : de principe, avancée et totale. La reconnaissance juridique de principe des couples homosexuels consiste à légaliser le partenariat de fait entre des personnes de même sexe (également appelé cohabitation), afin d’accorder aux partenaires cohabitants de même sexe au moins une partie des droits dont bénéficient les partenaires cohabitants de sexe différent. La reconnaissance juridique avancée des couples homosexuels suppose la légalisation du partenariat civil/enregistré/domestique (également appelé union civile), afin d’offrir plus de droits aux couples de même sexe. Pourtant, ces types de partenariats n’accordent généralement pas aux partenaires homosexuels l’ensemble des droits dont jouissent les couples mariés hétérosexuels : trop souvent, les partenaires homosexuels ne sont pas traités à égalité par rapport aux époux hétérosexuels, notamment concernant les droits de succession, même après avoir partagé et acquis conjointement des biens tout au long de leur vie28. En l’absence de mariage homosexuel, cette situation constitue une discrimination indirecte fondée sur l’orientation sexuelle dans la mesure où les partenaires de même sexe ne peuvent pas accéder aux droits réservés aux couples mariés parce que le type de partenariat qui leur permettrait de le faire n’est pas légal. Par conséquent, la reconnaissance juridique totale des couples homosexuels suppose la légalisation du mariage homosexuel.
Les défenseurs internationaux des droits de l’homme ont réaffirmé qu’il ne devrait y avoir aucune différence de traitement entre les couples de même sexe et les couples de sexe opposé (HCDH, 2016[13] ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2009[58] ; CIDH, 2017[31]). Notamment, dans les juridictions où les couples hétérosexuels non mariés jouissent de certains avantages financiers, ces mêmes avantages devraient être étendus aux couples homosexuels non mariés (p. ex. Young c. Australie 1999 (Comité des droits de l’homme, 2003[59]), Karner c. Autriche 200329 et P.B. Et J.S. c. Autriche 201030). De même, il faudrait créer des partenariats civils pour les couples homosexuels lorsqu’ils existent pour les couples de sexe opposé (par exemple, Valliatanos et autres c. Grèce 201331). En outre, lorsque le mariage homosexuel n’est pas légal, les pays devraient accorder des avantages et des droits financiers équivalents à ceux associés au mariage (par exemple, Oliari et autres c. Italie 201532).
Les États membres de l’UE n’ont aucune obligation de légaliser le mariage homosexuel. L’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice. » Pourtant, les États membres de l’UE font l’objet de pressions croissantes pour reconnaître les partenariats entre personnes de même sexe – le mariage homosexuel en particulier – suite à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans l’affaire dite « Coman » (2018) (Encadré 2.8). Dans cette affaire, la CJUE a décidé que le terme « conjoint » dans la directive sur la libre circulation dans l’Union européenne est « neutre du point de vue du genre » et englobe le « conjoint de même sexe », ce qui signifie que tous les États membres de l’UE sont obligés de traiter le conjoint de même sexe d’un citoyen de l’UE de la même manière qu’un conjoint de sexe opposé – indépendamment du fait que les lois des États membres prévoient ou non des possibilités de mariage ou de partenariat civil entre personnes de même sexe. En d’autres termes, les pays de l’UE où les partenariats de même sexe ne sont pas reconnus sont invités à modifier leur législation nationale afin de mettre en place un cadre juridique garantissant la bonne application de l’arrêt de la CJUE.
Encadré 2.8. L’affaire Coman (2018)
L’affaire Coman et autres contre Inspectoratul General pentru Imigrări et Ministerul Afacerilor Interne est un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en date de 2018 impliquant Adrian Coman, un citoyen roumain qui a épousé son mari (un citoyen américain) en Belgique lorsque ce couple y résidait. Lors de son retour en Roumanie, le couple a découvert que la Roumanie ne reconnaissait pas son mariage, et les autorités ont refusé de délivrer un permis de séjour à l’époux américain. Le recours introduit par A. Coman a fait son chemin devant les tribunaux roumains jusqu’à ce que, en 2016, la Cour constitutionnelle roumaine demande à la CJUE d’interpréter le mot « conjoint » dans le contexte de la législation européenne sur la libre circulation.
L’arrêt de la CJUE a confirmé le droit de résidence des couples de même sexe dans les pays de l’UE ne reconnaissant pas les unions de ce type, si au moins un des partenaires est citoyen de l’UE et si le mariage a été célébré légalement dans un pays membre de l’UE.
Le droit international des droits de l’homme découlant de la Charte internationale des droits de l’homme et de la Convention européenne des droits de l’homme (CED) n’a pas encore créé d’obligation pour les pays d’autoriser les couples de même sexe à se marier. L’article 16 de la DUDH, l’article 23 du PIDCP et l’article 12 de la CEDH définissent un droit au mariage spécifiquement pour « les hommes et les femmes », une formulation qui, au moment de la rédaction de ces instruments, visait délibérément à accorder le droit de se marier uniquement aux partenaires de sexe biologique opposé33. Cette signification initiale a été rappelée par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies dans l’affaire Joslin c. Nouvelle-Zélande 2002 et par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Schalk et Kopf c. Autriche 2010, deux affaires marquantes dans lesquelles le Comité des droits de l’homme des Nations Unies et la Cour européenne des droits de l’homme ont rejeté l’argument selon lequel l’égalité du mariage pouvait être déduite de la Charte internationale des droits de l’homme ou de la CEDH. Toutefois, reconnaissant que ces conventions sont des instruments vivants qui doivent être interprétés à la lumière du contexte actuel, les organismes des droits de l’homme des Nations Unies et du Conseil de l’Europe encouragent les pays à interpréter de plus en plus le droit au mariage énoncé dans leurs conventions comme se référant simplement au fait que « les deux sexes ont un droit égal de se marier, plutôt que de stipuler qu’ils doivent se marier avec une personne du sexe opposé » − voir par exemple HCDH (2018[60]) et Schalk et Kopf c. Autriche 2010. En effet, comme l’a déclaré le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, une « réelle volonté de garantir la pleine égalité » nécessite que les pays « envisage[nt] sérieusement d’ouvrir le droit au mariage civil aux couples de même sexe » (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2017[61]). Non seulement l’égalité du mariage garantit une égalité de traitement à part entière des couples homosexuels en ce qui concerne l’accès aux droits financiers, mais elle garantit également à leur partenariat la même signification sociale que celle attachée au mariage hétérosexuel. Le mariage est en effet une institution sociale dotée d’une longue histoire, qui est considérée comme plus « symbolique » que les partenariats civils (REFJ, 2018[62]). Des chercheurs ont récemment confirmé que les couples homosexuels qui ont la possibilité de passer d’un partenariat civil à un mariage civil sont avantagés, même dans des pays comme les Pays-Bas où le partenariat civil et le mariage civil sont strictement identiques en termes de droits et d’obligations. Ils montrent que les partenaires de même sexe qui ont transformé leur partenariat civil en mariage enregistrent un taux de séparation nettement plus faible à la suite de ce changement que des partenaires homosexuels similaires restés dans un partenariat civil, ce qui suggère que la symbolique du mariage est réelle et exerce un effet stabilisateur sur les partenariats de même sexe (Chen et van Ours, 2019[63]).
À l’instar des organismes des droits de l’homme des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, l’Organisation des États américains reconnaît que la pleine égalité des partenariats entre personnes de même sexe et de sexe opposé ne peut être atteinte qu’avec l’égalité du mariage. Mais cette organisation régionale a fait un pas de plus en faveur du mariage homosexuel. Dans son avis consultatif de 2017, la CIDH a statué que les signataires de la Convention américaine relative aux droits de l’homme sont tenus d’autoriser les couples de même sexe à se marier. Bien que l’article 17 de la Convention adopte une formulation similaire à celle des instruments des droits de l’homme des Nations Unies et du Conseil de l’Europe, en affirmant que « le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme », la CIDH souscrit à une interprétation plus progressiste en affirmant que l’article 17 n’est pas limité à un modèle familial particulier. Selon la CIDH : « Les États doivent garantir le plein accès à tous les mécanismes qui existent dans leur législation nationale, y compris le droit au mariage, afin de garantir la protection des droits des familles formées par des couples homosexuels, sans discrimination par rapport à celles formées par des couples hétérosexuels » (CIDH, 2017[31]).
La légalisation du mariage homosexuel entraîne des avantages qui ne se limitent pas aux personnes LGB. En effet, elle permet d’éviter que des personnes transgenres mariées ne soient contraintes de divorcer pour pouvoir modifier leur marqueur de genre sur leur acte de naissance et/ou d’autres documents d’identité. Dans la plupart des pays, la reconnaissance juridique du genre nécessitait à l’origine que la personne transgenre soit célibataire. Cette obligation de facto de divorcer a depuis été supprimée dans tous les pays où le mariage homosexuel a été légalisé. Mais elle reste en vigueur dans les pays qui ne prévoient pas l’égalité du mariage.
Égalité des droits à l’adoption
Les articles 16 de la DUDH, 23 du PIDCP, 9 de la CDF, 12 de la CEDH et 17 de la CADH reconnaissent non seulement le droit de se marier, mais également de fonder une famille, une disposition qui est réinterprétée de manière à garantir le droit au respect de la vie privée et familiale de toutes les personnes, y compris les couples homosexuels (HCDH, 2018[60]). Cette évolution implique notamment la suppression des restrictions discriminatoires à l’accès à la parentalité fondées sur l’orientation sexuelle (HCDH, 2016[13]).
La suppression de ces restrictions nécessite d’abord de garantir l’égalité des droits à l’adoption aux couples de sexe opposé et de même sexe (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2018[64]). Dans tous les pays, les partenaires de sexe opposé bénéficient de droits à l’adoption, sous la forme d’une adoption conjointe par les deux partenaires34, et d’une adoption par l’un des deux partenaires (le second parent). Dans ce dernier cas, l’un des deux partenaires devient le second parent légal des enfants biologiques ou adoptés de son partenaire, sans mettre fin au statut de parent légal de son partenaire35. L’adoption par le second parent est essentielle au bien-être des enfants élevés par les deux partenaires. Sans cette possibilité, les enfants et le parent non légal sont privés de droits si le partenaire qui est le parent légal décède, ou en cas de divorce, de séparation ou d’autres circonstances qui empêcheraient le parent légal d’exercer ses responsabilités parentales.
La discrimination à l’encontre des couples homosexuels dans l’accès aux droits à l’adoption ne serait justifiée que si les enfants étaient moins bien lotis lorsqu’ils sont élevés par des parents de même sexe plutôt que par des parents de sexe opposé. En effet, les organismes internationaux de défense des droits de l’homme ont souligné à plusieurs reprises que le droit à l’enfant n’existe pas. En d’autres termes, il convient de considérer que l’adoption consiste à « donner une famille à un enfant et non un enfant à une famille » (Pini et autres c. Roumanie 2004), ce qui suppose de donner la priorité à l’intérêt supérieur de l’enfant à chaque fois qu’il est en concurrence avec celui des candidats à l’adoption. Pourtant, selon des données empiriques convaincantes, on ne constate aucun déficit de bien-être chez les enfants vivant avec des parents homosexuels. Bien au contraire, ces enfants obtiennent généralement de meilleurs résultats en termes d’éducation et de santé (Encadré 2.9).
Encadré 2.9. Les enfants ne sont pas plus mal lotis lorsqu’ils sont élevés par des parents de même sexe plutôt que par des parents de sexe opposé (ils sont en fait mieux lotis)
L’analyse de la situation des enfants ayant des parents de sexe opposé et de même sexe est délicate car les familles avec deux parents de sexe opposé sont difficilement comparables aux familles avec deux parents de même sexe. Les couples homosexuels sont moins susceptibles d’être mariés que les couples hétérosexuels, parce que les obstacles juridiques au mariage homosexuel persistent ou n’ont été que récemment supprimés. En outre, contrairement aux partenaires hétérosexuels, les partenaires homosexuels ne peuvent avoir tous deux un lien biologique avec leurs enfants. En fait, jusqu’à récemment du moins, la plupart des enfants élevés par des parents homosexuels étaient nés de parents de sexe opposé, dont l’un entretient désormais une relation homosexuelle (Gates, 2015[65]). En d’autres termes, l’un des parents de même sexe est leur parent biologique, tandis que l’autre est leur beau-parent (ou leur parent adoptif en cas d’adoption par le second parent). Le reste des enfants élevés par des parents homosexuels ont été soit adoptés conjointement, soit conçus par le biais de techniques de procréation médicalement assistée.
Si elles ne sont pas neutralisées, ces différences de type de famille peuvent introduire des biais statistiques conduisant à constater un déficit de bien-être chez les enfants élevés par des parents homosexuels. L’accès plus restreint des parents homosexuels au mariage favorise une plus grande instabilité familiale et, par conséquent, de moins bons résultats en termes de santé et d’éducation chez leurs enfants. En outre, les enfants de parents homosexuels issus d’une ancienne union hétérosexuelle ont généralement subi une rupture parentale qui peut avoir des répercussions négatives sur leur développement psychosocial. Enfin, les enfants adoptés conjointement et les enfants conçus au moyen de techniques de procréation médicalement assistée peuvent souffrir de vivre séparés d’au moins un de leurs parents biologiques (Valfort, 2017[66]).
En raison du manque de données, seules quelques études ont comparé les enfants de ménages homosexuels et hétérosexuels de même type familial, sur la base de données représentatives ou administratives. Elles mettent toutes en évidence que les enfants de couples homosexuels obtiennent de meilleurs résultats en termes d’éducation et de santé. Aux États-Unis, des données représentatives montrent que le taux de redoublement est plus faible chez les enfants issus de relations hétérosexuelles antérieures vivant avec des parents mariés homosexuels plutôt qu’avec des parents mariés hétérosexuels (Watkins, 2018[67]). Aux Pays-Bas, qui ont été le premier pays du monde à légaliser le mariage homosexuel en 2001, les enfants élevés dès leur naissance par des parents homosexuels (qui ont donc probablement été conçus grâce à une technique de procréation médicalement assistée) obtiennent des résultats nettement supérieurs à ceux des enfants élevés dès leur naissance par des parents hétérosexuels aux tests standardisés menés à la fin de l’école primaire. Selon les données administratives, ce résultat persiste même après avoir pris en compte des différences de statut socio-économique entre les parents de même sexe et ceux de sexe opposé. En effet, étant donné les procédures longues et coûteuses auxquelles les couples homosexuels doivent recourir pour procréer artificiellement, ceux qui ont recours à ces techniques enregistrent généralement des niveaux de revenu et d’éducation plus élevés et sont plus âgés que les parents biologiques de sexe opposé (Mazrekaj, De Witte et Cabus, 2019[68]). Enfin, d’après les données administratives suédoises, qui permettent de suivre les enfants depuis la naissance jusqu’à l’âge de dix ans, les enfants de couples lesbiens conçus par des techniques de procréation médicalement assistée ont moins de risques de souffrir de maladies du système respiratoire jusqu’à l’âge de dix ans que les enfants biologiques de couples hétérosexuels, même si leur poids à la naissance est plus faible en raison de leur exposition aux traitements de fertilité (Aldén, Björklund et Hammarstedt, 2017[69]).
Ces résultats positifs donnent à penser que les parents homosexuels investissent davantage dans l’éducation de leurs enfants afin de compenser les facteurs de stress propres aux familles homosexuelles, comme leur stigmatisation persistante par la société. Les données concordent avec cette hypothèse, car les parents homosexuels passent plus de temps avec leurs enfants que les parents de sexe opposé. Les femmes (quel que soit le sexe de leur partenaire) et les hommes homosexuels en couple passent autant de temps avec leurs enfants (environ 100 minutes par jour). En revanche, les hommes hétérosexuels en couple consacrent en moyenne moins d’une heure à leurs enfants (Prickett, Martin-Storey et Crosnoe, 2015[70]). Les meilleurs résultats en termes d’éducation et de santé des enfants de parents homosexuels conçus par procréation médicalement assistée (par rapport aux enfants biologiques de parents de sexe opposé) peuvent également découler du fait que les parents homosexuels qui recourent à cette technique choisissent d’être parents. Comme le souligne le sociologue Michael Rosenfeld, « les couples homosexuels ne peuvent pas devenir parents par une mauvaise utilisation ou un échec de la contraception, contrairement aux couples hétérosexuels. Il est plus difficile de devenir parents pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels, d’où un effet de sélection plus marqué pour les parents de même sexe. Si les gays et les lesbiennes doivent déployer plus d’efforts pour devenir parents, peut-être que ceux qui y parviennent sont, en moyenne, plus dévoués à la dure tâche de la parentalité que leurs homologues hétérosexuels, ce qui pourrait être bénéfique pour leurs enfants » (Rosenfeld, 2010[71]).
Au vu de ces résultats, les tribunaux internationaux des droits de l’homme ont rendu un certain nombre de décisions établissant l’égalité des droits parentaux pour les couples de même sexe. En Europe, cette tendance a débuté en 1999, avec l’affaire Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal, dans laquelle l’ex-femme du plaignant, un homosexuel vivant avec un autre homme, l’empêchait de rendre visite à sa fille, en violation d’un accord conclu au moment de leur divorce. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le refus de l’État d’accorder la garde et le droit de visite à un parent vivant dans une relation homosexuelle violait le droit au respect de la vie familiale (article 8) et l’interdiction de discrimination (article 14) garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Deux arrêts concordants relatifs aux droits à l’adoption ont suivi. Dans l’affaire E.B. c. France 2008, la Cour a estimé que, dans le contexte de la loi française, qui permet aux personnes seules d’adopter un enfant, le rejet de la demande d’agrément en vue d’adopter de la plaignante au motif qu’elle vit avec une autre femme « opér[ait] une distinction dictée par des considérations tenant à son orientation sexuelle, distinction qu’on ne saurait tolérer d’après la Convention ». Dans l’affaire X et autres c. Autriche 2013, la Cour a jugé que l’impossibilité d’étendre l’adoption par un second parent à un couple homosexuel non marié alors que la législation nationale reconnaît ce droit aux couples hétérosexuels non mariés constituait une violation de l’interdiction de discrimination.
Égalité d’accès à la procréation médicalement assistée
La suppression des restrictions discriminatoires à l’accès à la parentalité implique non seulement l’égalité des droits à l’adoption entre les couples de sexe opposé et de même sexe, mais également l’égalité d’accès aux techniques de procréation médicalement assistée (PMA) (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2018[64]). Dans plusieurs pays, les couples infertiles de sexe opposé ont accès à l’insémination médicalement assistée avec le sperme d’un donneur, ou à la fécondation in vitro avec un don de sperme et/ou d’ovocytes. Dans quelques pays, les couples infertiles de sexe opposé dont la femme ne peut pas porter d’enfant ont également accès à la maternité de substitution ou gestation pour autrui36.
Dans la mesure où le droit à l’enfant n’existe pas, il appartient à chaque pays de légaliser ou non les techniques de procréation médicalement assistée. Toutefois, le principe de non-discrimination inscrit dans le droit international des droits de l’homme impose une égalité de traitement entre les couples de même sexe et de sexe opposé dans l’accès à ces techniques, à moins qu’il n’existe des preuves solides que les enfants élevés par des parents homosexuels sont moins bien lotis que ceux élevés par des parents de sexe opposé. En d’autres termes, dans la mesure où les recherches empiriques mettent en évidence le résultat inverse (Encadré 2.9), l’accès aux techniques de procréation assistée devrait être légal pour les couples de même sexe dès lors qu’il est légal pour les couples de sexe opposé.
Enfin, en raison de l’égalité de traitement des couples de même sexe et des couples de sexe opposé dans l’accès à la PMA, la reconnaissance automatique de la coparentalité dans ce contexte devrait être non discriminatoire. En d’autres termes, le partenaire du même sexe du parent qui donne naissance à un enfant conçu par insémination médicalement assistée ou par fécondation in vitro devrait être automatiquement reconnu comme le deuxième parent légal, à l’instar du conjoint masculin d’une femme qui procréerait par ces techniques (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2018[64]).
2.3.2. Dispositions concernant les personnes transgenres et intersexes
Les dispositions catégorielles visant à remédier aux problèmes spécifiques auxquels font face les personnes transgenres et intersexes poursuivent les trois objectifs suivants : (i) la dépathologisation du fait d’être transgenre ; (ii) l’autorisation d’un choix de genre non binaire sur les certificats de naissance et autre documents d’identité afin d’assurer la reconnaissance des personnes intersexes et transgenres qui ne se reconnaissent ni homme ni femme ; (iii) le report des traitements ou interventions chirurgicales de conformation sexuée médicalement non nécessaires sur les mineurs intersexes jusqu’à ce que ceux-ci puissent donner leur consentement éclairé.
La dépathologisation du fait d’être transgenre
En 2016, différents organes des Nations Unies, en association avec le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, la Commission interaméricaine des droits de l’homme et la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ont publié une déclaration commune qui rappelle que le fait d’être lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre « fait partie de la grande diversité de la nature humaine » et que la pathologisation des adultes et des enfants LGBT, à savoir les étiqueter comme malades sur la base de leur orientation sexuelle, identité ou expression de genre, doit cesser ». En particulier, la déclaration commune exprime une profonde préoccupation quant à la « pathologisation médicale continue des enfants et des adultes transgenres sur la base de classifications médicales nationales et internationales » (HCDH et al., 2016[72]).
La dépathologisation du fait d’être transgenre appelle trois mesures. La première est de ne pas inscrire le fait d’être transgenre au nombre des maladies mentales dans les nomenclatures cliniques nationales. Cette mesure a été préconisée pour la première fois par le Parlement européen dans sa résolution de 2014 sur la feuille de route de l’UE contre l’homophobie et les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, dans laquelle il invitait la Commission européenne à « continuer de travailler avec l’Organisation mondiale de la santé en vue de retirer les troubles de l’identité de genre de la liste des troubles mentaux et du comportement, et de veiller à la reclassification desdits troubles en troubles non pathologiques lors des négociations sur la onzième version de la classification internationale des maladies (CIM‑11) » (Parlement européen, 2014[6]). En 2019, les États membres de l’Organisation mondiale de la santé ont adopté la CIM‑11, qui supprime en effet de la liste des maladies mentales l’« incongruité de genre », selon le terme utilisé pour désigner l’identité transgenre. La CIM‑11 doit entrer en vigueur dans tous les pays membres à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, cette importante évolution vers la dépathologisation du fait d’être transgenre n’entraînera pas nécessairement de changements significatifs à l’échelle nationale. La date d’entrée en vigueur est indicative, et non obligatoire, ce qui signifie que les États membres sont libres de s’adapter à la CIM‑11 à leur propre rythme.
La dépathologisation du fait d’être transgenre nécessite également d’autoriser les personnes transgenres à modifier leurs marqueurs de genre, à savoir le sexe et les prénoms révélateurs du genre des individus, dans le registre de l’État civil. Dans la mesure où le fait d’être transgenre n’est pas un trouble mental, une personne dont l’identité de genre est en contradiction avec son sexe à la naissance ne doit pas être soumise à une thérapie psychiatrique visant à modifier le genre ressenti pour résoudre cette contradiction. Au contraire, les personnes transgenres doivent avoir le droit de vivre en tant que telles et, par conséquent, de modifier leur marqueur de genre sur leur certificat de naissance et leurs autres documents d’identité. Il est essentiel de veiller à ce que le sexe légal corresponde à l’identité de genre afin que les personnes transgenres puissent vivre dans la dignité et le respect. En l’absence de reconnaissance juridique du genre, les activités de la vie quotidiennes (par exemple, la récupération d’un colis au bureau de poste), l’accès au logement, à l’éducation, à l’emploi et aux soins, les voyages (par exemple, l’embarquement à bord d’un avion) ou même le dépôt d’une plainte pour harcèlement peuvent devenir une source répétée de harcèlement, de suspicion non fondée, voire de violence. La nécessité de reconnaître juridiquement l’identité de genre des personnes transgenres a été affirmée à plusieurs reprises par les défenseurs des droits de l’homme. En particulier, dans l’affaire B. c. France 1992, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la non-reconnaissance juridique par l’État de la nouvelle identité de genre d’une personne transgenre née avec un sexe masculin mais se définissant comme femme constituait une violation du droit au respect de la vie privée (article 8 de la CEDH), et plaçait quotidiennement cette personne « dans une situation incompatible avec le respect dû à sa vie privée ».
Enfin, la dépathologisation du fait d’être transgenre nécessite de ne pas conditionner la modification du marqueur de genre sur le certificat de naissance et les autres documents d’ordre médical à des exigences d’ordre médical. Toutefois, parce qu’ils considèrent l’identité transgenre comme pathologique, de nombreux pays conditionnent la reconnaissance juridique du genre à des obligations eugéniques comme la stérilisation et/ou la chirurgie et (ou) le traitement de changement de sexe qui conduisent généralement à l’infertilité. La plupart des pays demandent également un diagnostic psychiatrique confirmant l’état médical de la personne transgenre. En 2018, l’Expert indépendant des Nations Unies sur la protection contre la violence et la discrimination fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre a fermement condamné le fait que les procédures de reconnaissance juridique du genre obligent souvent les personnes transgenres à se soumettre « à des évaluations psychiatriques, […] subir des interventions chirurgicales, une stérilisation forcée ou d’autres procédures médicales réalisées contre leur gré, bien souvent sur la base de classifications médicales discriminatoires » (CDH, 2018[56]). Les organes du Conseil de l’Europe sont également actifs dans la promotion de la reconnaissance juridique de l’identité de genre fondée sur l’autodétermination, c’est-à-dire le principe selon lequel la déclaration d’identité de genre des personnes transgenres en vue d’obtenir la reconnaissance de leur identité de genre ne devrait pas nécessiter la validation d’un tiers, comme un expert ou un juge (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2009[73] ; Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, 2010[22] ; Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2015[74]). En 2017, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que l’obligation de stérilisation en contrepartie de la reconnaissance juridique du genre viole l’article 8 de la Convention (droit au respect de la vie privée). Elle exhorte ainsi l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe à mettre leur législation et leur pratique en conformité avec cette décision (A. P., Garçon et Nicot c. France 2017). Dans son avis consultatif OC‑24/17 qui a fait date, la CIDH tire également des conclusions détaillées concernant la reconnaissance juridique du genre interprétée à travers le prisme de la Convention américaine des droits de l’homme. La Cour déclare que la reconnaissance juridique du genre ne peut imposer de subir une intervention chirurgicale, une thérapie hormonale, une stérilisation ou des modifications corporelles, car cela porterait atteinte aux droits de l’individu à l’intégrité de la personne (article 5), à la vie privée (article 11) et à la liberté de la personne (article 7), ainsi qu’à l’interdiction de discrimination (article 24). En outre, la Cour demande que la reconnaissance juridique du genre soit rapide, abordable et fondée uniquement sur le consentement libre et éclairé du demandeur, ce qui exclut des conditions préalables comme des évaluations ou des certifications médicales, psychologiques ou psychiatriques (CIDH, 2017[31]).
Il est évident que l’accès à une procédure souple de reconnaissance du genre revêt également une importance cruciale pour les personnes intersexes. En effet, elles risquent de développer une identité de genre en contradiction avec le sexe qui leur a été assigné à la naissance, dans un contexte où les chirurgies esthétiques de conformation sexuée sont encore très répandues (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2015[74]).
Autorisation d’un choix de genre non binaire sur les certificats de naissance afin d’assurer la reconnaissance des personnes intersexes et transgenres qui ne se reconnaissent ni homme ni femme
La classification de l’humanité en deux catégories – « F » (féminin) et « M » (masculin) – et la pérennisation de ces catégories dans les registres d’état civil et les documents d’identité constituent des pratiques organisationnelles incontournables dans n’importe quelle société. Pourtant, ces pratiques sont fondées sur la croyance fallacieuse selon laquelle chaque individu appartient aux catégories binaires de genre (femme ou homme). En tant que telles, elles exposent les personnes qui ne peuvent être clairement classées dans l’une de ces catégories à des violations des droits de l’homme, au premier rang desquelles les personnes intersexes et les personnes transgenres qui ne se considèrent ni femme ni homme, ou à la fois femme et homme.
L’obligation des gouvernements de protéger, respecter et garantir les droits de l’homme de toutes les personnes ayant une identité de genre non binaire a été soulignée à plusieurs reprises par les défenseurs internationaux des droits de l’homme. Dans son rapport « Vivre libres et égaux », le HCDH exhorte les pays à adopter une législation permettant la reconnaissance de ces identités (HCDH, 2016[13]). Quant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, elle a adopté de nombreuses résolutions sur la reconnaissance juridique des identités de genre, qui visent notamment l’intégration des personnes non binaires. La résolution 2048 encourage les pays à envisager de faire figurer une troisième option de genre sur les papiers d’identité « des personnes qui le souhaitent » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2015[74]). La résolution 2191 demande aux pays, lorsque les pouvoirs publics recourent à des classifications en matière de genre, de veiller à ce qu’il existe un ensemble d’options pour tous, y compris pour les personnes intersexes qui ne s’identifient ni comme homme ni comme femme (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2017[30]). La CIDH reconnaît également, dans son avis consultatif OC‑24/17, que « certaines personnes ne s’identifient ni comme homme ni comme femme, ou s’identifient aux deux » et que le droit des personnes non binaires à se voir reconnaître officiellement leur identité de genre est inscrit dans la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CIDH, 2017[31]). Enfin, dans sa résolution de 2019 sur les droits des personnes intersexes, le Parlement européen a salué les « procédures souples pour changer les marqueurs de genre […] (y compris la possibilité de noms neutres du point de vue du genre) » (Parlement européen, 2019[28]).
L’autorisation d’un choix de genre non binaire sur les certificats de naissance offre un avantage supplémentaire important en ce qui concerne le respect des droits humains des personnes intersexes. En atténuant la pression pesant sur la catégorisation des bébés intersexes, cette disposition légale contribue à réduire la nécessité médicale perçue d’un traitement ou d’une intervention chirurgicale de conformation sexuée (Agence des droits fondamentaux, 2015[1]), une question qui est examinée en détail à la section suivante.
Report des traitements ou interventions chirurgicales de conformation sexuée médicalement non nécessaires sur les mineurs intersexes jusqu’à ce que ceux-ci puissent donner leur consentement éclairé
Bien que le fait d’être transgenre ait été retiré de la liste des maladies mentales de la CIM‑11, les variations des caractéristiques sexuelles sont toujours désignées comme des « troubles du développement sexuel » et, par conséquent, codifiées comme des pathologies (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2019[75]). Dans ce contexte, même les variations saines des caractéristiques sexuelles – qui ne mettent pas en danger la vie du nouveau-né intersexe – sont considérées comme nécessitant une « réparation » ou, plus précisément, une « désambiguïsation » afin que l’enfant soit clairement assigné au sexe féminin ou masculin.
Selon une étude publiée en 2015 par l’Agence des droits fondamentaux de l’UE, les interventions chirurgicales de « conformation sexuée » médicalement non nécessaires sur les nourrissons et les enfants intersexes sont très répandues. Elles sont pratiquées dans au moins 21 des États membres de l’UE (Agence des droits fondamentaux, 2015[1]). Ces interventions cosmétiques non urgentes sur des corps sains sont néanmoins présentées par les médecins comme « médicalement nécessaires », dans la mesure où elles sont considérées comme bénéfiques pour le développement psychosocial de l’enfant dans une société qui, autrement, le stigmatiserait en raison de sa non-conformation au système binaire féminin-masculin. Toutefois, les données recueillies par les défenseurs internationaux des droits de l’homme montrent que les interventions chirurgicales de conformation sexuée engendrent des souffrances physiques et psychologiques qui dépassent de loin les effets négatifs d’une exposition potentielle à une stigmatisation liée au fait de ne pas posséder des organes génitaux externes suffisamment « normaux » selon les conceptions sociétales et médicales pour passer pour des organes génitaux féminins ou masculins.
Ces interventions sont souvent profondément invasives, et entraînent de multiples chirurgies de suivi, des problèmes d’équilibre hormonal, ainsi que des cicatrices et douleurs lors des rapports sexuels. Par exemple, alors que la vaginoplastie est fréquemment pratiquée du fait qu’un vagin fonctionnel est plus facile à construire qu’un pénis fonctionnel, cette procédure de féminisation s’est avérée traumatisante. Comme l’explique le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, « lorsque cette intervention est pratiquée dans la petite enfance, le néovagin doit être maintenu ouvert à l’aide d’un dilatateur, lequel est, en règle générale, introduit régulièrement par la mère de l’enfant. Cette procédure est répétée tout au long des jeunes années ; les personnes intersexes soulignent qu’elle est extrêmement douloureuse et comparable à une forme de viol. De plus, il est parfois nécessaire de poursuivre cette dilatation plus tard dans la vie, ainsi que le décrivent les personnes intersexes » (Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, 2015[41]).
L’issue négative des interventions de conformation sexuée est aggravée par le fait qu’elles sont irréversibles, ce qui signifie qu’aucun « remède » ne peut être proposé lorsque l’identité de genre de l’enfant ne se développe pas conformément au sexe qui lui a été assigné à la naissance. La possibilité d’une divergence entre l’identité de genre et le sexe assigné à la naissance a longtemps été niée par les médecins qui croyaient en la théorie de John Money (Encadré 2.10). Pourtant, il n’existe pas suffisamment de preuves démontrant que l’identité de genre est conforme au sexe à la naissance lorsqu’on assigne un sexe spécifique à un enfant intersexe et qu’on l’élève comme un enfant de ce sexe. Par exemple, en Australie, sur un échantillon de 272 personnes intersexes, 8 % se sont identifiées comme transgenres. Cette proportion est bien supérieure aux estimations les plus généreuses du pourcentage de personnes transgenres fondées sur des données représentatives à l’échelle nationale (0.6 %), ce qui donne à penser que le risque d’attribuer le mauvais genre aux enfants intersexes est beaucoup plus élevé que prévu (Jones et al., 2016[76] ; Flores et al., 2016[77] ; OCDE, 2019[2]).
Encadré 2.10. Popularité des interventions chirurgicales de conformation sexuée sur les nourrissons intersexes
L’opinion prédominante chez les médecins est que l’ambiguïté sexuelle peut et doit être « fixée » ; les chirurgies génitales sur les bébés intersexes sont du reste une pratique courante, bien qu’elles soient rarement nécessaires d’un point de vue médical. L’accent est donc mis sur la capacité du nouveau-né à s’adapter à un sexe ou à l’autre – et donc à répondre aux attentes de la société –, et non sur l’intérêt supérieur et le bien-être de l’enfant.
Les approches actuelles de changement ou de « fixation » du sexe des personnes intersexes trouvent leur origine dans les théories scientifiques des années 1950, époque à laquelle une attention toute particulière a été portée à l’influence de la construction sociale du genre sur la formation de l’identité de genre des individus. John Money est notamment parvenu à la conclusion que les gonades, les hormones et les chromosomes ne déterminaient pas automatiquement le genre d’un enfant et que, par conséquent, l’on pouvait assigner le « bon genre» aux « enfants de sexe mixte » dès le plus jeune âge et les éduquer dans le rôle associé à ce genre à condition de respecter un certain nombre de bonne pratiques. Convaincu que les opérations de conformation sexuée donnaient les meilleurs résultats sur les bébés âgés de moins de 2 ans, Money a créé la Johns Hopkins Gender Identity Clinic en 1965, qui a commencé à pratiquer ce type d’interventions en 1966.
Money a accru sa notoriété après son intervention dans le cas David Reimer (prénommé initialement Bruce), un garçon dont le pénis avait été brûlé accidentellement au cours d’une circoncision ratée. Soumis à un processus de transition, David Reimer a été élevé comme une fille (Brenda) dès l’âge de 22 mois. Après avoir annoncé que son intervention était une réussite, Money a continué de suivre l’enfant tous les ans pendant une dizaine d’années. Durant cette période, sa conviction de la malléabilité du genre est devenue prédominante dans le monde médical, et les opérations de changement de sexe sont devenues monnaie courante. Mais pendant son adolescence, Reimer a renoué avec son identité masculine, indiquant que malgré les robes qu’on l’avait obligé à porter et les œstrogènes qu’on lui avait administrés, il ne s’était jamais senti femme. Ravagé par le profond traumatisme psychologique provoqué par cette expérience, il s’est suicidé en 2004 à l’âge de 38 ans.
En dépit de l’issue tragique de l’affaire Reimer […], la théorie de Money a eu une incidence disproportionnée sur le traitement médical des personnes intersexes. Aujourd’hui encore, elle constitue le fondement des pratiques médicales appliquées à ces personnes à leur naissance. Dans une affaire instruite aux États-Unis en 2013, Mark et Pam Crawford, parents de M. C. (un enfant adopté), ont poursuivi l’État de Caroline du Nord au sujet d’une intervention chirurgicale, alléguant que « l’État de Caroline du Sud avait violé les droits constitutionnels de M. C. lorsque les médecins étaient intervenus chirurgicalement pour lui retirer son pénis pendant son placement en famille d’accueil, risquant ainsi de le rendre stérile et réduisant considérablement si ce n’est totalement ses fonctions sexuelles ». M.C. est né avec ce qu’on appelle un « trouble ovotesticulaire du développement sexuel », se traduisant notamment par un pénis de 2 centimètres à la naissance, une petite ouverture vaginale, du tissu ovarien et testiculaire, et un taux élevé de testostérone dans le sang. Bien que les médecins aient d’abord dit que « l’un ou l’autre sexe » serait possible, ils ont fini par opérer le bébé pour faire apparaître les organes génitaux plus féminins, en retirant le pénis et les tissus testiculaires. Pam Crawford a expliqué qu’elle « était vraiment triste que cette décision concernant son enfant ait été prise » et que « les choses devenaient de plus en plus difficiles maintenant que son identité se faisait manifestement plus masculine. L’idée qu’il avait été mutilé devenait de plus en plus réelle. À l’époque, aucune raison médicale ne justifiait une telle décision. » Dans le cas des personnes intersexes, on estime que l’erreur d’assignation du sexe varie entre 8.5 et 40 %. Ces enfants finissent par rejeter le sexe qui leur a été assigné à la naissance, preuve d’une atteinte majeure à leur intégrité psychologique.
Source : Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (2015[41]), « Droits humains et personnes intersexes », www.coe.int.
L’opinion selon laquelle le traitement médical et chirurgical des mineurs intersexes est nécessaire et souhaitable tant pour la société que pour les personnes concernées est de plus en plus remise en question et contestée. Un changement de perspective médicale à l’égard des personnes intersexes est perceptible chez un certain nombre de praticiens, suite à l’avis publié en 2012 par la Commission suisse d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (NEK-CNE). La NEK-CNE indique clairement que « le fait que le milieu familial, scolaire ou social ait de la peine à accepter l’enfant avec le corps qu’il a naturellement reçu ne saurait justifier une opération d’assignation sexuelle irréversible entraînant des dommages physiques et psychiques ». La NEK-CNE recommande donc que tout traitement irréversible d’assignation sexuelle soit reporté jusqu’à ce que « la personne concernée [puisse] prendre elle-même la décision ». Font exception à ce principe les interventions médicales urgentes visant à prévenir des atteintes sévères à l’organisme et à la santé. Selon la commission, un enfant « est capable de discernement entre 10 et 14 ans » et même avant cet âge, les enfants peuvent prendre des décisions raisonnables concernant des traitements médicaux. La NEK-CNE souligne également la nécessité de protéger l’intégrité de l’enfant, en indiquant qu’« une consultation et un accompagnement psychosociaux personnalisés et gratuits par des spécialistes devraient être proposés à tous les enfants concernés ainsi qu’à leurs parents » (NEK-CNE, 2012[78]).
Cette approche est fortement encouragée par les défenseurs internationaux des droits de l’homme, qui considèrent unanimement que les traitements ou les interventions de conformation sexuée non consentis et non nécessaires sur le plan médical, pratiqués sur des mineurs intersexes, s’apparentent à (i) la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; (ii) une violation du droit à la vie privée. L’une des ressources les plus complètes des Nations Unies est la déclaration interinstitutions rédigée par sept organes des Nations Unies, dont le HCDH et l’Organisation mondiale de la santé. Dans leurs recommandations d’actions, les organes exhortent les pays « à offrir des garanties juridiques en vue d’une prise de décision complète, libre et éclairée et de l’élimination de la stérilisation forcée, coercitive et non volontaire, et à examiner, modifier et développer les lois, règlements et politiques à cet égard ». Il note en outre qu’« en l’absence de nécessité médicale, lorsque le bien-être physique d’une personne intersexe est en danger », le traitement devrait être reporté « jusqu’à ce que la personne dispose d’une maturité suffisante pour participer à la décision et au consentement en toute connaissance de cause » (HCDH et al., 2014[79]). Par ailleurs, dans son rapport sur les bonnes pratiques pour lutter contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, le HCDH invite explicitement les pays membres à interdire « de faire subir aux enfants intersexes des traitements non nécessaires d’un point de vue médical » (HCDH, 2015[12]). L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a publié deux résolutions qui ont fait date. La résolution 1952 invite les États membres à « s’assurer que personne n’est soumis pendant l’enfance à des traitements médicaux ou chirurgicaux esthétiques et non cruciaux pour la santé, garantir l’intégrité corporelle, l’autonomie et l’autodétermination aux personnes concernées, et fournir des conseils et un soutien adéquats aux familles ayant des enfants intersexes » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2013[80]). La résolution 2191 invite plus explicitement les États membres « à interdire les actes chirurgicaux de “conformation sexuée” sans nécessité médicale ainsi que les stérilisations et autres traitements pratiqués sur les enfants intersexes sans leur consentement éclairé » (Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, 2017[30]). Quant à l’Organisation des États américains, l’Assemblée générale a adopté de nombreuses résolutions qui appellent largement les États membres à protéger les personnes intersexes au moyen de lois et de politiques garantissant que les pratiques médicales sont conformes aux normes relatives aux droits de l’homme (Assemblée générale de l’OEA, 2013[81] ; 2016[82] ; 2017[83] ; 2018[84]). Dans son rapport sur la reconnaissance des personnes LGBTI, la CIDH recommande explicitement aux États membres d’interdire toute intervention médicale inutile qui serait effectuée sans le consentement libre, préalable et éclairé de la personne intersexe concernée. Ce rapport et le rapport de la CIDH sur les violences à l’encontre des personnes LGBTI soutiennent que de telles interventions chirurgicales sur des nourrissons intersexes devraient être reportées jusqu’à ce que la personne soit en mesure de donner son consentement (CIDH, 2015[26] ; 2018[27]). Enfin, dans sa résolution historique de 2019 sur les droits des personnes intersexes, le Parlement européen (i) « condamne fermement les traitements et la chirurgie de conformation sexuée » ; (ii) « salue les lois qui interdisent de telles interventions chirurgicales, comme à Malte et au Portugal », et (iii) « encourage les autres États membres à adopter dès que possible une législation similaire » (Parlement européen, 2019[28]).
Références
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[18] Secrétaire général des Nations Unies (2018), Secretary-General’s video message to the Ministerial Level meeting of the UN LGBTI Core Group, https://www.un.org/sg/en/content/sg/statement/2018-09-25/secretary-generals-video-message-ministerial-level-meeting-un-lgbti (consulté le 25 novembre 2019).
[37] Secrétaire général des Nations Unies (2016), Rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, https://undocs.org/A/71/373 (consulté le 25 novembre 2019).
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Notes
← 1. Il en résulte un vaste ensemble de lois en faveur de l’intégration des personnes LGBTI. Ces lois englobent la plupart des dispositions légales promues par les Principes de Yogyakarta, un ensemble historique de préceptes élaborés en 2007 et 2017 par des spécialistes internationaux des droits de l’homme afin de lutter contre les violations des droits des personnes LGBTI dans le monde entier. On comptait parmi ces spécialistes la Commission internationale de juristes, l’International Service for Human Rights, ainsi que d’autres défenseurs des droits de l’homme représentant 25 pays différents et divers milieux. Le rapporteur en charge de la rédaction des Principes de Yogyakarta était le spécialiste irlandais des droits de l’homme Michael O’Flaherty, actuellement directeur de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’organe de l’Union européenne chargé de collecter et d’analyser les données relatives aux droits fondamentaux.
← 2. Seuls cinq pays de l’OCDE ne dépendent pas d’un système régional des droits de l’homme et suivent donc uniquement les directives des Nations Unies : Israël et quatre pays de l’OCDE de la région Asie-Pacifique (Australie, Corée, Japon, et Nouvelle-Zélande).
← 3. L’Union européenne (UE) a été créée lors de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, en 1993. Il s’agit d’une union politique et économique entre 28 pays membres, régie par le Conseil européen, la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Cour de justice de l’Union européenne (également appelée Cour de justice européenne). Bien qu’il ne dispose d’aucun pouvoir législatif, le Conseil européen définit l’orientation politique générale et les priorités de l’Union européenne. Alors que la Commission européenne propose les nouvelles lois, le Parlement européen, qui joue le rôle de co-législateur avec le Conseil de l’Union européenne, a le pouvoir d’adopter et de modifier les propositions législatives, de négocier les politiques et de décider du budget de l’Union européenne. La Cour de justice européenne assure l’application uniforme du droit communautaire, résout les litiges entre les institutions de l’UE et les États membres, et examine les affaires introduites par les particuliers contre les institutions de l’UE.
← 4. Ces 19 États membres sont les suivants : Allemagne, Belgique, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Slovénie et Suède.
← 5. L’Organisation des Nations Unies (ONU) est une organisation intergouvernementale créée en 1945. Elle compte 193 États membres chargés de traiter les problèmes les plus pressants auxquels l’humanité est confrontée, y compris la question des droits de l’homme. Le système des Nations Unies repose sur cinq organes principaux : (i) l’Assemblée générale, assemblée délibérante de tous les États membres de l’ONU chargée d’adopter des résolutions non contraignantes pour les États ou de faire des suggestions au Conseil de sécurité ; (ii) le Conseil de sécurité, responsable du maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui peut adopter des résolutions contraignantes ; (iii) le Conseil économique et social, responsable de la coopération économique et sociale internationale ; (iv) la Cour internationale de justice, qui règle les différends juridiques entre les États qui reconnaissent sa compétence ; (v) le Secrétariat de l’ONU, organe administratif chargé de rédiger des rapports et des études pour l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité.
← 6. Ce faisant, les pays de l’OCDE s’engagent à faire en sorte que chaque individu jouisse des droits qui lui sont reconnus par ces instruments, et acceptent qu’il puisse faire valoir ces droits devant un tribunal national ou international.
← 7. Le Conseil de l’Europe est une organisation intergouvernementale créée en 1949 dans le but de défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit en Europe. Il compte 47 États membres.
← 8. Voir également le document de référence à l’adresse suivante : https://rm.coe.int/discrimination-on-grounds-of-sexual-orientation-and-gender-identity-in/16809079e2.
← 9. L’Organisation des États américains est une organisation intergouvernementale créée en 1948 afin d’instaurer une solidarité et une coopération entre ses 35 États membres, dont le Canada, le Chili, les États-Unis et le Mexique.
← 10. Les États-Unis ont signé la Convention américaine relative aux droits de l’homme mais ne l’ont pas ratifiée, tandis que le Canada ne l’a ni signée ni ratifiée.
← 11. Les instruments fondamentaux des droits de l’homme des Nations Unies, du Conseil de l’Europe et de l’Organisation des États américains invitent les pays membres à interdire la discrimination sur la base d’une liste de motifs prohibés. Plus précisément : (i) L’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) dispose que : « Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. » Une liste similaire de motifs de discrimination prohibés figure dans certains des principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ayant fait suite à la DUDH, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En outre, l’article 7 de la DUDH garantit un droit autonome à la non-discrimination qui peut être invoqué sans être obligatoirement lié à un autre droit protégé : « Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination » ; (ii) l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dispose que : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » En outre, l’article 1 du protocole 12 à la CEDH entré en vigueur en 2005 prévoit une clause d’interdiction générale de la discrimination et offre ainsi un champ de protection qui va au-delà de la « jouissance des droits et libertés reconnus dans la […] Convention ». Plus précisément, l’article 12 du protocole 12 dispose que « la jouissance de tout droit prévu par la loi doit être assurée, sans discrimination aucune » et que « nul ne peut faire l’objet d’une discrimination de la part d’une autorité publique quelle qu’elle soit fondée notamment sur [l’un de ces] motifs » ; l’article 1 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme (CADH) dispose que : « Les États parties s’engagent à respecter les droits et libertés reconnus dans la présente Convention et à en garantir le libre et plein exercice à toute personne relevant de leur compétence, sans aucune distinction fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la situation économique, la naissance ou toute autre condition sociale. » En outre, l’article 24 de la CADH garantit un droit autonome à la non-discrimination : « Toutes les personnes sont égales devant la loi. Par conséquent elles ont toutes droit à une protection égale de la loi, sans discrimination d’aucune sorte. »
← 12. : Fredin c. Suède, 12033/86, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 18 février 1991, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-57651.
← 13. Identoba et autres c. Géorgie, 73235/12, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 18 mai 2015, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001 154400. Dans cet arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a précisé pour la première fois que les personnes transgenres sont protégées contre la discrimination fondée sur l’identité de genre en vertu de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour européenne des droits de l’homme a établi que l’orientation sexuelle est un motif de discrimination prohibé relevant de la catégorie « autre situation » visée à l’article 14 de la Convention dans plusieurs arrêts, le premier étant l’affaire Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal, dans laquelle la Cour a été contrainte de conclure qu’« il y a eu une différence de traitement […] qui reposait sur l’orientation sexuelle du requérant, notion qui est couverte, à n’en pas douter, par l’article 14 de la Convention. » (Salgueiro da Silva Mouta c. Portugal, 33290/96, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 21 décembre 1999, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/tur?i=001-58404).
← 14. Ce code de conduite est particulièrement pertinent lorsque ces demandes émanent de fonctionnaires ou de fournisseurs de biens et de services. En revanche, le coût du non-respect des lois antidiscrimination peut être moins élevé, et le coût du non-respect du droit à la liberté de religion ou de conviction plus élevé dans d’autres contextes, en rapport avec les affaires internes d’une communauté religieuse par exemple (comme le recrutement autonome du clergé).
← 15. Ces caractéristiques justifient l’établissement par les défenseurs internationaux des droits de l’homme d’une vaste jurisprudence assurant aux médias une protection quasi absolue de leur liberté d’expression. Ce privilège est particulièrement visible lorsque les médias diffusent des informations sur les hommes politiques et les hauts fonctionnaires, notamment dans le cadre d’une controverse publique ou concernant des questions d’intérêt général (par exemple, le débat politique pendant les campagnes électorales).
← 17. Bayev et autres c. Russie, 67667/09, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 20 juin 2017, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-174422.
← 18. Bien au contraire, une littérature universitaire en plein essor apporte des preuves irréfutables que le fait de faire obstacle à la promotion des droits des personnes LGBTI augmente le taux de suicide chez les personnes LGBTI, surtout à l’adolescence (OCDE, 2019[2]).
← 19. La Commission de Venise, dont le nom officiel est la Commission européenne pour la démocratie par le droit, est un organe consultatif du Conseil de l’Europe, composé d’experts indépendants dans le domaine du droit constitutionnel.
← 20. Alekseyev c. Russie, 4916/07, 25924/08 et 14599/09, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 11 avril 2011, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-101257.
← 21. Zhdanov et autres c. Russie, 12200/08, 35949/11 et 58282/12, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 16 juillet 2019, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=002-12561.
← 22. La Convention européenne des droits de l’homme n’impose pas aux États une obligation positive d’interdire l’expression dans les mêmes termes que l’article 20(2) du PIDCP. Néanmoins, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que certaines formes d’expression préjudiciable doivent nécessairement être limitées pour respecter les objectifs de la Convention dans son ensemble : « [E]n principe on peut juger nécessaire, dans les sociétés démocratiques, de sanctionner voire de prévenir toutes les formes d’expression qui propagent, incitent à, promeuvent ou justifient la haine fondée sur l’intolérance (y compris l’intolérance religieuse), si l’on veille à ce que les “formalités”, “conditions”, “restrictions” ou “sanctions” imposées soient proportionnées au but légitime poursuivi. » (Erbakan c. Turquie, no 59405/00, 6 juin 2006, para 56). En ce qui concerne la Convention américaine relative aux droits de l’homme, l’article 13(5) impose aux États l’obligation positive d’« interdi[re] par la loi toute propagande en faveur de la guerre, tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constituent des incitations à la violence, ainsi que toute autre action illégale analogue contre toute personne ou tout groupe de personnes déterminées, fondée sur des considérations de race, de couleur, de religion, de langue ou d’origine nationale, ou sur tous autres motifs. »
← 23. Article 19 est une organisation britannique de défense des droits de l’homme fondée en 1987 avec un mandat spécifique, qui se concentre sur la défense et la promotion de la liberté d’expression dans le monde. L’organisation tire son nom de l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui énonce le droit à la liberté d’expression.
← 24. L’article 22 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme fait écho à l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme en disposant que : « 7. Toute personne a le droit, en cas de persécution pour délits politiques ou pour délits de droit commun connexes à des délits politiques, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de chaque État et aux conventions internationales. 8. En aucun cas l’étranger ne peut être refoulé ou renvoyé dans un autre pays, que ce soit son pays d’origine ou non, lorsque son droit à la vie ou à la liberté individuelle risque de faire l’objet de violation en raison de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de sa condition sociale ou en raison de ses opinions politiques. »
← 25. Une personne obtient le statut de demandeur d’asile dès lors qu’elle dépose une demande officielle de droit de séjour dans un autre pays, et conserve ce statut jusqu’à ce que sa demande ait été traitée. Le demandeur obtient le statut de « bénéficiaire d’asile » si sa demande est acceptée et que l’asile lui est accordé.
← 27. Des prises de position et législations plus récentes utilisent également le terme « thérapie de conversion » pour décrire les tentatives visant à changer l’identité de genre d’un individu de transgenre à cisgenre.
← 29. Karner c. Autriche, 40016/98, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 24 octobre 2003, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-61263.
← 30. P.B. et J.S. c. Autriche, 18984/02, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 22 octobre 2010, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-100042.
← 31. Valliatanos et autres c. Grèce, 29381/09 et 32684/09, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 7 novembre 2013, disponible à l’adresse suivante : http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-128294.
← 32. Oliari et autres c. Italie, 18766/11 et 36030/11, Conseil de l’Europe : Cour européenne des droits de l’homme, 21 octobre 2015, disponible à l’adresse suivante http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-156265.
← 33. L’article 16 de la DUDH dispose que : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille », tandis que l’article 23 du PIDCP affirme que : « Le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme à partir de l’âge nubile. » En outre, l’article 12 de la CEDH dispose que : « À partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. »
← 34. Dans ce rapport, l’adoption conjointe désigne un processus par lequel (i) la relation juridique entre un enfant et ses parents biologiques est éteinte ; (ii) les partenaires adoptants deviennent les deux parents légaux de l’enfant.
← 35. Dans le présent rapport, l’adoption par le second parent fait référence à ce que l’on appelle « l’adoption plénière par le second parent », ce qui signifie que le partenaire qui adopte les enfants biologiques ou adoptés de son partenaire devient le second parent légal. Certains pays reconnaissent un second type d’adoption par le second parent, qui est qualifiée de « simple ». On parle d’adoption simple par le second parent (i) lorsqu’il y a déjà deux parents légaux (un des deux partenaires et une autre personne extérieure au couple – par exemple, l’ex-épouse ou époux) et (ii) lorsque le nombre de parents légaux est limité à deux (ce qui est la règle dans la plupart des pays). Dans ce cas, le partenaire qui adopte les enfants biologiques ou adoptés de son partenaire se voit accorder la garde légale, mais ne devient pas un parent légal. Le Japon fait exception. Il peut y avoir plus de deux parents légaux, ce qui signifie que dans ce pays, l’adoption par le second parent désigne toujours une adoption plénière par le second parent.
← 36. La gestation pour autrui est un procédé, souvent régi par un contrat, par lequel une femme (la mère porteuse) accepte de mener une grossesse et de donner naissance à un enfant pour une autre personne (le(s) futur(s) parent(s) qui est (sont) ou deviendra (deviendront) le(s) parent(s) de l’enfant). La maternité de substitution peut être « traditionnelle », auquel cas la mère porteuse est inséminée artificiellement, ou « gestationnelle », auquel cas un embryon créé par fécondation in vitro est implanté dans l’utérus de la mère porteuse.