L’une des principales difficultés du développement de compétences destinées au marché du travail est de garantir l’adéquation de la formation dispensée aux besoins des entreprises. L’un des meilleurs moyens d’y parvenir est encore de tirer pleinement parti du lieu de travail en tant qu’environnement particulièrement propice à l’acquisition de connaissances et, par des mécanismes adéquats, de mettre en correspondance les attentes des employeurs et l’offre de formation. Relativement délaissées pendant un temps dans de nombreux pays, l’alternance et les autres types de formations en milieu professionnel font aujourd’hui leur grand retour, un retour qui rend justice à leur influence bénéfique bien connue sur le passage de l’école à la vie active mais qui s’explique aussi, et de plus en plus, par le fait qu’elles se prêtent tout particulièrement à un développement de compétences bien ajusté aux besoins du marché du travail. À cela s’ajoute que l’on prend conscience, un peu partout dans la zone OCDE, que la formation en milieu professionnel, loin de ne s’appliquer qu’aux emplois manuels ou peu qualifiés, a aussi un rôle important à jouer face à l’émergence de nouveaux emplois réclamant un niveau de qualifications intermédiaire ou élevé. La formation en alternance est elle-même en pleine mutation. En effet, quand une palette restreinte de compétences techniques suffisait naguère, les alternants doivent aujourd’hui en acquérir de plus diversifiées, à commencer par des savoirs fondamentaux, pour être capables de s’adapter à la nouvelle économie et à son caractère dynamique. Or il est encore difficile de mobiliser autour de l’alternance les individus, les partenaires sociaux et les systèmes d’enseignement et de formation.
L'apprentissage et l'alternance en sept questions
Vue d’ensemble : Pour que l’alternance et l’apprentissage soient une réussite
Pourquoi s’intéresser à l’alternance et à l’apprentissage ?
Genèse du présent rapport
Le présent rapport recèle des messages indiquant aux pouvoirs publics comment procéder pour définir et mettre en œuvre des formations en alternance de qualité, messages qui ont été préparés à partir des éléments d’appréciation fournis par le projet OCDE sur la formation en milieu professionnel dans le cadre de l’EFP (encadré 1). Il est étayé par les travaux d’analyse menés tout au long de ce projet et par les messages adressés aux pouvoirs publics via la publication de six documents de travail.
La formation en milieu professionnel recouvre divers dispositifs formels ou informels, dont la formation en alternance, l’apprentissage sur le tas et les différents types de stages prévus dans le cadre de l’enseignement professionnel scolaire. La formation en alternance, en particulier, a occupé le devant de la scène dans beaucoup de pays de l’OCDE, non seulement aux lendemains de la Grande Récession mais aussi une fois la reprise amorcée. L’intérêt qu’elle retient de la part des responsables de l’action publique peut s’apprécier à l’aune des initiatives, d’envergure tant nationale qu’internationale, qui lui ont été consacrées et parmi lesquelles on citera l’Alliance européenne pour l’apprentissage et le Réseau mondial pour l’apprentissage, mis en place en 2013.
Le champ couvert par chacun des modules dédiés à la formation en milieu professionnel dans le cadre du projet sur l’EFP a été délimité en fonction des priorités d’action des pays bailleurs de fonds et des données de recherche dont on pouvait disposer, avec pour conséquence que la plupart de ces modules ont porté sur l’alternance, même si quelques‑uns avaient une envergure plus large (couvrant par exemple les initiations professionnelles de plus courte durée et d’autres formes de mise en contact avec le monde du travail dans le cadre de l’orientation). L’idée étant de faire une synthèse des enseignements tirés de ces six modules, on a voulu présenter ici un ensemble cohérent de messages à l’intention des pouvoirs publics illustrés d’exemples pertinents de mesures et de pratiques innovantes relevés à l’échelon national. Il a été décidé pour cela de procéder à une sélection délibérée et d’axer le présent rapport sur la formation en alternance, pour laquelle chacun des six modules avait fourni de tels messages et exemples.
Encadré 1. Le projet de l’OCDE sur la formation en milieu professionnel dans le cadre de l’EFP
Le projet a été engagé en 2015 pour répondre aux attentes de pays réunis par le souci commun de promouvoir la formation en entreprise dans le cadre de l’enseignement professionnel et lui donner un niveau de qualité élevé et se montrant désireux de trouver des solutions aux difficultés rencontrées.
Le projet se déclinait en six modules, chacun comportant un travail d’analyse en profondeur sur un thème particulier et l’organisation d’un atelier international. Les enseignements qui en ont été tirés pour l’action des pouvoirs publics et les analyses sur lesquelles ils se fondent ont fait l’objet de six documents de travail publiés en anglais :
Striking the Right Balance: Costs and Benefits of Apprenticeships.
Incentives for Apprenticeships.
Work, Train, Win: Work-based Learning Design and Management for Productivity Gains.
Work-based Learning for Youth at Risk: Getting Employers on Board.
Making Skills Transparent: Recognising Vocationnal Skills Acquired Through Work-based Learning.
Working it Out: Career Guidance and Employer Engagement.
L’Allemagne, l’Australie, le Canada, l’Écosse (Royaume-Uni), les États-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni (Ministère de l’éducation de l’Angleterre, UKCES – Commission du Royaume-Uni pour l’emploi et les compétences), la Suisse et la Commission européenne ont fourni des contributions volontaires pour le financement de certaines modules ou du projet dans sa totalité.
Tous les documents de travail ci-dessus peuvent être consultés à l’adresse suivante : www.oecd-ilibrary.org.
Structure du rapport
Le présent rapport a pour objet de balayer, à des fins de comparaison, les solutions adoptées, dans le champ politique et en pratique, face aux problèmes soulevés par la conception et la mise en œuvre de programmes de formation en alternance. Il est étayé par les données comparatives sur les systèmes d’EFP de la zone OCDE fournies par plus de 40 études par pays ayant été réalisées depuis 2007. Les politiques de formation en alternance et les pratiques connexes en vigueur dans chaque pays seront par conséquent replacées dans le contexte de système d’EFP correspondant – ce qui implique d’importantes variations quant à l’âge et au bagage scolaire des alternants, aux professions accessibles via une formation en alternance, aux voies d’accès à cette formation et aux débouchés offerts.
Le présent rapport s’articule autour des sept questions clés ci-après entourant la formulation et la bonne application de programmes de formation en alternance, choisies de manière à faire ressortir les domaines dans lesquels l’analyse comparative a le plus de chances de constituer un apport utile. Les pays avaient indiqué que ces domaines présentaient un haut intérêt stratégique, et l’on pouvait disposer de données internationales probantes à leur sujet, entre les éléments dont on disposait déjà et les enseignements livrés par les travaux menés autour des six modules du projet sur la formation en milieu professionnel dans le cadre de l’EFP. Le présent rapport est donc structuré par ces sept questions et par les réponses apportées sur la base d’observations internationales.
1. L’alternance est-elle une option avantageuse dans tout pays ?
2. Les employeurs doivent-ils être incités financièrement à offrir des contrats d’alternance ?
3. Quel est le juste niveau de salaire des alternants ?
4. Combien de temps une formation en alternance doit‑elle durer ?
5. Comment garantir une bonne initiation pratique en entreprise ?
6. Comment faire en sorte que la formation en alternance donne de bons résultats pour les jeunes en difficulté ?
7. Comment attirer de potentiels alternants ?
Tableau 1. Travaux publiés repris dans le présent rapport
Publications pertinentes |
---|
Kis (2016[1]), « Work, train, win: Work-based learning design and management for productivity gains », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 135, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jlz6rbns1g1-en. |
Kis (2016[2]), « Work-based learning for youth at risk: Getting employers on board », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 150, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5e122a91-en. |
Kis et Windisch (2018[3]), « Making skills transparent: Recognising vocational skills acquired through work-based learning », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 180, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5830c400-en. |
Kuczera (2017[4]), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 153, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/995fff01-en. |
Kuczera (2017[5]), « Incentives for apprenticeship », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 152, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/55bb556d-en. |
Musset et Mýtna Kureková (2018[6]), « Working it out: Career guidance and employer engagement », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 175, Éditions OCDE Paris, https://doi.org/10.1787/51c9d18d-en. |
Récapitulatif des messages à l’intention des pouvoirs publics
Chapitre 1 : L’alternance est-elle une option avantageuse dans tout pays ?
Les problèmes rencontrés lors de la mise en place de formations en alternance dépendent du contexte
L’alternance assume un rôle très différent d’un pays à un autre. Nombreux sont ceux qui cherchent à l’encourager pour faciliter le passage de l’école à la vie active ou permettre aux adultes de recycler et d’améliorer leurs compétences. La développer dans les pays où elle n’est pas courante ou l’introduire dans des secteurs habitués à d’autres types de formation est un pari osé que l’observation de quelques principes simples permet néanmoins de tenir.
Les partenaires sociaux, à commencer par les organismes professionnels, doivent être associés à la définition et à la mise en œuvre des programmes de formation en alternance. Il s’agit là d’une condition essentielle à leur implication dans la formation, qui garantit des programmes adaptés à leurs besoins et à la capacité d’accueil des employeurs.
La concurrence entre la formation en alternance et les autres cursus (par exemple, les formations en école, l’enseignement post-secondaire ou l’enseignement supérieur) doit être équitable.
Les formations en alternance se mettent en place plus facilement quand la possession d’un titre ou d’un diplôme officiel procure des avantages appréciables.
La formation en alternance est adaptable au contexte
Il existe maintes manières d’organiser la formation en alternance, le tout étant que le dispositif trouvé convienne à la fois aux employeurs et aux alternants. Le contexte national a son importance, au même titre que les caractéristiques propres aux secteurs et aux entreprises, en particulier la taille de ces dernières. Les paramètres optimums (par exemple en termes de salaires, de durée de formation et de financement) varieront souvent en fonction de ces facteurs.
Il est possible de jouer sur les paramètres de la formation en alternance pour gagner à elle les employeurs et les alternants potentiels.
L’analyse des coûts et des avantages de l’alternance peut éclairer l’organisation de nouveaux programmes et la réforme des programmes existants. Les enquêtes visant à quantifier ces coûts et avantages pour les employeurs sont susceptibles de fournir des données empiriques propres à guider l’action des pouvoirs publics.
Chapitre 2 : Les employeurs doivent-ils être incités financièrement à offrir des contrats d’alternance ?
Les incitations financières visant à inciter les employeurs à embaucher des alternants doivent être utilisées avec discernement
Les pouvoirs publics ont de bonnes raisons de consacrer des ressources au développement de la formation en alternance, compte tenu de son rôle dans la préparation à un emploi et à une carrière, et des retombées sociales plus larges qu’elle génère. Pour de nombreux pays, le défi consiste à assurer un nombre suffisant de contrats en alternance en entreprise. Aussi, les incitations financières sont fréquemment utilisées pour encourager les employeurs à offrir plus de places. Le bien‑fondé de ces incitations financières dépend en partie de l’objectif ciblé.
Les incitations financières peuvent servir à récompenser les entreprises qui recrutent des alternants et qui, ce faisant, assument une charge qui à défaut incomberait à l’État : la tâche de préparer les jeunes à une carrière. Ce motif peut sous‑tendre l’offre d’incitations à toutes les entreprises qui accueillent des alternants, quel que soit leur effet sur le nombre de contrats en alternance proposés.
Toutefois, l’expérience internationale montre que les incitations financières doivent être utilisées avec discernement et faire l’objet d’une évaluation attentive.
Les incitations universelles allouent un montant forfaitaire à toutes les entreprises qui accueillent des alternants, et n’ont que peu d’impact sur l’offre de contrats d’alternance.
Les incitations ciblées orientent les ressources sur les places qui ne seraient pas proposées autrement. Elles peuvent récompenser les entreprises qui accueillent des alternants présentant certaines caractéristiques (jeunes défavorisés, personnes handicapées, par exemple) ou être réservées à certains secteurs ou types d’entreprises (petites entreprises, par exemple). En théorie, ces incitations ont davantage d’impact, mais leur mise en œuvre est plus onéreuse et leur efficacité dépendra d’une conception fine du système. Lorsque des incitations ciblées sont employées, leur effet doit être soigneusement évalué et comparé à celui d’autres formules (soutien aux capacités de formation en entreprise, par exemple).
Les employeurs peuvent avoir intérêt à créer un fonds permettant de mutualiser les coûts de formation entre entreprises lorsque le marché du travail est tendu et qu’il est difficile de trouver des recrues qualifiées sur le marché du travail extérieur. Le risque est grand par ailleurs que des entrerprises concurrentes débauchent les alternants qu’ils ont dûment formés. L’argent collecté via un fonds peut alors servir à offrir des incitations aux employeurs qui accueillent des alternants.
Pour encourager les employeurs, les pouvoirs publics devraient s’employer à améliorer le rapport coût‑avantage de la formation en alternance en agissant sur la conception du système, l’accompagnement et le renforcement des capacités
L’attention devrait se porter sur les incitations non financières qui améliorent le rapport coût-avantage pour les employeurs, par exemple en repensant la conception des systèmes de formation en alternance et en augmentant la capacité de formation en entreprise. Les pouvoirs publics et les partenaires sociaux peuvent soutenir les petits employeurs en :
Incitant les employeurs à élaborer des solutions pour partager les responsabilités et les risques associés à l’offre de contrats en alternance.
Promouvant les organismes qui travaillent avec des groupes de petits employeurs pour coordonner la formation.
Prêtant leur concours aux petits employeurs pour l’administration et l’offre de contrats en alternance.
Les données internationales ne plaident guère en faveur du recours aux incitations financières, mais il existe bien d’autres moyens de rendre l’alternance attractive aux yeux des employeurs. Les caractéristiques de conception des systèmes de formation en alternance peuvent être modifiées de manière à mieux cadrer avec les besoins des employeurs (chapitre 1), en complétant cette mesure par des initiatives de renforcement des capacités qui visent à aider les employeurs à tirer le meilleur parti des alternants.
Chapitre 3 : Quel est le juste niveau de salaire des alternants ?
Les salaires des alternants devraient prendre en compte le rapport coût-avantage de l’alternance selon les cas de figure
Les salaires des alternants représentent la part la plus importante des coûts de l’alternance pour les employeurs. Leur niveau a donc une incidence sur la propension des entreprises à accueillir des alternants. Il faut fixer les salaires des alternants à un niveau qui, une fois tous les autres coûts pris en compte (salaire du formateur, matériels de formation et coûts administratifs), permet à l’employeur d’espérer pouvoir compenser le coût total de l’alternance par le travail productif des alternants et la perspective de recruter les éléments les plus compétents à des postes de travailleurs qualifiés.
Une modulation des salaires des alternants en fonction des professions est souhaitable, car le rapport coût-avantage de l’alternance pour les employeurs est différent selon les professions et parce que cela contribue à rapprocher l’offre de la demande.
Les pouvoirs publics ne devraient pas imposer un niveau de salaire pour l’ensemble des alternants (même si l’instauration de salaires minimums peut aider à prévenir tout risque d’exploitation). Les dispositifs de fixation des salaires devraient en revanche prévoir la possibilité d’adapter les salaires selon les secteurs et les professions.
Les salaires devraient également être revalorisés tout au long de la période d’alternance, à mesure que l’alternant gagne en compétences et que sa productivité augmente.
Les salaires des alternants devraient aussi tenir compte des caractéristiques des alternants et des priorités de l’action publique
Les salaires des alternants doivent être suffisamment bas pour inciter les entreprises à proposer des contrats d’alternance, mais assez élevés aussi pour attirer des candidats. Du point de vue des alternants potentiels, l’attractivité du salaire proposé est fonction de leurs besoins et des autres voies d’accès à l’emploi qui s’offrent à eux.
Lorsque les salaires sont bas, les pouvoirs publics devraient faire en sorte que les jeunes alternants bénéficient en compensation d’avantages substantiels sous la forme d’une offre de formation de qualité au sein des entreprises.
Lorsque les politiques publiques visent à promouvoir la formation en alternance des adultes, il convient d’élaborer des mesures afin de garantir des revenus suffisants aux alternants pour que l’alternance soit accessible aux adultes. Il faut, pour ce faire, s’appuyer sur une analyse des coûts et des avantages de tel ou tel groupe cible (par situation au regard de l’emploi, en fonction de l’âge, etc.) et prévoir, en plus du salaire, des aides financières ciblées sur les adultes en alternance.
Chapitre 4 : Combien de temps une formation en alternance doit‑elle durer ?
La durée de la formation en alternance doit tenir compte du métier visé
La formation en alternance doit durer assez longtemps pour que les alternants aient le temps de développer les compétences voulues, mais une fois qu’elles sont acquises, il est dans leur intérêt d’obtenir leur qualification le plus vite possible. De leur côté, les employeurs ont besoin de temps pour former leurs alternants sur poste et utilisent leurs compétences nouvellement acquises en les faisant participer aux activités productives. Celles‑ci, en particulier dans les dernières phases de l’alternance, compensent en général l’investissement consenti par l’employeur au début de la formation. Le temps nécessaire à l’acquisition des compétences professionnelles et l’utilisation de ces compétences dans les activités productives ne sont pas identiques dans tous les métiers.
La durée de la formation en alternance doit être adaptée en fonction du métier visé, en particulier de l’évolution de la productivité de l’alternant au cours de sa formation.
Dans les métiers qui requièrent un éventail plus complexe de compétences et où il faut plus de temps pour les acquérir, une durée plus longue est préférable.
Il devrait être possible de fixer les durées avec une certaine souplesse pour tenir compte du niveau des alternants au départ et de leur rythme d’apprentissage, qui sont variables
Généralement, les systèmes d’alternance s’organisent autour des besoins de la population visée au premier chef. Cependant, certains alternants ont un parcours différent. Il peut s’agir, par exemple, d’adultes qui commencent une formation dans un pays où les alternants sont en grande partie des jeunes. De même, le profil de la population des alternants dans un pays donné peut évoluer, par exemple sous l’effet des migrations, à la suite de quoi il est nécessaire d’adapter le système aux besoins pédagogiques du public concerné.
La possibilité d’adapter la durée d’un programme d’alternance pour tenir compte des compétences visées que possèdent déjà certaines personnes peut être bénéfique à celles‑ci. Il existe deux voies possibles :
Faciliter l’achèvement accéléré de la formation pour tenir compte du fait que certains alternants adultes possèdent déjà beaucoup de compétences générales et professionnelles. La création d’un cadre général applicable aux alternants ayant une expérience professionnelle pertinente, pour éviter que tout passe par des négociations au cas par cas, peut y concourrir.
Faire en sorte que le contrat associé à une formation en alternance plus courte paraisse avantageux tant aux employeurs qu’aux alternants.
Permettre de se présenter à l’examen final des formations en alternance
Certaines personnes, en particulier les adultes ayant une expérience professionnelle appropriée ou les alternants ayant abandonné une formation, possèderont une bonne partie des compétences visées par un programme de formation en alternance et il s’agira, dans un souci d’efficacité, de tenir compte de leur niveau d’aptitude plus élevé. Même raccourcie, la formation pourra sembler trop longue à ces personnes. Il sera plus indiqué qu’elles complètent leur bagage et comblent leurs lacunes en suivant des cours ciblés de préparation à l’examen final sanctionnant la formation des alternants. Les pays où il est permis de se présenter à cet examen sans avoir suivi tout le programme de formation en alternance enregistrent des taux d’inscription élevés.
Chapitre 5 : Comment garantir une bonne initiation pratique en entreprise ?
Les capacités de formation des employeurs doivent être développées et donner lieu à un soutien
La qualité de l’initiation pratique en entreprise a une incidence colossale sur la qualité globale de la formation en alternance, car les alternants passent une grande partie de leur temps (souvent la majeure partie) auprès de leur employeur. Néanmoins, si les écoles ont l’enseignement pour vocation première, celle des entreprises est avant tout la production. Embaucher des alternants et les former, tout en poursuivant leurs activités quotidiennes de production, demande des efforts aux employeurs.
Les capacités de formation doivent donner lieu à un soutien, de manière à aider les employeurs à faire bénéficier les alternants d’une formation de grande qualité. Ce soutien peut passer par l’action des pouvoirs publics, une action collective des entreprises (organismes sectoriels, et organisations ou syndicats d’employeurs, par exemple) ou les deux. Une formation ciblée devrait être proposée aux tuteurs.
Renforcer les capacités de formation sur le lieu de travail bénéficie aux alternants en garantissant que leur initiation pratique en entreprise soit toujours de grande qualité, grâce à quoi ils peuvent développer les compétences techniques et non techniques prévues par le programme et nécessaires à leur réussite dans la vie active.
Il peut être avantageux, pour les employeurs, de renforcer leurs capacités de formation, car cela peut améliorer l’intégration des alternants dans le processus de production. Dans les entreprises où ces capacités sont meilleures, les alternants développent leurs compétences plus vite. Lorsque la formation est mieux intégrée aux activités productives, ils peuvent les mettre en pratique et continuer de les étoffer, tout en contribuant à la production.
Les formations en alternance doivent donner lieu à des évaluations rigoureuses
Lorsqu’un employeur embauche un alternant, il s’engage à enseigner l’ensemble des compétences prévues par le programme. Il dispose d’une certaine autonomie dans l’organisation du temps de son alternant pendant le travail, dès lors qu’il n’omet aucune de ces compétences. En contrepartie de cette autonomie, des évaluations rigoureuses doivent être effectuées pour vérifier que tous les alternants ont effectivement développé les compétences souhaitées à la fin du programme.
L’une des difficultés tient au fait que les métiers concernés par la formation en alternance requièrent un large éventail de compétences, dont des compétences techniques pratiques, qu’il est souvent coûteux de soumettre directement à un examen, et des compétences non techniques (pour s’occuper d’un client difficile, par exemple), à l’évaluation desquelles des épreuves sur table ne se prêtent guère. Ces aspects de l’ensemble de compétences visé sont donc souvent mal évalués dans le cadre des examens.
Des normes et des procédures d’évaluation devraient être établies à l’appui de qualifications claires et fiables. Elles devraient répondre à plusieurs questions : quelles sont les compétences à évaluer, comment les évaluations doivent-elles être conduites et qui doit y procéder ? Des mécanismes sont nécessaires pour assurer une cohérence dans les normes et dans l’utilisation des évaluations dans différents endroits d’un même pays et à des moments différents.
Compte tenu de la grande diversité des compétences requises dans de nombreux métiers concernés par la formation en alternance, les tests d’évaluation devraient porter, chaque fois que possible, sur chacune d’entre elles dans chaque profession. Il convient de ne pas omettre les compétences qui ne sont pas mesurées correctement par les évaluations écrites ou orales classiques, qu’elles soient techniques et pratiques ou non techniques.
Chapitre 6 : Comment faire en sorte que la formation en alternance donne de bons résultats pour les jeunes en difficulté ?
Les programmes de formation en alternance doivent être conçus de manière à répondre aux besoins des jeunes en difficulté, tout en restant attractifs pour les employeurs
Pour que la formation en alternance des jeunes en difficulté tienne toutes ses promesses, il faut que l’accueil d’un jeune en difficulté cadre avec les intérêts commerciaux de l’entreprise. Cela implique de rééquilibrer les coûts et les avantages pour les employeurs afin qu’il soit plus intéressant pour eux d’offrir des contrats en alternance à ces jeunes. Les données internationales laissent penser qu’on y parvient le mieux par des mesures non financières.
Agir sur les paramètres des programmes de formation en alternance (salaires des alternants, durée, emploi du temps des alternants par exemple) peut contribuer à accroître l’attrait pour les employeurs de recruter des alternants parmi des jeunes en difficulté. Cela passe par les mesures suivantes :
Créer un programme de formation en alternance ciblé et en moduler la conception en fonction des besoins spécifiques des jeunes en difficulté tout en rehaussant son attrait pour les employeurs, en raccourcissant sa durée par exemple.
Mettre en place des programmes préparatoires (préparation à l’alternance) et des mesures de soutien en faveur des jeunes en difficulté inscrits à une formation classique en alternance.
Les jeunes en difficulté doivent souvent suivre des programmes préparatoires pour se mettre à niveau
Des alternants bien préparés – qui ont comblé leurs lacunes dans les savoirs fondamentaux, ont bien réfléchi à leur profession future et sont prêts à s’engager et à apprendre en environnement réel de travail – auront plus d’attrait aux yeux des employeurs potentiels et de meilleures chances de mener à bien leur formation. De nombreux pays déploient d’ambitieux programmes de préparation à l’alternance à cette fin.
Les programmes de préparation à l’alternance encouragent leurs jeunes en difficulté à opter pour l’alternance et allouent des ressources financières à cette fin.
Compte tenu de la diversité des approches dans ce domaine et du maigre corpus de données probantes, les initiatives nouvelles doivent être testées et évaluées avant de déployer les programmes les plus efficaces.
Les jeunes en difficulté ont souvent besoin d’un soutien supplémentaire au cours de leur période de formation en alternance
Les jeunes en difficulté sont plus susceptibles que la moyenne d’abandonner leur formation. Préjudiciable à l’alternant et à son employeur, l’abandon peut être déterminé par des problèmes liés au travail scolaire ou de nature personnelle. Par conséquent, les jeunes en difficulté doivent recevoir un soutien supplémentaire, sous la forme de cours de rattrapage (dans les savoirs fondamentaux par exemple), d’un encadrement ou d’un tutorat. Il faut d’autre part aider les employeurs à renforcer leurs capacités à accueillir ces jeunes. Il peut s’agir d’une aide pour gérer les problèmes susceptibles de survenir avec les alternants (par exemple par la médiation) et pour offrir aux tuteurs une formation en cours d’emploi qui soit efficace.
Chapitre 7 : Comment attirer de potentiels alternants
La qualité de la formation en alternance importe à son attractivité
Pour que la formation en alternance atteigne un niveau de qualité élevé et ait une solide réputation, il faut engager un cycle vertueux dans lequel le soin porté à la qualité du programme de formation se répercute sur les perspectives d’emploi et de revenu qui s’offrent à l’alternant, et que cela draine ensuite vers le même programme de formation davantage de candidats de valeur. Cet afflux contribuera à son tour à la renommée du programme, renforçant par ailleurs l’attractivité de celui-ci aux yeux des employeurs qui, en plus d’apprécier la qualité de l’enseignement et de la formation dispensés, verront aussi là le moyen de recruter des jeunes gens capables. Le devenir professionnel des alternants n’en sera que meilleur.
L’orientation professionnelle est une composante essentielle de la politique de formation en alternance
L’orientation professionnelle est bénéfique pour l’individu et pour la société : si elle aide le premier à aller de l’avant dans sa formation et sa vie professionnelle, elle concourt aussi au bon fonctionnement des marchés du travail et de la formation en plus de servir divers objectifs de la politique sociale, dont la mobilité et l’équité. Cela légitime l’investissement public consacré aux activités d’orientation.
L’emploi stratégique de l’orientation professionnelle élargira les horizons et brisera les stéréotypes
S’ils sont efficaces, les services d’orientation professionnelle exercent une influence positive sur le devenir scolaire et professionnel des jeunes (Hughes et al., 2016[7]). La question de savoir à quoi tient leur efficacité est abondamment étudiée par l’OCDE et d’autres chercheurs depuis ces dix dernières années (Musset and Mytna Kurekova, 2018[6]). Les pays doivent notamment, parmi d’autres écueils communs, se garder de marginaliser l’orientation professionnelle au cours de la scolarité, de lui consacrer trop peu de moyens ou de la confier à des conseillers mal formés dont l’objectivité ou la connaissance du marché du travail laisseront peut-être à désirer (OCDE, 2010[8]). Les données du PISA montrent que les élèves qui en auraient sans doute le plus besoin sont souvent les moins à même d’être accompagnés. À titre d’exemple, les filles ou les élèves issus d’un milieu socioéconomique défavorisé participent assez peu à des activités d’orientation – voir l’analyse des données dans Musset et Mytna Kurekova (2018[6]).
L’orientation professionnelle, pour être assurée de manière efficace, doit être éclairée par les travaux toujours plus nombreux qui lui sont consacrés, et :
Offrir régulièrement aux jeunes, dès l’enseignement primaire, l’occasion de réfléchir à la relation qui unit leur parcours éducatif et l’avenir qui peut s’ouvrir à eux.
Donner aux élèves la possibilité de mesurer toute la diversité du marché du travail, et notamment de découvrir les professions à l’importance économique essentielle, celles qui viennent d’apparaître et/ou celles qui sont potentiellement méconnues (comme les métiers de l’artisanat).
S’inscrire dans une approche à l’échelle des écoles, associant conseillers d’orientations, enseignants, chefs d’établissements et parents.
Recevoir systématiquement le concours de professionnels et d’entreprises.
Permettre d’accéder facilement à des informations fiables au sujet du marché du travail ainsi qu’aux conseils de spécialistes dûment formés, indépendants et impartiaux en amont des grandes décisions.
Combattre les stéréotypes sexistes et ethniques.
Cibler les jeunes issus des milieux les plus défavorisés pour qu’ils reçoivent un accompagnement renforcé.
Pour être efficaces, les stratégies d’orientation professionnelle exigent une étroite coopération entre l’école et le monde du travail
Pour pouvoir prendre leurs décisions en connaissance de cause, les élèves doivent avoir une bonne idée du monde du travail et savoir dans quels domaines faire porter leurs efforts au cours de leur scolarité pour réaliser leurs rêves. Les écoles devraient à cet effet encourager la découverte personnelle du monde du travail dès le plus jeune âge.
Il conviendrait que les services d’orientation professionnelle réservent, dans leurs activités, une place à divers acteurs de l’économie avec lesquels les enfants auront de bonne heure des échanges répétés et concrets. Il faudrait s’attacher à repérer et aplanir tout obstacle à un travail en bonne intelligence. Dans les pays où le partenariat avec les employeurs est une nouveauté, il sera préférable de commencer par ce qu’il y aura de plus simple. Sur le plan pratique, les autorités et les établissements scolaires devraient considérer que :
Les entretiens avec des employeurs/employés et les forums des métiers sont des outils relativement simples et efficaces.
Les technologies de l’information et des communications (TIC) peuvent offrir de nombreux moyens innovants pour faciliter les échanges entre les écoles et les employeurs.
Références
[7] Hughes, D. et al. (2016), Careers Education: International Literature Review, Education Endowment Foundation, Londres, https://educationendowmentfoundation.org.uk/evidence-summaries/evidence-reviews/careers-education/.
[1] Kis, V. (2016), “Work, train, win: Work-based learning design and management for productivity gains”, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, No. 135, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5jlz6rbns1g1-en.
[2] Kis, V. (2016), “Work-based learning for youth at risk: Getting employers on board”, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, No. 150, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5e122a91-en.
[3] Kis, V. and H. Windisch (2018), “Making skills transparent : Recognising vocational skills acquired through workbased learning”, Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, No. 180, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/5830c400-en.
[5] Kuczera, M. (2017), “Incentives for apprenticeship”, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, No. 152, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/55bb556d-en.
[4] Kuczera, M. (2017), “Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship”, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, No. 153, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/995fff01-en.
[6] Musset, P. and L. Mytna Kurekova (2018), “Working it out: Career guidance and employer engagement”, Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, No. 175, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/51c9d18d-en.
[8] OCDE (2010), Formation et Emploi : Relever le Défi de la Réussite, Examens de l'OCDE sur l'éducation et la formation professionnelles, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264087491-fr.