Le présent chapitre s'intéresse à la façon dont les inégalités réelles et perçues façonnent les préférences en matière de redistribution. Il révèle que la demande de redistribution est étroitement associée aux préoccupations liées aux disparités de revenu et à ce qui les sous-tend, c’est-à-dire aux perceptions et aux préférences relatives aux inégalités économiques. L'évolution des inégalités réelles, mesurées par des indicateurs statistiques traditionnels, est associée à l'évolution de la demande de redistribution, mais uniquement dans la mesure où les préoccupations des individus évoluent dans le même sens. Les effets de l’évolution des inégalités sur la demande de redistribution reflètent à la fois l’évolution du revenu relatif – en devenant plus pauvres, certains deviennent aussi plus favorables à l’intervention des pouvoirs publics – et les préférences des individus quant au niveau global d’inégalités. Bien que liée aux inégalités, la demande de redistribution n'a que faiblement progressé au fil du temps et n'a réagi que modérément à la hausse des préoccupations et des inégalités. Le présent chapitre examine différentes explications possibles, à partir de données d’observation et d’un examen des expériences d'études.
Les inégalités comptent-elles ?
3. Comment les inégalités façonnent-elles la demande de redistribution ?
Abstract
3.1. Perception des inégalités et demande de redistribution
Les perceptions et les préoccupations relatives aux inégalités sont des déterminants importants des différences de préférences en matière de redistribution entre les pays
Comment les préoccupations et les perceptions au sujet des inégalités de revenu et de la persistance intergénérationnelle influencent l’opinion à l’égard des politiques redistributives ? Dans les pays de l’OCDE, les personnes interrogées dans le cadre des enquêtes du PIES et de l’Eurobaromètre conviennent en moyenne à 70 % que la redistribution relève de la responsabilité des pouvoirs publics (Graphique 3.1). Comme le confirme une longue tradition d'études à l’orientation largement transatlantique (voir (Kambayashi et Lechevalier[1]) pour une étude récente), les États-Unis affichent le plus faible pourcentage de ceux qui estiment que cela fait partie des attributions du gouvernement. Ce pourcentage est également faible en Australie, en Grande-Bretagne et en Nouvelle-Zélande. Il est plus élevé dans les pays européens, notamment en Lettonie et au Portugal. Au sein de l’Europe, les pourcentages sont plus bas dans les pays nordiques, où la redistribution était forte jusqu'au début des années 2000. Les pays autres que les pays européens et anglo-saxons sont répartis dans la distribution. Au Japon, un pourcentage de personnes inférieur à la moyenne estiment que le gouvernement devrait réduire les écarts de revenu, alors qu’Israël, le Mexique et la Turquie se situent au milieu de l'échelle de valeurs.
La demande en faveur d’une intervention des pouvoirs publics pour lutter contre les inégalités et les préoccupations relatives aux inégalités de revenu sont étroitement liées (Graphique 3.2). Dans les pays où les préoccupations sont les plus fortes, les répondants sont plus susceptibles de considérer que la réduction des écarts de revenu est du devoir du gouvernement. Les principaux facteurs des différences internationales de niveau d’inquiétude au sujet des disparités de revenu (voir chapitre 2) comptent pour 60 % de la variation entre les pays de la demande de redistribution (Tableau 3.1). Un élargissement de l’écart entre les préférences et les perceptions relatives aux disparités de salaires, entre les individus au sommet et au bas de l’échelle de répartition, est associé de façon positive à la demande de redistribution, ce qui indique que les perceptions et les préférences jouent un rôle essentiel dans la construction de l’adhésion aux politiques redistributives. Les perceptions relatives à une forte persistance intergénérationnelle sont également associées à une demande de redistribution élevée. À l’inverse, là où les personnes croient fermement en la méritocratie, c’est-à-dire en l’importance de travailler dur, le soutien en faveur de la redistribution est moindre.
Tableau 3.1. Les principaux déterminants des préoccupations à l’égard des disparités de revenu engendrent également des demandes de redistribution différentes dans tous les pays
Hausse en point de pourcentage de la part des répondants tout à fait d’accord avec les affirmations « les écarts de revenu sont trop importants » et « il est de la responsabilité du gouvernement de réduire les écarts de revenu », associée à une hausse de 1 % (ou 1 point de pourcentage) de différents facteurs
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(1) |
(2) |
---|---|---|
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Les écarts de revenu sont trop importants |
Il est de la responsabilité du gouvernement de réduire les écarts de revenu |
Rapport perçu entre les revenus les plus élevés et les revenus les plus bas |
0.296* |
0.253** |
|
(0.164) |
(0.106) |
Rapport préféré entre les revenus les plus élevés et les revenus les plus bas |
-0.428* |
-0.427*** |
|
(0.213) |
(0.145) |
Indice de la persistance intergénérationnelle perçue |
0.613** |
0.513*** |
|
(0.236) |
(0.166) |
Proportion de ceux qui pensent qu’il est important de travailler dur |
-0.441* |
-0.485** |
pour réussir dans la vie |
(0.248) |
(0.175) |
Pays |
28 |
28 |
R2 (proportion de la variance expliquée par les variables) |
0.45 |
0.58 |
Note : *** indique la significativité statistique au niveau de 1 %, ** de 5 %, * de 10 %. Les erreurs types robustes figurent entre parenthèses. La régression MCO utilise comme variable explicative le logarithme moyen du ratio perçu/préféré entre les salaires les plus élevés et les plus bas ; les coefficients de régression peuvent donc être interprétés comme le pourcentage de changement de la part des répondants qui se disent tout à fait d’accord avec le fait que les disparités de revenu sont trop importantes, associé à un changement de 1 % du ratio perçu entre les salaires les plus élevés et les plus bas. Le logarithme moyen des salaires les plus élevés et les plus bas est calculé à partir de l’échantillon repondéré pour tenir compte des valeurs manquantes. L'échantillon comprend tous les pays de l’OCDE disponibles dans le PIES 2009 pour lesquels il a été possible de calculer toutes les variables.
Source : Calculs de l’OCDE à partir des données du PIES 2009.
Les résultats récents de l’enquête de 2020 Des risques qui comptent confirment le rôle clé que joue la perception des inégalités de revenu et de la persistance intergénérationnelle dans l'évolution de la demande de redistribution. L’enquête interroge les citoyens au sujet de leurs préférences en faveur d’une redistribution plus forte que son niveau actuel. Les pays où les personnes perçoivent que les 10 % les plus riches détiennent une part élevée du revenu expriment une demande forte en faveur d’une plus grande intervention de la part des pouvoirs publics pour qu’ils réduisent les disparités de revenu (Graphique 3.3).1 Il en va de même lorsque les disparités intergénérationnelles sont perçues comme étant élevées.
Des perceptions d’inégalités de revenu et de persistance intergénérationnelle fortes sont également associées à une demande en faveur d’une fiscalité plus progressive - même plus étroitement qu'au soutien en faveur de l’intervention générale des pouvoirs publics.
Les perceptions des individus relatives aux inégalités dans le pays comptent autant que leur revenu pour expliquer la demande de redistribution
Au niveau individuel, la demande en faveur d’un accroissement de la redistribution et de l’imposition progressive varie d’un groupe socio-démographique à l'autre. Ces différences, représentées dans le panel A du Graphique 3.4 et estimées alors que les autres caractéristiques restent constantes, confirment des données précédentes (Alesina et Giuliano, 2011[2]).
Les individus des ménages à haut revenu sont moins favorables à la redistribution. Ce résultat correspond à un modèle économique standard selon lequel les gains personnels issus de la redistribution et ses coûts s'équilibrent pour les individus (Meltzer et Richard, 1981[3] ; Rueda et Stegmueller, 2019[4]). Les gains pour les ménages à haut revenu peuvent se traduire par une augmentation de l'égalité ou d'autres avantages indirects, comme une hausse de la productivité nationale grâce à un meilleur accès à l’éducation. Quant aux coûts, ils peuvent être généraux – si la redistribution entraîne une baisse de la motivation, par exemple – ou toucher spécifiquement les individus, par exemple avec une hausse des impôts pour les personnes aisées (voir partie 3.3).
L’importance du statut socio-économique ne se limite pas à la situation actuelle d’un individu mais porte sur le bien-être et les revenus du ménage dans sa globalité. Les répondants qui s’inquiètent du bien-être de leur ménage pour les prochaines années, par exemple, sont plus susceptibles de soutenir la redistribution et l’imposition progressive (Graphique 3.4, panel B). Ceci confirme que les perspectives futures d’une mobilité ascendante ou descendante jouent un rôle déterminant dans la définition des préférences des personnes à l’égard de la redistribution (Benabou et Ok, 2001[5]). C’est aussi parce que les individus sont prudents, du moins dans une certaine mesure, et une aversion au risque élevée est associée à une hausse de la demande de redistribution perçue comme une assurance contre de futurs chocs (Gärtner, Mollerstrom et Seim, 2017[6]).
Quant aux diplômés universitaires, ils sont moins susceptibles de demander une hausse de la redistribution, potentiellement en raison de l’éducation qu’ils ont reçue ou parce qu’ils s’attendent à percevoir un salaire élevé plus tard. Les personnes au chômage et les locataires demandent davantage de redistribution, possiblement parce que l’avenir leur paraît plus incertain. Les femmes et les personnes plus âgées sont elles aussi plus susceptibles de demander une redistribution accrue (Encadré 3.1), bien que l’effet de l’âge s'amenuise dans les cohortes plus âgées (sa relation avec la demande de redistribution est concave).
L'analyse de la demande en faveur d’une fiscalité plus progressive parvient aux mêmes résultats, avec toutefois quelques différences. L'association négative avec le revenu disponible est d'autant plus marquée, alors qu’aucune différence significative n'apparaît entre les hommes et les femmes, ni même entre les répondants en couple et célibataires.
Les perceptions des inégalités de revenu et de la persistance intergénérationnelle constituent des déterminants importants de la demande de redistribution, même après contrôle de différentes variables socio-démographiques. Une hausse de 40 points de pourcentage des deux types de perception (équivalant à un passage du 25e au 75e centile de la répartition) est associée à une hausse de 5 points de pourcentage de la part des répondants qui souhaitent une intervention gouvernementale plus soutenue (Graphique 3.4, panel B). Ce résultat est identique à la différence de demande de redistribution entre les personnes au sommet et dans le bas de l'échelle de répartition des revenus. Les perceptions de hausses des inégalités au cours de la dernière décennie sont associées encore plus nettement à la demande de redistribution. Tous ces résultats concordent avec Fong (2001[7]), qui montre que l’opinion des personnes au sujet de la distribution du revenu et des raisons qui expliquent les inégalités compte autant que le revenu personnel pour expliquer les préférences individuelles en faveur de la redistribution. Les tendances macro-économiques perçues méritent également d’être mentionnées. Les visions pessimistes de l'évolution de la situation économique du pays au cours des 12 derniers mois renforcent la demande de redistribution, au même titre que la dégradation de la situation financière d’un ménage.
Les perceptions relatives aux inégalités de revenu et à la persistance intergénérationnelle façonnent également les préférences en matière de redistribution, selon qu’elles sont perçues, toutes les deux ou uniquement l’une d’entre elles, comme étant répandues ou non (Tableau 3.2). Même lorsque les individus estiment que la persistance intergénérationnelle est faible, leur perception accrue des inégalités de revenu est associée à une hausse de la demande de redistribution, et inversement. Dans l’opinion des personnes, il n’existe pas de compromis entre la persistance intergénérationnelle et l'égalité des revenus. Si l’égalité des chances à la naissance rendait les inégalités de revenu parfaitement acceptables, alors la perception d’inégalités de cet ordre n’aurait pas d’importance puisque les individus auraient le sentiment que la persistance intergénérationnelle n’a que peu de poids. L’expérience d'étude menée par Amiel et al. (2014[8]) vient confirmer la conclusion selon laquelle les personnes ont des préférences dans les deux domaines. Amiel et al. ont présenté différents schémas de mobilité intergénérationnelle et d’inégalités des revenus à plusieurs étudiants universitaires en Israël, Italie et au Royaume-Uni.2 Ils en ont conclu que les personnes interrogées accordaient de la valeur aux deux composantes et n'accepteraient d’en sacrifier l’une pour l'autre que dans des circonstances particulières.
Tableau 3.2. La perception des inégalités de revenu et celle de la persistance intergénérationnelle façonnent toutes les deux la demande de redistribution
Pourcentage de répondants qui demandent davantage de redistribution, par type de perception
Perception de la persistance intergénérationnelle parmi les 10 % les plus pauvres |
Perception de la part du revenu détenue par les 10 % les plus riches |
||||
---|---|---|---|---|---|
[0,19] |
[20,39] |
[40,59] |
[60,79] |
[80,100] |
|
[0,19] |
51 |
54 |
56 |
61 |
68 |
[20,39] |
55 |
61 |
62 |
66 |
67 |
[40,59] |
54 |
65 |
60 |
66 |
66 |
[60,79] |
61 |
68 |
68 |
70 |
73 |
[80,100] |
60 |
68 |
71 |
74 |
75 |
Note : les pourcentages ont été calculés en maintenant constantes les autres dimensions (caractéristiques socio-démographiques et autres perceptions, à l’exception des opinions au sujet de l'évolution des inégalités de revenu au cours des années précédentes), au moyen d’un modèle probit comme pour le Graphique 3.4, pour lequel les perceptions ont été ajoutées en tant que valeurs indicatrices pour chaque catégorie et entièrement mises en interaction.
Source : Calculs de l’OCDE d'après l’enquête de 2020 Des risques qui comptent.
Les personnes peuvent se forger une opinion concernant les inégalités de revenu, indépendamment de la mobilité intergénérationnelle, parce qu’ils ont d'autres points de vue au sujet des raisons qui expliquent les inégalités. Comme cela a été abordé dans le chapitre 2, les publications s’intéressent aux points de vue selon lesquels, pour réussir dans la vie, les circonstances indépendantes de la volonté des individus comptent plus (ou moins) que le fait de travailler dur (Piketty, 1995[9] ; Alesina et Angeletos, 2005[10] ; Fong, 2001[7]). Dans ce chapitre également, l’importance de ces points de vue est mise en avant (Tableau 3.1). Ceci est en outre confirmé par le fait que la demande en faveur d’une fiscalité plus progressive est inférieure dans les pays où une majorité d’individus pensent que si certaines personnes vivent dans la pauvreté, ce n’est pas à cause de l’injustice sociale ou par malchance, mais bien parce qu’ils sont paresseux ou qu’ils manquent de volonté (Graphique 3.5).
Un grand nombre de publications en économie expérimentale ont tenté de comprendre le rôle joué par les opinions relatives aux raisons qui expliquent les inégalités en plaçant des individus dans un contexte d’expérimentation où les chercheurs manipulent de façon aléatoire les sources de revenu. Durante, Putterman et van der Weele (2014[11]) en concluent que les préférences en faveur d’une plus grande égalité sont moindres lorsque la répartition initiale est faite en fonction du résultat que les participants ont obtenu lors de la réalisation d’une tâche (un jeu de question ou d'agilité), et ces préférences sont plus élevées lorsqu’ils reçoivent un revenu de façon arbitraire (soit de façon aléatoire ou en fonction du revenu moyen de leur lieu de résidence). Dans le cadre d’une expérience sur la redistribution réalisée avec des échantillons représentatifs de participants issus de 60 pays, Almås et al. (2020[12]) leur ont demandé de dire s’ils souhaitaient changer l’écart de salaire entre deux travailleurs dans une situation de la vie réelle. Les résultats ont montré que, lorsque la différence de salaire dépendait des performances des travailleurs, les répondants étaient moins enclins à réduire cet écart.3
Encadré 3.1. Différences de préférences entre les femmes et les hommes en matière de redistribution
En moyenne, les femmes demandent plus de redistribution que les hommes dans les pays de l’OCDE (Graphique 3.6). La tendance ne peut être attribuée à des différences socio-démographiques (le revenu, le statut professionnel, par exemple), coïncide avec un large éventail de données tirées d'autres enquêtes (Alesina et Giuliano, 2011[2] ; Goerres et Jæger, 2015[13] ; Luttmer et Singhal, 2011[14]), et s’observe dans presque tous les pays, bien qu’elle ne soit pas toujours statistiquement significative. Le rapport femmes/hommes du soutien à la redistribution (après contrôle des différences pour les autres caractéristiques socio-démographiques) est légèrement négatif, mais non significatif statistiquement, mis à part au Mexique, en Estonie et aux Pays-Bas, et il est le plus élevé en Israël et en Norvège.
Les femmes sont favorables à une redistribution plus forte, comme le confirment des expériences réalisées en laboratoire par des chercheurs qui manipulent la répartition initiale des revenus et les raisons à l’origine des inégalités, les présentent aux participants et leur demandent de choisir s’ils veulent changer le niveau des inégalités. Les femmes ont tendance à choisir des niveaux d’inégalités plus faibles (Durante, Putterman et van der Weele, 2014[11]). La principale différence apparaît lorsque la raison qui explique les inégalités est la performance et non la chance ou le contexte socio-économique (Buser et al., 2020[15]). Si les participants revoient à la baisse leurs préférences en matière de redistribution lorsque les inégalités initiales sont liées à des différences de résultats dans la réalisation de certaines tâches, les femmes le font beaucoup moins.
Les différences de préférences en matière de redistribution entre les femmes et les hommes ne sont pas plus importantes dans les pays où les écarts de salaires entre femmes et hommes sont très marqués, ce qui suggère que ces différences ne sont pas simplement déterminées par la situation des femmes dans le pays (Graphique 3.7). En Corée et en Estonie, où les écarts de salaire entre femmes et hommes sont importants, il n’existe pas de différence statistiquement significative entre le point de vue des femmes et des hommes à l’égard de la redistribution. En Norvège et en Slovénie, où les écarts de salaire entre femmes et hommes sont relativement faibles, les femmes sont bien plus favorables à la redistribution que les hommes.
D’après une expérience informative d'étude récente menée aux États-Unis par Settele (2021[16]), les préoccupations des répondants au sujet des disparités entre les femmes et les hommes sont influencées par les informations dont ils disposent. L'auteur fournit à des répondants sélectionnés de façon aléatoire deux types d’estimation de l’écart salarial femmes-hommes. Ceux qui reçoivent une estimation de l’écart salarial plus élevée se déclarent plus inquiets et estiment que les pouvoirs publics devraient intervenir beaucoup plus pour réduire cet écart. En revanche, l’adhésion aux mesures prises varie peu, à l’exception d’une hausse modérée en faveur d’une législation plus stricte pour la parité salariale et un passage à l’action plus ferme.
Les différentes mesures ne suscitent qu’une adhésion limitée notamment parce qu’un pourcentage conséquent de répondants n'a qu’une confiance limitée en leur capacité à réduire les disparités entre femmes et hommes. Une autre explication veut que, si le soutien en faveur de certaines interventions augmente globalement, les répondants expriment souvent des préférences différentes pour différentes mesures et donc aucune mesure particulière ne suscite une adhésion franche. Ces deux explications coïncident avec les résultats d’expériences pour lesquelles les participants recevaient des informations sur la réalité des inégalités (voir partie 3.4).
Le fait de connaître des difficultés pendant la crise du COVID-19 est associé à une plus grande demande de redistribution
Les personnes qui ont des problèmes de santé, économiques, ou pour qui la situation financière du ménage se dégrade pendant la pandémie de COVID-19 ont tendance à demander une plus grande distribution et une fiscalité plus progressive (Tableau 3.3, colonnes 1 et 4). L’OCDE (2021[17]) précise que l’insécurité des ménages pendant la crise du COVID-19 s'accompagne d’une hausse de la demande de protection sociale. Dans une enquête menée aux États-Unis en octobre 2020, Klemm et Mauro (2021[18]) démontrent également que les personnes confrontées à la perte d’emploi ou à un grave problème de santé, personnellement ou dans leur entourage proche, soutiennent plus largement la fiscalité progressive. Ces résultats sont cohérents par rapport aux données d’Alesina et Giuliano (2011[2]) d'après lesquelles les chocs négatifs renforcent l’adhésion à la redistribution.
Tableau 3.3. Le fait de connaître des difficultés pendant la pandémie du COVID-19 est associé à une plus grande demande de redistribution
Hausse en point de pourcentage de la part des répondants qui demandent plus de redistribution et d’imposition progressive associée à des changements dans différentes caractéristiques
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(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
(5) |
(6) |
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Demande de plus de redistribution |
Demande d’une fiscalité plus progressive |
||||
A connu des problèmes de santé ou des difficultés économiques pendant la pandémie (par rapport à ceux qui n’en ont pas connu) |
1.8** |
0.3 |
-0.0 |
3.5*** |
1.8** |
1.2* |
(0.7) |
(0.7) |
(0.7) |
(0.7) |
(0.7) |
(0.7) |
|
Déclare que la situation financière du ménage s’est dégradée pendant la pandémie (par rapport aux autres) |
4.3*** |
3.9*** |
3.3*** |
2.2** |
1.7* |
0.6 |
(0.9) |
(0.9.) |
(0.9) |
(0.9) |
(0.9) |
(0.9) |
|
Perception de la part des 10 % les plus riches dans les revenus (+40 pp)
|
|
4.7*** |
4.6*** |
|
7.8*** |
7.7*** |
|
(0.5) |
(0.5) |
|
(0.5) |
(0.5) |
|
Perception de la persistance intergénérationnelle parmi les 10 % les plus pauvres (+40 pp) |
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4.3*** |
4.4*** |
|
2.6*** |
2.6*** |
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(0.5) |
(0.5) |
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(0.5) |
(0.5) |
|
Pense que les inégalités de revenu ont augmenté comparativement à 10 ans auparavant (par rapport à ceux qui ne le pensent pas) |
|
15.6*** |
15.4*** |
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14.5*** |
14.2*** |
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(0.7) |
(0.7) |
|
(0.7) |
(0.7) |
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Un peu préoccupé par le bien-être de son ménage pour les 1-2 ans à venir (par rapport à ceux qui ne le sont pas) |
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2.9*** |
|
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3.7*** |
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(0.8) |
|
|
(0.8) |
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Très préoccupé par le bien-être de son ménage pour les 1-2 ans à venir (par rapport à ceux qui ne le sont pas) |
|
|
4.0*** |
|
|
6.8*** |
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(1.0) |
|
|
(1.0) |
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Observations |
23506 |
22770 |
22645 |
23628 |
22801 |
22683 |
Note : * indique la significativité statistique au niveau de 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Erreurs types robustes entre parenthèses. Les résultats sont des effets marginaux moyens issus de régressions probit qui intègrent des effets fixes par pays et sont pondérées par poids d’échantillon (réechelonnés de sorte que les poids correspondent à 1 dans chaque pays). Les caractéristiques du ménage ou individuelles sont les mêmes que celles du tableau 2.2 et du Graphique 3.4. Connaître des problèmes de santé ou des difficultés d’ordre économique comprend les problèmes de santé physique ou mentale liés à la pandémie, les perturbations professionnelles que cela a entraînées pendant la pandémie, ou les difficultés à joindre les deux bouts pendant la crise sanitaire.
Source : Calculs de l’OCDE d'après l’enquête de 2020 Des risques qui comptent.
Une hausse de la perception des inégalités et du risque pour les ménages peut expliquer l’association positive entre l’exposition aux difficultés pendant la crise du COVID-19 et la demande de redistribution. Les données de l’enquête Des risques qui comptent montrent que la perception des inégalités et du risque sont des facteurs qui expliquent cette association. Les difficultés rencontrées pendant la crise du COVID-19 exacerbent la perception des inégalités. Après contrôle de la perception exacerbée, l’association entre les difficultés et la demande de redistribution s'affaiblit (colonnes 2 et 5). Les difficultés rencontrées exacerbent à leur tour la perception du risque pour le ménage. Là encore, lorsque l’accroissement de la perception du risque est pris en compte (colonnes 3 et 6), la relation entre les problèmes et la demande de redistribution diminue.
Malheureusement, il n’est pas possible de savoir si les répondants qui ont connu des difficultés étaient également favorables à la redistribution avant la crise parce que l’enquête Des risques qui comptent n’interroge pas les mêmes personnes d’une fois sur l’autre. Pourtant, au niveau national, la moyenne de la demande en faveur d’une fiscalité plus progressive relevée lors de la vague précédente de l’enquête Des risques qui comptent (2018) ne coïncide par avec le pourcentage de personnes ayant déclaré avoir connu des difficultés à cause du COVID-19 (Graphique 3.8). Cependant, il existe une association positive entre la demande d’une fiscalité plus progressive en 2020 et le pourcentage de personnes qui ont connu des difficultés.4 En d’autres termes, l'évolution de la demande de redistribution est positivement associée aux répercussions de la crise du COVID-19 sur les répondants et les membres de leur foyer, ce qui laisse entendre que l’effet perçu de la crise pourrait avoir engendré une hausse des préférences en faveur d’une imposition plus progressive. Ce résultat concorde avec ceux de Giuliano et Spilimbergo (2013[19]) qui montrent que traverser une période de récession – en particulier lors du passage à l’âge adulte - engendre une hausse de la demande de redistribution. Gualtieri et al. (2019[20]) constatent eux aussi que les traumatismes - un séisme, par exemple – augmentent la demande de redistribution.
3.2. Inégalités réelles et demande de redistribution
La hausse des inégalités de revenu est liée à une hausse de la demande de redistribution
Dans les pays dont le niveau d’inégalités est élevé d'après les indicateurs traditionnels (par exemple selon la mesure du coefficient de Gini), lorsqu’ils sont comparés à un seul moment donné, le pourcentage de répondants, qui pensent qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics de réduire les écarts de revenu, n’est pas plus important (Tableau 3.4, colonne 1). Des études précédentes n’y trouvent aucune corrélation (Bussolo et al., 2019[21]), ou parfois même une corrélation négative (Kerr, 2014[22]).
Tableau 3.4. L'évolution des inégalités de revenu réelles explique l'évolution des préférences en matière de redistribution, mais cette association est guidée par l’évolution des préoccupations
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(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
(5) |
(6) |
(7) |
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|
Régression entre les pays |
Régression par pays, sur la période
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|||||
Hausse en point de pourcentage de la part des répondants d’accord avec le fait qu’il relève de la responsabilité du gouvernement de réduire les écarts de revenu, associée à une hausse de 1 point de pourcentage de... |
|||||||
...l’indice de Gini du revenu marchand (avant impôts et transferts) |
0.71** |
0.57** |
0.21 |
||||
|
(0.26) |
(0.26) |
(0.27) |
||||
...l’indice de Gini du revenu disponible (après impôts et transferts) |
-0.25 |
0.92* |
0.60 |
0.22 |
|||
|
(0.62) |
(0.49) |
(0.48) |
(0.33) |
|||
...l’indice de Gini du revenu marchand de la population d’âge actif |
0.79** |
||||||
|
(0.34) |
||||||
...l’indice de Gini du revenu disponible de la population d’âge actif |
0.21 |
||||||
|
(0.48) |
||||||
...l’indice de Gini du revenu disponible des personnes âgées |
-0.00 |
||||||
|
(0.26) |
||||||
...la distance entre le revenu médian |
-0.14** |
||||||
des personnes âgées et d’âge actif |
(0.05) |
||||||
…les préoccupations au sujet des disparités de revenu |
0.68*** |
0.70*** |
|||||
|
(0.10) |
(0.09) |
|||||
Hausse en point de pourcentage de la part des répondants tout à fait d’accord avec le fait qu’il relève de la responsabilité du gouvernement de réduire les écarts de revenu, associée à une hausse de 1 point de pourcentage de... |
|||||||
...l’indice de Gini sur le revenu marchand (avant impôts et transferts) |
0.58 |
0.41 |
0.22 |
||||
|
(0.43) |
(0.45) |
(0.45) |
||||
...l’indice de Gini du revenu disponible (après impôts et transferts) |
0.02 |
0.94 |
0.71 |
-0.02 |
|||
|
(0.51) |
(0.61) |
(0.62) |
(0.46) |
|||
...l’indice de Gini du revenu marchand de la population d’âge actif |
0.59 |
||||||
|
(0.68) |
||||||
...l’indice de Gini du revenu disponible de la population d’âge actif |
0.30 |
||||||
|
(0.69) |
||||||
...l’indice de Gini du revenu disponible des personnes âgées |
-0.16 |
||||||
|
(0.42) |
||||||
...la distance entre le revenu médian |
-0.22** |
||||||
des personnes âgées et d’âge actif |
(0.10) |
||||||
…les préoccupations au sujet des disparités de revenu |
0.54*** |
0.56*** |
|||||
|
(0.09) |
(0.09) |
|||||
Vagues |
2017 |
Toutes |
Toutes |
Toutes |
Toutes |
Toutes |
Toutes |
Observations |
30 |
78 |
78 |
78 |
78 |
78 |
78 |
Pays |
30 |
29 |
29 |
29 |
29 |
29 |
29 |
Effets fixes par pays |
Non |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Effets fixes par période |
Non |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Note : *** indique la significativité statistique au niveau de 1 % ; ** indique la significativité statistique au niveau de 5 % ; * indique la significativité statistique au niveau de 10 %. Les erreurs types regroupées par pays sont indiquées entre parenthèses. L’Eurobaromètre est utilisé pour les pays non inclus dans l’enquête du PIES 2017, comme dans le tableau 3.1. Les données pour la République slovaque en 2017 sont tirées de l’Eurobaromètre parce que le PIES 2017 mené dans ce pays ne comprend pas la question sur les préférences en matière de redistribution. Les résultats sont robustes à l’introduction d’une donnée indicatrice pour les observations de l’Eurobaromètre et les macro-variables (taux d’emploi, taux de chômage et le logarithme du PIB par habitant en PPA USD de 2015).
Source : calculs de l’OCDE issus du PIES 1987, 1992, 1999, 2009, 2017 et de l’Eurobaromètre 2017 pour les préférences en matière de redistribution ; la Base de données de l’OCDE sur la distribution des revenus (https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=IDD) pour les inégalités et les autres variables.
Toutefois, l'évolution des indicateurs des inégalités est en corrélation positive avec l’évolution de la demande de redistribution. Là où les inégalités progressent le plus, les préférences en matière de redistribution font de même (colonnes 2, 3). Ces résultats coïncident avec plusieurs documents, à l’exception de quelques-uns, qui s’intéressent à l'évolution des inégalités et des préférences en matière de redistribution au sein des pays (Kerr, 2014[22] ; Olivera, 2015[23] ; Kuhn, 2019[24]).5 Une association positive entre les inégalités et les préférences en matière de redistribution apparaît également dans des études qui observent l'évolution régionale au sein des pays, comme celle de Rueda et Stegmueller (2019[4]) et celle de Colagrossi, Karagiannis et Raab (2019[25]).
Ce qui semble déterminer principalement les préférences en matière de redistribution, ce sont les inégalités de marché dans l’ensemble de la population d’âge actif. Mais les écarts de revenu disponible entre les générations jouent également un rôle important. Dans les pays où les personnes âgées sont relativement plus aisées, la demande de redistribution est plus basse. Pour la population d’âge actif, les résultats peuvent s’expliquer par l’hypothèse de perspective future de mobilité ascendante (POUM) (Benabou et Ok, 2001[5]). L’hypothèse POUM suppose que si les individus s'attendent à pouvoir gravir l’échelle des revenus au cours de leur existence, ils seront moins enclins à soutenir des mesures pour la redistribution. Si les inégalités au sein de la population d’âge actif restent les mêmes, les différences entre les jeunes et les plus âgés servent d’indicateur des perspectives futures en matière de revenu.
L'association entre les inégalités de revenu et les préférences en matière de redistribution est entraînée par une hausse des préoccupations à l'égard des disparités de revenu
L'évolution des préoccupations liées aux disparités de revenu explique la relation entre l'évolution des indicateurs des inégalités et les préférences en matière de redistribution. Après contrôle des niveaux de préoccupations, la corrélation entre l’indice de Gini et la demande de redistribution s'amenuise (Tableau 3.4, colonnes 6 et 7). Les facteurs subjectifs qui se trouvent au cœur des préoccupations des personnes au sujet des disparités de revenu – les perceptions et les préférences relatives aux inégalités – semblent alors plus indiqués que les inégalités réelles pour expliquer la demande de redistribution, comme l'avancent également Gimpelson et Treisman (2018[26]).
Ceci ne signifie pas pour autant que les préférences en matière de redistribution et les inégalités réelles sont déconnectées. Au contraire, les chapitres 2 et 3 montrent que lorsque les inégalités observées (mesurées par l’indice de Gini) augmentent, les préoccupations font de même et la demande de redistribution progresse. Toutefois, lorsque les préoccupations n'évoluent pas en fonction des inégalités, les préférences en matière de redistribution non plus – si les perceptions n’intègrent pas totalement le nouveau niveau d’inégalités, par exemple, ou si l’évolution d’autres facteurs subjectifs en jeu (les préférences en matière de disparités de revenu ou l’importance accordée au fait de travailler dur, par exemple) atténue l’effet des inégalités. De plus, une hausse des préoccupations est associée à une hausse de la demande de redistribution même lorsque les inégalités mesurées restent stables.6
Certains éléments indiquent que l’adhésion à la redistribution a augmenté pendant la crise du COVID-19
Des données récentes de l’enquête Des risques qui comptent indiquent que la corrélation identifiée parmi les pays entre les indicateurs des inégalités et les préférences en matière de redistribution a pu se renforcer pendant la crise du COVID-19.7 En effet, la demande en faveur d’une redistribution et d’une fiscalité progressive accrues a progressé dans les pays où les niveaux d’inégalités étaient les plus élevés en 2020 (Graphique 3.9) contrairement à Des risques qui comptent de 2018 qui n'a constaté aucune association (OCDE, 2019[27]).8
La demande d’une fiscalité plus progressive a connu sa plus forte augmentation entre 2018 et 2020 dans des pays où les inégalités étaient déjà largement répandues avant la pandémie (Graphique 3.10). Cette relation est expliquée par les différences entre les pourcentages de répondants ayant déclaré avoir connu des difficultés pendant la crise du COVID-19. Deux mécanismes peuvent expliquer cette tendance. La première, décrite ci-dessus, est que la crise a révélé certaines inégalités préexistantes et généré une prise de conscience accrue des inégalités dans des pays où leur niveau était déjà élevé. La seconde est qu’un plus grand nombre de personnes ont été confrontées à des difficultés dans des pays où les inégalités étaient déjà marquées avant la crise. Le fait de connaître des difficultés semble donc entraîner une demande en faveur d’une fiscalité plus progressive, soit directement soit en révélant certaines disparités préexistantes.
Une redistribution élevée entraîne une diminution de la demande des citoyens en faveur d’une intervention accrue
Les préférences en matière de redistribution dépendent de son niveau effectif. Si les impôts et les prestations permettent déjà un contrôle effectif des disparités, il est probable que les personnes soient moins préoccupées par les inégalités et ne demandent pas davantage de redistribution. Il est compliqué d'évaluer le rapport entre le niveau effectif et la demande de redistribution pour une raison de taille – les préférences des électeurs. Elles pourraient bien déterminer les niveaux de redistribution, comme en témoigne l’écart important entre les niveaux de redistribution aux États-Unis et en Europe.
Des risques qui comptent permet partiellement de comprendre la relation entre le niveau effectif de la redistribution et la demande en la matière puisqu’elle interroge précisément les répondants au sujet de leur souhait de voir plus (ou moins) de redistribution. On peut donc s'attendre à ce que, pour un niveau donné d’inégalités du marché, une redistribution effectivement élevée puisse entraîner une baisse de la demande dans ce domaine.
Afin de démêler l’association entre le niveau effectif de la redistribution et sa demande, il paraît cohérent de mesurer les inégalités de revenu et la redistribution uniquement au sein de la population d’âge actif pour deux raisons. Tout d'abord, parce que ces données apparaissent plus clairement (Tableau 3.4) et, ensuite, parce qu’il est plus compliqué de mesurer la redistribution parmi les personnes âgées compte tenu des différents systèmes de retraite adoptés par les pays.
La mesure utilisée pour la redistribution est donc l'écart entre les inégalités du marché et les revenus disponibles, appelé dans les publications l’indice de Reynolds-Smolensky (RS). L’hypothèse formulée est que la demande de redistribution est élevée dans les pays où les inégalités du marché sont elles aussi élevées, et qu’une redistribution massive entraîne une baisse du soutien en faveur de nouvelles augmentations. L’hypothèse est confirmée par les pourcentages de répondants qui ont déclaré que le gouvernement devrait faire beaucoup plus qu’il ne le fait actuellement (Graphique 3.11, graphique de gauche). Dans les pays où les inégalités de marché sont fortes, les préférences en matière de redistribution le sont aussi alors qu’un niveau de redistribution plus élevé entraîne une baisse de sa demande. Il en va de même pour la demande d’une imposition plus progressive (Graphique 3.11, graphique de droite).
Même lorsque les préférences en matière de redistribution sont exprimées en tenant compte du niveau effectif, d'autres facteurs qui déterminent les niveaux actuels de la redistribution et sa demande pourraient aussi influencer les comparaisons entre les pays. Comme l’indique le chapitre 2, les différences entre les pays eu égard aux préférences en matière d'égalité de revenu sont à la fois notables et durables.
Pour tenir compte des différences constantes entre les pays, Olivera (2015[23]) se concentre sur l'évolution des préférences en matière de redistribution en utilisant une méthode de pseudo panel appliquée aux données de l'Enquête sociale européenne, combinées aux données sur les inégalités de revenu marchand tirées de la Standardized World Income Inequality Database et aux dépenses publiques en matière de protection sociale (en % du PIB) de Eurostat. Il en conclut que lorsque les inégalités de revenu marchand augmentent, les préférences en matière de redistribution font de même alors qu’elles chutent lorsque la protection sociale est forte. Le Tableau 3.5 montre les mêmes régressions nationales avec le panel du PIES associé aux données de l’IDD. Les signes des coefficients de la colonne 1 confirment que les préférences de redistribution augmentent lorsque les inégalités de revenu marchand augmentent et diminuent lorsque les niveaux de redistribution et de protection sociale sont élevés. Toutefois, le coefficient de l’indice RS n’est pas statistiquement différent de zéro.9 Il existe une association négative plus notable avec le montant des dépenses sociales par personnes (colonne 3) également utilisé dans les publications comme variable approximative de la redistribution (Karabarbounis, 2011[28]).
Tableau 3.5. L'évolution des préférences en matière de redistribution et celle de la redistribution sont associées négativement, mais le lien est faible
Hausse en point de pourcentage de la part des répondants d’accord avec le fait qu’il relève de la responsabilité du gouvernement de réduire les écarts de revenu, associée à une hausse de 1 % (point de pourcentage pour les fractions) de...
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(1) |
(2) |
(3) |
---|---|---|---|
...l’indice de Gini du revenu marchand (avant impôts et transferts) |
0.87 |
0.66 |
|
(0.38) |
(0.45) |
||
...la redistribution des impôts et des prestations (indice RS) |
-0.44 |
||
(0.50) |
|||
...l’indice de Gini du revenu marchand retardé (avant impôts et transferts) |
1.82** |
||
(0.84) |
|||
...la redistribution des impôts et des prestations retardée (indice RS) |
-0.87 |
||
(0.88) |
|||
...le logarithme des dépenses publiques sociales par personne |
-0.11* |
||
(0.06) |
|||
…le logarithme du PIB par habitant |
-0.10 |
-0.40** |
-0.04 |
(0.10) |
(0.13) |
(0.15) |
|
Observations |
80 |
46 |
69 |
Pays |
30 |
15 |
25 |
Effets fixes par pays |
Compris |
Compris |
Compris |
Effets fixes par période |
Compris |
Compris |
Compris |
Note : les erreurs types regroupées par pays sont indiquées entre parenthèses. L’indice RS correspond à l'écart entre le coefficient de Gini du revenu marchand et celui du revenu disponible (plus l’indice est élevé, plus la redistribution est forte). L'analyse inclut le logarithme du PIB par habitant parce que le montant de la redistribution doit certainement dépendre de contraintes fiscales. Le retardement correspond à la vague de l'année précédente (donnée officielle si le pays n’a pas été observé ou effective si le pays a été observé, et retardée de 5 ans pour la vague de 1987).
Source : calculs de l’OCDE issus du PIES 1987, 1992, 1999, 2009, 2017 et de l’Eurobaromètre 2017 ; la Base de données de l’OCDE sur la distribution des revenus (https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=IDD) et la Base de données de l'OCDE sur les dépenses sociales (https://www.oecd.org/social/expenditure.htm).
3.3. Inégalités, revenu relatif et préférences en matière de redistribution
Les individus dont les revenus sont élevés demandent moins de redistribution, mais pas parce qu’ils ont le sentiment que les disparités sont moins importantes
Le revenu relatif des personnes est un déterminant essentiel des préférences en matière de redistribution. Celles qui se trouvent dans la partie supérieure de l’échelle de répartition des revenus expriment des préférences en matière de redistribution moins marquées bien qu’une proportion non négligeable de ce groupe pense que le gouvernement devrait faire plus pour réduire les disparités de revenu.
Ces différences de préférences entre les personnes dont les revenus sont élevés et celles dont les revenus sont bas – à la base du modèle de l’électeur médian de Meltzer et Richard (1981[3]) – peuvent s’expliquer d'après ce que les individus ont à gagner ou à perdre avec la redistribution. Si les individus ne s’intéressaient qu’à leur propre consommation, ceux dont les revenus sont supérieurs à la moyenne s’opposeraient à la redistribution et ceux dont les revenus sont inférieurs à la moyenne la soutiendraient.
Selon une autre interprétation, les individus les plus pauvres surestiment les inégalités alors que ceux du tertile supérieur des revenus les sous-estiment. Toutefois, les éléments de l'enquête de 2020 de l'OCDE Des risques qui comptent ne soutiennent pas cette hypothèse (Graphique 3.12, panel A). En moyenne, les différences de perceptions des inégalités de revenu entre les tertiles inférieur, moyen et supérieur du revenu équivalent des ménages sont relativement minimes. Dans certains pays, comme l’Autriche, la Corée, la France, la Pologne et la Turquie, ce sont les personnes interrogées les plus aisées qui estiment que la part du revenu détenue par les 10 % les plus riches est la plus importante. En effet, si leur réseau social est restreint et leurs sources d’informations limitées, les plus aisés ont davantage connaissance des niveaux de revenu de ceux qui se trouvent au sommet de la répartition que de ceux qui se trouvent en bas (Cruces, Perez-Truglia et Tetaz, 2013[29]).
Malgré leurs perceptions similaires des inégalités de revenu, les personnes dont les revenus sont élevés sont en faveur d’une redistribution moins importante dans la plupart des pays (Graphique 3.12, panel B). Les quelques exceptions correspondent aux pays où la demande en faveur de la redistribution est élevée parmi tous les groupes de revenu, comme au Chili, en Espagne, en Grèce, en Lituanie, au Mexique et en Turquie. Aux États-Unis, où l’intervention des pouvoirs publics à l'appui de la réduction des écarts de revenu remporte peu de soutien, la demande en faveur de plus de redistribution est limitée dans toutes les classes de revenu. Généralement, dans la plupart des pays, le tertile moyen du revenu présente des préférences en matière de redistribution plus proches de celles exprimées par les individus dont les revenus sont faibles que par ceux dont les revenus sont élevés.
Pour les inégalités de salaire, les individus dont le niveau de revenu est élevé ne perçoivent pas toujours des disparités moins importantes. Dans les pays de l’OCDE observés lors du PEIS 2009, les individus du tertile du revenu supérieur mentionnent des écarts de salaires, entre les plus élevés et les plus faibles, plus creusés que ceux des autres tertiles (Graphique 3.13). Leurs préférences eu égard aux disparités permettent de comprendre comment ce résultat cadre avec la demande de redistribution moins élevée constatée parmi le tertile supérieur. Dans presque tous les pays, les individus dont le revenu est élevé sont prêts à accepter des écarts de salaires plus importants. Par conséquent, dans la grande majorité des pays, l’écart entre les disparités perçues et préférées est plus étroit dans le tertile supérieur que dans les autres.
Une autre interprétation de la relation négative observée entre le revenu personnel et les préférences en matière de redistribution consiste à dire que les mieux ou les moins bien lotis ont différents points de vue quant à l’origine des inégalités. Piketty (1995[9]) propose un modèle dans lequel les personnes s'appuient sur leurs propres expériences pour comprendre le taux réel de mobilité sociale dans leur pays. Ceux qui rencontrent le succès et finissent par devenir riches, deviennent convaincus que le fait de travailler dur porte ses fruits et se montrent de ce fait moins favorables à la redistribution. Pour Fong (2001[7]), l’impact que peut avoir le fait de croire en la vertu du travail sur les préférences en matière de redistribution joue un rôle important dans l'association entre les préférences en matière de redistribution et le revenu.
Il pourrait donc en découler que les riches devraient adopter un point de vue plus optimiste quant au niveau global de la mobilité intergénérationnelle ascendante. Toutefois, ceci ne se vérifie pas dans la plupart des pays (Graphique 3.14). Dans plusieurs d’entre eux, les individus dont le revenu est élevé considèrent en réalité que la mobilité intergénérationnelle est plus faible que ne le pensent les individus dont le revenu est bas. Alesina, Stantcheva et Teso (2018[31]), d'après les données des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Royaume-Uni et de la Suède, suggèrent que cette énigme manifeste est attribuable à des points de vue contradictoires sur la mobilité intergénérationnelle et les raisons du succès personnel. Bien que les individus à revenu élevé pensent que la plupart des personnes restent coincées dans la même tranche de revenu que leurs parents, ils ont tendance à justifier leur opinion en avançant que les efforts personnels finissent par payer. Alesina, Stantcheva et Teso (2018[31]) constatent également que les personnes au sommet de l'échelle de répartition des revenus ont plus tendance à rallier l’idée selon laquelle le travail acharné est le principal moyen de devenir riche.
Le fait que les personnes les mieux loties soient moins favorables à la redistribution ne signifie pas que seuls les pauvres font évoluer la demande de redistribution vers le haut ou vers le bas au fil du temps. Ainsi, dans certains pays où les préférences en faveur d’une redistribution plus forte ont augmenté au fil du temps, cette croissance a été plus forte parmi ceux du tertile supérieur de l’échelle de répartition des revenus (Graphique 3.15). C’est le cas pour les États-Unis, l’Italie, la Slovénie, et la Suisse alors qu’en Hongrie et en Australie, la croissance était plus forte dans le tertile inférieur. Même lorsque les préférences moyennes de redistribution baissaient, ce n’était pas toujours en raison des plus riches. Au Royaume-Uni et en Autriche, la chute était plus prononcée parmi les pauvres. De plus, l'évolution des préférences du tertile situé au milieu ne correspond pas toujours à l'évolution moyenne des tertiles supérieur et inférieur. En Allemagne et en Autriche, la demande de redistribution des revenus moyens a baissé moins fortement que parmi les individus aux revenus les plus élevés ou les plus bas, alors qu’en Australie, elle a augmenté légèrement plus que les deux autres groupes.
La hausse des inégalités de revenu façonne la demande de redistribution par le biais du revenu relatif et des préférences sociales
La hausse des inégalités de revenu peut entraîner une hausse de la demande de redistribution par le biais de deux canaux (Alesina et Giuliano, 2011[2] ; Rueda et Stegmueller, 2019[4]) :
Le premier passe par l’évolution du revenu relatif des personnes. C’est la logique à la base du modèle de l’électeur médian de Meltzer et Richard (1981[3]). Lorsque les inégalités progressent, l'électeur médian devient plus pauvre que la moyenne. À partir de modèles selon lesquels les électeurs ne se préoccupent que de ce qu’ils gagnent ou perdent individuellement, l'appauvrissement relatif des électeurs médians les incite à adhérer davantage à la redistribution. Comme la répartition des revenus est inégale, plus les inégalités sont fortes, plus le pourcentage d’individus qui demandent une hausse de la redistribution et de la fiscalité progressive augmente.
Le second passe par les préférences des personnes en faveur de l'égalité. Même à supposer que seule la consommation personnelle des individus compte pour eux, le niveau global des inégalités compte s’il affecte leur consommation - lorsque, par exemple, la hausse des inégalités fait baisser la croissance du PIB par habitant et restreint les investissements dans l’éducation (Cingano, 2014[32]), ou lorsque les inégalités et la pauvreté font croître la peur de la criminalité (Rueda et Stegmueller, 2015[33]). Plus largement, les personnes expriment des préférences en faveur des inégalités au niveau global (Alesina et Giuliano, 2011[2] ; Clark et D’Ambrosio, 2015[34]).
Le rôle de ces deux canaux a été confirmé par des expériences pour lesquelles un contexte de laboratoire a été recréé, mettant en scène des situations de redistribution où la redistribution du revenu est manipulée par les responsables de l’expérience (Durante, Putterman et van der Weele, 2014[11]). Rueda et Stegmueller (2019[4]) proposent un moyen de démêler les effets des deux canaux sur des données d’observation - en étudiant les effets du revenu des répondants et des inégalités globales ainsi que leurs interactions. Le Graphique 3.16 reproduit leurs résultats sur les microdonnées du PIES en observant les variations au fil du temps des inégalités par pays (en incluant les effets fixes par pays). Il indique que les effets du revenu relatif sont conformes aux prévisions du modèle le plus simple dans lequel les individus ne se préoccupent que de ce que la redistribution leur fait gagner ou perdre : les individus dont le revenu est élevé sont moins concernés par les disparités de revenu et demandent moins d’intervention de la part des pouvoirs publics. Ainsi, lorsque les inégalités augmentent, le revenu des ménages situés au bas de l'échelle de répartition s'écarte encore plus de la moyenne et ils deviennent plus favorables à la redistribution. Au-delà de l’effet du revenu relatif, une hausse des inégalités au niveau global fait évoluer toute la courbe des préférences en matière de redistribution vers le haut, ce qui confirme la pertinence du deuxième canal, à savoir les préférences en faveur de l'égalité. Toutefois, les inégalités à l'échelle globale ont un effet plus radical parmi les plus aisés. Ce constat confirme les estimations réalisées par Rueda et Stegmueller (2019[4]) à partir d'autres ensembles de données, allant de l’ESS pour les pays européens, à la General Social Survey pour les États-Unis.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi les préférences des plus aisés devraient répondre fortement aux niveaux globaux des inégalités. Rueda et Stegmueller (2015[33] ; 2020[35]) avancent que l’effet négatif de la redistribution sur la consommation des riches est relativement moins important que son effet positif sur les pauvres. Les riches peuvent potentiellement accepter l’effet direct de la redistribution sur l'augmentation des impôts parce qu’ils ont une préférence sociale en faveur de plus d’égalité ou qu’ils sont préoccupés par d’autres effets indirects des inégalités sur leur consommation. Pour Rueda et Stegmueller (2015[33] ; 2020[35]), la peur de la criminalité explique aussi pourquoi une hausse des inégalités se traduit par des préférences accrues en matière de redistribution parmi les riches.
Une autre interprétation consiste à considérer que, pour les pauvres, une poussée de la redistribution va dans le sens de leur intérêt personnel. Et quoique cela puisse paraître étonnant que les riches réagissent davantage aux inégalités à l'échelle globale, il ne faut pas oublier que le mécanisme derrière le canal du revenu relatif est encore en jeu - c’est-à-dire qu’une hausse des inégalités entraîne une augmentation des préférences en matière de préférences des individus à bas revenu en les rendant relativement encore plus pauvres.
La plupart des individus pensent appartenir à la classe moyenne
L’effet des inégalités liées au canal du revenu relatif sur les préférences en faveur de la redistribution est plus fort si les personnes sont conscientes de leur situation sur l'échelle de répartition des revenus. Mais souvent, elles ne le sont pas. Des données tirées de l’outil numérique Comparez votre revenu indiquent que la plupart des gens pensent que leur revenu est proche du niveau médian (Graphique 3.17 et Balestra et Cohen (à paraître[36])). Deux forces opposées commandent cette tendance, souvent appelée le « biais du revenu moyen » (OCDE, 2019[37] ; Hoy et Mager, 2021[38] ; Cansunar, 2021[39]):10
1. Les personnes en bas de l’échelle de répartition ont tendance à surestimer leur situation relative. En fait, dans presque tous les pays, plus de 90 % des individus pensent qu’ils se situent au-dessus du 25e percentile de la répartition.
2. Les individus à haut revenu ont tendance à sous-estimer leur situation, mais cette erreur de positionnement varie d’un pays à l’autre. Une part plus importante des personnes les plus aisées pense se situer trop bas dans l'échelle de répartition en Belgique, au Portugal, en Grèce en Italie et en Espagne alors qu'au Canada et en Australie, cette sous-estimation est moins évidente.
Ces deux facteurs tendent à s’annuler. Néanmoins, dans la plupart des pays, le répondant moyen surestime sa position.
Les données de plusieurs études confirment que la plupart des personnes ont tendance à penser que leur revenu se rapproche du niveau médian. Cruces et al. (2013[29]) font apparaître qu’à Buenos Aires plus de 50 % surestiment leur emplacement sur l’échelle de répartition du revenu relatif et 30 % le sous-estiment. Karadja et al. (2017[40]) avancent que la plupart des Suédois se jugent plus pauvres qu’ils ne le sont en réalité. Bublitz (2020[41]) apporte des données qui mettent en avant les différences entre la situation perçue sur l’échelle des revenus relatifs et la situation réelle en Allemagne, au Brésil, en Espagne, en France, aux États-Unis, et en Russie. Hvidberg et al. apportent des résultats plus détaillés sur le Danemark (2020[42]) qui suggèrent que l'écart entre la situation perçue et réelle sur l’échelle de répartition des revenus relatifs s’explique en partie par le fait que les personnes sont mieux à même d'évaluer leur position relative par rapport à d'autres individus appartenant à des groupes de référence spécifiques – comme par rapport à des individus d’une cohorte ou à des collègues de travail – plutôt que par rapport à l’ensemble de la population. Toutefois, ils constatent tout de même que les individus les plus pauvres surestiment largement leur situation par rapport aux groupes de référence qui comptent le plus pour eux, ce qui limite leur demande de redistribution.
Lorsque les personnes sont informées de leur réelle situation sur l’échelle de répartition des revenus, leurs préférences en matière de redistribution évoluent. Ceux qui surestiment leur revenu deviennent plus favorables à une intervention en faveur de la redistribution et ceux qui le sous-estiment ont la réaction inverse (Cruces, Perez-Truglia et Tetaz, 2013[29] ; Karadja, Mollerstrom et Seim, 2017[40]). Néanmoins, les données des expériences disponibles indiquent que le fait d’être informé des faits a généralement, en moyenne, un effet limité sur leur adhésion à la redistribution (Encadré 3.2).
Encadré 3.2. Informer les personnes de leur réel emplacement sur l'échelle de répartition des revenus fait évoluer leur attitude vis-à-vis de la redistribution, mais uniquement dans une faible proportion
Quel serait le niveau moyen des préférences en matière de redistribution si les personnes connaissaient leur réelle situation sur l'échelle de répartition des revenus ? Répondre à cette question implique d’associer le revenu relatif réel aux préférences en matière de redistribution. Mais cela est compliqué, essentiellement parce que les personnes qui expriment leurs perceptions quant au revenu relatif ne sont pas choisies au hasard et peuvent avoir des caractéristiques différentes des autres qui ne peuvent pas être contrôlées.
Pour ces raisons, les publications ont recours à des expériences d'étude pour comprendre les conséquences qu’il y aurait à informer les personnes de leur réelle situation sur l'échelle de répartition des revenus. Dans ces expériences, un sous-ensemble de répondants sélectionnés de façon aléatoire reçoit l’information avant de répondre aux questions habituelles sur les préférences en matière de redistribution. Compte tenu de l’aspect aléatoire de la sélection, ces répondants ne sont pas différents de ceux qui ne reçoivent pas l’information, il est donc possible de comparer les réponses de ces deux groupes pour mesurer les effets de l’information. Cependant, dans la plupart des études, l’effet estimé est imprécis, et l’intervalle de confiance est large. Ciani, Fréget et Manfredi (à paraître[43]) conduisent une méta-analyse des expériences disponibles qui permet de mettre en évidence une réponse moyenne plus précise. L’effet moyen parmi les études analysées est léger, avec un intervalle de confiance étroit qui avoisine zéro.
Ce léger effet général pourrait être simplement le résultat de réponses hétérogènes d’individus qui surestiment ou sous-estiment leur situation sur l’échelle de répartition des revenus relatifs. Si les deux groupes revoyaient leurs attentes en matière de redistribution, ceux qui surestiment leur position y deviendraient plus favorables alors que ceux qui la sous-estiment y deviendraient moins favorables. Dans ce cas, les deux évolutions se compenseraient l’une l'autre. Certaines études présentent des résultats hétérogènes en fonction de la perception antérieure de la situation sur l'échelle de répartition. La méta-analyse qui s’intéresse à ces études parvient à des conclusions qui confirment l’hypothèse selon laquelle les personnes qui surestiment leur situation demandent davantage de redistribution une fois qu’elles ont été informées de leur situation réelle, alors que celles qui sous-estiment leur situation se disent ensuite moins favorables à la redistribution. Cruces et al. (2013[29]), par exemple, constatent qu’à Buenos Aires l’incidence de l’information est statistiquement différente de zéro uniquement pour ceux qui surestiment au départ leur situation, alors que Karadja et al. (2017[40]) arrivent au constat inverse en Suède. Toutefois, les effets moyens dans chaque groupe sont légers.
Il y a deux explications possibles au fait qu’être informé de sa position sur l'échelle de répartition n'ait qu’un effet minime. La première est qu’en moyenne la différence entre la situation perçue et réelle est limitée, ou encore, que la situation sur l’échelle de répartition des revenus relatifs estimée par le biais d’études nationales n’est pas nécessairement très pertinente pour apprécier l’opinion des personnes au sujet du rôle des pouvoirs publics dans la redistribution. La seconde explication est que d'autres croyances, qui peuvent varier fortement d’un pays à l’autre, comptent plus que le revenu relatif.1
Note
1. Pour les pauvres qui surestiment leur situation, Hoy et Mager (2021[38]) avancent que l’effet minime sur les préférences en matière de redistribution pourrait être généré par des répondants qui prennent leur revenu comme « repère » pour évaluer la situation des autres. Avant d’être informés, ils considèrent leur revenu comme une valeur de référence pour la classe moyenne. Lorsqu’ils découvrent qu’en réalité ils sont pauvres, ils comprennent également que les pauvres sont moins nombreux que ce qu’ils n’imaginaient. En fait, Hoy et Mager (2021[38]) constatent que dans la plupart des pays de leur étude, les pauvres qui surestiment leur position dans l’échelle de répartition des revenus deviennent moins préoccupés par les inégalités une fois qu’ils sont informés de leur situation réelle.
3.4. Qu’est-ce qui façonne l’association entre les inégalités de revenu et les préférences en matière de redistribution ?
Les préoccupations relatives aux disparités de revenu ne se traduisent pas totalement en une augmentation de la demande de redistribution
Bien que les préoccupations au sujet des disparités de revenu influencent les préférences en matière de redistribution, elles ne se traduisent pas en une augmentation dans les mêmes proportions de la demande d’intervention des pouvoirs publics. D'après les dernières données disponibles tirées du PIES et de l’Eurobaromètre, en moyenne près de 80 % de la population des pays de l’OCDE admettent que les disparités de revenu sont trop importantes. Pourtant, le pourcentage d’individus qui pensent que le gouvernement devrait agir pour réduire les inégalités est inférieur à 80 % dans la plupart des pays (Graphique 3.18). Les pays anglophones (à l’exception de l’Irlande ; voir Benson et al. (2021[44]) pour les données relatives au Royaume-Uni) affichent les plus grands écarts, ainsi que la Suisse, la République tchèque et le Japon. (Kambayashi et Lechevalier, 2021[1]). Cet écart est particulièrement notable aux États-Unis, ce qui indique que le principal clivage transatlantique, avec les pays européens, au sujet des attitudes vis-à-vis de la redistribution vient des différents points de vue concernant le rôle du gouvernement, plus que des préoccupations au sujet des disparités de revenu (Osberg et Bechert, 2016[45]). La disproportion entre de hauts niveaux de préoccupation au sujet des disparités de revenu et un faible soutien aux mesures redistributives est également notable dans certains pays européens (Allemagne, Autriche, France), malgré le fait qu’il s'agisse d’États fortement protecteurs, ainsi que dans certains pays en post-transition (Estonie, Hongrie, République tchèque, et République slovaque).
Le décalage entre les préoccupations au sujet des disparités de revenu et les préférences en matière de redistribution est notable dans les tendances globales. Au cours des trois dernières décennies, les préférences en matière de redistribution ont augmenté, mais moins que les préoccupations relatives aux disparités de revenu (Graphique 3.19). La hausse moyenne de ces deux valeurs était plus prononcée entre la fin des années 1980/le début des années 1990 et le début de la Grande récession, bien que la hausse de la demande de redistribution ait été deux fois moins forte que celle des préoccupations relatives aux inégalités.11
Lors de l’observation de pays entre (approximativement) ces deux périodes et sur la part des individus tout à fait d’accord avec les affirmations, seuls deux présentent des diminutions à la fois des préoccupations au sujet des disparités de revenu et des préférences en matière de redistribution - la Nouvelle-Zélande et la Norvège (Graphique 3.20, graphique du haut). Dans tous les autres pays, les préoccupations au sujet des inégalités ont progressé au fil du temps, alors que les préférences en matière de redistribution ont évolué de façon moins nette et parfois même négativement. Il n’y a qu’en Italie et en Australie que ces variables ont augmenté au même rythme.
Au cours de la décennie entre 2009 et 2019, les préoccupations ont légèrement diminué alors que la demande de redistribution moyenne a faiblement augmenté. En Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni, les préoccupations au sujet des disparités de revenu ont progressé plus que la demande de redistribution, alors qu’elles ont considérablement diminué en Italie et Slovénie, tout comme les préférences en faveur de la redistribution, quoique dans une moindre mesure. En Allemagne, en Australie, en Norvège et en Suisse, la demande de redistribution affiche une augmentation de la demande de redistribution plus importante que les préoccupations, réduisant ainsi l'écart entre les deux.
L'évolution entre la fin des années 1980 et 2019 est identique si les pourcentages de répondants qui se disent d'accord ou tout à fait d’accord sont pris en compte (Graphique d’annexe 3.A.1). Pendant la dernière décennie, la hausse de la préférence en faveur d’une plus forte redistribution a toutefois été plus forte si elle est mesurée avec ce pourcentage, ce qui l’emmène à un niveau général qui coïncide davantage avec la hausse des préoccupations, soulignant le fait que les différences résident essentiellement dans l’ampleur de l'adhésion des personnes aux affirmations.
L'association entre l'évolution des inégalités de revenu et l'évolution des préférences en matière de redistribution est plus faible que celle entre l'évolution des inégalités de revenu et des préoccupations à leur propos (Tableau 3.6). Cette différence s’explique essentiellement par la faible association entre la part des répondants qui croient fermement que les inégalités de revenu sont trop importantes et la part de ceux convaincus qu’il est de la responsabilité de l’État de les réduire. Une hausse d’1 point de pourcentage du coefficient de Gini du revenu disponible est associée à une hausse des préoccupations de 1.7 point de pourcentage, contre une hausse de seulement 0.9 point de la demande de redistribution.
Tableau 3.6. La hausse des inégalités entraîne une hausse des préoccupations des personnes à ce sujet mais cet effet est plus modéré sur les préférences en matière de redistribution
Hausse en point de pourcentage (ou hausse du score pour la réponse moyenne) associée à une hausse d’1 point de pourcentage du...
(1) |
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(4) |
|
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Les écarts de revenu sont trop importants |
Il est du devoir des gouvernements de réduire les écarts de revenu entre les pauvres et les riches |
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Part tout à fait d'accord |
Part d’accord ou tout à fait d’accord |
Part tout à fait d'accord |
Part d’accord ou tout à fait d’accord |
Partie A |
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...coefficient de Gini du revenu marchand |
0.66* |
0.74*** |
0.58 |
0.71** |
(0.35) |
(0.24) |
(0.94) |
(0.26) |
|
Partie B |
||||
...coefficient de Gini du revenu disponible |
1.71** |
0.98** |
0.94 |
0.92* |
(0.67) |
(0.41) |
(0.61) |
(0.49) |
|
Observations |
78 |
78 |
78 |
78 |
Pays |
29 |
29 |
29 |
29 |
Effets fixes par pays |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Effets fixes par période |
Compris |
Compris |
Compris |
Compris |
Note : * indique la significativité statistique au niveau de 10 %, ** 5 %, *** 1 %. Tous les coefficients peuvent être lus comme des évolutions en point de pourcentage.
Source : calculs de l’OCDE issus du PIES 1987, 1992, 1999, 2009, 2017 et de l’Eurobaromètre 2017 pour les préoccupations au sujet des disparités de revenu ; la Base de données de l’OCDE sur la distribution des revenus (https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=IDD) pour le coefficient de Gini.
L’effet limité des inégalités sur les préférences en matière de redistribution est confirmé par la méta-analyse d’expériences d'étude proposée par Ciani, Fréget et Manfredi (à paraître[43]). Avoir la connaissance de l'ampleur réelle des inégalités entraîne une hausse des préférences en faveur de la redistribution, mais très faible. Les effets sont généralement positifs mais discrets, et plus faibles que l’impact sur les perceptions et les préoccupations au sujet des inégalités. Pour 36 expériences qui ont étudié l’effet provoqué par le fait d’être informé de l'ampleur des inégalités sur les perceptions et les préoccupations des individus et sur leurs préférences en matière de redistribution, une hausse de l'écart type des perceptions/préoccupations est associée à une hausse des préférences favorables à la redistribution inférieure à 1/5. Ces résultats confirment que l'augmentation des perceptions et des préoccupations relatives aux inégalités ne se traduit que partiellement par une hausse des préférences en faveur de la redistribution.
Si la demande de redistribution ne réagit que partiellement à la hausse des inégalités, c’est notamment parce que la tolérance des individus à leur égard augmente elle aussi. Trump (2018[46]) constate que le fait de montrer aux individus que les inégalités de revenu dépassent ce qu’ils pensaient entraîne une hausse du niveau des disparités considéré comme acceptable. Dans une expérience similaire menée au Mexique, Campos-Vazquez et al., (2020[47]), constatent toutefois qu’informer les répondants au sujet de l'ampleur réelle des inégalités de revenu, ou du niveau effectif de la mobilité intergénérationnelle, n'a pas d’incidence sur le niveau des inégalités et de la mobilité qu’ils considèrent juste, c’est-à-dire que cela n'altère pas leurs niveaux de préférences. L’incidence de l’information au sujet des inégalités sur le niveau préféré dans ce domaine demeure encore largement inexplorée puisque peu d’études expérimentales observent et relèvent des données sur les préférences en matière d’inégalités. Néanmoins, il est important de souligner qu’une hausse de la tolérance vis-à-vis des disparités de revenu peut expliquer pourquoi la demande de redistribution augmente faiblement lorsque les inégalités progressent réellement, mais cela n’explique pas pourquoi les préoccupations au sujet des disparités de revenu ne le font pas.
L’efficacité perçue des mesures en faveur de la redistribution influence l'adhésion des citoyens
Différents facteurs peuvent affaiblir l’effet des inégalités perçues et réelles sur la demande de redistribution. Pour commencer, différents individus peuvent avoir des points de vue différents quant au « rôle acceptable et légitime du gouvernement » (Bechert et Osberg, 2016, p. 1[48]). Certains peuvent penser que le système redistributif public ne permet pas de lutter efficacement contre les inégalités, ou que les coûts permettant d'assurer l’efficience des mesures en faveur de la redistribution (comme une baisse de l’offre de travail) l’emportent sur les bénéfices engendrés.
Les résultats de l’enquête Des risques qui comptent de 2020 mettent en évidence que le point de vue des citoyens sur l’efficacité des mesures et le potentiel gaspillage des ressources publiques est en lien avec la demande de redistribution. Après contrôle d'autres caractéristiques, ceux qui affirment qu’un grand nombre de personnes reçoivent des aides de l’État alors qu’ils ne les méritent pas sont moins susceptibles d'adhérer à la redistribution ou à l’imposition progressive (Graphique 3.21). Cette perception peut annuler l'accroissement des préférences en matière de redistribution engendré par une hausse des inégalités ou de la persistance intergénérationnelle perçues. L’opinion selon laquelle les prestations sont accordées sans qu’elles soient méritées peut être considérée à la fois comme une mise en cause de la façon dont les mesures des pouvoirs publics ciblent les prestations et laisser sous-entendre que les bénéficiaires de ces aides sociales trichent. Algan, Cahuc et Sangnier (2016[49]), à partir de données tirées de l’Enquête sociale européenne, constatent que les personnes qui pensent que de nombreux bénéficiaires de l’aide sociale ne devraient pas percevoir les prestations versées sont moins favorables à l’État protecteur.
Le rôle joué par les perceptions des citoyens vis-à-vis de l’efficacité des mesures adoptées est confirmé par des données tirées d’observations et d’expériences. Lorsqu’ils sont interrogés au sujet de mesures spécifiques, les répondants peinent souvent à reconnaître leur efficacité en matière de redistribution. Bartels (2005[50]) a étudié l'adhésion massive aux réductions d’impôts mises en œuvre au début des années 2000 aux États-Unis et avance que les individus peinent à évaluer les effets redistributifs des réformes fiscales. Ainsi, Kuziemko et al. (2015[51]) montrent que le fait d’informer les individus au sujet des différents programmes d'aides publiques qui soutiennent les familles démunies multiplie l’effet sur les préférences relatives à la redistribution de l’apport d’informations sur les inégalités. Stantcheva (2020[52]) rassemble le point de vue des individus sur les conséquences en matière de redistribution des mesures fiscales et constate qu’elles façonnent l'appui accordé à la redistribution. En effet, son expérience montre qu’aider les répondants à prendre conscience des conséquences d’une imposition progressive sur la redistribution augmente leur adhésion à ces mesures.
D'un autre côté, les personnes peuvent douter de la capacité des mesures à réduire les inégalités, même s’ils ont conscience de leurs implications. Lergetporer, Werner et Woessmann (2020[53]) montrent qu’en apportant aux répondants des informations fondées sur des données scientifiques au sujet de l’efficacité des mesures en faveur de l’égalité dans le domaine de l’éducation, cela suscite une plus forte adhésion de leur part à ces mesures. De même, Pellicer, Piraino et Wegner (2019[54]) constatent qu’en présentant aux répondants d’Afrique du Sud des éléments qui prouvent que les inégalités de revenu sont inférieures dans des pays similaires, ils remettent en question le fait que les inégalités sont inévitables et leurs préférences augmentent en faveur de la redistribution. Settele (2021[16]) indique que présenter aux individus des éléments sur les écarts importants de salaires entre les femmes et les hommes n'a qu’un effet limité sur la demande de mesures destinées à réduire ces écarts parce qu’une proportion non négligeable de ces répondants juge ces mesures inefficaces (voir Encadré 3.1).
Les perceptions relatives aux coûts d’efficience des mesures redistributives – sur la réduction de l’offre de travail, par exemple – peuvent également déterminer les préférences. Hayes et Guay (2020[55]) fournissent aux répondants des informations au sujet des éventuels coûts en termes d’efficience des mesures en faveur de la lutte contre les inégalités. Ils observent que cela entraîne une diminution du soutien qu’elles reçoivent alors qu’en donnant des données réelles au sujet des prestations, cela n'a aucun effet. Mishagina et Montmarquette (2018[56]) constatent également qu’informer les répondants au sujet des conséquences pour l’emploi et des coûts liés à une mesure en faveur du salaire minimum conduit à diminuer l'adhésion à cette mesure. Toutefois, Stantcheva (2020[52]) montre qu’en demandant aux personnes interrogées de prendre en compte l’efficience de l’imposition progressive – par exemple les effets sur l’offre de travail et la baisse des recettes fiscales globales – n’a qu’un effet limité sur leurs préférences en matière de redistribution.
Des données tirées d’expériences menées en contexte de laboratoire confirment la conclusion selon laquelle la prise en compte de l’efficience a un effet sur les préférences des personnes en matière de redistribution, mais cet effet reste limité. Durante, Putterman et van der Weele (2014[11]) – au moyen d’expériences menées en laboratoire sur des groupes importants dans lesquelles les chercheurs manipulent la répartition initiale des revenus et le coût en efficience de la redistribution – montrent que lorsqu’une redistribution à un coût en efficience élevé, les participants de l’expérience revoient à la baisse leur demande de redistribution.
En outre, les coûts en efficience comptent moins que les préférences sociales en faveur d’une plus grande égalité et les préférences à titre personnel en matière de redistribution des groupes aux bas revenus (les deux canaux présentés dans la partie 3.3). Almås et al. (2020[12]) ont mené une expérience sur la redistribution dans le cadre d’une étude représentative qui rassemblait 60 pays, pour laquelle les individus devaient faire des choix réels au sujet de la diminution, ou non, de l’écart de salaire entre deux travailleurs dans une situation de la vie réelle. D'après leurs résultats, les personnes finissent par réduire cet écart dans une moindre mesure lorsque les chercheurs imposent un coût global en « efficience » de la redistribution, qui implique que seule une fraction de la somme prélevée sur le salaire du travailleur mieux rémunéré soit versée au salarié moins rémunéré.12 En outre, ils ont également constaté que cette prise en compte de l’efficience était moins importante que les raisons – c’est-à-dire les résultats ou la chance – pour lesquelles les salaires des deux travailleurs étaient différents avant toute redistribution.
Les facteurs qui influencent la confiance dans les institutions publiques façonnent la demande de redistribution
Même lorsque les individus sont inquiets de voir les inégalités progresser, ils peuvent ne pas soutenir les mesures en faveur de la redistribution parce qu’ils n’ont qu’une confiance limitée en leur gouvernement. Un ensemble de données probantes tirées d’observations réalisées aux États-Unis – initiées par Heterington (2006[57]) et Rudolph et Evans (2005[58]) – suggèrent qu’un faible niveau de confiance dans les pouvoirs publics conduit à une baisse de l’adhésion aux mesures redistributives. Ceci peut expliquer pourquoi, dans certains pays, la demande de redistribution n'a progressé que de façon limitée malgré des inégalités croissantes (Macdonald, 2019[59]). Cependant, une confiance limitée dans le gouvernement n’entraîne pas nécessairement une faible adhésion aux mesures en faveur de la redistribution dans tous les pays, à tout moment. Svallfors (1999[60]) et Edlund (2006[61]) expliquent que les citoyens suédois et norvégiens, qui se méfient de leur gouvernement, ne présentent pas une demande de redistribution plus faible – peut-être parce que le soutien national à l’égard de l’État protecteur est très fort dans ces deux pays.
Les données expérimentales mettent également en évidence des résultats mitigés sur la relation entre la confiance à l’égard des pouvoirs publics et les préférences en matière de redistribution. Kuziemko et al. (2015[51]) font apparaître que, lorsque les individus reçoivent des informations au sujet des niveaux réels des inégalités de revenu aux États-Unis, leur confiance dans les pouvoirs publics chute, ce qui peut être dû à l’effet limité, mais positif, de l’information relative aux inégalités sur les préférences en matière de redistribution. Au moyen d’une expérience dans laquelle ils incitent les répondants à douter de l’intégrité des pouvoirs publics, ils mettent également en évidence que saper la confiance a un effet négatif indépendant sur la demande de redistribution. En revanche, Lergetporer, Werner et Woessmann (2020[53]) avancent qu’une confiance érodée n’explique pas l’effet limité produit par l'apport d’informations au sujet des inégalités sur les préférences en matière de redistribution parce que cet effet n’est pas constaté dans des groupes qui ont généralement plus confiance dans les pouvoirs publics. Dans une expérience menée récemment aux États-Unis, Peyton (2020[62]) a remarqué que stimuler la confiance des personnes interrogées dans le gouvernement en leur faisant lire un article qui fait l'éloge de l’intégrité des responsables de l’action publique n'a pas entraîné d'évolution particulière dans la demande de redistribution.
Comprendre les facteurs de la confiance à l'égard des institutions publiques liés à la gouvernance publique – réactivité, fiabilité, ouverture, équité et intégrité (OCDE, 2017[63] ; Murtin et al., 2018[64]) – permet d'éclaircir les différents résultats et de les rapprocher. Ainsi, la « confiance dans les pouvoirs publics » est un résultat, façonné par ces facteurs. L’intensité et le poids de ces différents facteurs varient fortement selon les pays (OECD/KDI, 2018[65] ; OCDE, 2021[66]). De plus, il existe des raisons de s'attendre à ce que ces différents leviers jouent différemment sur la demande de redistribution.
Des niveaux de satisfaction plus élevés à l’égard de la réactivité, de l’ouverture et de l’équité des pouvoirs publics, par exemple, pourraient être associés à une baisse de la demande de redistribution parce que la population est déjà satisfaite de la fiscalité actuelle et du système de prestations (voir partie 3.3). Edlund (2006[61]) montre que pour un pourcentage important de Suédois interrogés, « la méfiance à l'égard des capacités de l’État providence est une question de manque de ressources », ainsi, les personnes qui ne sont pas convaincues par ce système sont favorables à une augmentation des dépenses sociales. De plus, les personnes peuvent demander une fiscalité plus progressive pour compenser le fait d’être traitées injustement dans le cadre d’autres mesures (Scheve et Stasavage, 2016[67]). À l’inverse, ils peuvent revoir leurs demandes à la baisse s'ils sentent que les pouvoirs publics sont ouverts et équitables.
L’opinion des citoyens quant à l’intégrité des fonctionnaires avec lesquels ils ont directement affaire joue aussi un rôle essentiel. Les individus doués d’un sens civique aigu soutiennent plus volontairement un État providence plus étendu et une augmentation de la redistribution s’ils estiment que la petite corruption est assez rare et que les prestations sont versées à ceux qui en ont le plus besoin (Algan, Cahuc et Sangnier, 2016[49]). Cette dimension de l’intégrité publique pourrait donc être associée à une hausse de la demande de redistribution.
L’intégrité aux différents niveaux des institutions publiques peut produire différents effets. La corruption aux échelons les plus élevés de l’État – le pantouflage ou les pots-de-vin versés aux grandes entreprises, par exemple – crée des inégalités perçues comme injustes et anti-méritocratiques. De la même manière, lorsque les individus perçoivent moins de corruption au sommet du gouvernement, ils peuvent estimer que, pour commencer, la répartition des revenus est juste ou plus méritocratique. Par conséquent, leur demande de redistribution peut diminuer (Alesina et Angeletos, 2005[10]).
Les résultats de l’enquête Trustlab (Graphique 3.22) confirment le rôle que jouent certains de ces différents facteurs de confiance dans l’orientation de la demande de redistribution. Les personnes qui pensent que les pouvoirs publics sont réactifs ont moins tendance à demander une hausse de la redistribution par le biais d’une fiscalité progressive. Les personnes interrogées qui perçoivent un niveau de corruption faible dans les hautes sphères gouvernementales se montrent également moins favorables à la redistribution. En revanche, lorsqu’ils perçoivent des niveaux faibles de petite corruption, ils demandent une fiscalité plus progressive.
Le dosage souhaité en matière de politiques redistributives varie selon les personnes et les pays
Il est possible d’interpréter différemment les résultats des publications relatives aux expériences sur l’information quant au fait que l’apport d’informations au sujet des inégalités a peu d’impact sur l'adhésion à la redistribution. Si les individus conviennent qu’il est nécessaire que les pouvoirs publics prennent des mesures, leurs avis divergent quant aux types de mesures. En effet, plusieurs expériences menées sur le soutien accordé à certaines mesures en faveur de la redistribution concluent que, en moyenne, le fait d'avoir des informations sur la hausse des inégalités a peu d’effet sur le soutien accordé aux mesures quelles qu’elles soient. Ceci vient s’opposer aux données probantes tirées d’observations et mentionnées ci-dessus qui mettent en évidence une relation plus régulière entre la hausse des inégalités et la demande générale de redistribution.
Settele (2021[16]) confronte les répondants à deux estimations différentes des écarts de salaires entre les femmes et les hommes aux États-Unis. La première estimation décrit des écarts importants, avec des femmes qui ne gagnent que 74 % de ce que gagnent les hommes, et la seconde présente des disparités moins marquées, avec des revenus à hauteur de 94 % de ceux des hommes. Elle constate que montrer aux personnes interrogées des données sur les écarts de salaire entre femmes et hommes a un effet très fort sur leurs perceptions des inégalités et sur leur demande vis-à-vis de l’intervention des pouvoirs publics pour les réduire. Les effets sur des mesures spécifiques sont également positifs, mais discrets. Zilinsky (2014[69]) fait apparaître que la fourniture d’informations sur l'ampleur des inégalités entraîne une hausse de la demande de redistribution, mais pas en faveur d’une fiscalité plus progressive.
Des désaccords peuvent naître au sujet du bon dosage à adopter en matière de politiques publiques compte tenu des différentes opinions au sujet de différents aspects des inégalités. Les données de l’enquête Des risques qui comptent prouvent que les opinions au sujet des inégalités de revenu et de la persistance intergénérationnelle ont des répercussions différentes sur les mesures (Graphique 3.23). Les conséquences sur la demande de redistribution générale sont identiques. Toutefois, les opinions au sujet des disparités de revenu provoquent bien plus nettement une montée de la demande en faveur d’une imposition progressive, de dépenses en prestations de chômage et au titre de l’aide aux revenus. Quant aux opinions relatives à la persistance intergénérationnelle, leur effet est important sur les dépenses publiques en faveur de l’éducation et, encore plus, en faveur de la santé et de la prise en charge de la dépendance. Ceci peut s’expliquer par le fait que les personnes attribuent les inégalités relatives à la santé à des facteurs indépendants de la volonté des personnes ou hérités de générations précédentes (OCDE, 2018[70]). Les perceptions liées à la hausse des disparités de revenu et à la persistance intergénérationnelle génèrent une hausse de la demande en faveur des dépenses publiques pour les pensions, ce qui souligne l’importance du rôle que remplissent les systèmes de retraite publics dans la protection des retraités les plus pauvres, en particulier grâce aux pensions du premier pilier assurant un filet de protection (OCDE, 2017[71]).
La demande générale d’un accroissement de la redistribution masque des écarts importants entre les pays quant au dosage de mesures qui permettrait, selon les individus, de réduire au mieux les différences de revenu. Le Tableau 3.7 présente l'association entre les préférences générales en faveur d’une redistribution accrue et la demande d’une augmentation des dépenses de l’État dans différents domaines de l’action publique (par rapport à la demande en faveur d’une hausse des dépenses publiques générales).
En moyenne, dans les pays de l’OCDE, ceux qui demandent davantage de redistribution sont plus susceptibles de demander une hausse des dépenses publiques en faveur de l’aide au revenu, des pensions d’invalidité, et de l’aide au logement. Cette tendance est toutefois très variable d’un pays à l’autre. Bien que l'aide au revenu soit souvent la catégorie que les personnes associent le plus facilement à la redistribution, différents pays peuvent aussi donner la priorité aux dépenses liées à l’éducation, au chômage, à la santé, à l’invalidité et aux pensions.
Tableau 3.7. Les citoyens de différents pays associent la redistribution à différentes mesures
Différences en point de pourcentage, entre ceux qui demandent un accroissement de la redistribution et ceux qui ne le demandent pas, de la probabilité qu’ils ont de demander des dépenses sociales plus élevées ; seules les 3 catégories principales associées sont présentées
Les personnes interrogées en faveur d’une hausse de la redistribution sont plus susceptibles de demander des dépenses sociales plus élevées pour... (différence en point de pourcentage indiquée dans les cellules) |
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...la famille |
...l'éducation |
...l’emploi |
...le chômage |
...le revenu |
...le logement |
...la santé |
...l’invalidité |
...les pensions |
...les soins de longue durée |
|
OCDE |
25 |
22 |
23 |
|||||||
AUT |
31 |
29 |
25 |
|||||||
BEL |
35 |
27 |
24 |
|||||||
CAN |
25 |
35 |
26 |
|||||||
CHE |
30 |
28 |
33 |
|||||||
CHL |
21 |
19 |
23 |
|||||||
DEU |
27 |
26 |
28 |
|||||||
DNK |
26 |
33 |
25 |
|||||||
ESP |
25 |
25 |
22 |
|||||||
EST |
23 |
23 |
32 |
|||||||
FIN |
26 |
27 |
26 |
|||||||
FRA |
25 |
21 |
23 |
|||||||
GRC |
26 |
24 |
23 |
|||||||
IRL |
24 |
30 |
25 |
|||||||
ISR |
29 |
29 |
27 |
|||||||
ITA |
26 |
25 |
23 |
|||||||
KOR |
25 |
27 |
29 |
|||||||
LTU |
24 |
22 |
26 |
|||||||
MEX |
20 |
24 |
22 |
|||||||
NLD |
24 |
25 |
24 |
|||||||
NOR |
25 |
25 |
25 |
|||||||
POL |
31 |
28 |
25 |
|||||||
PRT |
15 |
15 |
14 |
|||||||
SVN |
21 |
26 |
22 |
|||||||
TUR |
31 |
31 |
31 |
|||||||
USA |
33 |
37 |
33 |
Note : plus la valeur est élevée, plus la demande en faveur de cette catégorie de dépenses publiques précise est associée à la demande d’une redistribution plus élevée, par rapport à la moyenne de cette catégorie de dépenses (à l’exception de la sécurité publique). Par exemple, en moyenne dans tous les pays, les personnes qui demandent plus de redistribution - c'est-à-dire des interventions des pouvoirs publics plus nombreuses pour réduire les différences de revenu - sont particulièrement plus susceptibles de demander une aide plus conséquente, par ordre de grandeur, pour les aides au revenu, les aides liées à l’incapacité et au logement. Plus précisément, pour chaque catégorie dans chaque pays, l’association relative correspond à la différence de proportion de ceux qui demandent plus de dépenses, entre ceux qui demandent une redistribution accrue et ceux qui n’en demandent pas ; ce résultat est exprimé par rapport à la moyenne des différences entre toutes les catégories des dépenses publiques.
Source : Calculs de l’OCDE d'après l’enquête de 2020 Des risques qui comptent.
Kambayashi et Lechevalier (2021[1]) étudient les données en liens pour la France, les États-Unis et le Japon. Ces trois pays diffèrent quant au niveau moyen d'adhésion aux mesures générales de redistribution et d’imposition progressive mais aussi par rapport à la part des répondants qui estiment que la redistribution générale est souhaitable, mais pas l’imposition progressive. Les données liées aux préférences pour des mesures spécifiques sont essentielles pour comprendre la demande de redistribution, mais elles sont relativement rares dans les enquêtes internationales (à l’exception de Pontusson et al. (2020[72])).
Des préférences différentes pour différentes mesures peuvent également provenir d’opinions contrastées relatives à l’origine des inégalités de revenu entre les individus au sommet et au bas de l'échelle de répartition. Fong et Poutvaara (2019[73]) s'appuient sur des données provenant d’Allemagne et des États-Unis pour démontrer que le fait de croire que la pauvreté est due à la malchance, plutôt qu’à un manque d’effort, conduit à soutenir les transferts au profit des pauvres, et croire que la richesse est une question de chance génère l'adhésion à l’imposition des revenus élevés. Parmi les répondants qui considèrent que la pauvreté est le fruit d’un manque de chance, ils sont toutefois plusieurs à penser qu’il ne suffit pas d'avoir de la chance pour devenir riche. Les différences d’opinions entre les pays sur l’origine de la pauvreté et de la richesse peuvent être vastes mais rares sont les éléments concrets qui étayent les conséquences que cela peut avoir.
L’offre de politiques publiques
Un dernier sujet concerne la mise en œuvre de la redistribution. La traduction d’une hausse de la demande de redistribution en l’adoption de mesures dépend également de l’interaction qui existe entre les préférences des citoyens et les responsables de l’action publique. De nombreuses recherches montrent que les décideurs politiques ont tendance à s'adapter plus facilement à l’opinion des électeurs à haut revenu (Gilens, 2005[74] ; Giger, Rosset et Bernauer, 2012[75] ; Bartels, 2017[76]), et sont donc moins susceptibles de proposer des réformes en faveur de la redistribution. Si l’analyse de la mise en œuvre de la redistribution va au-delà du périmètre de ce rapport, il est toutefois important de souligner que la représentation politique peut jouer un rôle dans l’instauration d’une relation de confiance avec les pouvoirs publics et l’orientation de la demande de redistribution.
Rennwald et Pontusson (2021[77]) s'appuient sur les données du PIES pour évaluer dans quelle mesure les personnes estiment que les pouvoirs publics répondent à leurs préférences. Ils font apparaître des différentes très nettes entre les classes sociales sur la perception qu’elles ont de la représentation politique, avec une classe ouvrière qui considère que le gouvernement réponds moins à ses besoins. Et les écarts se sont creusés avec le temps. Les données de la vague du PIES de 2017 (Graphique 3.24) montrent que les pays où une majorité de citoyens pense que les disparités de revenu sont trop importantes sont aussi ceux où une majorité considère que les pouvoirs publics ne répondent pas à leurs besoins. L'association entre des préoccupations fortes au sujet des inégalités et le sentiment d’un manque de représentativité politique nourrit le ressentiment social.
Résumé
Alors que les inégalités perçues ou réelles influencent les préférences en matière de redistribution (parties 3.1 et 3.3), plusieurs facteurs peuvent atténuer ou compenser leurs effets :
La hausse des inégalités peut accroître la tolérance des individus à l’égard des écarts de revenu, réduisant ainsi la demande de redistribution. Toutefois, la hausse de la tolérance vis-à-vis des inégalités n’explique pas pourquoi les préoccupations au sujet des disparités de revenu évoluent plus en fonction des inégalités que ne le font les préférences en matière de redistribution.
Il semble que le manque de confiance dans l’efficacité des mesures adoptées pour réduire les inégalités et améliorer le niveau de vie des démunis soit un facteur clé. Le fait d’informer les personnes au sujet de l’effet redistributif des mesures prises et de l’efficacité de ces mesures permet de susciter une meilleure adhésion des citoyens.
Les coûts en efficience perçus des politiques redistributives, qu’ils soient comportementaux ou macro-économiques, peuvent entamer le soutien en faveur de la redistribution. Néanmoins, les données expérimentales indiquent qu’ils comptent moins que les effets perçus des mesures adoptées, l’opinion à l’égard des pouvoirs publics et la demande en faveur de plus d’égalité.
Même lorsque les individus conviennent qu’il est de la responsabilité du gouvernement d’agir pour réduire les différences de revenu, ils ne s'accordent pas toujours sur l’ensemble des mesures qui doit être adopté. Les données tirées des réponses aux questions sur les préférences générales en matière de redistribution – qui ne portent pas sur des mesures spécifiques – ne suffisent pas pour examiner la question des politiques. De plus, les données comparables par pays sont encore limitées au sujet de politiques de redistribution spécifiques et de leur lien par rapport aux perceptions des inégalités et aux points de vue sur l’origine des inégalités.
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Annexe 3.A. Détails méthodologiques
Estimations des effets des inégalités sur les préférences en matière de redistribution par revenu
Les résultats présentés dans le Graphique 3.16 sont des prédictions obtenues à partir d’un modèle probit ordinaire sur des microdonnées individuelles, après contrôle de l’âge, du genre, de la taille du ménage, du statut professionnel (employé, au chômage ou catégorie de référence « autre »), niveau d’instruction (inférieur au secondaire, secondaire et catégorie de référence « tertiaire »), le log du revenu relatif (par rapport à la moyenne du pays à cette période), et l’indice de Gini du revenu disponible tiré de l’IDD.
Au lieu de supprimer les observations comprenant des données manquantes parmi les covariables, elles sont remplacées par des moyennes de l’échantillon (ou catégories de référence) mais les covariables comprennent un ensemble d’indicateurs binaires, un pour chaque variable, notés 1 si l’observation était à l’origine une donnée manquante pour cette covariable. Toutes les régressions incluent des variables indicatrices de pays et de temps (vague) et seuls les pays observés au minimum au cours de deux périodes sont pris en compte.
Les principaux effets sont mis en évidence par l’interaction entre le coefficient de Gini et le log du revenu relatif, comme dans Rueda et Stegmueller (2019[4]). Afin d'éviter que les résultats ne soient portés par de faux modèles au fil du temps, le revenu relatif (et l’indicateur manquant sur les revenus) est également mis en relation avec les valeurs indicatrices de temps. Les résultats sont similaires si les observations dans lesquelles il manque les revenus sont rejetées, ou si l’échantillon est limité à la population d’âge actif. Seul le PIES est utilisé par souci de cohérence pour toutes les variables.
Notes
← 1. Le résultat est robuste lorsque les valeurs aberrantes sont exclues, identifié par des observations de poids ou au moyen du dfbeta.
← 2. Si les étudiants à l’université ne sont pas représentatifs de la population, ils ont les compétences nécessaires en calcul et en logique pour exprimer leurs préférences sous forme de comparaisons abstraites de ce type.
← 3. Même si les personnes souhaitent plus volontiers que les inégalités soient corrigées lorsqu’elles dépendent de facteurs indépendants de la volonté des individus (par exemple, le facteur chance), des données montrent que ce souhait se réalise lorsque ceux qui étaient pénalisés par ces facteurs avaient pris des mesures pour y remédier, même si ces mesures ne pouvaient pas changer le résultat (Mollerstrom, Reme et Sørensen, 2015[80]).
← 4. Le résultat est robuste lorsque les valeurs aberrantes sont exclues, identifié par des observations de poids ou au moyen du dfbeta.
← 5. Un des documents qui ne parvient pas aux mêmes conclusions est celui de VanHeuvelen (2017[78]) qui, en combinant les données de multiples vagues du PIES et de l’ESS, ne trouve pas de relation avec les inégalités nettes, quoiqu’il observe que l’intensité de la redistribution, identifiée par l’écart proportionnel entre l’indice de Gini du revenu marchand et l’indice de Gini du revenu disponible, est positivement liée aux préférences en matière de redistribution. Il en va de même pour le document de Bussolo et al. (2019[21]), qui, en combinant les données du PIES et les estimations de Gini tirées de la base de données de la Luxembourg Income Study (LIS) et de l’ensemble de données « All the Ginis » de Milanovic, n’identifie aucune relation directe entre l’indicateur de Gini et les préférences en matière de redistribution.
← 6. Bien évidemment, les préoccupations liées aux inégalités ne sont pas le seul moteur des préférences en faveur de la redistribution. Les préoccupations et les préférences en matière de redistribution peuvent s’influencer mutuellement ou peuvent être toutes deux liées à d'autres éléments non observés, comme le mécontentement général face à la situation économique. Néanmoins, les résultats confirment que les perceptions et les préférences relatives aux inégalités sont des facteurs pertinents pour analyser la demande de redistribution.
← 7. Au-delà des préférences en matière de redistribution, des données indiquent également que la crise a pu entraîner une hausse de la volonté d'aider les autres. Aksoy et al. (2021[86]) montrent qu’inciter les personnes interrogées à réfléchir à la pandémie de COVID-19 (en les interrogeant sur ses conséquences et en abordant ce sujet) augmente leur altruisme et leur bienveillance envers les personnes qui vivent dans leur pays ou à l’étranger, mais cet effet est moins évident envers les résidents non européens. L’expérience a été réalisée dans neuf pays d’Europe : Allemagne, Espagne, France, Grèce, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne et Suède. L’étude de Cappelen et al. (2021[83]) sur les États-Unis montre également qu’inciter les répondants à penser à la pandémie augmente leur solidarité. Toutefois, les auteurs montrent aussi que cela entraîne une hausse de leur tolérance face aux inégalités liées au hasard.
← 8. Le résultat est robuste lorsque les valeurs aberrantes sont exclues, identifié par des observations de poids ou au moyen du dfbeta.
← 9. Le constat est le même, mais avec des effets plus importants, en utilisant des indicateurs retardés des inégalités et de la redistribution. Toutefois, compte tenu des contraintes imposées par les données, l’utilisation d’indicateurs retardés conduit à un échantillon sélectionné bien plus petit, et la sélection semble en fait engendrer le plus de résultats : au sein de l’échantillon sélectionné, même sans retarder les indicateurs, les coefficients constatés sont similaires, et l’indice RS devient même statistiquement significatif. Une évaluation plus étoffée de la relation entre la redistribution effective et les préférences nécessiterait de distinguer les deux effets secondaires, et d’expliciter les dynamiques de l'articulation entre intervention des pouvoirs publics et évolution des préférences. Ceci nécessiterait des séries plus longues dans le temps, ce qui sera disponible une fois la prochaine vague du PIES sur l’inégalité sociale lancée dans un grand nombre de pays. Un défi encore plus ambitieux est de comprendre comment les personnes réunissent des informations sur les mesures en faveur de la redistribution et évaluent leur efficacité. Les données à cet égard sont assez limitées, à quelques exceptions près (Eriksen et Fallan, 1996[82] ; Gideon, 2016[81] ; Ballard et Gupta, 2018[84] ; Stantcheva, 2020[79]).
← 10. Comme cela a été abordé dans le chapitre 2, il est important, lorsqu’on évalue le biais du revenu relatif, de ne pas oublier que ce qui est considéré comme la situation « réelle » est une estimation fondée sur des choix méthodologiques. Ils comprennent une définition précise du revenu, un ajustement qui s'appuie sur une échelle d'équivalence qui tient compte de la taille du ménage (mais pas d'autres besoins), et le choix de considérer l’ensemble de la population, à un moment précis, comme groupe de référence. Selon Hvidberg, Kreiner et Stantcheva (2020[42]), tous ces choix peuvent ne pas refléter ce qui compte pour un individu lorsqu’il exprime ses préoccupations au sujet de l’équité. Donc le fait de leur fournir une estimation de la « réalité » peut ne pas faire évoluer leurs préoccupations.
← 11. Ce faible changement au fil du temps est confirmé si l’on considère la part des individus qui sont « d'accord » ou « tout à fait d’accord », ou la réponse moyenne (considérant l'échelle de Likert de 5 références comme étant cardinale).
← 12. Dans des travaux similaires, mais limités à la Norvège et aux États-Unis, Almås, Cappelen et Tungodden (2020[85]) ont constaté que la prise en compte de l’efficience jouait un rôle très mineur.