Les émigrés sont souvent considérés comme une perte pour leur pays d’origine, mais ils peuvent aussi jouer un rôle important pour la promotion du commerce et du développement économique, notamment en raison des compétences et du réseau qu’ils ont acquis à l’étranger. S’ils choisissent de revenir, leur réintégration sur le marché du travail et dans la société sera facilitée par le fait qu’ils parlent la langue locale, qu’ils détiennent du capital social spécifique et qu’ils possèdent des qualifications reconnues localement.
S’appuyer sur les ressources humaines des émigrés nécessite cependant de maintenir des liens avec eux et de mener des politiques adaptées aux besoins spécifiques de chaque communauté expatriée. Cela implique, comme condition préalable, d’être en mesure d’identifier précisément où, quand et pourquoi les individus ont émigré, leurs caractéristiques sociodémographiques et leurs compétences, ainsi que de bien comprendre la dynamique du phénomène migratoire et des aspirations des émigrés.
Les systèmes statistiques dans les pays d’origine sont généralement mal équipés pour entreprendre cet exercice d’observation. Il est donc utile, voire nécessaire, de construire un système d’information directement à partir de sources de données des pays de destination. Cet exercice est particulièrement difficile car cela implique de collecter des données, à partir de définitions et de concepts comparables, pour un grand nombre de pays à travers lesquels les émigrés sont dispersés. La base de données de l’OCDE sur les immigrés dans les pays de l’OCDE (DIOC), qui regroupe les données de recensement et les données d’enquête, permet d’identifier à travers le temps, les individus selon leur pays de naissance, leur niveau d’éducation et leur situation sur le marché du travail. Cette base de données est un outil puissant pour entreprendre cet exercice de cartographie, en particulier lorsqu’il est complété par des sources nationales disponibles (par exemple des données consulaires, des enquêtes spécifiques, ou bien des analyses de réseaux sociaux) et de nombreuses autres sources de données internationales.
Cette série de rapports par pays intitulée Talents à l’étranger vise à fournir une image précise, actualisée et dynamique des diasporas par pays d’origine. Sur cette base, et grâce aux expériences accumulées en matière de mobilisation des diasporas, il est possible de formuler des recommandations en termes de politiques publiques afin de renforcer les liens avec les émigrés et de mobiliser leurs compétences au profit du développement économique dans leur pays d’origine.
Le sixième volume de cette série porte sur le Mali. Ces dernières années, le Mali est confronté à crise sociale, politique et sécuritaire profonde. Compte tenu de l’émigration non négligeable de la population malienne depuis début du 21e siècle, les autorités maliennes, dont le Ministère des Maliens établis à l’Extérieur et de l’Intégration Africaine, cherchent à mieux connaître ce vivier de talents installé à l’étranger. Pour répondre à ces besoins, cette étude a été commandée par l’agence de coopération internationale allemande pour le développement (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GIZ) et Expertise France dans le cadre du projet « Coopération Sud-Sud en matière de migration », financé par le Ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement et l’Union européenne.
Le projet Coopération Sud-Sud en matière de migration s’inscrit dans un partenariat entre quatre pays d’Afrique : le Maroc, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Mali. Partenaire principal de ce projet, le Maroc au travers du Ministère Délégué auprès du Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération Africaine et des Marocains Résidant à l’étranger, chargé des Marocains Résidant à l’Étranger, est engagé depuis de nombreuses années dans le renforcement de sa coopération avec les pays subsahariens sur les questions migratoires. Des memoranda d’entente ont ainsi été signés, notamment avec le Mali (en février 2019). Ces pays rencontrent des défis interdépendants liés à l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques migratoires, de développement, de mobilité, de réinsertion des migrants de retour et une coopération renforcée avec les administrations européennes. L’objectif est d’optimiser les effets bénéfiques de la migration, tant pour le Mali que pour la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Sénégal et pour l’Union européenne.
L’analyse approfondie de la diaspora malienne présentée dans cette publication de l’OCDE permet de déterminer le potentiel économique des émigrés. Elle représente une contribution majeure au projet de renforcement des connaissances sur les communautés maliennes dans les pays de l’OCDE et d’Afrique. Combien y a-t-il d’émigrés, et où se trouvent-ils ? Sont-ils en âge de travailler, et quel est leur niveau d’éducation ? Quelles sont les évolutions récentes de leur nombre et leur profil socio-économique ? Dans quelle mesure participent-ils au marché du travail du pays d’accueil et quelles professions occupent-ils ? Quelle est leur motivation pour émigrer, et quels sont ceux qui reviennent ? Comment contribuent-ils au développement économique du Mali ?