Ce chapitre décrit la situation des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des produits laitiers sur la période 2020-29. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le lait, les produits laitiers frais, le beurre, le fromage, le lait écrémé en poudre et le lait entier en poudre, et examine en conclusion les principaux risques et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des produits laitiers dans les dix années à venir.
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2020-2029
7. Lait et produits laitiers
Abstract
7.1. Situation du marché
La production mondiale de lait (lait de vache : 81 %, lait de bufflonne : 15 %, autres types de lait (chèvre, brebis et chamelle) : 4 %) a augmenté de 1.3 % en 2019 pour s’établir à 852 Mt environ. En Inde, premier producteur mondial, elle a progressé de 4.2 % pour atteindre 192 Mt, avec toutefois des retombées minimes sur le marché laitier mondial car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de produits laitiers.
La production de lait des trois principaux exportateurs de lait et de produits laitiers – la Nouvelle-Zélande, l’Union européenne et les États-Unis – n’a que faiblement augmenté. La consommation intérieure de produits laitiers est stable dans ces pays, et les disponibilités de produits laitiers frais1 et transformés pour l’exportation ont donc été plus importantes. En République populaire de Chine (ci-après la « Chine »), premier importateur mondial de produits laitiers, la production de lait a progressé de 3.6 % en 2019. Ses importations, en particulier de poudres de lait entier et écrémé, ont néanmoins augmenté en 2019 en réponse à une demande croissante.
Les cours laitiers mondiaux désignent les cours des produits laitiers autres que le lait cru qui n’est pratiquement jamais échangé. Le beurre sert de référence pour la matière grasse du lait, et le lait écrémé en poudre pour les autres constituants solides du lait. La matière grasse et les autres constituants solides représentent environ 13 % du poids du lait, le reste étant constitué d’eau. Bien que les cours mondiaux du beurre aient continué à baisser par rapport à leur niveau record de 2017, ils sont restés élevés en termes réels. La bonne tenue des prix de la matière grasse du lait (beurre) s’explique par une demande vigoureuse de crème, de beurre et d’autres produits laitiers entiers en Amérique du Nord et en Europe. Les prix du lait écrémé en poudre se sont redressés en 2019 après que l’Union européenne ait écoulé ses stocks d’intervention constitués en 2016 lorsque les cours étaient tombés sous le seuil fixé à 1 698 EUR la tonne. De ce fait, l’écart de prix entre le beurre et le lait écrémé en poudre s’est rétréci.
7.2. Principaux éléments des projections
La production mondiale de lait devrait progresser de 1.6 % par an sur la période de projection (pour atteindre 997 Mt en 2029), soit plus vite que celle de la plupart des principaux produits agricoles. Contrairement à ce que l’on avait vu ces dix dernières années, la croissance prévue des cheptels de vaches laitières (0.8 % par an) est légèrement supérieure à celle des rendements moyens (0.7 %), les cheptels étant appelés à augmenter plus rapidement dans les pays où les rendements sont bas. L’Inde et le Pakistan, grands producteurs de lait, devraient compter pour plus de la moitié de la croissance de la production mondiale ces dix prochaines années, et pour plus de 30 % de la production mondiale en 2029. La production de l’Union européenne, deuxième producteur mondial, devrait croître plus lentement que la moyenne mondiale, en raison de restrictions environnementales et d’une hausse limitée de la demande.
Le lait doit être transformé rapidement après sa collecte car il ne peut être stocké que quelques jours. L’essentiel du lait produit est donc consommé sous forme de produits frais, non transformés ou très peu transformés (pasteurisés ou fermentés). La part de ces produits dans la consommation mondiale devrait augmenter au cours de la prochaine décennie, en raison d’une forte hausse de la demande en Inde, au Pakistan et en Afrique, portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait augmenter de 1.0 % par an ces dix prochaines années. En Europe et en Amérique du Nord, la demande globale de produits laitiers frais par habitant est stable ou même en léger recul mais sa composition évolue, les matières grasses du lait gagnant du terrain depuis quelques années. Par ailleurs, on anticipe une forte poussée de la consommation de substituts végétaux des produits laitiers liquides en Asie de l’Est, en Europe et en Amérique du Nord, partant certes de très bas.
Le fromage, deuxième produit laitier consommé par ordre d’importance sur la base de l’extrait sec (après les produits laitiers frais), a ses principaux marchés en Europe et en Amérique du Nord, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter, notamment comme ingrédient dans les aliments transformés. La demande de laits en poudre vient en partie de son emploi dans l’industrie agroalimentaire, notamment dans les régions où la demande de protéines animales augmente plus vite que la production. En Afrique, seule une petite partie de l’offre de poudre de lait écrémé est produite localement et la demande pour ce produit devrait s’accélérer au cours des dix années à venir. C’est en Asie que la demande de beurre devrait progresser le plus, mais en partant d’un niveau de consommation faible.
Les échanges laitiers mondiaux portent principalement sur les produits transformés. La Chine en consomme de petites quantités par habitant, mais elle devrait rester le premier importateur de produits laitiers au monde, en particulier de lait entier en poudre. Le Japon, la Fédération de Russie, le Mexique, et la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord continueront d’être de grands importateurs nets de produits laitiers. Par rapport au reste du monde, la consommation de produits laitiers par habitant est faible en Asie, en particulier en Asie du Sud-Est. Toutefois, la demande d’importations de produits laitiers progresse dans de nombreux pays asiatiques en raison de la croissance économique et démographique et d’une évolution de la consommation au profit de produits alimentaires de plus grande valeur et de produits d’origine animale. Les accords commerciaux internationaux (PTPGP, AECG et accord préférentiel entre le Japon et l’Union européenne) contiennent des dispositions précises sur les produits laitiers (comme les contingents tarifaires) qui ouvrent de nouveaux débouchés commerciaux.
Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par l’évolution des politiques commerciales. Ainsi, l’Union européenne et le Royaume-Uni échangent des quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers, mais la situation pourrait changer dans le cadre de leurs nouvelles relations commerciales qui restent à définir. L’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les échanges de produits laitiers en Amérique du Nord. L’Inde et le Pakistan, grands consommateurs de produits laitiers, ne sont pas présents pour l’instant sur le marché international. S'ils participaient davantage aux échanges, les retombées pourraient être importantes sur les marchés mondiaux.
Depuis 2015, le prix du beurre dépasse largement celui du lait écrémé en poudre. Cette évolution reflète celle de la demande internationale, plus forte pour les matières grasses du lait que pour ses autres constituants solides, et l'on suppose qu'elle restera une caractéristique structurelle du secteur au cours des dix prochaines années, même si l’écart devrait se réduire durant la période de projection.
La réglementation et les préoccupations environnementales pourraient modifier les prévisions pour le secteur laitier. Dans plusieurs pays, la production laitière représente une part importante du total des émissions de gaz à effet de serre (GES), d’où des discussions sur les possibilités de réduire ces émissions dans le cadre de la production de lait. De nombreuses solutions techniques sont à l’étude, ayant des répercussions différentes sur les bilans d’approvisionnement. Dans les régions présentant une densité de bétail élevée, le ruissellement de l’azote et du phosphore peut générer des problèmes environnementaux. Les réglementations prévues ou déjà appliquées pour y remédier pourraient avoir un impact important sur l’élevage laitier, notamment aux Pays-Bas, au Danemark et en Allemagne. D’un autre côté, ces pressions pourraient conduire à la mise au point de solutions novatrices, sources de gains de compétitivité à long terme.
La pandémie de COVID-19 aura également une incidence sur les marchés laitiers internationaux, dont l’ampleur est encore incertaine. Les mesures de confinement affectent la restauration hors domicile, qui comporte souvent une part importante de produits laitiers, en particulier de fromage. Le caractère périssable du lait et des produits laitiers nécessite une chaîne alimentaire bien huilée au niveau national et international, et toute perturbation peut avoir un impact considérable.
7.3. Prix
Les prix internationaux de référence correspondent aux prix des produits transformés des principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Les deux principaux prix de référence sont celui du beurre et celui du lait écrémé en poudre. Depuis 2015, le cours du beurre a augmenté beaucoup plus que celui du lait écrémé en poudre, en raison principalement d’une demande internationale plus forte pour les matières grasses du lait que pour ses autres constituants solides. Cette tendance devrait se poursuivre dans les dix ans à venir, bien que l’on s’attende à un rétrécissement du différentiel de prix entre le beurre et le lait écrémé en poudre par rapport aux cinq dernières années (Graphique 7.2).
Les cours du lait écrémé en poudre se sont redressés en 2019 suite à l'écoulement de l’intégralité des stocks d'intervention de l’Union européenne. Les prix devraient donc rester stables en termes réels durant la période de projection. Les cours annuels du beurre ont atteint un niveau record en 2017 et sont en baisse depuis. Ils devraient continuer de fléchir légèrement en valeur réelle, comme les prix de la plupart des autres produits agricoles pendant la période de projection. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage devraient se ressentir de l'évolution des cours du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matière grasse et en autres matières sèches.
La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par le faible pourcentage de ces produits échangé sur les marchés mondiaux (environ 8 % de la production mondiale de lait), par la prédominance d’un petit nombre d’exportateurs et d’importateurs, et par des politiques commerciales restrictives. La plupart des marchés intérieurs sont relativement déconnectés de ces prix puisque l'on consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une petite partie de la production de lait est transformée, le reste étant fermenté ou pasteurisé.
7.4. Production
La production mondiale de lait devrait progresser de 1.6 % par an ces dix prochaines années (pour atteindre 997 Mt en 2029), soit plus vite que celle de la plupart des principaux produits agricoles. La croissance moyenne mondiale des cheptels (0.8 % par an) est supérieure à la hausse moyenne mondiale des rendements (0.7 %), mais les cheptels augmentent plus vite dans les pays où les rendements sont relativement bas. Dans presque toutes les régions du monde, l’augmentation de la production devrait donc venir davantage de la hausse des rendements que de l'expansion des cheptels (Graphique 7.3). L’amélioration des rendements passe notamment par l’optimisation des systèmes de production laitière, une meilleure santé animale, des gains d’efficacité en matière d’alimentation et une meilleure sélection génétique.
L’Inde et le Pakistan devraient compter pour plus de la moitié de la hausse de la production mondiale de lait ces dix prochaines années et représenter plus de 30 % de cette production en 2029, essentiellement avec des petits troupeaux de quelques vaches ou de quelques bufflonnes. Les rendements devraient continuer de progresser rapidement et contribuer davantage à la croissance de la production. Toutefois, la taille des cheptels augmentant et l’extension des surfaces pâturées étant limitée, l’utilisation des pâturages sera nécessairement plus intensive. En Inde comme au Pakistan, la grande majorité de la production sera consommée dans le pays car les produits laitiers frais sont rarement exportés. La production laitière et celle de viande bovine sont moins fortement corrélées en Inde où, pour des raisons culturelles, un plus petit nombre de veaux et de vieilles vaches laitières sont vendus pour la viande. Au Pakistan, la production de viande bovine reste essentiellement un sous-produit de la production laitière.
Dans l’Union européenne, second producteur mondial de lait, la production devrait progresser plus lentement que la moyenne mondiale. Les prévisions pour la prochaine décennie indiquent un recul des cheptels laitiers (-0.6 % par an) mais une hausse des rendements, de 1 % par an. La production européenne est assurée par des animaux nourris à l’herbe ou avec d’autres aliments. En outre, une part croissante du lait produit devrait être issue de l’agriculture biologique : les élevages biologiques regroupent à l’heure actuelle plus de 10 % des vaches laitières en Autriche, en Suède, en Lettonie, en Grèce et au Danemark. Environ 3 % de la production de lait de l’Union européenne proviennent d’exploitations biologiques dont les rendements sont relativement faibles, d’où une majoration de prix considérable sur le lait bio européen. D’une manière générale, la demande intérieure (de fromage, de beurre, de crème et d'autres produits) ne devrait progresser que légèrement, l’essentiel de la production supplémentaire étant destiné à l’exportation.
Le rendement moyen par vache est le plus élevé en Amérique du Nord, où la production à l'herbe est très minoritaire et où l’alimentation du bétail est axée sur l’obtention de rendements élevés dans des cheptels laitiers spécialisés (Graphique 7.4). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels laitiers devraient demeurer relativement stables et la croissance de la production sera donc tirée par de nouvelles hausses des rendements. Compte tenu des prévisions de la demande intérieure, qui resterait plus forte pour les matières grasses du lait, les États-Unis exporteront surtout du lait écrémé en poudre.
La Nouvelle-Zélande est le pays où la production de lait, qui a connu une croissance très modeste ces dernières années, est la plus tournée vers l’exportation. Les cheptels laitiers sont nourris principalement à l'herbe et les rendements sont beaucoup plus faibles qu’en Amérique du Nord et en Europe. Une gestion efficace des prairies et le pâturage toute l’année permettent toutefois à la Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Les principaux obstacles à la croissance sont le manque de terres disponibles et les restrictions grandissantes en matière d’environnement. Le modèle d’alimentation animale devrait rester inchangé. Le marché intérieur néozélandais étant de taille modeste, l’augmentation de la production laitière sera intégralement exportée et donc exposée à davantage d’incertitudes, liées par exemple aux mesures prises en matière d'échanges internationaux à la suite de la pandémie de COVID‑19.
En Afrique, la production laitière devrait afficher une forte croissance, due principalement à l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, et le lait de chèvre et de brebis occupe une place très importante. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis pâturent et sont aussi utilisées pour la production de viande et la traction, ou comme instruments d’épargne. Les animaux supplémentaires se nourriront sans doute sur les mêmes pacages, entraînant une utilisation plus intensive qui pourrait conduire localement à des surpâturages. Au cours de la période considérée, environ un tiers du cheptel mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir quelque 5 % de la production totale de lait.
Moins de 30 % de la production de lait devraient être transformés en beurre, fromage, lait écrémé ou entier en poudre, ou poudre de lactosérum. La demande directe de beurre et surtout de fromage est très vigoureuse. Ces deux produits représentent actuellement une grande partie de la consommation de lait (matière sèche) en Europe et en Amérique du Nord. Les laits en poudre, écrémé et entier, font l’objet d’importants échanges et sont principalement produits pour l’exportation. Les deux sont utilisés dans le secteur agroalimentaire, notamment dans la confiserie, les laits infantiles et les produits de boulangerie.
D'après les projections, la production de beurre et celle de lait écrémé en poudre progresseront de 1.6 % par an, et celle de lait entier en poudre de 1.7 %, au même rythme que la production totale de lait. Seule la production de fromage devrait augmenter moins vite, à 1.2 % par an, en raison de la mollesse des marchés alimentaires d’Europe et d’Amérique du Nord sur lesquels le fromage trouve ses principaux débouchés.
7.5. Consommation
L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais, y compris pasteurisés et fermentés. La part des produits laitiers frais dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années, sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan en particulier, elle-même portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait progresser de 1.0 % par an durant la prochaine décennie, c’est-à-dire un peu plus vite que ces dix dernières années, à la faveur d’une hausse plus rapide du revenu par habitant.
En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant est très variable dans le monde (Graphique 7.1). Elle dépend en particulier du revenu par habitant du pays ainsi que des préférences régionales. Ainsi, la consommation par habitant devrait être élevée en Inde et au Pakistan, mais faible en Chine. La part des produits laitiers transformés (et surtout du fromage) dans la consommation globale de lait (matière sèche) devrait être étroitement corrélée à l’évolution des revenus, avec des variations dues aux préférences locales et au degré d’urbanisation.
En Europe et en Amérique du Nord, la demande de produits laitiers frais par habitant est stable ou en léger recul mais sa composition évolue, les matières grasses du lait, comme le lait entier et la crème, gagnant du terrain depuis quelques années. Cette tendance pourrait s’expliquer par la publication d’études récentes ayant donné une image plus positive des bienfaits des matières grasses laitières pour la santé, mais également par une préférence croissante des consommateurs pour des aliments moins transformés.
Le fromage a ses principaux marchés en Europe et en Amérique du Nord, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter. La consommation de fromage progressera également dans des pays où il ne s’inscrivait pas dans les traditions alimentaires. C’est le cas par exemple dans les pays du Sud-Est asiatique, où l’urbanisation et l’augmentation des revenus se sont traduites par une progression de la restauration hors domicile, notamment dans le secteur de la restauration rapide (hamburgers et pizzas, entre autres). En ce qui concerne les laits en poudre, écrémé et entier, ils resteront principalement utilisés par l’industrie agroalimentaire, notamment pour la confiserie, les laits infantiles et les produits de boulangerie.
Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde et le Pakistan, dans d’autres régions du monde, telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, la consommation de produits laitiers devrait augmenter plus vite que la production et se traduire par une hausse des importations. Le lait liquide étant plus coûteux à importer et à exporter, ce sont les laits en poudre, auxquels on ajoute de l'eau pour la consommation finale ou la transformation, qui absorberont la demande supplémentaire.
Une petite partie des produits laitiers est utilisée pour l’alimentation animale, en particulier le lait écrémé en poudre et la poudre de lactosérum. La Chine importe ces deux produits pour cet usage, en moins grande quantité néanmoins depuis le début de l’épidémie de peste porcine africaine. La reprise attendue (voir le Chapitre 6 sur la viande) devrait s'accompagner d’une hausse de la demande de lait écrémé en poudre et de poudre de lactosérum pour l’alimentation animale ces dix prochaines années.
7.6. Échanges
Environ 8 % de la production mondiale de lait font l’objet d’échanges internationaux. Ce faible pourcentage s’explique avant tout par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée en eau. Quoi qu’il en soit, la Chine a considérablement augmenté ses importations de lait liquide en provenance de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande ces dernières années. Les importations chinoises nettes de produits laitiers frais s’élevaient à 0.7 Mt environ sur la période de référence, et elles devraient augmenter de 3.6 % par an au cours de la prochaine décennie. Plus de 40 % de la production mondiale de lait entier en poudre et de lait écrémé en poudre sont échangés sur les marchés. Toutefois, ces poudres sont souvent produites dans le seul but de pouvoir stocker et vendre le lait plus longtemps ou le transporter sur une plus longue distance.
Les trois principaux pays exportateurs de produits laitiers de la période de référence sont l’Union européenne, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis. Ensemble, ils devraient réaliser environ 65 % des exportations de fromage, 68 % de celles de lait entier en poudre, 76 % de celles de beurre et 77 % de celles de lait écrémé en poudre en 2029 (Graphique 7.5). L’Australie, autre pays exportateur, a perdu des parts de marché mais reste en bonne place dans les secteurs du fromage et du lait écrémé en poudre. Concernant le lait entier en poudre, l’Argentine est aussi un acteur important qui devrait compter pour 5 % des exportations mondiales en 2029. Ces dernières années, le Bélarus a également acquis une certaine stature en tant qu’exportateur, principalement tourné vers le marché russe.
L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Elle devrait représenter autour de 44 % des exportations mondiales de fromage en 2029, notamment grâce à une hausse de ses exportations vers le Canada dans le cadre de l’accord AECG et vers le Japon suite à la ratification de l’accord commercial bilatéral en 2019. Le Royaume-Uni, la Fédération de Russie, le Japon, l’Union européenne et l’Arabie saoudite devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2029. Ces pays étant aussi souvent exportateurs de fromage, leur participation aux échanges commerciaux se traduira par un choix plus vaste pour le consommateur.
La Nouvelle-Zélande reste la principale source de beurre et de lait écrémé en poudre sur le marché international, et ses parts de marché devraient se situer d’ici 2029 autour de 42 % et 52 % respectivement. Dans le cas du lait entier en poudre, les échanges entre la Nouvelle-Zélande et la Chine, principal importateur de ce produit, devraient être nettement moins actifs au cours de la période de projection. Il est prévu une croissance de la production laitière intérieure en Chine, ce qui devrait limiter la croissance de ses importations de lait écrémé en poudre. On s'attend à ce que la Nouvelle-Zélande diversifie et augmente légèrement sa production de fromage au cours de la période de projection.
Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais les principales destinations pour tous les produits sont le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (MENA), les pays développés, l'Asie du Sud-Est, et la Chine (Graphique 7.6). La Chine devrait rester le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre, qu'elle se procure pour l’essentiel auprès des pays d’Océanie. Elle a néanmoins développé ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne ces dernières années. Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord s’approvisionneront principalement auprès de l’Union européenne, tandis que les États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de l’Asie du Sud-Est. Les pays développés importent de grandes quantités de fromage et de beurre : environ 54 % et 39 %, respectivement, des importations mondiales en 2017-19. Ces pourcentages devraient légèrement baisser d’ici 2029.
7.7. Principales questions et incertitudes
La pandémie de COVID-19 a des répercussions sur la vie quotidienne dans le monde entier. On considère que les chaînes alimentaires sont moins touchées que d’autres par les mesures de restriction prises pour limiter la propagation du coronavirus, même si les filières d'approvisionnement pourraient être fortement perturbées dans le cas de produits périssables comme le lait et les produits laitiers. En outre, certains produits laitiers comme le fromage sont souvent consommés en restauration hors domicile (par exemple dans des hamburgers et des pizzas) et leur consommation pourrait donc reculer. Sur les dix années à venir, les effets sont plus incertains car ils dépendent de la durée de maintien des mesures de restriction, de la rapidité avec laquelle l'économie mondiale se relèvera, et des éventuels changements structurels qui pourraient intervenir dans les interactions mondiales.
La production de lait mondiale n’est pas à l’abri d’aléas météorologiques pouvant toucher en particulier les élevages laitiers pâturant, qui prédominent dans le monde. En effet, le changement climatique accroît le risque de sécheresses, d’inondations et de maladies, situations qui peuvent toutes avoir des répercussions sur la filière lait d’une façon ou d’une autre (instabilité des prix, rendement des vaches laitières, effectifs des cheptels, etc.).
La législation environnementale pourrait aussi avoir un impact majeur sur l’évolution de la production laitière. Les émissions de GES dues au secteur laitier représentent une part importante des émissions totales dans certains pays (en Nouvelle-Zélande et en Irlande, par exemple), et toute modification des politiques publiques en la matière pourrait se répercuter sur la production de lait. D’autres domaines où des changements de politique pourraient jouer sont, par exemple, l’accès à l’eau et la gestion des effluents d’élevage, qui s’orientent de plus en plus vers des pratiques durables. Cependant, une législation environnementale plus stricte pourrait aussi conduire à la mise au point de solutions novatrices améliorant la compétitivité de la filière à long terme.
Les maladies animales et leur propagation représentent un risque pour la production de lait. La mammite est l’infection la plus courante chez les bovins laitiers dans les exploitations du monde entier, quelle que soit leur taille. C’est aussi celle qui génère le plus de préjudices économiques en raison de son incidence importante sur les rendements et la qualité du lait. Des progrès en matière d’information, de dépistage et de traitement de cette pathologie pourraient permettre d’augmenter sensiblement la production laitière en diminuant les pertes. La lutte contre de nombreuses maladies, dont la mammite, passe très souvent par des traitements antimicrobiens. Or, ces derniers suscitent des inquiétudes concernant leur utilisation excessive et le développement de résistances microbiennes, lesquelles réduiraient l’efficacité des traitements existants et nécessiteraient la mise au point de nouveaux médicaments. L'évolution de cette situation demeure une source d’incertitude pour les dix ans à venir.
Ces dernières années, les substituts végétaux de produits laitiers liquides (boissons à base de soja, d’amande, de riz ou d’avoine, par exemple) ont gagné en importance dans de nombreuses régions du monde, notamment en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. Cet engouement s’explique par l’intolérance au lactose mais aussi par des interrogations quant aux conséquences de la consommation de lait et de produits laitiers sur la santé et l’environnement. Si les substituts végétaux de produits laitiers affichent des taux de croissance solides, en partant certes de très bas, leur impact sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé font eux aussi débat. Par conséquent, l’incertitude reste de mise quant à l'incidence à long terme de cette évolution sur la demande laitière.
L’évolution des politiques nationales constitue un autre motif d’incertitude. Au Canada, les projections concernant les exportations de lait écrémé en poudre sont difficiles à établir du fait de la réorganisation de la filière laitière nationale après la Décision de Nairobi adoptée par l’Organisation mondiale du commerce, qui supprime les subventions à l’exportation dans l’agriculture après 2020. Dans l’Union européenne, les achats d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions majeures sur les marchés ces dernières années, restent une éventualité.
La modification ou la mise en place d’accords commerciaux aurait des conséquences sur la demande et les échanges de produits laitiers. Ainsi, l’Union européenne et le Royaume-Uni échangent des quantités importantes de fromage et d’autres produits laitiers, mais les relations commerciales qui seront définies à la suite du Brexit pourraient changer la donne, tandis que l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) devrait se répercuter sur les échanges de produits laitiers en Amérique du Nord. Quant à la Fédération de Russie, l’embargo qu'elle a imposé sur plusieurs produits laitiers en provenance de grands pays exportateurs devrait être levé en 2020 et ses importations devraient donc augmenter légèrement, mais il est peu probable qu'elles reviennent à leur niveau antérieur.
Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par les évolutions de l’environnement commercial. L’Inde et le Pakistan, grands consommateurs de produits laitiers, ne sont pas présents pour l’instant sur le marché international ; la demande intérieure en plein essor devrait être satisfaite par une hausse rapide de la production nationale.
Note
← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre, poudre de lactosérum et, dans quelques cas, caséine). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.