Ce chapitre décrit l’évolution récente des marchés et présente les projections à moyen terme relatives aux marchés mondiaux des produits halieutiques et aquacoles sur la période 2022-31. Il passe en revue les évolutions prévues en termes de prix, de production, de consommation et d’échanges pour le poisson et les produits de la pêche et de l’aquaculture. Il s’achève par un examen des risques et incertitudes notables susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés mondiaux des produits halieutiques et aquacoles durant les dix prochaines années commerciales.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2022-2031
8. Poisson
Abstract
8.1. Principaux éléments des projections
Un secteur toujours en croissance où l’aquaculture occupe une place grandissante
Après des décennies de croissance ininterrompue, la consommation de poisson1 s’est ressentie de la pandémie de COVID‑19, accusant un léger repli en 2020 suivi d'une hausse insignifiante (0.1 kg par habitant) en 2021. La consommation totale de poisson utilisé pour l’alimentation humaine devrait continuer de progresser lentement au rythme de 1.4 % par an, contre 2.0 % par an durant la décennie écoulée. Cette mollesse s’explique par un ralentissement de la demande dans un contexte de croissance minime des revenus et de la population, et par une concurrence accrue de la volaille dont les cours mondiaux ont diminué par rapport à la première moitié de la précédente décennie. Malgré cette tendance plus faible, la consommation de poisson devrait continuer à augmenter à un rythme plus rapide que la consommation de viande au cours de la prochaine décennie (1.4 % par an pour le poisson contre 1.0 % par an pour la viande). La consommation humaine apparente2 de poisson dans le monde devrait atteindre 21.4 kg par habitant en 2031, en hausse par rapport aux 20.5 kg par habitant de la période de référence (moyenne 2019‑21). La consommation de poisson par habitant augmentera sur tous les continents à l’exception de l’Afrique où la croissance démographique sera la plus rapide. D’après les projections, la production de poisson servira essentiellement à l’alimentation humaine (183 Mt en 2031), seuls 10 % allant à des usages non alimentaires (farine et huile de poisson principalement). Les pays asiatiques consommeront environ 72 % du poisson destiné à l’alimentation humaine. En 2031, l'aquaculture devrait fournir 59 % du poisson de consommation, contre 55 % durant la période de référence.
Les prix nominaux moyens du poisson progresseront de 0.8 % par an sur la période 2022‑31, en partant d’un niveau élevé en 2022, reflétant une forte reprise des prix en 2022 après les baisses provoquées par le COVID-19 en 2020 et 2021. En termes réels, les prix des produits aquacoles devraient rester inchangés d’ici 2031, tandis que l’on anticipe des baisses de 9.9 % pour les produits halieutiques, de 15.6 % pour la farine de poisson et de 17.5 % pour l’huile de poisson.
La production mondiale de poisson devrait croître à un rythme de 1.2 % par an pendant la période de projection, montrant donc un relatif essoufflement par rapport aux 2.0 % par an de la décennie précédente. Elle devrait atteindre 203 Mt en 2031, soit 25 Mt de plus au total (+14 %) que pendant la période de référence (moyenne 2019‑21). L’essentiel de la croissance sera le fait de l’Asie. La production aquacole devrait continuer de progresser au cours de la période de projection (+23 %, soit 20 Mt supplémentaires en 2031, au rythme de +1.9 % par an). Malgré un ralentissement par rapport à la décennie précédente (+1.9 % par an contre 3.8 % par an), la croissance de la production aquacole sera nettement plus importante que celle de la production halieutique (4.6 % d'ici 2031 à +0.4 % par an).Ces ralentissements de la production aquacole s’expliquent par les hausses importantes du coût de l’alimentation animale au début de la période de projection et par l’impact des réformes mises en œuvre en Chine qui freinent le développement de l’aquaculture. Ces réformes portent sur la protection de l’environnement et la diversification de la production, l'accent étant davantage mis sur la production d’espèces destinées au marché intérieur. En 2031, la production aquacole mondiale devrait atteindre 108 Mt, soit 12 Mt de plus que les captures.
Malgré la place de plus en plus importante de l’aquaculture dans l’offre globale de poisson (53 % en 2031 contre 49 % pendant la période de référence) (Graphique 8.1), la pêche de capture devrait continuer de dominer la production pour plusieurs espèces et rester vitale pour la sécurité alimentaire nationale et internationale. La production halieutique devrait augmenter de 4.6 % d’ici 2031 pour passer à 96 Mt grâce à l’amélioration des prises dans certaines zones de pêche et à une meilleure gestion. Des fluctuations se produiront les années El Niño (supposées intervenir en 2024 et 2028), qui auront aussi des répercussions négatives sur la production de farine de poisson et d’huile de poisson. En 2031, la production mondiale de farine de poisson devrait atteindre 5.6 Mt, soit un taux de croissance de 1.3 % par an sur la période 2022‑31, tandis que la production d’huile de poisson devrait progresser de 1.2 % par an pour passer à 1.3 Mt durant la même période. En 2031, environ 29 % de la farine de poisson et 47% de l’huile de poisson seront obtenus à partir de déchets de poisson.
Les exportations de produits halieutiques et aquacoles devraient être dynamiques sous diverses formes destinées à l’alimentation humaine ou autre. Quelque 35 % de la production totale de poisson (31 % sans les échanges intra-UE) devraient être exportés en 2031. Après s’être contractés en 2020 (‑3.9 %) et seulement un peu redressés en 2021, les échanges mondiaux de poisson de consommation devraient augmenter au rythme de 0.8 % par an sur la période 2022‑31. C’est moins que durant la dernière décennie (1.1 % par an), en rapport avec le ralentissement de la croissance de la production et avec la diversification de la production aquacole en Chine. Les pays asiatiques resteront les premiers exportateurs de poisson de consommation avec une part des exportations totales stable à 47 %. Les principaux importateurs seront toujours l’Europe et l’Amérique du Nord, qui représenteront 25 % et 15 % du total des importations en 2031.
L’évolution et la dynamique des marchés mondiaux du poisson sont influencées par de nombreux facteurs, d’où les nombreuses incertitudes qui demeurent pour l’avenir. Elles concernent le changement climatique, qui a une incidence sur la répartition et le niveau des stocks de poisson, les mesures prises pour réduire les émissions de GES dues au secteur, la gestion et la gouvernance du secteur de la pêche, les politiques commerciales, et les mesures de lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN). L'émergence de nouveaux variants de la COVID-19 et les perturbations potentielles de la chaîne d'approvisionnement pourraient modifier les projections, en particulier pour les premières années des projections. Deux ans après son éclosion, la situation s’est améliorée mais est encore instable. La pandémie a affecté aussi bien l’offre que la demande, ce qui pourrait transformer le secteur pour longtemps. En outre, étant donnée l'importance de la Russie en tant que l'un des principaux producteurs et exportateurs de poisson, la guerre actuelle de la Russie contre l'Ukraine et la disponibilité réduite des exportations russes créent une incertitude majeure. De plus, la poussée de l’inflation dans la plupart des pays, résultant en partie de la guerre, crée une incertitude supplémentaire.
8.2. Tendances actuelles des marchés
Les ripostes à la pandémie pourraient avoir des effets structurels durables sur le secteur
La pandémie de COVID‑19 a eu des répercussions diverses sur le secteur halieutique et aquacole selon les pays et les produits. Les mesures prises pour limiter la propagation du virus ont entraîné une diminution de la demande de produits alimentaires d’origine aquatique et perturbé la production, les chaînes d'approvisionnement et les marchés. Dans certains pays, le recul de la demande a provoqué une baisse des prix. De nombreuses flottilles de pêche ont, de ce fait, cessé ou réduit leurs activités dans la mesure où elles ne généraient plus de profit pendant certaines périodes en 2020 et 2021. Dans certains cas, les quotas n’ont pas été atteints en raison d’une faible demande et du manque d’installations permettant de stocker les produits périssables. La production aquacole a également été confrontée à des pénuries de matériel et d’intrants (aliments pour animaux, alevins, et glace), et à des problèmes de distribution et de commercialisation, tandis que les mesures sanitaires ont aussi touché le secteur. La production de poisson destinée à l’exportation a souffert davantage que celle desservant les marchés intérieurs, en particulier en 2020, mais les exportations ont rebondi en 2021. D’une manière générale, les grandes chaînes d'approvisionnement intégrées verticalement ont été moins touchées que les petites entreprises car elles sont mieux armées pour gérer les livraisons entrantes et sortantes. Les petites entreprises à forte intensité de main-d’œuvre, très nombreuses tant dans le secteur de la pêche qu’en aquaculture, ont été plus vulnérables aux restrictions limitant la mobilité des travailleurs et aux perturbations des transports et de l’approvisionnement en intrants.
Les deux dernières années ont été marquées par une évolution radicale des modes de consommation. De nouvelles habitudes et des innovations sont apparues pendant les confinements (les consommateurs ont retrouvé le goût de cuisiner et achètent davantage dans les commerces de détail, les services de livraison à domicile et les applications commerciales numériques se sont multipliés, et les ventes en ligne augmentent), qui pourraient avoir des conséquences structurelles majeures à long terme sur le secteur. Ces caractéristiques nouvelles des marchés n’ont pas disparu après la pandémie mais se sont intégrées de façon permanente à la dynamique et aux perspectives de transformation du secteur halieutique et aquacole mondial. Pour certains produits toutefois, comme le thon en boîte dont la consommation a fait un bond pendant les périodes de confinement, les niveaux de la demande ont peu de chances de se maintenir lorsque la situation sera revenue à la normale. Fin 2021 et début 2022, les prix du poisson ont commencé à augmenter, ce qui a eu un impact négatif sur la consommation dans un contexte économique et géopolitique instable. Selon l’indice des prix du poisson de la FAO3, les cours mondiaux du poisson ont été en 2021 supérieurs de 7 % en moyenne à ceux de 2020. Les principaux facteurs influant sur la situation actuelle du marché dans les filières halieutique et aquacole sont une inflation élevée et en hausse, des coûts de l’énergie en augmentation, et la réouverture rapide des économies après les confinements.
8.3. Projections des marchés
8.3.1. Consommation
De belles perspectives pour la consommation de poisson, un aliment nutritif qui contribue à une alimentation saine
Les produits halieutiques et aquacoles continueront de jouer un rôle crucial dans la nutrition et la sécurité alimentaire mondiale car ils représentent une importante source de macronutriments et de micronutriments. Même en petites quantités, le poisson et les aliments d’origine aquatique peuvent avoir un impact nutritionnel positif significatif sur des régimes essentiellement végétariens. La consommation d’aliments aquatiques associés à des aliments végétaux peut améliorer l’assimilation de différents éléments nutritifs apportés par les végétaux, ce qui est le cas dans de nombreux pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) et pays moins avancé, en particulier pour les populations fortement dépendantes du poisson pour leur alimentation, aussi bien sur le littoral que dans les terres.
D’ici 2031, une part croissante de la production halieutique et aquacole devrait servir à la consommation humaine. Sur une production anticipée de 203 Mt en 2031, environ 90 % seront probablement consommés directement, 8 % seront transformés en farine et huile de poisson, et les 2 % restants iront à d'autres usages non alimentaires. La consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine devrait atteindre 183 Mt en 2031, soit une hausse totale de 24 Mt (+15 %) par rapport à la période de référence (moyenne 2019‑21). Les disponibilités de poisson de consommation devraient venir de plus en plus de l’aquaculture, dont la part passera de 55 % au cours de la période de référence à 59 % en 2031.
La croissance de la consommation de poisson destiné à l’alimentation humaine sera tirée à la fois par la hausse des revenus, l’urbanisation, l’augmentation de la production de poisson, l’amélioration des circuits de distribution, et l’innovation en matière de produits. Mais l’image d’aliment sain et nutritif que renvoie le poisson jouera aussi de plus en plus en sa faveur. La demande devrait donc progresser au cours des dix prochaines années, à un rythme toutefois plus lent, passant de 2.0 % par an en 2012‑21 à 1.4 % par an en 2022‑31. Ce ralentissement est principalement imputable à une augmentation plus modérée de la production, à des prix du poisson relativement élevés par rapport à ceux de certaines viandes, et à une décélération de la croissance démographique.
La consommation de poisson destiné à l’alimentation humaine devrait progresser sur tous les continents hormis en Europe (‑0.4%) où l’on s’attend à un recul initial de la consommation en Ukraine et en Russie en raison de la guerre. De fortes hausses sont anticipées en Afrique (+28 %), en Océanie (+19 %), en Asie (+16 %) et en Amérique (+14 %, dont +15 % en Amérique latine). Malgré l’amélioration générale de la disponibilité de poisson pour la plupart des consommateurs, des écarts importants continueront d'exister entre les pays et à l’intérieur d’un même pays ou d’une même région sur le plan de la quantité et de la variété des poissons consommés et de leur contribution aux apports nutritionnels. L’offre et les revenus ne sont pas les seuls facteurs stimulant la consommation de poisson. Il est évident que des paramètres socioéconomiques et culturels influent fortement aussi sur le niveau de consommation et le type de poisson consommé, notamment les traditions alimentaires, les préférences, la saisonnalité et les prix.
Région grande productrice et continent le plus peuplé, l’Asie devrait représenter 76 % de la quantité supplémentaire de poisson consommée d’ici 2031 et également la plus grande part (72 %) de l’offre de poisson de consommation en 2031. L’Afrique, l’Amérique et l’Europe compteront chacune pour 9 % dans la consommation de poisson utilisé pour l’alimentation humaine en 2031, contre 1 % seulement pour l’Océanie. Premier pays producteur de poisson, la Chine restera également de loin le plus gros consommateur mondial de poisson avec 37 % de la consommation totale de poisson utilisé pour l’alimentation humaine en 2031.
S'agissant de la consommation de poisson par habitant, elle devrait atteindre 21.4 kg en 2031, en légère hausse par rapport à la moyenne de 20.5 kg pendant la période 2019‑21, mais elle progressera moins vite que durant la décennie précédente (0.5 % par an contre 0.9 % par an). La consommation de poisson continuera d’être plus importante dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et ceux à revenu élevé (30.2 kg et 26.8 kg, respectivement, en 2031) que dans les pays à faible revenu et ceux à revenu intermédiaire de la tranche inférieure (11.8 kg et 15.1 kg, respectivement). Cependant, les taux de croissance des dix prochaines années présentent de grandes différences (Graphique 8.2), les pays à revenu intermédiaire affichant de fortes hausses, tandis que les pays à faible revenu devraient enregistrer une diminution de 6.1 %.
La consommation de poisson par habitant augmentera sur tous les continents, sauf en Afrique où elle devrait reculer, passant de 10.0 kg en 2019‑21 à 9.9 kg en 2031, la baisse la plus marquée étant anticipée en Afrique subsaharienne (de 8.8 kg à 8.5 kg). Cette baisse s'explique principalement par une croissance démographique plus rapide que celle de l’offre de poisson. Entre 2022 et 2031, la population d’Afrique subsaharienne devrait croître de 2.4 % par an, contre 2.0 % par an pour l’offre de poisson de consommation.
Le recul de la consommation de poisson par habitant en Afrique et la diminution consécutive des apports en protéines et en micronutriments contenus dans le poisson sont préoccupants sur le plan de la sécurité alimentaire compte tenu du niveau élevé de prévalence de la sous-alimentation sur ce continent4. Le poisson joue un rôle important dans l’alimentation des populations de la région puisqu’il y représente environ 22 % des apports en protéines animales en moyenne, et plus de 50 % dans certains pays africains, en particulier en Afrique de l’Ouest. Avec la baisse de la consommation de poisson, les pays plus dépendants du poisson pourraient avoir davantage de mal à atteindre les cibles relatives à la nutrition (2.1 et 2.2) de l’ODD 2 (Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable).
La production halieutique et aquacole destinée à d’autres fins que la consommation humaine est soit convertie en farine et huile de poisson, soit employée à d'autres usages5. La consommation de farine et d'huile de poisson devrait continuer de se répartir entre aquaculture et élevage pour la farine de poisson, et entre aquaculture et compléments alimentaires destinés à la consommation humaine directe pour l’huile de poisson, mais elle est limitée par l’augmentation de la production qui reste stable. Du fait de leur prix élevé et suite à d’importants efforts d’innovation, la farine et l’huile de poisson seront probablement moins utilisées comme aliments en aquaculture et davantage employées comme ingrédients stratégiques destinés à favoriser la croissance à des stades précis de la production. D’ici 2031, la part de la farine de poisson dans l’alimentation des poissons d'élevage devrait diminuer pour passer de 5 % en 2019‑21 à 4 % en 2031. Cette baisse s'accompagnera d’un développement du marché des tourteaux d’oléagineux en aquaculture, où leur emploi pour l’alimentation animale devrait atteindre 10.6 Mt en 2031 (Graphique 8.3), soit 10 % des aliments consommés en aquaculture (9 % en 2019‑21). La Chine arrivera en tête pour la quantité de farine de poisson utilisée dans l’alimentation animale avec une part de 51 % du total en 2031. Quant à l’huile de poisson, l'aquaculture devrait rester le principal secteur utilisateur. Mais la consommation humaine directe d’huile de poisson transformée demeurera importante car cette huile est riche en acides gras oméga‑3, qui sont considérés comme bénéfiques pour différentes fonctions biologiques du corps humain. L'Union européenne et la Norvège conserveront leur place de principaux consommateurs de l’huile de poisson disponible sur les marchés mondiaux.
8.3.2. Production
L’aquaculture dépassera la pêche de capture en 2023 pour les volumes produits
La production mondiale de poisson (pêche et aquaculture) devrait croître pour passer de 179 Mt (moyenne 2019‑21) à 203 Mt en 2031, soit 14 % d’augmentation (+1.2 % par an). Cette hausse de 25 Mt pendant la période de projection est pourtant moins élevée que celle enregistrée au cours de la décennie précédente (2011‑21), à savoir 33 Mt. Elle sera portée principalement par la croissance continue de la production aquacole, qui progressera de 20 Mt (+23 %) au rythme de 1.9 % par an et devrait atteindre 108 Mt par an en 2031. Il s'agirait toutefois d’un net ralentissement par rapport à la précédente décennie où la production avait augmenté de 30 Mt (+56 %) au rythme de 3.8 % par an. La production aquacole devrait dépasser la production halieutique en 2023 et représenter 53 % de la production totale de poisson en 2031.
Plusieurs facteurs concourent au ralentissement de la croissance de la production aquacole. En premier lieu, le coût des aliments pour animaux était relativement faible entre 2013 et 2019, ce qui a permis aux producteurs de dégager des bénéfices plus élevés. Deuxièmement, le prix des produits aquacoles rapporté à celui des aliments pour animaux restera inférieur aux niveaux de 2019 jusqu’en 2025 en raison des prix élevés des aliments pour animaux attendus pendant les cinq prochaines années. À partir de 2025, ce ratio devrait se maintenir à des niveaux rémunérateurs pour les producteurs et se traduire donc par une nouvelle période de croissance pour la production aquacole au cours de la deuxième moitié de la prochaine décennie. Plusieurs autres facteurs expliquent la croissance plus lente de la production aquacole, notamment des gains de productivité moindres, des réglementations environnementales plus sévères chez les principaux producteurs mondiaux, et tout particulièrement en Chine, et la difficulté de construire de nouvelles installations de production à cause de la concurrence pour les terres.
En Chine, les réglementations destinées à rendre le secteur plus durable et à privilégier les espèces consommées dans le pays devraient limiter l’augmentation de la production. La part de la Chine dans la production aquacole mondiale ne devrait pourtant reculer que légèrement, pour passer de 57 % l’année de référence à 56 % en 2031. Sur le plan régional, l’Asie devrait conserver sa place de premier producteur avec 88 % de la production mondiale en 2031. Les autres grands pays asiatiques producteurs devraient aussi enregistrer une forte croissance de la production : l’Inde (+39 %), la Thaïlande (+25 %), l’Indonésie (+24 %), les Philippines (+22 %) et le Viet Nam (+11 %).
Du point de vue des espèces, la hausse de la production devrait être particulièrement marquée chez les crevettes (+31 %) et les tilapias (+25 %) (Graphique 8.4). Pour la plupart des espèces cependant, la production augmentera beaucoup moins vite que durant la décennie précédente. La carpe restera l’espèce la plus produite avec 36 Mt anticipées en 2031, mais le taux de croissance prévu n’est que de 17 %, moins que dans les autres groupes d’espèces, en raison des réformes engagées en Chine, premier producteur de carpe.
Par comparaison, les améliorations continues de la gestion des pêcheries et les améliorations technologiques réduisant les rejets et les déchets devraient entraîner une hausse minime de 4.2 Mt, soit 4.6 % (+0.4 % par an) de la production halieutique devrait enregistrer une pendant la période considérée, pour atteindre 96 Mt en 2031. Elle devrait être du même ordre que lors de la précédente décennie. Plus précisément, bien que l’Afrique continuera en principe d’afficher la croissance la plus forte (+11 %, soit +1.1 Mt), elle sera sensiblement moins dynamique que pendant les dix dernières années. La production halieutique en Asie devrait progresser de 1.2 Mt, mais plus lentement (+2.4 %) qu’en Afrique (+11 %) et en Europe (+6.3 %). En conséquence, la part de l’Asie dans les captures mondiales devrait reculer légèrement pour passer de 52 % pendant la période de référence à 51 % en 2031. En Amérique, la production halieutique qui avait fléchi de ‑6.9 % durant la décennie précédente devrait repartir à la hausse pendant la période de projection (+5.7 %, au rythme de +0.2 % par an). Si l’on regarde la situation par pays, les plus fortes augmentations des captures d’ici 2031 sont attendues au Viet Nam (+0.6 Mt), en Russie (+0.5 Mt), au Pérou (+0.4 Mt), aux Philippines (+0.3 Mt) et en Inde (+0.3 Mt). Il reste à savoir toutefois dans quelle mesure la guerre infléchira l’évolution de la production russe.
Le succès de la farine et de l’huile de poisson destinées à l’alimentation animale devrait tirer la production vers le haut. La production de ces deux produits devrait augmenter au cours de la période de projection, atteignant 1.3 Mt et 5.6 Mt respectivement en 2031, contre 1.1 Mt et 4.9 Mt durant la période de référence. Toutefois, la croissance de la production sera plus rapide que ces dix dernières années pour la farine de poisson (1.3 % par an contre 1.1 % par an), mais elle restera inférieure aux niveaux d’avant 2005. La farine et l’huile de poisson peuvent être produites à partir de poissons entiers ou de sous-produits de la transformation du poisson, appelés résidus de poisson. La part de la farine et de l’huile de poisson produits à partir de résidus de poisson devrait rester globalement stable, autour de 47 % et 29 % respectivement en 2031.
8.3.3. Échanges
Les échanges de poisson frais et transformé seront peu vigoureux
Le commerce international joue un rôle majeur dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture où les chaînes d’approvisionnement sont relativement mondialisées. Le poisson peut être produit dans un pays, exporté dans un autre pour être transformé, et réimporté dans un troisième pour y être consommé. C'est pourquoi les échanges de poisson occupent une place importante dans beaucoup d'économies en tant que sources de nutriments, de revenus et d’emplois. Environ 35 % de la production (31 % hors échanges intra-UE) devraient être exportés en 2031 dans différentes formes de produits et espèces. L'aquaculture contribuera à une part croissante des échanges internationaux de poisson de consommation.
Les échanges mondiaux de poisson frais et transformé avaient légèrement reculé en 2019 en raison d’une baisse de la production. En 2020, ils se sont contractés du fait de la pandémie de COVID‑19. Tous les continents ont enregistré une baisse des échanges, à l’image du caractère planétaire de la pandémie. Les échanges de poisson ont été notablement perturbés par les mesures sanitaires prises en réponse aux incertitudes sur la source de la maladie et sur ses modes de transmission ainsi que par la dégradation générale de la conjoncture. La situation s’est améliorée en 2021, les acteurs s'étant adaptés aux nouvelles contraintes opérationnelles et à la demande revenue en force après la réouverture du secteur de l’hôtellerie-restauration. Au cours de la période de projection, les échanges internationaux de poisson devraient augmenter mais à un rythme beaucoup plus lent que celui observé pendant la décennie précédente. Ce ralentissement dénote une relative diminution des possibilités d’expansion sur de nouveaux marchés et une hausse de la demande intérieure chez certains grands pays producteurs qui approvisionnaient traditionnellement les économies prospères. Les exportations mondiales de poisson de consommation devraient atteindre près de 46 Mt en poids vif en 2031, soit 3 Mt de plus (+0.8 % par an) que le niveau moyen de 2019‑21.
Les pays asiatiques devraient rester les principaux fournisseurs des marchés mondiaux (Graphique 8.5). En 2031, ils devraient représenter 47 % du total des échanges de poisson de consommation, une part pratiquement inchangée depuis la période de référence. À elle seule, la Chine sera le premier exportateur avec une part de 17 % en 2031. En dehors des pays asiatiques, la Norvège, l’UE27 et la Russie resteront d’importants exportateurs de poisson. Cependant, compte tenu des nombreuses sanctions appliquées sur les produits russes en réaction à l’invasion de l’Ukraine, les exportations russes pourraient être bien moins élevées que prévu si d’autres pays imposent des sanctions en 2022 et si ces sanctions sont maintenues après 2022. Malgré la prédominance des pays asiatiques dans les exportations de poisson, c’est principalement d’Europe que la croissance supplémentaire devrait venir au cours des dix années à venir. La Chine s’est en effet engagée dans une diversification de son aquaculture en ciblant de plus en plus le marché intérieur. La pandémie a accéléré cette évolution en raison des nombreuses difficultés logistiques associées au commerce international.
Les pays de l’OCDE conserveront leur place de premiers importateurs de poisson de consommation, avec 52 % des importations mondiales en 2031. L’UE27 représentera le plus grand marché (18 %), suivie par les États-Unis (14 %) et la Chine (10 %). Le Japon, qui arrivait en deuxième position jusqu’au début des années 2000, voit ses importations reculer depuis près de 20 ans par suite d'une évolution des habitudes alimentaires et d’une baisse de la démographie. En 2031, il devrait peser pour seulement 6 % dans les importations mondiales de poisson, alors qu’au plus haut sa part avait atteint 21 % en 1992. Bien que l’Afrique ne compte que pour 14 % dans les importations mondiales de poisson de consommation, elle représentera l’essentiel de la hausse des importations mondiales. Le continent africain devrait devenir de plus en plus dépendant des importations de poisson de consommation, celles-ci devant augmenter beaucoup plus rapidement que la production (de 34 %, au rythme de 2.7 % par an). D'après les projections, la part des importations dans l’offre de poisson de consommation atteindra 37 % en 2031, contre 35 % durant la période de référence.
Les échanges de farine de poisson devraient connaître une hausse relativement modeste de 7.1 % (ou +1.0 % par an) et atteindre 3.5 Mt (poids produit) en 2031. La production et les échanges de farine de poisson sont sujets au phénomène météorologique El Niño au Pérou, ce qui rend les prévisions difficiles. Ce pays devrait rester le premier producteur et exportateur mondial de farine de poisson, dont le niveau de consommation intérieure restera négligeable. La Chine conservera sa place de premier débouché pour la farine de poisson durant la période de projection puisqu’elle absorbera 54 % des importations mondiales en 2031, contre 46 % au cours de la période de référence. La demande chinoise pour ce produit vient d’une part du secteur aquacole, malgré les efforts déployés pour réduire la part de la farine de poisson dans l’alimentation des poissons d’élevage, et d'autre part de l’élevage porcin, où la farine de poisson est intégrée dans l’alimentation des porcelets. Le Japon, la Norvège et le Viet Nam importent également de grandes quantités de farine de poisson. Du côté de l’huile de poisson, les exportations devraient progresser de 8.5 % sur la période considérée. La Norvège restera le premier importateur de ce produit, utilisé comme ingrédient dans l'alimentation des saumons. Elle est suivie de l’UE27, où l’huile de poisson est prisée comme complément alimentaire grâce à sa richesse en acides gras oméga‑3. La Norvège et l’UE27 devraient absorber respectivement 25 % et 24 % des importations mondiales d’huile de poisson en 2031
8.3.4. Prix
Les prix devraient se maintenir à un niveau élevé dans les dix années à venir
Les prix du poisson se sont renchéris en 2021, conséquence de la hausse de la demande entraînée par la forte reprise économique après le COVID‑19 et par la réouverture des restaurants et des hôtels alors que la production de poisson n’a que peu progressé. D’après l’indice des prix du poisson de la FAO, les cours mondiaux du poisson ont été 7.0 % plus élevés en 2021 qu’en 2020. Plus généralement, les prix du poisson devraient augmenter en valeur nominale pendant la période de projection et rester élevés par rapport aux niveaux observés par le passé. En termes réels toutefois, les prix de toutes les catégories devraient fléchir, hormis en aquaculture, où l'on s'attend à une stagnation (Graphique 8.6). Les répercussions économiques de la pandémie de COVID‑19 devraient entraîner une certaine instabilité des prix des produits aquacoles et halieutiques et du poisson de consommation échangé en termes réels, la baisse des prix consécutive au recul de la demande étant suivie d’une forte hausse (à la suite de la reprise de la demande après la réouverture du secteur de l’hôtellerie-restauration) puis de nouvelles baisses à partir de 2023. Les prix de la farine et de l’huile de poisson devraient diminuer progressivement au cours de la période en raison de l'évolution anticipée du cours des produits oléagineux, avec des fluctuations en fonction des variations de l’offre liées à El Niño.
D’après les projections, les prix du poisson de pêche progresseront de 19 % (+0.7 % par an) en valeur nominale pendant la période considérée. En termes réels toutefois, cela correspondra à une baisse de 9.9 % (‑1.4 % par an) au cours de la période de projection, suivant la même tendance que durant la précédente décennie (+18 % en valeur nominale et ‑3.6 % en termes réels). Si l'on regarde plus en détail l’évolution des prix du poisson de pêche en termes réels, on constate un net renchérissement des prix en 2022 par rapport aux creux de 2020 et 2021 dus au COVID, qui s’explique également par les conséquences de la guerre. Cette tendance est suivie d’une diminution continue à partir de 2023. Comme il a été souligné plus haut, ce recul témoigne d'une concurrence grandissante d’autres sources de protéines, notamment de la viande de volaille, et de l’accélération de la croissance de la production aquacole en Chine à partir de 2023. Il pourrait aussi dénoter une réorientation de la production vers des espèces de moins grande valeur. Au cours de cette même période, les prix des produits aquacoles devraient croître de 33 % (+1.5 % par an) en valeur nominale, tandis qu’en termes réels ils devraient rester inchangés. Enfin, après un pic en 2022 provoqué en partie par les sanctions prises à l’encontre de la Russie sur de nombreux produits de base alimentaires, le niveau des prix du poisson de consommation échangé ne devrait pas évoluer sensiblement pendant la période de projection (en termes réels) et, malgré quelques fluctuations, fléchir de seulement 3.4 % (‑1.3 % par an).
En termes réels, les prix de la farine de poisson diminueront de 16 % (‑1.2 % par an). Le prix des tourteaux oléagineux, concurrents directs sur le marché de l’alimentation animale, baissera davantage que celui de la farine de poisson, ce qui entraînera une légère augmentation du prix relatif de la farine de poisson par rapport à 2021, qui restera néanmoins nettement inférieur à celui de la décennie précédente. Les prix de l’huile de poisson devraient diminuer de 17 % (‑2.2 % par an) en termes réels, alors qu’ils avaient grimpé de 44 % au cours de la décennie précédente, principalement à la suite de la flambée des cours des huiles végétales, substitut direct. Plusieurs facteurs contribuent à cette baisse : le fléchissement anticipé du prix des huiles végétales, le ralentissement de la croissance de la production aquacole, l’utilisation plus efficiente des aliments à base d’huile de poisson dans le cycle de production en aquaculture, et une stabilisation de la demande d’oméga‑3 (présents en grande quantité dans l’huile de poisson) en tant que complément alimentaire pour l’alimentation humaine. Dans le cas de l’aquaculture, le prix relativement élevé des aliments à base d’huile de poisson a conduit à limiter leur utilisation à des étapes spécifiques du cycle de production où des aliments à haute teneur en nutriments sont nécessaires (par exemple, l’éclosion et la finition). Le prix de l’huile de poisson par rapport à l’huile végétale devrait se rapprocher progressivement du niveau moyen enregistré depuis l’établissement du nouveau plateau en 2012. De manière générale, le prix réel de l’huile et de la farine de poisson restera élevé par rapport aux niveaux d’avant 2005.
8.4. Risques et incertitudes
L’instabilité des marchés de l’énergie, les pratiques de gestion et les politiques environnementales pourraient avoir des répercussions importantes sur la filière du poisson
De nombreux facteurs influeront sur l’évolution et la dynamique des secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans le monde. Certaines incertitudes évoquées dans les précédentes éditions des Perspectives, comme l’état des stocks ou encore les politiques intérieures dans le secteur de la pêche, sont toujours d'actualité. Cependant, l’un des grands points d’interrogation de la présente édition est la guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui se répercute sur les chaînes de valeur et les échanges mondiaux, lesquels ne sont pas encore remis de la pandémie de COVID‑19. Une inconnue majeure pour le calcul des projections est l’ampleur de la hausse des coûts de production et de distribution au cours des dix années à venir et son incidence sur le taux d’inflation global. Les conflits, les chocs pétroliers, la pandémie, les sanctions commerciales, la pollution, le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes sont tous susceptibles d’augmenter les coûts de production dans l’ensemble de la filière du poisson.
Le coût des combustibles et des autres sources d’énergie est de plus en plus instable, comme l’ont montré les variations de prix observées depuis début 2020. La pandémie de COVID‑19 a entraîné un effondrement jamais vu de la consommation énergétique mondiale au cours des premiers mois de l'année 2020, à la suite de quoi les prix de nombreux combustibles ont atteint leurs plus bas niveaux depuis des décennies. Mais depuis, les prix ont remonté en flèche, principalement du fait d’une reprise économique mondiale rapide, d’une augmentation de l’offre moins soutenue que prévu, et d’un hiver froid dans l’hémisphère nord. La guerre de la Russie contre l’Ukraine a encore tiré les prix du pétrole et du gaz naturel vers le haut en Europe. Les dépenses de carburant forment le premier poste de coûts variables d’une flotte de pêche moderne. Bien que la consommation de carburant varie beaucoup en fonction des types d’engins utilisés, la rentabilité de la filière pêche et les niveaux d’efforts sont extrêmement sensibles aux coûts de l’énergie. Bien que l’aquaculture dépende moins directement des carburants, elle a besoin de grandes quantités d’énergie pour produire les aliments pour animaux mais aussi pour les opérations de pompage, d’aération, de réglage de la température et d’épuration des eaux usées. Les activités après capture et de transformation consomment également beaucoup de combustible. La forte hausse des échanges de poisson de ces dernières décennies, qui s’est traduite par une distribution du poisson plus étendue, des produits transformés plus sophistiqués et une dispersion géographique accrue des chaînes d'approvisionnement, a également contribué à l’augmentation des besoins en énergie. Compte tenu de tous ces éléments, les cours élevés du pétrole entameront la rentabilité des filières pêche et aquaculture à court terme, mais la volatilité des marchés de l'énergie risque de rester l’un des principaux enjeux que le secteur aura à gérer dans les dix années à venir.
Sur le plan des échanges, des décisions gouvernementales imprévues pourraient aussi se répercuter sur les projections. Une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, ou les sanctions imposées sur les importations russes par différents pays à la suite de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, font partie des nombreuses zones d’incertitude qui pèseront sur les échanges pendant la période de projection. Il est difficile de savoir si ces sanctions seront levées, renforcées ou maintenues durant l’ensemble des années considérées. Selon la durée de leur application, ces droits majorés ou ces interdictions pourraient réduire les volumes échangés, modifier la physionomie des échanges et entraîner une hausse des prix à la consommation. Dans tous les cas, les interdictions appliquées auront vraisemblablement des effets au moins à court terme sur certaines relations et flux commerciaux.
De manière générale, les secteurs de la pêche et de l’aquaculture devraient continuer à faire face à de nombreux défis, notamment le changement environnemental, la disponibilité des ressources, et certaines craintes quant à l’efficacité de la gouvernance. Le changement climatique en particulier représente une source d’incertitude importante qu’il est difficile d’intégrer dans les projections. Dans la pêche de capture, il peut avoir des conséquences sur l’emplacement et l’abondance des stocks ainsi que sur la composition des espèces, et donc engendrer des incertitudes à la fois pour les pêcheurs comptant exploiter les ressources et pour les responsables publics qui entendent les gérer. De plus, la pêche et l’aquaculture qui sont deux secteurs grands consommateurs de carburant et d’énergie plus généralement pourraient être confrontées à de nouvelles sources de risque réglementaire si les gouvernements cherchent à réduire les émissions de gaz à effet de serre, ce qui pourrait avoir un impact supplémentaire sur les coûts de l’énergie. À l'inverse, les politiques climatiques pourraient favoriser l'aquaculture et la production de capture, compte tenu du niveau relativement faible de leurs intensités d'émissions par rapport à d'autres systèmes de production de protéines. Compte tenu des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris au niveau international et national (engagements relatifs à la neutralité GES, réglementations de l’Organisation maritime internationale (OMI) sur les émissions, et Accord de Paris, par exemple), il semble probable que de nouvelles réglementations touchent la production aquacole et halieutique de manière imprévisible.
Malgré les progrès réalisés par plusieurs pays et régions où les stocks de poisson sont systématiquement supérieurs aux niveaux de reconstitution ciblés lorsque les pêches sont correctement gérées, il existe encore de nombreuses zones où les bonnes pratiques de gestion des pêches ne sont pas appliquées ou sont inefficaces, et où les stocks sont bas et se dégradent. Ces progrès inégaux persisteront si des mesures adéquates et efficaces ne sont pas mises en œuvre. L’aquaculture sera le principal moteur de l’augmentation de la production de poisson dans le monde, mais sa croissance est freinée par différents facteurs : distribution équitable, concurrence pour la terre, droits sur l’eau, diversité des espèces produites, et accès au crédit, à des semences et à des compétences. Il est nécessaire de bien gérer ces contraintes par une gouvernance réactive et efficace, des investissements plus importants, des améliorations en matière de technologies, d’innovations et de recherche, une production plus efficace et une rentabilité accrue. Il sera essentiel d'assurer la biosécurité sur le long terme et de soutenir de façon ciblée des systèmes de production durables et respectueux de l’environnement. Concernant ces aspects, l’un des nouveaux domaines prioritaires du Cadre stratégique de la FAO pour 2022‑2031 est la Transformation bleue, qui met l’accent sur des systèmes alimentaires bleus plus efficaces, plus inclusifs, plus résilients et plus durables, issus tant de la pêche que de l’aquaculture, encouragés par de meilleures politiques et programmes tournés vers une gestion intégrée reposant sur les données de la science, l’innovation technologique et la participation du secteur privé. La Transformation bleue propose un programme d'action pour lutter contre la faim et gérer les océans, les mers et les ressources marines de façon viable en conciliant durabilité environnementale, sécurité alimentaire et moyens de subsistance afin d'aider les États vulnérables à atténuer les effets souvent dévastateurs du changement climatique.
Notes
← 1. Dans le présent chapitre et dans cette publication, le terme « poisson » englobe les poissons, les crustacés, les mollusques et autres animaux aquatiques, mais ne comprend ni les mammifères et plantes aquatiques, ni les crocodiles, caïmans et alligators. Les quantités sont exprimées en équivalent poids vif, hormis celles concernant la farine et l’huile de poisson.
← 2. La consommation apparente correspond à la quantité de produits d’alimentation humaine disponible pour la consommation, un chiffre qui n’est pas égal à la consommation moyenne de produits comestibles. La consommation apparente est calculée en appliquant la formule suivante : production + importations – exportations – usages non alimentaires, +/- variation des stocks, chaque élément étant exprimé en équivalent poids vif.
← 3. Indice calculé en valeur nominale et englobant le poisson frais et transformé.
← 4. FAO, FIDA, UNICEF, PAM et OMS (2021), « État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde, 2021. Transformer les systèmes alimentaires pour que la sécurité alimentaire, une meilleure nutrition et une alimentation saine et abordable soient une réalité pour tous », Rome, FAO, http://www.fao.org/documents/card/fr/c/cb4474fr.
← 5. Les autres usages hors alimentation humaine comprennent : l’aquariophilie, la reproduction, l’alevinage, la pêche de loisir (amorces), la production pharmaceutique, et l’alimentation directe d’animaux d’élevage.