Ce chapitre décrit les principales tendances et les nouveaux enjeux auxquels le secteur agricole est confronté dans les six régions de la FAO : Asie et Pacifique (région constituée de l’Asie développée et de l’Est, et de l’Asie du Sud et du Sud-Est) ; Afrique subsaharienne ; Proche-Orient et Afrique du Nord ; Europe et Asie centrale ; Amérique du Nord ; Amérique latine et Caraïbes. Il met en relief les dimensions régionales des projections de la production, de la consommation et des échanges sur la période 2024-33, et apporte des informations générales sur l’incidence d’importantes spécificités régionales sur ces projections.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2024-2033
2. Synthèses régionales
Copier le lien de 2. Synthèses régionalesAbstract
Les synthèses régionales incluses dans les Perspectives présentent les grandes tendances pour les régions définies par la FAO pour mettre en œuvre son programme de travail mondial. Compte tenu de la diversité de ces régions, l’objectif des synthèses n’est pas de comparer leurs résultats, mais de mettre en évidence certaines des évolutions les plus récentes en insistant sur les réponses apportées aux défis mondiaux et sur les nouvelles tendances, et en soulignant comment ces éléments sont liés aux principaux messages des Perspectives. Les comparaisons proposées dans le cadre des évaluations sont généralement établies en considérant le terme de la période de projection des Perspectives (2033) et la période de référence 2021-23.
Au cours des dernières années, les systèmes agroalimentaires mondiaux ont subi de nombreuses secousses, notamment la pandémie de COVID-19, les conséquences de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, les fluctuations de l’approvisionnement liées aux conditions météorologiques dans certaines régions, la hausse brutale des prix de l’énergie, une crise du coût de la vie et la forte inflation. Dans plusieurs régions, la flambée des prix des produits alimentaires a eu des conséquences sur le coût et l’accessibilité financière d’une alimentation saine, ainsi que sur la sécurité alimentaire. L’ampleur de ces conséquences varie d’une région à l’autre en fonction des ressources disponibles, de la structure économique et du niveau de développement et de revenu propres à chacune. Les synthèses présentées ici ne contiennent pas d’évaluation quantitative des impacts de ces secousses, mais reflètent les projections macroéconomiques les plus récentes, à l’heure où le monde semble retrouver la voie de la normalité. Les tendances et les problématiques exposées dans ce chapitre sont celles sur lesquelles reposent les Perspectives à moyen terme, en faisant l’hypothèse, en dépit des incertitudes qui subsistent, que les effets négatifs sur la production, la consommation et les échanges des carburants et des produits destinés à l’alimentation humaine et animale s’estomperont peu à peu.
Le chapitre est divisé en sept sections dans lesquelles le texte, les tableaux et les graphiques sont organisés de manière similaire pour chaque région. Une section Contexte présente les principales caractéristiques de la région et décrit le cadre dans lequel s’inscrivent les projections de la production, de la consommation et des échanges détaillées dans les sections suivantes. Chaque synthèse régionale comporte une annexe qui fournit, sur la base de modèles communs, des graphiques et des tableaux décrivant les principaux aspects des projections pour la région concernée.
2.1. Perspectives régionales : Asie développée et de l’Est
Copier le lien de 2.1. Perspectives régionales : Asie développée et de l’Est2.1.1. Contexte
Le déclin de la population chinoise et la plus faible croissance des revenus ralentiront la croissance de la demande dans la régionL’Asie développée et de l’Est1 comprend des pays très différents, parmi lesquels la République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») et le Japon, qui sont respectivement les deuxième et troisième plus grandes économies mondiales. Ramenés au nombre d’habitants, les revenus varient de 9 298 USD en Chine à 64 182 USD en Australie. Cette région est la deuxième la plus peuplée parmi celles présentées dans ce chapitre. Elle abrite 21 % de la population mondiale, soit 1.6 milliard de personnes, dont la majorité vit en Chine. Il s’agit de la seule région dont la population devrait diminuer au cours de la prochaine décennie, principalement en raison du déclin démographique de la Chine et, dans une moindre mesure, du Japon. L’urbanisation a progressé rapidement et l’on estime que 73 % de la population vivra en milieu urbain en 2033, contre seulement 55 % en 2010. Ce phénomène d’urbanisation concerne principalement la Chine, puisque, d’après les estimations, 89 % de la population du reste de la région vivait déjà en milieu urbain en 2023. Les modèles nutritionnels de la Chine se stabilisent, mais l’urbanisation continue pourrait encore stimuler la demande de produits transformés et prêts à l’emploi.
Malgré les divers bouleversements mondiaux, la croissance des revenus dans la région s’est révélée notablement résiliente. Entre 2020 et 2023, le PIB par habitant a ainsi connu une croissance de 3 % par an, taux moyen qui intègre une contraction de 0.5 % en 2020. Si la croissance a reculé dans des pays comme le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elle s’est maintenue en Chine à 2 % par an. La région a connu un tel rebond économique que le PIB par habitant en 2021 dépassait dans tous les pays, à l’exception du Japon, celui d’avant 2020. Les difficultés mondiales apparues ensuite, et notamment la guerre de la Russie contre l’Ukraine, la hausse des prix de l’énergie ou encore la forte poussée inflationniste et le resserrement des politiques monétaires qui a suivi, ont freiné cette dynamique, mais la croissance est restée positive. Cette tendance devrait perdurer et l’on s’attend en 2024 à un taux de croissance de 4.7 % en Chine et de 3.3 % en moyenne pour la région Asie développée et de l’Est. D’après les prévisions à moyen terme, le revenu par habitant devrait augmenter de 2.8 % par an en moyenne, progression bien plus faible qu’il y a quelques années. L’inflation a ralenti, mais les investissements restent timides, en particulier en Chine puisque le pays subit les conséquences des efforts engagés par de nombreux pays, à la suite de la pandémie, pour relocaliser et soutenir leur production nationale, et être ainsi moins dépendants des approvisionnements étrangers. La fragmentation géoéconomique et la poursuite des politiques de réduction des risques menées par les autres grandes puissances économiques pourraient affaiblir la croissance à moyen terme, ces facteurs étant en effet susceptibles de favoriser le développement de la demande en produits nationaux au détriment des importations, et donc de provoquer un ralentissement de la croissance chinoise. La conjugaison d’une croissance économique affaiblie et du déclin démographique laisse penser que la Chine pourrait à l’avenir jouer un rôle moins important dans l’évolution de la demande alimentaire mondiale.
La part de la valeur ajoutée de l’agriculture et des pêches dans l’économie globale de la région est en recul et devrait continuer à diminuer en passant d’environ 4 % aujourd’hui à 3 % en 2033. La croissance économique s’est accompagnée d’une baisse de la part des dépenses alimentaires dans le budget total des ménages. Cette part s’établit désormais à 13 %, moyenne qui masque des écarts entre les pays puisqu’elle est de 17 % en Chine et de 8 % en Australie. Bien que les récentes secousses mondiales aient eu des effets préjudiciables à la sécurité alimentaire de la région, des mesures de protection mises en place dans certains pays ont permis de les atténuer. L’inflation des produits alimentaires a été contenue à un niveau plus bas que celui des autres régions du monde, et la baisse désormais amorcée du prix des produits agricoles permet de soutenir l’amélioration de l’accessibilité financière et de la sécurité alimentaire.
La part de l’agriculture primaire et de la valeur ajoutée de la pêche dans l’économie totale de la région est tombée à environ 4 % et devrait encore baisser pour atteindre 3 % d’ici 2033. Les ressources agricoles naturelles dont dispose la région reflètent la diversité des pays qui la composent. C’est ainsi en particulier que l’abondance de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande contraste avec les déficits de ressources majeurs auxquels la Chine, la Corée et le Japon sont confrontés. La région comprend donc à la fois de gros exportateurs et de gros importateurs de produits agricoles et alimentaires. La Chine, la Corée et le Japon figurent parmi les plus grands importateurs nets mondiaux de produits alimentaires. Grâce aux volumes de leurs échanges, ces pays disposent d’une influence considérable sur les marchés agricoles mondiaux et les chaînes de valeur alimentaires. À l’inverse, la Nouvelle-Zélande et l’Australie se classent parmi les dix plus gros exportateurs nets mondiaux de produits alimentaires, notamment de produits laitiers et d’origine animale. Les disparités en matière de ressources et la spécialisation des différents pays ont donné lieu à de vastes échanges intrarégionaux, dont les volumes ne cessent de s’amplifier. Ces échanges pourraient s’intensifier encore davantage à court terme pour pallier les difficultés rencontrées par l’industrie mondiale du fret maritime, les conflits aux abords de la mer Noire et de la mer Rouge entravant l’accès au canal de Suez, tout comme l’accès au canal de Panama est rendu incertain en raison du tarissement des ressources qui l’alimentent. Si l’on exclut l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les politiques interventionnistes des gouvernements des pays de la région ont une incidence déterminante sur les marchés locaux. Compte tenu de la taille des pays qui les appliquent et de leur poids dans les échanges mondiaux, toute évolution de ces politiques intérieures pourrait avoir des effets notables sur les marchés internationaux.
La région est confrontée à une multitude de défis, parmi lesquels une pénurie des ressources en eau et une forte exposition aux effets négatifs du changement climatique. Des sécheresses de plus en plus intenses se multiplient, en particulier en Australie, et cette situation va persister et même s’aggraver sous l’effet du changement climatique. En Chine, en Corée et au Japon, le manque de ressources naturelles entraîne un recours massif aux intrants, pratique contestée dans une perspective de développement durable. Des maladies telles que la peste porcine africaine et la grippe aviaire constituent actuellement les principaux risques auxquels est exposé le secteur de l’élevage. Les conséquences de ces maladies au cours des dernières années ont mis en lumière la nécessité de renforcer les mesures prophylactiques et de promouvoir la résilience des systèmes alimentaires.
Malgré ces difficultés, la valeur ajoutée de l’agriculture par unité de surface exploitée continue d’augmenter et devrait connaître une hausse de 0.6 % par an au cours de la prochaine décennie. Dans ce contexte de pénurie des ressources, la croissance durable ne sera possible qu’au prix de la poursuite des investissements en faveur de la productivité, de l’adaptation au climat et de la transition verte de la région.
2.1.2. Production
L’importance cruciale de la durabilité des gains de productivité
La région se classe à la première place mondiale par sa production agricole, halieutique et aquacole, ayant contribué à hauteur de près de 30 % de la production mondiale en valeur au cours de la période de référence 2021-23. D’ici à 2033, la valeur nette de la production devrait augmenter de 5.8 %, ce qui devrait se traduire par un léger recul de la part de la région dans la production mondiale. La Chine joue un rôle essentiel dans la production végétale, la production animale et la production halieutique et aquacole de la région. Le pays contribuait déjà pour près de 90 % à la valeur totale de la production au cours de la période de référence 2021-23, et le Graphique 2.1 montre qu’il sera également le seul moteur de la croissance au cours de la période couverte par les Perspectives. Alors que la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole de la Chine devrait progresser de 6.8 % d’ici à 2033, elle devrait reculer de 1 % dans le reste de la région, conséquence d’une baisse de la production au Japon et en Corée qui ne devrait pas être entièrement compensée par la hausse attendue en Australie et en Nouvelle-Zélande. Hormis la reprise du secteur de l’élevage après l’épizootie de peste porcine africaine, la croissance dans la région a globalement ralenti sous l’effet de l’arrivée à maturité des marchés intérieurs et de l’intensification de la concurrence commerciale.
La production végétale représente environ la moitié de la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole, contre 27 % pour les produits d’origine animale et 22 % pour la production halieutique et aquacole. Le secteur de la pêche et de l’aquaculture devrait connaître la croissance la plus rapide, avec une hausse de la production de près de 13 % qui porterait sa part dans la valeur totale de la production à 24 % en 2033, au détriment de la production végétale, qui ne progresserait quant à elle que de 3,4 %.
Dans le prolongement des tendances passées, la superficie totale des terres agricoles devrait diminuer de 7 Mha (moins de 1 %) au cours de la prochaine décennie. Cette évolution sera le résultat d’un recul des pâturages, qui représentent aujourd’hui plus de 80 % des terres agricoles, et d’une augmentation de l’ordre de 2 % de la surface des terres cultivées. Les projections relatives à l’utilisation des terres se fondent sur l’hypothèse que les gains de productivité joueront un rôle central dans la croissance, même si l’on s’attend à ce que ces gains augmentent moins vite que par le passé. La valeur produite par hectare de terre cultivée est déjà nettement plus élevée en Asie développée et de l’Est que dans n’importe quelle autre région du monde. Toutefois, la rareté des ressources en eau et l’usage disproportionné des engrais de synthèse suscitent de plus en plus d’inquiétudes quant à leurs effets sur l’environnement et sur la sécurité alimentaire. Par conséquent, la croissance d’ici à 2033 de la valeur par hectare grâce à l’épandage devrait être limitée et les gains de productivité devraient suivre une progression ralentie malgré une amélioration des variétés de semences et des méthodes de production. La conjugaison du panachage des cultures et de l’optimisation des procédés d’épandage devrait permettre, à consommation d’engrais égale, d’augmenter de 2 % le rendement énergétique des cultures.
Les surfaces cultivées sont essentiellement occupées par les céréales, ce qui explique la contribution significative de la région à la production mondiale de riz, de maïs et de blé. Le dynamisme du secteur de la transformation permet également à la région de détenir une part substantielle de la production mondiale de tourteau protéique et d’huile végétale, même si les oléagineux doivent être en grande partie importés. La Chine produit la quasi-totalité du maïs de la région, plus de 90 % du riz et environ 80 % du blé. Le reste du blé est principalement produit par l’Australie et celui du riz par le Japon. Compte tenu du déclin attendu de la production de riz au Japon et de blé en Australie (respectivement de 8 % et 4 %), le maïs devrait constituer le principal moteur de croissance pour la production de céréales en Asie développée et de l’Est.
La production animale représente 27 % de la production agricole, halieutique et aquacole totale, et une croissance de 5 % d’ici à 2033 suffirait à maintenir cette proportion. Conséquence de la contraction de la superficie des pâturages en Australie, en Chine, en Nouvelle-Zélande et au Japon, la croissance résulte principalement de l’intensification de la production et des gains de productivité. Plus de la moitié de la hausse de la production de viande devrait concerner la filière porcine, contre 20 % et 18 % respectivement pour les filières avicole et bovine.
Les tendances régionales en matière de production animale reflètent les tendances nationales de la Chine, qui représente plus de 80 % de la valeur totale de la production animale. Les filières porcine et avicole sont les deux principaux sous-secteurs et comptent respectivement pour 60 % et 26 % de la production totale de viande en Chine. La production de viande du pays devrait croître de 7 % d’ici à 2033, l’augmentation de la production de viande de porc constituant près des deux tiers de cette hausse. Fortement frappé par l’épizootie de peste porcine africaine en 2018, le cheptel porcin chinois a été en grande partie reconstitué et comptait plus de têtes en 2022 qu’en 2017. Cette reconstitution s’est accompagnée d’une restructuration du secteur, de nombreux petits producteurs ayant été remplacés par de grandes exploitations commerciales, dont la productivité est bien meilleure grâce au respect des règles de biosécurité et au recours à des solutions génétiques de premier ordre. En 2033, la production de viande en Chine devrait s’approcher des 60 Mt pour la filière porcine et pourrait dépasser 25 Mt pour la filière avicole et 8 Mt pour la filière bovine.
La part de l’Australie dans la production totale de viande en Asie développée et de l’Est est bien plus faible et les ressources du pays se prêtent mieux à la production de viande bovine, qui représente près de la moitié de la production nationale. L’Australie contribue ainsi à hauteur de 20 % à la production de viande bovine de la région. La hausse prévue de 15 % de la production de viande bovine australienne d’ici à 2033 devrait représenter 27 % de l’augmentation de cette production au niveau régional.
La part de l’Asie développée et de l’Est dans la production halieutique et aquacole mondiale est proche de 40 %, la Chine y contribuant pour plus de 90 %. La croissance de cette production est portée, Chine en tête, par l’aquaculture, secteur qui devrait représenter 83 % de la production halieutique et aquacole chinoise en 2033. Compte tenu du durcissement des exigences réglementaires pour favoriser le développement de pratiques durables, cette croissance devrait toutefois ralentir.
Les émissions totales de gaz à effet de serre (GES) imputables à l’agriculture devraient augmenter de 2.3 % dans la région d’ici à 2033, principalement tirées par la production végétale, dont les émissions pourraient augmenter de 5.3 % alors que celles de la production animale devraient diminuer (de moins de 0.1 %). Malgré ces hausses, la tendance à la baisse des GES par rapport à la valeur unitaire de la production agricole, halieutique et aquacole devrait se poursuivre, mais à un rythme plus lent. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 5.3 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient baisser de 3.9 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.1.3. Consommation
Une plus grande stabilité nutritionnelle en Chine stimule les préférences de la demande régionale
L’Asie de l’Est a connu une nette amélioration de sa sécurité alimentaire et l’impact des bouleversements récents n’a pas été aussi fort que dans d’autres régions. Bien que la pandémie de COVID-19 ait eu des effets sur le comportement des consommateurs et les chaînes d’approvisionnement agricoles, la solidité du PIB de la Chine et les mesures de soutien des revenus mises en place dans les pays développés ont permis de limiter les risques d’insécurité alimentaire. L’insécurité alimentaire (modérée ou grave) s’est légèrement aggravée en 2020, avant de diminuer rapidement et de se stabiliser à un niveau nettement inférieur à celui d’avant la pandémie, et ceci malgré le ralentissement de la croissance des revenus. Dans le même temps, la disponibilité totale en calories a augmenté de manière régulière et devrait atteindre 3 300 kcal par personne et par jour d’ici à 2033. Parmi les régions présentées dans ce chapitre, l’Asie développée et de l’Est se classe à ce titre au troisième rang, seules l’Amérique du Nord et l’Europe faisant mieux. Cela traduit des niveaux de revenu des habitants généralement élevés dans la plupart des pays de ces régions. Si l’on tient compte du gaspillage estimé des ménages, l’apport calorique total devrait toutefois s’établir à moins de 2 850 kcal par personne et par jour. D’après les estimations, le cumul du gaspillage et des pertes alimentaires dans la région se situerait 9 % sous la moyenne mondiale. Le gaspillage concerne en premier lieu les produits végétaux, en particulier les céréales qui représentent plus de la moitié des produits gaspillés, ainsi que les produits périssables tels que les fruits et les légumes frais, dont la consommation dans la région est très élevée (Graphique 2.2). D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD, l’apport calorique dans la région pourrait croître de 2.6 % par rapport au niveau de référence et le nombre de personnes sous-alimentées dans la région pourrait diminuer de 14 %, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait augmenter de 6.2 % par rapport à son niveau moyen de la période de référence 2021-23.
Seule région dont la population devrait diminuer d’ici à 2033, l’Asie développée et de l’Est se distingue par des pyramides des âges singulières, qui pourraient avoir une incidence sur l’évolution de la demande. En Corée et au Japon, le taux de dépendance liée à l’âge est déjà élevé et devrait encore augmenter (UN DESA, 2024[1]). Il est communément admis que le vieillissement de la population aura un effet d’atténuation de la croissance globale de la consommation alimentaire. En Chine, l’augmentation de la dépendance liée à l’âge s’accompagne d’une urbanisation rapide, ce qui devrait aboutir à une plus forte consommation d’aliments prêts à l’emploi, de sucres et de matières grasses, bien qu’à un rythme beaucoup plus lent que par le passé. La consommation de sucre est celle qui, parmi tous les groupes d’aliments, devrait augmenter le plus. La consommation d’huile végétale, dont le niveau en valeur absolue est déjà élevé, connaît une croissance ralentie ; elle devrait être supérieure à 26 kg par habitant en 2033, et ainsi dépasser la moyenne mondiale de 65 %.
Compte tenu des niveaux de revenu et de développement généralement élevés et de la maturité des marchés dans la plupart des pays de la région, les changements dans la composition du régime alimentaire sont limités. Même en Chine, où de tels changements ont été rapides dans le passé, une croissance plus faible des revenus devrait ralentir considérablement le rythme de changement. D’ici à 2033, la hausse de la consommation par habitant de produits à base de sucre devrait s’établir à 17 %, tandis que celle de produits halieutiques et aquacoles, de produits laitiers et de viande devrait être respectivement de 13 %, 12 % et 7 %. La consommation d’aliments de base devrait, quant à elle, augmenter de moins de 0.5 %.
La disponibilité en protéines devrait également augmenter, la Chine étant le pays de la région où la croissance de cette disponibilité, de 40 % supérieure à la croissance mondiale, devrait être la plus forte, comme elle l’est d’ailleurs déjà aujourd’hui. C’est une hausse de 10 g par personne et par jour qui est attendue d’ici à 2033, et elle proviendra pour près de 42 % de produits d’origine végétale, pour 31 % de la viande et pour 17 % de produits halieutiques et aquacoles. Une hausse plus limitée est par ailleurs prévue en Corée (2.8 g par personne et par jour) et en Australie (2.9 g par personne et par an), tandis que c’est une diminution qui devrait être observée au Japon et une relative stabilité en Nouvelle-Zélande.
La région, Chine en tête, représente un peu plus du quart de la consommation mondiale d’aliments pour animaux. D’ici à 2033, l’utilisation de produits d’alimentation animale devrait augmenter de 10 % sous l’effet conjugué de la croissance de la production de viande, notamment en Chine, d’une intensification des pratiques d’alimentation animale liée à la modernisation des systèmes de production, et d’une optimisation de l’alimentation dans les élevages intensifs de porcs et de volailles. Les systèmes de production à grande échelle et à vocation purement commerciale, de plus en plus répandus en Chine, font un usage plus intensif des aliments pour animaux que les petits producteurs aux méthodes plus traditionnelles, mais les exploitations dont l’environnement est contrôlé et qui appliquent des solutions génétiques améliorées peuvent se prévaloir de taux de conversion alimentaire bien meilleurs. Malgré ces gains d’efficacité, l’intensification de l’alimentation animale s’accompagne d’une croissance de la consommation des aliments pour animaux qui devrait rester supérieure à la croissance de la production de viande en Chine au cours de la période couverte par les Perspectives, mais l’écart devrait se réduire de manière significative par rapport à la dernière décennie.
Le maïs et le tourteau protéique restent les ingrédients de base de la plupart des prémélanges et représentent près de 70 % des composants de l’ensemble des aliments pour animaux. Au cours de la prochaine décennie, l’utilisation dans la région de ces ingrédients dans les aliments pour animaux devrait croître de 12 % pour le maïs et de 14 % pour le tourteau protéique.
La consommation d’éthanol de la Chine représente 80 % de la consommation régionale, qui elle-même représente environ 10 % de la consommation mondiale. Alors que la production d’éthanol n’est pas suffisamment encouragée, que les stocks de ce produit sont réduits et que la demande d’aliments pour animaux augmente, le taux d’incorporation en Chine devrait passer de 1.6 % pendant la période de référence à 2.5 % en 2033, bien en deçà de l’objectif ambitieux de 10 %. Cette hausse se traduira par une croissance de 10 % de la consommation d’éthanol entre la période de référence (2021-23) et 2033. La part de la Chine dans la consommation mondiale s’élèvera alors à 7.4 %.
2.1.4. Échanges
Un groupe hétéroclite d’importateurs et d’exportateurs nets
Parmi les régions présentées dans ce chapitre, l’Asie développée et de l’Est se classe deuxième des régions importatrices nettes et devrait se hisser à la première place d’ici à 2033. Le déficit continue de se creuser, mais à un rythme nettement plus lent que par le passé. Il s’explique par la présence de grands pays importateurs en Asie de l’Est, au premier rang desquels la Chine, présence qui occulte celle d’exportateurs nets dans la région Océanie. Les principaux produits importés en Asie de l’Est sont le soja, le maïs, le blé, l’orge, le sorgho, la viande et l’huile végétale. L’Océanie, quant à elle, est exportatrice nette de blé, d’orge, de colza, de produits laitiers, de viande et de sucre.
La valeur nette des importations de la région devrait augmenter de 11 % entre la période de référence (2021-23) et 2033. Cette hausse correspondra pour environ 85 % aux importations chinoises et en grande partie aux importations de maïs et de soja destinées à son industrie croissante d’aliments pour animaux. Alors que la production de viande ne cesse de se développer et de s’intensifier en Chine, les importations de maïs et de soja, principalement en provenance du Brésil et des États-Unis, devraient augmenter respectivement de 1.4 % et 0.8 % par an au cours de la période couverte par les Perspectives. Compte tenu de cette hausse, la Chine devrait représenter 61 % des importations mondiales de soja et 13 % des importations mondiales de maïs en 2033. Les exportations de soja des États-Unis vers la Chine pourraient, au moins à court terme, être perturbées par la réduction du trafic dans le canal de Panama en raison de la baisse du niveau de l’eau dans le contexte actuel de sécheresse. L’augmentation de la production de viande entraîne également une baisse de la dépendance vis-à-vis des pays exportateurs, ce qui devrait se traduire par un recul de 17 % des importations au cours de la décennie 2024-33. Ces tendances rendent compte à la fois des ressources dont dispose la Chine, des efforts engagés pour se rapprocher de l’autosuffisance en matière de produits carnés ainsi qu’à la politique de relance qui a fait suite à l’épizootie de peste porcine africaine et qui a conduit à l’intensification rapide de l’industrie de viande porcine et à des investissements en faveur d’un renforcement de la production avicole. La diminution des importations de viande porte donc en grande partie sur les importations de viande de porc et de viande de volaille, les importations de viande bovine devant quant à elles continuer de croître au cours des dix prochaines années, à un rythme de 1.3 % par an. L’Australie, géographiquement bien située et l’un des cinq principaux fournisseurs actuels de la Chine en viande bovine, devrait pouvoir satisfaire une large part de cette demande supplémentaire.
Au cours de la période couverte par les Perspectives, les exportations nettes de la région devraient connaître une hausse de 13 %, dont les deux tiers seront attribuables à la Chine et près d’un tiers à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande réunies. La hausse des exportations chinoises repose principalement sur les produits halieutiques et aquacoles, et celle des exportations australiennes et néo-zélandaises sur la viande, le sucre, les légumineuses et les produits laitiers. L’Océanie est une région bien connue pour ses exportations d’autres produits, mais celles-ci devraient marquer un fléchissement au cours de la prochaine décennie. Les exportations de blé australien, du fait d’une production en déclin, devraient baisser de 9 %, mais continueront de représenter 10 % des exportations mondiales de cette céréale, et l’importance du pays en tant que fournisseur est un élément à considérer dans le contexte de la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Malgré sa faible superficie, la Nouvelle-Zélande représente respectivement 30 % et 23 % des exportations mondiales de viande ovine et de produits laitiers. Alors que la superficie de ses pâturages se réduit de plus en plus et devrait encore diminuer au cours de la période couverte par les Perspectives, les exportations de produits laitiers devraient croître de seulement 6 % et les exportations de viande ovine pourraient légèrement reculer. La part de la Nouvelle-Zélande dans les exportations mondiales devrait ainsi décroître pour ces deux catégories de produits.
Tableau 2.1. Indicateurs régionaux : Asie développée et de l’Est
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Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
1 571 213 |
1 632 941 |
1 608 552 |
-1.49 |
0.29 |
-0.16 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
10.03 |
14.02 |
19.20 |
36.98 |
3.22 |
2.77 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
818.3 |
889.6 |
941.1 |
5.79 |
0.47 |
0.58 |
Valeur nette de la production végétale3 |
415.1 |
446.9 |
461.9 |
3.37 |
0.59 |
0.42 |
Valeur nette de la production animale3 |
232.3 |
242.9 |
254.3 |
4.69 |
-0.05 |
0.31 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
170.8 |
199.8 |
224.8 |
12.53 |
0.82 |
1.23 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
554 321 |
637 787 |
668 797 |
4.86 |
0.91 |
0.56 |
Légumineuses |
7 384 |
9 156 |
10 194 |
11.34 |
3.08 |
0.75 |
Racines et tubercules |
40 843 |
54 000 |
57 548 |
6.57 |
3.24 |
0.26 |
Oléagineux4 |
44 402 |
63 507 |
69 553 |
9.52 |
4.77 |
0.64 |
Viande |
92 111 |
104 731 |
112 102 |
7.04 |
0.85 |
0.44 |
Produits laitiers5 |
9 195 |
10 551 |
11 482 |
8.83 |
1.36 |
0.62 |
Produits halieutiques et aquacoles |
60 758 |
71 734 |
80 778 |
12.61 |
0.97 |
1.23 |
Sucre |
17 622 |
14 318 |
15 597 |
8.93 |
-0.99 |
0.97 |
Huile végétale |
22 832 |
31 570 |
35 903 |
13.73 |
2.18 |
0.79 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
1 462 |
3 268 |
3 452 |
5.63 |
9.90 |
-1.03 |
Éthanol |
9 198 |
10 756 |
11 937 |
10.99 |
0.68 |
0.98 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
931 796 |
906 817 |
900 103 |
-0.74 |
0.01 |
-0.07 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
159 845 |
160 118 |
163 380 |
2.04 |
0.03 |
0.18 |
Superficie totale des pâturages7 |
771 952 |
746 698 |
736 723 |
-1.34 |
0.00 |
-0.12 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
961 |
834 |
853 |
2.31 |
-1.55 |
0.26 |
Imputables à la production végétale |
458 |
355 |
374 |
5.28 |
-2.77 |
0.50 |
Imputables à la production animale |
487 |
464 |
464 |
-0.05 |
-0.53 |
0.06 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Consommation quotidienne de calories alimentaires par habitant8 (kcal) |
2 909 |
3 151 |
3 296 |
4.59 |
0.79 |
0.28 |
Consommation quotidienne de protéines alimentaires par habitant8 (g) |
105.0 |
118.8 |
127.5 |
7.35 |
1.38 |
0.46 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
156.2 |
162.0 |
162.9 |
0.52 |
0.58 |
0.01 |
Viande |
40.6 |
45.8 |
49.0 |
7.04 |
1.73 |
0.54 |
Produits laitiers5 |
4.4 |
5.2 |
5.6 |
8.99 |
2.85 |
0.83 |
Produits halieutiques et aquacoles |
37.0 |
43.2 |
48.2 |
11.48 |
1.37 |
1.20 |
Sucre |
11.5 |
11.5 |
12.9 |
12.32 |
-0.06 |
1.14 |
Huile végétale |
20.5 |
24.3 |
26.1 |
7.24 |
1.35 |
0.32 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
- 68 |
- 129 |
- 140 |
8.61 |
||
Valeur des exportations3 |
112 |
122 |
138 |
12.84 |
0.16 |
1.33 |
Valeur des importations3 |
180 |
251 |
278 |
10.66 |
2.71 |
0.82 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (base calorique)10 |
86 |
82 |
81 |
-0.77 |
-0.36 |
0.03 |
Notes : 1. En USD constant de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 4. Les oléagineux désignent le soja et les autres graines oléagineuses. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Bases de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.2. Perspectives régionales : Asie du Sud et du Sud-Est
Copier le lien de 2.2. Perspectives régionales : Asie du Sud et du Sud-Est2.2.1. Contexte
Une forte demande tirée par la croissance démographique et la hausse soutenue des revenus
L’Asie du Sud et du Sud-Est abrite 35 % de la population mondiale, ce qui en fait la région la plus peuplée de toutes celles présentées dans ce chapitre. Un peu plus de la moitié de ses 2.7 milliards d’habitants se trouvent en Inde. Ses terres agricoles (575 Mha) ne représentent toutefois que 12 % de la superficie agricole mondiale, ce qui correspond à une superficie moyenne de 0.2 ha par habitant, soit un tiers seulement de la moyenne mondiale (0.6 ha). Avec une croissance démographique estimée à 10 % d’ici à 2033, la pression sur les ressources devrait s’accroître, renforçant ainsi la nécessité de favoriser toujours plus les gains de productivité, facteurs indissociables de la croissance passée. Compte tenu de la pression qui pèse actuellement sur les ressources de la région, le développement de la productivité ne pourra pas s’affranchir des contraintes de durabilité.
La région comprend un ensemble de pays très hétérogènes, tant du point de vue du niveau de revenu que de celui du développement. Le revenu moyen s’élève à 3 273 USD par habitant, soit le deuxième le plus faible parmi les régions présentées dans ce chapitre, seul le revenu moyen en Afrique subsaharienne lui étant inférieur. Cette moyenne masque cependant de fortes disparités puisque le revenu varie de 1 350 USD par habitant dans les pays les moins développés, à 12 488 USD par habitant en Malaisie et plus de 60 000 USD par habitant à Singapour. L’urbanisation progresse lentement dans toute la région et le pourcentage de la population vivant en zone urbaine devrait dépasser les 47 % en 2033, contre 41 % en moyenne en 2021-23.
Estimée à près de 4 % par an au cours de la prochaine décennie, la hausse du revenu par habitant devrait dépasser celle de toutes les autres régions. La croissance des revenus s’est montrée particulièrement résiliente, comme en témoigne le rebond observé après la récession liée à la pandémie de COVID-19, et les résultats se sont révélés solides en résistant à l’épreuve des crises provoquées par la guerre de la Russie contre l’Ukraine, la hausse des coûts de l’énergie et le resserrement des politiques monétaires mondiales visant à enrayer la forte inflation. Dans plusieurs pays disposant de réserves énergétiques ou de stocks de produits, le rebond initial a été favorisé par l’élévation des prix des produits, tendance qui s’est depuis inversée.
Sous l’effet de la forte croissance économique, la part moyenne de l’alimentation dans le budget des ménages de la région a chuté à moins de 17 %. Toutefois, dans les pays les moins développés de la région, cette part peut atteindre jusqu’à 27 %2. Dans ces pays, où les consommateurs consacrent déjà une part plus élevée de leur budget à l’alimentation, le taux d’inflation élevé (près de 10 % en moyenne entre 2021 et 2023, avec un pic à 11 % en 2022) peut avoir de graves conséquences sur la sécurité alimentaire. Ce risque s’est matérialisé en 2021 en Asie du Sud-Est, où une hausse de la prévalence de l’insécurité alimentaire, modérée ou grave, a été observée. Même si la situation s’est depuis légèrement améliorée grâce à la croissance soutenue des revenus, la prévalence de l’insécurité alimentaire et de la sous-alimentation en Asie du Sud et du Sud-Est demeure nettement supérieure au niveau prépandémique.
Compte tenu de la croissance démographique, de l’urbanisation et de la hausse du pouvoir d’achat, la demande en produits alimentaires devrait continuer d’augmenter fortement. Il est cependant plus difficile de prévoir l’évolution des préférences des consommateurs, en particulier en matière de produits d’origine animale. L’urbanisation s’accompagne généralement d’une consommation accrue de produits de plus grande valeur et d’aliments transformés et prêts à l’emploi, mais une grande partie de la population est végétarienne (en particulier en Inde) ou opposée à la consommation de viande porcine. Par conséquent, même si les régimes alimentaires varient au sein de la région et que la demande de produits carnés augmente rapidement dans certains pays, il est possible que l’évolution du régime alimentaire de l’Asie du Sud et du Sud-Est se distingue de celle des autres régions.
La région présente une balance commerciale faiblement excédentaire qui traduit, entre autres, la présence de plusieurs grands importateurs et exportateurs de produits agricoles et alimentaires. L’Asie du Sud-Est est considérée comme un acteur de premier plan dans de nombreuses chaînes de valeur mondiales, notamment dans le domaine des produits halieutiques et aquacoles, du manioc, des huiles végétales et des produits transformés qui en sont dérivés.3 À l’heure actuelle, la sous-région exporte environ un tiers de sa production agricole, halieutique et aquacole, le riz et les huiles végétales représentant respectivement une part de marché de 82 % et 61 % à l’échelle mondiale. Cette performance commerciale pourrait être compromise par les difficultés d’acheminement des marchandises via la mer Rouge. Le canal de Suez est l’axe commercial le plus court reliant l’Asie du Sud-Est à l’Europe, et les autres voies maritimes permettant d’éviter les perturbations actuelles représentent un allongement de la durée de transport et un surcoût important.
La région fait face à des difficultés majeures pour accroître de façon durable sa productivité et stimuler l’innovation, en raison notamment du manque de ressources, du changement climatique et de la forte croissance démographique. Elle représente toujours, en dépit des progrès accomplis, près d’un tiers de la population mondiale souffrant de sous-alimentation. Pour continuer à renforcer la sécurité alimentaire, il est nécessaire que la hausse des revenus se poursuive, alors même que le contexte géopolitique de plus en plus fragmenté et une augmentation du coût des échanges se traduisent par un environnement international moins favorable. Par conséquent, la nature et la portée des dispositifs d’intervention à mettre en œuvre sur les marchés intérieurs ainsi que leur incidence sur les échanges commerciaux internationaux figurent parmi les principales questions que les pouvoirs publics doivent examiner.
2.2.2. Production
Des gains de productivité durables sont indispensables pour contrebalancer l’insuffisance des ressources
L’Asie du Sud et du Sud-Est se classe au deuxième rang mondial pour la valeur totale de sa production agricole, halieutique et aquacole, après l’Asie développée et de l’Est. Avec un taux de croissance de 1.8 % par an au cours de la période couverte par les Perspectives, la région est l’une des plus dynamiques et devrait représenter, d’ici à 2033, la part la plus importante de la croissance de la production mondiale. Près de la moitié de la valeur de sa production agricole provient de la production végétale, mais cette part diminue puisque la croissance de la production animale est plus rapide.
Malgré une augmentation de seulement 3.5 % de la superficie agricole qui lui est consacrée, la production végétale devrait progresser de 17 % entre la période de référence 2021-23 et 2033. Cette hausse souligne l’accélération de la croissance de la valeur produite par hectare, conséquence de l’intensification des pratiques de production, d’une évolution du panachage des cultures et d’une amélioration de la productivité. L’augmentation de 17 % du taux d’épandage d’engrais, en partie favorisée par la normalisation des prix après les records de 2022, contribuera aux gains de productivité attendus.
La région contribue pour une part importante à la production mondiale de divers produits alimentaires tels que le riz, le blé, l’huile végétale, les légumineuses et le sucre. Cette part devrait rester stable pour les légumineuses et l’huile végétale, et s’accroître pour tous les autres produits. La production de céréales de la région se concentre principalement en Inde, en Indonésie, au Pakistan et dans des PMA tels que le Bangladesh, le Cambodge et le Myanmar, l’Inde représentant à elle seule la moitié de la production, contre 15 % pour les PMA. L’Inde est également le pays qui porte l’essentiel de la croissance de la production, en particulier à hauteur de 80 % pour le blé et de 45 % pour le riz. La croissance de la production de blé en Inde devrait résulter d’une augmentation de 7 % de la superficie dédiée à cette culture, tandis que la croissance de la production de riz sera presque exclusivement liée à une hausse des rendements. Les PMA devraient également contribuer à hauteur de 27 % à la croissance de la production de riz grâce à une légère expansion (3.3 %) de la superficie des rizières d’ici à 2033 et à une hausse des rendements de 1.5 % par an au cours de la décennie.
La prédominance du poids de l’Inde concerne également le sucre, le pays assurant près de 60 % de la production régionale. Toutefois, cette part devrait baisser, car la croissance de 1.9 % par an attendue en Thaïlande devrait permettre à ce pays de voir sa contribution à la production régionale passer de 17 % pendant la période de référence 2021-23 à 21 % en 2033. Cette augmentation de la part de la Thaïlande s’appuiera principalement sur des gains de productivité, puisqu’elle résultera, entre la période de référence et 2033, d’une hausse des rendements de 24 % et d’un accroissement de la superficie des cultures de canne à sucre de seulement 5 %. L’amélioration des variétés et des méthodes d’extraction devrait contribuer aux gains de productivité.
Grâce à la Malaisie et à l’Indonésie, l’Asie du Sud et du Sud-Est contribue à hauteur de 44 % à la production mondiale d’huile végétale et à hauteur de 88 % à la production mondiale d’huile de palme. Le secteur de l’huile de palme est confronté à des difficultés croissantes, notamment en raison des inquiétudes relatives à sa durabilité et d’un rejet de plus en plus fort des consommateurs, en particulier dans les pays à revenu élevé. Dans ce contexte, et compte tenu également de l’exposition du secteur aux effets préjudiciables du changement climatique, des nombreuses perturbations d’origine météorologique survenues ces dernières années, des contraintes de mobilité de la main-d’œuvre et des coûts de financement élevés, le renouvellement des plantations d’huile de palme vieillissantes a été limité. Cette régénération serait pourtant indispensable pour favoriser la hausse de rendement de manière à soutenir la croissance de la production. Si les conditions restent semblables à la situation de référence, la production d’huile de palme dans la région ne devrait croître que de 0.7 % par an, contre près de 3 % par an au cours de la dernière décennie. Les trois quarts de la production supplémentaire attendue devraient provenir d’Indonésie.
D’ici à 2033, la valeur de la production animale dans la région devrait augmenter de 38 %, portant la part de ce secteur dans la valeur ajoutée agricole totale à plus de 30 %, contre seulement 27 % pendant la période de référence 2021-23. Cette croissance est soutenue par la hausse de la production de produits laitiers, principalement en Inde et au Pakistan, d’où est issue plus de 90 % de la production régionale. L’augmentation de 38 % de la production laitière résultera à la fois d’un accroissement de 23 % du nombre de têtes et d’une augmentation de 13 % du rendement par vache laitière de 13 %. L’expansion du cheptel indien contribuera aux deux tiers à celle du cheptel régional.
La croissance de la production de viande est dominée par la production de volaille, qui représentait déjà la moitié de la production totale de viande dans la région au cours de la période de référence, et qui était à l’origine de 55 % de la croissance de ce secteur. La croissance sera due en grande partie aux améliorations génétiques et à l’intensification de l’alimentation animale. La production de viande porcine est peu développée dans la région et se concentre surtout au Viet Nam et en Thaïlande. Le Viet Nam a surmonté les effets dévastateurs de l’épizootie de peste porcine africaine qu’il a subis en 2018, et une croissance de 3.6 % par an lui permettra d’assurer la moitié de la croissance de la production régionale de viande porcine d’ici à 2033. La production régionale de viande bovine devrait quant à elle augmenter de 2 % par an, et la part cumulée de l’Inde et du Pakistan dans cette production devrait rester de 70 % jusqu’en 2033.
La production halieutique et aquacole représente 22 % de la production agricole totale, taux plus élevé que dans la plupart des autres régions. Toutefois, avec une croissance de 12 % à l’horizon 2033, sa progression est la plus faible parmi les trois sous-secteurs de l’agriculture, d’où une réduction progressive de sa part relative. Le secteur de la pêche enregistre une croissance faible en raison des ressources limitées, et a été dépassé en 2023 par l’aquaculture qui, à l’inverse, a fortement progressé. L’aquaculture devrait représenter 54 % de la production totale en 2033, avec une croissance ramenée de 5 % par an au cours de la dernière décennie à 2 % par an. Cette évolution reflète l’importance accrue de la durabilité dans les considérations politiques.
Entre la période de référence 2021-23 et 2033, les émissions directes totales de GES imputables à l’agriculture devraient s’accroître de 7.2 % sous l’effet conjugué des activités de production animale et végétale. Tandis que les émissions liées à la production végétale progresseront de 7.3 %, celles dues à l’élevage, sous l’effet d’un accroissement du cheptel régional de ruminants, augmenteront de 0.6 % par an, rythme légèrement plus faible qu’au cours de la dernière décennie. En 2033, 29 % des émissions mondiales de GES liées à l’agriculture seront imputables à l’Asie du Sud et du Sud-Est, soit plus que la part des émissions de n’importe quelle autre région, et également légèrement plus que ce que ce taux régional a été au cours de la période de référence (28 %). Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 4.8 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient n’augmenter que de 0.5 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.2.3. Consommation
Les préférences des consommateurs de la région sont diversifiées, mais le poids de l’Inde sur la consommation régionale reste dominant.
Après d’importantes avancées en matière de sécurité alimentaire, la conjugaison de la baisse des revenus pendant la pandémie de COVID-19 et de la forte inflation des produits alimentaires au moment même où les revenus repartaient à la hausse a fortement pesé sur l’accessibilité financière au sein de la région. Par conséquent, malgré quelques progrès modestes en 2022, la prévalence de l’insécurité alimentaire et de la sous-alimentation est restée nettement au-dessus du niveau prépandémique. Portée par une solide croissance des revenus et par une baisse du prix des produits agricoles, l’amélioration de la disponibilité en calories devrait s’accélérer. Elle devrait ainsi, d’ici à 2033, augmenter de 270 kcal par personne et par jour, pour dépasser le seuil de 2 800 kcal, qui est inférieur de 5 % à la moyenne mondiale. En intégrant le gaspillage domestique, elle devrait s’établir à 2 455 kcal par personne et par jour. Le gaspillage et les pertes alimentaires sont relativement élevés en Asie du Sud et du Sud-Est, puisqu’on estime qu’ils sont de 22 % supérieurs à la moyenne mondiale. Les céréales représentent plus de la moitié du gaspillage et des pertes de calories, ce qui est un indicateur de leur prépondérance dans le panier alimentaire moyen, contre 12 % pour les autres produits végétaux tels que les fruits et légumes (Graphique 2.6). D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD, et d’après le scénario des Perspectives, l’apport calorique dans la région pourrait croître de 6.2 % par rapport au niveau de référence, et le nombre de personnes sous-alimentées dans la région pourrait diminuer de 24 %, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait augmenter de 14.6 % par rapport à son niveau moyen de la période de référence 2021-23 et le nombre de personnes sous-alimentées dans la région diminuerait de 165 millions.
Sous l’effet conjugué d’un pouvoir d’achat accru et d’une urbanisation lente mais continue, les habitudes alimentaires devraient théoriquement évoluer vers un régime incluant davantage de produits caloriques et riches en nutriments (Reardon et al., 2014[2]; Law, Fraser and Piracha, 2020[3]). Toutefois, le contenu du panier moyen reflétera aussi les préférences des consommateurs, préférences quelque peu atypiques puisqu’une part importante de la population de la région est végétarienne. La croissance de l’apport calorique repose ainsi sur un mix de céréales, de produits laitiers, d’huile végétale, de sucre et de légumineuses, et dans une moindre mesure de viande.
Les céréales représentent encore 53 % des calories disponibles à la consommation dans la région. Toutefois, bien que cette catégorie de produits reste populaire, comme en témoigne l’augmentation attendue de la consommation de blé (1.1 % par an et par personne) et de riz (0.2 % par an et par personne), une lente diversification est à prévoir. Dans plusieurs pays tels que le Viet Nam, l’Iran et la Thaïlande, la consommation de riz par habitant diminuera au profit du blé. En outre, d’ici à 2033, la part des céréales dans la consommation totale de calories devrait diminuer et s’établir à 52 %, tandis que la contribution des produits laitiers, des huiles végétales ainsi que des fruits et légumes devrait augmenter légèrement.
L’apport protéique moyen dans la région reste très inférieur à la moyenne mondiale, mais avec des gains de 9 g par personne et par jour d’ici à 2033, l’écart ne devrait plus être que d’environ 14 %. Cette évolution s’explique par une consommation accrue de produits laitiers et de protéines d’origine végétale, mais également par une augmentation, certes plus modeste, de la consommation de viande. La consommation régionale de produits laitiers par habitant est déjà 16 % plus élevée que la moyenne mondiale et cet écart devrait augmenter pour atteindre 35 % en 2033. Ce constat est quelque peu faussé par le poids de l’Inde, où les produits laitiers et les légumineuses représentent respectivement 27 % et 15 % des protéines supplémentaires consommées. La part de la viande dans l’apport protéique supplémentaire sera en revanche plus élevée en Malaisie (84 %), au Viet Nam (62 %), aux Philippines (49 %) et en Indonésie (28 %). Particulièrement basse dans la région, la consommation de viande ne représentait que 33 % de la moyenne mondiale au cours de la période de référence 2021-23, mais devrait croître pour atteindre 40 % d’ici à 2033. Au niveau régional, la volaille représentera plus de la moitié de la consommation supplémentaire de viande, même si la croissance au Viet Nam et en Thaïlande sera surtout portée par la croissance de la consommation de la viande porcine.
L’Asie du Sud et du Sud-Est représente 16 % de la consommation mondiale d’aliments pour animaux, la part de l’Indonésie et du Viet Nam étant significative, même si le poids de l’Inde reste dominant. Soutenue par l’accroissement des cheptels et par l’intensification de l’alimentation animale aussi bien dans le secteur de la viande que dans celui des produits laitiers, la consommation de ces aliments devrait augmenter de 25 % entre la période de référence 2021-23 et 2033. L’évolution des pratiques de production, des technologies et de la génétique, associée à la part croissante de la volaille dans la production de viande, devrait permettre d’obtenir des taux de conversion alimentaire bien meilleurs. Cela se traduira par une croissance de la consommation des aliments pour animaux plus lente que celle de la production de viande et de lait. D’ici à 2033, l’utilisation de maïs et de tourteau protéique, principaux ingrédients des aliments pour animaux, devrait augmenter de 31 % et 26 % respectivement, ce qui correspond à une hausse cumulée de 57 %.
L’Asie du Sud et du Sud-Est est une région fortement consommatrice de biocarburants ; elle compte respectivement pour 8 % et 23 % de la consommation mondiale d’éthanol et de biodiesel. D’ici à 2033, la région devrait également jouer un rôle majeur dans la croissance de la consommation mondiale d’éthanol et de biodiesel, sa contribution à cette croissance étant estimée à 35 % et 39 % respectivement. Dans le cas de l’éthanol, cette hausse reflétera en grande partie l’augmentation de la consommation de l’Inde, où l’éthanol de canne à sucre devrait jouer un rôle déterminant pour atteindre un taux d’incorporation de 15 % en 2025 et de 17 % en 2033. La croissance de la consommation de biodiesel en Asie du Sud et du Sud-Est sera quant à elle portée par une augmentation de la demande du secteur du transport et par les applications industrielles. La Thaïlande a fixé des objectifs d’incorporation dans le cadre de son plan de développement des énergies alternatives et il est prévu que le taux d’incorporation appliqué par l’Indonésie se maintienne au-dessus de son objectif ambitieux de 30 %. La consommation de biodiesel en Indonésie devrait de ce fait augmenter de 56 % au cours de la période couverte par les Perspectives, et représentera alors plus de 80 % de la consommation supplémentaire de biodiesel de la région, contribuant ainsi à réduire sa dépendance aux importations de combustibles fossiles. Cette augmentation conduira également à rediriger la production domestique d’huile de palme vers le marché du biodiesel, offrant à ce produit un marché régulier et une stabilité des prix susceptibles de relancer les investissements en faveur du renouvellement des plantations.
2.2.4. Échanges
Le déclin des exportations indiennes entraîne la région sur la voie d’un déficit de la balance commerciale
L’évolution des échanges commerciaux de l’Asie du Sud et du Sud-Est devrait être telle que la balance commerciale passera d’une situation légèrement excédentaire au cours de la période de référence à une situation déficitaire en 2029. Cette évolution traduira dans une large mesure l’évolution de la balance commerciale indienne. En effet, alors que le pays a longtemps été le plus grand exportateur net de la région, son excédent commercial en 2033 ne devrait plus représenter que 22 % de ce qu’il était pendant la période de référence, soit moins que l’excédent de l’Indonésie et de la Thaïlande. L’Asie du Sud-Est devrait conserver un excédent modeste mais stable, alors que les importations nettes continueront de croître dans les PMA et les autres pays en développement. La conséquence de ces évolutions à l’échelle régionale sera donc un déficit commercial, qui représentera en 2033 près de 60 % de l’excédent observé pendant la période de référence 2021-23.
Au cours des dix prochaines années, les exportations nettes totales de la région devraient diminuer de 6.5 %. Les principaux produits exportés sont l’huile végétale, le riz, les fruits et le sucre. La Malaisie et l’Indonésie sont les premiers exportateurs d’huile végétale de la région et les plus gros exportateurs mondiaux d’huile de palme. Toutefois, avec une croissance de seulement 2.5 % au cours de la prochaine décennie, leur poids dans les exportations mondiales devrait s’amoindrir. Au contraire, les exportations de riz et de sucre devraient croître rapidement, à un rythme de 2.8 % et 2.2 % respectivement par an, ce qui fera passer la part de la région dans les exportations mondiales en 2033 à 86 % pour le riz et à 27 % pour le sucre. Plus de la moitié des exportations de riz supplémentaires proviendront de la production des PMA tels que le Myanmar et le Cambodge, contre 25 % pour la Thaïlande et 12 % pour le Viet Nam. La croissance des exportations de sucre résultera quant à elle presque exclusivement de la croissance de la production thaïlandaise. La région représente actuellement plus du quart des exportations mondiales de produits halieutiques et aquacoles, mais cette part devrait diminuer en raison d’une forte hausse de la demande intérieure.
Bien qu’une part substantielle des échanges soient des échanges intrarégionaux, l’Asie du Sud et du Sud-Est est fortement exposée aux perturbations qui entravent le passage par les grandes voies de navigation, et notamment à celles qui résultent de la baisse du niveau de l’eau dans le canal de Panama et du danger que représente l’accès au canal de Suez en raison des tensions dans la région de la mer Rouge. Tant que ces tensions subsisteront, les cargos entre l’Asie du Sud-Est et l’Europe et l’Afrique du Nord devront contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, ce qui représente un allongement de la durée de transport et un surcoût important susceptibles de nuire au bon fonctionnement des chaînes d’approvisionnement.
La forte augmentation de la demande explique la dépendance accrue de la région aux importations, et le coût total des importations de produits alimentaires et agricoles devrait augmenter de 26 % entre la période de référence 2021-23 et 2033. Cette dépendance devrait s’accentuer pour la plupart des produits, de même que la part de la région dans les importations mondiales. Les importations de produits carnés et laitiers occupent une place relativement faible dans le volume global des importations, dominé par des produits tels que le blé, le maïs, le tourteau protéique, le soja, les fruits et le coton.
Tableau 2.2. Indicateurs régionaux : Asie du Sud et du Sud-Est
Copier le lien de Tableau 2.2. Indicateurs régionaux : Asie du Sud et du Sud-Est
Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
2 444 747 |
2 737 645 |
3 020 406 |
10.33 |
1.08 |
0.88 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
2.43 |
3.27 |
4.96 |
51.57 |
2.63 |
3.89 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
602.3 |
734.3 |
894.7 |
21.85 |
1.94 |
1.84 |
Valeur nette de la production végétale3 |
338.8 |
377.1 |
442.3 |
17.29 |
1.31 |
1.40 |
Valeur nette de la production animale3 |
143.9 |
199.1 |
274.7 |
37.99 |
2.84 |
3.01 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
119.6 |
158.1 |
177.8 |
12.42 |
2.39 |
1.25 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
516 668 |
592 977 |
697 216 |
17.58 |
1.72 |
1.51 |
Légumineuses |
27 024 |
33 283 |
41 617 |
25.04 |
2.64 |
2.10 |
Racines et tubercules |
40 956 |
54 609 |
70 018 |
28.22 |
2.83 |
2.04 |
Oléagineux4 |
31 384 |
39 194 |
45 026 |
14.88 |
4.58 |
1.35 |
Viande |
32 329 |
41 110 |
55 318 |
34.56 |
1.70 |
2.65 |
Produits laitiers5 |
30 718 |
46 555 |
64 592 |
38.74 |
3.79 |
3.06 |
Produits halieutiques et aquacoles |
42 475 |
57 208 |
65 316 |
14.17 |
2.67 |
1.26 |
Sucre |
49 303 |
57 790 |
67 769 |
17.27 |
1.27 |
1.68 |
Huile végétale |
73 401 |
99 186 |
110 363 |
11.27 |
2.97 |
0.80 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
4341.54 |
15485.34 |
23118.87 |
49.30 |
15.45 |
2.05 |
Éthanol |
4 585 |
9 852 |
19 012 |
92.98 |
8.49 |
4.68 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
549 474 |
573 337 |
586 198 |
2.24 |
0.53 |
0.18 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
319 057 |
346 154 |
358 119 |
3.46 |
0.94 |
0.28 |
Superficie totale des pâturages7 |
230 417 |
227 183 |
228 079 |
0.39 |
-0.08 |
0.04 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
1 571 |
1 693 |
1 815 |
7.20 |
0.88 |
0.56 |
Imputables à la production végétale |
657 |
679 |
728 |
7.27 |
0.59 |
0.53 |
Imputables à la production animale |
895 |
993 |
1 063 |
7.00 |
1.05 |
0.57 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Consommation quotidienne de calories d’origine alimentaire par habitant8 (kcal) |
2 369 |
2 541 |
2 810 |
10.55 |
0.65 |
0.90 |
Consommation quotidienne de protéines d’origine alimentaire par habitant8 (kcal) |
62.1 |
69.9 |
78.6 |
12.45 |
1.1 |
1.2 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
169.0 |
171.3 |
186.4 |
8.86 |
0.23 |
0.66 |
Viande |
8.6 |
9.3 |
11.3 |
21.54 |
0.18 |
1.72 |
Produits laitiers5 |
13.1 |
16.9 |
21.2 |
25.41 |
2.33 |
2.11 |
Produits halieutiques et aquacoles |
14.7 |
17.4 |
18.7 |
7.46 |
1.23 |
0.58 |
Sucre |
19.2 |
20.4 |
22.0 |
7.55 |
0.72 |
0.65 |
Huile végétale |
8.2 |
9.7 |
10.6 |
9.45 |
0.87 |
0.75 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
46 |
43 |
-25 |
-157.24 |
||
Valeur des exportations3 |
188 |
247 |
231 |
-6.54 |
3.07 |
-0.23 |
Valeur des importations3 |
142 |
204 |
256 |
25.55 |
2.16 |
2.12 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (base calorique)10 |
102.5 |
97.6 |
95.1 |
-2.56 |
-0.14 |
-0.16 |
Notes : 1. En USD constant de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 4. Les oléagineux désignent le soja et les autres graines oléagineuses. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.3. Perspectives régionales : Afrique subsaharienne
Copier le lien de 2.3. Perspectives régionales : Afrique subsaharienne2.3.1. Contexte
Assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de croissance démographique reste un défi majeur
Vaste et contrastée, l’Afrique subsaharienne représente 19 % des terres agricoles mondiales, mais seulement 7 % de la valeur de la production agricole mondiale. Elle compte 1.1 milliard d’habitants, soit 14 % de la population mondiale, et se distingue par son profil démographique. Parmi les régions présentées dans ce chapitre, c’est celle dont la population est la plus jeune et dont la croissance démographique est la plus rapide. Son taux d’urbanisation est parmi les plus bas, seule l’Asie du Sud et du Sud-Est ayant un taux inférieur. L’Afrique subsaharienne devrait compter 1.5 milliard d’habitants en 2033, soit 17 % de la population mondiale. La moitié de sa population pourrait alors habiter dans des zones urbaines, contre 43 % pendant la période de référence 2021-23 et seulement 32 % il y a vingt ans. Parallèlement à cette tendance, son taux de croissance démographique est tel qu’elle est l’une des deux seules régions où la population rurale, en valeur absolue, continue d’augmenter.
Malgré des disparités entre les ressources des pays de la région, les économies sont généralement très dépendantes des secteurs de production liés à ces ressources, et notamment du pétrole, de l’exploitation minière et de l’agriculture. En moyenne, entre 2021 et 2023, l’agriculture, la foresterie, la pêche et l’aquaculture représentaient 10 % de la production économique régionale, mais cette part est nettement plus élevée dans certains pays moins développés, la Banque mondiale faisant état d’un taux de 21 % au Kenya, de 22 % au Malawi et de 36 % au Mali. Plus le poids de l’agriculture dans l’économie est élevé, plus les moyens de subsistance de la population sont exposés à la volatilité du secteur, mais une diversification de la production au-delà des seules cultures de sécurité alimentaire pourrait contribuer substantiellement à la génération de revenus et au développement économique. Le coût élevé des produits de base a contribué à la lente reprise économique après la récession due à la pandémie de COVID-19, mais cette dynamique a été freinée, d’autres bouleversements tels que la guerre de la Russie contre l’Ukraine, la crise de l’énergie et la flambée du coût de la vie ayant fragilisé les économies et entraîné une hausse mondiale de l’inflation. Le resserrement des politiques financières et le ralentissement de la demande internationale ont entraîné la dépréciation de la devise de nombreux pays, ce qui a entretenu l’inflation et, dans certains cas, suscité des inquiétudes quant aux réserves de devises étrangères. Confrontée à la généralisation des difficultés budgétaires, la région dispose d’une marge de manœuvre limitée pour accélérer la reprise. À l’échelle régionale, la croissance du revenu par habitant était inférieure à 0.5 % en 2023 et devrait rester en dessous de 1 % en 2024. S’il est permis de penser que la croissance devrait profiter à moyen terme de l’amélioration du contexte mondial et du recul de l’inflation, la croissance démographique de la région est telle que le revenu par habitant ne devrait augmenter que de 0.9 % par an au cours de la période couverte par les Perspectives.
Les niveaux de revenu moyen de l’Afrique subsaharienne sont déjà les plus faibles à l’échelle mondiale et les prévisions de croissance des revenus ne laissent pas entrevoir une réduction significative du retard. En 2033, le niveau moyen de revenu devrait atteindre 1 876 USD, en USD constant de 2010, soit toujours pas mieux que 14 % de la moyenne mondiale. Dans les pays les moins développés, tels que l’Éthiopie, l’écart est encore plus conséquent, avec un niveau de revenu qui devrait rester inférieur à 1 000 USD, à comparer au revenu de 8 687 USD attendu pour l’Afrique du Sud. Du fait de la faiblesse des revenus, les ménages d’Afrique subsaharienne consacrent une part plus élevée de leurs revenus à l’alimentation que ceux de toutes les autres régions présentées dans ce chapitre. L’alimentation représente en moyenne 23 % du budget des ménages, mais ce chiffre varie selon les pays ; la moyenne s’établit ainsi à 31 % dans les PMA de la région.4 Cette prépondérance de l’alimentation dans la répartition des dépenses aggrave les effets préjudiciables des hausses de prix. Elle permet d’ailleurs de penser que, parmi les nombreuses secousses que le monde a connues, l’inflation moyenne de 15 % des produits alimentaires sur la période 2021-23 a eu un effet significatif sur l’augmentation de la sous-alimentation et de l’insécurité alimentaire, modérée ou grave, au cours des trois dernières années. Selon le rapport de le FAO sur l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (2023[4]), plus de 300 millions de personnes de la région ont été confrontées à une insécurité alimentaire grave en 2022, soit un tiers du nombre total de personnes touchées par ce problème à l’échelle mondiale. Avec la baisse actuelle du prix des produits agricoles, il est impératif que cette tendance à la détérioration de la sécurité alimentaire s’inverse. Ce processus nécessitera l’adoption d’une approche globale et la participation de nombreuses parties prenantes en vue de renforcer l’accessibilité financière dans la région.
Malgré un pouvoir d’achat et un apport calorique par habitant limités, la région abrite une population très nombreuse et sa part de la consommation mondiale, et de la consommation des aliments de base en particulier, est donc substantielle. Au cours de la période de référence 2021-23, la région a représenté 35 % de la consommation mondiale de racines et de tubercules et 13 % de celle de céréales. Malgré d’importants écarts entre les pays, le taux global d’autosuffisance de l’Afrique subsaharienne diminue pour la plupart des principaux produits alimentaires, le rythme de croissance de la production intérieure n’ayant pas suivi celui de la croissance démographique.
L’Afrique subsaharienne est une région riche en terres qui se caractérise par sa diversité agroécologique. Elle représente, à l’échelle mondiale, 16 % des terres cultivées et 20 % des pâturages. Le taux d’utilisation des terres est globalement élevé, mais les méthodes de production sont souvent moins intensives qu’ailleurs et l’agriculture reste encore largement une agriculture pluviale. Si la région est riche en terres dans son ensemble, d’importants écarts existent entre les pays, tant en matière de disponibilité des terres que de structure des exploitations agricoles. Dans certaines zones, il apparaît clairement que les exploitations de taille moyenne sont de plus en plus nombreuses (Jayne et al., 2016[5]), tandis que dans d’autres le secteur agricole doit s’adapter à un manque de terres et à la diminution de la taille des parcelles. Une grande partie des terres arables disponibles sont situées dans des zones isolées, d’où l’accès aux marchés et aux infrastructures est difficile. Cela contribue à accroître davantage le coût déjà élevé du transport et entraîne souvent d’importants écarts de prix entre les différents marchés ainsi qu’une extrême volatilité des prix au niveau local. Le recours à une agriculture pluviale faisant peu appel aux intrants, caractéristique des pratiques des petits producteurs de la région, nuit à la prévisibilité de la production et favorise cette volatilité. Ce schéma est particulièrement peu durable dans la perspective du changement climatique. Une telle volatilité est marquée ces dernières années : la sécheresse en Afrique orientale a créé des défis extrêmes en matière de sécurité alimentaire, la sécheresse liée à El Nino en Afrique australe en 2024 a considérablement réduit la production alimentaire dans la région, entraînant de fortes hausses de prix alors que les prix mondiaux étaient en baisse. Des pratiques de production résilientes au changement climatique seront essentielles pour améliorer la résilience et soutenir la croissance dans la région.
Dans un contexte marqué par la faiblesse persistante des revenus et par des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus imprévisibles, liés au changement climatique, les principaux défis que la région doit relever sont la lutte contre la faim et le renforcement de la sécurité alimentaire. Malgré quelques progrès et réussites ponctuels dans certains pays, le niveau de productivité reste résolument bas dans la plus grande partie de la région. Les échanges intrarégionaux pourraient être développés, mais une réduction des coûts associés est nécessaire pour que les produits puissent rester compétitifs. Dans un contexte de hausse attendue des importations régionales et sur fond de fragmentation croissante du marché mondial et de perturbation des systèmes logistiques, le meilleur moyen pour la région d’améliorer sa sécurité alimentaire consiste à renforcer durablement sa productivité, son accès au marché et l’efficacité des échanges intrarégionaux.
2.3.2. Production
Le rôle essentiel des gains de productivité face au ralentissement de l’expansion des terres exploitées
Au cours de la prochaine décennie, la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole devrait augmenter de 27 %, ce qui correspond à une hausse annuelle de 2.2 %. Plus lente que la croissance démographique attendue dans la région, cette évolution se traduira par la poursuite de la baisse de la valeur de la production par habitant, tendance observée depuis 2015 (Graphique 2.9). La production végétale représente 72 % de la valeur de la production agricole, proportion la plus importante parmi l’ensemble des régions présentées dans ce chapitre, et cette part relative devrait encore s’accroître légèrement d’ici à 2033 compte tenu du taux de croissance que devrait connaître la production. La croissance de moins de 1 % par an de la pêche et de l’aquaculture devrait au contraire entraîner un recul de ce secteur par rapport à la valeur de la production agricole totale, tandis que la production animale devrait augmenter de 2.2 % par an et se maintenir à 17 % de la production totale.
La superficie agricole totale ne devrait s’accroître que de manière marginale, avec une croissance de seulement 2 % entre la période de référence et 2033. Cette hausse représente une expansion réduite de moitié par rapport à ce qu’elle a été au cours de la précédente décennie, ralentissement notable alors que la région est reconnue comme étant riche en terres. Il est vrai que cette abondance de terres se concentre dans un petit nombre de pays (Chamberlin, Jayne and Headey, 2014[6]), beaucoup d’autres voyant le développement de leurs terres agricoles freiné par la fragmentation des parcelles, la dégradation des sols, les conflits, les conditions difficiles d’accès aux marchés et les usages concurrents tels que l’exploitation minière et la périurbanisation. Dans ce contexte d’expansion limitée de la superficie agricole, des pratiques de réaffectation sont parfois observées, à l’image de la réduction de 1.3 Mha de la superficie de pâturages pour permettre l’augmentation de 18 Mha de la superficie cultivée. Peu de changements sont à prévoir en matière de panachage des cultures, puisque le maïs, les autres céréales secondaires, les racines et les tubercules devraient représenter près de la moitié de la superficie cultivée en 2033. Pour ces différents produits, la part de l’Afrique subsaharienne dans la production mondiale devrait également augmenter. On prévoit ainsi que, en 2033, la région représentera 38 % de la production mondiale de racines et de tubercules, 8 % de celle de maïs et 16 % de celle des autres céréales secondaires. Le coton est également produit à grande échelle, en particulier dans les PMA qui représentent les deux tiers de la production régionale. Le Bénin et le Burkina Faso en sont de gros producteurs.
D’ici à 2033, la production végétale de l’Afrique subsaharienne devrait croître de près de 30 % et sa valeur réelle par unité de superficie cultivée de 2.3 % par an. Cette hausse, qui représente une accélération par rapport à l’évolution de la décennie précédente, sera le résultat des gains de productivité et de l’intensification de la production. La hausse prévue de la superficie récoltée est de 20 % plus élevée que celle de la superficie exploitée, ce qui laisse penser que la pratique de la double culture pourrait être plus largement appliquée. La double culture est largement pratiquée dans de nombreuses régions tropicales au régime pluvial bimodal, ainsi que dans les zones irriguées d’Afrique australe. Le développement de la culture du riz dans la région, notamment au Nigéria, devrait lui aussi bénéficier de la pratique de plus en plus courante des récoltes annuelles multiples. Malgré le fort potentiel que ses ressources offrent à la région, les rendements obtenus en l’Afrique subsaharienne restent très en deçà de ceux que l’on observe dans d’autres régions du monde. Dans presque tous les domaines de la production végétale, la croissance prévue pendant la période couverte par les Perspectives devrait permettre de réduire l’écart par rapport aux rendements moyens mondiaux. Il sera toutefois difficile de combler les écarts en raison du faible recours aux intrants, de la lente adoption des technologies des semences dans de nombreux pays et des infrastructures d’irrigation inadaptées. Cela exacerbe également la vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes, les sécheresses et les inondations provoquant de fréquentes perturbations de la production alimentaire. Malgré la mise en œuvre à grande échelle de programmes de subvention visant à encourager l’utilisation d’engrais, la région reste au dernier rang mondial dans ce domaine. Au cours de la période couverte par les Perspectives, la pratique de l’épandage d’engrais devrait progresser de 19 %, mais le taux d’application à l’hectare devrait rester inférieur à 20 % de la moyenne mondiale (Graphique 2.10). Les efforts visant à élever le taux d’épandage de la région se heurtent à des problèmes d’accessibilité financière, qui s’expliquent notamment par le coût des engrais importés et par les dépenses significatives de logistique qui s’y ajoutent. On prévoit néanmoins que, au fur et à mesure de l’évolution des méthodes de production, de l’amélioration des semences et de l’accroissement du taux d’épandage, les rendements augmenteront à un rythme de 1.6 % par an pour le maïs, 2 % par an pour les autres céréales secondaires, 1.5 % par an pour le riz et 1.2 % par an pour le coton.
La croissance de la production animale devrait être portée par les produits laitiers, avec une augmentation de 28 % de la production de lait d’ici à 2033. Cela correspond à 8.3 Mt de lait, à comparer à l’augmentation attendue de 3.3 Mt de viande. À l’heure actuelle, la viande bovine constitue la plus grande part de la production de viande, mais le secteur de la volaille devrait connaître une croissance plus rapide qui l’amènera à représenter 30 % de la viande supplémentaire produite d’ici à 2033, contre 38 % pour la viande bovine et 17 % pour la viande ovine. À quelques exceptions près, les systèmes de production actuels sont encore majoritairement extensifs, en particulier pour la viande bovine et ovine, mais également pour une grande partie des producteurs de viande de volaille, qui s’appuient sur des races indigènes mixtes. L’accroissement des cheptels devrait contribuer de manière significative à la croissance de la production de viande bovine et ovine, avec des hausses respectives de 12 % et 24 % d’ici à 2033. Le cheptel régional de chacune de ces deux espèces représentera une part de plus en plus importante du cheptel mondial, et les éleveurs feront largement appel au pacage alors que les zones de pâturage seront en léger recul. Ce type de bétail est souvent élevé dans des zones semi-arides qui sont impropres à la production végétale. Il s’agit donc de zones particulièrement exposées aux préjudices climatiques, comme en témoignent les pertes importantes liées à la sécheresse qui a frappé la corne de l’Afrique au cours des trois dernières années. On constate parallèlement que des élevages intensifs de pays tels que la Zambie, la Tanzanie, le Kenya, le Nigéria et le Malawi ont de plus en plus recours à des poulets de chair et à des poules pondeuses spécialisées, suivant ainsi la voie ouverte il y a quelque temps par l’Afrique de Sud. Les gains de productivité tirés de cette approche génétique contribueront substantiellement à la croissance de 28 % de la production de volaille au cours de la période couverte par les Perspectives.
La production halieutique et aquacole ne représente que 11 % de la production agricole totale de la région et repose encore essentiellement sur la pêche de capture, majoritairement pratiquée dans les grands lacs intérieurs de la région. Au cours de la période de référence 2021-23, la pêche de capture représentait 91 % de la production halieutique et aquacole totale. Cette proportion ne devrait pas baisser en dessous de 90 % d’ici à 2033, car la croissance attendue de 2.2 % par an de l’aquaculture n’est pas de nature, en raison de la faible production actuelle, à modifier sensiblement la répartition des contributions. Compte tenu du caractère limité des ressources halieutiques, la pêche de capture connaît une croissance plus lente, de 0.7 % par an. Une part substantielle de l’aquaculture est également pratiquée dans les lacs d’eau douce de la région et il est donc particulièrement important que cette ressource naturelle fasse l’objet d’une gestion durable.
Les émissions directes de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 10.3 % au cours des dix années à venir, en grande partie en raison de l’accroissement du cheptel de ruminants. Les émissions dues à l’élevage devraient augmenter de 1.1 % par an, contre seulement 0.3 % par an pour le secteur de la production végétale. En à 2033, l’Afrique subsaharienne devrait représenter 16 % des émissions mondiales liées à l’agriculture. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 4.0 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient augmenter de 3.1 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.3.3. Consommation
Une demande alimentaire est portée par la croissance démographique et un régime alimentaire peu diversifié
L’Afrique subsaharienne abrite la plus forte concentration de personnes pauvres et sous-alimentées au monde, et la disponibilité totale en calories par habitant est la plus faible parmi toutes les régions présentées dans ce chapitre. Au cours des dernières années, les problèmes d’insécurité alimentaire que connaissait déjà la région se sont aggravés sous l’effet de nombreux facteurs d’instabilité, et notamment des séquelles de la pandémie de COVID-19, de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, de la poussée inflationniste, de la flambée des prix de l’énergie, de la hausse du coût de la vie, du lent redressement économique et de conflits dans plusieurs pays. Les problèmes de chaîne d’approvisionnement liés à la pandémie de COVID-19 et à la guerre ont été en grande partie résolus, mais la conjugaison de l’inflation persistante des produits alimentaires, souvent exacerbée par la dépréciation monétaire, et d’un relèvement économique difficile n’a pas permis d’éliminer les obstacles à l’accessibilité financière. Dans ce contexte, la disponibilité totale en calories de la région n’a cessé de décroître tout au long de la période de référence 2021-23. Cet indicateur devrait légèrement s’améliorer en 2024, mais les progrès seront encore lents et l’augmentation attendue de 75 kcal par personne et par jour d’ici à 2033 permettra seulement à l’apport calorique de la région d’atteindre 77 % de la moyenne mondiale. Par conséquent, la sécurité alimentaire et la sous-alimentation resteront probablement des enjeux majeurs, et la hausse des revenus, lorsqu’elle se produira, ne pourra donner lieu à une reprise durable que si la disponibilité des produits alimentaires est mieux assurée, si les stocks sont mieux gérés et si les produits sont plus accessibles et plus abordables.
Estimés par la FAO à 4 milliards USD par an, le gaspillage et les pertes alimentaires constituent un vrai défi pour l’Afrique subsaharienne. Selon les estimations, leur niveau global se situerait près de 41 % au-dessus de la moyenne mondiale, ce qui laisse penser que des investissements pour les réduire pourraient se traduire par une amélioration significative de l’apport calorique. D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD et d’après le scénario des Perspectives, l’apport calorique dans la région pourrait croître de 10.1 % par rapport au niveau de référence et le nombre de personnes sous-alimentées dans la région pourrait diminuer de 31%, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Dans les PMA de la région, cette hausse atteindrait même 19 %. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait augmenter de 13.3 % dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne et le nombre de personnes sous-alimentées diminuerait de 53 millions. Dans les PMA de la région, l’apport calorique pourrait augmenter de 16.6 % par rapport aux niveaux moyens de la période de référence 2021-23.
La croissance démographique et son influence sur l’augmentation de la demande régionale sont telles que, malgré une progression de seulement 3 % de la disponibilité totale en calories par habitant d’ici à 2033, l’Afrique subsaharienne sera l’une des régions où la croissance de la demande alimentaire sera la plus forte. Par conséquent, la part de la région dans la consommation totale de calories au niveau mondial devrait passer de 12 % pendant la période de référence 2021-23 à 14 % en 2033. Cette part est plus élevée pour les aliments de base, notamment le maïs, les racines et les tubercules, puisque leur contribution à l’apport calorique total est plus importante en Afrique subsaharienne que dans aucune autre région. Alors que la croissance démographique entraînera une forte augmentation de la consommation alimentaire, les hypothèses de base ne prévoient pas d’évolution significative du panier alimentaire, ni donc de la diversification de l’alimentation. La consommation de produits de base devrait connaître une croissance telle qu’ils représenteront toujours, en 2033, près de 70 % de l’apport calorique, comme pendant la période de référence (Graphique 2.13). La part du riz parmi les produits de base pourrait connaître une légère augmentation au détriment des autres céréales secondaires telles que le sorgho et le millet. Contrairement au sucre, dont la consommation par habitant devrait connaître une forte hausse d’ici à 2033, la consommation de viande ne devrait augmenter que de manière marginale, de 0.4 % par an, tandis que la consommation de produits halieutiques et aquacoles, de produits laitiers et d’huile végétale devrait décliner légèrement. La consommation par habitant de ces différents produits est déjà la plus faible au monde et les prévisions permettent donc de penser que la diversification de l’alimentation en Afrique subsaharienne restera insuffisante au regard des normes internationales. La diversification de la production agricole pourrait contribuer à améliorer cette diversité alimentaire.
L’augmentation limitée de la consommation de viande et la baisse de la consommation par habitant de produits laitiers et de produits halieutiques et aquacoles freinent la croissance de l’apport protéique à l’échelle régionale. Porté par une légère hausse de la consommation de protéines d’origine végétale, l’apport protéique devrait augmenter de moins de 1 g par personne et par an d’ici à 2033 et restera ainsi au dernier rang mondial. La faible croissance de l’apport protéique nuit également à l’augmentation des apports en nutriments et micronutriments essentiels.
Compte tenu de la prédominance des systèmes de production extensifs, l’Afrique subsaharienne ne représente que 4 % de la consommation mondiale d’aliments pour animaux. Cette part relative ne devrait pas évoluer jusqu’en 2033 en dépit d’une augmentation de 30 % de la consommation régionale. Cette relative stabilité s’explique par le faible niveau de la consommation à laquelle le taux de croissance va s’appliquer. La hausse de la demande sera le résultat d’un accroissement des cheptels et de la probable intensification des élevages. Dans le cas particulier de la filière avicole, la demande d’aliments pour animaux augmente sous l’effet de la sélection de races améliorées et de l’adoption de systèmes de production faisant appel à une alimentation animale intensive. Dans les pays qui utilisent déjà les aliments pour animaux de manière intensive, le recours à des améliorations génétiques et l’augmentation progressive du taux de conversion alimentaire permettront de réduire la quantité d’aliments par tête. Ces tendances se compensent plus ou moins à l’échelle régionale et se traduiront par une augmentation plus rapide de la consommation d’aliments pour animaux que de la production de viande. Les céréales, en particulier le maïs, sont les principales matières premières utilisées dans les rations alimentaires pour animaux, mais dans une proportion inférieure à la moyenne mondiale, les racines et les tubercules constituant également une part significative des ingrédients. La part du tourteau protéique dans l’alimentation animale globale reste faible et ne représente que 55 % de la moyenne mondiale.
2.3.4. Échanges
Une dépendance aux importations de plus en plus forte et des accords commerciaux régionaux à la peine
Pour nourrir sa population qui va s’accroître rapidement, la région devra compléter sa production intérieure en s’appuyant de plus en plus sur les importations. À quelques rares exceptions près, la plupart des aliments de base produits dans la région sont destinés à la consommation intérieure et non à l’exportation, mais, pour de nombreux produits, la production intérieure n’est pas suffisante pour satisfaire la demande. Néanmoins, un grand nombre de pays tirent parti du contraste saisonnier avec l’hémisphère nord et de la compétitivité du coût de leur main-d’œuvre, ce qui leur permet d’être des exportateurs nets pour des produits frais de haute valeur.
Le déficit commercial de la région pour les principaux produits alimentaires devrait se creuser au cours de la prochaine décennie et, sur la base de prix de référence mondiaux constants, le coût global des importations devrait augmenter de 48 % d’ici à 2033. Dans plusieurs pays, l’augmentation de la dette ainsi que les contraintes liées à la balance des paiements et aux taux de change freinent déjà l’importation des produits alimentaires nécessaires. La région couvre en grande partie ses propres besoins en maïs, racines et tubercules, et la plus grande part du coût total des importations de produits alimentaires correspond à l’huile végétale et à des produits de base tels que le riz et le blé. Le taux d’autosuffisance alimentaire pour ces trois produits devrait baisser au cours de la prochaine décennie et les importations devraient augmenter de 36 % pour le blé, de 56 % pour le riz et de 27 % pour l’huile végétale. La guerre en cours a remis en cause la dépendance historique de nombreux pays de la région aux importations de blé russe et ukrainien, et a conduit ces pays à s’approvisionner plus largement sur les marchés européen, canadien et américain.
Le coût élevé du transport et les dysfonctionnements logistiques font partie des principales difficultés qui s’ajoutent au poids du coût des importations. Au regard des différents indicateurs relatifs à l’efficacité des échanges, tels que les indices de la Banque mondiale caractérisant la performance logistique et la performance des ports à conteneurs, la région est mal classée. Les problèmes structurels qui existaient déjà ont été exacerbés par la désorganisation de la logistique mondiale au cours des dernières années. Ces perturbations ont été ravivées par les conflits qui compromettent le transit par la mer Noire et la mer Rouge, faisant craindre que la forte inflation des produits alimentaires dans la région ne se prolonge. Parallèlement à ces difficultés, la région subit les lourdes conséquences des retards dans les ports et/ou sur le trajet, et du renchérissement du transport des produits périssables de haute valeur qu’elle exporte.
Les fruits et légumes frais ainsi que les produits de haute valeur tels que le coton, le cacao, le thé et le café représentent la majeure partie des revenus tirés des exportations. Plus de 85 % de la production régionale de coton est destinée à l’export et les exportations de coton devraient augmenter de 7 % au cours de la prochaine décennie. La valeur réelle des exportations devrait augmenter de 26 % pour les fruits et de 41 % pour les légumes d’ici à 2033. La valeur totale des exportations agricoles de la région, exprimée en USD de 2014-16, devrait par conséquent croître de 20 % au cours de la prochaine décennie.
La création de chaînes de valeur régionales pour certains produits agricoles prioritaires fait partie de la stratégie de l’Union africaine pour favoriser la transformation du système agroalimentaire, améliorer la productivité et renforcer la filière agro-industrielle. L’approche suivie consiste à mettre les producteurs et les parcs agroalimentaires des zones excédentaires en relation avec les marchés et les zones déficitaires. La région place beaucoup d’espoir dans l’accord de création de la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC), dont le succès devrait stimuler le commerce intrarégional. La mise en œuvre de l’accord est actuellement dans sa troisième année et offre de nombreuses possibilités. Le Forum économique mondial estime ainsi que sa réussite pourrait entraîner une hausse de plus de 50 % du commerce intrarégional, tandis que la CNUCED souligne que le projet de création d’un marché sans frontières d’une valeur de 3 000 milliards USD pourrait contribuer de façon déterminante à combattre la pauvreté et les inégalités, et à favoriser la croissance sur le continent.
L’accord a pour objectif de supprimer les droits de douane sur 90 % des lignes tarifaires, et une mise en place progressive est prévue sur dix ans pour les PMA et sur cinq ans pour les autres pays. Malgré les progrès accomplis, les autorités douanières de certains pays membres de l’Union africaine n’ont toujours pas ratifié le texte, ce qui empêche plusieurs organisations commerciales régionales d’appliquer les conditions préférentielles de l’accord, sauf lorsque des concessions sont possibles et permettent au cas par cas de s’en prévaloir. Par ailleurs, la réussite de l’accord dépendra en dernier lieu de sa capacité à lever les obstacles non tarifaires qui freinent considérablement les échanges dans la région, et à faire baisser les coûts élevés des échanges et de la logistique. L’accord prévoit une reconnaissance mutuelle des normes et des licences, l’harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires, l’instauration de conditions d’origine ainsi que la mise en place d’un système panafricain de paiement et de règlement qui devrait incontestablement profiter aux PME, autant de dispositions positives qui se heurtent à de nombreux obstacles non tarifaires difficiles à éliminer.
Tableau 2.3. Indicateurs régionaux : Afrique subsaharienne
Copier le lien de Tableau 2.3. Indicateurs régionaux : Afrique subsaharienne
Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
881 501 |
1 150 610 |
1 497 070 |
30.11 |
2.67 |
2.40 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
1.72 |
1.71 |
1.88 |
9.97 |
-0.53 |
0.88 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
158 |
205 |
261 |
26.94 |
2.13 |
2.15 |
Valeur nette de la production végétale3 |
110 |
147 |
190 |
29.87 |
2.18 |
2.33 |
Valeur nette de la production animale3 |
30 |
36 |
45 |
26.58 |
2.11 |
2.21 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
18 |
23 |
25 |
8.97 |
1.90 |
0.80 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
122 116 |
159 850 |
208 606 |
30.50 |
2.65 |
1.94 |
Légumineuses |
18 363 |
21 385 |
29 349 |
37.24 |
2.26 |
3.01 |
Racines et tubercules |
64 601 |
85 803 |
117 094 |
36.47 |
2.62 |
2.69 |
Oléagineux4 |
9 915 |
14 756 |
17 027 |
15.39 |
4.06 |
1.21 |
Viande |
10 972 |
13 520 |
16 871 |
24.79 |
2.00 |
2.26 |
Produits laitiers5 |
3 400 |
3 965 |
5 064 |
27.72 |
2.28 |
2.39 |
Produits halieutiques et aquacoles |
6 556 |
8 349 |
9 195 |
10.13 |
2.12 |
0.80 |
Sucre |
7 219 |
7 648 |
9 115 |
19.17 |
1.97 |
1.18 |
Huile végétale |
6 006 |
8 239 |
9 157 |
11.14 |
3.33 |
0.89 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
0 |
0 |
0 |
-25.34 |
0.00 |
4.07 |
Éthanol |
574 |
1 038 |
1 304 |
25.63 |
5.32 |
2.34 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
837 440 |
867 314 |
884 224 |
1.95 |
0.31 |
0.15 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
178 869 |
210 979 |
229 218 |
8.65 |
1.56 |
0.61 |
Superficie totale des pâturages7 |
658 571 |
656 335 |
655 006 |
-0.20 |
-0.07 |
-0.01 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
788 |
932 |
1 028 |
10.25 |
1.94 |
0.89 |
Imputables à la production végétale |
232 |
231 |
239 |
3.46 |
0.77 |
0.27 |
Imputables à la production animale |
554 |
699 |
786 |
12.49 |
2.34 |
1.09 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Consommation quotidienne de calories par habitant8 (kcal) |
2 319 |
2 321 |
2 396 |
3.23 |
-0.02 |
0.40 |
Consommation quotidienne de protéines par habitant8 (g) |
58.7 |
57.5 |
58.5 |
1.72 |
-0.25 |
0.32 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
176.4 |
178.7 |
188.0 |
5.21 |
-0.11 |
0.36 |
Viande |
8.9 |
8.6 |
8.7 |
1.58 |
-0.47 |
0.37 |
Produits laitiers5 |
3.9 |
3.5 |
3.4 |
-1.39 |
-0.77 |
0.13 |
Produits halieutiques et aquacoles |
9.5 |
8.6 |
8.1 |
-5.32 |
-0.81 |
-0.77 |
Sucre |
9.9 |
10.0 |
11.3 |
12.67 |
0.07 |
1.15 |
Huile végétale |
7.9 |
7.4 |
7.2 |
-2.41 |
-0.95 |
-0.19 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
-11 |
-7 |
-24 |
254.89 |
||
Valeur des exportations3 |
35 |
50 |
61 |
20.17 |
2.96 |
1.55 |
Valeur des importations3 |
46 |
57 |
84 |
47.69 |
1.38 |
4.27 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (base calorique)10 |
85.6 |
85.8 |
83.6 |
-2.61 |
0.36 |
-0.39 |
Notes : 1. En USD constant de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 4. Les oléagineux désignent le soja et les autres graines oléagineuses. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.4. Perspectives régionales : Proche-Orient et Afrique du Nord
Copier le lien de 2.4. Perspectives régionales : Proche-Orient et Afrique du Nord2.4.1. Contexte
Un manque de ressources entraînant une dépendance croissante aux importations
La région Proche-Orient et Afrique du Nord5 comprend un ensemble de pays aux profils socioéconomiques et aux niveaux de revenu hétérogènes. Un grand nombre d’entre eux connaissent des difficultés similaires en ce qui concerne l’environnement de la production agricole et la fragilité du stock de ressources naturelles. Moins de 5 % de la superficie totale des terres est considérée comme arable et la plupart des pays sont confrontés à des pénuries d’eau, conséquence de ressources hydriques limitées. Dans plusieurs pays, la situation à cet égard est dramatique. En 2020, 19 États arabes sur 22 se trouvaient en dessous du seuil de rareté des ressources en eau renouvelables et 13 d’entre eux étaient même en dessous du seuil absolu de rareté des ressources en eau (UN WWDR, 2022[7]). Le caractère aride de la région et son stock limité de ressources naturelles en font l’une des régions du monde les plus exposées aux effets négatifs du changement climatique, et la résilience climatique fait l’objet de politiques et d’investissements spécifiques.
Les performances économiques de la région ont été fortement affectées par les différents bouleversements mondiaux survenus depuis 2020. La région, qui comprend à la fois des PMA, des pays à revenu intermédiaire et des pays à revenu élevé, compte également dans le Golfe de nombreux pays exportateurs de pétrole. Les économies de cette catégorie de pays sont fortement liées aux marchés de l’énergie. La guerre de la Russie contre l’Ukraine et les perturbations qu’elle a entraînées sur les marchés de l’énergie ont exposé ces économies à une volatilité accrue, tandis que de nombreux autres pays ont été touchés par des conflits au sein même de la région. Après la récession de 2020 provoquée par la pandémie de COVID-19, la région a connu une reprise modeste. La hausse des prix de l’énergie en 2022 a redynamisé la relance, mais la persistance des conflits, la diminution de la production de pétrole et le resserrement des politiques monétaires ont rapidement conduit à un nouveau ralentissement en 2023. Les perspectives à moyen terme demeurent extrêmement incertaines. Alors que la poursuite de la baisse de l’inflation pourrait contribuer à l’amélioration de l’environnement international, la persistance ou l’escalade de la guerre à Gaza et les perturbations actuelles du trafic en mer Rouge constituent des risques majeurs de détérioration. La croissance moyenne du revenu par habitant ne devrait pas dépasser 1.3 % par an au cours de la prochaine décennie, ce qui suscite des inquiétudes dans une région déjà largement frappée par l’insécurité alimentaire et où l’adoption d’un régime alimentaire sain n’est pas abordable pour plus de 40 % de la population (FAO, 2023[4]).
La demande alimentaire est également étroitement liée au taux de croissance démographique, qui devrait être de 1.6 % par an en moyenne jusqu’en 2033, soit le taux le plus élevé après l’Afrique subsaharienne. Cette croissance démographique portera la population de la région à plus de 530 millions d’habitants en 2033, dont les deux tiers devraient vivre en milieu urbain. Si les ressources financières de la population le permettent, il est probable que ce phénomène d’urbanisation stimule la consommation de produits de plus grande valeur, notamment de viande et de produits laitiers, mais aussi de produits prêts à l’emploi qui sont souvent très riches en huile végétale et en sucre. Il est à noter la croissance démographique et le taux d’urbanisation d’ici à 2033 pourraient également se traduire par la hausse du nombre absolu de personnes vivant en milieu rural.
Compte tenu du manque de ressources qui limite sa production agricole, la région fait partie, à l’échelle mondiale, des plus grands importateurs nets de produits alimentaires. Cette forte dépendance aux importations concerne la plupart des produits et expose la région aux éventuels dysfonctionnements des marchés mondiaux et des systèmes logistiques. Ces dysfonctionnements se sont multipliés ces dernières années à cause de la pandémie de COVID-19, de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, de la crise du secteur de l’énergie que cette guerre a entraînée, et des conflits qui touchent les principaux axes maritimes de la mer Rouge et de la mer Noire. Alors que de nombreuses compagnies maritimes choisissent de ne pas emprunter le canal de Suez, l’augmentation de la durée et du coût du transport qui en résulte risque d’entretenir la pression inflationniste et la crise du coût de la vie. Les produits alimentaires ont connu dans la région une inflation de près de 12 % entre 2021 et 2023, soit plus du double de l’inflation observée sur les cinq années précédentes (5.2 %). Dans un environnement caractérisé par une faible croissance des revenus, la persistance d’une forte inflation pèsera sur l’accessibilité financière des produits alimentaires de base dans les zones à faible revenu, et freinera l’adoption d’un régime alimentaire sain dans l’ensemble de la région. Avec des dépenses alimentaires qui, en moyenne, représentent environ 14 % du budget total des ménages et 31 % dans les PMA, la variation brutale des revenus et des prix peut avoir des répercussions importantes sur le bien-être.
La région étant particulièrement exposée aux aléas des échanges, des politiques ont été adoptées en vue de stimuler la production intérieure et de réduire la dépendance aux importations. Toutefois, bien qu’elles aient permis d’atténuer les risques, ces politiques ont également eu des effets indésirables, puisqu’elles ont limité la croissance en favorisant l’utilisation des rares ressources en eau pour la production de céréales plutôt que pour des cultures de plus haute valeur. Par conséquent, les ressources de la région qui étaient déjà limitées le sont davantage, et la hausse de la production de céréales s’est accompagnée d’une diminution de la disponibilité de produits frais de plus haute valeur. En utilisant les mêmes ressources, ces produits auraient pourtant pu favoriser la diversification du régime alimentaire et l’augmentation des revenus. Quoi qu’il en soit, face à l’ampleur des perturbations qui ont fragilisé le commerce et les systèmes logistiques mondiaux au cours des dernières années, les politiques d’atténuation des risques ont fait l’objet d’un intérêt accru. Alors que le changement climatique reste un enjeu majeur, les conflits géopolitiques dans la région ont entraîné une nouvelle baisse des investissements ainsi que des déplacements de population, ce qui compromet la croissance de la production.
L’un des plus grands défis de la région est d’assurer l’accessibilité financière des produits alimentaires pour une population de plus en plus nombreuse. Cette question est devenue d’autant plus cruciale que plusieurs pays de la région sont confrontés à une faible croissance des revenus et à une escalade des conflits. Compte tenu de son manque de ressources productives, la dépendance de la région aux importations semble inévitable et vouée à s’accentuer sous l’effet du changement climatique. Malgré une forte exposition aux dysfonctionnements d’un système d’échanges de plus en plus fragile, ces importations contribuent de manière importante à la diversification du régime alimentaire, et un soutien efficace au développement des échanges pourra permettre de se rapprocher de l’objectif d’éradication de la famine, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition à l’horizon 2030. La résilience de l’environnement commercial peut être renforcée à travers l’adoption de politiques et de pratiques d’approvisionnement souples et efficaces, favorisant notamment la diversification des sources d’importation que la guerre de la Russie contre l’Ukraine a déjà encouragée.
2.4.2. Production
Une croissance portée par la productivité dans un environnement pauvre en ressources
Les filières agricole, forestière, halieutique et aquacole représentent moins de 5 % de l’activité économique de la région. Malgré une augmentation de la production agricole de 1.5 % par an, sa part dans l’économie régionale devrait encore diminuer jusqu’en 2033. L’Afrique du Nord occupe une place centrale dans la performance de ce secteur, 28 % de la valeur agricole totale étant produite par l’Égypte et 45 % par le reste de l’Afrique du Nord. La production végétale représente 32 % de cette valeur totale, contre 48 % pour la production animale et 21 % pour la production halieutique et aquacole. La production animale devrait connaître un taux de croissance supérieur à ceux des productions végétale, halieutique et aquacole, et sa part de la production agricole totale devrait être de 50 % en 2033.
La production de produits laitiers est plus importante dans la région que la production de viande, et elle devrait croître de 1.7 % par an au cours de la période couverte par les Perspectives, contre 2.5 % par an pour la production de viande. Sur les 2 Mt de viande supplémentaires produites entre la période de référence et 2033, plus de 1.2 Mt devraient être de la viande de volaille. Cette viande est généralement produite dans des environnements contrôlés et selon des méthodes intensives. Par nature plus extensives, la production de viande bovine pourrait connaître une augmentation de 22 % d’ici à 2033 et celle de viande ovine une hausse de 21 %. Par rapport à la décennie précédente, cette évolution constituerait une accélération de la croissance pour la viande ovine et un renversement de la tendance pour la viande bovine, après une longue période de diminution. Pour l’ensemble des filières laitière, bovine et ovine, la croissance de la production est plus rapide que celle des cheptels, ce qui met en évidence les effets des gains de productivité sur la croissance.
La production halieutique et aquacole reste un sous-secteur important, composé à 70 % de produits de la pêche de capture dans les zones côtières. Mais les ressources sont menacées et la croissance du secteur est désormais plus lente, à 0.3 % par an au cours de la période couverte par les Perspectives, contre 4 % par an par le passé. L’aquaculture prend une place de plus en plus importante dans la région et, avec des prévisions de croissance de 2.6 % par an, ce sous-secteur pourrait représenter 35 % de la production halieutique et aquacole totale en 2033. L’Égypte, principal moteur de cette croissance, devrait représenter 87 % de l’aquaculture et 37 % de la production halieutique et aquacole totale de la région d’ici à 2033.
La superficie totale des terres agricoles devrait rester relativement stable, atteignant 455 Mha en 2033, soit une augmentation de seulement 0.4 %. L’utilisation des terres devrait quelque peu évoluer, avec un léger recul de la superficie des pâturages et une augmentation de 4 % des surfaces cultivées, principalement au Moyen-Orient. Toutefois, la plupart des sols de la région sont peu propices à la production végétale à grande échelle et les terres cultivées devraient représenter moins de 10 % de la superficie agricole totale en 2033. Malgré ces contraintes, les deux tiers de la superficie cultivée de la région sont consacrés à la culture de céréales, principalement les céréales secondaires et le blé. D’ici à 2033, plus des trois quarts de la superficie cultivée supplémentaire devraient être affectés à la production de ces mêmes céréales, dont la part relative dans la superficie cultivée totale devrait donc augmenter de manière marginale.
Dans une région qui manque cruellement de terres arables et de ressources en eau, les gains de productivité sont un enjeu essentiel. Au cours des dix dernières années, ces gains ont été déterminants puisqu’ils ont permis une augmentation régulière de 2.4 % par an de la valeur produite par hectare de terre consacré à la production végétale. Cette tendance devrait se poursuivre, quoique plus lentement, d’ici à 2033, avec une croissance de 1.5 % par an. Ces progrès relèvent à la fois d’une intensification de la production, d’une hausse des rendements et d’une amélioration du panachage des cultures. La superficie récoltée devrait s’accroître de 1.8 Mha, ce qui, au regard de l’augmentation de 1.7 Mha de la superficie exploitée, permet de penser que la hausse des rendements aura un impact plus important au cours de la prochaine décennie. Les rendements des filières du blé et des céréales secondaires restent nettement en dessous des normes mondiales, mais avec des hausses respectives de 1 % et de 1.8 % par an, l’écart devrait se réduire d’ici à 2033. Cette croissance tirera parti d’un recours accru aux engrais de synthèse, dont l’utilisation devrait augmenter de 9 % au cours des dix prochaines années, mais aussi des progrès technologiques et de l’évolution des pratiques agricoles. La rareté des ressources régionales a favorisé l’adoption généralisée d’outils technologiques pour optimiser les objectifs de production et renforcer la résilience.
Entre la période de référence (2021-23) et 2033, les émissions directes de GES issues de l’agriculture devraient augmenter de presque 8 % dans la région, une hausse majoritairement due au secteur de l’élevage, plus important que celui de la production végétale. Les émissions issues de la production végétale devraient augmenter de 0.1 % par an, tandis qu’elles devraient être de 0.7 % par an pour le secteur de l’élevage, taux comparable à celui de l’accroissement des cheptels, mais nettement inférieur à celui de la croissance de l’élevage des ruminants. Ces chiffres témoignent clairement de l’importance cruciale des gains de productivité dans la maîtrise des émissions. Ces gains devraient également permettre de soutenir la baisse des émissions de GES par unité de valeur de production qui a été observée au cours des dernières années. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 4.2 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient n’augmenter que de 1.3 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.4.3. Consommation
La sécurité alimentaire menacée alors que les obstacles à l’accessibilité financière perdurent
Malgré les subventions reçues qui ont permis de réaliser des progrès dans la lutte contre l’insécurité alimentaire et la sous-alimentation, les difficultés économiques des dix dernières années ont conduit à une détérioration de la situation. Les difficultés se sont aggravées et cette détérioration s’est accélérée à partir de 2020, sous l’effet des crises telles que la pandémie de COVID-19, la guerre de la Russie contre l’Ukraine et la hausse du coût de la vie. Conséquence d’une inflation persistante des produits alimentaires et des conflits dans plusieurs pays, la prévalence de la sous-alimentation a encore augmenté en 2022 malgré l’accélération de la croissance des revenus. En 2023, dans un contexte marqué par une pression croissante sur les revenus et sur l’accessibilité financière, plusieurs pays de la région ont adopté des mesures telles que l’octroi de nouvelles subventions, des baisses de TVA et l’instauration de contrôles sur les exportations de certains produits6, mais sans parvenir à enrayer la baisse de la disponibilité en calories. Compte tenu des conflits en cours dans plusieurs pays et des prévisions de faible croissance économique à court terme, la mise en place d’un soutien massif sera cruciale pour stabiliser la situation et finalement renforcer la résilience, de manière à améliorer à la fois l’apport calorique et la diversité alimentaire.
La disponibilité en calories par habitant ne devrait s’accroître que faiblement et atteindre 2 900 kcal par personne et par jour d’ici à 2033, soit 2 % de moins que la moyenne mondiale. En tenant compte des estimations relatives au gaspillage alimentaire domestique, l’apport calorique total pourrait se situer aux alentours de 2 140 kcal par personne et par jour. La disponibilité en calories a baissé au cours des dix dernières années et, compte tenu de la faible progression attendue, le niveau de 2033 ne devrait pas dépasser celui de 2010. De nombreux facteurs expliquent cette tendance. La situation conflictuelle qui prévaut dans de nombreux pays de la région a fortement compromis les initiatives visant à renforcer la sécurité alimentaire. Au cours des dernières années, la flambée des prix alimentaires et la faible croissance économique ont été préjudiciables à l’accessibilité financière et, malgré une baisse prévue du prix des produits agricoles au cours de la période couverte par les Perspectives, la croissance limitée des revenus devrait empêcher toute amélioration significative de la situation pour les consommateurs à faible revenu. Dans les PMA de la région, l’apport calorique reste de 12 % inférieur à la moyenne mondiale et la part élevée des revenus totaux consacrée à l’alimentation ne fait qu’amplifier l’impact des contraintes d’accessibilité financière. Néanmoins, bien que l’insécurité alimentaire constitue un vrai défi, on observe également parmi les consommateurs les plus aisés de cette région diverse un intérêt accru pour une alimentation saine, ce qui contribue à la hausse réduite de l’apport calorique moyen.
Aggravée par les nombreux bouleversements récents, la prévalence de la sous-alimentation dans la région a augmenté pour atteindre son plus haut niveau depuis plus de 20 ans. Les difficultés observées ne concernent pas seulement la disponibilité en calories, mais également la composition du régime alimentaire, domaine dans lequel les progrès devraient rester limités. D’ici à 2033, 50 % de l’apport calorique devrait encore être assuré par la consommation de céréales, une proportion nettement supérieure à la moyenne mondiale de 42 %. La part du sucre dans l’apport calorique régional atteindra quant à elle 10 %, pour une moyenne mondiale de 7 %. Malgré d’importantes différences d’un pays à l’autre, ce régime alimentaire riche en calories et pauvre en nutriments est souvent associé à une prévalence accrue du surpoids, de l’obésité et de diverses maladies chroniques telles que le diabète. La prévalence croissante de la sous-alimentation et les taux élevés de retard de croissance et d’émaciation chez les jeunes enfants des pays à faible revenu touchés par des conflits laissent également penser que le « triple fardeau » de la malnutrition (sous-nutrition, surpoids et carence en micronutriments) représentera un enjeu critique des politiques régionales à moyen terme. La qualité des aliments est essentielle pour apporter des solutions à ces problèmes, mais les contraintes d’accessibilité financière restent un obstacle majeur à l’adoption d’une alimentation plus saine et de meilleure qualité.
La réduction du gaspillage et des pertes alimentaires sera déterminante pour atténuer les problèmes de disponibilité et d’accessibilité financière. La région Afrique du Nord et Proche-Orient affiche un niveau de gaspillage et de pertes alimentaires plus important que dans aucune autre région présentée dans ce chapitre, dépassant de 58 % la moyenne mondiale. Les céréales représentent près de 60 % des calories perdues ou gaspillées à l’échelle régionale, tandis que les autres cultures périssables telles que les fruits et les légumes y contribuent pour 16 % (Graphique 2.16). D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD, l’apport calorique dans la région pourrait croître de 9.5 % par rapport au niveau de référence et le nombre de personnes sous-alimentées pourrait diminuer de 19%, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait augmenter de 10.5 % par rapport au niveau moyen de la période de référence et le nombre de personnes sous-alimentées de la région pourrait diminuer de 10.3% par rapport à la moyenne de référence 2021-23, tandis qu’il y aurait près de 4 millions de personnes sous-alimentées en moins dans la région.
Le niveau moyen de disponibilité en protéines dans la région devrait être de 84 g par personne et par jour en 2033, soit seulement 0.1 g de plus que pendant la période de référence. Bien que les produits végétaux représentent toujours l’essentiel de la consommation régionale de protéines, la part des protéines animales devrait augmenter de 2.9 % et porter la croissance de l’apport protéique d’ici à 2033, tandis que la consommation de protéines d’origine végétale enregistrera un léger recul. Malgré cette évolution, les produits végétaux continueront de représenter plus des deux tiers de l’apport protéique total en 2033. La consommation par habitant de viande de volaille, de viande bovine, de la plupart des produits laitiers et de produits halieutiques et aquacoles devrait s’accroître, mais à partir d’un niveau bas et à un rythme qui ne devrait pas excéder 1 % par an.
La croissance prévue de la production animale, et plus particulièrement de la production de la filière avicole, devrait entraîner une augmentation de 20 % de la consommation d’aliments pour animaux d’ici à 2033. Cette croissance demeure plus lente que celle de la production de viande (23 %), ce qui souligne l’impact des gains d’efficacité et de l’amélioration des taux de conversion alimentaire. Le maïs et les autres céréales secondaires représentent plus de la moitié des aliments pour animaux, contre 16 % pour le tourteau protéique. Dans une région aux capacités de production très limitées, la priorité est généralement accordée à la production de cultures vivrières. Par conséquent, l’industrie des aliments pour animaux conservera une forte dépendance aux matières premières importées. Ainsi, d’ici à 2033, les importations de maïs devraient augmenter de 31 % pour atteindre 30 Mt et celles de tourteau protéique de 12 % pour atteindre 7 Mt.
2.4.4. Échanges
Le coût des importations toujours plus élevé
Au cours de la décennie à venir, la forte croissance démographique de la région et ses capacités de production limitées devraient conduire à une dépendance accrue des marchés mondiaux. En 2033, parmi toutes les régions présentées dans ce chapitre, la région Afrique du Nord et Proche-Orient devrait se situer au deuxième rang, derrière l’Asie développée et de l’Est, pour ses importations nettes de produits alimentaires, mais au premier rang si ces importations sont rapportées au nombre d’habitants. C’est en Arabie saoudite et dans les autres pays du Moyen-Orient (dont les États du Golfe) que les importations de produits alimentaires par habitant seront les plus élevées (Graphique 2.14).
Au cours des dernières années, la gestion des importations a été fortement perturbée, notamment en raison des contraintes économiques et logistiques liées à la pandémie de COVID-19, de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et de ses conséquences sur le transport en mer Noire, ou encore, plus récemment, de la guerre à Gaza et de ses conséquences sur le trafic en mer Rouge et l’accès au canal de Suez. Ces perturbations du transport maritime dans la région du Golfe ont un impact particulièrement fort sur la région compte tenu de la proximité géographique des principaux pays importateurs. Ces crises ont donné lieu à une forte volatilité du coût et du volume des produits importés dans la région, et ont conduit à l’adoption de stratégies d’approvisionnement qui privilégient les importations en provenance de Russie, d’Europe et d’Amérique du Nord, au détriment de l’Ukraine. Les retards de livraison et l’augmentation des coûts résultant des perturbations du transport sur les grands axes maritimes qui empruntent le canal de Suez et le canal de Panama pourraient donc, à court terme, placer la région face à de nouvelles difficultés. Certaines mesures ont déjà été prises pour atténuer les contraintes et favoriser des solutions de substitution en mer Rouge et dans la région méditerranéenne, de manière à garantir la disponibilité des produits. Le coût total des importations de la région a atteint son niveau le plus bas en 2020, au plus fort de la pandémie de COVID-19, mais avait augmenté de près de 10 % dès 2023, dépassant largement les niveaux prépandémiques. Malgré une baisse du prix des produits agricoles, le coût des importations devrait continuer à augmenter à moyen terme et pourrait croître de 28 % entre la période de référence 2021-23 et 2033.
Le poids de la région sur les flux mondiaux de certains produits et la part élevée des produits importés dans sa consommation intérieure illustre la forte exposition de la région aux risques liés aux perturbations pouvant affecter les échanges. Cette spécificité devrait s’accentuer au cours de la période couverte par les Perspectives. Les importations devraient augmenter pour presque tous les produits, mais cette croissance sera principalement portée par les fruits, les légumes, les produits laitiers, le blé, le riz, la volaille et le sucre. Le poids de la région dans le commerce mondial augmente également pour la plupart des produits et sera, en 2033, particulièrement important pour la viande ovine (29 %), le blé (26 %), la viande de volaille (22 %), le sucre (22 %), les produits laitiers (21 %) et le maïs (14 %). Par conséquent, toute évolution significative des marchés mondiaux ou nationaux pourrait avoir d’importantes répercussions sur la sécurité alimentaire de la région Afrique du Nord et Proche-Orient.
Tableau 2.4. Indicateurs régionaux : Proche-Orient et Afrique du Nord
Copier le lien de Tableau 2.4. Indicateurs régionaux : Proche-Orient et Afrique du Nord
Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
366 685 |
445 474 |
531 326 |
19.27 |
1.88 |
1.58 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
6.33 |
6.41 |
7.39 |
15.24 |
-0.28 |
1.26 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
67.7 |
82.9 |
101.1 |
21.98 |
2.15 |
1.61 |
Valeur nette de la production végétale3 |
25.0 |
26.3 |
32.8 |
24.69 |
1.01 |
0.95 |
Valeur nette de la production animale3 |
31.7 |
39.5 |
49.8 |
26.04 |
2.07 |
2.30 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
10.9 |
17.1 |
18.5 |
8.39 |
4.42 |
1.03 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
53 060 |
47 451 |
60 547 |
27.60 |
-1.29 |
1.19 |
Légumineuses |
1 634 |
2 098 |
2 824 |
34.60 |
3.26 |
2.74 |
Racines et tubercules |
2 998 |
4 113 |
5 038 |
22.50 |
3.12 |
1.66 |
Oléagineux4 |
1 092 |
1 104 |
1 150 |
4.14 |
-0.26 |
0.20 |
Viande |
6 990 |
8 803 |
10 800 |
22.68 |
2.50 |
2.54 |
Produits laitiers5 |
3 454 |
3 385 |
4 002 |
18.23 |
0.02 |
1.67 |
Produits halieutiques et aquacoles |
3 887 |
5 976 |
6 451 |
7.94 |
4.21 |
1.02 |
Sucre |
3 148 |
3 302 |
4 482 |
35.72 |
-0.94 |
1.13 |
Huile végétale |
1 519 |
2 145 |
2 486 |
15.88 |
4.78 |
0.92 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
0.00 |
0.00 |
0.00 |
-41.30 |
0.00 |
1.53 |
Éthanol |
487 |
538 |
661 |
22.83 |
0.44 |
1.98 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
464 775 |
453 750 |
455 322 |
0.35 |
-0.04 |
0.01 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
44 231 |
42 369 |
44 048 |
3.96 |
-0.27 |
0.10 |
Superficie totale des pâturages7 |
420 544 |
411 381 |
411 274 |
-0.03 |
-0.02 |
0.00 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
182 |
184 |
198 |
7.62 |
-0.12 |
0.57 |
Imputables à la production végétale |
26 |
25 |
28 |
9.21 |
0.57 |
0.10 |
Imputables à la production animale |
156 |
158 |
170 |
7.38 |
-0.23 |
0.65 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Disponibilité quotidienne en calories par habitant8 (kcal) |
2 852 |
2 844 |
2 899 |
1.93 |
-0.12 |
0.31 |
Disponibilité quotidienne en protéines par habitant8 (g) |
81.6 |
83.7 |
83.8 |
0.08 |
0.2 |
0.3 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
205.8 |
201.7 |
205.7 |
1.99 |
-0.24 |
0.15 |
Viande |
17.5 |
17.1 |
18.2 |
6.02 |
-0.59 |
0.70 |
Produits laitiers5 |
11.4 |
10.1 |
10.4 |
3.17 |
-1.17 |
0.25 |
Produits halieutiques et aquacoles |
11.5 |
11.3 |
11.8 |
4.04 |
-0.63 |
0.44 |
Sucre |
30.4 |
28.7 |
30.4 |
5.91 |
-0.97 |
0.45 |
Huile végétale |
10.9 |
11.1 |
11.4 |
2.49 |
-0.74 |
0.25 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
-69 |
-78 |
-106 |
35.38 |
||
Valeur des exportations3 |
22 |
35 |
39 |
11.68 |
3.49 |
1.17 |
Valeur des importations3 |
91 |
113 |
145 |
28.12 |
0.71 |
2.18 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (calories)10 |
42 |
38.6 |
39.0 |
1.04 |
-0.26 |
-0.37 |
Notes : 1. En USD constant de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.5. Perspectives régionales : Europe et Asie centrale
Copier le lien de 2.5. Perspectives régionales : Europe et Asie centrale2.5.1. Contexte
Un intérêt croissant pour la durabilité dans un environnement associé à des risques élevés
La région Europe et Asie centrale7 comprend des pays très hétérogènes situés sur deux continents et se trouvant à divers stades de développement. Ces pays présentent des différences notables sur le plan des ressources agricoles, de la démographie et des politiques publiques. Les défis auxquels la région est confrontée sont divers. La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a provoqué d’importantes destructions et continue de susciter l’incertitude. Si les chaînes d’approvisionnement s’adaptent à cette situation, la prolongation du conflit suscite l’incertitude, et la transition de l’Union européenne vers une croissance plus verte et plus durable risque d’être plus lente que par le passé.
La région abrite 12 % de la population mondiale, mais cette proportion devrait diminuer d’ici à 2033 compte tenu d’une croissance démographique inférieure à 1 %. Le taux d’urbanisation est globalement élevé, et 76 % de la population devrait vivre dans les villes d’ici à 2033. La dynamique démographique varie sensiblement d’un pays à l’autre, tant en ce qui concerne la croissance que l’urbanisation, ce qui contribue aux différences en matière de demande alimentaire. En Europe occidentale et orientale, où vivent 90 % des habitants de la région, la population devrait diminuer respectivement de 0.4 % et de 0.7 % d’ici à 2033 par rapport à la période de référence2021-23. À l’inverse, en Asie centrale, la population devrait augmenter de 12 %, ce qui représente 12 millions de personnes supplémentaires, tandis qu’en Europe occidentale et orientale, elle diminuerait de 4.3 millions de personnes. L’Asie centrale ne continuera d’abriter que 11 % de la population de la région d’ici à 2033. Elle est en outre moins urbanisée ; 52 % de sa population devrait vivre en milieu urbain d’ici à 2033, contre 48 % pendant la période de référence 2021-23.
Le revenu annuel moyen par habitant dans la région, 27 800 USD en USD constants de 2010, est plus de deux fois supérieur à la moyenne mondiale. Cette moyenne englobe des revenus pouvant atteindre près de 40 200 USD par habitant et par an dans les économies très développées d’Europe occidentale, contre seulement 13 400 USD dans les pays de l’Est pauvres en ressources, et à peine 5 200 USD en Asie centrale. Ayant enregistré un net rebond après la récession due à la pandémie de COVID-19 en 2021, la région a réussi à maintenir en moyenne une croissance positive pendant la période de référence 2021-23 en dépit de défis tels que la guerre de la Russie contre l’Ukraine, la flambée des prix de l’énergie y afférente en 2022 et la nécessité de maîtriser l’inflation alimentaire élevée persistante. En raison de la diminution du soutien de l’activité par la voie budgétaire et du resserrement de la politique monétaire, la croissance a ralenti, mais devrait rester positive. L’inflation ralentissant lentement et la politique monétaire approchant de la fin de son cycle de resserrement, la croissance du PIB par habitant devrait atteindre 1.2 % en 2024 et, à moyen terme, 1.6 % en moyenne par an. Les risques pour la croissance persistent, en particulier dans les économies pauvres en ressources ou dépendant de leur vaste secteur manufacturier, lesquels sont confrontés à une faible demande extérieure et sont plus exposés aux prix élevés de l’énergie.
Compte tenu des différents stades de développement des pays, la part des secteurs primaires de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de la production halieutique et aquacole dans le PIB varie de 2 % dans l’Union européenne à 7 % en Asie centrale. De même, la part de l’alimentation dans le budget des ménages est estimée en moyenne à 10 % dans la région pour la période 2021-23 (allant de quelque 6 % au Royaume-Uni à environ 16 % en Türkiye et même plus dans de nombreux pays d’Asie centrale).8 L’inflation des produits alimentaires dans la région a en moyenne été de 10 % entre 2021 et 2023, ce qui représente une hausse importante par rapport aux cinq années précédentes (2.4 %). Les répercussions de cette augmentation, ainsi que la modération continue pendant la période de projection, sur la sécurité alimentaire sont plus lourdes pour les pays et les ménages qui consacrent une part plus importante de leur revenu total à l’alimentation. Cela apparaît clairement dans la montée en flèche de la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée et grave en Asie centrale en 2021, malgré le rétablissement des revenus. En dépit des améliorations enregistrées en 2022, l’insécurité alimentaire continue d’être nettement plus élevée qu’avant la pandémie ; cela étant, la baisse continue de l’inflation des produits alimentaires pourrait accélérer les progrès à cet égard. Certains risques persistent néanmoins et la guerre de la Russie contre l’Ukraine, par exemple, pourrait ralentir les avancées dans la région.
La région Europe et Asie centrale est actuellement à l’origine de 15 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole mondiale, les principaux contributeurs étant l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Russie, l’Ukraine, la Türkiye et le Kazakhstan. Cette part pourrait régresser à 14 % à l’horizon 2033, en raison de la forte diminution de la capacité de production due à la guerre de la Russie contre l’Ukraine et à l’importance accrue accordée à la durabilité au sein de l’Union européenne.
Ces dernières années, le secteur agricole de la région a dû relever avec succès de nombreux défis, dont nombre auront des répercussions à long terme. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement et les goulets d’étranglement logistiques dus à la pandémie de COVID-19 ont en grande partie diminué, mais l’épidémie a également recentré l’attention sur les chaînes d’approvisionnement plus courtes et locales et permis de sensibiliser davantage aux habitudes alimentaires saines, lesquelles devraient persister. De même, un grand nombre de chocs initiaux liés à la guerre de la Russie contre l’Ukraine, tels que la flambée des prix de l’énergie, des engrais et des produits agricoles se dissipent, mais l’évolution de la structure des échanges pourrait persister. Si de nombreuses incertitudes demeurent concernant une possible résolution du conflit, les dommages importants subis par les infrastructures suggèrent que le rétablissement de la capacité de production sera lent. Par conséquent, la hausse remarquable des exportations en provenance de l’Europe de l’Est observée ces dix dernières années devrait ralentir considérablement.
L’Union européenne génère 47 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole de la région. Ses stratégies « De la ferme à la table » et en faveur de la biodiversité témoignent de la priorité accordée à la durabilité et au renforcement de la résilience. La stratégie « De la ferme à la table » partage la vision d’un système alimentaire équitable, sain, durable et respectueux de l’environnement. Elle pourrait exercer une influence sur l’évolution de la demande, les échanges, la compétitivité et la croissance de la production dans la région. Les réformes de la politique agricole commune ont renforcé son volet environnemental, notamment le cadre amélioré de l’appui aux bonnes pratiques agricoles et environnementales, et les incitations à adopter des pratiques agricoles plus respectueuses de l’environnement et du climat.
Parallèlement, l’importance accrue accordée par l’Union européenne à la durabilité ainsi que le durcissement du cadre réglementaire y afférent applicable dans le domaine de l’environnement et du climat sont susceptibles d’alourdir les coûts de production et, ce faisant, risquent d’éroder la compétitivité de ses producteurs. Les innovations visant à obtenir des gains de productivité durables suffisants en vue de compenser les coûts supplémentaires seront essentielles pour renforcer la résilience du secteur agricole face aux chocs exogènes dont la fréquence et l’intensité augmenteront sans doute.
2.5.2. Production
Ralentissement de la croissance sur fond de guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et de durcissement de la législation environnementale
D’ici à 2033, la valeur nette de la production des secteurs agricole, halieutique et aquacole dans la région Europe et Asie centrale ne devrait augmenter que de 7 % par rapport à la période de référence 2021-23. Cela représente moins de la moitié de la croissance atteinte ces dix dernières années et reflète un ralentissement significatif en Europe. Dans le contexte de la guerre en Ukraine, la croissance en Europe de l’Est s’essouffle, passant de 30 % ces dix dernières années à seulement 13 % pendant la période de projection. Si l’Ukraine est supposée atteindre une capacité de production inédite en 2033, le relèvement demandera du temps et la croissance de la production en Europe de l’Est devrait être dominée par la Türkiye (25 %) et la Russie (7 %). En Europe occidentale, on prévoit une croissance de la production de seulement 1.6 % en 2033, en raison du ralentissement de la croissance au sein de l’Union européenne, tandis qu’en Asie centrale, l’expansion rapide au Kazakhstan devrait stimuler une croissance de 24 %.
La croissance repose en grande partie sur les gains de productivité, dans la mesure où la surface agricole devrait diminuer de 3,4 Mha, dans la continuité des évolutions passées. Cette diminution est presque exclusivement attribuée à la superficie des pâturages. Ce phénomène, concentré en Europe, n’est pas uniforme d’un secteur à l’autre. En Europe occidentale, les surfaces cultivées et les pâturages devraient diminuer, tandis qu’en Europe de l’Est et en Asie centrale, le recul prévu des pâturages est en partie compensé par une légère hausse des terres utilisées pour la production végétale.
Les cultures représentent près de 40 % de la valeur totale produite par les secteurs agricole, halieutique et aquacole dans la région. Une hausse de 0.7 % par an suffira à maintenir cette proportion d’ici à 2033. Cette croissance s’explique à la fois par l’amélioration des rendements permise par l’innovation technologique dans l’ensemble de la région et par l’intensification en Asie centrale. Une hausse des rendements annuels est attendue pour toutes les grandes cultures, de l’ordre de 0.5 % pour les oléagineux à 0.8 % pour les légumineuses. Cette hausse repose en partie sur le recours accru aux engrais ; après l’envolée enregistrée en 2022, la normalisation des prix se poursuit. D’ici à 2033, l’épandage par hectare devrait augmenter de 8 % – une progression similaire à celle observée ces dix dernières années, mais concentrée en Europe de l’Est et en Asie centrale – et de 5 % en Europe occidentale.
En ce qui concerne le panachage des cultures, peu de changements sont attendus, car l’accroissement de la production devrait être majoritairement associé aux céréales et aux oléagineux, essentiellement en provenance d’Europe de l’Est. La Russie, en particulier, devrait conserver un niveau de croissance soutenu pour le maïs (26 %), le blé (15 %), le soja (28 %) et les autres graines oléagineuses (17 %) au cours des dix prochaines années. En 2033, le pays devrait produire 43 % du soja, 29 % d’autres oléagineux et 30 % du blé de la région. Cette progression sera due à la fois à une expansion des surfaces cultivées et à une hausse des rendements, avec 2.2 Mha supplémentaires consacrés à ces quatre cultures d’ici à 2033 par rapport à la période de référence 2021-23. La hausse des rendements devrait par ailleurs dépasser 1 % par an pour le blé et le maïs et continuer de frôler les 1 % pour les oléagineux. Une forte augmentation de la production de blé est également attendue en Türkiye (23 %) et au Kazakhstan (26 %) d’ici à 2033. Si l’Ukraine a largement contribué à l’augmentation de la production par le passé, le relèvement qui l’attend à l’issue du conflit actuel limitera ses perspectives de croissance.
La production animale représente la moitié de la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole dans la région, soit la part la plus élevée de toutes les régions présentées dans ce chapitre. Elle devrait connaître une croissance moins rapide que la production végétale, à raison de seulement 0.5 % par an. Près de 60 % de la valeur de l’élevage à l’échelle de la région est produite en Europe occidentale, mais ce pourcentage devrait diminuer pour passer à 56 % d’ici à 2033 du fait de la transition à l’œuvre en faveur de la durabilité écologique. Une croissance plus vigoureuse en Europe de l’Est et en Asie centrale permettra à ces régions d’accroître leur contribution, pour atteindre respectivement 33 % et 11 % de la production animale totale de la région. La viande représente environ un tiers de la production animale, la viande de porc arrivant en tête du classement. La volaille représente cependant la majeure partie de la viande supplémentaire produite et devrait atteindre 38 % de la production totale de viande d’ici à 2033. À l’inverse, la production de viande porcine devrait reculer d’ici à 2033, tandis que celle de la viande bovine progresse lentement, à raison d’à peine 2.6 % sur cette période de dix ans. Plus de la moitié du surcroît de production de viande de volaille est enregistré en Europe de l’Est, où les excédents de céréales fourragères et les législations environnementales moins strictes renforcent la compétitivité.
L’hégémonie de l’Europe occidentale s’étend également aux produits laitiers, avec 47 % de la production totale contre 39 % pour l’Europe de l’Est et 14 % pour l’Asie centrale. L’Union européenne représente près de 90 % de la production laitière en Europe occidentale, mais un recul de 11 % de son cheptel bovin d’ici à 2033, par rapport à la période de référence 2021-23. D’après les projections concernant la hausse des rendements, la diminution de la production devrait être minime. En revanche, la production laitière devrait augmenter de 10 % en Europe de l’Est et de 22 % en Asie centrale, entraînant une hausse nette de 3.5 % dans la région. L’augmentation rapide en Asie centrale repose sur l’extension escomptée du cheptel de bovins (8 %) et la hausse des rendements de la production laitière (13 %), tandis qu’en Europe de l’Est, elle tient principalement à l’amélioration des rendements.
La production halieutique et aquacole représente 12 % de la production agricole totale, mais sa croissance de 10 % d’ici à 2033 ne suffira pas à maintenir cette position. L’importance de l’aquaculture ne cesse de croître et, d’ici à 2033, elle devrait représenter 24 % de la production halieutique et aquacole totale. Le secteur de l’aquaculture affiche ainsi une croissance de 1.9 % par an, contre seulement 0.6 % pour la pêche.
D’ici à 2033, les émissions directes de GES liées à l’agriculture devraient diminuer au niveau régional, quoique seulement de 0.6 %. Elles devraient notamment baisser de 4 % en Europe occidentale et dans l’Union européenne, mais augmenter de 1 % en Europe de l’Est et de 9 % en Asie centrale, où les cheptels continuent de s’agrandir. La hausse de la productivité est telle que le volume de ces émissions rapporté à la valeur de la production agricole devrait diminuer de 8 % par rapport à la période de référence 2021-23. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 3 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient baisser de 3.5 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.5.3. Consommation
Des tendances divergentes concernant les aliments d’origine animale, en baisse en Europe occidentale et en hausse en Asie centrale
Malgré le revenu relatif élevé et la maturité de la base de consommateurs dans une grande partie de la région, les crises que constituent notamment la pandémie de COVID-19, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, la hausse du coût de la vie et l’inflation alimentaire élevée ont eu des répercussions importantes. Au niveau régional, l’insécurité alimentaire modérée à grave a atteint son plus fort niveau en 2021 avant de diminuer légèrement en 2022, les perturbations liées à la pandémie de COVID-19 étant moins importantes. Face à une inflation alimentaire élevée persistante, le relèvement n’a pas été suffisant pour ramener l’insécurité alimentaire au niveau prépandémique. Les questions d’accessibilité financière sont particulièrement sensibles dans les régions où les mesures d’aide au revenu sont insuffisantes et où une part plus large du budget des ménages est consacrée à l’alimentation. De plus, en Europe de l’Est, la guerre en Ukraine a engendré toute une série de nouveaux problèmes de sécurité alimentaire et de perturbation des chaînes d’approvisionnement, du fait du déplacement de millions de personnes, des dégâts subis par les infrastructures et les circuits de distribution ainsi que d’une importante volatilité des prix, d’où l’aggravation de la sécurité alimentaire en 2022. Le ralentissement de l’inflation alimentaire aidant, la disponibilité moyenne en calories dans la région a augmenté en 2023 et cette tendance devrait s’accélérer du fait de l’amélioration de l’accessibilité financière des produits alimentaires pendant la période de projection.
La disponibilité en calories par habitant et par jour dans la région est bien supérieure à la moyenne mondiale et, d’ici à 2033, une hausse de 3 %, ou 98 kcal par personne, devrait la porter à plus de 3 400 kcal par personne. L’hétérogénéité des niveaux de revenu et des préférences des consommateurs souligne les différences au sein de la région. En Europe de l’Est et en Asie centrale, l’amélioration de l’accessibilité financière des produits alimentaires au cours de la période de projection contribue à une hausse de 7 % des calories disponibles à la consommation. D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD, l’apport en calories en Europe de l’Est et en Asie centrale pourrait croître respectivement de 1.9 % et de 3.7 % par rapport au niveau de référence, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait y augmenter respectivement de 7.2 % et de 9.4 % par rapport à son niveau moyen de la période de référence 2021-23. En Europe occidentale, la disponibilité totale de calories ne devrait pratiquement pas changer d’ici à 2033 par rapport au niveau de référence, mais les préférences au sein de la base de consommateurs à revenu plus élevé et bien établie reflètent une prise de conscience croissante quant aux bienfaits d’une alimentation saine et aux répercussions de la filière alimentaire sur l’environnement. Si la crise du coût de la vie a mis en lumière les coûts associés à de telles préférences, ces dernières continueront d’exercer une influence déterminante sur la composition de la consommation alimentaire. Par conséquent, la consommation par habitant d’huile végétale et de produits d’origine animale devrait diminuer.
La disponibilité en protéines par habitant était supérieure de 21 % à la moyenne mondiale durant la période 2021-23. En 2033, elle ne devrait progresser que de 4 % pour atteindre 111 g par jour. La hausse attendue dans toute la région sera moins importante en Europe occidentale (1.8 %) qu’ailleurs, et y est exclusivement attribuée aux produits d’origine végétale, souvent considérés comme des alternatives saines et durables aux produits d’origine animale. En Europe de l’Est et plus encore en Asie centrale, les produits d’origine animale représentent une part plus importante des protéines supplémentaires consommées et, d’ici à 2033, les protéines d’origine animale devraient progresser de 7.5 % en Europe de l’Est et de 13 % en Asie centrale par rapport à la période de référence 2021-23. Si ces prévisions laissent entrevoir une certaine convergence au sein de la région, en 2033, la consommation de viande par habitant en Europe occidentale n’en restera pas moins plus élevée (52 kg) qu’en Europe de l’Est (46 kg) et qu’en Asie centrale (32 kg).
Au sein de l’Union européenne, la consommation de protéines est déjà élevée, la part des produits carnés étant légèrement plus importante que celle des produits laitiers. Les considérations environnementales devraient entraîner une baisse de 1.7 % de la consommation de viande par habitant d’ici à 2033 ; en revanche, la consommation de produits laitiers pourrait augmenter de 1.3 %. En 2033, la consommation de fromage restera plus de six fois plus élevée que la moyenne mondiale, et celle de beurre, deux fois plus élevée. En ce qui concerne la consommation de produits carnés, le recul des viandes porcine, bovine et ovine devrait être en partie contrebalancé par la hausse de la consommation de volaille, qui devrait atteindre plus de 30 % de la consommation totale de viande d’ici à 2033. En dépit d’une baisse de 5 % d’ici à 2033, la viande porcine maintiendra sa part de 50 % de la consommation totale de viande par habitant et continuera d’être plus de deux fois supérieure à la moyenne mondiale.
La consommation de produits halieutiques et aquacoles devrait augmenter de 0.3 % par an au cours des dix prochaines années, mais le recul de 9 % en Europe de l’Est d’ici à 2033 masque une hausse de près de 20 % en Asie centrale et de 6 % au sein de l’Union européenne. En Europe occidentale, les niveaux de consommation, déjà élevés, devraient être plus de deux fois supérieurs à la moyenne mondiale en 2033. À l’inverse, l’Asie centrale, qui part d’un niveau faible, enregistrera une hausse à peine suffisante pour atteindre 60 % de la consommation mondiale moyenne en 2033.
La région représente 23 % de la consommation mondiale d’aliments pour animaux, ce qui reflète l’importance relative des produits d’origine animale dans la production totale, ainsi que l’intensité des systèmes de production. Les perspectives de croissance sont similaires à celles de l’élevage, avec une nette décélération attendue dans les dix années à venir, la part de la région sur le marché mondial diminuant pour se situer à 21 %. L’utilisation totale de produits d’alimentation animale ne devrait augmenter que de 3.2 % d’ici à 2033, avec une baisse de 3 % en Europe occidentale, compensée par des hausses de 12 % en Europe de l’Est et de 26 % en Asie centrale. En Europe occidentale, le déclin de la consommation d’aliments pour animaux est plus important que celui de la production animale, signe d’une certaine extensification des pratiques de production dans le contexte d’une législation environnementale plus rigoureuse. À l’inverse, l’Europe de l’Est et l’Asie centrale devraient intensifier les pratiques de production et les produits d’alimentation animale devraient enregistrer une croissance plus rapide que la production animale.
L’engagement de l’Union européenne à accroître sa production d’énergies renouvelables s’aligne sur son nouvel objectif ambitieux consistant à porter à 45 % leur part dans la consommation énergétique d’ici à 2030. La crise énergétique n’a fait qu’accélérer le développement des énergies renouvelables dans la région. Malgré la diminution attendue de la consommation d’essence et de diesel, en raison de la décarbonation des transports routiers et de la montée en puissance des véhicules électriques qui s’en est suivie, la consommation d’éthanol devrait augmenter de 5 %. La consommation de biodiesel devrait diminuer de près de 6 % au cours de la prochaine décennie. Au vu des problèmes de durabilité liés à l’huile de palme, classée à haut risque par la directive sur les énergies renouvelables récemment adoptée, de nombreux pays cessent d’y avoir recours aux fins de l’alimentation des animaux, et son utilisation pour la production de biodiesel devrait diminuer de près de 70 % d’ici à 2033.
2.5.4. Échanges
Le relèvement des exportations ukrainiennes dépendra de la résolution du conflit
Les échanges commerciaux en Europe et en Asie centrale sont parmi les plus dynamiques des régions présentées dans ce chapitre. Alors que la région comptait parmi les plus grands importateurs nets, son déficit commercial a diminué de plus de 50 % en l’espace de dix ans. Assurant près de 40 % des exportations supplémentaires au cours des dix dernières années, son importance sur les marchés mondiaux s’est également renforcée, bien qu’elle n’ait contribué que de 14 % à la croissance de la production mondiale. Cette évolution est essentiellement due à l’Europe de l’Est, en particulier à la Russie et à l’Ukraine, où les gains de productivité importants ont été nettement supérieurs à la faible croissance démographique. Cette place prépondérante sur les marchés mondiaux doit beaucoup aux exportations de céréales et d’huiles végétales principales, comme l’atteste la part de 33 % de l’Europe de l’Est dans les exportations mondiales de blé pendant la période de référence 2021-23. La guerre de la Russie contre l’Ukraine compromettant la capacité de cette dernière à accroître sa production, les exportations de la région devraient diminuer. La progression attendue de 22 % des exportations de l’Europe de l’Est d’ici à 2033 représente moins de la moitié de la croissance observée ces dix dernières années. La croissance se concentrera vraisemblablement en Russie et en Türkiye, où les exportations devraient s’accroître respectivement de 2.5 % et de 1.8 % par an. Les exportations de l’Europe occidentale devraient augmenter de 1.5 % par an ; sa contribution à la croissance des exportations totales de la région devrait donc être plus importante que par le passé. Ces hausses, associées à une croissance des exportations d’Asie centrale de l’ordre de 1.3 % par an, suffiront, d’ici à 2033, à produire un excédent commercial pour la région Europe et Asie centrale, lequel sera égal à son déficit actuel.
Portée par un excédent croissant au sein de l’Union européenne, l’Europe occidentale devrait passer d’un important déficit commercial pendant la période de référence 2021-23 à un léger excédent d’ici à 2033. Les excédents supplémentaires produits par l’Union européenne devraient en grande partie être dus aux fruits et légumes frais, dont les exportations pourraient progresser, respectivement de 21 % et de 26 % au cours de la prochaine décennie, ainsi qu’au blé, au sucre et aux produits laitiers à valeur ajoutée tels que le fromage. La région fournit déjà une part importante des exportations mondiales de fromage ; à l’horizon 2033, une progression de 25 % est prévue dans ce secteur, tandis que les exportations de blé et de sucre pourraient s’accroître respectivement de 10 % et de 15 %. L’excédent net est également dû à un ralentissement considérable des importations de l’Union européenne, qui s’explique par une demande atone et les préoccupations en matière de durabilité à l’origine d’une réduction de près de 50 % des importations d’huile de palme.
L’Europe et l’Asie centrale sont à l’origine de plus de 40 % de la valeur des exportations mondiales de produits animaux, dont près de 90 % proviennent de l’Union européenne. La progression des exportations de produits animaux de l’Union européenne devrait s’accélérer pendant la période de projection en raison de la stagnation de la demande intérieure, et la part de l’Union européenne dans les exportations mondiales des mêmes produits pourrait atteindre 46 % d’ici à 2033. Cette évolution est principalement due à la croissance des exportations de produits laitiers. Compte tenu de la baisse de la production, les exportations de viande de l’Union européenne devraient diminuer de 6 %, mais ce recul concernera surtout le secteur porcin, tandis que les exportations de volaille devraient progresser de 11 %. Du fait de ce fléchissement, la région ne représentera plus que 32 % des échanges mondiaux de viande porcine.
La région est également une grosse exportatrice de produits halieutiques et aquacoles. Elle est à l’origine de 25 % du volume des exportations mondiales de produits halieutiques et aquacoles, soit la deuxième part la plus importante de toutes les régions présentées dans ce chapitre, derrière la région Asie et Asie du Sud-Est. Une hausse de 0.7 % par an suffira à maintenir cette proportion à 24 % d’ici à 2033. Au sein de la région, la Russie et la Norvège sont les principaux pays exportateurs.
En dépit de son orientation croissante vers les exportations, qui accroît son exposition aux perturbations commerciales, comme le conflit en mer Rouge et son incidence sur le transit par le canal de Suez, la région reste une importatrice majeure pour de nombreux produits agricoles. Celles-ci seront pour l’Union européenne de plus en plus influencées par les réglementations environnementales. Les importations de la région devraient augmenter de près de 9 % d’ici à 2033, ce qui représente une croissance bien plus faible qu’en Asie centrale (près de 31 %, mais par rapport à un niveau de référence plus faible). Du fait de cette orientation croissante vers les exportations en Europe, associée à une hausse des importations d’Asie centrale, une part substantielle des importations supplémentaires pourrait être enregistrée au sein de la région. Environ 20 % des importations supplémentaires en Asie centrale devraient concerner les produits d’origine animale, dont l’Union européenne est l’un des principaux fournisseurs.
Tableau 2.5. Indicateurs régionaux : Europe et Asie centrale
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Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
902 528 |
931 028 |
938 211 |
0.77 |
0.26 |
0.07 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
24.36 |
27.80 |
32.88 |
18.28 |
1.32 |
1.55 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
392.9 |
454.6 |
487.3 |
7.20 |
1.21 |
0.62 |
Valeur nette de la production végétale3 |
151.7 |
176.3 |
190.8 |
8.26 |
0.98 |
0.72 |
Valeur nette de la production animale3 |
193.2 |
225.0 |
237.8 |
5.69 |
1.52 |
0.47 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
48.0 |
53.3 |
58.6 |
10.07 |
0.69 |
0.92 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
523 947 |
595 937 |
634 033 |
6.39 |
0.34 |
0.79 |
Légumineuses |
8 295 |
12 928 |
15 595 |
20.62 |
2.51 |
1.78 |
Racines et tubercules |
28 338 |
31 035 |
33 492 |
7.92 |
0.83 |
0.54 |
Oléagineux4 |
60 270 |
88 457 |
99 540 |
12.53 |
2.95 |
0.79 |
Viande |
62 503 |
72 247 |
74 451 |
3.05 |
1.14 |
0.35 |
Produits laitiers5 |
26 077 |
29 706 |
31 536 |
6.16 |
0.94 |
0.52 |
Produits halieutiques et aquacoles |
17 140 |
18 712 |
19 844 |
6.05 |
0.45 |
0.91 |
Sucre |
26 818 |
28 164 |
29 853 |
6.00 |
0.47 |
0.11 |
Huile végétale |
25 978 |
35 921 |
38 431 |
6.99 |
2.79 |
0.40 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
11867 |
19432 |
18800 |
-3.25 |
4.87 |
0.08 |
Éthanol |
7 356 |
8 049 |
8 994 |
11.73 |
0.52 |
1.04 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
771 812 |
763 942 |
760 556 |
-0.44 |
-0.08 |
-0.01 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
252 469 |
251 913 |
251 905 |
0.00 |
0.07 |
0.09 |
Superficie totale des pâturages7 |
519 343 |
512 029 |
508 651 |
-0.66 |
-0.15 |
-0.06 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
750 |
772 |
767 |
-0.65 |
-0.02 |
-0.04 |
Imputables à la production végétale |
188 |
198 |
201 |
1.48 |
0.03 |
0.27 |
Imputables à la production animale |
547 |
555 |
545 |
-1.74 |
-0.09 |
-0.16 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Consommation alimentaire quotidienne en calories par habitant8 (kcal) |
3 262 |
3 311 |
3 409 |
2.98 |
0.35 |
0.23 |
Consommation alimentaire quotidienne en protéines par habitant8 (g) |
101.9 |
106.4 |
110.7 |
4.0 |
0.6 |
0.4 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
159.8 |
162.4 |
169.8 |
4.52 |
0.07 |
0.41 |
Viande |
45.3 |
47.1 |
48.0 |
2.01 |
0.16 |
0.15 |
Produits laitiers5 |
26.4 |
28.2 |
29.7 |
5.19 |
0.58 |
0.43 |
Produits halieutiques et aquacoles |
18.4 |
17.2 |
17.5 |
1.42 |
-0.63 |
0.03 |
Sucre |
34.6 |
32.9 |
32.6 |
-0.75 |
-0.12 |
-0.11 |
Huile végétale |
17.6 |
19.9 |
19.6 |
-1.23 |
0.01 |
-0.52 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
- 45 |
- 20 |
25 |
-221.85 |
||
Valeur des exportations3 |
446 |
584 |
681 |
16.61 |
2.22 |
1.55 |
Valeur des importations3 |
491 |
604 |
657 |
8.66 |
2.13 |
0.91 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (calories)10 |
100.9 |
106.4 |
111.4 |
4.65 |
0.25 |
0.39 |
Notes : 1. En USD constants de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.6. Perspectives régionales : Amérique du Nord
Copier le lien de 2.6. Perspectives régionales : Amérique du Nord2.6.1. Contexte
Le secteur de l’agroalimentaire, productif et résilient, contribue de manière significative à la production mondiale
La région Amérique du Nord ne compte que deux pays – les États-Unis et le Canada – dont les 377 millions d’habitants représentent 4.7 % de la population mondiale. Cette proportion pourrait légèrement diminuer d’ici à 2033 en raison d’une croissance démographique qui ne devrait pas dépasser 0.5 % par an. La région abrite cependant 10 % des terres agricoles à l’échelle mondiale et présente la disponibilité en terres arables par habitant la plus importante de toutes les régions présentées dans les Perspectives. Cela lui permet de jouer un rôle déterminant dans l’agriculture mondiale en assurant 10 % de la production totale et en représentant 12 % des échanges mondiaux. Si son excédent commercial agricole arrive en troisième position du classement mondial derrière ceux de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud et du Sud-Est, il a cependant diminué de moitié ces dix dernières années et son recul devrait se poursuivre au cours de la période de projection en raison du ralentissement de la production.
Dans cette région, le secteur agricole se caractérise par une forte intensité capitalistique et un niveau de production très élevé. Les grandes exploitations agricoles à vocation commerciale ayant recours à une technologie de pointe et à des systèmes de production très exigeants en intrants affichent des rendements impressionnants. Les taux d’épandage par hectare de terre cultivée sont élevés, bien qu’ils aient fortement diminué en 2022 en raison de la flambée du coût des engrais qui a réduit les marges des producteurs. La tendance s’est inversée en 2023 grâce à un retour à la normale des prix, mais les taux d’épandage sont cependant restés inférieurs aux niveaux enregistrés dans la décennie précédant 2022 du fait d’investissements visant à réaliser des gains d’efficacité. Si les taux d’épandage devraient augmenter régulièrement au cours des dix années à venir, ils devraient à peine dépasser leur niveau de 2021 d’ici à 2033, et les gains d’efficacité sont tels que l’utilisation d’engrais par calorie produite devraient encore diminuer.
Les États-Unis et le Canada affichent tous deux un niveau de développement élevé grâce à leur économie diversifiée et parvenue à maturité, où le secteur de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de la production halieutique et aquacole représente moins de 2 % du PIB total. Le revenu par habitant, 57 300 USD en dollars constants de 2010, est le plus élevé de toutes les régions présentées dans ce chapitre et devrait augmenter de 15 % d’ici à 2033. Plus de 80 % de la population vit déjà en milieu urbain, et cette situation devrait peu évoluer d’ici à 2033. La consommation alimentaire par habitant au sein de cette base de consommateurs à revenu élevé, principalement urbaine, est la plus élevée de toutes les régions. La part du revenu total destinée à l’alimentation est quant à elle la plus faible. Cela porte à croire que l’évolution de la demande alimentaire est plus susceptible d’être influencée par les préférences des consommateurs que par une augmentation des revenus. La région consomme une proportion importante de produits d’origine animale, lesquels représentent près de 30 % de l’apport total en calories et 69 % de l’apport protéique total, contre des moyennes mondiales de respectivement 19 % et 43 %. Les régimes alimentaires sont également riches en édulcorants et notamment en huiles végétales, dont les apports en calories s’élèvent à près du double de la moyenne mondiale. La composition des régimes alimentaires et les modes de vie couramment observés dans la région sont à l’origine d’une prévalence accrue de cas d’obésité et des maladies chroniques d’origine alimentaire comme le diabète, même si la pandémie de COVID-19 a contribué à promouvoir des habitudes alimentaires plus saines. Cela pourrait avoir des répercussions durables sur les préférences des consommateurs, et l’apport total en calories, de même que la proportion d’édulcorants et d’huiles végétales, devraient diminuer d’ici à 2033.
Parallèlement au niveau de développement économique de la région et à ses niveaux déjà élevés d’apport en calories, l’utilisation de produits agricoles à des fins non alimentaires, comme les biocarburants et l’alimentation animale, a progressé plus rapidement que la demande alimentaire ces dix dernières années (Graphique 2.23). En outre, le comportement alimentaire de sa base de consommateurs bien établie est moins sensible aux fluctuations du pouvoir d’achat que dans les régions à plus faible revenu, et l’apport total en calories est resté relativement stable au cours des cinq dernières années, en dépit des perturbations telles que la pandémie de COVID-19, la crise énergétique et la crise du coût de la vie. Ces événements ont cependant profondément influencé la composition et la répartition des ventes de produits alimentaires. Les dépenses de restauration hors domicile ont baissé, tandis que les ventes des commerces de détail ont augmenté, entraînant des changements notables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire afin de s’adapter aux évolutions des exigences relatives aux types d’aliments ainsi qu’aux formats de conditionnement. Selon Weersink et al. (2021[8]), s’il a fallu du temps pour s’adapter à ces évolutions, les ajustements opérés dans la chaîne d’approvisionnement ont amélioré sa résilience face à d’éventuels chocs futurs.
Malgré des revenus et un apport alimentaire moyens élevés, les populations relevant des échelons de revenus inférieurs de la région n’échappent pas aux problèmes de sécurité alimentaire. Même avant la pandémie de COVID-19, on estimait que 10 à 13 % de la population de la région était confrontée à l’insécurité alimentaire (Tarasuk and Mitchell, 2020[9]). Bien que les mesures d’aide au revenu aient atténué ce phénomène, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée à grave a augmenté pour la première fois en 2020 ; le relèvement a cependant été rapide malgré la forte inflation des produits alimentaires qui a dépassé les 10 % en 2022, alors qu’elle était pratiquement inexistante pendant les cinq années qui ont précédé 2020. Les dépenses importantes consacrées aux politiques établies de longue date en vue de réduire le fardeau du coût de l’alimentation pour les populations pauvres, ainsi que la loi sur la réduction de l’inflation qui soutient les programmes de réduction des coûts de l’énergie, entre autres, ont contribué à ce relèvement.
La croissance économique, qui s’est rapidement redressée après la récession due à la pandémie en 2020, a été de courte durée : la guerre de la Russie contre l’Ukraine et son corollaire, la crise énergétique, ont entraîné un cycle inflationniste qui, à son tour, a conduit à un resserrement des politiques monétaires. En conséquence, la croissance du PIB par habitant a été inférieure à 2% depuis 2022 et devrait atteindre son niveau le plus bas, 0.9 %, en 2024. Le maintien d’une croissance positive en dépit des perturbations mondiales tient en grande partie à la vigueur et la résilience du marché du travail. Si les coûts de main-d’œuvre élevés et l’offre de travail réduite contribuent à l’inflation, la progression des salaires a été plus rapide, et compte tenu du ralentissement actuel de l’inflation, la croissance du PIB par habitant à moyen terme devrait atteindre une moyenne de 1.3 % par an à l’horizon 2033.
Le secteur de l’agriculture en Amérique du Nord est parvenu à maturité. Il est productif, résilient et contribue de manière significative à la production et aux exportations mondiales de plusieurs produits. Sa capacité à accroître sa production s’est avérée essentielle pour modérer les prix des matières premières malgré la guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui a réduit la production et les exportations en provenance de la région de la mer Noire. Néanmoins, ce secteur rencontre également des difficultés. Les données probantes indiquent que sa productivité, historiquement impressionnante, a marqué le pas ces dix dernières années (Fuglie, 2018[10]), que les prix des produits agricoles ont diminué plus rapidement que les coûts des principaux intrants et que, face à la hausse inexorable des coûts environnementaux, sa compétitivité risque d’être compromise à l’avenir. En raison du changement climatique, la fréquence et l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes augmentent, comme l’illustrent les sécheresses généralisées et leur impact sur les effectifs de bétail et la production végétale, ou encore les incendies de forêt, les tempêtes et les tornades, qui peuvent fortement endommager les infrastructures de production. Portées par la reconnaissance accrue de tels risques, les politiques visent de plus en plus non seulement à réduire les émissions de carbone, mais également à promouvoir une meilleure résilience des producteurs face à la gestion des risques liés au climat, à l’aune du Partenariat canadien pour une agriculture durable.
2.6.2. Production
La production végétale axée sur la productivité est synonyme de croissance
L’augmentation de la production agricole, halieutique et aquacole en Amérique du Nord devrait se poursuivre, mais la progression attendue de 12 % d’ici à 2033 laisse présager un rythme moins soutenu que par le passé. Ce ralentissement reflète une anticipation de la poursuite de la modération de la plupart des prix et d’un retour à une tendance à la baisse en valeur réelle. Compte tenu de la force relative du dollar des États-Unis, d’autres régions, telles que l’Amérique latine, sont susceptibles de gagner en compétitivité. L’élevage représente une part relativement élevée de la valeur agricole totale à l’échelle mondiale, mais la croissance de la production végétale attendue au cours des dix années à venir est plus importante. Ce renversement de la tendance qui s’est dessinée au cours de la dernière décennie est dû au prix élevé des aliments pour animaux pendant la période de référence, lequel a entraîné un recul de la production animale ; cette dernière devrait progresser à compter de 2025. Par conséquent, d’ici à 2033, la part de l’élevage dans la production totale devrait légèrement diminuer pour s’établir à 45 %, celle de la production halieutique et aquacole devrait se maintenir à 5 %, et celle de la production végétale devrait atteindre les 50 %.
La superficie agricole s’est stabilisée au cours des dix dernières années, et demeure consacrée à la production végétale à hauteur de 37 %. Si la superficie exploitée devrait peu évoluer d’ici à 2033, la réaffectation d’un peu plus de 3 Mha de parcelles de terres cultivées au pacage est en cours, principalement aux États-Unis. Malgré la diminution des terres cultivées, on s’attend à une hausse de 15 % de la valeur totale de la production végétale. Les États-Unis, où la valeur de la production végétale par hectare devrait s’accroître de 16 % en dix ans, concentreront près de trois quarts de cette progression. Le Canada enregistrera une hausse encore plus importante (29 %) ; sa production végétale est cependant nettement inférieure à celle de son voisin et devrait représenter 16 % de la production végétale de la région d’ici à 2033.
L’augmentation de la valeur de la production végétale témoigne de l’intensification de l’activité associée à la hausse des rendements et des changements intervenus dans le panachage des cultures. La diminution des superficies récoltées (2.3 Mha) est inférieure à celle des surfaces exploitées, ce qui témoigne d’un recours accru à la pratique de la double culture. Les superficies consacrées à la culture du maïs, du blé, du coton, des légumineuses et du colza, figurant parmi les principales cultures de la région, devraient augmenter au détriment des surfaces affectées au soja et à l’orge. Les superficies consacrées à la culture du coton et des légumineuses enregistrent l’augmentation la plus rapide mais, d’ici à 2033, les terres destinées à la culture du maïs, du blé et du soja, qui sont déjà plus étendues, représenteront près de 60 % de la superficie cultivée totale. La hausse des rendements annuels devrait se maintenir pour l’ensemble des cultures, allant de 0.5 % pour le maïs, à 0.8 % pour le blé et à 1.3 % pour le coton. Par ailleurs, l’éventail des taux de croissance reflète les différences observées pendant la période de référence. Le rendement moyen du maïs atteignait près de 11 tonnes par hectare entre 2021 et 2023, un chiffre supérieur de 85 % à la moyenne mondiale. À l’inverse, les rendements de blé et d’orge ont enregistré un fléchissement brutal en 2021 et en 2023 en raison des mauvaises conditions météorologiques, en particulier au Canada ; ils devraient donc s’améliorer au cours de la période de projection. La hausse des rendements témoigne de l’évolution soutenue des technologies de production qui, associées à des pratiques de gestion plus efficaces, pourraient également renforcer la résilience face aux chocs climatiques.
Les systèmes de production de viande en Amérique du Nord sont extrêmement intensifs, ce qui permet à la région de fournir 13 % de la valeur mondiale de production animale alors qu’elle ne possède que 10 % des animaux d’élevage. En ce qui concerne son cheptel de ruminants, ce pourcentage n’est que de 3 %. En raison du caractère intensif des systèmes de production, l’alimentation animale représente un facteur de coût majeur, et l’envolée de ses prix ces trois dernières années a mis la rentabilité à rude épreuve. Cette envolée s’est ajoutée aux répercussions néfastes du confinement lié à la pandémie, à savoir le manque de capacités et de main-d’œuvre dans les abattoirs et les installations de transformation, à l’origine d’une réduction du prix de la viande. La persistance des coûts élevés en matière de main-d’œuvre et d’énergie a également fait grimper les coûts au-delà des exploitations agricoles. De ce fait, la production de viande de porc a baissé en 2021 et en 2022 tandis que la croissance de la production de volaille a connu un ralentissement. Compte tenu de son cycle de production plus long, la production de viande de bœuf n’a diminué qu’en 2023, mais cette tendance à la baisse devrait durer jusqu’en 2025. Quant aux secteurs de la viande de porc et de volaille, ils devraient légèrement progresser à compter de 2024. La viande de volaille, forte de son cycle de production rapide, aurait pu afficher de meilleurs résultats en 2023 si elle n’avait pas subi les répercussions de la vaste flambée de grippe aviaire hautement pathogène. À moyen terme, la production totale de viande de la région ne devrait s’accroître que de 7 %, les États-Unis y contribuant à hauteur de plus de 90 %. Après un bref recul, la production de viande bovine affiche le taux de croissance le plus rapide et devrait s’accroître en moyenne de 1.4 % par an pendant la période de projection, tandis que la production annuelle de volaille et de viande de porc devrait augmenter respectivement de 0.8 % et de 0.4 %. Dans tous les sous-secteurs de l’élevage, la hausse de la production est plus importante que l’extension des cheptels, signe des répercussions des gains de productivité.
La production laitière devrait connaître une augmentation supérieure à celle de la production de viande et, d’ici à 2033, elle pourrait croître de 13 % par rapport à la période de référence 2021-23. Les États-Unis devraient y contribuer à hauteur de près de 85 %. Ces gains sont essentiellement dus à l’augmentation des rendements laitiers, qui sont déjà plus élevés dans la région Amérique du Nord que partout ailleurs. Les effectifs du cheptel bovin devraient augmenter de 1.5 % seulement aux États-Unis, tandis que le cheptel laitier canadien pourrait diminuer de près de 1 %. D’ici à 2033, les rendements laitiers des États-Unis et du Canada devraient respectivement augmenter de 10 % et 21 %. Les rendements au Canada seront ainsi cinq fois supérieurs à la moyenne mondiale. Compte tenu des préférences des consommateurs, une part croissante de la production totale de lait devrait être transformée en produits comme le fromage, le beurre et les poudres de lait, tandis qu’une moindre part sera consacrée au lait liquide.
Le secteur halieutique et aquacole en Amérique du Nord est nettement moins important que ceux de la culture et de l’élevage, et repose principalement sur la pêche proprement dite. D’ici à 2033, la pêche devrait progresser de 5 % par rapport à la période de référence 2021-23. Ce taux est similaire à celui de l’aquaculture, mais cette dernière, avec seulement 11 % de la production totale, part d’un niveau nettement plus faible. Au cours des dix années à venir, la production subira les lourdes répercussions des réglementations environnementales. Actuellement, 84 % de la production totale provient des États-Unis, mais au vu du rythme légèrement plus soutenu de la croissance au Canada, d’ici à 2033, ce dernier devrait assurer 17 % de la production halieutique et aquacole de la région.
L’Amérique du Nord est responsable de 7 % des émissions mondiales de GES directement liées à l’agriculture, soit un chiffre inférieur à sa part dans la production mondiale. Les émissions totales imputables à l’agriculture devraient augmenter de 4 % au cours des dix années à venir, ce qui représente une forte baisse par rapport à la dernière décennie. Les mesures politiques, telles que la tarification du carbone au Canada, devraient contribuer au ralentissement. Les émissions totales par unité de valeur de production devraient continuer à diminuer. La filière de la production végétale sera principalement responsable de la progression des émissions : sa part croîtra de 9.6 % d’ici à 2033 par rapport à la période de référence 2021-23, contre 2 % dans le cas de l’élevage. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 3.5 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient n’augmenter que de 0.2 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.6.3. Consommation
L’évolution des préférences des consommateurs déterminera les projections relatives à la demande
Les économies avancées des États-Unis et du Canada disposent de bases de consommateurs bien établies et prospères qui ne consacrent en moyenne que 6 % du budget de leur ménage à l’alimentation. Cela signifie que les fluctuations des prix alimentaires, dont l’inflation alimentaire à deux chiffres enregistrée en 2022 et la modération continue des prix alimentaires au cours de la période de projection, influent moins sur le profil de la demande alimentaire que dans bon nombre d’autres régions. Du fait du poids relativement faible des considérations économiques, les projections relatives à la demande à moyen terme sont vouées à refléter l’influence déterminante des préférences de ces consommateurs. L’évolution anticipée de ces préférences est souvent liée à l’importance accrue accordée aux pratiques alimentaires saines, une tendance amplifiée par la pandémie de COVID-19, ainsi qu’à la durabilité environnementale, en particulier chez les jeunes. Cette transition devrait avoir des répercussions non seulement sur la quantité absolue de calories consommées mais également sur leur composition.
La quantité totale de calories disponibles pour la consommation humaine, qui inclut des volumes importants de déchets ménagers, est la plus élevée au monde. D’ici à 2033, elle devrait baisser de près de 62 kcal par personne et par jour, pour atteindre 3 750 kcal par personne et par jour. Après correction des estimations actuelles des volumes de déchets ménagers, l’apport calorique devrait baisser à 3 385 kcal par personne et par jour, soit un chiffre encore supérieur de 28 % à la moyenne mondiale. Cela représente une diminution notable par rapport à la période de référence 2021-23, où l’apport calorique total en Amérique du Nord dépassait de 27 % la moyenne mondiale. La baisse de l’apport calorique provient des États-Unis ; au Canada, la disponibilité en calories devrait s’accroître. Néanmoins, la disponibilité totale en calories devrait continuer d’y être inférieure à celle des États-Unis d’ici à 2033. En ce qui concerne la composition des régimes alimentaires, l’importance accrue accordée à la santé pourrait amener les consommateurs à se tourner davantage vers les produits frais, la consommation de fruits et de légumes par habitant devant augmenter respectivement de 15 % et de 4 % d’ici à 2033. Si la consommation de légumineuses, considérées comme des alternatives saines, pourrait augmenter de 28 %, son niveau de référence est faible et, d’ici à 2033, son niveau en valeur absolue ne devrait atteindre encore que 50 % de la moyenne mondiale. À l’inverse, la consommation par habitant de certains produits, tels que les huiles végétales (- 9.5 %), les édulcorants (- 1.5 %) et les céréales (- 1.1 %), devrait baisser d’ici à 2033. Malgré ce recul, la consommation d’huile végétale et d’édulcorants par habitant continuera de se situer au-dessus des moyennes mondiales, les dépassant respectivement de 130 % et de 38 %.
En Amérique du Nord, l’apport protéique devrait croître d’à peine 1.5 %, ce qui équivaut à 1.9 g par personne et par jour, d’ici à 2033, pour atteindre 123 g par personne et par jour, soit un chiffre encore supérieur de plus de 40 % à la moyenne mondiale. Cela tient principalement aux sources de protéines d’origine animale prédominent, dans la mesure où sources d’origine végétale demeurent relativement stables, la baisse de la consommation de céréales compensant une hausse de 15 % des protéines provenant des légumineuses. La consommation de viande par habitant devrait également peu évoluer, avec une hausse d’à peine 0.9 % sur dix ans. L’augmentation de la consommation de volaille et de viande de porc, associée à la réduction de la consommation de viande bovine et ovine, se traduit par une augmentation de 1.5 % de la disponibilité en protéines provenant de produits carnés. L’augmentation de 1.8 % des protéines provenant de produits laitiers reflète l’augmentation de la consommation par habitant de produits laitiers (en extrait sec), étant donné que la hausse de la consommation de fromage et de beurre, de près de 11 % et de 9 % respectivement, compense largement la baisse de la consommation de lait en poudre. La consommation par habitant de produits halieutiques et aquacoles devrait elle aussi augmenter pour atteindre 10 kg par habitant en 2033, soit une hausse de seulement 3.5 % par rapport à la période 2021-23.
Compte tenu de l’intensité de la production animale dans la région, l’utilisation d’aliments pour animaux est déjà importante. La région représente 15 % de la consommation mondiale d’aliments pour animaux et les calories destinées à l’alimentation animale sont déjà supérieures à celles destinées à l’alimentation humaine (Graphique 2.23). La hausse de la production de viande repose à 85 % sur la production de porc et de volaille, et l’utilisation d’aliments pour animaux devrait s’accroître davantage pour atteindre 7 % de plus que pendant la période de référence d’ici à 2033. Le maïs et le tourteau protéique sont déjà les principaux ingrédients des aliments pour animaux et leur part dans la composition totale des rations devrait augmenter étant donné qu’ils représentent 85 % de la consommation supplémentaire d’aliments pour animaux. D’ici à 2033, la part du maïs dans l’utilisation totale des aliments pour animaux pourrait atteindre 53 %, et celle du tourteau protéique 17 %.
L’Amérique du Nord est un acteur important de l’utilisation industrielle de produits agricoles à l’échelle de la planète ; avec 38 % de la production mondiale, les États-Unis sont les leaders incontestés des biocarburants. La production de biocarburants constitue aussi un débouché de taille pour les céréales fourragères, et représente plus de calories que l’alimentation humaine au cours de la période de référence (Graphique 2.23). La consommation de biocarburants aux États-Unis est régie par la norme sur les carburants renouvelables (en anglais, Renewable Fuel Standard). À l’heure actuelle, l’éthanol produit à partir de maïs représente 82 % des biocarburants utilisés dans la région, mais la hausse de 16 % au cours de la décennie à venir est principalement portée par le biodiesel, en raison du rehaussement des objectifs en matière de carburants renouvelables et des crédits d’impôt pour le diesel à base de biomasse. Outre les efforts constants visant à accroître la durabilité, la crise énergétique récente ainsi que l’adoption de la loi sur la réduction de l’inflation ont contribué à l’utilisation accrue des biocarburants. Les marchés de l’éthanol subissent cependant les effets du manque d’infrastructure et de technologie, lequel entrave l’extension à grande échelle des mélanges E15 et entraîne la prédominance des mélanges E10. Outre la consommation intérieure, les États-Unis exportent un volume important d’éthanol vers le Canada, où le Règlement sur les combustibles propres et la tarification du carbone devraient entraîner une hausse notable de la consommation de biocarburants, du fait principalement de taux de mélange plus élevés.
2.6.4. Échanges
Baisse de l’excédent commercial
Ces dix dernières années, l’excédent commercial des principaux produits agroalimentaires de l’Amérique du Nord a diminué de moitié et devrait atteindre un niveau proche de zéro d’ici à 2033. On prévoit une hausse de 19 % de la valeur des importations contre à peine 13 % pour les exportations d’ici à 2033 par rapport à la période de référence 2021-23. Cette hausse des importations est particulièrement forte aux États-Unis, à raison de 22 % sur dix ans, contre seulement 10 % pour les exportations, soit plus du double. La situation est à l’opposé au Canada, où, par rapport à la période de référence, en 2033, la hausse des exportations (20 %) sera plus de deux fois supérieure à celle des importations (9 %). Compte tenu de l’ampleur relative des échanges commerciaux des deux pays, la tendance régionale devrait s’aligner sur celle des États-Unis.
Parmi les facteurs qui ont contribué à la décélération de la croissance des exportations américaines figure le ralentissement de la demande mondiale, notamment en Chine. Ce pays, longtemps principal importateur de produits américains, a été devancé par le Canada en 2023, le Mexique se classant en troisième position. Cette situation reflète l’influence de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (ACEUM). Face à la concurrence accrue de l’Amérique latine et à la prévision d’un fort recul de la demande chinoise en raison de la conjonction de l’affaiblissement de la croissance économique et du déclin démographique, le développement des échanges avec le Canada et le Mexique pourrait constituer une planche de salut. La composition des exportations américaines est amenée à évoluer puisque le soja représente près de la moitié des importations agricoles chinoises, tandis que la gamme de produits importés par le Canada et le Mexique est plus variée. Les exportations de soja devraient donc reculer de 4 % au cours des dix années à venir et, d’ici à 2033, leur part dans les exportations agricoles totales des États-Unis pourrait baisser.
Si la part de l’Amérique du Nord dans les exportations mondiales de soja devrait diminuer, passant de 34 % pendant la période de référence à 31 % d’ici à 2033, la région renforcera sa position dominante dans les échanges mondiaux de certains produits, dont le blé, le maïs, le tourteau protéique, la viande de porc, le lait en poudre et l’éthanol. En ce qui concerne les céréales comme le blé et le maïs, cette situation est en partie due aux répercussions de la guerre de la Russie contre l’Ukraine qui a entraîné une diminution des exportations en provenance de la région de la mer Noire, mais la capacité des États-Unis à accroître les exportations a contribué de manière déterminante à la modération des prix. Du fait de cette prédominance accrue, la demande d’importations de ses produits, provenant notamment de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient, risque de subir à court terme les effets du conflit en mer Rouge qui entraîne des retards de livraison et l’augmentation des tarifs d’expédition. L’ampleur des répercussions dépendra en grande partie de la durée des perturbations mais, depuis la pandémie de COVID-19, la hausse des coûts du transport maritime à grande échelle due à la pénurie de conteneurs a entraîné la réduction du volume des échanges commerciaux mondiaux, y compris ceux provenant d’Amérique du Nord. Aux répercussions des troubles en mer Rouge et en mer Noire s’ajoute la baisse du trafic dans le canal de Panama en raison d’une sécheresse persistante. Si les retards se poursuivent, les délais de livraison risquent de s’allonger, entraînant la hausse des taux de fret sur les routes maritimes reliant la côte Est des États-Unis et l’Asie. Au cours du premier trimestre de 2024, le fret ferroviaire a augmenté aux États-Unis, assurant une part plus grande des échanges avec l’Asie lorsque le canal de Suez n’était plus une option envisageable face aux délais liés au canal de Panama.
Malgré son excédent commercial et son rôle de premier plan dans les exportations mondiales, l’Amérique du Nord est également, et de plus en plus, un importateur majeur de plusieurs produits. Les importations, entre autres, de produits frais, de produits halieutiques et aquacoles et d’huile végétale devraient augmenter respectivement de 27 %, de 9 % et de 11 %. Si les volumes des importations de viande devraient diminuer en raison de la baisse de la consommation, ils restent importants et, d’ici à 2033, la région Amérique du Nord devrait encore représenter 15 % des importations mondiales de viande bovine. Sa part dans les importations mondiales de produits halieutiques et aquacoles devrait augmenter, s’établissant à 16 %.
Tableau 2.6. Indicateurs régionaux : Amérique du Nord
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Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
351 327 |
376 892 |
398 917 |
5.84 |
0.65 |
0.51 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
49.32 |
57.30 |
65.73 |
14.72 |
1.44 |
1.26 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
252.0 |
289.7 |
323.1 |
11.54 |
0.85 |
0.98 |
Valeur nette de la production végétale3 |
121.0 |
140.8 |
162.2 |
15.20 |
-0.01 |
0.80 |
Valeur nette de la production animale3 |
112.6 |
132.9 |
143.8 |
8.23 |
2.22 |
1.27 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
18.4 |
16.0 |
17.1 |
6.89 |
-1.71 |
0.24 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
444 544 |
496 382 |
559 410 |
12.70 |
0.01 |
0.62 |
Légumineuses |
7 790 |
7 311 |
10 247 |
40.17 |
-2.63 |
2.99 |
Racines et tubercules |
5 272 |
6 051 |
6 308 |
4.25 |
1.44 |
0.27 |
Oléagineux4 |
110 446 |
144 850 |
153 361 |
5.88 |
0.40 |
0.70 |
Viande |
45 812 |
52 949 |
56 424 |
6.56 |
1.80 |
0.82 |
Produits laitiers5 |
12 350 |
14 547 |
16 405 |
12.77 |
1.59 |
1.16 |
Produits halieutiques et aquacoles |
6 543 |
5 650 |
5 955 |
5.39 |
-1.82 |
0.24 |
Sucre |
7 202 |
7 871 |
8 595 |
9.21 |
0.65 |
0.70 |
Huile végétale |
14 257 |
18 754 |
21 097 |
12.49 |
2.22 |
0.84 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
4 615 |
11 947 |
20 846 |
74.49 |
10.21 |
2.38 |
Éthanol |
54 476 |
61 636 |
64 941 |
5.36 |
0.35 |
0.33 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
461 686 |
463 475 |
463 370 |
-0.02 |
0.02 |
0.00 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
170 827 |
171 800 |
168 435 |
-1.96 |
-0.04 |
-0.18 |
Superficie totale des pâturages7 |
290 859 |
291 676 |
294 935 |
1.12 |
0.06 |
0.10 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
427 |
431 |
449 |
4.33 |
0.14 |
0.43 |
Imputables à la production végétale |
127 |
124 |
136 |
9.63 |
-0.21 |
0.33 |
Imputables à la production animale |
285 |
289 |
294 |
1.98 |
0.25 |
0.48 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Disponibilité quotidienne en calories par habitant8 (kcal) |
3 698 |
3 815 |
3 753 |
-1.63 |
0.60 |
-0.18 |
Disponibilité quotidienne en protéines par habitant8 (g) |
114.8 |
120.7 |
122.6 |
1.5 |
0.8 |
0.2 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
125.5 |
124.8 |
124.8 |
0.01 |
0.19 |
-0.02 |
Viande |
72.3 |
78.6 |
79.2 |
0.76 |
0.57 |
0.22 |
Produits laitiers5 |
31.2 |
33.7 |
34.9 |
3.52 |
0.68 |
0.39 |
Produits halieutiques et aquacoles |
21.4 |
22.8 |
23.9 |
4.93 |
0.60 |
0.15 |
Sucre |
30.3 |
30.2 |
29.7 |
-1.52 |
-0.11 |
-0.10 |
Huile végétale |
33.9 |
40.2 |
36.4 |
-9.49 |
0.72 |
-0.72 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
20 |
10 |
0 |
-97.39 |
||
Valeur des exportations3 |
144 |
172 |
194 |
12.60 |
0.19 |
1.12 |
Valeur des importations3 |
124 |
163 |
194 |
19.05 |
2.21 |
1.51 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (calories)10 |
128.6 |
127.6 |
130.1 |
1.99 |
-0.59 |
0.26 |
Notes : 1. en USD constants de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 4. Les oléagineux désignent le soja et les autres graines oléagineuses. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Sources : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
2.7. Perspectives régionales : Amérique latine et Caraïbes
Copier le lien de 2.7. Perspectives régionales : Amérique latine et Caraïbes2.7.1. Contexte
Une croissance due aux exportations dans un contexte mondial de plus en plus fragmenté
S’étendant sur quelque 2 milliards d’hectares, la région Amérique latine et Caraïbes recèle d’innombrables ressources agricoles. Elle compte plus de 660 millions d’habitants, soit près de 8.5 % de la population mondiale. Bien que sa densité moyenne de population soit peu élevée, elle est la région en développement la plus urbanisée au monde. D’ici à 2033, sa population devrait avoisiner les 710 millions d’habitants, dont 84 % pourraient résider en milieu urbain. Si la majorité des habitants pauvres de la région vivent dans les villes, près de 120 millions de personnes peuplent les campagnes, où le taux de pauvreté continue d’être élevé, ce qui pose d’importantes difficultés.
En dépit de ses vastes ressources, dont la répartition par région n’est pas homogène, la sécurité alimentaire représente un défi constant. Les progrès engrangés depuis le début des années 2000 se sont inversés à compter de 2014, lorsque les avancées historiques en matière de réduction de la pauvreté ont marqué le pas, freinées par une multitude de problèmes macroéconomiques. Outre la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée à grave qui s’accroît depuis 2014, la concomitance de plusieurs bouleversements d’ampleur mondiale a récemment accéléré le revirement des progrès. Il s’agit notamment de la pandémie de COVID-19 et de son corollaire, les problèmes économiques, dont certains persistent à ce jour, de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, des crises énergétique et du coût de la vie, du conflit en cours au Proche-Orient, et de l’inflation des produits alimentaires qui a atteint presque 15 % en moyenne au cours des trois dernières années. Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, après la hausse du taux d’extrême pauvreté dans la région, qui, rehaussé par la pandémie de COVID-19, s’est élevé à 13.8 % en 2021, la tendance s’est inversée et le taux est retombé à 11.2 % en 2022, soit à un niveau comparable au niveau prépandémique. L’incidence de l’insécurité alimentaire modérée à grave a également atteint un pic en 2021 ; si elle a légèrement reculé en 2022, elle reste nettement supérieure au niveau prépandémique, les femmes et les populations des campagnes étant toujours les plus touchées. L’écart entre les genres s’est réduit en 2021 et en 2022, mais continue de représenter 9.1 points de pourcentage (FAO, FIDA, OPS, UNICEF et PAM, 2023[11]). L’amélioration de la sécurité alimentaire, en dépit de l’inflation alimentaire élevée, témoigne du rétablissement des revenus et du succès des programmes de protection sociale mis en œuvre en vue d’atténuer la crise. La baisse de l’inflation des produits alimentaires devrait se poursuivre, entraînant l’amélioration de l’accessibilité financière des produits alimentaires et accélérant les progrès en matière de renforcement de la sécurité alimentaire.
Une bonne partie de la région pâtit de perspectives économiques sombres depuis plusieurs années, et le revenu par habitant s’est contracté de 0.9 % par an en moyenne au cours de la décennie écoulée. Bien que des problèmes structurels antérieurs, tels que le niveau élevé des inégalités et de la pauvreté, aient accentué les effets de la pandémie de COVID-19, laquelle a été suivie d’une récession, la région a rapidement rebondi. Stimulé par le prix élevé des matières premières et le rôle essentiel joué par les échanges dans la région, en 2022, le PIB réel par habitant était supérieur au niveau enregistré en 2019. En 2023, l’élan a été brisé par la hausse des taux d’intérêt, la baisse des prix des matières premières, le fléchissement des partenaires commerciaux et un contexte mondial globalement moins favorable. L’inflation convergeant lentement vers les taux ciblés par les banques centrales, la croissance devrait, après avoir atteint son niveau le plus bas en 2024, se situer à 1.6 % en moyenne par an à moyen terme. Comme presque partout dans le monde, les risques sont considérés comme étant orientés à la baisse, en particulier à moyen terme, mais la forte dépendance commerciale de la région la rend très vulnérable face à une éventuelle accélération de la fragmentation géopolitique. Compte tenu de la diversité des pays de la région en matière d’activité économique et d’étendue des risques intérieurs qui accroissent les répercussions mondiales, l’ampleur du rebond et du ralentissement qui s’ensuit varie d’un pays à l’autre.
D’après les prévisions, le PIB par habitant de la région s’établira à près de 10 900 USD d’ici à 2033, soit une hausse de 19 % par rapport à la période de référence 2021-23, mais de seulement 9 % de plus qu’en 2014 et près de 20 % de moins que la moyenne mondiale. Dans la région, les ménages consacrent en moyenne quelque 16 % de leurs dépenses totales à l’alimentation ; cependant, en raison des différences de revenu et des inégalités, ce pourcentage varie sensiblement d’un pays à l’autre. Dans les pays où la part de l’alimentation dans les dépenses totales est plus élevée, la modération de l’inflation des produits alimentaires a nettement porté ses fruits. Il en va différemment dans les pays en proie à une forte instabilité macroéconomique, dans la mesure où la dépréciation des taux de change, l’un des moteurs de l’inflation des produits alimentaires, peut compenser en partie la baisse des prix mondiaux en dollars des États-Unis.
L’agriculture de la région se caractérise par sa grande diversité. L’éventail des structures d’exploitation agricole comprend de grandes exploitations commerciales, souvent tournées vers les exportations, des exploitations familiales grandes ou moyennes, et quelque 15 millions de petits exploitants qui assurent une grande partie de la production alimentaire de la région (OCDE/FAO, 2019[12]). Les structures de plus petite taille qui manquent souvent de ressources et les grandes exploitations tournées vers les exportations reflètent la dualité du secteur. La production agricole, halieutique et aquacole représente à peine plus de 6.4 % du PIB total, une part qui s’est accrue dans le contexte des différentes crises que subissent les économies mondiales depuis quatre ans. Cela reflète la résilience du système agroalimentaire de la région, sa bonne performance en 2020 lorsqu’il n’était pas soumis aux restrictions liées au confinement, et la période d’inflation prolongée. La normalisation des prix des matières premières se poursuivra pendant la période de projection, et la part de l’agriculture dans le PIB total devrait régresser à 5.7 % d’ici à 2033.
Compte tenu de sa richesse en ressources, la région Amérique latine et Caraïbes contribue dans une large mesure à l’agriculture mondiale. Entre 2021 et 2023, elle représentait 13 % de la valeur nette de l’agriculture et de la production halieutique et aquacole à l’échelle mondiale, et pas moins de 18 % des exportations totales. Ce résultat est surtout à mettre sur le compte de l’Amérique latine, l’ensemble des Caraïbes étant un importateur net. L’importance des exportations agricoles de la région se traduit également par sa part croissante dans la valeur totale de la production, qui s’élève à près de 70 %. La hausse historique des exportations bénéficie d’un regain de compétitivité : la productivité totale des facteurs a augmenté de 40 % entre 2000 et 2019.9 La croissance est soutenue par une utilisation accrue des intrants ; le recours aux engrais, en particulier, a augmenté de 27 % au cours de la seule décennie écoulée. La flambée des prix des engrais en 2022, combinée aux perturbations sur les chaînes d’approvisionnement dues à la guerre de la Russie contre l’Ukraine, a entraîné une forte baisse de l’épandage par hectare et a mis en lumière la nécessité d’utiliser les engrais à bon escient. Les investissements visant à renforcer l’efficacité contribuent à freiner la progression de l’épandage par hectare, la ramenant à 8 % au cours des dix années à venir. La croissance attendue au cours des dix prochaines années étant principalement portée par les exportations, l’ouverture commerciale, l’utilisation efficace des intrants, les stratégies performantes visant l’adaptation au changement climatique et son atténuation, ainsi que le renforcement de l’attention accordée à la durabilité environnementale seront essentiels pour maintenir et accroître la compétitivité.
En tant que plus grande importatrice nette des régions étudiées dans ces Perspectives, il est paradoxal de constater que certaines des principales difficultés auxquelles se heurte la région Amérique latine et Caraïbes concernent la sécurité alimentaire. L’accessibilité financière, plutôt que les problèmes de disponibilité, est en cause, mettant en évidence les problèmes relatifs à la répartition des revenus, auxquels s’est ajoutée récemment la forte inflation des produits alimentaires, le tout étant exacerbé par la pauvreté généralisée en milieu rural et l’instabilité macroéconomique dans de nombreux pays. L’orientation marquée de la région vers les exportations a protégé la croissance du secteur contre les difficultés macroéconomiques, mais elle l’a également rendue vulnérable face à une volatilité croissante, à un contexte financier plus tendu et à une demande d’importations en baisse à l’échelle mondiale. À la suite de la pandémie, l’importance accrue accordée au développement des chaînes d’approvisionnement nationales et la prise de conscience des enjeux de durabilité environnementale par certains importateurs pourraient influencer les politiques commerciales et les perspectives d’exportation ultérieures. La concentration croissante des exportations par pays de destination, qui expose la demande d’exportations à des risques de marché plus élevés, les nouvelles perturbations des routes maritimes sur fond de conflit en mer Rouge et en mer Noire, ainsi que la réduction du trafic dans le canal de Panama due à la sécheresse engendrent d’autres problèmes d’ordre commercial. La persistance de ces perturbations pourrait entraîner la hausse des tarifs du transport maritime, affectant de fait la compétitivité. Face aux risques liés au commerce, les stratégies d’adaptation du secteur et la résilience face aux répercussions du changement climatique seront indispensables pour assurer une croissance soutenue.
2.7.2. Production
Une croissance portée par l’expansion et les gains de productivité
D’après les prévisions, la production végétale, halieutique et aquacole de la région augmentera de près de 15 % d’ici à 2033. Près de 50 % de cette croissance devrait provenir de la production végétale (+ 14 %), contre une progression plus modérée de 12 % pour le secteur de l’élevage. La valeur nette de la production halieutique et aquacole devrait s’accroître de 23 %, bien que partant d’un niveau nettement plus bas et, d’ici à 2033, elle ne devrait pas représenter plus de 14 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole, contre 48 % pour les cultures et 39 % pour l’élevage.
La région étant riche en terres, l’expansion et l’intensification permettront d’accroître considérablement la production végétale. La superficie totale affectée à l’agriculture devrait augmenter de près de 7 Mha, ce qui correspond à la plus forte hausse de toutes les régions présentées dans ce chapitre. Cela ne concerne que le secteur des cultures ; par ailleurs, le Brésil concentrera près de 60 % de l’expansion escomptée. L’augmentation des superficies récoltées est près de deux fois supérieure à celle des superficies cultivées, indiquant un recours croissant à la pratique de la double culture. Du fait de leur avantage comparatif en matière de production de soja, le Brésil et l’Argentine fournissent près de 50 % de la production mondiale. Les superficies supplémentaires seront affectées à la culture du soja (31 %) et du maïs (25 %) ; d’autres seront consacrées au blé (8 %) afin de combler d’éventuels déficits d’approvisionnement en provenance de la région de la mer Noire dans le contexte de la guerre de la Russie contre l’Ukraine.
La part élevée de la région dans la production mondiale de soja (53 %) et de maïs (18 %) devrait encore augmenter au cours de la période de projection. Par voie de conséquence, les fluctuations de l’approvisionnement dans la région peuvent entraîner une forte volatilité des cours mondiaux. C’est ce qu’a montré la flambée des prix du soja sur fond de sécheresse en 2021 et, compte tenu du changement climatique en cours, la fréquence de tels événements devrait s’accroître. De nombreux pays de la région sont déjà confrontés à des sécheresses prolongées, qui réduisent le potentiel de production, ainsi qu’à des vagues de chaleur extrême et à des feux de forêt de plus en plus fréquents. Par conséquent, la capacité de la région à s’adapter au changement climatique et à continuer d’être résiliente face à l’augmentation des phénomènes météorologiques perturbateurs sera essentielle non seulement en ce qui concerne les résultats de son secteur agricole mais également pour la stabilité des marchés mondiaux. En 2022, la Plateforme d’action climatique sur l’agriculture pour l’Amérique latine et les Caraïbes a suggéré que la plupart des pays de la région disposaient du cadre institutionnel et des plans d’adaptation nécessaires pour faire face au changement climatique, mais étaient dépourvus des systèmes de suivi et d’évaluation détaillés nécessaires pour superviser la mise en œuvre, ce qui pouvait entraver l’affectation de fonds.
L’intensification et la hausse des rendements ont joué un rôle déterminant dans la forte croissance de la production de la région. L’augmentation des taux d’épandage devrait ralentir de manière notable pendant la période de projection. L’association de l’innovation technologique, des pratiques visant à optimiser l’efficacité et du recours accru aux engrais devrait permettre de poursuivre l’amélioration des rendements de la plupart des cultures principales, notamment au travers d’une hausse de 11 % pour le maïs et le blé, et de 12 % pour le soja d’ici à 2033 par rapport à la période de référence 2021-23. Cela permettrait également d’accroître de 10 % la valeur nette de la production par hectare de terre cultivée, et de réduire de 5 % la quantité d’engrais nécessaire par calorie produite.
La région est à l’origine de 15 % de la production animale mondiale et une croissance de 1.2 % par an suffit pour conserver cette part de marché d’ici à 2033. Compte tenu de l’excédent en céréales fourragères, la production animale intensive est très compétitive ; néanmoins, les perspectives de croissance restent sensibles aux risques posés par les maladies animales. La production de viande contribue nettement plus que les produits laitiers à la progression de la production attendue. Parmi les différents types de viande, près de 60 % de la production supplémentaire d’ici à 2033 est attribuée à la volaille. Son court cycle de production favorise la rapidité des avancées génétiques et de l’amélioration du taux de conversion alimentaire, contribuant ainsi au renforcement de la productivité, tandis que la baisse des prix de l’alimentation animale à moyen terme par rapport à ceux de la viande stimule l’expansion. Si les secteurs de la viande bovine et porcine devraient progresser respectivement de 0.9 % et de 1.3 % par an, le premier devrait représenter 19 % de la production supplémentaire de viande d’ici à 2033 et le second 20 %. Les gains de productivité continueront d’être essentiels à la croissance, car une augmentation de 2 % seulement du cheptel bovin se traduira par une hausse de 9 % de la production de viande bovine d’ici à 2033.
La région Amérique latine et Caraïbes fournit près de 10 % de la production halieutique et aquacole mondiale, et la croissance attendue de 0.6 % par an suffira à maintenir cette part de marché d’ici à 2033. Si la pêche proprement dite continue de représenter 75 % de la production, la part de l’aquaculture est en hausse dans plusieurs pays, sa croissance s’élevant à 1.2 % par an contre seulement 0.4 % pour la pêche. Les chiffres de la pêche à proprement parler se caractérisent par une instabilité intrinsèque en raison de l’influence intermittente mais importante du phénomène El Niño qui augmente la température de la surface de la mer et réduit la disponibilité des produits halieutiques et aquacoles utilisés pour produire de la farine et de l’huile de poisson. El Niño a également une incidence sur l’offre de produits alimentaires disponibles aux fins de la production aquacole à haute valeur ajoutée, telle que celle de l’ormeau. Le changement climatique est susceptible d’aggraver ces effets et de nuire à la constance de l’offre et, ce faisant, de provoquer une instabilité des prix.
Les émissions de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 3 % au cours des dix années à venir, les cultures y contribuant nettement plus que les produits animaux. En 2033, la région devrait représenter 18 % des émissions mondiales d’origine agricole, soit un chiffre supérieur à sa part dans la production totale. Néanmoins, rapporté à la valeur nette de la productivité agricole, le niveau des émissions par unité de valeur de production devrait fléchir de manière soutenue au cours de la prochaine décennie. Les Perspectives de cette année présentent un scénario qui simule l'impact d'une réduction de moitié des pertes alimentaires le long des chaînes d'approvisionnement et du gaspillage alimentaire au niveau de la vente au détail et des consommateurs d'ici 2030 (ODD 12.3.). Le scénario projette pour la région une réduction des émissions régionales d’origine agricole de 4.6 % par rapport au niveau de référence, et, parallèlement, un accroissement de l’apport calorique. Cela signifie que, d’ici à 2030, les émissions de GES d’origine agricole pourraient baisser de 2.6 % par rapport à leur niveau moyen de la période de référence 2021-23.
2.7.3. Consommation
Les habitudes alimentaires, bien qu’hétérogènes, évoluent progressivement
La croissance de la disponibilité totale en calories dans la région stagne depuis 2015. Cette tendance reflète l’évolution des niveaux de revenu par habitant, qui ont baissé en raison de l’instabilité macroéconomique. Plus récemment, la récession provoquée par la pandémie de COVID-19 en 2020 et la hausse des prix alimentaires qui en a résulté ont réduit l’accessibilité financière des produits alimentaires nutritifs. Toutefois, si l’incidence de l’insécurité alimentaire et de la sous-alimentation s’est accrue en 2020 et en 2021, la disponibilité moyenne en calories est restée relativement stable. Cette donnée masque probablement les différences notables existant entre les consommateurs en fonction des pays et du niveau des revenus. Ces différences reflètent les inégalités des revenus dans la région et les répercussions disproportionnées des difficultés économiques dues à la pandémie de COVID-19 et de l’inflation des produits alimentaires qui s’en est suivie pour les populations pauvres et vulnérables, qui consacrent une part plus importante de leur budget total à l’alimentation. D’ici à 2033, la disponibilité moyenne en calories par habitant devrait dépasser les 3 100 kcal par personne et par an, mais à un rythme moyen de seulement 0.3 % par an sur dix ans. Cela représente une hausse de 122 kcal par personne et par jour, grâce à une augmentation de la consommation de céréales, de viande, de produits laitiers, d’huile végétale et de produits frais, et à la diminution de la consommation de sucre. Malgré une baisse de 1 kg par personne et par an d’ici à 2033, la consommation de sucre dans la région reste élevée, et dépasse de 60 % la moyenne mondiale.
Dans une région en proie au triple fardeau de la malnutrition, de l’insécurité alimentaire et de la sous-alimentation, et dans un contexte d’augmentation de l’incidence du surpoids et de l’obésité, la réduction de la consommation de sucre reflète une sensibilisation accrue aux liens existant entre alimentation et santé. Des initiatives telles que la législation relative à l’étiquetage à l’avant des emballages et la taxation des boissons sucrées ont contribué à cette sensibilisation. Si les efforts en matière de promotion de bonnes habitudes alimentaires sont susceptibles d’être suivis d’effets, l’accessibilité financière continue d’être un problème, les aliments frais nutritifs étant comparativement chers dans de nombreux pays de la région. Les contraintes financières qui pèsent sur les populations se trouvant au bas de l’échelle de la répartition des revenus ont des conséquences à la fois sur la qualité et sur la quantité de l’apport alimentaire, malgré les répercussions positives d’initiatives telles que les programmes d’alimentation scolaire, dont bénéficieraient 37 % des plus pauvres. Une réduction des pertes et gaspillages alimentaires pourrait aussi améliorer la disponibilité et l’accessibilité financière. D’après les estimations, la quantité totale de calories perdues et gaspillées concerne principalement les céréales, les produits oléagineux, les produits frais et les édulcorants, les céréales comptant pour plus de 50 % (Graphique 2.28). D’après le scénario des Perspectives sur l’hypothèse d’une réduction de moitié du gaspillage et des pertes alimentaires d’ici à 2030, conformément aux cibles des ODD, l’apport calorique dans la région pourrait croître de 5 % par rapport au niveau de référence, et le nombre de personnes sous-alimentées diminuer de 22 %, augmentation qui s’accompagnerait d’une baisse des émissions de GES. Cela signifie que, d’ici à 2030, l’apport calorique pourrait augmenter de 8.3 % par rapport à son niveau moyen de la période de référence 2021-23 et le nombre de personnes sous-alimentées diminuer de 15.4 millions.
La consommation de protéines par habitant devrait atteindre 94 g par personne et par jour en 2033, ce qui représente une augmentation de 4 g par personne par rapport au niveau actuel. Cette hausse est principalement attribuable aux produits animaux, qui constituent 70% de l’augmentation de l’apport protéique. La consommation de viande devrait augmenter de 3.3 kg par personne pour atteindre près de 52 kg par personne et par an à l’horizon 2033, ce qui équivaut à 80 % de plus que la moyenne mondiale. Cette croissance provient de la volaille et de la viande porcine, dont la consommation devrait respectivement augmenter de 0.8 % et de 0.7 % par an, tandis que la consommation de viande bovine devrait enregistrer un léger recul d’ici à 2033. La consommation de produits halieutiques et aquacoles reste faible dans la région (62 % de la moyenne mondiale), mais elle devrait croître de 0.3 % par an pour atteindre 3 kg par personne et par an d’ici à 2033.
La région Amérique latine et Caraïbes représente 12 % de la consommation mondiale d’aliments pour animaux. La production devrait augmenter de 1.2 % par an, soit une hausse similaire à celle de la viande et plus rapide que celle des produits laitiers. Cette progression intervient malgré des améliorations génétiques attendues, lesquelles permettraient d’obtenir de meilleurs taux de conversion alimentaire, et témoigne de l’intensification accrue des systèmes de production, essentielle à la croissance. Le maïs représentera un peu plus de 50 % de la consommation supplémentaire d’aliments pour animaux, et le tourteau protéique 21 %. Le maïs et le tourteau protéique utilisés pour l’alimentation animale enregistreront donc une hausse annuelle respectivement de 1.4 % et de 1.1 %.
La région contribue de manière substantielle aux marchés mondiaux des biocarburants : à l’heure actuelle, sa part y est de 28 % pour l’éthanol et de 17 % pour le biodiesel. Le Brésil fournit près de 90 % de l’éthanol produit et consommé dans la région, ainsi que 71 % et 79 % respectivement du biodiesel produit et consommé. Portée par le programme RenovaBio, qui vise à réduire l’intensité des émissions au titre des engagements pris lors de la COP21, et par la demande croissante de carburant pour les transports, la consommation d’éthanol devrait progresser de 37 % au cours de la prochaine décennie. La canne à sucre devrait continuer de constituer la principale matière première utilisée à cet égard. La compétitivité de l’éthanol de canne à sucre a renforcé la part du Brésil dans les exportations mondiales, laquelle devrait se maintenir à 24 % en dépit de l’augmentation rapide de la consommation intérieure.
2.7.4. Échanges
Les exportations sont essentielles pour soutenir la croissance du secteur agricole, mais les risques s’accentuent
Sous l’impulsion de l’Amérique du Sud, la région Amérique latine et Caraïbes est le premier exportateur net parmi toutes les régions étudiées dans le présent chapitre. Parallèlement, plusieurs pays et sous-régions, dont le Panama, El Salvador et la plus grande partie des Caraïbes, sont des importateurs nets de produits agricoles. Malgré ces différences, les échanges au sein de la région restent faibles.
Les exportations ont joué un rôle central dans la croissance agricole à l’échelle régionale, en atténuant sa fragilité face à l’instabilité macroéconomique inhérente et en renforçant sa résilience face aux chocs exogènes. L’augmentation continue de la part de ses exportations dans la valeur totale de la production, qui pourrait dépasser les 70 % d’ici à 2033, rend compte de sa relative importance. Son excédent commercial dans le domaine des produits agricoles a augmenté de 26 %, une progression supérieure à celle de toutes les régions présentées dans ce chapitre. Par conséquent, sa part dans les exportations mondiales devrait atteindre 19 % d’ici à 2033. Le Brésil est le premier pays exportateur et contribue pour près de 50 % à la croissance dans la région, mais sa croissance devrait ralentir pour s’établir à 1.8 % par an, bien loin des 7.2 % annuels enregistrés au cours de la dernière décennie. Le Mexique et l’Argentine contribuent aussi pour une large part à la croissance des exportations régionales, et les exportations de fruits du Pérou devraient également augmenter rapidement.
Dans le contexte d’une forte hausse de la production, la région a consolidé sa part dans les exportations mondiales et, d’ici à 2033, devrait être un acteur majeur des exportations mondiales de soja (66 %), de sucre (56 %), de tourteau protéique (54 %), de maïs (48 %), de bœuf (43 %), de farine de poisson (40 %), de volaille (31 %), de coton (28 %) et de fruits (24 %). En ce qui concerne les exportations de soja, de sucre et de viande bovine, leur part s’accroît. Ce rôle de premier plan manifeste sur les marchés d’exportation renforce leur tendance mondiale à la concentration.
L’importance des exportations agricoles de la région se traduit non seulement par sa position centrale dans les échanges mondiaux, mais également par le rôle essentiel des exportations pour stimuler la croissance de la production. La durabilité de la croissance dépendra du maintien de l’orientation vers l’ouverture aux échanges sur le marché mondial. Les crises de ces quatre dernières années ont mis au jour les vulnérabilités du système commercial mondial, lesquelles ont entraîné des goulets d’étranglement logistiques et une augmentation des coûts. Le dernier problème en date concerne la perturbation du trafic dans le canal de Panama, due à la sécheresse, et du canal de Suez, en raison du conflit en mer Rouge. Les exportations vers l’Union européenne et les États-Unis représentant respectivement moins de 14 % et 22 % des exportations totales, les répercussions semblent limitées, mais cette situation constitue un obstacle de taille pour les pays situés sur la côte Pacifique, tels que le Chili, le Pérou, l’Équateur et la Colombie. Elle fait peser un risque sur les exportations croissantes de produits frais en provenance du Chili et du Pérou, dont des volumes importants sont généralement destinés à l’Union européenne. La persistance de ces contraintes soulève le risque d’une hausse des tarifs du transport maritime et, ce faisant, d’une baisse de la compétitivité des exportations de la région.
Face aux différentes crises, plusieurs pays exportateurs ont adopté des politiques commerciales privilégiant l’approvisionnement national. L’absence de telles contraintes dans la région Amérique latine et Caraïbes lui a permis de gagner des parts de marché. Néanmoins, de nombreuses régions du monde ont privilégié le développement des chaînes d’approvisionnement nationales afin de limiter les risques de perturbation. Au cours de la prochaine décennie, la région sera influencée par l’évolution des relations commerciales dans le monde, laquelle devrait déboucher sur de nouvelles possibilités et de nouveaux risques. Si la croissance tirée par les exportations a porté ses fruits par le passé, le fléchissement de la demande mondiale d’importations ainsi que la volatilité et la fragmentation croissantes du marché accentuent la fragilité du commerce international. Quant au commerce infrarégional, il a tout à gagner de l’intégration des marchés intérieurs et de l’amélioration du fonctionnement des petites et moyennes entreprises, des coopératives et des exploitations familiales, qui permettraient de diversifier les perspectives commerciales du secteur et de le rendre plus résilient.
Tableau 2.7. Indicateurs régionaux : Amérique latine et Caraïbes
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Moyenne |
% |
Croissance2 |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
2011-13 |
2021-23 (base) |
2033 |
Variation entre la période de référence et 2033 |
2014-23 |
2024-33 |
|
Hypothèses macroéconomiques |
||||||
Population (000) |
602 008 |
659 589 |
709 221 |
7.52 |
0.87 |
0.64 |
PIB par habitant1 (kUSD) |
9.85 |
9.12 |
10.89 |
19.41 |
-0.88 |
1.63 |
Production (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole3 |
321.7 |
385.7 |
442.2 |
14.65 |
2.02 |
1.06 |
Valeur nette de la production végétale3 |
139.1 |
183.8 |
210.3 |
14.42 |
2.53 |
1.10 |
Valeur nette de la production animale3 |
137.4 |
152.9 |
171.4 |
12.13 |
1.06 |
1.18 |
Valeur nette de la production halieutique et aquacole3 |
45.2 |
49.0 |
60.4 |
23.42 |
3.33 |
0.56 |
Quantité produite (kt) |
||||||
Céréales |
210 669 |
297 982 |
360 204 |
20.88 |
3.51 |
1.76 |
Légumineuses |
7 485 |
7 766 |
9 024 |
16.20 |
0.37 |
1.34 |
Racines et tubercules |
14 545 |
14 577 |
16 406 |
12.54 |
0.53 |
1.07 |
Oléagineux4 |
145 187 |
208 926 |
243 967 |
16.77 |
2.27 |
0.81 |
Viande |
48 132 |
57 394 |
65 501 |
14.12 |
1.81 |
1.25 |
Produits laitiers5 |
9 630 |
10 940 |
12 043 |
10.08 |
0.87 |
0.98 |
Produits halieutiques et aquacoles |
16 032 |
16 993 |
18 687 |
9.97 |
2.91 |
0.61 |
Sucre |
57 692 |
58 635 |
66 688 |
13.73 |
0.69 |
0.98 |
Huile végétale |
21 163 |
28 895 |
33 157 |
14.75 |
1.64 |
1.00 |
Production de biocarburants (mln L) |
||||||
Biodiesel |
5 976 |
9 916 |
12 505 |
26.11 |
4.72 |
2.04 |
Éthanol |
26 739 |
35 374 |
47 811 |
35.16 |
1.89 |
2.21 |
Superficie exploitée (kha) |
||||||
Superficie agricole totale |
657 465 |
651 601 |
658 517 |
1.06 |
-0.01 |
0.08 |
Superficie totale affectée à la production végétale6 |
149 222 |
163 214 |
170 263 |
4.32 |
0.85 |
0.31 |
Superficie totale des pâturages7 |
508 243 |
488 387 |
488 254 |
-0.03 |
-0.28 |
0.00 |
Émissions de GES (Mt éq. CO2) |
||||||
Total |
1 019 |
1 108 |
1 142 |
3.12 |
0.99 |
0.33 |
Imputables à la production végétale |
98 |
114 |
123 |
8.13 |
2.11 |
0.79 |
Imputables à la production animale |
905 |
969 |
993 |
2.45 |
0.80 |
0.28 |
Demande et sécurité alimentaire |
||||||
Disponibilité quotidienne en calories par habitant8 (kcal) |
2 909 |
2 979 |
3 101 |
4.09 |
0.35 |
0.29 |
Disponibilité quotidienne en protéines par habitant8 (g) |
86.5 |
89.8 |
94.2 |
4.9 |
0.4 |
0.4 |
Consommation alimentaire par habitant (kg/an) |
||||||
Aliments de base9 |
149.1 |
146.8 |
151.8 |
3.41 |
-0.05 |
0.31 |
Viande |
46.0 |
49.0 |
51.8 |
5.65 |
0.79 |
0.56 |
Produits laitiers5 |
15.9 |
16.2 |
16.6 |
2.38 |
-0.03 |
0.34 |
Produits halieutiques et aquacoles |
10 |
11 |
11 |
5.47 |
-0.03 |
0.41 |
Sucre |
41 |
35 |
34 |
-1.83 |
-1.40 |
-0.11 |
Huile végétale |
18 |
20 |
20 |
0.85 |
1.72 |
0.08 |
Échanges (mrd USD de 2014-16) |
||||||
Échanges nets3 |
96 |
165 |
207 |
26.00 |
||
Valeur des exportations3 |
171 |
263 |
320 |
21.73 |
4.47 |
1.75 |
Valeur des importations3 |
75 |
98 |
112 |
14.54 |
2.93 |
1.27 |
Taux d’autosuffisance alimentaire (calories)10 |
130.9 |
137.6 |
138.0 |
0.32 |
0.43 |
0.03 |
Notes : 1. en USD constants de 2010. 2. Taux de croissance estimés par les moindres carrés (voir glossaire). 3. Valeurs calculées selon la méthode de FAOSTAT, à partir de l’ensemble de produits représenté dans le modèle Aglink-Cosimo. 4. Les oléagineux désignent le soja et les autres graines oléagineuses. 5. En équivalent extrait sec. 6. La superficie tient compte des parcelles donnant lieu à plusieurs récoltes de grandes cultures. 7. Terres disponibles pour le pacage. 8. Quantité d’aliments disponibles, et non la quantité absorbée. 9. Céréales, oléagineux, légumineuses, racines et tubercules. 10. Production / (production + importations - exportations)*100.
Source : FAO (2024). Base de données de FAOSTAT sur les bilans alimentaires et les indices commerciaux, https://www.fao.org/faostat/fr/#data ; OCDE/FAO (2024), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
References
[6] Chamberlin, J., T. Jayne and D. Headey (2014), “Scarcity amidst abundance? Reassessing the potential for cropland expansion in Africa”, Food Policy, Vol. 48, pp. 51-65, https://doi.org/10.1016/j.foodpol.2014.05.002.
[4] FAO (2023), L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2023, FAO/FIDA/UNICEF/PAM/OMS, https://doi.org/10.4060/cc3017fr.
[11] FAO, FIDA, OPS, UNICEF et PAM (2023), Latin America and the Caribbean - Regional Overview of Food Security and Nutrition 2023, FAO/FIDA/UNICEF/PAM/OPS, https://doi.org/10.4060/cc8514en.
[10] Fuglie, K. (2018), “Is agricultural productivity slowing?”, Global Food Security, Vol. 17, pp. 73-83, https://doi.org/10.1016/j.gfs.2018.05.001.
[5] Jayne, T. et al. (2016), “Africa’s changing farm size distribution patterns: the rise of medium‐scale farms”, Agricultural Economics, Vol. 47/S1, pp. 197-214, https://doi.org/10.1111/agec.12308.
[3] Law, C., I. Fraser and M. Piracha (2020), “Nutrition Transition and Changing Food Preferences in India”, Journal of Agricultural Economics, Vol. 71/1, pp. 118-143, https://doi.org/10.1111/1477-9552.12322.
[12] OCDE/FAO (2019), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2019-2028, Éditions OCDE, Paris/Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, Rome, https://doi.org/10.1787/agr_outlook-2019-fr.
[2] Reardon, T. et al. (2014), Urbanization, Diet Change, and Transformation of food supply chains in Asia, Michigan State University, Global Center for Food Systems Innovation, https://www.fao.org/fileadmin/templates/ags/docs/MUFN/DOCUMENTS/MUS_Reardon_2014.pdf.
[9] Tarasuk, V. and A. Mitchell (2020), Household food insecurity in Canada, 2017-18, Toronto: Research to identify policy options to reduce food insecurity (PROOF), https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2020/03/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2017-2018-Full-Reportpdf.pdf.
[1] UN DESA (2024), World Population Ageing 2023, United Nations, https://www.un-ilibrary.org/content/books/9789213586747.
[7] UN WWDR (2022), Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2022 : eaux souterraines : rendre visible l’invisible, Nations Unies, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380721.
[8] Weersink, A. et al. (2021), “COVID-19 and the agri-food system in the United States and Canada”, Agricultural Systems, Vol. 188, p. 103039, https://doi.org/10.1016/j.agsy.2020.103039.
Notes
Copier le lien de Notes← 1. Australie, Chine, Corée, Japon et Nouvelle-Zélande.
← 2. Source OCDE-FAO interpolée pour 2017-19 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données présentées dans ces Perspectives sur les dépenses alimentaires et le PIB.
← 3. Voir le chapitre « Asie du Sud-Est : Perspectives et défis » dans les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2017-2026.
← 4. Source OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et le PIB des présentes Perspectives.
← 5. Moyen-Orient : Arabie Saoudite et autres pays d’Asie occidentale. Les moins avancés : pays d’Afrique du Nord les moins avancés. Afrique du Nord : autres pays d’Afrique du Nord. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.
← 6. Source : FAO (2023), Food Policy Monitoring in the Near East and North Africa Region, 4th Quarter 2023, bulletin, Le Caire (https://www.fao.org/3/cc9189en/cc9189en.pdf).
← 7. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.
← 8. Source : OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.
← 9. Fuglie, Keith (2015), « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics 4 (3) : pp. 221-254 (mis à jour avec les données de 2019, USDA).