Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2024 (Volume 1)

Résumé

Un écosystème de technologies numériques interdépendantes se met en place rapidement, entraînant dans son sillage des évolutions économiques et sociétales majeures. Les données nourrissent cet écosystème et créent une valeur considérable, mais pas seulement : elles font également naître des risques pour la vie privée et la sécurité en ligne. Certaines des technologies font déjà partie intégrante de la vie quotidienne, d’autres se profilent. Les Perspectives de l’économie numérique de l’OCDE 2024 (Volume 1) apportent de nouveaux éclairages sur les technologies phares qui sous-tendent la transformation numérique et sur leurs incidences.

Dans ce premier volume, les auteurs se sont appuyés sur des données massives et des techniques d’apprentissage automatique pour produire de nouvelles estimations du taux de croissance du secteur des technologies de l’information et des communications (TIC), qui est au cœur de l’écosystème. Ils se sont ensuite tournés vers la frontière technologique, s’intéressant à l’avenir de l’intelligence artificielle (IA) et aux moyens de la façonner de manière à en faire une force positive. Ce Volume 1 propose également une analyse de l’adoption des technologies numériques par les individus, les entreprises et les administrations et donne à voir l’ampleur et la portée des fractures numériques et les solutions pour favoriser l’égalité des chances et l’inclusion. Pour ce faire, on se penche sur l’impérieuse nécessité que les réseaux sans fil de nouvelle génération fournissent une connectivité illimitée, en tout lieu. Au-delà de l’engouement suscité par les technologies immersives, on examine la capacité avérée de la réalité virtuelle à se prêter à un déploiement à grande échelle, avant d’en exposer les possibilités et les risques. Enfin, on donne un coup de projecteur à la question de la santé mentale dans les environnements numériques, en particulier ceux présentant les risques les plus élevés.

Principales conclusions

Le secteur des TIC continue d’afficher des résultats supérieurs à ceux enregistrés à l’échelle de l’ensemble de l’économie

Si l’« économie numérique » ne se limite plus au seul secteur des TIC, celui-ci en reste le noyau et sous-tend l’innovation numérique. Or, on manque de données actualisées sur les performances de ce secteur essentiel, ce qui limite la visibilité des responsables de l’élaboration des politiques. Les auteurs de ce Volume 1 s’appuient sur un modèle de prévision immédiate inédit exploitant des données massives et des techniques d’apprentissage automatique pour fournir des données à jour comparables sur la croissance économique du secteur des TIC. Les estimations montrent qu’au cours des dix dernières années, dans les pays de l’OCDE, il a progressé environ trois fois plus rapidement que l’ensemble de l’économie. En 2023, le secteur des TIC a atteint de nouveaux sommets, avec un taux de croissance moyen de 7.6 % dans la zone OCDE.

Les acteurs de l’IA doivent collaborer pour stimuler l’innovation de manière responsable et veiller à ce que ses avantages soient largement partagés

Les avancées technologiques dans le domaine de l’IA poussent à reconsidérer l’avenir du travail, des loisirs et de la société. L’avenir de l’IA pourrait apporter des avantages considérables, notamment des gains de productivité accrus, une accélération des progrès scientifiques et des solutions pour lutter contre le changement climatique. Pour autant, l’IA ne va pas sans présenter de risques ayant trait, entre autres, à la confiance, la justice, la protection de la vie privée, la sûreté et la responsabilité. Depuis 2022, le nombre d’incidents liés à l’IA – à savoir les événements impliquant un système d’IA qui ont causé, directement ou indirectement, des préjudices – et de dangers liés à l’IA rapportés dans les médias a fortement augmenté avec, en tête de liste, les incidents liés à l’IA générative. Pour bâtir une IA digne de confiance utilisée dans l’intérêt de l’humanité et de la planète, il sera essentiel de développer une compréhension commune des possibilités et des risques principaux qu’elle fait naître. Pour y parvenir, les pays mettent au point, à un rythme sans précédent, des stratégies nationales et d’autres initiatives publiques en matière d’IA.

Les réseaux sans fil de nouvelle génération sont indispensables pour assurer une connectivité illimitée, en tout lieu

La prolifération des technologies émergentes va de pair avec la production de volumes considérables de données, ce qui génère des besoins croissants en termes de bande passante et de traitement des données. Nombre d’applications nouvelles exigent par ailleurs des performances de réseau supérieures, à savoir des débits plus élevés et des temps de réponse (latence) réduits. Presque tous les pays de l’OCDE déploient des réseaux 5G et lancent des travaux de recherche sur des technologies de « l’après-5G » ou de la « 6G ». Ils se tournent également vers la connectivité satellite et d’autres technologies de communication aérienne, qui gagnent du terrain partout dans le monde. Ces technologies commencent à fournir une connectivité de qualité, en particulier dans les zones rurales et mal desservies, contribuant par là même à réduire les disparités dans ce domaine. À l’avenir, l’intégration des technologies sans fil terrestres et non terrestres favorisera l’expansion et la résilience de l’écosystème de la connectivité.

La diffusion des technologies numériques et la capacité à les utiliser efficacement restent inégales, ce qui nuit à l’égalité des chances et à l’inclusion

Les technologies telles que l’infonuagique et l’internet des objets se généralisent. En revanche, l’adoption des technologies dépendantes des données, à l’instar de l’IA, reste faible et concentrée dans certains secteurs. Il est possible d’accélérer la diffusion des technologies en assurant aux entreprises des conditions équitables d’accès aux ressources clés, notamment aux données. Les efforts en faveur d’une accélération de la diffusion des technologies et des investissements dans les compétences peuvent aider à réduire les écarts d’utilisation de l’internet, qui sont notables entre les classes d’âge et les niveaux d’instruction et de revenus, et nuisent à l’égalité des chances et à l’inclusion. Pour inciter les individus et les entreprises à utiliser les services en ligne, les pouvoirs publics devraient proposer des services inclusifs, centrés sur l’utilisateur et investir dans les compétences, tout en accompagnant les personnes qui risquent le plus de se retrouver dépassées.

Les technologies immersives comme la réalité virtuelle ouvrent la voie à des expériences extraordinaires, mais la sécurité en ligne et hors ligne est essentielle

L’essor des technologies tridimensionnelles s’accélère, soulevant des questions quant aux possibilités et aux risques qu’elles font naître. La réalité virtuelle est le médium immersif qui affiche une capacité avérée à se prêter à un déploiement à grande échelle dans des domaines divers. Le suivi des mouvements corporels, qui favorise le « sentiment de présence », distingue la réalité virtuelle des autres environnements immersifs. Les environnements de réalité virtuelle peuvent être autonomes, sociaux ou industriels ; ils comprennent un cycle de suivi, de rendu et d’affichage, un processus continu qui se déroule en temps réel. La réalité virtuelle est particulièrement adaptée aux expériences qui, dans le monde physique, seraient dangereuses, impossibles, contre-productives ou onéreuses. Dans la mesure où il n’existe aucun moyen d’« exercer son option de retrait » ou de « rester incognito » dans la réalité virtuelle, de nouvelles approches, au-delà des modèles traditionnels fondés sur le consentement, devront être mises en place pour protéger la vie privée. Une attention particulière doit être portée à la sécurité mentale et physique, en particulier dans le cas des enfants et des véhicules mobiles.

Les comportements négatifs se multiplient dans les environnements numériques et touchent les filles de manière disproportionnée

L’anonymat, la désincarnation et la désinhibition contribuent à expliquer pourquoi les individus communiquent et interagissent différemment en ligne et peuvent conduire à des comportements négatifs. Depuis 2017, le pourcentage total de jeunes faisant état de difficultés à fonctionner au quotidien et d’un mal-être à cause de l’utilisation des médias sociaux a augmenté de 49 %, la part des filles ayant progressé deux fois plus rapidement que celle des garçons. Par ailleurs, de plus en plus de jeunes sont victimes de cyberharcèlement, les taux étant en moyenne plus élevés chez les filles que chez les garçons. La victimisation en cyberharcèlement a augmenté de 26 % entre 2017 et 2022. Si les travaux de recherche montrent qu’une utilisation modérée des technologies numériques tend à être bénéfique, leur « surutilisation » peut se révéler préjudiciable. Dans les pays et régions où la fréquence de l’utilisation problématique des médias sociaux est plus forte, on observe également des pourcentages plus élevés d’utilisation intensive des messageries instantanées, des réseaux sociaux, des courriels et d’autres formes de communication en ligne.