En 2022, alors que les pays étaient encore aux prises avec les effets persistants de la pandémie de COVID-19, près de 700 000 jeunes de 81 pays et économies membres ou partenaires de l’OCDE, représentant 29 millions d’élèves dans le monde, ont passé les épreuves du Programme pour le suivi des acquis des élèves (PISA).
Cela fait de PISA la première vaste enquête à collecter des données sur les performances des élèves, leur bien-être et l’équité dans l’éducation avant et après les perturbations causées par la pandémie de COVID-19. Le rapport constate que, en dépit des circonstances difficiles, 31 pays et économies ont réussi à maintenir le même niveau de performance que celui obtenu dans l’enquête PISA 2018. Parmi ces pays, Singapour, le Japon, la Corée, la Suisse et l’Australie* ont maintenu, voire même amélioré, des niveaux de performances scolaires déjà élevés, leurs scores étant compris entre 487 et 575 points (la moyenne de l’OCDE étant de 472). Ces systèmes présentaient des caractéristiques communes, notamment des fermetures d’établissements plus courtes, peu d’obstacles à l’apprentissage à distance et un soutien continu de la part des enseignants et des parents, autant d’éléments qui peuvent donner des indications sur les meilleures pratiques à adopter pour faire face à d’autres crises.
Nombre de pays ont également réalisé des progrès importants dans la concrétisation de l’objectif d’enseignement secondaire universel, qui est crucial pour permettre l’égalité des chances et la pleine participation à l’économie. Le Cambodge, la Colombie, le Costa Rica, l’Indonésie, le Maroc, le Paraguay et la Roumanie font partie des pays qui ont rapidement élargi l’accès à l’éducation à des populations auparavant marginalisées.
Dix autres pays et économies ont atteint un niveau élevé d’équité socio-économique et ont vu un fort pourcentage d’élèves de 15 ans acquérir des compétences élémentaires en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences : le Canada*, la Corée, le Danemark*, la Finlande, Hong Kong (Chine)*, l’Irlande*, le Japon, la Lettonie*, Macao (Chine) et le Royaume-Uni*. Même si le statut socio-économique reste une variable explicative des performances dans ces pays et dans d’autres pays de l’OCDE, l’éducation dans ces pays peut être considérée comme très équitable.
Dans le même temps, en moyenne, l’enquête PISA 2022 a enregistré une baisse sans précédent des performances dans l’ensemble de l’OCDE. Par rapport à 2018, le score moyen des pays de l'OCDE a reculé de 10 points en compréhension de l'écrit et de près de 15 points en mathématiques, ce qui représente trois quarts d’année d’apprentissage scolaire. Cette chute abrupte des scores en mathématiques est trois fois plus élevée que dans les évolutions observées dans les enquêtes antérieures. En fait, un jeune sur quatre âgé de 15 ans est maintenant peu performant en mathématiques, en compréhension de l’écrit et en sciences, en moyenne dans les pays de l’OCDE. Ces élèves éprouvent donc des difficultés à accomplir certaines tâches comme l’utilisation d’algorithmes de base ou l’interprétation de textes simples. Cette tendance est plus prononcée dans 18 pays et économies, où plus de 60 % des jeunes de 15 ans accusent un retard.
Pourtant, cette forte baisse n’est attribuable qu’en partie à la pandémie de COVID-19. Les scores en compréhension de l’écrit et en sciences avaient déjà entamé une baisse avant la pandémie. Ainsi, une tendance négative ressortait déjà dans les performances en mathématiques avant 2018, en Belgique, au Canada*, en Finlande, en France, en Hongrie, en Islande, en Nouvelle-Zélande*, aux Pays-Bas*, en République slovaque et en Tchéquie.
La relation entre les fermetures d’établissements scolaires en raison de la pandémie, souvent citées comme la cause majeure de la baisse de la performance n’est pas si évidente. Dans les pays de l’OCDE, environ la moitié des élèves ont vu leur établissement fermé pendant plus de trois mois. Cependant, les résultats de l’enquête PISA ne font ressortir aucune différence manifeste dans les dernières évolutions des performances entre les systèmes d’éducation dans lesquels les fermetures d’établissement scolaire ont été limitées, comme en Islande, en Suède et au Taipei chinois, et les systèmes dans lesquels les fermetures ont été plus longues, comme au Brésil, en Irlande* et en Jamaïque*.
Les fermetures d’établissement ont également entraîné une transition globalisée à l’apprentissage à distance par voie numérique, une nouvelle difficulté venue s’ajouter aux défis à long terme qui avaient déjà fait leur apparition, tels que l’utilisation de la technologie en salle de classe. La manière dont les systèmes d’éducation s’adapteront aux évolutions technologiques et la mesure dans laquelle les responsables politiques trouveront un juste équilibre entre les risques et les possibilités qui en découlent, sera une caractéristique déterminante des systèmes d’éducation efficaces.
Selon les résultats de l’enquête, en moyenne dans les pays de l’OCDE, environ trois quarts des élèves ont déclaré être à l’aise avec l’utilisation des technologies, y compris des environnements de gestion de l’apprentissage, des plateformes d’apprentissage scolaire et des systèmes de visioconférence. Les élèves ayant passé jusqu’à une heure par jour sur des dispositifs numériques à des fins d’activités d’apprentissage en milieu scolaire ont obtenu 14 points de plus en mathématiques que les élèves qui ne les ont pas utilisés, et cette corrélation positive s’observe dans plus de la moitié de tous les systèmes d’éducation (45 pays et économies) dont les données sont disponibles. Pourtant, la technologie utilisée pendant les loisirs plutôt que pour l’apprentissage, telle que les téléphones portables, semble souvent être associée à de moins bons résultats. Les élèves qui ont déclaré qu’ils étaient distraits par d’autres élèves utilisant des dispositifs numériques pendant au moins quelques cours de mathématiques ont obtenu 15 points de moins que les élèves qui ont déclaré que cela n’arrivait jamais ou presque jamais, après contrôle du profil socio-économique des élèves et des établissements.
Les données PISA montrent que le soutien des enseignants est particulièrement important en temps de crise, notamment lorsqu’ils apportent un soutien pédagogique et motivationnel supplémentaire. La présence des enseignants pour aider les élèves qui en ont besoin est fortement corrélée à la performance en mathématiques dans les pays de l’OCDE, par rapport à d’autres expériences liées à la fermeture des établissements scolaires pour raison de COVID-19. La performance en mathématiques était de 15 points plus élevée dans les systèmes où les élèves ont déclaré pouvoir compter sur un enseignant. Ces élèves se sentaient également plus capables que leurs pairs d’apprendre de manière autonome et à distance. Malgré tout, seul un élève sur cinq a déclaré qu’il recevait de l’aide supplémentaire de la part d'un enseignant dans certains cours en 2022. Environ 8 % n’ont jamais ou presque jamais reçu d’aide supplémentaire.
En général, dans les systèmes d’éducation dans lesquels on observe une tendance au renforcement de la participation des parents dans l’apprentissage des élèves entre 2018 et 2022, le niveau en mathématiques s’est davantage stabilisé ou a progressé. Ce constat se vérifie en particulier en ce qui concerne les élèves défavorisés. Ces chiffres, qui tiennent compte du profil socio-économique des élèves et des établissements, montrent que le niveau de soutien actif des parents peut avoir un effet décisif. Pourtant, l’implication des parents dans l’apprentissage des élèves en milieu scolaire a considérablement diminué entre 2018 et 2022. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, le pourcentage d’élèves d’établissements où la plupart des parents discutent des progrès de leur enfant avec un enseignant, à leur demande, a chuté de dix points de pourcentage.
Finalement, on constate une relation de corrélation positive entre les scores moyens qui sont obtenus et le niveau d’investissement dans l’éducation jusqu’à un seuil de 75 000 USD de dépenses cumulées par élève âgé de 6 à 15 ans. Dans de nombreux pays de l’OCDE qui investissent davantage dans l’éducation, on observe qu’un investissement supplémentaire n’est pas synonyme de meilleure performance des élèves. Des pays comme la Corée et Singapour ont démontré qu’il était possible d’établir des systèmes d’éducation de premier ordre même en partant d’un niveau de revenu relativement faible, en accordant la priorité à la qualité de l’enseignement plutôt qu’à la taille des classes et en établissant des mécanismes de financement qui mettent en adéquation les ressources avec les besoins.
Pour renforcer le rôle de l’éducation, à savoir donner aux jeunes les moyens de réussir et leur garantir l’égalité des chances fondée sur le mérite, la résilience de nos systèmes d’éducation sera cruciale non seulement pour améliorer les résultats d’apprentissage mesurés dans PISA, mais aussi pour leur efficacité à long terme. J’ai le plaisir de partager avec vous le rapport sur l’enquête PISA 2022, qui propose aux responsables politiques des pays et économies membres et partenaires de l’OCDE des orientations politiques fondées sur des données probantes en vue de façonner des systèmes d’éducation efficaces et résilients qui contribueront à donner à nos enfants et adolescents le meilleur avenir possible.
Mathias Cormann
Secrétaire général de l'OCDE