En 2021, 42 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) – qui se chiffraient à un peu plus de 40 milliards de tonnes – des 72 pays examinés dans le présent rapport faisaient l’objet d’une tarification carbone (Graphique 2.1). Les taux appliqués se répartissaient de façon inégale : quelque 16 % des émissions de GES étaient soumises à un taux supérieur au prix de référence de 30 EUR, environ 7 % à 60 EUR ou plus, et presque 4 % à 120 EUR ou plus.
Taux effectifs sur le carbone 2023 (version abrégée)
2. Les taux effectifs sur le carbone en 2021
2.1. Les taux effectifs sur le carbone en 2021
La répartition des taux effectifs sur le carbone (TEC) est différente selon les secteurs ; le transport routier enregistre les prix les plus élevés, suivi par le secteur de l’électricité et les transports non routiers. La majorité des émissions d’autres GES (méthane [CH4], protoxyde d’azote [N2O], gaz fluorés et dioxyde de carbone [CO2] issu des procédés industriels) ne font l’objet d’aucune tarification (Graphique 2.2). Les taux dépassant 60 EUR et 120 EUR par tonne de CO2 se trouvent principalement dans le transport routier. Les taux élevés pratiqués dans ce secteur peuvent aussi refléter la prise en compte d’autres externalités liées à la circulation routière telles que la pollution de l’air, les accidents, la congestion et les nuisances sonores,1 ou traduire la volonté d’accroître les recettes. Bien que l’industrie contribue pour plus d’un quart des émissions totales (Graphique 2.2), 72 % de ses émissions ne sont soumises à aucune tarification. Seuls 7.5 % des émissions du secteur font l’objet d’une tarification à des taux supérieurs aux 30 EUR de référence. Concernant le secteur de l’électricité, les trois quarts ou presque (73 %) de ses émissions se voient appliquer une tarification : pour la moitié des émissions du secteur, les TEC appliqués se situent entre 5 EUR et 30 EUR/tonne de CO2, et pour un peu plus de 7 % des émissions, le TEC est supérieur à 30 EUR. Dans le secteur des bâtiments, les deux tiers environ (64 %) des émissions ne sont soumises à aucun tarif tandis que pour quelque 17 % de ses émissions, le taux appliqué est de plus de 30 EUR/tonne de CO2. Les autres GES se voient appliquer les TEC les plus faibles, 96 % de leurs émissions ne faisant l’objet d’aucune tarification.
Les différences de niveaux moyens de tarification entre les secteurs peuvent s’expliquer par les différents instruments de tarification utilisés pour couvrir les émissions (Graphique 2.3), le degré de couverture des émissions et les différents carburants et combustibles utilisés2 (Graphique 2.4). Les TEC les plus élevés sont relevés dans les secteurs où les émissions sont soumises majoritairement à des droits d’accise sur les carburants et combustibles, c’est-à-dire dans le transport routier et, dans une moindre mesure, l’agriculture et la pêche, le transports non routier et les bâtiments. Dans ces secteurs, les droits d’accise s’élèvent en moyenne à respectivement 86 EUR, 25 EUR, 15 EUR et 10 EUR par tonne de CO2. Les TEC les plus faibles sont observés dans les secteurs où le principal instrument de tarification est un système d’échange de quotas d’émission (SEQE) ; c’est le cas de l’électricité et de l’industrie, où les TEC moyens se chiffrent respectivement à 7.5 EUR et 6 EUR par tonne de CO2. Cette situation peut s’expliquer, d’une part, par le fait que les droits d’accise sur les carburants et combustibles sont un instrument de tarification du carbone plus répandu que les SEQE et, d’autre part, parce que les droits d’accise, lorsqu’ils sont utilisés, ont tendance à couvrir un pourcentage plus important des émissions d’un secteur que les SEQE. Le chapitre 3 montre que les TEC moyens sont plus élevés dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie lorsque l’observation se limite aux pays qui ont mis en place un SEQE.
Des instruments de tarification explicite du carbone existent dans chaque secteur (Graphique 2.3). Les systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE) sont surtout utilisés dans les secteurs de l’électricité et de l’industrie, où ils représentent respectivement 86 % et 70 % des TEC moyens de ces secteurs : les permis d’émission y sont fixés respectivement à 6.5 EUR et 4 EUR/tonne de CO2 en moyenne. Les SEQE sont le principal instrument utilisé au regard des « autres GES » (3.8 % des émissions) et s’appliquent la plupart du temps aux émissions issues des procédés industriels. Les taux des taxes carbone sont généralement plus élevés dans le transport routier et les bâtiments, à environ 2.5 EUR/tonne de CO2 pour les deux secteurs. Ces taxes s’appliquent à quelque 0.14 % des émissions d’autres GES ; couvrant un faible pourcentage de ces émissions, elles sont à peine supérieures à 0 en moyenne, mais se situent entre 0.46 EUR et environ 59 EUR/tonne de CO2.
Les secteurs produisant le plus d’émissions ne sont pas nécessairement ceux auxquels sont appliqués les taux moyens les plus élevés (Graphique 2.3). En fait, les secteurs de l’industrie et de l’électricité ainsi que celui des autres GES (émissions de CH4, de N2O, de gaz fluorés et de CO2 issu de procédés industriels) représentent chacun environ un quart des émissions, mais ils font généralement l’objet de TEC plus bas que les secteurs de l’agriculture et la pêche et du transport non routier, qui sont responsables d’une part nettement plus faible des émissions totales (respectivement presque 1 % et 2 %). Compte tenu des contraintes politiques liées à la tarification du carbone et des différentes possibilités de réduction des émissions qui existent dans les différents secteurs, il peut s’avérer plus difficile d’appliquer des tarifs élevés lorsque le champ des émissions couvertes est large.
La part des émissions représentée par les différents secteurs peut être très variable selon les pays (Graphique 2.3) et ces différences ont une incidence sur les TEC moyens enregistrés au niveau national. Un TEC peu élevé peut être dû soit à l’application d’un taux faible, soit à une faible couverture des émissions. La part des émissions nationales de différents secteurs est très variable selon les secteurs : les émissions des transports non routiers ne dépassent jamais 10.2 % des émissions de GES d’un pays, alors que les émissions d’autres GES peuvent représenter jusqu’à 92.4 % des émissions d’un pays. Il s’en suit des différences entre les TEC moyens observés dans chaque pays. Par exemple, un pays enregistrant une plus forte proportion d’émissions d’autres GES aura tendance à avoir un TEC moyen plus faible (car une faible part de ces émissions fait l’objet d’une tarification) qu’un pays où la plus grande part d’émissions provient du transport routier (où les TEC sont les plus élevés).
Les droits d’accise appliqués sur les carburants (diesel et essence) et sur certains combustibles de chauffage sont relativement élevés, et cela se traduit par un niveau des TEC tout aussi haut dans les secteurs concernés (Graphique 2.4). D’une part, le diesel et l’essence, qui sont surtout utilisés pour le transport routier, sont les combustibles soumis aux droits d’accise les plus élevés (ce qui se traduit par un prix de respectivement 70 EUR et 85 EUR par tonne de CO2 en moyenne), ce qui n’est pas sans rappeler la vaste source de recettes fiscales qu’ont toujours représenté ces carburants pour les pays. D’autre part, le charbon et autres combustibles fossiles solides, qui sont principalement utilisés dans les secteurs de l’industrie et l’électricité, font l’objet de taxes carbone d’un montant relativement faible (en moyenne 5.4 EUR/tonne de CO2). Les produits énergétiques comme le GPL et le gaz naturel, utilisés dans le secteur des bâtiments, se situent entre ces deux extrémités, avec des TEC moyens atteignant respectivement quelque 8 EUR et 10.6 EUR/tonne de CO2. Ces combustibles font souvent l’objet de taxes réduites ou d’exonérations, en particulier lorsqu’ils sont utilisés dans les logements.
Les pays où le niveau des TEC et le pourcentage d’émissions couvertes sont les plus élevés possèdent généralement également des systèmes d’échange de quotas d’émission. Cela est cohérent avec le fait que les secteurs de l’industrie et l’électricité représentent une part importante des émissions et sont ceux où les SEQE sont le dispositif de tarification le plus utilisé. C’est également dans les pays où les TEC sont les plus élevés que le montant des taxes carbone atteint le plus haut niveau. Dans la plupart des pays, les droits d’accise sur les carburants et combustibles continuent d’être le mode de tarification des émissions le plus courant. Par ailleurs, les TEC moyens observés à l’échelle nationale dépendent de la répartition sectorielle des émissions : les pays où la part des émissions dues au transport routier est importante ont tendance à obtenir des TEC moyens plus élevés (ce qui est corroboré par les données du Graphique 2.3).
2.2. Les émissions d’autres gaz à effet de serre
Sur l’ensemble des pays étudiés dans ce rapport, les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie représentent un peu moins des trois quarts des émissions de GES (74 %). Leur part est cependant très variable selon les pays, notamment en fonction de l’importance de l’agriculture dans l’économie (Graphique 2.6). Elle oscille ainsi entre environ 8 % (Éthiopie) et 92 % (Japon) du total des émissions de GES (Graphique 2.5).
Bien que l’estimation du niveau des émissions d’autres GES (et donc de l’assiette potentielle des instruments de tarification) soit nettement plus incertaine que pour les émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie, les informations dont on dispose sur les GES et les secteurs dont ils proviennent fournissent des indications sur les stratégies qui pourraient être utilisées pour tarifer cette source non négligeable d’émissions qui, en 2021, échappait majoritairement à tout système de tarification (Graphique 2.2). Ces informations pourraient également permettre de déterminer si les émissions en question font l’objet d’autres dispositifs (Errendal, Ellis et Jeudy-Hugo, 2023[3]). Les émissions de méthane (CH4) provenant d’émissions figitives, des décharges et des eaux usées sont particulièrement difficiles à estimer. Il en est de même pour les émissions de protoxyde d’azote (N2O) liées aux activités agricoles et celles de gaz fluorés ; le degré d’incertitude des estimations peut atteindre un facteur de deux.3
L’agriculture concentre le plus fort pourcentage d’émissions d’autres GES, à la fois au niveau global de l’échantillon et dans la plupart des pays qui en font partie (Graphique 2.7). Pour plus de la moitié des pays de l’échantillon, les émissions d’origine non énergétique du secteur agricole représentent plus de 51.4 % de leurs émissions d’autres GES. Ce pourcentage est très variable selon les pays, de 5.7 % en Israël à quelque 88 % en Uruguay. Les procédés industriels ainsi que l’énergie (composée des émissions de gaz autres que le CO2 résultant de la combustion de carburants et combustibles et des émissions fugitives) sont à l’origine d’une part similaire des émissions d’autres GES, respectivement 22 % et 25 % environ. Les pourcentages oscillent, pour l’énergie, entre 1.04 % en Uruguay et quelque 72 % en Russie et, pour les procédés industriels, entre 1.98 % en Ouganda et 69 % en Corée. Les déchets sont responsables d’une faible proportion des émissions d’autres GES, que ce soit au niveau global ou dans la plupart des pays.
Conformément à la répartition sectorielle des émissions d’autres GES, le méthane, qui provient principalement du secteur agricole, arrive en tête de ces émissions (Graphique 2.8). Les émissions de méthane augmentent cependant régulièrement dans le secteur de l’énergie, qui suit de près l’agriculture.4 Dans la moitié des pays de l’échantillon, les gaz fluorés représentent entre 0.04 % (Ouganda) et 8.5 % (Canada) des émissions d’autres GES, mais leur pourcentage peut aller jusqu’à 45.7 % (Corée), similaire à la part maximale observée pour le N2O (46.3 % en Estonie). S’agissant de la part du méthane parmi les émissions d’autres GES, aucun pays n’en émet un pourcentage inférieur à 19.9 % d’autres GES.
Références
[1] Climate Watch (2022), https://www.climatewatchdata.org.
[3] Errendal, S., J. Ellis et S. Jeudy-Hugo (2023), « The role of carbon pricing in transforming pathways to reach net zero emissions : Insights from current experiences and potential application to food systems », OECD Environment Working Papers, n° 220, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/5cefdf8c-en.
[2] IEA (2023), « Extended world energy balances », IEA World Energy Statistics and Balances (base de données), https://doi.org/10.1787/data-00513-en (consulté le 13 novembre 2023).
[5] IEA (2022), « Global Methane Tracker 2022 », IEA, Paris, License: CC BY 4.0, https://www.iea.org/reports/global-methane-tracker-2022.
[4] IEA (2021), « Database documentation - Greenhouse gas emissions from energy - 2021 Edition », https://iea.blob.core.windows.net/assets/d82f9e09-9080-4dcf-9100-0ba686536341/WORLD_GHG_Documentation.pdf.
Notes
← 1. Si la première de ces externalités n’existerait pas en cas d'adoption totale de véhicules électriques, les trois autres subsisteraient.
← 2. Ce dernier facteur s'applique aux six premiers secteurs, dont les émissions de CO2 proviennent de la consommation d'énergie.
← 3. La documentation de l’AIE (2021[4]) portant sur les émissions de GES fournit des précisions sur cette incertitude et recommande que « les chiffres fournis pour les différents pays ne soient considérés que comme des ordres de grandeur ».
← 4. Au niveau global, les émissions de méthane sont passées de quelque 3.2 Gt en 1990 à environ 3.5 Gt aujourd'hui dans l’agriculture, mais de 2.3 Gt en 1990 à 3.4 Gt aujourd'hui dans le secteur de l’énergie (voir les tendances passées sur le site de Climate Watch (2022[1])). Par ailleurs, d’après la base de données Global Methane Tracker de l’AIE (IEA, 2022[5]), les émissions de méthane du secteur de l’énergie sont de 70 % supérieures aux chiffres officiels, ce qui corrobore la précédente observation.