Ce chapitre met en lumière les principales évolutions survenues en 2021 concernant l’application du droit de la concurrence au niveau mondial. Il recense les changements les plus importants affectant des variables telles que les effectifs de l'autorité de la concurrence, les perquisitions, les demandes de clémence, le recours aux accords et aux engagements, les décisions d'application, les études de marché et les activités de fusion.
Tendances de l’OCDE sur la concurrence 2023
2. Principales évolutions intervenues en 2021
Abstract
Alors que les éditions précédentes des Tendances de l’OCDE sur la concurrence faisaient une description exhaustive de tous les aspects de l’application du droit de la concurrence dans le monde, l'édition de cette année se concentre sur les principales évolutions intervenues en 2021. Par conséquent, elle analyse les variables dont l'évolution est la plus remarquable, à savoir : une augmentation supérieure à la moyenne des effectifs de l'autorité de la concurrence, une reprise des perquisitions, une baisse continue des demandes de clémence dans toutes les régions sauf une, un accroissement du recours aux accords ou aux engagements, une hausse du nombre de décisions relatives aux ententes, une augmentation des amendes, une diminution du nombre d’études de marché et une intensification des activités de fusion.
Les effectifs des autorités de la concurrence ont augmenté beaucoup plus rapidement en 2021 que dans des années précédentes
En 2021, les juridictions couvertes par la base de données CompStats de l’OCDE ont employé 8 848 salariés spécialisés dans le domaine de concurrence, avec une moyenne de 126 et une valeur médiane de 57 agents par juridiction. Cela représente une progression des effectifs totaux de 4.9 % par rapport à 2020, contre un taux composé de croissance annuel de seulement 1,6 % sur la période de 2015 à 2020. Toutefois, la distribution des effectifs entre régions est inégale (voir Graphique 2.1), tout comme leur croissance. Sur les 70 juridictions qui ont communiqué des données sur les effectifs de l’autorité de la concurrence pour 2020 et 2021, 40 (57 %) ont enregistré une augmentation de ces effectifs au cours de l'année précédente, 20 (28 %) ont constaté une diminution, et les effectifs sont restés inchangés dans les 10 juridictions restantes (voir Graphique 2.2).
Bien que les effectifs moyens des autorités de la concurrence aient progressé dans toutes les régions en 2021, les Amériques et l’Asie et Pacifique étaient les moteurs de cette croissance. Dans les Amériques, les effectifs moyens sont passés de 150 à 163, tandis que dans la région Asie-Pacifique, ils ont progressé de 197 à 212. En Europe et dans la région MOA, les effectifs moyens sont augmentés très marginales en 2021 à 93 et 56 respectivement. Lorsqu’on examine les effectifs des autorités de la concurrence par million d’habitants, la tendance reste pratiquement identique, à savoir une augmentation dans toutes les régions sauf la région MOA où ils ont légèrement diminué.
Il est également intéressant de comparer la variation des effectifs par juridiction avec l'évolution du budget de l’autorité de la concurrence. Comme on pouvait s’y attendre, une augmentation du budget est généralement associée à un accroissement des effectifs (voir la corrélation positive dans Graphique 2.5). Toutefois, alors que la grande majorité des autorités de la concurrence ont accru à la fois leur budget et leurs effectifs entre 2015 et 2021, de nombreuses autorités ont subi des coupes budgétaires en 2021 (22 juridictions). En outre, 14 des juridictions qui ont vu leur budget se contracter en 2021 ont néanmoins bénéficié d’une augmentation de leurs effectifs. Cela peut expliquer en partie pourquoi la croissance globale du budget des autorités de la concurrence n'était pas du même ordre de grandeur que celle de leurs effectifs.
Après le trou d'air de 2020, les perquisitions sont reparties à la hausse, sans toutefois renouer avec leur niveau d'avant la pandémie
En 2020, sous l’effet des restrictions instaurées par les pouvoirs publics pour faire face au COVID-19, de nombreuses autorités de la concurrence ont interrompu les perquisitions durant la majeure partie de l'année. Toutefois, le nombre de perquisitions s’est visiblement redressé dans toutes les régions. Le rythme de la reprise était variable d’une juridiction à l'autre, avec un nombre moyen de perquisitions dans les affaires d’entente dans les juridictions non membres de l’OCDE supérieur aux années précédentes, tandis que la moyenne OCDE en 2021 restait inférieure à 2019.
Les perquisitions dans les enquêtes sur les abus de position dominante, menées pour la plupart en Europe et dans la région MOA, ont suivi une tendance analogue, et se sont redressées en 2021. La reprise a été particulièrement vive dans les juridictions non membres de l’OCDE, où le nombre moyen de perquisitions dans des affaires d'abus de position dominante en 2021 a dépassé les niveaux enregistrés entre 2015 et 2020. Les juridictions de l’OCDE ont procédé à davantage de perquisitions en 2021 qu’en 2020, mais moins qu’en 2019.
Les demandes de clémence en Europe ont semblé repartir à la hausse en 2021, mais leur baisse s’est poursuivie dans les autres régions
Comme indiqué dans le rapport Tendances de l’OCDE sur la concurrence 2022, les demandes de clémence ont reculé ces dernières années au niveau mondial. En 2021, cette tendance s’est généralement poursuivie, à la seule exception de l’Europe. En Europe, les demandes de clémence se sont accrues de 32 % en 2021, passant d’un total de 65 demandes en 2020 à 86 en 2021. Cette hausse était sensible dans un grand nombre de juridictions, voire très forte dans certains cas. Malgré ce redressement partiel, le nombre de demandes de clémence en Europe en 2021 (86) restait inférieur à 2019 (96). C’est dans la région MOA que le nombre de demandes de clémence a le plus baissé (‑75 %), suivie des Amériques (‑50 %).
Les autorités ont eu davantage recours aux accords et aux engagements pour clore des enquêtes en 2021
Les autorités de la concurrence utilisent les procédures d'accord et d’engagement pour mettre fin aux enquêtes sur les ententes et les abus de position dominante. Ces outils peuvent contribuer à améliorer l’usage des ressources d'une autorité en permettant à son personnel de se consacrer à d'autres activités ou affaires. Aussi, ils peuvent aider les autorités à rendre davantage de décisions à budget constant. Bien que les accords soient plus fréquemment utilisés dans les affaires d’entente et les engagements plus souvent employés dans les enquêtes sur les abus de position dominante, certaines juridictions utilisent les deux outils dans les deux types d'affaire.
En 2021, en moyenne, une affaire d’entente sur trois a été réglée au moyen d’un accord, soit une hausse de 26 % par rapport à 2020. Cette hausse fait suite à un recul en 2020, et marque un retour aux niveaux observés en 2019. Elle provient principalement de juridictions membres de l’OCDE, où en moyenne 44 % des affaires se sont conclues par un accord (contre 29 % en 2020). À l’inverse, le pourcentage total d’affaires d’entente qui se sont achevées par un accord dans les juridictions non membres de l’OCDE est resté stable, à 24 %.
Au niveau régional, la MOA et les Amériques sont les régions ayant enregistré les plus fortes hausses. Dans la région MOA, 48 % des affaires d’entente se sont soldées par un accord en 2021 (contre 35 % en 2020), alors que dans les Amériques, le pourcentage total s'établissait à 28 % en 2021 (contre 20 % en 2020). Toutefois, le pourcentage dans les Amériques reste inférieur à la période 2015‑19. Le pourcentage des affaires d’entente conclues par un accord a également augmenté en Asie-Pacifique, passant de 17 % en 2020 à 22 % en 2021. La hausse en Europe a été plus modeste, de 28 % à 31 %.
Le recours aux accords et aux engagements dans les enquêtes pour abus de position dominante a lui aussi beaucoup progressé en 2021. Cette hausse s’est produite dans toutes les régions sauf en Europe, où le pourcentage a baissé de 38 % en 2020 à 20 % en 2021. En Asie-Pacifique, après une année sans accords ou engagements, près de 43 % des enquêtes dans les affaires d’abus de position dominante se sont soldées par un accord ou un engagement en 2021. Dans les Amériques, le pourcentage s’est accru de 9 % en 2020 à 19 % en 2021 et il est passé de 18 % en 2020 à 41 % en 2021 dans la région MOA.
Le nombre de décisions dans les affaires d’entente a augmenté en 2021, tandis que les décisions dans les affaires d’abus de position dominante sont restées stables
Le redressement du nombre de perquisitions, l’augmentation des demandes de clémence en Europe et le recours accru aux accords et aux engagements pour clore les enquêtes semblent avoir conduit à une hausse du nombre de décisions dans les affaires d’entente par les autorités de la concurrence. En moyenne, les juridictions couvertes par la base de données CompStats ont rendu environ huit décisions dans les affaires d’entente en 2021, contre sept en 2020. Cette croissance a concerné toutes les régions sauf les Amériques, où le nombre moyen de décisions relatives à des ententes a reculé de sept en 2020 à cinq en 2021. La région MOA est celle ayant enregistré le nombre moyen le plus élevé, à savoir 14 décisions par juridiction rendues en 2021.
Par contraste, le nombre moyen de décisions dans des affaires d’abus de position dominante est resté stable (environ trois par juridiction). Ce nombre a baissé dans les Amériques et en Asie-Pacifique, mais a augmenté en Europe et en Asie-Pacifique. La région MOA arrive en tête, avec environ six décisions par juridiction rendues en moyenne en 2021.
Le montant des amendes a sensiblement augmenté dans toutes les régions
La valeur totale des amendes infligées dans les affaires d’entente et d'abus de position dominante a progressé dans toutes les régions en 2021. Le montant total des amendes infligées par toutes les juridictions participantes a augmenté de 53 %, passant de 5.6 milliards EUR en 2020 à 8.5 milliards EUR en 2021. Le montant moyen des amendes par juridiction s’est accru de 84.4 millions EUR en 2020 à 128.8 millions EUR en 2021. C’est en Asie-Pacifique que la croissance a été la plus forte, soit 183 %, de 0.21 milliard EUR au total en 2020 à 0.6 milliard EUR en 2021. Dans la région MOA, le montant total des amendes est passé de 0.68 milliard EUR en 2020 à 1.24 milliard EUR en 2021, soit une hausse de plus de 80 %. En Europe, la progression s’est établie à 43 % (de 3.73 milliards EUR en 2020 à 5.33 milliards EUR en 2021) et à 41 % dans les Amériques (de 0.93 milliard EUR en 2020 à 1.32 milliard EUR en 2021).
Bien que les affaires d’entente constituent toujours la majorité des amendes (68 %), on observe une forte augmentation de la part des amendes pour abus de position dominante, qui est passée de 17 % en 2020 à 32 % en 2021.
Les études de marché demeurent un outil de promotion utilisé par les autorités de la concurrence
En 2021, les études de marché ont baissé de 4.6 %, et les juridictions incluses dans CompStats ont réalisé 166 études de marché au total en 2021, contre 174 en 2020. On constate des différences régionales : L'Europe enregistre une hausse (de 2.7 études de marché en moyenne par juridiction en 2000 à 2.9 en 2021), tandis que les trois autres régions s’inscrivent en baisse, la plus marquée concernant la région MOA (de 2.6 en 2020 à 1.7 en 2021).
Le taux global d’intervention dans les affaires de fusion a baissé en 2021
Le taux moyen d'intervention dans les affaires de fusion (le pourcentage d'affaires de fusion dans lesquelles l’autorité de la concurrence est intervenue, soit en interdisant la fusion, soit en l’autorisant sous certaines conditions) a reculé de 2.5 % en 2020 à 1.6 % en 2021.
La baisse du taux d'intervention dans les affaires de fusion est due à la fois à un léger recul du nombre de fusions dans le cadre desquelles les autorités sont intervenues (le numérateur) et, surtout, à une hausse sensible du nombre de décisions relatives à des fusions (le dénominateur).
Dans 57 des 65 juridictions incluses dans la base de données CompStats qui ont communiqué des données sur les fusions pour les sept années, les notifications de fusions ont augmenté en 2021. La progression s’établit en moyenne à 47 % par rapport au niveau de 2020. Cette augmentation était en partie attendue, car les fusions notifiées étaient déjà reparties à la hausse au deuxième semestre de 2020 après une baisse au début de l'année imputable à la pandémie de COVID-19 qui a conduit certaines entreprises à suspendre leurs activités de fusion au regard de l’incertitude économique.
Bien que le redémarrage des fusions en 2021 ait certainement joué un rôle majeur dans la plupart des juridictions, la révision des seuils de notification des fusions dans certaines juridictions a probablement aussi compté. Ces modifications peuvent entraîner et ont effectivement entraîné une nette augmentation du nombre de fusions devant être notifiées. Par exemple, dans certains pays comme les Philippines, la législation en vigueur a été révisée afin de modifier, même temporairement, les seuils de notification des fusions. Dans d'autres, les niveaux des seuils ont évolué en raison de leur indexation sur des variables macroéconomiques, telles que le produit national brut aux États-Unis. Enfin, des juridictions telles que l’Allemagne et l’Autriche ont récemment adopté de nouveaux critères pour notifier les opérations, et notamment des seuils fondés sur la valeur de l’opération, qui peuvent avoir eu un impact sur le nombre de décisions qui ont été notifiées depuis leur mise en place.
En 2021, le nombre moyen de décisions relatives à des fusions s’est accru de 41 % (par rapport à 2020) pour atteindre 189 par juridiction. Toutefois, on constate des différences régionales. C’est dans les Amériques que l'augmentation a été la plus marquée, avec 291 décisions par juridiction en moyenne en 2021, contre 160 en 2020. En outre, le nombre de décisions relatives à des fusions s’est accru dans toutes les juridictions de la région sauf une, et a plus que doublé dans certains cas. Le nombre moyen de décisions relatives à des fusions par juridiction a progressé de 31 % en Asie-Pacifique, passant de 202 à 264, de 32 % dans la région MOA, de 107 à 141, et de 19 % en Europe, de 109 à 130.
Comme les années précédentes, la plupart des fusions intervenues en 2021 n’ont pas posé de problèmes concurrentiels, et 95 % des fusions ont été approuvées en phase I sans mesure corrective, soit le pourcentage le plus élevé sur la période 2015‑21. Les 5 % restantes ont nécessité une enquête plus poussée ou une intervention de l’autorité de la concurrence. Environ 3.4 % des fusions ont été examinées en phase II mais n’ont pas nécessité d'intervention.
Dans 1.4 % des décisions sur les fusions, les autorités de la concurrence ont pu remédier aux problèmes de concurrence au moyen d’une mesure corrective en phase I ou en phase II. En valeur absolue, cela représentait 167 opérations approuvées sous condition en 2021, soit une baisse par rapport à 2020, lorsque 196 transactions ont fait l’objet de mesures correctives. C’est le deuxième facteur ayant contribué à la baisse du taux d’intervention.
Bien que le taux d'intervention ait globalement baissé, 29 fusions ont été interdites en 2021 (0.2 % des décisions sur les fusions). Cela représente une hausse de 38 % par rapport à 2020, année durant laquelle 21 fusions avaient été interdites. Enfin, 41 notifications de fusion ont été retirées en 2021, contre 51 en 2020, soit un recul de près de 20 %.