Les problèmes de main‑d’œuvre, qui constituent une vulnérabilité de longue date dans le secteur du tourisme, se sont exacerbés depuis la pandémie de COVID‑19. S’atteler aux enjeux existants et naissants liés à la main‑d’œuvre dans le tourisme exige des réponses nouvelles et globales afin d’améliorer la qualité des emplois dans cette filière, de renforcer l’offre touristique et de limiter la (sur)exposition du tourisme aux crises futures. Ce chapitre analyse les stratégies de soutien mises en œuvre pour attirer et retenir les talents, tous niveaux de qualifications et domaines confondus, dans ce secteur depuis la pandémie. Il met en lumière les mesures que peuvent prendre les décideurs publics pour créer les conditions‑cadres propices à un changement induit par l’action publique, en collaboration avec le secteur privé, dans l’optique de renforcer la résilience du tourisme, compte tenu des effets des transitions écologique et numérique. Sont également recensées les principales considérations devant inspirer l’action des pouvoirs publics pour renforcer la main‑d’œuvre du secteur du tourisme.
Tendances et politiques du tourisme de l'OCDE 2024 (version abrégée)
Chapitre 2. Renforcer la main‑d'œuvre du secteur du tourisme
Copier le lien de Chapitre 2. Renforcer la main‑d'œuvre du secteur du tourismeAbstract
Le tourisme est un employeur important dont la contribution à la croissance économique est indéniable. Avant la pandémie de COVID‑19, il représentait, selon les estimations, 6.9 % des emplois dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2023[1]). L’emploi dans le tourisme joue également un rôle social et économique essentiel qui n’est pas toujours reconnu. Employeur notable de jeunes, de femmes, d'immigrés et d’autres travailleurs souvent en marge de la population active, ce secteur crée un tissu social et une agentivité et contribue aux retombées sociales, économiques et politiques globales, y compris en milieu rural ou isolé.
Les problèmes de main‑d’œuvre, qui constituent une vulnérabilité de longue date dans le secteur du tourisme, se sont exacerbés depuis la pandémie de COVID‑19. Les professionnels du tourisme ont eu du mal à reconquérir les travailleurs dans un contexte marqué par la pénurie de main‑d’œuvre et les tensions qui pèsent sur le coût de la vie, facteurs qui ont renforcé l’incidence des crises et davantage exposé le tourisme aux défis du marché du travail. Du fait du caractère réticulaire du tourisme, les difficultés de recrutement rencontrées par une partie du système touristique ont eu un effet d’entraînement dans tout le secteur et entravé la capacité de ce dernier à se redresser pour satisfaire la demande de services touristiques de l’après‑pandémie.
Ces conditions ont incité à mettre davantage l’accent sur le renforcement de la résilience dans l’économie du tourisme, y compris en s’attelant aux problèmes persistants qui se posent pour attirer du personnel, le fidéliser et valoriser ses compétences. S’atteler aux enjeux existants et naissants liés à la main‑d’œuvre dans le tourisme exige des réponses plus innovantes et globales afin de remédier à ces problématiques, ce qui permettra ensuite d’améliorer la qualité des emplois dans cette filière, de renforcer l’offre touristique et d’éviter la (sur)exposition du tourisme aux crises futures.
Ce chapitre examine et analyse les stratégies et mesures de soutien visant à attirer et à retenir les talents, tous niveaux de qualifications et domaines confondus, depuis la pandémie. Il met en lumière les mesures que peuvent prendre les décideurs publics pour créer les conditions cadres propices à un changement induit par l’action publique, en collaboration avec le secteur privé. Ce chapitre s’appuie sur une enquête réalisée auprès des pays membres et des pays partenaires de l’OCDE ainsi que sur deux ateliers, dont une concertation avec le secteur privé. Il met en lumière la nécessité d’adapter les stratégies axées sur la résilience de la main‑d’œuvre aux besoins spécifiques des destinations en matière de politiques publiques. Il recense les aspects prioritaires, et propose des axes de réflexion orientés sur l’action des pouvoirs publics pour renforcer la résilience dans le secteur du tourisme.
L’importance de la main‑d’œuvre du tourisme dans la résilience
Copier le lien de L’importance de la main‑d’œuvre du tourisme dans la résilienceUne main‑d’œuvre dynamique et durable est essentielle à la mise en place d’un système touristique résilient. Le tourisme, qui nécessite du personnel en nombre, peut fortement contribuer à une économie créatrice d’emplois adaptés à toutes les catégories d’âge et de compétences, couvrant divers types de postes et d’activités professionnelles. Dans le même temps, le secteur est très dépendant de la qualité de ses ressources humaines pour ce qui est d’élaborer, de gérer et de proposer une offre touristique compétitive, de s’adapter aux transitions verte et numérique et d’en tirer profit. En tout état de cause, les aspects positifs des métiers du tourisme et les perspectives d’insertion et d’évolution sur le marché du travail qui en découlent sont souvent occultés par des considérations plus générales, inhérentes à la nature des postes et aux conditions de travail proposées dans un secteur touristique souvent assimilé à des emplois précaires et faiblement rémunérés.
Les emplois dans le tourisme peuvent offrir des débouchés à celles et ceux qui entrent dans la vie active et servir de tremplin aux profils qui se heurtent à des obstacles majeurs à l’emploi, comme les jeunes, les personnes peu qualifiées et les travailleurs immigrés. Parmi leurs autres avantages, il faut citer la mobilité sociale, des lieux de travail riches en contacts humains, l’apprentissage interculturel, les possibilités de promotion rapide, les perspectives entrepreneuriales et l’acquisition de compétences transférables. L’analyse des offres d’emploi dans le tourisme établit que des compétences très diverses, depuis les compétences sociales et les qualités relationnelles jusqu’aux compétences ultra‑spécialisées et techniques, sont recherchées pour les postes à pourvoir (CEDEFOP, 2020[2]). Le sens des relations humaines qui caractérise cette filière signifie que celles et ceux qui y travaillent sont dotés d’une forte intelligence émotionnelle doublée de réelles aptitudes à communiquer et à travailler en équipe ; or, ce « sens des contacts humains » ou ces « qualités interpersonnelles/relationnelles » constituent précisément des compétences hautement transférables qui rendent le personnel du secteur touristique digne d’intérêt pour d’autres secteurs. En œuvrant en étroite collaboration avec le secteur privé et les organisations syndicales et patronales, les responsables de l’action publique peuvent se servir de l’emploi dans le tourisme comme d’un instrument pour améliorer les conditions de vie des populations défavorisées et l’économie dans son ensemble en rehaussant le taux d’activité.
Il y a toutefois lieu de s’attacher à résoudre les problèmes de main‑d’œuvre dans le tourisme et à relever les défis inhérents au travail décent, qui perdurent dans ce secteur. De nombreux pays étaient déjà confrontés, avant la pandémie, à des pénuries de personnel et de compétences dans le tourisme imputables à un ensemble complexe de facteurs, tels que le manque de travailleurs qualifiés ; la prédominance du travail occasionnel et informel ; les horaires de travail variables et lourds ; le faible niveau des salaires ; l’accès limité à la protection sociale ; la discrimination fondée sur le genre ; l’insuffisance des mesures de sécurité et d’hygiène au travail ; et la faiblesse de la réglementation, de son application et de l’organisation du travail (ILO, 2022[3]). Ces problèmes, qui ont contribué à une perception défavorable du travail dans le secteur du tourisme, doivent être résolus pour que celui‑ci ne soit plus méprisé au motif qu’il serait peu qualifié et non essentiel (ILO, 2023[4]) ; en parallèle, la qualité des emplois dans le tourisme doit être améliorée afin d’attirer et de conserver des salariés dans cette filière.
La pandémie de COVID‑19 a indéniablement été à l’origine de bouleversements pour la main‑d’œuvre dans le tourisme, conduisant nombre de salariés à quitter ce secteur pour embrasser des emplois dans d’autres pans de l’économie, ceux occupant des emplois intermittents ou informels étant tout particulièrement pénalisés. Malgré un fort rebond du tourisme, ce secteur n’a pas su attirer un afflux suffisant de candidats à ses emplois. Ce phénomène a fait ressortir la question de la transférabilité des compétences attendues pour travailler dans le tourisme, mais également convoitées par d’autres secteurs. En faisant également prendre conscience des enjeux structurels auxquels la main‑d’œuvre se trouve confrontée, il a incité les pouvoirs publics et les professionnels à agir en conséquence.
Le secteur privé a un rôle moteur à jouer pour relever ces défis, en mettant en œuvre des mesures pour changer les paramètres de son ressort tout en coopérant étroitement avec les pouvoirs publics, dont le rôle consiste à créer les conditions cadres appropriées. Par sa contribution, l’action publique a une double vocation : garantir une coopération à l’échelle des différents services de l’État afin de créer des environnements de travail plus performants et mobiliser d’autres domaines de l’administration (horizontalement et verticalement) pour s’atteler à un ensemble de paramètres externes (immigration, logement, protection, services d’intérêt collectif) susceptibles de freiner la capacité du secteur privé à opérer des changements.
Bâtir une économie du tourisme résiliente impose de remédier à ses fragilités, nouvelles et existantes, de façon systémique. La demande touristique a fortement rebondi, affichant une solide résilience sur fond de croissance économique atone et d’incertitudes géopolitiques. Ce sursaut masque toutefois des faiblesses structurelles sous‑jacentes, récentes ou non, du côté de l’offre qui continuent à entraver la résilience de l’économie du tourisme.
Au‑delà de donner à ce secteur la possibilité de s’adapter à la crise pour y faire face, il y a lieu d’adopter une approche systémique prospective pour atténuer les risques qui se font jour et renforcer sa résilience dans la perspective de nouveaux chocs. De même, les occasions ne manquent pas de tirer des enseignements d’autres secteurs qui, à l’instar du tourisme, dépendent énormément des services et du capital humain, comme le secteur de la santé pour lequel certains pays ont pris des mesures depuis la pandémie aux fins de proposer de meilleures conditions de travail et d’améliorer la résilience du personnel soignant (ILO, 2023[4]).
Cerner les complexités de la main‑d’œuvre dans le tourisme
Le tourisme est un secteur extrêmement varié, comme en témoignent les débouchés et la nature du travail proposés à l’ensemble de sa main‑d’œuvre. Cette diversité se retrouve dans l’éventail de sous‑secteurs qui composent le tourisme (Graphique 2.1), mais aussi dans la dispersion de ses différents sites et la pluralité de ses entreprises, depuis les micro‑entreprises et PME jusqu’aux multinationales présentant des structures de capital et des modèles d’exploitation disparates. La montée en puissance de l’économie des plateformes dans le tourisme a complexifié encore davantage l’environnement opérationnel de ce secteur et la nature de l’emploi.
Bâtir un tourisme résilient suppose de cerner la complexité et la variété de la main‑d’œuvre qu’il emploie et d’admettre que les différents pans de ce secteur ne rencontrent pas tous les mêmes problèmes. Par exemple, si l’hôtellerie et l’aviation ont pâti d’un déficit global de main‑d’œuvre ces dernières années, les causes de ce phénomène sont différentes : il découle, pour la première, des conditions de travail et, pour la seconde, des entraves imputables aux problématiques de coûts de formation, d’agrément et d’autorisations diverses.
La complexité du secteur engendre une réelle diversité dans les possibilités d’emploi ainsi que dans la palette et le niveau de compétences exigées de la main‑d’œuvre touristique. Afin de mettre au point des solutions ciblées, il importe, dans un premier temps, de connaître la palette d’emplois proposés dans ce secteur et les différentes problématiques qui se posent pour attirer du personnel, le fidéliser et valoriser ses compétences. Il n’existe en effet aucune solution universelle aux problèmes de main‑d’œuvre dans un secteur aussi hétérogène et dispersé que le tourisme. En tout état de cause, il se dégage une constante : les services d’hébergement et de restauration représentent plus de la moitié des emplois dans le tourisme, d’après les données CST disponibles pour certains pays (Graphique 2.1). Ce sont aussi ces sous‑secteurs qui connaissent des pénuries chroniques de main‑d’œuvre dans plusieurs pays – avant, pendant et après le COVID‑19 (Graphique 2.2).
Les déséquilibres entre l’offre et la demande sur les marchés du travail s’atténuent, le chômage restant à son plus bas niveau historique ou proche de celui‑ci dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2024[5]). Le taux d’emplois vacants, qui mesure la proportion de postes non pourvus dans l’économie ou le secteur, recule dans la plupart des pays. Cependant, dans les activités de services d’hébergement et de restauration, ce taux demeurait supérieur en 2023, à celui calculé pour l’ensemble des activités en général (Graphique 2.2). Alors que les tensions sur l’emploi diminuent progressivement, les taux d’emplois vacants dans les activités de services d’hébergement et de restauration excèdent toujours ceux de 2019, et la pénurie de travailleurs qualifiés présente un réel problème immédiat pour les activités d’hébergement (Booking.com, Statista.com, 2024[6]). S’attaquer au cœur des problèmes que rencontrent ces sous‑secteurs afin d’améliorer l’emploi dans la filière constitue dès lors un défi commun à l’ensemble des pays.
Défis prioritaires à relever pour consolider la main‑d’œuvre dans le tourisme
Copier le lien de Défis prioritaires à relever pour consolider la main‑d’œuvre dans le tourismeLes fermetures et perturbations prolongées causées par la pandémie de COVID‑19 ont amené nombre de travailleurs à quitter le secteur du tourisme pour saisir des possibilités d’emploi dans d’autres pans de l’économie et ont entravé leur mobilité. Les pénuries de main‑d’œuvre et de compétences qui en découlent ne sont certes pas nouvelles pour le tourisme, mais elles ont empiré depuis le COVID‑19, malgré des aides sans précédent au maintien dans l’emploi et alors que nombre de salariés ayant quitté le secteur ne l’ont pas réintégré. La pandémie a également intensifié les départs en retraite anticipée de nombreux salariés dans le secteur et désorganisé les parcours éducatifs et migratoires dans certains pays. Ce phénomène fait suite à des difficultés de recrutement de longue date dans le secteur, même dans des pays tels que l’Autriche où, numériquement parlant, la main‑d’œuvre a fait plus que regagner ses niveaux de 2019, ce secteur demeure confronté à des pénuries de personnel et à des déficits de qualifications.
Le contexte économique et de l’emploi, au sens large, a encore aggravé la situation. La forte demande de travailleurs, sur fond de faibles taux de chômage et de pénuries de main‑d’œuvre, a mis le tourisme en concurrence directe avec d’autres secteurs, tandis que les tensions inflationnistes ont principalement pénalisé les bas salaires. Dans ces conditions, il est prioritaire, aux yeux des entreprises et des responsables de l’action publique, de reconquérir du personnel dans ce secteur pour garnir les rangs des métiers en tension et de conserver celui en poste afin de prévenir d’autres carences, d’autant que les pénuries de main‑d’œuvre constituent un risque majeur pour la résilience du système, touristique notamment (OECD, 2023[7]).
L’évolution du tourisme et les grandes tendances à l’œuvre, notamment les transitions écologique et numérique au même titre que le vieillissement des populations, transforment également la nature du travail dans le secteur. Cela a mis en lumière la nécessité d’une montée en compétences et d’une reconversion de la main‑d’œuvre du tourisme face à la versatilité des besoins des consommateurs et des entreprises. Pour constituer des effectifs plus solides dans ce secteur, il est essentiel de veiller à ce que cette main‑d’œuvre possède les qualifications adéquates permettant de satisfaire les impératifs futurs. La création d’un secteur du tourisme attrayant, productif et durable passe inévitablement par une démarche stratégique en matière de développement des compétences. L’adoption de stratégies efficaces en matière de formation et de gestion de carrière ainsi que la satisfaction et la fidélisation des travailleurs peuvent avoir un effet positif sur la productivité du secteur (ILO, 2022[8]).
Attirer et retenir les travailleurs dans le tourisme sur fond de concurrence entre les marchés du travail
Attirer des travailleurs dûment qualifiés, et parvenir à les fidéliser, afin de combler les pénuries de main‑d’œuvre et de compétences dans le tourisme constitue une priorité essentielle pour les pays. Le secteur doit composer avec un déficit de main‑d’œuvre dans un monde où la concurrence pour une main‑d’œuvre qualifiée s’est intensifiée et prend la forme d’une « course mondiale aux talents » (European Commission, 2023[9]). Alors que les pénuries de main‑d’œuvre dans l’ensemble de l’économie se sont atténuées ces derniers mois, les taux de chômage dans l’OCDE demeurent proches de leurs plus bas niveaux historiques (OCDE, 2024[5]). Dans ces conditions, le tourisme continue d’affronter la concurrence directe d’autres secteurs dans la course aux talents comme dans sa capacité à attirer des travailleurs.
L’exigence de souplesse dans les conditions de travail s’est aussi accentuée depuis la pandémie ; les modalités de travail à distance se sont imposées, par la force des choses, aux actifs de nombreux secteurs, faisant ressortir une possible flexibilité dans nombre d’emplois. D’après des données factuelles recueillies au Royaume‑Uni et en Australie, les salariés estiment que la pratique régulière du télétravail équivaut en valeur à un peu plus de 20 % de leur salaire annuel moyen (OECD, 2023[10]). Tout l’enjeu, pour le tourisme, consiste à déterminer comment répondre à cette aspiration de flexibilité professionnelle. Nombre de ses emplois s’exerçant en contact direct avec la clientèle, ils risquent en effet de présenter moins d’intérêt aux candidats en quête de modalités de travail flexibles.
La perte de savoirs et de compétences en entreprise engendrée par le départ de salariés quittant le secteur du tourisme, soit pour rejoindre d’autres secteurs, soit pour se retirer de la vie active (retraite anticipée, par exemple) s’est parfois soldée par la promotion de travailleurs inexpérimentés à des postes à responsabilité restés vacants. L’inadéquation des compétences s’est ainsi amplifiée entre les besoins du secteur touristique et la main‑d’œuvre disponible, avec les conséquences qui en découlent pour préserver la qualité des prestations de services.
La concurrence s’exerçant sur la main‑d’œuvre ne se limite pas aux profils très qualifiés. Dans les pays où les immigrés temporaires, comme les étudiants internationaux et les vacanciers actifs, représentent une source importante de main‑d’œuvre pour combler les pénuries de personnel dans le tourisme, ces réserves et flux de travailleurs se sont taris durant la pandémie. Or, ces travailleurs sont souvent plus facilement mobilisables pour faire face aux pics d’activité saisonniers sur les destinations fréquentées pendant la haute saison touristique. Pour les inciter à revenir dans ces pays, il convient de mettre en place une coordination horizontale à l’échelle des pouvoirs publics, sur les questions de visas et autres.
S’adapter à l’évolution des besoins et des valeurs des travailleurs du tourisme
L’après‑pandémie marque une évolution de la proposition de valeur faite aux employés. Les demandeurs d’emploi privilégient plus que jamais la quête de sens dans le travail, et le bien‑être et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée constituent désormais à leurs yeux des facteurs de différenciation clés. Si des salaires compétitifs et des avantages sociaux demeurent certes importants pour les travailleurs, ces critères sont désormais talonnés par l’équilibre vie professionnelle‑vie privée et la sécurité de l’emploi (Randstad, 2022[11]). Le modèle traditionnel de carrière professionnelle est de plus en plus rejeté au profit d’une vision du travail assimilé à un moyen de concrétiser une finalité économique et sociale. La mobilité, dans la vie active, revêt davantage d’attrait et d’importance (European Commission, 2022[12]).
L’adaptation à des modalités de travail plus flexibles peut se révéler délicate dans un secteur du tourisme dont les modèles de prestation de services obligent généralement les employés à interagir en personne avec les touristes, souvent à des horaires bien précis et parfois les nuits et les week‑ends. Pour leur entrée ou leur retour à la vie active, nombre de personnes font à présent le choix d’horaires réduits et d’une plus grande flexibilité de leurs conditions de travail. L’Islande a mis en œuvre des projets pilotes de réduction du temps de travail, dans le cadre desquels plus de 2 500 employés ont vu leur temps de travail hebdomadaire passer de 40 à 35 ou 36 heures, sans diminution de salaires. Cette expérimentation a mis en évidence des résultats positifs à la fois en termes de bien‑être et de productivité des travailleurs. De même, un certain nombre de pays de l’OCDE ont testé la semaine en quatre jours, avec une durée de travail équivalente à la semaine classique. Le défi, pour le secteur du tourisme, consistera à prendre la juste mesure de ces modèles de travail flexibles pour les mettre à exécution.
Les mutations rapides qui s’opèrent dans le monde du travail sont également liées à une précarité accrue de l’emploi dans tous les secteurs, susceptible d’engendrer des coûts pour les entreprises, les actifs et la collectivité (OECD, 2023[10]). Dans l’ensemble de l’OCDE, la durée moyenne d’occupation d’un emploi par le même salarié a reculé de neuf mois environ entre 2012 et 2019 – les principales raisons justifiant le changement d’emploi étant la faible rémunération, le mal de reconnaissance et l’absence de promotion (OECD, 2023[10]). Il s’agit là de problèmes de fond généralement associés aux emplois dans le tourisme, dont les effets risquent d’être préjudiciables au maintien du personnel en place.
L’analyse des évolutions de la population active, s’agissant en particulier des jeunes qui entrent dans la vie active, a amené les entreprises à se pencher sur leurs propres cultures du travail pour les remanier afin d’être au diapason des aspirations de leurs employés actuels et futurs. Pour relever ces défis culturels après la pandémie, Intercontinental Hotel Group a mis l’accent sur la qualité de vie, la flexibilité et le bien‑être d’une main‑d’œuvre plurielle, marquant surtout l’inclusion de la diversité au sein de ses équipes (Encadré 2.1).
Encadré 2.1. Instauration d’une culture du travail inclusive chez InterContinental Hotels Group
Copier le lien de Encadré 2.1. Instauration d’une culture du travail inclusive chez InterContinental Hotels GroupFace à un contexte de recrutement tendu, InterContinental Hotels Group (IHG) s’est attaché à ériger une culture d’entreprise qui, en respectant les besoins individuels tout en privilégiant le bien‑être du personnel, se trouve être davantage en adéquation avec les attentes du marché du travail de l’après‑pandémie.
En 2022, IHG a institué myWellbeing, dispositif destiné à accompagner ses salariés sur divers aspects importants, notamment leur santé, leur qualité de vie et leur lieu de travail. Les ressources myWellbeing englobent un manuel sur le bien‑être du personnel, des recommandations en la matière à l’usage des responsables RH ainsi qu’une documentation sur l’éducation financière. Elles visent à constituer une offre globale, axée sur le bien‑être, à laquelle les collaborateurs du Groupe ont accès en un clin d’œil.
Sous l’influence de l’hybridation du travail à l’échelle mondiale, IHG a également pris des mesures en faveur de la création d’espaces de travail plus flexibles afin de permettre aux membres de son personnel de concilier, dans la mesure du possible, télétravail et présentiel. Le système RH « myFlex » autorise ceux qui y sont référencés à fixer eux‑mêmes leurs propres horaires de travail dans chacun des hôtels exploités par IHG en Australie. Le personnel travaille selon les modalités et le planning qui lui conviennent, en percevant intégralement la rémunération et les avantages prévus au contrat. Ces nouvelles dispositions pratiques d’une grande flexibilité traduisent la double volonté de séduire les candidats, débutants et expérimentés, dans les secteurs de l’hébergement et de l’hôtellerie et de remédier à des difficultés de recrutement préoccupantes.
Mettre à profit les transitions écologique et numérique dans le tourisme
De multiples aspects du tourisme contemporain sont façonnés par l’influence croissante et transformatrice de la technologie, laquelle sert de moteur à l’expérience touristique d’une clientèle qu’elle accompagne dans sa quête d’une idée de départ, la planification de son voyage, ses échanges avec les prestataires et les opérateurs, ses transactions financières, le partage de son ressenti et, de plus en plus, la prestation de services à son profit. Le secteur du tourisme évolue rapidement sous l’effet de l’ensemble des aspects de cette transformation numérique. L’économie des plateformes, par exemple, transforme les modes d’organisation et d’exécution du travail, et de nouveaux défis se font jour pour faire en sorte que les travailleurs sur ces plateformes aient accès à un travail décent (ILO, 2024[13]). La clientèle, toutes générations confondues, attend aujourd’hui une expérience fluide grâce aux technologies avec lesquelles elle interagit et, par voie de conséquence, un degré élevé de maturité numérique de la part des prestataires de services.
L’essor de l’intelligence artificielle (IA) générative et de la robotisation dans le monde du travail, de même que la transformation numérique de l’économie, accélèrent à la fois l’innovation et la croissance de la productivité, mais bouleversent également les modes d’organisation du travail et de la production, engendrant qui plus est des défis à relever en termes d’emplois et de compétences. Si l’adoption de l’IA reste encore relativement faible, les progrès technologiques rapides, y compris de l’IA générative, la baisse des coûts et le nombre croissant de travailleurs dotés de compétences en matière d’IA donnent à penser que les pays de l’OCDE pourraient être à l’aube d’une révolution de l’IA (OCDE, s.d.[14]). Ce contexte a des répercussions importantes sur le travail dans le secteur du tourisme.
Le tourisme est, depuis toujours, un secteur à forte densité de main‑d’œuvre et la transformation numérique qui s’y opère ouvre des perspectives et soulève des difficultés pour ses effectifs. La révolution numérique a d’ores et déjà favorisé la suppression de postes dans le tourisme par le biais de l’automatisation et des opérations réalisables en ligne, comme les réservations et l’enregistrement auprès des compagnies aériennes et des hôtels. Ces tendances continueront de s’amplifier. Dans le même temps, certains domaines du tourisme demeureront relativement épargnés par les effets de cette transformation numérique à court et moyen termes, eu égard à la nature de prestations de services qui imposent un contact direct avec la clientèle et au rôle central joué par les échanges interpersonnels dans l’expérience touristique.
Les petites entreprises, qui constituent la majorité des opérateurs du tourisme mondial, ont beaucoup de mal à profiter de la transformation numérique et à l’adopter en raison des coûts, des contraintes budgétaires, des pénuries de main‑d’œuvre et de la complexité de déploiement induits. Or, les PME du tourisme devront impérativement investir dans leur transformation numérique si elles entendent prospérer à l’avenir. Concrètement, il faudra aux propriétaires de petites entreprises et à leur personnel les compétences et les connaissances adaptées pour tirer profit de ces outils numériques, qui peuvent parfois paraître hors de portée aux PME.
Les solutions technologiques peuvent apporter une contribution importante à une transition écologique en milieu professionnel. La transition numérique s’accompagne néanmoins de difficultés et de perspectives sur le lieu de travail, à mesure que les entreprises adoptent la robotisation et exploitent la puissance de l’IA pour la fourniture de produits, services et expériences touristiques. Le tourisme demande également à être adapté à de nouvelles pratiques plus écologiques pour se conformer aux objectifs de zéro émission nette et, pour faciliter la transition des entreprises vers un avenir plus vert, celles‑ci doivent intégrer, à tous les niveaux, de nouvelles palettes de compétences (OECD, 2023[15]).
En pratique, la transition écologique obligera les travailleurs du tourisme à monter en compétences afin de connaître et d’observer les nouvelles normes de durabilité en vigueur dans le secteur dans des domaines tels que la consommation d’énergie, les normes alimentaires et la gestion des déchets. L’existence des compétences requises ouvrira la voie à la transition vers des économies neutres en carbone, respectueuses de l’environnement et favorisant l’intégration sociale d’une part, et vers le travail décent d’autre part (ILO, 2022[16]). Cette transition a des implications sur les candidats recrutés dans le secteur, l’initiation et la formation dont ils bénéficient avant leur entrée en fonctions, et sur les besoins de renforcement des compétences des salariés en poste. Elle est donc tributaire des investissements réalisés dans la formation, à la fois pour développer les capacités qui permettront de répondre aux nouvelles exigences et pour éviter l’inadéquation des compétences, en particulier dans les petites entreprises du secteur touristique. Des stratégies sur les compétences ouvertes sur l’avenir sont nécessaires pour assurer la formation des jeunes et le recyclage professionnel de la main‑d’œuvre actuelle du tourisme afin de couvrir les besoins des nouveaux emplois créés dans le cadre du processus de transition.
Les transitions écologique et numérique présentent des difficultés, mais aussi des opportunités pour la main‑d’œuvre du tourisme. Les technologies numériques comme l’IA permettent d’automatiser des tâches répétitives souvent jugées ingrates et mal payées, améliorant ainsi la productivité. Elles pourraient amener à transformer certaines missions en emplois plus créatifs et très qualifiés, contribuant ainsi à augmenter les salaires moyens et à rendre le secteur plus attractif. Trouver le juste équilibre entre gains d’innovation et gains de productivité, tout en conservant des prestations centrées sur l’humain constituera un défi permanent pour le secteur du tourisme. Des politiques cohérentes, parallèlement au dialogue social, ont un rôle important à jouer dans la réalisation d’une transition juste (OECD, 2022[17]).
Prendre la mesure des facteurs structurels externes ayant des incidences sur la main‑d’œuvre
Les problèmes de ressources humaines et les débouchés offerts dans le tourisme sont à replacer dans un contexte plus large et ne sont pas exclusivement des questions d’ordre touristique. Il existe un écheveau complexe de relations entre l’emploi dans le tourisme et le vaste écosystème économique et sociétal avec lequel ce secteur interagit. La résilience de l’emploi dans le tourisme est éprouvée par un très large éventail de politiques territoriales, structurelles et d’infrastructure ainsi que de pratiques et d’aspects s’y rapportant sur lesquels les responsables des politiques de tourisme et les intérêts du secteur dans son ensemble risquent de n’avoir que peu d’influence.
L’activité touristique se pratique souvent dans des lieux saisonniers ou reculés, où les autres débouchés économiques sont rares. L’offre et l’accessibilité financière des logements, par exemple, constituent un enjeu de taille. Les effets cumulés des crises successives ont sensiblement renchéri le coût de la vie tandis que les salaires réels ont continué à stagner. Même avant la crise du COVID‑19, les prix des logements avaient considérablement augmenté dans les pays de l’OCDE, notamment pour les locataires, et l’offre de logements abordables ne permettait pas de satisfaire la demande (OECD, 2024[18]). La chaîne des ressources indispensables à l’élargissement du parc immobilier a, elle aussi, subi des blocages tout au long de la pandémie qui ont ralenti la construction. L’essor des locations de courte durée a également accentué la pression qui s’exerce sur l’offre de logements et leur accessibilité financière en haute saison dans certains pôles touristiques, à une période où les travailleurs saisonniers ont le plus besoin de se loger.
Les services essentiels indispensables pour attirer et fidéliser une main‑d’œuvre stable manquent parfois aux destinations touristiques qui ont été pensées uniquement pour répondre aux besoins des touristes. Au nombre des aspects clés à prendre en compte figurent notamment des transports publics en phase avec les impératifs horaires des saisonniers ; un accès à l'éducation et aux soins médicaux pour les personnes dont ils ont la charge ; des dispositifs de garde d’enfants adaptés à l’organisation du travail par postes des travailleurs du tourisme ainsi que des équipements collectifs, plus généralement, qui leur donneront l’occasion de participer pleinement à la vie locale. L’incidence du tourisme à l’échelon local se mesure souvent dans le renchérissement du coût de la vie, qui devient plus pesant pour les résidents. Pour relever ces défis, il importe d’intégrer le tourisme à des plans de développement économique et régional d’ensemble et de veiller à ce que les décideurs publics prennent en compte les besoins des personnes et de la collectivité lors de la mise en œuvre de nouveaux programmes.
S’attaquer aux problèmes de main‑d’œuvre pour bâtir une économie du tourisme plus résiliente
Copier le lien de S’attaquer aux problèmes de main‑d’œuvre pour bâtir une économie du tourisme plus résilienteLa création de politiques publiques en faveur d’une économie du tourisme plus résiliente exige de s’atteler aux faiblesses actuelles, tout en anticipant les besoins futurs du secteur. Les problèmes de main‑d’œuvre qui perdurent dans ce dernier sont exacerbés par les bouleversements récents, amplifiant les difficultés rencontrées pour attirer et fidéliser des employés sur des marchés du travail tendus. Même s’il est urgent de relever ces défis à court terme, il convient d’agir dans le cadre des changements à plus long terme se répercutant sur la main‑d’œuvre.
Les actions immédiates et à court terme se sont attachées à fidéliser la force de travail existante et à attirer de nouveaux candidats dans le secteur pour combler les pénuries de personnel. Certains pays, comme l’Australie, la Colombie et le Pérou, ont exploré des stratégies ciblant les travailleurs âgés ou les catégories sous‑représentées dans la population active, notamment les femmes, les jeunes, les profils issus d’horizons culturels divers et les travailleurs autochtones. L’Australie, par exemple, a instauré une prime d’activité (Work Bonus) visant à accroître les revenus possibles des retraités indépendamment du versement de leurs prestations au titre de la garantie de ressources, avec le double objectif de répondre à la demande de personnel et d’amoindrir les effets de la crise du coût de la vie (Encadré 2.2). Le secteur du tourisme, en Estonie et en Pologne notamment, a aussi offert des possibilités d’emploi à l’afflux de réfugiés, en grande partie des femmes, ayant fui l’Ukraine à la suite de l’invasion par la Russie. D’autres initiatives ont notamment permis de positionner le tourisme comme un instrument au service de l’autonomisation des femmes. Le tourisme est un secteur prioritaire au regard de l’initiative sur la parité des genres au Mexique ; à l’origine des secteurs public et privé, celle‑ci a pour objet de recenser et de réduire les obstacles qui empêchent les femmes de postuler à des offres d’emploi sur un pied d’égalité.
Encadré 2.2. Mise en place d’un programme national ciblant les salariés âgés afin de pourvoir les emplois vacants dans le tourisme en Australie
Copier le lien de Encadré 2.2. Mise en place d’un programme national ciblant les salariés âgés afin de pourvoir les emplois vacants dans le tourisme en AustralieL’Australie a ciblé un marché inexploité, celui des salariés âgés, pour remédier aux pénuries de main‑d’œuvre dans le secteur du tourisme. En septembre 2023, ce dernier comptait 90 500 actifs de moins qu’en décembre 2019. Justifiant de connaissances et de compétences avérées susceptibles d’intéresser des employeurs, ces seniors peuvent contribuer à satisfaire la demande de personnel tout en tirant leur épingle du jeu face à la crise du coût de la vie. Une mesure incitative, en l’occurrence une prime d’activité (Work Bonus), a été mise en place pour accroître leur participation à la vie active et a donné aux retraités la possibilité de percevoir un complément de revenu de 4 000 AUD au titre de l’exercice d’une activité salariée entre le 1er décembre 2022 et le 31 décembre 2023 indépendamment du versement des prestations de garantie de revenu.
Dans le cadre de la réforme mise en œuvre par le ministère de l’Emploi et des Relations au travail et le ministère des Services sociaux, ces prestations ont été automatiquement créditées aux retraités éligibles. Bien que la réforme ne se limitait pas aux emplois vacants dans le tourisme, ce secteur a considérablement bénéficié de cette initiative déployée sur tout le territoire, regagnant à l’année 85 600 employés à partir de septembre 2023. Depuis le 1er janvier 2024, tous les nouveaux candidats éligibles à la prime d’activité peuvent percevoir un complément de revenu de 4 000 AUD (contre 0 AUD précédemment) au titre de l’exercice d’une activité salariée, dans la limite d’un plafond fixé à 11 800 AUD (contre 7 800 AUD précédemment).
La mise en évidence des grandes tendances à l’œuvre et de leurs implications probables pour le secteur du tourisme, en l’occurrence la main‑d’œuvre, aidera à élaborer des initiatives prêtes à affronter les défis et chocs futurs, renforçant ainsi la résilience du système. Ces mégatendances – changement climatique, démographique et technologique – sont de nature à provoquer une transformation en profondeur de nos sociétés au cours des prochaines décennies (OCDE, 2024[19]). Par exemple, l’évolution des tendances de consommation dans le tourisme, comme le tourisme de nature et le nomadisme numérique, pourrait modifier le profil des candidats recherchés dans le secteur, tandis qu’une dispersion accrue des touristes en dehors des destinations courues pourrait contraindre le personnel à vivre dans des régions différentes, susceptibles de nécessiter la mise en place de nouveaux services de proximité et de nouvelles infrastructures.
Le secteur privé a un rôle clé à jouer dans cette gestion des problèmes de main‑d’œuvre, épaulé par des pouvoirs publics œuvrant à mettre en place les politiques et l’encadrement réglementaire appropriés pour soutenir les entreprises, y compris via le parcours éducatif. Parallèlement, la propension à privilégier le travail axé sur des valeurs, l’équilibre vie professionnelle‑vie privée et le bien‑être signifie que les services de proximité jouent un rôle de plus en plus important dans les réflexions sur les politiques concernant le monde du travail. Le maintien des cadres collaboratifs de qualité instaurés pendant la pandémie de COVID‑19 peut considérablement améliorer la communication, la concertation et la coordination, au sein de l’administration et avec le secteur privé et le système éducatif, pour faire naître des processus favorisant une large collaboration, fluide et bien ancrée, et une action coordonnée.
Améliorer les conditions d’emploi pour développer une main‑d'œuvre solide et qualifiée dans le tourisme
Il est largement admis que la rémunération, les conditions de travail et la qualité de l’emploi laissent à désirer dans plusieurs pans du secteur touristique, et ont largement contribué à entretenir les déficits de compétences, pénuries de main‑d’œuvre et taux élevés de rotation dont pâtissent depuis longtemps les professionnels du tourisme dans nombre de pays. S’atteler à ces enjeux au niveau des politiques publiques et, le cas échéant, au niveau réglementaire offre une voie d’accès au changement, dont les retombées peuvent conforter l’attrait de ce secteur auprès du personnel et le fidéliser, et contribuer en définitive à la résilience des entreprises du tourisme (ILO, 2017[20]).
L’action des pouvoirs publics est l’une des méthodes observées de longue date pour promouvoir les emplois dans le tourisme, en positionnant le secteur comme une filière dynamique pour y travailler et faire carrière aux fins d’attirer de jeunes travailleurs talentueux, et des initiatives analogues ont également vu le jour durant l’après‑pandémie. Dans le cadre du plan Destination France engagé en 2022 pour renforcer l’attractivité du secteur touristique, la Semaine des métiers du tourisme vise à mieux faire connaître la diversité des formations et professions possibles, à mettre en avant les opportunités d’emploi et à attirer les jeunes et les demandeurs d’emploi vers ce secteur. Une troisième édition est prévue, à la suite de la deuxième, tenue en 2024, qui a mobilisé les acteurs publics ou privés du secteur de l’éducation et de la formation à l’échelon national et infranational autour de plus de 2 300 événements partout en France. L’un de ces événements s’est déroulé sous le parrainage du chef étoilé Mory Sacko, également Ambassadeur de l’initiative Make it Iconic, Choose France (Marquez les esprits. Choisir la France) lancée par le Président de la République française. Des campagnes nationales ont aussi été lancées récemment en Autriche et en Slovénie pour valoriser les carrières et les professions dans le tourisme, faire mieux connaître celles de l’hôtellerie et du tourisme, et accroître les inscriptions dans des programmes de formation en lien avec le tourisme.
Il est devenu prioritaire de mettre au premier plan le bien‑être et les motivations des salariés pour agir sur les conditions de travail. Promouvoir le tourisme comme une filière aux emplois et métiers gratifiants ne peut porter ses fruits que si l’on s’attèle aux réalités négatives du secteur. La stratégie employée par Fáilte Ireland, à travers son Employer Excellence Programme, consiste à aider les entreprises à améliorer l’attractivité de cette filière auprès de salariés potentiels (Encadré 2.3).
La nature souvent précaire, irrégulière et saisonnière du travail dans le tourisme demeure un obstacle à l’emploi de longue durée dans ce secteur. Les mesures destinées à étendre les saisons, par le jeu du marketing et de nouvelles innovations en matière de produits, peuvent contribuer à préserver l’emploi dans le tourisme et à créer des postes permanents plus stables dans ce secteur, profitables aux individus, à leurs employeurs et à la collectivité. Cet aspect est particulièrement important pour les destinations très saisonnières, comme les destinations balnéaires ou de montagnes, qui cherchent à diversifier leur offre pour allonger la saison touristique, à travers l’organisation d’événements et de festivals par exemple, ou en développant leurs activités sur le marché du tourisme d’affaires et événementiel (MICE).
L’une des priorités phares de la stratégie de développement du tourisme durable à l’horizon 2030 de la Croatie consiste à étendre la saison par le biais de produits touristiques à forte valeur ajoutée et d’investissements dans les infrastructures touristiques publiques et leur promotion, ciblant notamment le tourisme interne. Cette stratégie adoptée en 2023 vise notamment à réduire le nombre de contrats courts à durée déterminée.
Encadré 2.3. Valorisation de pratiques d’emploi optimales dans le tourisme en Irlande
Copier le lien de Encadré 2.3. Valorisation de pratiques d’emploi optimales dans le tourisme en IrlandeL’office national de développement du tourisme, Fáilte Ireland, a créé l’Employer Excellence Programme dans l’optique de relever les défis de longue date en lien avec la conquête et la fidélisation du personnel dans le secteur du tourisme. À cet effet, ce Programme aidera les entreprises du tourisme à attirer des talents, à les retenir et à ancrer une culture axée sur des pratiques d’emploi de qualité dans ce secteur, en positionnant le tourisme et l’hôtellerie comme des filières épanouissantes et séduisantes pour y exercer une activité professionnelle.
Lancé en 2022, le Programme accompagne et met à l’honneur d’excellents employeurs, trois années durant, et présente ainsi le secteur comme un milieu professionnel gratifiant et attrayant à des candidats en puissance. Ses principales facettes sont les suivantes :
Enquête réalisée en toute confidentialité auprès des salariés et informations exploitables communiquées par un expert en implication du personnel.
Formation en ligne sur les bases de la gestion des ressources humaines et des performances.
Aide à l’élaboration et à la mise en œuvre d’un plan d’action pour améliorer l’implication du personnel et créer des lieux de travail attrayants.
Élaboration de supports marketing pour mettre en avant les entreprises bénéficiant du label « Excellent Employer ».
Accès à des aides à l’amélioration continue.
La première année, 225 entreprises se sont inscrites à ce Programme et 2 100 dirigeants ont effectué la formation. À la suite de cette expérience positive, l’accent est mis sur l’accompagnement des petites entreprises comptant moins de 20 salariés en 2024.
Le remaniement de l’offre touristique pour prolonger la saison n’est pas viable pour la totalité des destinations ; de ce fait, des mesures plus inventives sont à l’étude. La France a élaboré un plan triennal, piloté par l’exécutif, visant à accompagner et former les travailleurs saisonniers dans le tourisme sur la période comprise entre 2023 et 2025 afin de faire face aux tensions de recrutement croissantes dans ce secteur, tout particulièrement à l’approche des Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans le cadre de ce plan, la France instaure un réseau de centres d’excellence dédiés à la formation ; multiplie les guichets saisonniers destinés à aiguiller les démarches des saisonniers dans différents domaines de leur vie personnelle, administrative et professionnelle ; et propose des solutions de logement adaptées à leurs contraintes. L’État français s’attellera également à développer des partenariats territoriaux avec des entreprises qui pourraient solliciter ou mutualiser les compétences des saisonniers libérés de la saison touristique pour leur assurer une activité tout au long de l’année.
En Finlande, les employeurs dans le secteur du tourisme ont instauré une coopération efficace entre les entreprises pour lesquelles les périodes de haute saison sont différentes aux fins de proposer des emplois permanents ou de plus longue durée et de conserver ainsi leur personnel qualifié. Par exemple, les employés travaillant chez un opérateur de circuits animaliers pendant la saison hivernale ont la possibilité d’être réaffectés dans un hôtel ou un restaurant à proximité pendant les saisons intermédiaires et la saison estivale. De même, le groupe TUI étudie les scénarios envisageables de mutualisation de ses effectifs à l’échelle de ses différentes fonctions afin de lutter contre les problèmes de saisonnalité et de diversifier les compétences de ses salariés. Il est possible d’élargir ce genre de pratiques, qui restent limitées dans le secteur.
Les avantages sociaux, les dispositifs de protection des travailleurs et la stabilité de l’emploi sont autant de domaines nécessitant en permanence l’intervention des pouvoirs publics pour remédier aux faiblesses structurelles de l’emploi dans le tourisme. La Türkiye a mis en place des mécanismes pour veiller à ce que ses entrepreneurs à la tête de PME dans le tourisme observent les normes et réglementations internationales du travail, garantissant un cadre de travail respectueux, sûr et sécurisé qui fait appliquer les droits des salariés. Elle aide également les entreprises à cerner et à relever les défis en lien avec les niveaux de salaires, les conditions de travail et la sécurité de l’emploi, et à répondre aux attentes en la matière par le biais d’enquêtes de satisfaction réalisées auprès du personnel, visant à mettre en place un cadre de travail équitable et respectueux.
L’adoption de conventions collectives concurrentielles ou l’offre de salaires minimaux compétitifs sont autant de moyens possibles d’améliorer les avantages sociaux. En Slovénie, les négociations menées avec le syndicat des travailleurs du tourisme ont abouti à un accord sur l’indemnité minimale annuelle de congés payés et sur la fixation d’un salaire minimum de base. Toutefois, il importe également de s’interroger sur les effets de revalorisations salariales imposées, surtout lorsque les charges d’exploitation et de personnel sont déjà relativement élevées, et que le coût de la vie et le coût d’exercice des activités économiques ont pâti des crises récentes. Les conventions collectives peuvent aider les entreprises et les travailleurs du tourisme à trouver des solutions adaptées et de circonstance pour répartir équitablement le coût de l’inflation et éviter une boucle prix‑salaires (OECD, 2022[21]).
Des salaires décents sont au cœur du développement économique et social et de la progression de la justice sociale. Le concept de salaire vital, c’est‑à‑dire d’un salaire offrant aux travailleurs et à leur famille un revenu suffisant pour assurer un niveau de vie considéré comme convenable, a connu un regain de popularité ces dernières années. Si le salaire vital n’est pas la solution miracle au problème des travailleurs pauvres, qui découle souvent davantage, dans les pays de l’OCDE, du sous‑emploi plutôt que de la faiblesse des rémunérations, il peut néanmoins être utile pour établir une norme en matière de rémunération équitable, et fournir des informations précieuses sur le coût de la vie dont les entreprises et les partenaires sociaux peuvent tenir compte dans leurs procédures de fixation des salaires, y compris dans le tourisme (Balestra, Hirsch et Vaughan-Whitehead, 2023[22]). En mars 2024, le Conseil d’administration du Bureau international du travail, organe exécutif de l’OIT, a approuvé un accord conclu lors d’une réunion d’experts sur la question du salaire vital et appelé l’OIT à continuer à prêter son concours aux pouvoirs publics et aux partenaires sociaux pour donner plus de poids aux procédures de fixation des salaires et aux activités en lien avec les salaires vitaux (ILO, 2024[23]).
Si les initiatives isolées contribuent à améliorer les conditions des travailleurs du tourisme, un train de mesures peut se révéler nécessaire pour développer une main‑d’œuvre solide et stable. En 2023, la Nouvelle‑Zélande a donné le coup d’envoi à un plan d’action pour la qualité des emplois (Better Work Action Plan) articulé autour de 14 initiatives destinées à relever les principaux enjeux systémiques auxquels la main‑d’œuvre se trouve confrontée, notamment les fluctuations de la demande, la rémunération et les conditions, la maturité et la dimension des entreprises ainsi que le déficit de qualifications actuel et à venir. Ce Plan poursuivait plusieurs ambitions : perfectionner les pratiques d’emploi ; améliorer le système d’enseignement et de formation aux métiers du tourisme ; garantir des emplois plus réguliers et plus stables dans un secteur caractérisé par la saisonnalité du travail ; étoffer les compétences culturelles pour instaurer des lieux de travail plus diversifiés et plus inclusifs ; encourager le recours aux technologies et l’innovation ; et mettre en avant les parcours professionnels et les acteurs du tourisme.
Encourager le recours au numérique pour atténuer les pressions qui s’exercent sur la main‑d’œuvre du tourisme
L’évolution et l’usage des technologies numériques changent profondément la façon dont les gens vivent, travaillent, voyagent et exercent des activités commerciales. Elles transforment et remodèlent également le tourisme, avec les implications qui en découlent pour la nature et l’organisation du travail dans ce secteur. Il est nécessaire de réfléchir davantage à la manière dont les nouvelles technologies peuvent être adoptées pour améliorer la productivité et les conditions de travail dans le secteur du tourisme (p. ex. l’IA, la réalité virtuelle, la robotisation), et aux conséquences et répercussions induites sur la main‑d’œuvre.
Les progrès rapides de l’IA en particulier ont la capacité d’impulser d’autres changements significatifs sur les plans du travail et de la productivité (OCDE, s.d.[14]). Les perspectives qui s’ensuivent compromettent l’équité des règles du jeu, creusant notamment un décalage croissant entre les entreprises touristiques axées sur la technologie et connectées à l’échelle mondiale, et les petites et micro‑entreprises traditionnelles d’une part, ainsi qu’entre les destinations urbaines et régionales d’autre part. L’automatisation reposant sur les données de la clientèle, l’apprentissage automatique et l’IA générative risquent d’accentuer encore le retard technologique des PME.
Il est également fondamental que l’ensemble de l’écosystème touristique prenne le virage du numérique pour gagner en résilience, y compris en investissant dans le capital humain et les compétences pour fidéliser et valoriser une main‑d’œuvre qualifiée (OECD, 2021[24]). Il s’ensuivra une demande accrue de compétences permettant d’assurer le développement et la mise en œuvre de ces technologies par les entreprises du secteur touristique. Pour faire face au rythme de plus en plus soutenu auquel s’opèrent les progrès technologiques, les travailleurs du tourisme devront acquérir, dans le cadre de formations formelles ou non, un vaste éventail de compétences, numériques notamment, qui s’articuleront avec des aptitudes relationnelles et des compétences techniques et non techniques (OCDE, 2024[25]). Les évolutions incessantes des modes de consommation touristique auront des implications sur l’exécution des prestations, les nouveaux lieux/espaces de travail et les compétences requises. Afin de veiller à ce que la main‑d’œuvre possède les compétences adéquates pour répondre aux besoins futurs, il conviendra de travailler en collaboration étroite avec les acteurs du secteur, y compris les organisations syndicales et patronales et le système éducatif.
L’innovation portée par la technologie, dans le tourisme, est tirée par le secteur privé. Les compagnies aériennes, intermédiaires de voyages, voyagistes et prestataires de services d’hébergement sont depuis longtemps à l’avant‑garde de l’adoption de nouvelles technologies dans le secteur, révolutionnant les échanges entre consommateurs et prestataires de services. Les prestataires touristiques ont fait montre d’innovation dans les solutions technologiques utilisées pour personnaliser les séjours de leur clientèle. Hilton Hotels, par exemple, a investi dans des systèmes d’enregistrement et d’activation de clé numériques pour simplifier leur parcours tout en améliorant leur score de satisfaction.
La transformation numérique offre également aux petites entreprises des facilités pour remédier à leurs pénuries récurrentes de main‑d’œuvre. Brambles of Inverary, un petit hôtel niché au cœur de la campagne écossaise, a investi dans la technologie numérique afin de préserver et d’améliorer la qualité et l’efficacité de ses prestations malgré de constantes difficultés de recrutement (Encadré 2.4).
Encadré 2.4. Recours à la technologie pour remédier aux pénuries de main‑d’œuvre dans un petit hôtel en milieu rural en Écosse
Copier le lien de Encadré 2.4. Recours à la technologie pour remédier aux pénuries de main‑d’œuvre dans un petit hôtel en milieu rural en ÉcosseAfin de faire face aux graves pénuries de main‑d’œuvre à la suite de la pandémie de COVID‑19, Brambles of Inveraray s’est tourné vers les solutions numériques pour alléger la charge de travail du personnel en place. L’incapacité de ce petit établissement hôtelier, sis dans une destination excentrée et hautement touristique, à attirer et à fidéliser une main‑d’œuvre suffisante a été une source d’inquiétude pour la viabilité de son activité. Son objectif consiste désormais à réduire ses besoins de main‑d’œuvre en misant sur le développement du numérique et l’automatisation, sans dénaturer l’expérience positive et « nature » qu’attendent les touristes.
Les propriétaires, qui possèdent un bagage en technologies de l’information et en analytique des données, se sont penchés sur les différentes techniques possibles pour revoir à la baisse leurs besoins de main‑d’œuvre, déployant progressivement des technologies pour répondre aux attentes de leur clientèle et de leur personnel. À ce jour, plusieurs initiatives ont ainsi été mises en œuvre, notamment :
Commande de formules de restauration à l’aide de codes QR – Proposée comme une autre méthode de commande possible, cette technique est appréciée de ceux qui sont davantage ouverts au numérique ou des groupes qui préfèrent régler séparément. Elle soulage le personnel de salle, et l’objectif visé consiste à rallier au moins 30 % de la clientèle à cette méthode de commande.
Application de gestion des recettes – L’application automatise les changements de tarif des chambres en fonction de la demande.
Applications comptables et financières – La possible synchronisation des applications financières avec les systèmes de comptabilité classiques permet de dispenser le comptable des formalités administratives de déclaration et de dépôt.
Applications de bien‑être pour le personnel – L’action en faveur du bien‑être des salariés constitue un thème central. Certaines applications de bien‑être proposent un programme d’assistance aux salariés et donnent accès à un médecin virtuel ; elles se révèlent bénéfiques dès lors qu’elles sont conjuguées à un accompagnement RH et des moments de détente autour d’un café avec la direction.
Nombre des systèmes automatisés existants doivent néanmoins être adaptés au modèle d’une petite entreprise. Les propriétaires estiment que lorsque l’IA se banalisera (et deviendra moins chère), elle aura indéniablement un rôle positif à jouer au sein des petites structures.
Les possibilités offertes par les outils numériques sont souvent méconnues par nombre de chefs d’entreprise et de PME dans le secteur du tourisme, ou leur semblent inaccessibles. Il est nécessaire de mettre en place des programmes d’accompagnement pour informer et intervenir efficacement auprès des PME éligibles, et intégrer le développement professionnel à l’adoption du numérique. En Estonie, l’initiative axée sur la gestion des intégrations et des interfaces de logiciels dans le secteur touristique entend faciliter la transformation numérique et l’automatisation des processus de travail des prestataires de services touristiques. Elle favorise l’adoption de logiciels, tels que de nouveaux logiciels de gestion des ressources permettant de combiner le système de caisse enregistreuse et le logiciel de comptabilité.
Des pays travaillent actuellement sur des documents d’orientation et des instruments d’action aux fins d’accompagner les acteurs du tourisme, mais aussi de leur assurer un soutien supplémentaire dans la gestion des données, l’utilisation des mégadonnées et l’IA. La stratégie touristique du Luxembourg vise à accélérer la transformation numérique du secteur, notamment en encourageant l’investissement et en attirant des travailleurs qualifiés. En Roumanie, le projet sur les compétences au service de la compétitivité a vocation à améliorer les compétences numériques de 380 salariés des secteurs du tourisme et de l’hôtellerie, employés dans des régions bien spécifiques, en vue d’étoffer leurs aptitudes professionnelles et de faire en sorte qu’ils soient plus facilement adaptables à l’évolution des besoins du secteur.
Mieux mettre en adéquation la formation avec les besoins des professionnels du tourisme
Promouvoir l'acquisition de compétences, d'aptitudes et de qualifications tout au long de la vie professionnelle des travailleurs du tourisme est au cœur d’une approche de la sortie de crise et de l’avenir du travail centrée sur l’humain (ILO, 2022[8]). Par exemple, le développement des compétences et la formation continue peuvent favoriser l’accès à de nouveaux emplois, l’acquisition des qualifications indispensables à la transformation numérique et à la prise de conscience écologique du secteur, et la mise en place de stratégies de reprise plus résilientes. Afin d’aborder plus facilement l’évolution actuelle des compétences professionnelles, dans une démarche souple et prospective, le Canada a mis en place un Cadre de compétences futures à l’appui de la formation dans le secteur du tourisme (Encadré 2.5).
Encadré 2.5. Un cadre pour relever les défis de demain autour des compétences et de la main‑d’œuvre dans le tourisme au Canada
Copier le lien de Encadré 2.5. Un cadre pour relever les défis de demain autour des compétences et de la main‑d’œuvre dans le tourisme au CanadaLe Cadre de compétences futures mis en place au Canada a pour objet de renforcer le secteur du tourisme et de s’atteler à ses problématiques de compétences et de main‑d’œuvre. À travers un répertoire d’éléments de compétences régulièrement mis à jour pour s’adapter au rythme croissant des changements qui s’opèrent aujourd’hui en milieu professionnel, ce Cadre vise à abolir les processus onéreux et chronophages liés à l‘actualisation des compétences professionnelles emploi par emploi. Il offre aux acteurs du tourisme un meilleur outil pour mettre en adéquation les compétences des individus sur le marché du travail canadien, en limitant les déficits et les inadéquations de qualifications. Étayé par un retour d’information continu, le Cadre de compétences futures fera en sorte de répondre au mieux aux besoins des potentiels utilisateurs. Le Canada coopère activement avec le patronat, les fédérations professionnelles nationales du tourisme et les étudiants en hôtellerie en fin de cursus pour alimenter ce débat important. Le Cadre permet de dresser un tableau complet du secteur qui facilite la collecte, l’analyse et la cartographie des informations.
L’accent mis sur l’enseignement et la formation aux métiers du tourisme, à tous les niveaux, se retrouve dans les dispositions prises post‑pandémie par de nombreux pays. Plusieurs ont continué à enrichir et à adapter les plateformes de formation gratuites qu’ils avaient instaurées pour favoriser la montée en compétences de leur personnel lors des périodes de confinement.
Durant la pandémie, le Costa Rica a mis en service une plateforme de formation virtuelle gratuite, ICT CAPACITA, afin d’améliorer le taux d’activité de la main‑d’œuvre du secteur du tourisme. Après la pandémie, cette plateforme continue à accompagner les entrepreneurs et les entreprises de cette filière sur les problématiques de résilience et de durabilité, telles que l’accès à un financement et à une accréditation durable des compétences. Le Luxembourg a mis en service la plateforme Tourism Academy pour centraliser les formations professionnelles en lien avec le secteur du tourisme. Accessible sur le site web Luxembourg Travel, elle propose un ensemble de ressources en ligne sur les dernières techniques de communication et de marketing numérique en date, et la marche à suivre pour les rendre exploitables aux professionnels du tourisme.
Dans le cadre des mesures de relance post‑COVID‑19, la Grèce a mis en application un programme axé sur la montée en compétences et le recyclage professionnel de la main‑d’œuvre du tourisme, financé par la Facilité de l’UE pour la reprise et la résilience. À ce titre, des cursus d’enseignement et de formation professionnels courts ont été proposés afin de doter ces effectifs des compétences recherchées sur le marché du travail, dans le droit fil de la transition écologique et numérique. Des chèques‑formation permettant de financer la participation à ce programme devraient profiter à 18 000 bénéficiaires d’ici à 2025. La Grèce a également annoncé en 2023 la création de sa première académie du tourisme dont l’objectif est triple : dispenser une formation adaptée au tourisme d’aujourd’hui, déterminer les besoins du marché du tourisme, et améliorer les débouchés dans ce secteur sous la direction des pouvoirs publics.
D’autres initiatives s’attachent principalement à constituer une réserve de travailleurs et à accompagner les étudiants et les jeunes lors de leur entrée dans la vie active. La Türkiye a restructuré le programme d’étude des établissements d’enseignement secondaire professionnel afin d’assurer une formation pratique dans les équipements touristiques en adéquation avec les besoins du secteur. De même, au Canada, le secteur du tourisme relève du Programme de stages pratiques pour étudiants, mis en place pour offrir à ces derniers des possibilités de formation de qualité, intégrées au milieu professionnel.
En Slovénie, le Partenariat stratégique pour le développement de l’innovation dans le domaine du tourisme met en œuvre un programme spécialement destiné à encourager les jeunes à s’inscrire à des programmes d’enseignement professionnel, secondaire et supérieur axés sur l’hôtellerie et le tourisme. Les activités de ce programme s’adressent aux jeunes qui envisagent une formation complémentaire, une montée en compétences ou une reconversion, mais aussi à leurs parents, enseignants et services d’orientation scolaire.
L’Australie a lancé le First Nations Tourism Mentoring Programme, qui met en contact les entreprises des Premières Nations avec des mentors qualifiés et expérimentés. Destiné à accompagner les mentorés dans le développement de leurs entreprises de tourisme et la réalisation de leurs objectifs, ce programme leur donnera accès à des avis qualifiés, à un apprentissage sur mesure et à des spécialistes du secteur respectueux de la culture de chacun.
L’inadéquation des compétences demeure un problème fondamental pour le secteur, malgré les possibilités d’enseignement et de formation. Les programmes d’études doivent suivre les besoins chroniques et y répondre, en prenant en compte la prospective d’emploi afin d’anticiper les compétences qui seront nécessaires dans ce secteur le jour où l’étudiant entrera dans la vie active. En articulant plus étroitement le monde du travail et les établissements d’enseignement et de formation, et en associant plus étroitement l’enseignement et la formation au système de main‑d’œuvre, la formation en cours d’emploi peut être enrichie, notamment par des stages de longue durée en entreprise et par une collaboration étroite avec le secteur privé sur l’élaboration et la mise en œuvre du programme d’étude. Dans le cadre de son Programme d’action en faveur des professions du tourisme, le Portugal met en place un Académie internationale du tourisme qui intègrera divers pôles : enseignement supérieur, enseignement professionnel, recherche et développement, et entrepreneuriat. De son côté, Les Roches International School of Hotel Management collabore avec le secteur privé pour proposer des « master classes » qui font connaître aux étudiants les tendances actuelles et les besoins du secteur dans le cadre des matières au programme.
Au vu de l’évolution des besoins du secteur, les programmes d’études des établissements de formation aux métiers du tourisme et de l’hôtellerie font l’objet d’une attention toute particulière, nombre de pays entreprenant l’examen de leurs systèmes éducatifs. Le Maroc a ainsi mis en œuvre un programme de formation ciblant les cadres moyens du secteur du tourisme, avec, à l’appui, un nouveau modèle de partenariat public‑privé de gestion de la formation professionnelle. Il s’agit notamment de repositionner l’Institut supérieur international du tourisme de Tanger comme un centre de référence en management de l’hôtellerie‑restauration et comme une école de commerce de premier plan, avec la création de six nouveaux modules axés sur les compétences. À Ouarzazate, l’institut de formation professionnelle spécialisé dans le tourisme a également mis en place quatre nouveaux cursus et adapté un programme de formation en appliquant une approche fondée sur les compétences. En Allemagne, le système mixte d’enseignement professionnel, qui se compose d’une formation dispensée au sein de l’école professionnelle et d’une formation en cours d’emploi au sein de l’entreprise, a prouvé son efficacité au fil des ans. Afin de renforcer encore l’attrait de ce type de formation auprès d’étudiants et de travailleurs éventuels ont été créées sept professions, nouvelles ou revisitées, dans l’hôtellerie, adossées à des règlements adaptés s’agissant des formations.
Au niveau européen, le Pacte de l’UE pour les compétences dans l’écosystème du tourisme définit une stratégie à l’horizon 2030 pour relever les défis actuels et futurs (Encadré 2.6). Au niveau international, l’initiative Partnership in Education de l’Académie ONU Tourisme s’appuie sur des partenariats avec les établissements d’enseignement pour élaborer des programmes de formation sur mesure. Le module de cyberformation de l’OIT, Justice sociale dans les zones rurales grâce à des emplois décents dans le tourisme, fait partie d’un cours en ligne se prêtant à l’étude d’approches, d’outils et de méthodes innovantes pour œuvrer en faveur du travail décent et faire progresser la justice sociale dans l’économie rurale. La présidence brésilienne du G20 et la présidence italienne du G7 ont également défini comme prioritaires les problématiques de capital humain et de compétences dans leurs axes de travail respectifs en 2024, s’inscrivant ainsi dans le prolongement des résultats obtenus par les présidences indienne et indonésienne du G20.
Encadré 2.6. Prise en compte des futurs besoins en compétences dans le tourisme dans l’Europe toute entière
Copier le lien de Encadré 2.6. Prise en compte des futurs besoins en compétences dans le tourisme dans l’Europe toute entièreLe Pacte de l’UE pour les compétences dans l’écosystème du tourisme est une stratégie de relance pour donner effet à un cadre de montée en compétences et de recyclage professionnel, optimisant le potentiel du secteur touristique, renforçant sa résilience et relevant les défis posés par la transition écologique et numérique. Lancée en 2021 dans le cadre de plus grande envergure du Pacte de l’UE pour les compétences, cette initiative en faveur du tourisme définit une stratégie en 12 objectifs et indicateurs à atteindre à l’horizon 2030 dans toute l’Europe, par le jeu d’une étroite coopération entre les partenaires sociaux, les systèmes de formation et d’enseignement, et les pouvoirs publics. Sont répertoriées ci‑dessous certaines des principales recommandations :
améliorer et étoffer les compétences de l’ensemble de la main‑d’œuvre dans le tourisme
sensibiliser à la diversité des formations et faciliter leur accès pour la totalité des services touristiques
assurer chaque année, entre 2022 et 2030, des actions de formation et d’enseignement auprès de 10 % de la main‑d’œuvre du tourisme afin de s’atteler aux déficits de compétences dans l’écosystème touristique, à la fois parmi les salariés actuels et les nouveaux arrivants
multiplier les initiations et stages pratiques au travail au moyen de formules hybrides
accroître les activités de formation et la participation à celles‑ci de 40 % pour les actifs occupés et de 80 % pour les chômeurs d’ici à 2025
détecter les nouvelles compétences et celles qui se font jour au moyen de techniques d’exploration de données et mettre en place des moyens de formation pour éviter les pénuries
fidéliser les effectifs actuels et attirer de nouveaux salariés dans le tourisme
établir des contrats plus stables et mieux rémunérés du fait de qualifications supérieures.
Appuyer les initiatives en faveur de la main‑d’œuvre impulsées par le secteur privé
Les initiatives impulsées par le secteur privé offrent des possibilités de cibler plus précisément les problèmes de main‑d’œuvre, en prenant en compte les difficultés rencontrées sur le terrain et en ouvrant la voie à des solutions sur mesure. L’intervention des pouvoirs publics peut toutefois contribuer à améliorer les conditions d’exploitation et à mobiliser les programmes en place dans le secteur privé afin de les rendre plus accessibles à l’ensemble des acteurs, en particulier aux PME. S’atteler aux enjeux structurels inhérents à la main‑d’œuvre du tourisme via une coopération public‑privé peut faciliter la mise en œuvre d’actions dans les pays considérés, le retour d’information continu et l’adaptation des initiatives en place.
Les chaînes hôtelières et les voyagistes internationaux ont pris des mesures pour créer des environnements plus stimulants en proposant un accompagnement aux familles et en veillant au bien‑être physique et émotionnel des salariés. Bien que ces grandes structures soient mieux armées pour proposer ces programmes, elles livrent des exemples concrets d’initiatives dont pourrait tirer plus largement parti le secteur. Par exemple, Marriott propose tout un ensemble d’avantages à ses salariés, notamment une couverture maladie, un plan individuel d’épargne retraite, des programmes d’aide aux employés, des réductions sur les séjours et un accompagnement du bien‑être des salariés. Le groupe TUI a sollicité auprès de son personnel un retour d’informations et des suggestions sur les aspects susceptibles d’être traités plus efficacement sur le terrain qu’au siège, et aussi afin de mieux cerner l’offre d’avantages la plus pertinente pour les candidats à l’embauche.
Les associations professionnelles du tourisme peuvent donner au secteur privé les moyens de réunir les ressources permettant de s’atteler aux problèmes de main‑d’œuvre existants grâce aux initiatives engagées par les entreprises. Restaurants Canada a publié à l’intention de ses membres des informations sur certains enjeux, comme la constitution d’une main‑d’œuvre dynamique et inclusive.
Les partenariats public‑privé procurent des facilités pour cibler le soutien apporté tout en mettant à profit les renseignements sur le secteur. En Suisse par exemple, la Fédération nationale de l’hôtellerie‑restauration, GastroSuisse, a établi en 2023 un plan en cinq points visant à remédier aux pénuries de personnel par une meilleure utilisation de la population active nationale. Le gouvernement suisse fournit une assistance financière à la mise en œuvre de cette initiative pilotée par le secteur privé (Encadré 2.7).
Encadré 2.7. Soutien des pouvoirs publics à une initiative portée par le secteur privé en Suisse
Copier le lien de Encadré 2.7. Soutien des pouvoirs publics à une initiative portée par le secteur privé en SuisseEn 2023, GastroSuisse a établi un plan en cinq points visant à former davantage de personnel qualifié dans le secteur de l’hôtellerie et à mieux utiliser le potentiel représenté par la main‑d’œuvre nationale. Mis au point en réaction directe aux pénuries de compétences et aux carences perçues du système d’apprentissage, ce plan a convaincu, par ses atouts, le gouvernement suisse, qui lui a accordé un soutien financier et opérationnel complémentaire. Ce programme intégré à long terme couvre notamment les volets ci‑après :
mise en valeur de l’image de la filière et de la profession
formation ciblée des entrepreneurs
gestion de la relève
qualifications des personnes en reconversion professionnelle
amélioration de l’attractivité des conditions de travail.
La vision à long terme, le faisceau de mesures, l’implication des entreprises, la faculté d’adaptation et l’innovation constituent les points forts de cette initiative, sans oublier l’intégration de programmes en place ayant pour objet d’améliorer les conditions de travail et l’image du secteur. GastroSuisse prévoit d’attirer 250 entreprises pour la participation à ses stages de formation, et 50 autres pour l’expérimentation des actuelles conditions de travail dans le secteur. En mai 2024, le projet a été baptisé « Avanti! » pour mettre en évidence le caractère dynamique de ses mesures tournées vers l’avenir.
Au Royaume‑Uni, un organisme baptisé Hospitality & Tourism Skills Board a été institué en 2021, dans le cadre de la stratégie définie pour l’hôtellerie, Hospitality Strategy : Reopening, Recovery, Resilience. L’objectif de cette structure consiste à coordonner et à anticiper la démarche de recrutement, de fidélisation et de montée en compétences pilotée par les employeurs, notamment par la mise en place de campagnes de recrutement innovantes. Elle se compose de professionnels et de chefs d’entreprise des secteurs de l’hôtellerie, du tourisme et des voyages, dont des PME.
En finançant son Centre de compétences touristiques, l’Islande poursuit un objectif principal : améliorer les compétences et la qualité dans le secteur du tourisme islandais. En collaboration avec le Centre de compétences touristiques, le Bureau du tourisme islandais a mis en service un nouveau site web, intitulé « Good to Know », en 2023. Faisant office de plateforme informative pour la main‑d’œuvre du tourisme, ce site web offre une myriade de renseignements et de faits sur l’Islande et le secteur du tourisme islandais. En 2022, dans le cadre de son appel à projets phares Innovation – Lighthouse Funding, l’Autriche s’est mise en quête de projets novateurs axés sur de nouveaux modèles d’emploi et concepts de salarié dans le tourisme afin de s’atteler aux problèmes persistants de main‑d’œuvre auxquels se heurtent les entreprises comme les destinations dans ce secteur. Un jury d’experts a ainsi sélectionné six projets innovants, les lauréats recevant approximativement 1 million EUR du fonds fédéral pour le tourisme et du fonds européen pour le développement rural.
Adopter une méthode d’action stratégique et intégrée face aux problèmes de main‑d’œuvre dans le tourisme
Le tourisme est un secteur complexe qui recouvre plusieurs sous‑secteurs : en d’autres termes, ses décideurs sont souvent dépourvus de leviers d’action. S’agissant de la main‑d’œuvre, la réglementation et les décisions de principe sont souvent du ressort des ministères du Travail ou de l’Emploi. La définition de politiques visant la main‑d'œuvre du tourisme nécessite, par conséquent, une coopération entre ministères. Pour autant, la plupart du temps, le droit du travail sera abordé par le biais d’actions menées à l’échelle de l’ensemble de l’administration, ou par des actions ciblées dans des sous‑secteurs spécifiques du tourisme.
L’importance de l’emploi pour le secteur du tourisme, le développement régional et les écosystèmes socio‑culturels est une évidence, comme on l'observer dans les analyses et les stratégies axées sur la main‑d’œuvre du tourisme élaborées de façon autonome en marge de stratégies et plans à caractère plus général touchant ce secteur. En Australie, le plan d’action intérimaire 2023‑24, Visitor Economy Workforce and Skills, est centré sur les priorités en lien avec le potentiel de la main‑d’œuvre du tourisme : relever les défis structurels et s’atteler aux problèmes d’offre de main‑d’œuvre à l’échelon national et international, améliorer les compétences et aptitudes des travailleurs du tourisme, et faire valoir l’intérêt de ce secteur pour un parcours professionnel. Pour chacune des priorités phares, le plan d’action analyse les progrès possibles et fait le bilan des actions réalisées à l’échelon national et fédéré ainsi que des initiatives du secteur privé. Il prend en compte leurs effets sur la main‑d’œuvre du tourisme, comme une meilleure compréhension des tendances structurelles ou des possibilités d’insertion professionnelle plus nombreuses à la faveur de stages de plus ou moins longue durée en entreprise, que des mesures potentielles viennent étayer.
Au Canada, un rapport consacré aux obstacles à l’emploi et au déséquilibre des compétences examine les principaux défis auxquels est confronté le secteur en matière de main‑d’œuvre dans le contexte de la reprise consécutive à la pandémie de COVID‑19, notamment l’évolution vers des modalités de travail plus flexibles, la dégradation de la situation des jeunes sur le marché du travail et le besoin de formations spécialisées pour exercer la plupart des métiers du tourisme. Il se penche également sur les enjeux structurels concernant la main‑d’œuvre du tourisme auxquels il faut nécessairement s’atteler, notamment l’emploi saisonnier, les restrictions à l’immigration, le développement régional et certains aspects de l’aménagement du territoire tels que le logement, les transports et l’éducation (Tourism HR Canada, 2022[26]).
Au Royaume‑Uni, la stratégie Hospitality Workforce Strategy : Fixing the crisis fournit un cadre à la démarche de collaboration engagée dans le secteur et prend en compte les besoins chroniques de ce dernier en termes de recrutement, de compétences et de formations, l’image du secteur, la vie professionnelle des individus ainsi que l’infrastructure nécessaire à l’accompagnement de la main‑d’œuvre. Cette stratégie est fondée sur une démarche de partenariat entre les organisations professionnelles, les acteurs de la formation et de l’emploi, et les pouvoirs publics. Au Chili, le Plan stratégique 2023‑26 pour le capital humain fédère les acteurs des branches du tourisme, de l’hôtellerie et de la gastronomie autour d’une stratégie intégrée visant à remédier aux problèmes de main‑d’œuvre dans le tourisme.
La question de la main‑d’œuvre du tourisme doit également s’insérer dans une réflexion et une planification stratégiques des effectifs plus larges. Au Maroc, la Feuille de route du tourisme 2023‑26 ambitionne de repositionner le tourisme comme un secteur clé de l’économie nationale, qu’elle articule avec des objectifs de création d’emplois bien spécifiques, le renforcement du capital humain dans tout le secteur et l’ouverture de perspectives et évolutions professionnelles plus intéressantes pour les jeunes. Parallèlement, en Colombie et en Slovénie, les stratégies macroéconomiques nationales en matière de main‑d’œuvre mettent en relief la possibilité offerte par l’emploi dans le tourisme d’agir comme un instrument au service de la transformation sociale, politique et économique et de l’inclusion.
Agir sur les problèmes de main‑d’œuvre dans le tourisme est devenu un axe majeur dans les stratégies touristiques nationales. On comprend de mieux en mieux l’importance d’une main‑d’œuvre solide qui favorisera le développement durable et résilient du secteur du tourisme. L’intégration de cette composante à une démarche nationale de développement du tourisme permet de remédier aux faiblesses structurelles dans ce contexte plus large, mais témoigne également de l’importance que revêt la main‑d’œuvre pour le secteur. Elle peut contribuer à mieux faire prendre conscience des enjeux auxquels le secteur du tourisme fait face, qui risquent parfois d’échapper aux orientations nationales en matière d’emploi. Au sein de ces stratégies touristiques nationales, la main‑d’œuvre du tourisme ne constitue pas toujours un axe de travail distinct, mais fait souvent figure d’objectif ou d’action claire (Encadré 2.8).
Le rôle des pouvoirs publics consiste à créer les conditions cadres propices au suivi de formations et à l’exercice d’emplois rémunérés, et celles‑ci peuvent exiger d’agir sur des facteurs extérieurs au système touristique ayant des répercussions sur la main‑d’œuvre du tourisme. Le manque d’offres de transports et de logements abordables dans des destinations touristiques prisées, le besoin d’équipements (structures de garde d’enfants, par exemple) accessibles aux horaires de travail des saisonniers et facilitant l’embauche de travailleurs immigrés en font notamment partie. Pour relever ces défis, une action est possiblement exigée à l’échelon national, sachant que certains problèmes peuvent également être traités à l’échelon local. En France, par exemple, la station balnéaire de La Baule a pris plusieurs dispositions pour faciliter l’hébergement de ses travailleurs saisonniers. Durant la saison estivale 2023, un ancien camping municipal a été réaménagé pour proposer 80 résidences dédiées aux saisonniers, tandis qu’une campagne de mise en relation entre les propriétaires de biens à louer et les saisonniers a permis de loger 32 autres employés ; en parallèle, des studios sont également réservés aux travailleurs du tourisme dans de nouveaux programmes de logements sociaux. Davantage d’efforts doivent être fournis pour faire en sorte que les besoins des travailleurs du tourisme soient intégrés au cadre d’action public global.
Encadré 2.8. Priorité accordée à la question de la main d’œuvre dans les stratégies touristiques nationales (dans une sélection de pays)
Copier le lien de Encadré 2.8. Priorité accordée à la question de la main d’œuvre dans les stratégies touristiques nationales (dans une sélection de pays)La prise en compte des problèmes de main d’œuvre dans le tourisme est un domaine d’intérêt clé pour appuyer le développement stratégique du tourisme. Nombre de pays ont intégré ces problématiques à leurs stratégies touristiques nationales, en mettant l’accent sur les pénuries de personnel et de compétences et en s’employant à y remédier dans le cadre d’une démarche globale de développement du tourisme. Au nombre des actions ciblées correspondantes figurent celles ci après :
États Unis : Conformément à la Stratégie nationale sur les voyages et le tourisme de 2022, les États Unis s’attachent à attirer et à fidéliser une main d’œuvre diversifiée, notamment à des postes de services à la clientèle sur les terres et eaux fédérales. L’une des actions définies consiste à accompagner et financer les initiatives locales de valorisation de la main d’œuvre et les projets d’entrepreneuriat qui créent et maintiennent des emplois de qualité, bien rémunérés, et renforcent les compétences de la population locale afin de combler les déficits de main d’œuvre, dans les limites du droit applicable.
Malte : La Stratégie maltaise du tourisme pour 2021 30 vise à renforcer le capital humain et à améliorer l’attractivité de la filière en étendant les possibilités de formation continue et en accentuant son attractivité salariale par rapport aux secteurs concurrents. Pour étayer cette stratégie, une enquête s’attachant à mieux cerner les besoins et déficits de compétences ainsi que l’idée que les travailleurs se font du secteur, adossée à une campagne destinée à faire évoluer le point de vue de nouvelles recrues potentielles, a été entreprise en 2023.
Norvège : La Stratégie nationale du tourisme à l’horizon 2030 entend garantir au secteur l’accès à un personnel doté de compétences pertinentes et actualisées. La collaboration prévue à cet effet avec l’Institut norvégien pour la formation des adultes fera en sorte que l’enseignement dispensé réponde aux attentes des salariés et des entreprises.
Suisse : L’un des points visés par la Stratégie touristique du gouvernement fédéral, et appelant une action à ce titre, consiste à mettre à profit le potentiel qu’offre le tourisme en termes d’emploi. Selon les autorités suisses, il s’agit d’encourager la coopération et le dialogue, mais aussi de livrer une analyse à l’appui des réflexions et de donner naissance à des solutions innovantes et créatives.
Avec l’évolution des besoins et des valeurs des travailleurs, une plus large place est à présent accordée aux services de proximité et au cadre de vie, indépendamment de l’emploi. La création de destinations touristiques agréables à vivre pourrait contribuer à déjouer certains des obstacles qui empêchent actuellement d’attirer et de conserver du personnel, s’agissant en particulier des destinations en zones rurales et isolées ou de celles dont les activités sont très saisonnières. Pour réduire les inégalités régionales, les recommandations clés préconisent d’assurer un accès équitable à des services publics et des infrastructures de qualité, tout en mettant à disposition des compétences adéquates et des offres d’emploi de qualité sur les marchés du travail régionaux ; mais cela nécessite de coordonner et de hiérarchiser les actions aux différents niveaux d’administration (OCDE, 2024[19]). Répondre aux besoins de services de proximité des travailleurs devrait être une considération essentielle au moment où les pays comptent diversifier leur offre touristique au‑delà des destinations classiques.
Le tourisme est un pourvoyeur d’emploi important pour les travailleurs immigrés ; les travailleurs internationaux jouent également un rôle important dans de nombreux pays où ils répondent aux besoins de main‑d’œuvre et de compétences. Or, ces flux et réserves de main‑d’œuvre ont été largement désorganisés durant la pandémie. Plusieurs pays ont adopté des mesures pour relancer ces flux de travailleurs et répondre à la demande d’avoir accès à un plus vaste vivier de main‑d’œuvre, sachant que le tourisme demeure un secteur clé. En Autriche, par exemple, le quota annuel de saisonniers dans le secteur du tourisme a été augmenté en 2022, passant de 1 200 à 3 000, avant d’être relevé de nouveau à 3 400 en 2023, puis à 4 300 en 2024. En outre, la liste des métiers en tension a été étendue aux chefs cuisiniers, gouvernants, réceptionnistes et serveurs. D’autres pays disposent également de programmes de longue date dans ce domaine ; c’est notamment le cas du Canada, dont le programme Travailleurs étrangers temporaires, en place depuis plusieurs années, est conçu pour s’adapter aux évolutions du marché du travail et aider les employeurs à faire face à des pénuries de personnel et de compétences dans le secteur en embauchant des travailleurs pour des postes temporaires.
S’attaquer aux problèmes de main‑d’œuvre dans le tourisme à l’aide de mesures plus performantes
Il est important de disposer de données actualisées et précises sur le tourisme pour que les prises de décision soient fondées sur des éléments probants : c’est un fait acquis dans le secteur du tourisme (voir le chapitre 3 pour un examen approfondi). L’un des problèmes de fond inhérents à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes pour la main‑d’œuvre du tourisme consiste à isoler les travailleurs du tourisme dans les statistiques officielles. Or, il n’existe qu’un petit nombre de pays possédant des statistiques dignes de ce nom sur l’emploi dans les industries touristiques (UN Tourism, 2024[27]), et l’absence de données disponibles sur l’emploi a été mise en évidence durant la pandémie puisque plusieurs pays ne disposaient pas de données pertinentes pour concevoir des instruments d’action applicables aux travailleurs du tourisme.
Le Compte satellite du tourisme et le module de l’emploi de l’OCDE proposent une méthodologie validée par la communauté internationale pour calculer l’emploi dans le tourisme sous une forme normalisée et comparable, en additionnant les proportions d’actifs dans neuf branches d’activité en lien avec le tourisme. Néanmoins, les données qui sous‑tendent la préparation de ces calculs demeurent problématiques dans nombre de pays. La main‑d’œuvre du tourisme est un puzzle complexe d’individus travaillant dans de nombreuses branches d’activité et zones géographiques qui, pour nombre d’entre eux, ne sont pas forcément recensés comme travailleurs du tourisme ; d’ailleurs, compte tenu des taux élevés de travailleurs intermittents et non déclarés dans ce secteur, les travailleurs du tourisme sont rarement comptabilisés dans la main‑d’œuvre officielle ou dans les statistiques du travail.
Pour qu’une politique fondée sur des données probantes puisse permettre de développer une main‑d’œuvre solide et stable, il est essentiel de recenser les travailleurs du tourisme et de se faire une idée précise des tendances qui se dégagent au sein de ce secteur. D’où la nécessité de définitions claires et d’une compréhension commune des diverses catégories d’emploi dans les sous‑secteurs du tourisme, et des niveaux de compétences pour chacun d’eux, qui soient applicables à la fois aux grandes entreprises et aux PME ; il s’agit là d’un point de départ important. Il est de plus en plus admis que nombre d’aspects relatifs à la main‑d’œuvre dans le tourisme ne sont pas pris en compte dans les estimations globales, comme le nombre de salariés, les salaires moyens et les heures travaillées.
ONU Tourisme et l’OIT travaillent actuellement sur l’élaboration d’une liste statistique des métiers du tourisme, dont les données éclaireront les questions en lien avec le marché du travail dans ce secteur, en adéquation avec des orientations statistiques générales s’inscrivant au‑delà du tourisme. Or, ce défaut de clarté dans nombre de pays et, à l’échelon international entre les pays, représente un inconvénient majeur dans la mise en place d’un instrument d’action cohérent.
Nombre de pays s’en remettent au sous‑secteur des services d’hébergement et de restauration qu’ils utilisent comme variable de substitution pour le tourisme ; si cette technique peut se révéler bénéfique pour cerner le cœur des problèmes, elle livre également une vue partielle, susceptible de fausser l’analyse des enjeux dans ce secteur. Les pays ont également commencé à réaliser des enquêtes et des études plus approfondies afin de réunir des indications permettant de mieux cerner la main‑d’œuvre du tourisme ; de récentes études circonstanciées du marché du travail dans le tourisme sont ainsi menées en Irlande et en Suisse, à l’échelon fédéral et infranational. Au nombre des autres initiatives visant à mieux appréhender la main‑d’œuvre du tourisme figurent la réalisation d’une infographie trimestrielle sur l’emploi dans les activités touristiques qui alimente le Modèle du capital humain dans le tourisme national au Chili ainsi qu’une exploration de l’environnement et une analyse des tendances à la fois du côté de l’offre et de la demande de tourisme pour évaluer leur incidence sur l’emploi en Colombie.
L’attention croissante accordée au bien‑être et au ressenti dans le secteur du tourisme a conduit certains pays à effectuer de nouvelles collectes de données. En Nouvelle‑Zélande, les enquêtes Voices from the Front‑Line Survey et Tourism and Hospitality Workforce Survey sont destinées à mieux cerner les problèmes que rencontre la main‑d’œuvre et, à cet effet, une large place est accordée à ceux qui ont rarement la possibilité d’exprimer leur point de vue (Encadré 2.9). Dans le cadre du programme Sustainable Travel Finland, la Finlande rassemble actuellement des données qualitatives sur l’emploi dans le tourisme et sur le bien‑être des salariés, recueillies directement auprès des entreprises, qui seront utilisées à l’avenir pour élaborer des indicateurs permettant d’évaluer et de définir des objectifs cibles pour sa stratégie nationale du tourisme et ses actions au regard de l’emploi dans ce secteur.
Encadré 2.9. Recueillir des données sur l’état d’esprit de la main‑d’œuvre du tourisme en Nouvelle‑Zélande
Copier le lien de Encadré 2.9. Recueillir des données sur l’état d’esprit de la main‑d’œuvre du tourisme en Nouvelle‑ZélandeLe besoin de mieux comprendre les travailleurs et les conditions de travail a amené la Nouvelle‑Zélande à réaliser deux enquêtes spécifiques sur l’emploi dans le secteur du tourisme. Celle intitulée Voices from the Front Line, qui comprenait 40 questions en lien avec le travail dans le tourisme, a recueilli 396 réponses. Cette enquête s’adressait aux employés qui, parce qu’ils sont souvent invisibles ou tenus à l’écart, ont rarement voix au chapitre. Les résultats, qui mettent en évidence des pratiques abusives et illégales, se veulent aussi le point de départ d’une réflexion destinée à améliorer les expériences professionnelles et la durabilité à long terme dans le secteur de l’hôtellerie.
L’enquête Tourism and Hospitality Workforce Survey est, pour sa part, l’enquête la plus détaillée jamais entreprise en Nouvelle‑Zélande sur les salariés du tourisme et de l’hôtellerie et sur leurs conditions d’emploi ; les 902 réponses valides obtenues couvrent tous les sous‑secteurs de l’hôtellerie et du tourisme. Les résultats de cette enquête reflètent les sujets de préoccupation bien connus : faiblesse des rémunérations, conditions de travail qui laissent à désirer, perspectives d’évolution professionnelle insuffisantes, et intention de quitter élevée.
Considérations devant inspirer l’action des pouvoirs publics pour renforcer la main‑d’œuvre du secteur du tourisme
Copier le lien de Considérations devant inspirer l’action des pouvoirs publics pour renforcer la main‑d’œuvre du secteur du tourismeLe renforcement de la main‑d’œuvre du tourisme exige de s’attaquer aux enjeux, réels et ressentis, liés à la rémunération, aux conditions de travail et au développement des compétences. Si le secteur privé a un rôle clé à jouer dans la création des conditions qui permettront d’attirer et de conserver des travailleurs dans ce secteur, les responsables et décideurs publics ne sont pas en reste puisqu’ils doivent faciliter ces initiatives en instaurant les conditions propices. Alors que le secteur s’attache à agir sur les pressions qui s’exercent aujourd’hui sur la main‑d’œuvre, les responsables de l’action publique doivent aussi évaluer les répercussions stratégiques de changements à long terme à la fois pour le tourisme et pour la main‑d’œuvre, et réfléchir aux implications d’un secteur du tourisme plus résilient pour les salariés, les entreprises et les populations locales en termes de besoins.
Sur la base de l’analyse présentée dans ce chapitre, les principales actions à mener pour renforcer la main‑d’œuvre du secteur du tourisme consistent notamment à :
Intégrer les besoins des travailleurs du tourisme à des stratégies et plans plus vastes axés sur le développement économique et local. Il reste encore beaucoup à faire pour appréhender et satisfaire les besoins des travailleurs afin de rendre le travail dans le secteur du tourisme plus attrayant et plus viable. Il s’agit notamment de prendre en compte des facteurs extérieurs à l’emploi lui‑même, notamment les questions de logement, de transports et de garde d’enfants qui n’entrent pas dans les attributions des administrations chargées du tourisme. Trouver des solutions efficaces nécessite la mise en place d’une solide coordination à l’échelle de l’ensemble de l'administration, tant horizontalement que verticalement. L’intégration des besoins spécifiques des travailleurs du tourisme à des stratégies plus vastes, axées sur le développement économique et local et sur la valorisation de la main‑d’œuvre, peut également inciter à prendre davantage en compte l’importance du développement d’un tourisme durable et à s’intéresser à la manière de tirer parti et d’optimiser ses avantages pour les populations locales.
S’appuyer sur les initiatives du secteur privé pour améliorer les conditions de travail dans le secteur du tourisme et attirer et fidéliser les travailleurs. Le secteur privé connaît parfaitement les problèmes de main‑d’œuvre et de compétences, au niveau des entreprises comme du secteur, ainsi que les obstacles au recrutement et à la fidélisation des travailleurs. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, qui consiste à s’assurer que les conditions cadres sont en place pour accompagner et encourager les entreprises à s’attaquer aux enjeux liés à la rémunération, aux conditions de travail et aux autres facteurs de leur ressort. Il est également possible de tirer les enseignements des initiatives du secteur privé, notamment celles de grandes multinationales et d’associations professionnelles, pour remédier aux problèmes de main‑d’œuvre en proposant de nouvelles formations et de nouveaux modèles de travail afin d’améliorer les conditions dans la filière. Un soutien financier ou logistique peut contribuer à étendre les avantages de ces initiatives à l’ensemble du secteur. De même, le développement de partenariats locaux peut amplifier les avantages des initiatives en place et améliorer l’attractivité du secteur grâce à des perspectives d’évolution professionnelle ainsi que sa capacité de fidélisation des saisonniers.
Faciliter les interactions avec le secteur privé et le système éducatif, et entre eux, pour répondre à l’évolution des besoins du secteur du tourisme et le préparer aux transitions écologique et numérique. Le cycle formel d’enseignement demeure suivi par nombre de profils constituant la main‑d’œuvre du tourisme, complété par une formation en cours d’emploi garantissant leur employabilité. Encourager la collaboration entre les entreprises et le secteur éducatif peut contribuer à mieux préparer ceux qui entrent dans la vie active et à faire en sorte qu’ils possèdent les compétences requises aujourd’hui comme demain. Cela permettra également de mieux mettre en adéquation l’enseignement et la formation avec les besoins de compétences dans le secteur du tourisme pour que ce dernier puisse tirer parti des opportunités offertes par les transformations écologique et numérique, en aidant les salariés à s’adapter aux lourdes répercussions de ces transformations sur les marchés du travail.
Aider les PME et les travailleurs du tourisme à s’adapter à la transformation numérique et encourager l’adoption des technologies numériques pour innover et atténuer les pressions qui s’exercent sur la main‑d’œuvre du tourisme Les PME du tourisme s’exposent à être distancées dans la transition numérique : faute de s’affranchir du fardeau des tâches manuelles, elles risquent d’être moins à même d’attirer et de fidéliser un personnel de qualité. Il convient de redoubler d’efforts pour sensibiliser à l’intérêt d’adopter des technologies numériques capables d'assister les travailleurs du tourisme, notamment par le jeu de systèmes automatisés de planification des ressources humaines et de réservation, du marketing numérique et de l’intelligence artificielle. En aidant les entreprises du tourisme à accéder à un financement et en veillant à ce que les chefs d’entreprise et les travailleurs possèdent les outils et les qualifications requises pour exploiter ces technologies, ces acteurs pourront alors faire jeu égal, ce qui ouvrira la voie à des pratiques commerciales et de travail plus innovantes.
Rassembler et échanger des données robustes et ventilées sur l’emploi dans le tourisme et les problèmes de main‑d’œuvre. Les décideurs dans le secteur du tourisme doivent cerner et faire face à l’évolution des besoins de cette filière. Il s’agit de mieux appréhender la nature des métiers et les problèmes de main‑d’œuvre du tourisme, et dans quelle mesure ils évoluent. La réalisation d’études approfondies sur la main‑d’œuvre et d’enquêtes menées auprès des salariés afin de connaître leur état d’esprit et leurs conditions de travail est l’une des voies possibles pour obtenir les indications permettant de s’atteler aux enjeux structurels clés et pour définir les conditions‑cadres de ce secteur. Il est fondamental de communiquer ces données de sorte qu’elles puissent éclairer les décisions stratégiques, et venir également en aide au secteur privé pour la planification des ressources humaines et le processus de décision.
Références
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[7] OECD (2023), Ready for the Next Crisis? Investing in Health System Resilience, OECD Health Policy Studies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/1e53cf80-en.
[10] OECD (2023), Retaining Talent at All Ages, Ageing and Employment Policies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/00dbdd06-en.
[21] OECD (2022), Coping with the cost of living crisis: Minimum wages in times of rising inflation, https://www.oecd.org/employment/Minimum-wages-in-times-of-rising-inflation.pdf.
[17] OECD (2022), Supporting transitions and securing jobs: Social dialogue shaping a stronger recovery from the pandemic, OECD Publishing, https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/supporting-transitions-and-securing-jobs-social-dialogue-shaping-a-stronger-recovery-from-the-pandemic-83b6b310/.
[24] OECD (2021), « Preparing the tourism workforce for the digital future », OECD Tourism Papers, n° 2021/02, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/9258d999-en.
[11] Randstad (2022), Employer brand research 2022: Global report, https://www.randstad.com/s3fs-media/rscom/public/2023-05/rebr_2022_global_report.pdf.
[26] Tourism HR Canada (2022), Tourism’s double-barrelled labour challenge: Barriers to employment and skills mismatches, https://tourismhr.ca/labour-market-information/reports/workforce-strategy/tourisms-double-barrelled-labour-challenge-barriers-to-employment-and-skills-mismatches/.
[27] UN Tourism (2024), Employment and decent work in tourism - ILO and UN Tourism joint project, https://www.unwto.org/project/employment-and-decent-work-tourism-ilo-unwto-joint-project.