Au moment d’écrire ces lignes, une guerre fait rage en Europe. L’agression à grande échelle de la Russie contre l’Ukraine, qui constitue une violation flagrante du droit international et une menace sérieuse à l’ordre international fondé sur le respect des règles, a provoqué une crise effroyable. Elle menace directement la paix et la stabilité sur le continent et met en danger les droits humains les plus élémentaires. Elle assombrit aussi l’avenir des Objectifs de développement durable (ODD). Les risques sont réels et s’étendent bien au-delà des frontières de l’Europe. Des menaces pèsent sur la paix et la sécurité mondiales, et beaucoup de pays dans le monde risquent fort de pâtir des conséquences économiques et sociales de cette agression.
L’agression de la Russie contre l’Ukraine intervient à un moment où la plupart des pays, dont les économies émergentes et à faible revenu, peinent encore à sortir de la pandémie de COVID-19 ou à faire face à ses répercussions. Comme le montre ce rapport, la pandémie a aggravé un certain nombre de déséquilibres économiques et sociaux et compliqué la réalisation de bon nombre d’objectifs et de cibles. Partout dans le monde, elle grève durablement les perspectives d’emploi et le niveau de vie et met sous pression les sources de financement public. Les populations fragiles ont été les plus durement touchées. Les jeunes, par exemple, ont été particulièrement malmenés par la crise (et continueront de l’être en l’absence de mesures appropriées), et c’est donc aussi l’avenir qui est en jeu.
Les efforts déployés par les pouvoirs publics en faveur des ODD n’ont toutefois pas été vains. Depuis l’adoption du Programme 2030 en 2015, la majorité des pays de l’OCDE ont pris des mesures importantes pour atteindre les ODD, comme en témoignent par exemple les progrès intervenus en matière d’égalité femmes-hommes, de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de diminution du nombre de victimes d’homicides. Fait intéressant, presque tous les pays de l’OCDE se sont dotés de stratégies, politiques ou cadres réglementaires nationaux pour accroître la superficie des zones protégées ou promouvoir l’emploi des jeunes. En matière de mesure aussi, des avancées significatives sont à signaler. Depuis l’adoption des ODD, beaucoup de lacunes statistiques ont été comblées et nous sommes à présent capables de suivre la réalisation de près de 80 % des cibles, contre moins de la moitié en 2016.
Nous sommes à un moment critique, et malgré les graves défis géopolitiques, économiques et sociaux que doit affronter la planète, il y a au moins trois raisons d’être optimiste.
Tout d’abord, les démocraties et les pays du monde qui partagent les mêmes valeurs que ceux de l’OCDE ont été unis dans leur réponse à la violation du droit international et aux possibles violations des droits humains en Ukraine. Des manifestations de solidarité avec l’Ukraine ont eu lieu dans toutes les régions du monde et ont réuni des participants de tous horizons. Gouvernements, citoyens, acteurs de la société civile et entreprises, tous ont apporté leur soutien au peuple ukrainien et à son gouvernement issu d’élections démocratiques. Cela témoigne de l’attachement commun à la paix, à la primauté du droit et à des institutions fortes et solidaires, autant de valeurs qui occupent une place centrale dans les ODD.
Ensuite, même si les gouvernements et les populations n’étaient bien souvent pas préparés à affronter une crise mondiale de l’ampleur du COVID-19, le monde dans son ensemble a appris de cette épreuve. Les enseignements qu’il en a tirés ont permis de combattre plus efficacement la pandémie et d’empêcher des conséquences bien pires encore. C’est ainsi que, dans la zone OCDE, des campagnes de vaccination massives ont été menées et des mesures budgétaires d’une ampleur sans précédent ont été prises. Même si la pandémie n’est pas terminée, les pays de l’OCDE n’ont cessé d’améliorer leur riposte sanitaire tout au long de la crise.
Enfin, dans une perspective à long terme, au-delà de 2030, les pays agissent afin de faire face au défi crucial que représente le changement climatique pour l’humanité tout entière. Ce rapport le montre, certains ODD sont loin d’être atteints, à l’instar de ceux concernant l’acidification de l’océan, les déchets marins, l’eutrophisation ou le recul de la biodiversité, mais la dynamique en faveur d’une action internationale est forte, comme en témoignent les résultats de la COP26 et les activités récentes visant à définir un cadre mondial dans le contexte de la Convention sur la diversité biologique.
Les occasions d’avancer vers la réalisation des ODD sont donc multiples, et il importe de ne pas les gâcher vu le peu de temps qu’il reste. Pour les saisir, il faut une solide connaissance de la situation des pays au regard du Programme 2030, du rythme auquel ils avancent vers les objectifs et des actions qu’ils doivent entreprendre en priorité. C’est précisément l’objet du rapport de l’OCDE intitulé Un chemin court et sinueux jusqu’à 2030 : Mesurer la distance à parcourir pour atteindre les cibles des ODD, qui a été publié pour la première fois en 2016 et en est à présent à sa quatrième édition. Pilier important du Plan d’action du Conseil de l’OCDE à l’appui des ODD, il aide les pays de l’OCDE à déterminer où ils en sont dans la réalisation des cibles associées à ces objectifs et le chemin qu’il leur reste à parcourir. Le rapport prend appui sur des données factuelles pour proposer des profils d’évolution vers la durabilité. Il réaffirme le rôle de l’OCDE en tant que source éminente de compétences, de données, de bonnes pratiques et de normes dans les domaines économique, social et environnemental de l’action publique en rapport avec les ODD. En outre, il encourage une « course vers l’excellence » en quête de politiques meilleures et plus cohérentes qui puissent contribuer à la réalisation des ODD, en recourant à des approches qui font la spécificité de l’Organisation. Le rapport de l’OCDE Mesurer la distance à parcourir pour atteindre les cibles des ODD s’appuie sur des statistiques de haute qualité provenant des Nations Unies et de l’OCDE pour proposer une évaluation globale des résultats obtenus par les pays membres de l’OCDE au regard des objectifs et des cibles du Programme 2030, à partir des indicateurs de suivi convenus au niveau international.
Des données et informations exactes sont indispensables à un avenir durable pour tous. Le présent rapport est là pour l’attester.
Mathias Cormann Secrétaire général, OCDE