Ce rapport aide les décideurs politiques à optimiser les bénéfices de la transformation numérique pour tous, à favoriser la croissance et améliorer le bien-être. Il reflète les travaux réalisés dans le cadre du projet de l’OCDE sur la transformation numérique durant la période 2017-18 et d’autres travaux de l’OCDE dans ce domaine. Le rapport identifie les vecteurs de la transformation numérique, ainsi que des questions à mieux cerner. Il offre une vision économique et sociale holistique de ses implications sur les tendances clés, leurs effets, et les questions politiques qui en découlent, lesquelles doivent être coordonnées à travers des domaines différents. En outre, le rapport établit un agenda numérique ambitieux pour l’OCDE et au-delà.
Vers le numérique : Forger des politiques au service de vies meilleures
Résumé
Synthèse
Les technologies numériques et les données sont porteuses de profonds bouleversements. Les modes de vie, d’interaction, de travail et de production des individus, des entreprises et des pouvoirs publics sont aujourd’hui sans commune mesure avec ceux du passé, et les évolutions s’enchaînent à un rythme qui ne cesse de s’accélérer. Comment concrétiser les immenses potentialités des technologies et des données au service de la croissance et du bien-être dans un monde en rapide mutation ? Ce rapport trace la voie à suivre. Il recense sept dimensions sur lesquelles les pouvoirs publics – avec le concours des citoyens, des entreprises et des parties prenantes – peuvent s’appuyer pour forger une transformation numérique synonyme de vies meilleures : 1) accès ; 2) utilisation ; 3) innovation ; 4) emplois ; 5) prospérité sociale ; 6) confiance ; et 7) ouverture des marchés. Il met également en évidence les opportunités, les défis et les mesures liés à chacune de ces dimensions, propose de nouveaux éclairages, données probantes et analyses, et formule des recommandations à l’appui de l’élaboration de politiques mieux adaptées à l’ère numérique.
Accès aux infrastructures de communication, aux services et aux données
La sollicitation des réseaux augmente à mesure que les individus, les objets et les activités se convertissent au numérique. D’ici à 2022, on dénombrera trois appareils connectés par personne dans le monde. Or la capacité des réseaux reste pour l’heure insuffisante dans de nombreux pays, avec seulement 7 abonnements haut débit via la fibre par 100 habitants
de la zone OCDE. Pour améliorer l’accès aux réseaux, aux services et aux données, les pouvoirs publics devraient réduire les obstacles aux échanges et à l’investissement, promouvoir la concurrence, simplifier les procédures administratives et développer la connectivité dans les zones rurales et reculées. Par ailleurs, les données sous-tendent de plus en plus la transformation numérique, d’où l’importance d’en élargir l’accès, notamment en s’appuyant sur des mécanismes de partage servant les intérêts légitimes nationaux, privés et de sécurité.
Utilisation efficace des technologies numériques et des données
Si la plupart des individus et des organisations utilisent les outils numériques, ils sont souvent loin d’en exploiter le plein potentiel. Pour preuve, tandis que la quasi-totalité des entreprises sont dotées d’une connexion à l’internet, seulement 33 % des grandes entreprises et 11 % des petites ont recours à l’analyse des données massives. Réduire cet écart ne pourra se faire sans développer les compétences nécessaires : de fait, seuls 31 % des adultes disposent de compétences en résolution de problèmes suffisantes pour réussir dans un monde de technologies ubiquitaires. Pour favoriser une utilisation efficace, les politiques doivent contribuer à doter tout un chacun d’une panoplie de compétences qui leur permette de prospérer et de développer leur confiance dans le monde numérique ; favoriser l’adoption et la diffusion des outils numériques à l’appui de la croissance de la productivité des entreprises, en particulier des petites et moyennes structures ; promouvoir le dynamisme des entreprises et le changement structurel ; stimuler l’investissement dans les actifs incorporels (brevets et logiciels, par exemple) ; et davantage axer les services publics en ligne sur les besoins des utilisateurs.
Innovation fondée sur les données et innovation numérique
On observe une progression de l’innovation fondée sur les données et de l’innovation numérique. Au cours du premier semestre de 2018, les startups spécialisées dans l’intelligence artificielle ont capté 12 % du capital-investissement mondial, et le taux augmente dans l’ensemble des grandes économies. Pour autant, tous les pays n’innovent pas de la même façon ni dans les mêmes proportions : au cours de la période 2013-16, environ 60 % des brevets déposés en République populaire de Chine avaient trait aux technologies de l’information et des communications, contre 33 % de ceux déposés dans les pays de l’OCDE. Pour libérer l’innovation numérique, les politiques devraient promouvoir l’entrepreneuriat ; faciliter l’accès au financement ; soutenir la recherche fondamentale, la diffusion des connaissances et la science ouverte ; et favoriser l’ouverture des données publiques. Elles devraient par ailleurs encourager l’expérimentation et l’émergence de nouveaux modèles économiques dans les différents secteurs, notamment en favorisant une mise en œuvre flexible des réglementations (via des « bacs à sable réglementaires », par exemple).
Des emplois de qualité pour tous
Le monde du travail et les marchés du travail se transforment. On estime que 14 % des emplois à l’échelle de la zone OCDE sont exposés à une probabilité élevée d’automatisation et qu’encore 32 % pourraient faire l’objet de changements importants au cours des 10 à 20 prochaines années. Toutefois, au cours de la dernière décennie, quatre emplois sur dix ont été créés dans des secteurs à forte intensité de numérique et de nouvelles formes de travail ont vu le jour. Pour parvenir à des emplois de qualité pour tous, il importe de se préparer à affronter le défi de la formation de masse. Les politiques doivent faciliter des transitions justes et fructueuses vers de nouveaux emplois et préparer aux changements qui toucheront les emplois existants en favorisant un juste équilibre entre, d’une part, la souplesse et la mobilité, et, d’autre part, la stabilité des emplois, notamment par le dialogue social. Elles doivent par ailleurs doter les individus de la panoplie de compétences nécessaires pour réussir, améliorer la protection sociale pour garantir que personne ne soit laissé pour compte, et lever les inquiétudes que soulèvent les nouvelles formes d’emploi.
Prospérité sociale et inclusion
La société elle-même se tourne vers le numérique, à mesure que les technologies et les données contribuent à élargir l’accès à l’information et ouvrent de nouvelles perspectives de participation. En moyenne, 12 % des individus partagent sur l’internet leurs opinions sur des questions civiques ou politiques. En revanche, des fractures subsistent à différents égards. C’est ainsi que les jeunes femmes sont deux fois moins nombreuses que les hommes de la même tranche d’âge à disposer de connaissances en programmation. Pour promouvoir la prospérité sociale, les politiques devraient s’atteler à réduire ces écarts en renforçant les compétences de base et l’apprentissage tout au long de la vie, et en veillant à inclure tous les groupes d’individus – en particulier les femmes, les personnes âgées et les personnes à faible revenu –, tout en luttant contre les risques tels que le cyberharcèlement et la désinformation. Les technologies numériques peuvent par ailleurs aider à relever des défis collectifs, par exemple en favorisant l’efficacité énergétique et en réduisant les dépenses de santé, notamment grâce aux applications mobiles de santé.
Confiance dans le monde numérique
La confiance est un déterminant essentiel de la transformation numérique. Près de 30 % des internautes s’abstiennent de communiquer des informations personnelles sur les réseaux sociaux par crainte des risques de sécurité ou de violation de leur vie privée. De plus, seuls 17 % des utilisateurs des plateformes mettant en relation des particuliers (pour le partage de logements, par exemple) lisent l’intégralité des conditions d’utilisation. Il semble par conséquent nécessaire de prendre des mesures plus efficaces afin de protéger les consommateurs dans le cyberenvironnement. Pour renforcer la confiance, les politiques devraient inciter les individus et les organisations à mieux gérer les risques de sécurité numérique et de violation de la vie privée, et renforcer la protection des consommateurs menant des activités en ligne. Les stratégies nationales de protection de la vie privée peuvent contribuer à promouvoir une approche à l’échelle de l’ensemble de la société et à faciliter les flux de données transfrontières, notamment via la mise en place de cadres de protection de la vie privée qui soient interopérables.
Ouverture des marchés dans les environnements d’entreprises à forte intensité de numérique
Les technologies numériques et les données transforment les modalités de concurrence, d’échanges et d’investissement des entreprises. Au cours de la période 2007-15, l’augmentation des acquisitions transfrontières d’entreprises à forte intensité de numérique a dépassé de 20 points de pourcentage celle des opérations menées dans les autres secteurs. Les entreprises opérant dans les secteurs à forte intensité de numérique affichent en outre un facteur de marge – soit l’écart entre le prix de vente d’un produit et le coût de production d’une unité supplémentaire de ce produit – supérieur de 55 % à celui des autres entreprises. Pour favoriser l’ouverture des marchés et le dynamisme des environnements dans lesquels évoluent les entreprises du numérique, les politiques devraient : réduire les obstacles aux échanges et à l’investissement ; promouvoir l’ouverture des marchés financiers ; prendre en compte l’évolution de la dynamique concurrentielle, notamment les questions liées aux phénomènes de concentration accrue ; et relever les défis fiscaux en mettant en place une coopération internationale plus efficace.
Aucune de ces politiques ne saurait donner des résultats concluants isolément. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent se doter d’une stratégie complète en matière de transformation numérique et adopter une approche de la gouvernance permettant une coordination efficace à l’échelle des différents domaines d’action et de l’ensemble des parties prenantes. Se doter d’une vision stratégique, définir des priorités et des objectifs clairs, fixer des cibles mesurables, allouer un budget suffisant et mettre en place un suivi minutieux des progrès et une évaluation rigoureuse des politiques sont autant d’ingrédients essentiels à la réussite d’une stratégie de transformation numérique.
Si ce rapport aborde certains des défis les plus urgents et les plus délicats que doivent relever les sociétés pour faire de la transformation numérique un levier de croissance et d’amélioration du bien-être, il dessine également des pistes d’action à l’échelle mondiale pour mieux appréhender et aborder des problématiques nouvelles et complexes : évolution de la dynamique concurrentielle ; protection de la vie privée ; données et flux de données transfrontières ; creusement des inégalités et liens avec la transformation numérique ; rétablissement de la confiance dans les pouvoirs publics ; démocratie à l’ère du numérique ; et avenir de l’entreprise. Enfin, il demeure impératif d’améliorer la mesure de la transformation numérique, afin de produire des données probantes solides à même d’éclairer les décisions stratégiques de demain.
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Document de travail9 septembre 2024