Ce chapitre pose la question suivante : quelle doit être la durée de la formation en alternance ? Il souligne l’importance de la durée dans la conception de cette formation du point de vue des employeurs, des alternants et des pouvoirs publics, et décrit la relation entre durée et accumulation de compétences. Il examine les différences entre jeunes et adultes sous cet angle et présente les outils conçus par les pays pour adapter la durée de la formation en alternance en fonction de la formation antérieure, des acquis et de l’expérience professionnelle dont bénéficient en général les actifs plus âgés.
L'apprentissage et l'alternance en sept questions
Chapitre 4. Combien de temps une formation en alternance doit‑elle durer ?
Abstract
Problématiques et défis
Clarté et flexibilité doivent caractériser la durée des programmes
Dans certains systèmes d’alternance, tous les programmes ont la même durée ou au moins des durées proches. Ce cadre a l’avantage de la clarté, mais du fait de sa rigidité, il peut se révéler moins adapté à certains métiers et personnes qu’à d’autres. Parallèlement, permettre de fixer la durée au cas par cas risque de remettre en question le concept même de formation en alternance, car ce qu’il suppose est dès lors peu clair et le terme en vient à pouvoir désigner n’importe quel contrat de formation négocié avec un employeur. Si les formations en alternance ont des durées variables, quels sont les critères qui devraient régir cette variation ? La durée doit‑elle être fonction du métier concerné ? Du niveau de qualification associé à l’alternance ? Ou des caractéristiques et du parcours de l’alternant ? Cette section porte sur les implications de la durée du point de vue des différentes parties prenantes et explique selon quels principes elle peut être déterminée, illustrés par des exemples de politique et de pratique dans différents pays.
La durée de la formation en alternance concerne plusieurs acteurs
La durée des programmes d’alternance concerne les employeurs, les alternants et les pouvoirs publics. Les employeurs forment leurs alternants et retirent un bénéfice de leur travail tant qu’ils les accueillent. Les alternants acceptent de bas salaires pendant leur formation, mais espèrent être mieux rémunérés une fois achevée leur formation. Pendant la période d’alternance elle‑même, les pouvoirs publics apportent un soutien sous diverses formes, généralement en finançant le volet de formation en milieu scolaire et souvent en offrant des incitations financières aux employeurs.
Le profil de la population des alternants est souvent varié et change au fil du temps
La gamme des compétences que possèdent les alternants au début du programme est fonction de leurs parcours antérieur. Lorsque les nouveaux alternants sont adolescents, ils ont en général le même parcours scolaire et peu d’expérience professionnelle. Souvent, les alternants adultes ont soit une expérience professionnelle utile, soit un niveau général d’instruction plus élevé. Habituellement, les systèmes d’alternance sont bâtis de manière à répondre aux besoins de la population ciblée dans le passé. Toutefois, le profil de cette population, dans un pays, évolue au fil du temps. Par exemple, en Australie, la proportion d’adolescents chez les nouveaux alternants est passée de près de 100 % à moins de la moitié ces dernières années (Knight et Karmel, 2011[1]). En Angleterre (Royaume‑Uni), celle des 25 ans et plus a fortement augmenté, passant de 18 % en 2009 à 47 % en 2016 (Powell, 2018[2]). En Allemagne, les nouveaux alternants titulaires du certificat délivré aux personnes qui ont passé l'Abitur avec succès représentaient 28 % du total en 2015, contre 16 % en 2006 (BMBF, 2008[3] ; BMBF, 2017[4]). Les pouvoirs publics doivent donc faire en sorte que les systèmes d’alternance restent adaptés à l’éventail des compétences des alternants et à leurs besoins en matière de formation.
Le potentiel des approches fondées sur les compétences n’est pas pleinement exploité
Dans l’alternance comme dans les autres formes d’éducation et de formation, on juge important de définir un programme clair du point de vue de la durée et du contenu, de manière à ce que tous les alternants acquièrent le même éventail prédéterminé de compétences. Néanmoins, les apprenants ne développent pas tous leurs compétences au même rythme et il arrive que certains connaissent déjà une partie du contenu de la formation. Dans beaucoup de programmes d’éducation et de formation, des efforts ont été déployés pour placer au cœur du dispositif non plus le temps passé « en cours », mais les acquis en fin de formation, dans la mesure où les apprenants mettent plus ou moins de temps pour assimiler les savoirs visés. Toutefois, malgré l’enthousiasme général suscité par ces approches fondées sur les compétences, leur mise en œuvre soulève des difficultés et leur potentiel reste souvent inexploité.
Les approches fondées sur les compétences peuvent être particulièrement utiles dans le cas des adultes partiellement formés
Certains adultes ont des compétences professionnelles, mais ne possèdent pas les qualifications qui l’attestent. Ne pas avoir de qualification crée un obstacle à l’accès à l’emploi ou à la progression dans la carrière lorsque l’exercice du métier exige un agrément ou qu’une convention collective établit un lien entre barème des rémunérations et qualifications. Même dans les autres métiers, détenir une qualification certifiant des compétences professionnelles donne accès à des emplois qui ne seraient pas accessibles autrement et permet d’avoir de meilleures conditions de travail.
De nombreux adultes ne peuvent pas, financièrement, suivre de bout en bout une formation en alternance, mais souhaitent consacrer du temps à une formation qualifiante et pourraient le faire. Le présent chapitre s’intéresse à deux parcours qui s’y prêtent : une version courte de la formation en alternance et l’accès à l’examen final de qualification que doivent généralement passer les alternants. Le premier s’adresse globalement à ceux qui ont une partie des compétences visées et le second à ceux qui en possèdent la plupart. Certains peuvent avoir des raisons d’hésiter entre les deux.
Du point de vue des pouvoirs publics et des partenaires sociaux, mettre ces parcours en place est d’autant plus avantageux qu’il existe un vivier inutilisé de main‑d’œuvre partiellement formée mais sans qualification reconnue. Celui‑ci se compose de personnes sans qualification ayant acquis leurs compétences en travaillant, de personnes titulaires d’une qualification professionnelle voulant se reconvertir dans un domaine proche, et de migrants possédant des compétences non reconnues dans leur pays d’accueil.
La durée de la formation en alternance doit tenir compte du métier visé
La formation en alternance doit durer assez longtemps pour que les alternants aient le temps de développer les compétences voulues, mais une fois qu’elles sont acquises, il est dans leur intérêt d’obtenir leur qualification le plus vite possible. De leur côté, les employeurs ont besoin de temps pour former leurs alternants sur poste et utilisent leurs compétences nouvellement acquises en les faisant participer aux activités productives. Celles‑ci, en particulier dans les dernières phases de la formation en alternance, compensent en général l’investissement consenti par l’employeur au début. Le temps nécessaire à l’acquisition des compétences professionnelles et l’utilisation de ces compétences dans les activités productives ne sont pas identiques dans tous les métiers.
La durée de la formation en alternance doit être adaptée en fonction du métier visé, en particulier pour tenir compte de l’évolution de la productivité de l’alternant au cours de sa formation.
Dans les métiers qui requièrent un éventail plus complexe de compétences et où il faut plus de temps pour les acquérir, une durée plus longue est préférable.
Argument n° 1 : la durée d’une formation en alternance doit paraître intéressante aussi bien aux employeurs qu’aux alternants potentiels
Souvent, les employeurs enregistrent un coût net en début de formation et engrangent des bénéfices par la suite
Au début du programme de formation en alternance, l’employeur fait un investissement, dans la mesure où l’alternant a alors peu de connaissances et passe l’essentiel de son temps à apprendre. À mesure que ce dernier développe de nouvelles compétences, il peut accroître sa contribution aux activités productives et engendrer des bénéfices pour le compte de son employeur. L’entreprise commence à engranger des bénéfices nets dès lors que la valeur de la production due à l’alternant est supérieure à celle des coûts qui lui sont imputables. Cette deuxième phase du programme de formation en alternance est cruciale, car elle permet à l’employeur de récupérer en grande partie sa mise initiale. L’employeur a aussi quelque chose à gagner en fin de formation en alternance s’il garde les meilleurs alternants une fois qu’ils sont formés, puisqu’il s’épargne ainsi des frais de recrutement (chapitre 1).
La rémunération des alternants a une incidence sur la dynamique du rapport entre les coûts et les avantages de l’employeur
Habituellement, la rémunération de l’alternant représente la majeure partie des coûts de la formation en alternance que doit financer l’employeur (pour plus de précisions à ce sujet, voir le chapitre 3). Les arguments présentés ici s’appuient sur le scénario usuel dans lequel l’alternant est payé moins cher que les travailleurs ordinaires. Lorsque l’alternant gagne presque autant que ces derniers et qu’il se révèle très compétent, l’employeur retire moins de bénéfices de son travail. Dans certains cas, l’employeur préfère même que l’alternant obtienne rapidement sa qualification de manière à ce qu’il puisse consacrer tout son temps à des activités productives, au lieu d’en passer une partie dans son école, et effectuer seul des activités qualifiées.
L’évolution de la rémunération de l’alternant par rapport à celle de sa productivité est importante. Si elle augmente plus vite que sa productivité, les coûts nets de l’employeur peuvent être plus élevés vers la fin. Tel est le cas, par exemple, en Autriche, où une forte augmentation du salaire des alternants dans la dernière année d’alternance accompagne une amélioration modeste de la productivité. En conséquence, la hausse des coûts de l’employeur pendant la période d’alternance est plus rapide que celle des bénéfices retirés des activités productives de l’alternant (Schlögl et Mayerl, 2016[5]).
Les intérêts de l’alternant doivent être pris en compte
Si la durée de la formation en alternance est trop longue, l’alternant travaille longtemps, à la fin du programme, sans rien apprendre (puisqu’il est déjà pleinement formé), tout en percevant un salaire moindre que s’il avait le statut d’un travailleur qualifié. Dans ce cas, il serait plus avantageux pour lui d’avoir un contrat de travailleur ordinaire. Une formation en alternance longue et peu formatrice est, de ce point de vue, de qualité médiocre. La durée doit être adaptée à l’éventail de compétences visées : si elle est trop courte, la formation ne paraît pas intéressante aux employeurs ; si elle est trop longue, elle n’attire pas les alternants. Ce qu’il faut entendre par « trop courte » ou « trop longue » est fonction du temps nécessaire à l’acquisition des compétences indispensables au métier visé.
Argument n° 2 : la durée optimale d’une formation en alternance n’est pas la même dans tous les métiers
Il faut plus de temps pour acquérir les compétences requises dans les métiers où la complexité technique est plus grande
Le temps dont un alternant a besoin pour parvenir au niveau de productivité d’un travailleur expérimenté est fonction de la complexité des compétences qu’il doit acquérir, des performances de l’entreprise en matière de formation et de ses propres capacités. L’une des façons de le mesurer consiste à demander aux employeurs quelle est, selon eux, la différence de qualité entre le travail d’un alternant et celui d’un travailleur qualifié lorsqu’ils accomplissent des tâches qualifiées, et combien de temps il faut au premier pour les faire en comparaison avec le second. Ces questions ont été posées à des employeurs dans le cadre d’une enquête menée en Allemagne et en Suisse, et ont permis de recueillir des données sur la « productivité » relative des alternants. Par exemple, une productivité relative de 50 % signifie qu’il faut deux fois plus de temps à un alternant électricien qu’à un électricien qualifié pour installer une prise. Les résultats révèlent de très fortes variations entre métiers (graphique 4.1). Ainsi, un alternant dans la vente au détail peut devenir productif rapidement, alors qu’il faut plus de temps à un futur mécanicien industriel pour devenir compétent.
La formation en alternance devrait être plus longue dans les cas où il faut plus de temps pour devenir productif
La durée optimale d’une formation en alternance est en général plus longue dans les métiers où il faut plus de temps pour acquérir les compétences requises. Les données présentées dans le graphique 4.1 le confirment : dans les deux pays, la formation en alternance dure trois ans dans les métiers « faciles », où la productivité relative des alternants la première année est la plus élevée, tandis qu’elle est généralement plus longue dans les métiers « difficiles », où la productivité relative la première année est plus basse.
Seul le volet professionnel de la formation justifie des variations dans la durée en fonction des métiers
La différence de durée selon les métiers reste relativement limitée dans les pays représentés dans le graphique 4.1 (quoiqu’il existe aussi en Suisse une formation en alternance en deux ans aboutissant à une qualification différente). Cela tient en partie au fait que, dans ces deux pays, l’alternance concerne surtout des jeunes, de sorte que l’enseignement général (savoirs fondamentaux, sciences dures, sciences sociales et éducation civique) y occupe une place importante. L’enseignement général est en grande partie le même d’un métier à l’autre et seul le volet professionnel de la formation en alternance nécessite de varier la durée des programmes.
Argument n° 3 : le volet compétences générales et les contraintes institutionnelles limitent les possibilités d’adaptation
Les formations doivent être suffisamment longues pour former les alternants à un métier de travailleur qualifié
Parmi les formations professionnelles dont une partie se déroule sur poste et une autre en dehors des heures de travail, l’alternance a ceci de particulier qu’elle dote les apprenants de l’ensemble des compétences nécessaires à l’exercice d’une profession donnée et les prépare à suivre un parcours professionnel. De ce point de vue, elle diffère des formations qui transmettent un éventail moins large de compétences, comme celles que suivent des salariés ou des chercheurs d’emploi pour apprendre à utiliser une machine en particulier ou à appliquer une procédure, même si, dans certains pays, des formations en alternance sont proposées dans ce cadre plus étroit (« installateur de compteurs intelligents gaz et électricité » en Angleterre [Royaume-Uni], par exemple). Ainsi, dans la plupart des pays de l’OCDE, les formations en alternance durent au moins deux ans (tableau 4.1).
Les programmes de formation en alternance s’adressant aux jeunes comprennent un tronc commun de compétences générales
Dans les pays où les formations en alternance visent surtout les jeunes et où elles relèvent de l’éducation et la formation initiales au lieu de s’appuyer sur elles, les programmes prévoient un important volet d’enseignement général. Cet enseignement dote les jeunes de connaissances et de compétences qui ne sont pas applicables en tant que telles à un métier particulier, mais qui sont utiles dans la plupart des situations de la vie personnelle et de la vie professionnelle. Par exemple, en Allemagne, les alternants suivent au minimum quatre heures d’enseignement général par semaine1, ce qui revient à environ 480 heures sur une formation d’une durée de trois ans (Hoeckel et Schwartz, 2010[7]). En Norvège, ils bénéficient de 588 heures d’enseignement général au total dans les formations qui durent quatre ans (Norwegian Directorate for Education and Training, 2011[8]).
Dans les pays où les alternants adultes sont plus nombreux, l’enseignement général occupe habituellement moins de place
Dans les pays où la proportion d’adultes chez les alternants est plus élevée, les programmes font souvent une place limitée à l’enseignement général. En Angleterre (Royaume-Uni), par exemple, les alternants reçoivent au minimum 50 à 100 heures d’enseignement général (ce total peut être dépassé dans la formation à certains métiers) (Kuczera et Field, 2018[9]). En Australie, les programmes de formation régis par les employeurs, qui définissent les formations en alternance, prévoient assez peu d’heures d’enseignement général et sont parfois jugés insuffisants (Knight et Karmel, 2011[1]). Aux États‑Unis, les conditions minimales d’agrément des formations en alternance portent sur les enseignements liés à l’activité professionnelle et font abstraction des enseignements qui ne sont pas propres à un métier (United States Department of Labor (DOL), 2018[10]).
Tableau 4.1. Durée des formations en alternance
Pays |
Durée du programme |
---|---|
Autriche |
Trois à quatre ans |
Danemark |
Trois ans et demi à quatre ans (en général) |
Angleterre (Royaume‑Uni) |
En moyenne 15 mois (minimum 12) |
Allemagne |
Deux ans à trois ans et demi |
Irlande |
Deux à quatre ans |
Pays‑Bas |
Deux à quatre ans |
Norvège |
Quatre ans (en général, les programmes plus courts s’adressent aux publics défavorisés) |
Suède |
Trois ans |
Suisse |
Trois à quatre ans (des programmes de deux ans s’adressent aux publics défavorisés) |
États‑Unis |
Un à six ans, quatre ans dans la plupart des cas |
Source : Adapté de Kuczera, M. (2017[11]), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l'OCDE sur l'éducation, n° 153, http://dx.doi.org/10.1787/995fff01-en ; Ministère du Travail des États‑Unis (2018[10]), United States Department of Labor - Frequently Asked Questions about the Apprenticeship Program, www.dol.gov/featured/apprenticeship/faqs; Solas (2016[12]), Apprenticeship: Real Life Learning, www.apprenticeship.ie.
Les rigidités institutionnelles limitent les possibilités d’adaptation
Lorsque les programmes d’alternance comprennent un tronc commun général (langues, mathématiques, histoire, par exemple), les cours qui y correspondent sont en général dispensés dans des collèges ou des lycées. Ces établissements organisent leur travail pas trimestres ou par semestres, et certains cours généraux peuvent être communs à différents programmes d’alternance. L’organisation des programmes d’alternance doit trouver un équilibre entre un certain degré d’adaptation à chacun des métiers visés et la nécessité d’assurer une transmission efficace des enseignements relevant des collèges et lycées.
La conception des systèmes peut s’appuyer sur les connaissances implicites des représentants des secteurs concernés
Les informations utilisées pour fixer la durée du programme d’alternance d’un métier donné sont de nature variée. Elles portent sur la complexité des compétences requises, les compétences habituellement déjà acquises par les alternants ou d’autres caractéristiques fréquentes de ces derniers, et les aptitudes des entreprises en matière de formation. Les employeurs, les actifs et les établissements d’enseignement professionnel possèdent une riche expérience et un abondant savoir implicite utiles. En général, un électricien ou un formateur savent combien de temps il faut, approximativement, pour qu’un alternant de 18 ans devienne suffisamment compétent et puisse faire le travail d’un électricien qualifié. Il est possible de tirer parti de ce savoir implicite en faisant participer activement les représentants des secteurs concernés à la conception des systèmes d’alternance. Il est largement admis que la contribution des employeurs à la conception des programmes de formation fondés sur le travail est essentielle à la réussite de leur mise en œuvre. Parallèlement, il importe de veiller à ce que les intérêts des alternants soient pris en compte dans les programmes, ce pourquoi il est souvent fait appel à la participation des syndicats et à des règles d’assurance qualité.
Il devrait être possible de fixer les durées avec une certaine souplesse pour tenir compte du niveau initial des alternants et de leur rythme d’apprentissage, qui sont variables
Généralement, les systèmes de formation en alternance s’organisent autour des besoins de la population visée au premier chef. Cependant, certains alternants ont un parcours singulier. Il peut s’agir, par exemple, d’adultes qui commencent une formation dans un pays où les alternants sont en grande partie des jeunes. De même, le profil de la population des alternants dans un pays donné peut évoluer, par exemple sous l’effet des migrations, à la suite de quoi il est nécessaire d’adapter le système aux besoins pédagogiques du public concerné.
La possibilité d’adapter la durée d’un programme de formation en alternance pour tenir compte des compétences que possèdent déjà certaines personnes peut être bénéfique à celles‑ci. Deux voies sont possibles :
Faciliter l’achèvement accéléré de la formation pour tenir compte du fait que certains alternants adultes possèdent déjà beaucoup de compétences générales et professionnelles. La création d’un cadre général applicable aux alternants ayant une expérience professionnelle pertinente, pour éviter que tout passe par des négociations au cas par cas, peut y concourir.
Faire en sorte que le contrat associé à une formation en alternance plus courte paraisse avantageux tant aux employeurs qu’aux alternants.
Argument n° 1 : le niveau initial et le rythme d’apprentissage sont variables
Tous les alternants n’ont pas le même niveau d’instruction générale et certains ont des lacunes
Dans les pays où existe un vaste système de formation en alternance à destination des jeunes, les nouveaux alternants ont eu pour la plupart le même parcours scolaire et sortent depuis peu du premier cycle de l’enseignement secondaire. Les alternants adultes, quant à eux, ont souvent des compétences générales et des besoins éducatifs variés. Certains sont allés au bout du second cycle de l’enseignement secondaire à l’adolescence et possèdent donc déjà les compétences générales inscrites dans les programmes d’alternance. D’autres ont quitté l’école avec un niveau de qualification plus bas, ont passé plusieurs années loin des salles de classe et ont besoin de rafraîchir leurs connaissances ou de combler des lacunes dans leur instruction générale.
Les adultes qui ont une expérience professionnelle pertinente possèdent certaines des compétences professionnelles visées
Les nouveaux alternants plus âgés ont souvent une expérience professionnelle de plusieurs années, qui peut être partiellement en rapport avec leur formation. Ils possèdent parfois certaines des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice du métier visé, mais pas toutes, et il leur faut souvent moins de temps qu’à l’alternant moyen pour maîtriser les compétences à acquérir. Ainsi, un adulte qui suit une formation de cuisinier et qui a travaillé plusieurs années dans un restaurant auparavant n’a pas forcément besoin d’une formation sur poste aussi longue.
Argument n° 2 : permettre de terminer plus rapidement peut être bénéfique aux alternants et à l’État
Le raccourcissement des formations peut faire baisser le coût d’une qualification pour les alternants
La formation en alternance a un coût pour les alternants, notamment un coût d’opportunité (le temps passé à percevoir une rémunération d’alternant au lieu d’une rémunération à part entière). Dans certains cas, les alternants doivent aussi payer des droits. Pour ceux qui possèdent déjà certaines des compétences visées par le programme, pourvoir terminer la formation en alternance plus rapidement est très avantageux, car cela leur permet d’obtenir leur diplôme et de commencer à toucher le salaire d’un travailleur qualifié plus tôt. La possibilité de suivre une formation en alternance peut dès lors paraître plus séduisante à des adultes. Un adulte qui n’opte pas pour la formation en alternance doit en général se rabattre sur un emploi rémunéré (et non sur la scolarisation, contrairement aux jeunes). La rémunération des alternants étant habituellement moins élevée que celle des travailleurs non qualifiés, beaucoup d’adultes ne peuvent pas se permettre d’investir dans leur formation car ils doivent subvenir à leurs frais de subsistance et ont souvent des responsabilités familiales. La possibilité de suivre une formation en alternance plus courte, eu égard aux compétences qu’ils possèdent déjà, peut faciliter l’accès des adultes à une qualification par la formation en alternance.
Plus globalement, réduire la durée de la formation en alternance peut aussi être bénéfique pour l’État et la collectivité
Réduire la durée d’une formation en alternance eu égard aux compétences préexistantes évite de gaspiller des ressources à enseigner à quelqu’un ce qu’il sait déjà. Les mesures prises pour permettre aux alternants qui ont une expérience professionnelle de finir plus rapidement peuvent aussi aller dans le sens de l’équité. Elles peuvent créer des passerelles et encourager ceux qui possèdent de bonnes compétences pratiques mais une formation scolaire limitée à reprendre leurs études. Faciliter la validation des compétences moyennant une qualification normalement associée à une formation en alternance peut favoriser la formation tout au long de la vie : la perspective d’obtenir une qualification officielle peut encourager les adultes à investir du temps, de l’énergie et de l’argent à la formation en entreprise, ce qu’ils peuvent être moins enclins à faire en l’absence d’une reconnaissance des compétences acquises.
Argument n° 3 : il faut supprimer les obstacles qui empêchent d’utiliser pleinement les circuits courts
Dans plusieurs pays, il est possible de jouer sur la durée des formations en alternance
Plusieurs pays ont mis en place un cadre réglementaire qui permet aux alternants possédant les qualifications et l’expérience professionnelle requises de terminer le programme plus vite. Ce cadre définit les conditions qui doivent être remplies et les réductions de durée autorisées dans différents cas (encadré 4.1).
Il est aussi possible, pour donner de la souplesse au dispositif, d’adopter une approche globale fondée sur les compétences. Dans ce cas, seule une durée théorique ou générale est définie, et l’alternant franchit chaque étape de sa formation non pas au terme d’une période prédéfinie, mais une fois qu’il a acquis les compétences requises. Cette approche est appliquée en Australie et, dans certains programmes, aux États‑Unis (encadré 4.2).
Encadré 4.1. Écourter la durée de la formation en alternance
Danemark
Les adultes de 25 ans ou plus en alternance peuvent suivre deux itinéraires différents (une évaluation individuelle permet de déterminer lequel convient le mieux). Ceux qui possèdent une expérience professionnelle ou une qualification antérieure pertinentes suivent une formation élémentaire courte (éducation et formation professionnelles de type scolaire), une formation générale courte (associant formation en établissement d’enseignement et en entreprise) et jusqu’à deux ans de formation sur poste. Ceux qui ont une expérience de deux ans au moins suivent uniquement la formation générale courte.
Source : MHES (2017[13]), Admission to Vocational Education and Training (VET), https://ufm.dk/en/education/recognition-and-transparency/recognition-guide/admission-vet.
Allemagne
La durée de formation des adultes de 21 ans et plus peut être réduite. Les titulaires d’une qualification de type secondaire (Mittlere Reife) peuvent obtenir une réduction de six mois. Ceux qui ont passé l’Abitur avec succès, les adultes âgés de 21 ans et plus et les titulaires d’une qualification professionnelle peuvent bénéficier d’une réduction de douze mois. Un alternant peut passer son examen final de qualification plus tôt que prévu si l’entreprise et l’établissement d’enseignement qui le forment attestent que ses résultats sont au‑dessus de la moyenne.
Source : Mühlemann, S. (à paraître[14]), Apprenticeship Training for Adults: Theoretical Considerations and Empirical Evidence for Selected OECD Member Countries.
États‑Unis
Un alternant peut recevoir un crédit de 1 000 heures par an, au maximum, au titre d’une formation antérieure ou de ses compétences avérées. Les alternants doivent suivre la formation sur la moitié de sa durée ordinaire au moins, sans pouvoir descendre en dessous de six mois.
Source : Jones, D. et R. Lerman (2017[15]), Starting a Registered Apprenticeship Program, https://innovativeapprenticeship.org/wp-content/uploads/2017/06/Employer-Guide_June-2017.pdf.
Encadré 4.2. Prise en compte des compétences existantes
Australie
Les alternants peuvent bénéficier d’un crédit au titre des compétences qu’ils possèdent déjà et de leur expérience professionnelle antérieure. S’ils peuvent faire la preuve qu’ils ont le niveau de compétence requis, ils peuvent passer à l’étape suivante de leur formation ou achever le programme. Les compétences sont d’abord évaluées par le prestataire de formation agréé. Ensuite, celui‑ci doit confirmer que l’alternant est capable d’appliquer ces compétences en situation de travail.
Source : Gouvernement australien (2017[16]), Australian Apprenticeships, www.australianapprenticeships.gov.au.
États‑Unis
Les formations en alternance reconnues peuvent être fondées sur les compétences ou hybrides (certaines prennent en compte le temps passé). Dans les systèmes fondés sur les compétences, les alternants peuvent achever leur formation plus tôt ou prendre du temps en plus pour acquérir les compétences requises. Ces systèmes restent néanmoins soumis à certaines obligations concernant le temps consacré à chaque grand volet de la formation. Les programmes d’alternance hybrides conjuguent le temps passé et la prise en compte des compétences existantes.
Source : DOL (2018[10]), United States Department of Labor ‑ Frequently Asked Questions about the Apprenticeship Program, www.dol.gov/featured/apprenticeship/faqs.
Les employeurs peuvent être défavorables à une réduction de la durée s’ils sont perdants financièrement
Il est possible, dans plusieurs pays, d’adapter la durée de la formation en fonction des besoins individuels, mais il arrive que des obstacles limitent le recours à cette possibilité. Il ressort ainsi d’une étude menée en Australie que la prise en compte des compétences existantes se heurte à la réticence des employeurs. L’aspect financier semble jouer un rôle important : dès lors que la progression est plus rapide, la rémunération doit être majorée plus vite, et si la qualification est acquise plus tôt, l’employeur doit verser un salaire de travailleur qualifié et non plus d’alternant (Clayton et al., 2015[17]). La prise en compte des compétences supprime la période pendant laquelle l’alternant perçoit un salaire correspondant à son statut alors qu’il est très productif, ou en écourte la durée. Or, cette période est essentielle pour l’employeur, car les bénéfices qu’il perçoit alors compensent les coûts enregistrés auparavant, c’est‑à‑dire lorsque l’alternant passe surtout du temps à se former et produit peu.
Les employeurs peuvent être favorables à une réduction de la durée de la formation si cela n’a pas d’incidence sur la rémunération
La situation est différente si l’achèvement accéléré de la formation est sans conséquence sur la rémunération, c’est‑à‑dire si l’alternant qui réussit à son examen de qualification continue de percevoir la rémunération prévue par le contrat initial d’alternance, plus basse que celle d’un travailleur qualifié. Dans ce cas, l’employeur n’a pas de raison de s’opposer à une réduction de la durée de la formation. Cependant, l’intérêt pour les alternants (commencer plus tôt à percevoir la rémunération d’un travailleur qualifié) disparaît en partie du même coup. Il arrive que l’employeur ne s’oppose pas à une réduction de la durée de la formation malgré une augmentation des coûts. C’est par exemple le cas lorsqu’un alternant adulte apprend plus vite, est plus mûr et donc plus productif dans son travail, ce qui compense la différence de coût. Les employeurs cherchent parfois aussi à pourvoir un poste de travailleur qualifié resté vacant et un achèvement accéléré de la formation peut les y aider.
Pour tirer tout le parti possible d’une réduction de la durée, il faut que tous les acteurs y gagnent
L’une des possibilités consiste à laisser faire le marché de la formation en alternance et à permettre à chaque alternant disposant d’une expérience professionnelle pertinente de contacter les employeurs et de négocier un contrat (rémunération, aménagement du temps, etc.) différent du contrat d’alternance standard. Dans les pays où la rémunération des alternants (ou leur salaire minimum) est déterminée collectivement (par branche professionnelle au niveau régional ou national, par exemple), il est possible de définir des conditions particulières pour les alternants qui possèdent une expérience professionnelle pertinente (ce qui peut se traduire par un barème de rémunération des alternants différent, applicable aux formations plus courtes). L’objectif principal est de faire en sorte que le contrat associé à une formation en alternance moins longue présente un intérêt à la fois pour les employeurs et pour les alternants.
Permettre de se présenter à l’examen final de qualification des formations en alternance
Certaines personnes acquièrent par l’expérience professionnelle la majeure partie des compétences demandées aux alternants à la fin de leur formation. Elles ont souvent des lacunes et elles peuvent avoir à compléter leur bagage au moyen de formations ciblées ou à l’aide de documents, de manière à posséder l’ensemble des compétences que les alternants sont censés maîtriser à l’issue d’un parcours standard.
L’examen final que passent les alternants à la fin de leur formation peut être utilisé pour vérifier que ces personnes possèdent les compétences visées et leur permettre d’obtenir leur qualification sans avoir à suivre le programme de formation en alternance.
Les candidats qui n’ont pas suivi le programme, mais qui ont des chances, compte tenu de leur expérience professionnelle, de réussir les épreuves, devraient être autorisés à se présenter à l’examen final sanctionnant la formation des alternants.
Argument n° 1 : les examens organisés en fin de formation en alternance peuvent être utilisés pour valider les compétences quelles que soient les conditions dans lesquelles elles ont été acquises
Certaines personnes possèdent la plupart des compétences visées par un programme de formation en alternance
Pour les adultes qui possèdent la plupart des compétences visées par une formation en alternance, même un programme écourté peut paraître trop long. Il peut leur sembler préférable de compléter leurs compétences et de combler leurs lacunes éventuelles en suivant des formations ciblées pour se préparer, puis de passer un examen pour attester qu’ils ont toutes les aptitudes requises. Parmi les bénéficiaires potentiels figurent les adultes qui ont développé leurs compétences par l’expérience professionnelle, les alternants qui ne sont pas allés au bout de leur formation, les anciens alternants qui ont échoué à l’examen final et les migrants qui ont exercé le métier concerné à l’étranger mais dont la qualification n’est pas reconnue dans leur pays d’accueil.
Plusieurs pays donnent accès à l’examen de fin de formation en alternance
Dans ce cas, il est possible de passer l’examen final de qualification sans avoir à suivre le programme habituel de formation en alternance (ou une version adaptée). Les candidats n’ont alors pas le statut d’alternant, mais ils sont reçus à l’examen qui sanctionne normalement la formation. Cette formule est appliquée surtout dans les pays où les formations en alternance existent depuis longtemps (encadré 4.3), notamment, peut-être, parce que les évaluations y sont normalisées de longue date, ce qui assoit la crédibilité du mécanisme. En Autriche, en 2012, 15 % des reçus aux examens ont obtenu leur qualification en passant directement l’examen final (Dornmayr et al., 2013[18]). En Norvège, en 2015/16, 36 % des qualifications (certificat de travailleur spécialisé) ont été délivrées à l’issue d’un examen présenté sur la base de l’expérience. Dans le cas des adultes de 25 ans et plus, ce type d’examen a représenté 47 % des qualifications accordées (Bratsberg, Nyen et Raaum, 2017[19]). C’est dans les domaines des soins de santé, de la garde d’enfants et de la construction qu’il est le plus courant (plus de 60 % du total) (Norwegian Directorate for Education and Training, 2016[20]). En Allemagne, en 2009, 6 % de l’ensemble des certificats ont été délivrés à des candidats autorisés à passer directement l’examen final. Plus des deux tiers de ces candidats avaient été autorisés à se présenter eu égard à leur expérience professionnelle (BIBB, 2011[21]). En Suisse, en 2015, 3 % des reçus ont passé leur examen final directement, mais dans le cas des adultes (24 ans et plus), les admissions directes ont représenté un quart des qualifications (SEFRI, 2017[22]).
Encadré 4.3. Admission directe aux examens finaux sanctionnant les formations en alternance
Autriche
Les personnes de 18 ans et plus peuvent, sous certaines conditions, se présenter directement à l’examen final sans avoir le statut d’alternant. Pour ce faire, elles doivent avoir une expérience professionnelle pertinente, autrement dit avoir de grandes chances de posséder des compétences semblables à celles des alternants dans la profession concernée. Ces compétences peuvent avoir été acquises au cours de stages, d’une formation en entreprise ou d’une autre expérience pratique, ou dans un cadre scolaire.
Source : Mühlemann, S. (à paraître[14]), Apprenticeship Training for Adults: Theoretical Considerations and Empirical Evidence for Selected OECD Member Countries ; Dornmayr, H. et al. (2013[18]), Lehrabschlussprüfungen in Österreich, www.bmwfw.gv.at/Berufsausbildung/LehrlingsUndBerufsausbildung/Documents/Lehrabschlusspr%C3%BCfung.ibw-%C3%B6ibf%20Zwischenbericht%202013.pdf.
Allemagne
Il est possible de se présenter à l’examen final des programmes ordinaires de formation en alternance sans suivre le programme lui‑même (Externenprüfung). Pour ce faire, il faut avoir travaillé dans la profession concernée pendant une durée égale à une fois et demie celle de la formation en alternance au minimum, et avoir eu des activités qualifiées. Des qualifications scolaires pertinentes peuvent réduire ou remplacer l’expérience professionnelle minimum requise. Les candidats peuvent se préparer seuls aux épreuves (par exemple à l’aide des anales des examens) ou suivre une formation préparatoire.
Source : BMBF (2017[23]), Externenprüfung: Voraussetzungen, Beratung und Vorbereitung, www.perspektive-berufsabschluss.de/de/501.php.
Norvège
Les candidats peuvent obtenir une certification professionnelle fondée sur l’expérience (praksiskandidat) en se présentant à un examen professionnel ou à un examen d’ouvrier qualifié sans suivre de formation en alternance. Le candidat doit faire la preuve qu’il possède toutes les compétences qui sont requises dans le domaine et font partie des objectifs du programme. La durée de l’expérience professionnelle du candidat dans le domaine doit être équivalente à celle de la formation en alternance majorée de 25 % et le candidat doit réussir un examen théorique. Les enseignements suivis auparavant dans le domaine sont considérés comme une formation pratique.
Source : Norwegian Centre for International Cooperation in Education (SIU) (2016[24]), « Vocational education and training in Europe – Norway », Cedefop ReferNet VET in Europe reports, http://libserver.cedefop.europa.eu/vetelib/2016/2016_CR_NO.pdf ; Norwegian Directorate for Education and Training (2016[20]), Skoleporten, http://skoleporten.udir.no/rapportvisning/fag-og-yrkesopplaering/laeringsresultater/.
Suisse
Les adultes disposant d’une expérience professionnelle pertinente peuvent se présenter à l’examen final de qualification d’une formation en alternance. Une expérience professionnelle de cinq ans est nécessaire, la durée minimale consacrée à l’exercice du métier concerné, sur ces cinq ans, étant fonction du domaine professionnel. Il existe des variations entre professions, mais il faut en général avoir exercé le métier visé pendant trois ans au minimum. Les cantons fournissent aux candidats des conseils sur la préparation de l’examen et des formations préparatoires sont assurées dans certains métiers. Quel que soit le métier, les adultes peuvent bénéficier d’une formation complémentaire dispensée par des écoles professionnelles ou des centres de formation interentreprises.
Source : SEFRI (2017[22]), Certification professionnelle pour adultes, www.berufsbildungplus.ch/berufsbildungplus/berufsbildung/einstieg/erwachsene.html.
La délivrance de qualifications hors programme de formation obligatoire doit impérativement s’appuyer sur des évaluations rigoureuses
Lorsqu’une qualification est délivrée sans qu’il soit nécessaire de suivre un programme de formation, sa valeur sur le marché de l’emploi est fonction de la crédibilité des évaluations. Il n’est pas aisé de concevoir et de mettre en œuvre des évaluations valables et fiables, car les emplois qualifiés exigent une très large palette de compétences et de connaissances (voir le chapitre 5 au sujet des évaluations dans les formations en alternance). Dans la pratique, mesurer tous les acquis peut se révéler très difficile, de sorte qu’il est souhaitable d’envisager d’autres outils permettant de vérifier les compétences des candidats (comme la durée et le contenu de l’expérience en situation de travail et des formations suivies), au moins en complément d’un examen, qui ne permet jamais de tout passer en revue.
Argument n° 2 : ces outils peuvent aider les adultes à obtenir une qualification professionnelle
L’accès à un examen final peut offrir une deuxième chance aux adultes peu qualifiés
En Norvège, les deux tiers des personnes ayant obtenu une qualification EFP en passant un examen sur la base de leur expérience professionnelle entre 1998 et 2015 n’avaient pas au préalable de diplôme du deuxième cycle du secondaire. Il ressort en outre d’une étude que celles qui se sont présentées à des examens sur la base de leur expérience avaient un profil socio‑économique similaire à celui des adultes qui n’ont pas fait d’études secondaires du second cycle. Inversement, les adultes qui ont suivi un programme classique de formation en alternance avaient un profil socio‑économique semblable à celui des jeunes qui avaient fait de même. L’analyse des données recueillies sur près de vingt ans indique que les examens passés sur la base de l’expérience permettent donc de réduire les inégalités devant l'enseignement (Bratsberg, Nyen et Raaum, 2017[19]).
La possibilité de se présenter directement aux examens finaux peut éviter d’avoir à suivre une formation en alternance classique
La possibilité de se présenter directement aux examens finaux constitue une solution très souple pour obtenir une qualification délivrée normalement à l’issue d’une formation en alternance. Par exemple, on peut avoir un contrat de travail ordinaire (et non pas un contrat d’alternant) et préparer l’examen en se formant en situation de travail ou en dehors du travail (formations préparatoires, par exemple). Cette formule peut convenir au profil et aux besoins des apprenants adultes et de leurs employeurs : si former un adulte en passant par l’alternance ne semble pas intéressant aux employeurs, il peut être préférable de donner accès à l’examen final et de proposer, parallèlement, une formation préparatoire. Ce principe peut en particulier répondre aux attentes des adultes en quête d’une qualification professionnelle dans les pays où le système de formation en alternance est conçu pour satisfaire les besoins des jeunes alternants. Cette voie de substitution à la qualification délivrée à l’issue d’une formation en alternance s’appuie sur la même dynamique que les formations en alternance ordinaires dans les pays où la plupart des alternants sont adultes. Dans les pays concernés, la rémunération des alternants est en général plus élevée et dépasse parfois le salaire minimum. Par exemple, au Royaume‑Uni, elle est beaucoup plus proche de celle des travailleurs non qualifiés dans le cas des alternants de 18 ans ou moins et équivaut au salaire minimum dans celui des alternants de plus de 19 ans ; au Canada, elle est supérieure au salaire minimum (Mühlemann, à paraître[14]).
Conclusion
Consacré à la durée des formations en alternance, ce chapitre montre qu’elle devrait tenir compte de la complexité des compétences à acquérir et des caractéristiques des personnes en formation. Elle a une importance pour les alternants, les employeurs et l’État, et aussi bien la clarté que la souplesse en la matière sont bénéfiques. Cette durée doit être adaptée à la panoplie de compétences visées et s’appuyer sur une analyse des coûts et des avantages pour l’employeur et pour l’alternant : si elle est trop courte, la formation en alternance ne suscite pas l’intérêt du premier ; si elle est trop longue, elle rebute les alternants. Faire participer les partenaires sociaux à la conception des formations en alternance peut aider à trouver un équilibre entre les intérêts des uns et des autres. En ce qui concerne les jeunes alternants, la formation en alternance fait partie de leur formation initiale, et l’enseignement général y occupe habituellement une place importance par rapport à l’enseignement de compétences techniques. Pour leur part, les adultes, notamment les nouveaux migrants, jouissent déjà souvent d’une formation classique étoffée ou d’une expérience professionnelle pertinente, qui doivent être reconnues. Des pays ont mis en place des mécanismes pour écourter la formation en alternance de ces publics ou leur permettre de se présenter directement aux examens finaux de qualification. Lorsqu’ils s’appuient sur des évaluations solides, ces mécanismes renforcent l’équité et l’efficacité des systèmes de formation en alternance.
Références
[21] BIBB (2011), Datenreport zum Berufsbildungsbericht 2011 [Rapport de données associé au Rapport 2011 sur la formation professionnelle], Bundesinstitut für Berufsbildung [Institut fédéral pour la formation professionnelle], Bonn, https://datenreport.bibb.de/media2011/Datenreport_2011.pdf.
[4] BMBF (2017), Berufsbildungsbericht 2017, Bundesministerium für Bildung und Forschung [Rapport 2017 sur la formation professionnelle, Ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche], https://www.bmbf.de/pub/Berufsbildungsbericht_2017.pdf.
[25] BMBF (2017), Duale Berufsausbildung Sichtbar Gemacht, Ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche, Bonn, http://www.bmbf.de/pub/Duale_Berufsausbildung_sichtbar_gemacht_Broschuere.pdf.
[23] BMBF (2017), Externenprüfung: Voraussetzungen, Beratung und Vorbereitung, http://www.perspektive-berufsabschluss.de/de/501.php.
[3] BMBF (2008), Berufsbildungsbericht 2008, Bundesministerium für Bildung und Forschung [Rapport 2017 sur la formation professionnelle, Ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche], https://www.bmbf.de/pub/Berufsbildungsbericht_2008.pdf.
[19] Bratsberg, B., T. Nyen et O. Raaum (2017), Fagbrev i voksen alder (Vocational Qualifications in Adulthood), https://www.idunn.no/spa/2017/01-02/fagbrev_i_voksen_alder.
[17] Clayton, B. et al. (2015), Competency Progression and Completion: How is the Policy Being Enacted in Three Trades?, https://www.ncver.edu.au/research-and-statistics/publications/all-publications/competency-progression-and-completion-how-is-the-policy-being-enacted-in-three-trades.
[13] Danish Ministry of Higher Education and Science (MHES) (2017), Admission to Vocational Education and Training (VET), https://ufm.dk/en/education/recognition-and-transparency/recognition-guide/admission-vet.
[18] Dornmayr, H. et al. (2013), Lehrabschlussprüfungen in Österreich [Les examens de fin d’apprentissage en Autriche, Institut de recherche sur les qualifications et la formation dans l’économie autrichienne, Institut autrichien de recherche sur la formation professionnelle], https://www.bmwfw.gv.at/Berufsausbildung/LehrlingsUndBerufsausbildung/Documents/Lehrabschlusspr%C3%BCfung.ibw-%C3%B6ibf%20Zwischenbericht%202013.pdf.
[26] Eurydice (2018), Germany. Organisation of Vocational Upper Secondary Education, https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/organisation-vocational-upper-secondary-education-20_en (consulté le 12 février 2018).
[16] Gouvernement de l'Australie (2017), Australian Apprenticeships, http://www.australianapprenticeships.gov.au (consulté le 30 août 2017).
[7] Hoeckel, K. et R. Schwartz (2010), OECD Reviews of Vocational Education and Training: A Learning for Jobs Review of Germany 2010, Examens de l'OCDE sur l'éducation et la formation professionnelles, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264113800-en.
[15] Jones, D. et R. Lerman (2017), Starting a Registered Apprenticeship Program, Urban Institute, https://innovativeapprenticeship.org/wp-content/uploads/2017/06/Employer-Guide_June-2017.pdf.
[1] Knight, B. et T. Karmel (2011), « Apprenticeships and traineeships in Australia », dans Dolphin, T. et T. Lanning (dir. pub.), Rethinking Apprenticeships, Institute for Public Policy Research, Londres, https://www.ippr.org/files/images/media/files/publication/2011/11/apprenticeships_Nov2011_8028.pdf.
[11] Kuczera, M. (2017), « Striking the right balance: Costs and benefits of apprenticeship », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, no. 153, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/995fff01-en.
[9] Kuczera, M. et S. Field (2018), Apprenticeship in England, United Kingdom, Examens de l'OCDE sur l'éducation et la formation professionnelles, Éditions OCDE, Paris, http://dx.doi.org/10.1787/9789264298507-en.
[6] Mühlemann, S. (2016), « The cost and benefits of work-based learning », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, no. 143, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jlpl4s6g0zv-en.
[14] Mühlemann, S. (à paraître), Apprenticeship Training for Adults: Theoretical Considerations and Empirical Evidence for Selected OECD Member Countries.
[24] Norwegian Centre for International Cooperation in Education (SIU) (2016), « Vocational education and training in Europe – Norway », Cedefop ReferNet VET in Europe reports 2016, http://libserver.cedefop.europa.eu/vetelib/2016/2016_CR_NO.pdf.
[20] Norwegian Directorate for Education and Training (2016), Skoleporten, http://skoleporten.udir.no/rapportvisning/fag-og-yrkesopplaering/laeringsresultater/ (consulté le 16 septembre 2016).
[8] Norwegian Directorate for Education and Training (2011), Fag- og timefordelingen i grunnopplæringen Kunnskapsløftet, http://www.udir.no/Upload/Rundskriv/2011/Udir-1-2011-Fag-ogtimefordeling_des2011.pdf.
[2] Powell, A. (2018), « Apprenticeship statistics: England », Briefing Paper, no. 06113, House of Commons Library, http://researchbriefings.parliament.uk/ResearchBriefing/Summary/SN06113#fullreport.
[5] Schlögl, P. et M. Mayerl (2016), Betriebsbefragung zu Kosten und Nutzen der Lehrausbildung in Österreich. Teilbericht im Rahmen der ibw-öibf-Studie. Hintergrundanalyse zur Wirksamkeit der betrieblichen Lehrstellenförderung (gemäß §19c BAG) [Enquête auprès des entreprises autrichiennes sur les coûts et avantages de la formation en apprentissage, Institut autrichien de recherche sur la formation professionnelle], öibf, Vienne, http://www.bmwfw.gv.at/Berufsausbildung/Ingenieurwesen/Documents/endbericht_betriebsbefragung_oeibf.pdf.
[22] SEFRI (2017), La certification professionnelle pour adultes, Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation, Berne, http://www.berufsbildungplus.ch/fr/berufsbildungplus/berufsbildung/grundbildung/berufsabschluss-erwachsene.
[12] Solas (2016), Apprenticeship: Real life Learning, http://www.apprenticeship.ie (consulté le 12 février 2018).
[10] United States Department of Labor (DOL) (2018), United States Department of Labor - Frequently Asked Questions about the Apprenticeship Program, http://www.dol.gov/featured/apprenticeship/faqs (consulté le 5 mars 2018).
Note
← 1. Les apprentis passent au moins douze heures par semaine dans une école professionnelle (Eurydice, 2018[26]) , dont un tiers est consacré à l’enseignement général (BMBF, 2017[25]).