La transformation numérique est complexe et évolue rapidement. Les décisions se prennent de plus en plus fréquemment dans un climat d’incertitude quant aux mutations à venir, numériques ou autres. Le présent rapport met en évidence la nécessité de collaborer avec un large éventail de parties prenantes et de coordonner l’action en transcendant les silos et les niveaux d’administration pour tendre vers des politiques jetant les bases d’un avenir numérique inclusif et pérenne. Si des progrès ont été réalisés dans la prise en charge des questions les plus urgentes et épineuses auxquelles les pouvoirs publics sont aujourd’hui confrontés, des travaux doivent encore être menés afin de mieux appréhender certaines problématiques complexes et bâtir des cadres d’action résilients. À cela s’ajoutent de nouvelles questions qui ne manqueront pas d’occuper une place importante dans la future stratégie numérique mondiale.
Vers le numérique : Forger des politiques au service de vies meilleures
Chapitre 10. Définir une stratégie numérique pour l’avenir
Une stratégie numérique pour l’avenir
La stratégie numérique pour l’avenir doit tenir compte de ces questions de fond nouvelles et délicates pour donner corps au potentiel considérable que revêtent les technologies numériques en termes de croissance et de bien-être. Elles vont de l’évolution de la dynamique de la concurrence, à la protection de la vie privée à l’ère du numérique, en passant par les données et les flux transfrontières de données, les inégalités et la transformation numérique, ou encore l’avenir de l’entreprise, la démocratie à l’ère de l’information, la mesure de la transformation numérique, et d’autres thématiques qui seront abordées dans le cadre de la deuxième phase du projet « Vers le numérique » et au-delà1.
Évolution de la dynamique de la concurrence
Les entreprises recourent de plus en plus fréquemment à des actifs incorporels numériques qui peuvent être reproduits facilement et à moindre coût. Certaines, en particulier celles opérant des plateformes électroniques, affichent des effets de réseau directs et indirects conséquents. D’aucuns estiment que lorsque des entreprises numériques allient à ces effets des économies d’échelle et de gamme et des coûts marginaux extrêmement réduits, il s’ensuit inexorablement une dynamique du « presque tout au gagnant », où les marchés comptent tout au plus une poignée de grands acteurs. Ce changement de paradigme a des incidences non seulement sur la concurrence, l’innovation, la diffusion des technologies et les inégalités, mais aussi sur la croissance et la cohésion sociale. De telles situations soulèvent un certain nombre de questions, notamment :
Les outils utilisés traditionnellement pour évaluer les abus de position dominante sont-ils adaptés à l’ère du numérique ? En particulier, les autorités de la concurrence s’intéressent généralement à la part de marché et aux indicateurs de pouvoir de marché, en observant notamment les prix. Dans la mesure où les produits incorporels et les services numériques sont souvent proposés à titre gratuit, de tels critères pourraient perdre de leur pertinence.
Les régimes de droits de propriété intellectuelle (DPI) existants devraient-ils être revus, notamment par les institutions et organismes spécialisés (comme par exemple l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) ? Un réexamen permettrait de s’assurer que les DPI soient suffisamment incitatifs pour favoriser l’innovation et n’entravent pas indûment la diffusion des technologies dans la société, et que le maintien de la protection du droit fondamental inhérent aux brevets ne serve pas dans une optique d’exclusion (via le refus sans condition de concéder une licence sur un brevet valide).
Les données confèrent-elles un pouvoir de marché ? La puissance accrue de l’analytique des données et l’éventail de données susceptibles d’être collectées permettent-ils aux acteurs dominants de renforcer leur avantage compétitif au détriment des nouveaux entrants et des autres acteurs ? Les questions quant aux opportunités pour les petites et moyennes entreprises de prospérer et à la façon dont il est possible d’en tirer le meilleur parti sont également importantes à cet égard.
Quelles incidences le caractère multiface de certains marchés peut-il avoir sur la compréhension de la dynamique de la concurrence ou de ce qu’est une position dominante ? Par exemple, il peut être difficile d’identifier le marché concerné lorsque des entreprises opèrent sur plusieurs faces de ce marché et sont également en mesure de subventionner la croissance sur l’une quelconque des faces.
Protection de la vie privée à l’ère du numérique
La quantité, la diversité et le niveau de détail croissants des données collectées sur les activités des individus et leurs relations, ainsi que la capacité grandissante de l’analytique des données de fournir des éclairages sur les préférences et les comportements des individus, suscitent des inquiétudes quant au respect de la vie privée et aux risques d’asymétrie des informations. Les pouvoirs publics des pays de l’OCDE reconnaissent le respect de la vie privée comme une valeur fondamentale (OCDE, 2013[1]) et ont défini des principes de protection et des cadres pour la collecte et la gestion des données nominatives. Toutefois, des obstacles restent à surmonter avant de parvenir à une mise en œuvre pleine et entière de plusieurs de ces principes, ce qui soulève des questions quant aux moyens de protéger au mieux la vie privée à l’ère du numérique :
Comment les dispositions relatives à la protection de la vie privée peuvent-elles être adaptées de manière à mieux répondre aux inquiétudes des acteurs de l’internet ? En particulier, comment les politiques publiques peuvent-elles aider à gérer le phénomène dit du « paradoxe de la vie privée », selon lequel les individus se disent inquiets et préoccupés par les publicités personnalisées, mais ne modifient pas leurs paramètres de confidentialité lorsqu’ils ont l’opportunité de le faire (Commission européenne, 2015[2] ; Acquisti, Brandimarte et Loewenstein, 2015[3] ; Barth et de Jong, 2017[4]) ?
Comment faire en sorte que les conditions d’utilisation informent au mieux les internautes et leur donnent les moyens de contrôler l’utilisation de leurs données à caractère personnel ? Par exemple, la plupart des applications numériques exigent des utilisateurs qu’ils acceptent les conditions générales d’utilisation, alors qu’il est avéré que celles-ci ne constituent pas un moyen efficace de communiquer les informations importantes aux consommateurs (voir chapitre 7). De plus, même si les consommateurs sont bien informés quant à l’utilisation des données les concernant, ils risquent de se retrouver face à une seule alternative : accepter des conditions qu’ils désapprouvent pour utiliser le service souhaité, ou renoncer purement et simplement au service.
Comment les régimes de protection de la vie privée peuvent-ils gérer les problématiques que l’analytique des données – et la corrélation de sources de données disparates – posent en termes de protection des données ? Le fait de lier des ensembles de données volumineux facilite l’attribution (ou la réattribution) des données aux individus, même si elles ont été préalablement anonymisées et sont stockées dans des bases de données distinctes (OCDE, 2015[5]). Reste à savoir si ces données déduites ou observées peuvent être considérées comme présentant un caractère personnel ou comme « nominatives », et relèvent par conséquent des cadres de protection de la vie privée (OCDE, 2013[6]).
Inégalités et transformation numérique
La transition numérique offre un potentiel considérable afin d'apporter des changements positifs à l'ensemble de l'économie. Par exemple, les technologies numériques facilitent l’accès à de nouveaux marchés et la création d’entreprises. Elles permettent également à des groupes dits « marginalisés » (en particulier les personnes vivant dans des zones reculées) d’accéder à un éventail plus large de biens et de services – y compris à des services éducatifs, médicaux et financiers. Elles aident également les pouvoirs publics et les entreprises à accroître leur réactivité face aux citoyens et aux consommateurs. Parallèlement, la transformation numérique pourrait avoir des conséquences sociales indésirables, telles que le creusement des inégalités, soulevant par là même un certain nombre de questions qu’il convient de traiter :
Dans quelle mesure les inégalités salariales vont-elles se creuser du fait des évolutions technologiques, qui jouent en faveur de la main-d’œuvre qualifiée ? La transformation numérique pourrait accroître la demande relative de travailleurs très qualifiés et contribuer à la polarisation des emplois, à mesure que les emplois répétitifs disparaissent, les principales victimes étant les travailleurs dotés de qualifications faibles ou intermédiaires. Dans le même temps, les données disponibles font apparaître une augmentation limitée des salaires les plus élevés, plutôt qu’une hausse généralisée des salaires des travailleurs très qualifiés.
Quel est l’impact de la transformation numérique et des échanges avec les pays à faible revenu sur la part du travail et les inégalités salariales ?
Données et flux transfrontières de données
Les données représentent une ressource de plus en plus essentielle à la prospérité des économies et des sociétés (voir chapitre 1). Or, pour que les individus, les entreprises et les pouvoirs publics en tirent pleinement parti, un éventail de questions importantes restent à analyser et traiter :
Comment distinguer les différents types de données collectées et utilisées ? Il pourrait être nécessaire d’élaborer des taxinomies de données pour les diverses finalités : protection des données à caractère personnel (contrôle), gouvernance et échanges de données (flux transfrontières de données). Une question se pose alors : comment ces taxinomies s’imbriquent-elles lorsque des questions de fond transcendent différents domaines ?
Comment mesurer la valeur des (différents types de) données et les flux transfrontières connexes ? Il sera essentiel de répondre à cette question pour comprendre, et si nécessaire diriger, l’évolution des marchés de données et optimiser le potentiel des données à l’appui de la production et des chaînes de valeur. Elle s’avère également pertinente dans le contexte de la fiscalité internationale, où l’identification et la mesure de la création de valeur représentent un enjeu important pour les pouvoirs publics.
Comment définir des stratégies nationales en matière de données qui libèrent le potentiel des données tout en préservant efficacement les valeurs fondamentales comme le respect de la vie privée et la protection des données à caractère personnel, ainsi que les DPI, afin de tendre vers un contrat social numérique ?
Avenir de l’entreprise
La transformation numérique ouvre la voie à des réductions de coûts, qu’il s’agisse des coûts de transaction (liés par exemple à la recherche d’informations fiables, à la négociation de tarifs et de contrats, ou au suivi et à l’exécution des contrats) ; des coûts inhérents à la reproduction et au transport des produits numériques ; ou des coûts liés à la vérification de l’identité et de la réputation des acteurs économiques. À mesure que ces coûts décroissent, des modèles économiques et des structures organisationnelles nouveaux émergent. D’importantes questions se font jour dans ce contexte, notamment :
Comment les modèles organisationnels et les frontières entreprise/marché évoluent-ils à mesure que les produits, les processus et les marchés se tournent vers le numérique ? Par exemple, là où les entreprises préfèrent généralement la production à l’achat lorsque les informations et les prix des intrants sont incertains (Coase, 1937[7]), les plateformes électroniques facilitent l’achat au détriment de la production en fournissant plus d’informations sur les prix, les produits et les fournisseurs que par le passé.
Quelles incidences l’évolution des structures organisationnelles a-t-elle sur les marchés du travail et des produits ? Si les entreprises se muent progressivement en réseaux agiles, elles pourraient éprouver plus de facilité à affecter (ou réaffecter) les ressources, changer d’échelle, pénétrer des marchés ou en sortir, y compris à l’échelle internationale. Selon le cadre d’action en place, cela pourrait avoir des incidences plus larges sur l’environnement économique et la dynamique des marchés, ainsi que sur la forme du travail dans les entreprises et/ou sur les marchés de demain.
Quelles sont les incidences plus larges de l’évolution de l’organisation des entreprises et des marchés sur la société et le bien-être ? L’augmentation de la fluidité des marchés et de l’agilité des entreprises pourrait favoriser les travailleurs plus mobiles et flexibles, y compris d’un pays ou territoire à un autre, alors que nombre d’entre eux pourraient préférer un environnement stable et prévisible, notamment au sein des communautés locales. Quels sont les meilleurs moyens de doter les individus des compétences dont ils ont besoin pour réussir, et quelles problématiques sociales plus larges pourraient voir le jour, en lien par exemple avec les politiques de redistribution et de prestations sociales ?
Démocratie à l’ère de l’information
Les technologies numériques permettent une diffusion des informations plus rapide et plus large (que ce soit en termes de public ou de couverture géographique), mais ces informations peuvent être inexactes ou prêter à confusion. Le caractère de plus en plus ubiquitaire des technologies numériques comme les smartphones ouvre la voie à des connexions sociales, politiques et civiques plus nombreuses et variées entre les institutions et les individus. Ce qui fait naître une incertitude : même si les sociétés adoptent rapidement le numérique, les normes et les valeurs régissant les comportements en ligne sont encore en pleine évolution. Enfin, des inquiétudes légitimes demeurent sur l’utilisation des données à caractère personnel à des fins de ciblage des messages politiques, soulevant par là même des interrogations quant à l’impact des technologies numériques et des données sur la démocratie, en particulier :
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils susciter la confiance dans les institutions à l’ère du numérique ? On observe au fil du temps une diminution de la confiance du public à l’égard des administrations nationales des pays de l’OCDE (OCDE, 2017[8]), mais la corrélation entre, d’une part, cette tendance et, d’autre part, l’utilisation des technologies numériques et la consommation des informations, n’est pas clairement établie.
Comment mieux faire face à la propagation de la désinformation à l’ère du numérique ? Dans certains pays ont été menées des campagnes délibérées visant à diffuser sur l’internet des informations fallacieuses ou fausses dans le but explicite d’influer sur le processus démocratique, mais leur efficacité ou leur impact n’est pas bien compris(e). Les progrès des techniques de modification de photographies et de fichiers audio et vidéo pourraient donner encore plus de puissance à ces campagnes.
Comment les individus, les pouvoirs publics et les entreprises promeuvent-ils les valeurs fondamentales et développent-ils de nouvelles normes culturelles à une époque marquée par des évolutions culturelles impulsées par le numérique ? Les modes d’interactions entre les individus ont fondamentalement changé, sans que l’on ait convenu de normes sur la conduite des débats publics en ligne. Sur l’internet, par exemple, le contrôle de l’application des lois régissant la liberté d’expression dépend, au moins partiellement, d’entreprises privées, ce qui soulève une double question : les acteurs privés devraient-ils gouverner les débats menés dans des espaces publics et, le cas échéant, dans quelle mesure ?
Mesure de la transformation numérique
Si la nature mondiale et réticulaire de la transformation numérique remet en cause les cadres de mesure, l’utilisation de données granulaires au niveau des entreprises est à même de compléter les statistiques traditionnelles (issues notamment des enquêtes nationales), en particulier pour les nouvelles activités fondées sur le numérique, qui n’existaient pas lorsque les cadres de mesure conventionnels ont été mis en place. En outre, il est probable que les cadres statistiques nationaux ne permettent pas de mesurer la plupart des bienfaits de la transformation numérique sur le bien-être, ce qui pourrait être à l’origine de biais (par exemple, la faible croissance de la productivité pourrait empêcher de voir les gains en matière de bien-être induits par les technologies numériques). Chercheurs et décideurs doivent dès lors examiner les questions suivantes :
Comment mesurer et suivre les nouvelles activités fondées sur le numérique, telles que le commerce électronique, les services infonuagiques et l’internet des objets, lorsque leur provenance peut être incertaine ? Cette question pourrait s’avérer d’autant plus complexe qu’il devient de plus en plus difficile d’opérer une distinction entre les activités numériques et les activités analogiques.
Comment les cadres statistiques peuvent-ils capitaliser au mieux sur les données à l’ère du numérique, en particulier si celles-ci sont aux mains d’acteurs privés ? La transformation numérique pourrait ouvrir la voie à l’élaboration de nouvelles mesures indirectes ou à des évolutions et des améliorations de l’efficience des méthodes conventionnelles de collecte de données.
Quelle devrait être l’évolution des indicateurs et des cadres statistiques traditionnels à l’ère du numérique ? Par exemple, la transformation numérique permet d’établir davantage de connexions transfrontières, compliquant ainsi l’attribution des activités économiques à des juridictions particulières.
Comment mieux mesurer les répercussions des technologies numériques sur le bien-être, en particulier en l’absence de prix convenables, et comment faire en sorte que les outils de mesure fondamentaux les reflètent plus fidèlement ?
Comment la communauté internationale peut-elle optimiser la mise en œuvre de la feuille de route pour la mesure de la transformation numérique (OCDE, 2019[9]) ?
Renforcement de la confiance dans les pouvoirs publics
Les technologies numériques promettent d’améliorer le bien-être sociétal et d’aider à rebâtir la confiance dans les pouvoirs publics. Les stratégies numériques des gouvernements sont à même de favoriser l’engagement civique, tandis que les nouveaux outils fondés sur les données peuvent renforcer la réactivité des secteurs public comme privé, en aidant à adapter les services aux besoins des individus, par exemple dans l’offre de soins de santé. Mettre ce potentiel au service d’une plus grande inclusivité nécessite de réduire les fractures numériques, de partager plus largement les opportunités qu’offre la transformation numérique et de mieux gérer les risques, notamment pour ce qui est des incidences sur les marchés du travail et de l’accès aux soins de santé. Les principaux défis à relever sont les suivants :
Comment l’offre de biens et de services publics peut-elle évoluer pour intégrer les risques et les exigences qui se font jour en termes de protection et d’autonomisation ? Si les effets de la transformation numérique sont globalement positifs, les coûts et les risques potentiels pourraient être inégalement répartis entre les générations (revenus et stabilité de l’emploi), les régions (les avantages les plus marqués allant aux grandes zones urbaines bien connectées, du fait des effets d’agglomération) et les professions (exposition au risque d’automatisation).
Dans quelle mesure la transformation numérique modifie-t-elle les attentes des citoyens à l’égard des pouvoirs publics ? Pour reconquérir la confiance du public, les administrations doivent comprendre l’évolution des besoins des individus et la façon dont les politiques publiques peuvent y répondre de manière optimale. Les pouvoirs publics doivent en outre appréhender la manière dont les technologies numériques remodèlent la perception, les croyances, les valeurs et les normes qui lient les sociétés et conditionnent le soutien aux systèmes prélèvements-prestations.
Dans quelle mesure l’engagement civique peut-il donner lieu à l’émergence de processus décisionnels plus inclusifs ? Les technologies numériques peuvent favoriser la participation des citoyens à tous les stades du cycle des politiques, notamment aux phases de conception et de mise en œuvre, mais il importe de s’assurer qu’un tel engagement soit inclusif afin d’éviter de creuser les fractures numériques existantes, voire d’en créer de nouvelles.
Phase 2 du projet « Vers le numérique » et suite des travaux
Alors que de nombreuses questions restent sans réponse, l’OCDE entend poursuivre ses travaux, en 2019-20, dans le cadre de la deuxième phase de son projet « Vers le numérique ». Cette nouvelle phase sera l’occasion d’étudier des dimensions particulières du projet et d’explorer de nouvelles pistes d’analyse et de recherche sur les politiques, notamment pour ce qui est des incidences de deux technologies émergentes : la technologie des chaînes de blocs et l’intelligence artificielle.
Autre composante des travaux qui seront menés sous l’égide du projet « Vers le numérique », les examens par pays de la transformation numérique visent à évaluer les performances des pays et leur degré de préparation face à l’avenir numérique. Ces examens s’appuient sur le Cadre d’action intégré sur la transformation numérique (OCDE, à paraître[10]), qui constitue l’épine dorsale du projet et structure la plupart des résultats de synthèse, dont le présent rapport et son document d’accompagnement, Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future. Le cadre devrait être réexaminé afin de s’assurer qu’il demeure un guide pertinent et utile à l’appui de la conception et de la mise en œuvre des politiques à l’ère du numérique.
Au cours de cette phase 2 du projet « Vers le numérique », on approfondira par ailleurs les travaux sur les plateformes électroniques. On pourra à ce titre se concentrer sur certaines grandes questions de fond y afférentes, telles que l’évolution de la nature de la concurrence mondiale sur les marchés des plateformes, ainsi que les problématiques connexes sur l’interface avec les politiques régissant la protection de la vie privée, la fiscalité et la protection des consommateurs. Autres questions importantes qui seront étudiées : quelle devrait être la physionomie du paysage concurrentiel et comment les décideurs peuvent se préparer au mieux à affronter les nouveaux défis ? Sans compter les enjeux, pour l’action des pouvoirs publics, des effets des plateformes électroniques sur la santé humaine, du filtrage pour satisfaire aux normes privées et/ou publiques, ou encore de l’utilisation abusive des plateformes en ligne pour diffuser de fausses informations et mettre à mal les processus démocratiques.
Enfin, on s’attellera à l’élaboration de la Boîte à outils sur la transformation numérique, qui permettra aux utilisateurs de manipuler de manière interactive les indicateurs sur la transformation numérique et d’accéder à des conseils pratiques sur la mise en œuvre des politiques, à la faveur notamment d’approches innovantes et d’exemples. Deux domaines potentiellement prometteurs seraient intéressants à étudier :
L’expérimentation des politiques. Les modèles économiques des entreprises du numérique pourraient ne pas être couverts par les cadres d’action et de réglementation, mais il peut être difficile d’élaborer de nouveaux cadres dans un monde numérique en rapide évolution. Les pays et territoires de la zone OCDE et au-delà expérimentent de nouvelles approches réglementaires – des réglementations à caractère anticipatif, fondées sur les résultats ou flexibles, jusqu’aux bacs à sable réglementaires. Les travaux à venir sur la boîte à outils consisteront à évaluer ces approches réglementaires et intégrer des pratiques innovantes en matière d’élaboration des politiques.
Systèmes d’éducation et de formation. Les compétences sont apparues comme une composante transversale majeure, qui influe tant sur l’utilisation des technologies numériques, que sur le travail à l’ère du numérique et la capacité à jouer un rôle adapté dans la société numérique. Pour autant, les pays cherchent activement des moyens de concevoir des mécanismes pour renforcer les compétences non seulement dans le cadre des systèmes d’enseignement et de formation structurés, mais aussi tout au long de la vie. L’examen des approches adoptées dans les pays de l’OCDE et au-delà aurait pour objet de recenser des programmes et des outils spécifiques mis en place pour favoriser le développement des compétences et d’en tirer les enseignements.
Références
[3] Acquisti, A., L. Brandimarte et G. Loewenstein (2015), « Privacy and human behavior in the age of information », Science, vol. 347, n° 6221, pp. 509-514, http://dx.doi.org/10.1126/science.aaa1465.
[4] Barth, S. et M. de Jong (2017), « The privacy paradox: Investigating discrepancies between expressed privacy concerns and actual online behavior – A systematic literature review », Telematics and Informatics, vol. 34, n° 7, pp. 1038-1058, http://dx.doi.org/10.1016/j.tele.2017.04.013.
[7] Coase, R. (1937), « The nature of the firm », Economica, New Series, vol. 4, n° 16, pp. 386-405, https://www.jstor.org/stable/2626876?seq=1#page_scan_tab_contents.
[2] Commission européenne (2015), Data Protection, Special Eurobarometer 431, Union européenne, Bruxelles, http://ec.europa.eu/commfrontoffice/publicopinion/archives/ebs/ebs_431_en.pdf.
[9] OCDE (2019), Measuring the Digital Transformation: A Roadmap for the Future, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264311992-en.
[8] OCDE (2017), Panorama des administrations publiques 2017, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/gov_glance-2017-fr.
[5] OCDE (2015), Data-Driven Innovation: Big Data for Growth and Well-being, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264229358-en.
[6] OCDE (2013), « Privacy Expert Group report on the review of the 1980 OECD Privacy Guidelines », Documents de travail de l'OCDE sur l'économie numérique, n° 229, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5k3xz5zmj2mx-en.
[1] OCDE (2013), Recommandation du Conseil concernant les Lignes directrices régissant la protection de la vie privée et les flux transfrontières de données de caractère personnel, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/public/doc/115/115.fr.pdf.
[10] OCDE (à paraître), « Going Digital: An integrated policy framework for making the transformation work for growth and well-being », Documents de travail de l'OCDE sur l'économie numérique, Éditions OCDE, Paris.
Note
← 1. D’importantes questions liées à la fiscalité de l’économie numérique sont actuellement étudiées au titre du projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS) et du Cadre inclusif pour la mise en œuvre du projet BEPS (voir chapitre 8).