Études économiques de l'OCDE : Luxembourg 2019

Rapport

Études économiques de l'OCDE : Luxembourg

10 juillet 2019

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Principaux éclairages sur l’action publique

Le Luxembourg est l’une des économies les plus prospères de l’OCDE. Porté par des politiques et des institutions dans l’ensemble saines, le secteur financier reste compétitif et a fait des percées dans de nouveaux domaines, comme les technologies financières et la finance verte. Le dynamisme de la création d’emplois a fait reculer le chômage et permis au Luxembourg d’intégrer de nombreux immigrés, qui ont saisi la possibilité de connaître une vie meilleure et sont devenus une composante essentielle de la population active. Un grand nombre de personnes résidant dans les pays voisins ont également trouvé un emploi au Luxembourg, signe de la forte intégration de l’économie. Enfin, la notation AAA que le pays conserve depuis longtemps et la forte accumulation d’actifs financiers des administrations attestent de la solidité de sa situation budgétaire.

Le bien-être est favorisé par un niveau de revenu élevé, mais repose aussi sur de nombreux autres atouts (graphique 1). La majeure partie de la population jouit d’un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée et entretient des liens sociaux solides. Les logements sont généralement spacieux et bien équipés. Les inégalités de genre sont relativement faibles, en particulier en ce qui concerne les salaires (graphique 2).

Graphique 1. Le niveau de bien-être est élevé dans de nombreux domaines

Indicateur du vivre mieux, position dans le classement des pays (1 à 35), 2017

Graphique 2. Les écarts de salaire et d’emploi entre hommes et femmes sont relativement faibles

En pourcentage, 2017 ou dernière année connue

Cependant, la prospérité économique et la qualité de vie ne sauraient être considérées comme acquises et sont exposées à plusieurs facteurs de risque. Ainsi, d’importantes difficultés sont encore à résoudre en matière d’éducation et de compétences, en partie du fait de la grande diversité de la population résidente. En outre, si la plupart des immigrés trouvent un emploi, ils ont généralement des revenus plus faibles que les individus nés au Luxembourg et ils présentent un risque de pauvreté plus élevé, ce qui fait augmenter le taux de pauvreté de la population dans son ensemble (graphique 3). Mettre en place une éducation plurilingue et donner droit à 20 heures gratuites d’éducation et d’accueil à tous les enfants âgés de 1 à 4 ans constituent des actions intéressantes pour pallier ces difficultés, analysées en détail dans l’Étude économique du Luxembourg de 2017 réalisée par l’OCDE.

Graphique 3. Le risque de pauvreté parmi les immigrés est préoccupant

Pourcentage de la population présentant un risque de pauvreté, personnes âgées de 18 ans et plus, 2017 ou dernière année connue

La présente Étude se concentre sur trois grands défis. Le premier concerne le logement et il est étudié dans le chapitre thématique. La forte croissance de la population et les contraintes pesant sur l’offre ont fait grimper les prix des logements, ce qui a aggravé les problèmes d’accessibilité financière et engendré des vulnérabilités pour certains ménages et pour certaines banques. Le deuxième porte sur la faiblesse de la croissance de la productivité, qui perdure depuis plusieurs années. Le troisième défi consiste à rendre la croissance plus durable et plus inclusive. La qualité de l’environnement s’est dégradée du fait des émissions liées aux transports et des embouteillages imputables aux déplacements domicile-travail transfrontaliers et à l’étalement urbain. Faciliter la participation des seniors au marché du travail est un autre enjeu, notamment parce qu’à politiques publiques constantes, le vieillissement de la population posera des difficultés budgétaires à long terme.

Dans un tel contexte, les trois grands messages à retenir de la présente Étude sont :

Il est essentiel de s’attaquer aux contraintes pesant sur l’offre de logements, comme la rétention de terrain, et d’augmenter l’offre de logements sociaux locatifs pour améliorer l’accession à la propriété.
Afin de redynamiser la croissance de la productivité, il sera nécessaire d’aider les entreprises éloignées de la frontière de productivité à rattraper leur retard, notamment par une montée en puissance du numérique et par le développement des compétences qui l’accompagne, et de soutenir l’innovation des entreprises situées à la frontière.
Des réformes budgétaires visant à pallier la hausse des dépenses au titre des retraites et à accroître l’importance à la fiscalité environnementale et du patrimoine dans les recettes permettraient de renforcer la croissance, l’équité et la soutenabilité.

La croissance a été solide, mais des risques se profilent à l’horizon

Après un léger recul en 2016-17, principalement dû à une évolution décevante du secteur non financier, la croissance du PIB a rebondi en 2018 pour atteindre un niveau supérieur à la moyenne de la zone euro (tableau 1 et graphique 4, partie A). La persistance des effets de la baisse de l’impôt sur le revenu des personnes physiques opérée en 2017, le haut degré de confiance des ménages et le dynamisme du marché du travail ont tous stimulé la consommation privée. Le taux de chômage est tombé à juste un peu plus de 5 %, bien qu’il demeure élevé chez les jeunes (graphique 4, partie B).

Cependant, la croissance du Luxembourg a ralenti à la fin de l’année 2018, comme dans l’ensemble de la zone euro. Les projections moroses de croissance de la zone euro à court terme vont sans doute peser sur les résultats du pays, du fait des relations commerciales et financières étroites qu’il entretient avec ses partenaires de la zone euro (graphique 5). En cas de fléchissement de l’activité économique, les pouvoirs publics devraient laisser jouer les stabilisateurs automatiques et, en cas d’aggravation de la récession, engager une expansion budgétaire contracyclique, en profitant de l’importante marge de manœuvre budgétaire. En s’appuyant sur les mesures récemment prises, continuer d’abaisser la fiscalité du travail pour les niveaux de revenu modestes donnerait à l’économie un coup de fouet à court terme et favoriserait l’inclusivité du marché du travail en diminuant le taux de chômage des travailleurs peu qualifiés.

	2015 Prix courants (Milliards EUR)	2016	2017	2018	2019	2020
Produit intérieur brut (PIB)	51.6	2.4	1.6	2.6	2.0	2.5
Consommation privée	15.9	1.7	3.0	4.2	2.8	3.6
Consommation publique	8.7	2.5	3.5	4.0	4.3	3.2
Formation brute de capital fixe	9.4	10.1	3.9	-2.8	5.5	4.5
Logement	1.6	8.3	0.5	15.3	-8.6	2.5
Demande intérieure finale	33.9	4.1	3.4	2.2	3.9	3.7
Variation des stocks1	0.5	-0.4	-0.5	0.6	-0.6	0.0
Demande intérieure totale	34.4	3.5	2.6	3.3	3.0	3.6
Exportations de biens et services	115.9	3.8	-1.9	4.6	3.8	4.1
Importations de biens et services	98.8	4.5	-2.2	5.1	4.4	4.8
Exportations nettes1	17.1	0.1	-0.1	0.5	0.1	0.1
Autres indicateurs (taux de croissance, sauf indication contraire)
PIB potentiel	. .	2.8	2.8	2.6	2.6	2.6
Écart de production2	. .	-0.7	-1.9	-1.9	-2.6	-2.7
Emploi	. .	2.3	2.8	2.8	2.6	2.6
Taux de chômage	. .	6.3	5.9	5.5	5.2	5.1
Déflateur du PIB	. .	0.9	2.1	3.8	2.8	2.2
Indice des prix à la consommation harmonisé	. .	0.0	2.1	2.0	1.7	1.9
Indice des prix à la consommation sous-jacent harmonisé	. .	1.0	1.4	0.9	1.8	1.9
Taux d'épargne des ménages, net3	. .	13.7	16.5	16.5	18.0	18.1
Solde courant4	. .	5.1	5.0	4.8	4.0	4.2
Solde financier des administrations publiques4	. .	1.9	1.4	2.4	1.9	1.8
Solde sous-jacent des administrations publiques2	. .	2.2	2.4	3.5	3.3	3.3
Solde primaire sous-jacent des administrations publiques2	. .	2.0	2.3	3.3	3.1	3.2
Dette brute des administrations publiques (Maastricht)4	. .	20.7	23.0	21.4	21.7	22.1
Dette nette des administrations publiques4	. .	-49.7	-49.8	-48.0	-47.7	-47.3
Taux du marché monétaire 3 mois, moyenne	. .	-0.3	-0.3	-0.3	-0.3	-0.3
Rendement des obligations d’État à dix ans, moyenne	. .	-0.2	0.5	0.6	0.3	0.4

1. Contributions aux variations du PIB réel.

2. En pourcentage du PIB potentiel sur la base des estimations des élasticités cycliques des impôts et des dépenses réalisées par l'OCDE. Pour plus d'information, voir Perspectives économiques de l'OCDE : Sources et méthodes

3. En pourcentage du revenu disponible des ménages.

4. En % du PIB.

Source : OCDE (2019a), Perspectives économiques de l'OCDE : statistiques et projections (base de données).

Graphique 4. L'évolution macroéconomique est robuste

Les risques sont tant intérieurs qu’extérieurs et ils sont désormais orientés à la baisse (tableau 2). Sur le plan intérieur, la hausse des prix de l’immobilier et de l’endettement hypothécaire a accentué les vulnérabilités sur les marchés d’actifs et dans les secteurs non financiers résidents, les indicateurs révélant un niveau de risque historiquement élevé sur les marchés du crédit et du logement (graphique 6). En conséquence, une chute des prix des logements ou une forte hausse des taux d’intérêt pourrait affecter certains établissements bancaires. À l’extérieur, une montée des tensions commerciales pourrait diminuer la croissance du PIB d’environ 1 point de pourcentage en 2019 (STATEC, 2018b). Les effets du Brexit sont difficiles à prévoir. D’un côté, les perturbations qu’entraînerait un « Brexit dur » seraient préjudiciables au secteur financier, mais de l’autre, certaines entreprises financières ont déjà annoncé la relocalisation de leurs activités au Luxembourg.

Graphique 5. L'essentiel des exportations du Luxembourg est destiné à ses partenaires européens

Part des exportations par secteur et par destination, 2017

Facteur de vulnérabilité	Conséquences possibles	Mesures possibles
Endettement élevé des ménages et hausse des prix de l’immobilier	Une chute brutale des prix de l’immobilier et une forte hausse des taux d’intérêt pourraient créer des difficultés financières pour certains ménages et mettre certaines banques en danger.	Étoffer la panoplie d’instruments macroprudentiels par des mesures axées sur les emprunteurs visant à maîtriser la croissance du crédit, comme proposé dans un projet de loi. S’attaquer aux facteurs structurels du marché du logement qui contribuent à faire augmenter les prix. En cas de repli du marché du logement, envisager de prendre des mesures budgétaires, par exemple sous la forme d’une baisse temporaire des taxes sur les transactions portant sur des logements dont le prix est faible.
Une montée des tensions commerciales ou un accroissement de la volatilité financière pourrait peser sur les activités de placement.	Une dégradation de l’environnement extérieur et la concrétisation de risques sur les marchés internationaux auraient une incidence sur la demande de services financiers et freineraient la croissance.	Continuer d’assurer une surveillance étroite des banques et des fonds de placement. Continuer de participer à des instances de collaboration internationales promouvant la liberté des marchés et un système commercial fondé sur des règles.
Sortie désordonnée du Royaume-Uni de l’Union européenne	Sachant que le Royaume-Uni est un partenaire commercial majeur, en particulier en ce qui concerne les services financiers, sa sortie désordonnée de l’UE pourrait perturber les activités financières du Luxembourg. Dans le même temps, le Luxembourg pourrait tirer avantage de la relocalisation de banques ou des compagnies d’assurance.	Mettre en œuvre des plans d’urgence.

Graphique 6. Les vulnérabilités macrofinancières se sont accrues sur les marchés du logement et du crédit

Indice variant sur une échelle de -1 à 1, de la vulnérabilité la plus faible à la plus forte, 0 correspondant au niveau moyen sur longue période, c'est-à-dire depuis 1970

Renforcer la réglementation financière pour prévenir les risques

Il est nécessaire d’intensifier le suivi pour faire face aux risques extérieurs pesant sur le secteur financier très développé

Le secteur financier est le premier pilier de l’économie luxembourgeoise : en 2017, il représentait 28 % du PIB et 10 % de l’emploi total (graphique 7). C’est pourquoi il est également un déterminant essentiel de la performance macroéconomique du pays (graphique 8). L’attractivité du Luxembourg dans ce domaine tient à un environnement macroéconomique et politique stable, une société multilingue et multiculturelle, une fiscalité globalement avantageuse, un cadre juridique efficient, une économie ouverte, une aptitude à intégrer la technologie, ainsi qu’une capacité à attirer et à retenir les talents, créant ainsi une réserve de main-d’œuvre dotée des compétences et de l’expertise requises (Global Competitiveness Report, 2017).

Graphique 7. Le secteur financier représente une part importante de la valeur ajoutée totale

Part dans la valeur ajoutée totale, prix de 2010

Graphique 8. Les services financiers contribuent fortement à la croissance de la valeur ajoutée

Contributions à la croissance de la valeur ajoutée, en glissement annuel

Les fonds de placement luxembourgeois se classent au deuxième rang mondial, en termes d’actifs détenus, juste derrière leurs équivalents américains, et exercent leurs activités sur les marchés financiers mondiaux. De fait, des acteurs issus du monde entier investissent dans des fonds domiciliés au Luxembourg, qui à leurs tours, investissent dans de nombreux marchés et classes d’actifs à l’étranger. Le secteur bancaire est essentiellement composé de banques internationales ayant des activités transfrontières. Nombre de ces banques sont sous contrôle étranger, les sociétés mères se trouvant à l’étranger, de sorte que fin 2017, les prêts intragroupe représentaient 83 % de l’ensemble du crédit interbancaire (BCL, 2018). Enfin, ces différents acteurs sont étroitement interconnectés, étant donné que les fonds de placement détiennent des dépôts et des créances sur des établissements de dépôts, même si, d’après l’autorité de surveillance financière, la Commission de Surveillance du Secteur Financier (CSSF), les tests de résistance réalisés en interne montrent que ces interrelations ne constituent pas une importante courroie de transmission des risques.

Les liens entre d’une part, les établissements de crédit et les fonds de placement, et d’autre part, les marchés internationaux exposent l’économie luxembourgeoise à des chocs financiers extérieurs. En particulier, une accentuation de la volatilité financière et des tensions sur les marchés d’actions mondiaux pourraient peser sur les activités de placement. Les actifs sous gestion ont enregistré une hausse rapide depuis la crise financière mondiale, sous l’effet du recul de l’intermédiation bancaire, de l’expansion du bilan de la Banque centrale européenne (BCE) et de la faiblesse des taux d’intérêt, ce qui a engendré une liquidité abondante et favorisé la recherche de rendements plus élevés (graphique 9). Toutefois, la volatilité des marchés financiers observée en 2018 a freiné l’expansion du secteur par rapport aux années précédentes, signe de la sensibilité du secteur à la matérialisation de risques extérieurs (STATEC, 2018b).

Graphique 9. Les actifs sous gestion sont sur une trajectoire ascendante depuis la crise

L’exposition du secteur financier aux risques extérieurs justifie une surveillance et un suivi étroits. En sus de la surveillance exercée par la BCE, la CSSF, qui a accru ses effectifs, mène des inspections sur place et des tests de résistance fonds de placement/banques deux fois par an, ce qu’il convient de saluer. En outre, elle coopère avec des institutions internationales. Elle doit poursuivre ses activités de suivi et de surveillance de façon à rester en phase avec la taille et à la complexité croissantes du secteur financier. Par exemple, en ce qui concerne le secteur des fonds, les autorités doivent maintenir leurs inspections sur place et poursuivre leurs efforts en vue de combler les lacunes de données qui subsistent, de façon à pouvoir renforcer la surveillance de chaque fonds pris isolément. En outre, il conviendrait de continuer à suivre étroitement les risques de crédit sur les expositions intragroupe dans le secteur bancaire. Ces expositions émergent lors de transferts de liquidité aux banques mères à l’étranger, ce qui est lié au fait que les expositions intragroupe bénéficient d’une exemption et ne sont pas soumises aux limites applicables aux grands risques. L’autorité de surveillance devrait poursuivre ses actions visant à vérifier que ces exemptions restent conformes aux conditions fixées par la loi, évaluer les risques découlant de l’exposition intragroupe qui en résulte et supprimer l’exemption si nécessaire.

Les outils macroprudentiels peuvent contribuer à freiner la hausse des prix des logements

Les prix des logements ont fortement augmenté depuis la crise (graphique 10), probablement sous l’effet de facteurs structurels, comme expliqué dans le chapitre thématique. La croissance économique et démographique soutenue a dopé la demande. Du fait de la faiblesse des taux d’intérêt et de la déductibilité fiscale des intérêts hypothécaires, cette demande est de plus en plus financée par l’endettement. Étant donné que la construction immobilière est restée modérée en raison de contraintes pesant sur l’offre, les prix se sont envolés.

Graphique 10. Les prix réels des logements s'élèvent rapidement

Variation en pourcentage des indices des prix réels des logements entre 2008T1 et 2018T4, c.v.s.

La dette hypothécaire représentait 91 % de l’ensemble du passif des ménages en 2014 (Girshina et al., 2017). En raison de l’accroissement de la dette, le ratio dette/revenu est relativement élevé au Luxembourg : il atteignait 176 % en 2017 contre 108 % en moyenne dans l’UE (BCL, 2018). Il en va de même pour le ratio service de la dette/revenu (17 % contre 14 % en moyenne dans les pays de l’OCDE). En revanche, la quotité de prêt, qui s’établit à 34 %, est inférieure à la moyenne de la zone OCDE (43 %), du fait de la valeur élevée des actifs des ménages, en partie imputable à la hausse du prix des logements.

L’une des façons d’évaluer les vulnérabilités liées au marché de l’immobilier est de déterminer la part des ménages dont le niveau d’endettement est supérieur à certains seuils communément acceptés. Ces ménages pourraient se trouver dans une situation délicate en cas de chute des prix de l’immobilier, de perte de revenu ou de hausse des taux d’intérêt, étant donné que la plupart des prêts en cours sont à taux variables (BCL, 2018). Au Luxembourg, la part des ménages vulnérables au vu de leurs ratios dette/revenu et service de la dette/revenu est élevée par rapport aux autres pays du monde, mais c’est l’inverse pour la quotité de prêt (graphique 11).

Néanmoins, pour ces trois indicateurs, les niveaux atteints au Luxembourg figurent parmi les plus élevés lorsque l’on s’intéresse au quintile de patrimoine inférieur. En outre, statistiquement les ménages jeunes se trouvent plus souvent dans une situation financière précaire (Giordana et Ziegelmeyer, 2017). S’agissant des facteurs de vulnérabilités des banques, les expositions au marché de l’immobilier représentent 50 % du PIB (CERS, 2016) et sont concentrées dans un petit nombre de banques luxembourgeoises, dont des banques ayant une importance systémique (BCL, 2018). Cependant, d’après la CSSF, des tests de résistance réguliers montrent que les banques pourraient faire face à des chutes des prix des logements et à des taux de défaillance sur emprunts hypothécaires extrêmes, comme ceux observés lors de la crise de 2008, sans avoir besoin d’être recapitalisées.

La hausse durable des prix des logements et du taux d’endettement des ménages appelle un élargissement de la panoplie d’instruments macroprudentiels. En 2016, le CERS a adressé un avertissement au Luxembourg, considérant que les politiques existantes étaient insuffisantes pour maîtriser les risques et les vulnérabilités financières sur le marché de l’immobilier résidentiel (CERS, 2016). Compte tenu de la croissance rapide du crédit, le Luxembourg a renforcé ses exigences de fonds propres macroprudentielles, conformément aux recommandations du Comité du Risque Systémique (CdRS). Depuis 2012, les banques doivent appliquer une pondération du risque de 75 % (au lieu de la pondération standard de 35 %) à la part de tout nouveau prêt hypothécaire dépassant une quotité de prêt de 80 %. Le Luxembourg a mis en place en 2014 un volant de conservation des fonds propres de 2.5 % et en 2016 un volant applicable aux autres établissements d’importance systémique et il a relevé, fin 2018, le volant de fonds propres contracycliques à 0.25 %. Toutefois, il n’existe actuellement aucune mesure spécifiquement axée sur les risques auxquels sont exposés les emprunteurs au Luxembourg, alors que ce type d’instrument est de plus en plus utilisé dans les pays de l’OCDE (graphique 12). La mise en place relativement récente de ces mesures fait qu’il est difficile de mesurer leur impact. Cependant, de plus en plus de travaux empiriques mettent en évidence l’efficacité du plafonnement de la quotité de prêt et du ratio service de la dette/revenu pour freiner la hausse des prêts hypothécaires et des prix des logements (Cerutti et al., 2017 ; FMI, 2014 ; Lim et al., 2011 ; Kuttner et Shim, 2013).

Graphique 11. La part des ménages surendettés est élevée, en particulier parmi ceux disposant d’un faible patrimoine

Si un projet de loi déposé en 2018 était adopté, la CSSF pourrait définir des limites au crédit hypothécaire et notamment plafonner les ratios dette/revenu et service de la dette/revenu et la quotité de prêt, sur recommandation du Comité du Risque Systémique et après consultation de la banque centrale. Le projet de loi a reçu un avis favorable de la BCE et doit encore être approuvé par le Parlement. Comme d’autres pays européens confrontés à des tensions sur le marché du logement, le Luxembourg devrait commencer à mettre en œuvre de ce type d’instruments macroprudentiels axés sur les emprunteurs.

Par ailleurs, les autorités devraient être disposées à appliquer des mesures correctrices en cas de repli important du marché du logement, qui pourrait déprimer la consommation des ménages en générant des effets de richesse négatifs, et engendrer des tensions financières. Par exemple, les autorités pourraient réfléchir à baisser de façon temporaire les taxes sur les transactions portant sur des logements dont le prix est compris dans une certaine fourchette (basse). Au Royaume-Uni, une mesure de ce type a permis de soutenir les dépenses de consommation et de limiter la chute des prix des logements (Best et Kleven, 2017).

Graphique 12. Des mesures macroprudentielles axées sur les emprunteurs sont de plus en plus utilisées

Nombre de pays de l’OCDE ayant plafonné la quotité de prêt et le ratio service de la dette/revenu

Le Luxembourg est devenu une place importante pour les entreprises du secteur des technologies financières et les géants des technologies

Le Luxembourg a réussi à attirer des entreprises du secteur des technologies financières et des géants des technologies de premier plan. Une fois l’agrément leur permettant de mener différentes activités (comme celles exercées par des établissements bancaires, de paiement ou de monnaie électronique) délivré par le ministre des Finances (sur avis de la CSSF), ces entreprises ont accès à l’ensemble du marché européen. Certaines de ces entreprises proposent des comptes courants en ligne et des services de paiement assortis de frais plus faibles que ceux facturés par les banques classiques. D’autres gèrent des plateformes de négociation d’actifs virtuels (ou crypto-actifs). D’autres encore cherchent à utiliser la technologie des chaînes de bloc (ou technologie des registres distribués) pour réduire les coûts de la distribution de fonds (ILNAS, 2018).

Il est encore trop tôt pour évaluer la contribution de ces formes d’innovation financière à l’activité économique par le biais d’indicateurs traditionnels, comme la valeur ajoutée ou l’emploi. Mais, de toute évidence, elles pourraient contribuer à préserver et à accroître l’avantage concurrentiel du Luxembourg dans le domaine des services financiers. Dans le même temps, les activités des entreprises du secteur des technologies financières et des géants des technologies soulèvent d’importants enjeux réglementaires, ayant souvent une dimension transfrontière, qui requièrent une action au niveau de l’UE.

Les grandes plateformes de négociation des crypto-actifs suscitent des problèmes de concurrence déloyale

Les plateformes de négociation des crypto-actifs permettent d’acheter et de vendre des crypto-actifs ainsi que de convertir des crypto-actifs en monnaie fiduciaire. Le Luxembourg accueille deux entités de deux grands groupes ayant des activités de négociation, Bitstamp et bitFlyer, qui opèrent également en qualité d’établissements de paiement. Ainsi, Bitstamp est la troisième plateforme de négociation des crypto-actifs, pour ce qui est des échanges entre le Bitcoin et l’euro, et détient environ 10 % de parts de marché. Bitstamp Europe S.A. (l’entité luxembourgeoise) exerce seulement des activités d’établissement de paiement et elle n’a pas de plateforme de négociation de crypto-actifs au Luxembourg, contrairement à bitFlyer Europe S.A. (l’entité luxembourgeoise) qui propose des services de paiement et gère une plateforme.

La CSSF a été la première autorité de surveillance européenne à délivrer à ce type de plateformes un agrément d’établissement de paiement couvrant la partie de leurs activités portant sur les monnaies fiduciaires, qui suppose un respect de la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi que de la réglementation applicable dans d’autres domaines (gouvernance, contrôles internes notamment). Toutefois, les dispositions réglementaires relatives aux paiements en Europe n’englobent pas les risques liés à la négociation de crypto-actifs, comme les manipulations de marché et les opérations d’initiés. Or, de plus en plus d’éléments mettent en évidence des manipulations des prix sur le marché des bitcoins (Gandal et al., 2018 ; Griffin et Shams, 2018). Dans ce contexte, un récent rapport établi à partir de questionnaires adressés aux grandes plateformes actives aux États-Unis (Office of the New York Attorney General, 2018) a montré que souvent, celles-ci n’avaient pas mis en œuvre de politique formelle permettant de détecter des manipulations de marché et qu’il était aussi difficile de savoir si ces plateformes prévenaient les opérations d’initiés. En outre, ni le droit luxembourgeois ni le droit européen ne fixe de critères rigoureux pour la cotation d’un nouveau crypto-actif, ni les plateformes elles-mêmes.

Il semble donc approprié de réglementer les activités de négociation des plateformes de négociation des crypto-actifs, mais il n’y a pas à ce jour de « meilleures pratiques » internationales dans ce domaine. Les autorités européennes n’ont pas encore décidé si elles considéraient les cryptomonnaies comme des valeurs mobilières, auquel cas, les règles financières européennes (comme MIFID II ou la Directive relative aux abus de marché) ne s’appliqueraient pas à leur négociation (AEMF, 2019). Les autorités luxembourgeoises ont toujours préféré essayer d’inscrire les nouveaux modèles économiques dans la réglementation européenne existante (comme la directive sur les services de paiement PSD2) que définir une réglementation nationale spécifique en attendant qu’une solution commune soit apportée à l’échelle européenne. D’autres juridictions ont conçu un agrément spécialisé (création de la BitLicense à New York, amendement de la loi sur les services de paiement au Japon ou encore récemment adoption de la loi PACTE en France) tandis que la Chine a purement et simplement interdit ces plateformes (en 2017). Un grand nombre de consultations et de rapports indiquent que les autorités développent leurs connaissances sur cette nouvelle classe d’actifs (AEMF 2018, 2019 ; OCDE, 2019a ; Le Moign, 2018).

Afin de déterminer plus facilement sur les meilleurs moyens de garantir de saines pratiques commerciales, la CSSF devrait disposer des moyens juridiques de mener des enquêtes sur les activités des plateformes de négociation. À l’heure actuelle, la CSSF est seulement habilitée à émettre des avertissements à destination de petits investisseurs sur les risques liés aux crypto-actifs et son périmètre de surveillance ne comprend pas les activités relatives aux crypto-actifs. À terme, il conviendrait de soumettre les plateformes de négociation à une réglementation similaire à celle applicable aux autres opérateurs de marché, de préférence à l’échelle européenne, afin d’éviter une concurrence sur le plan réglementaire (AEMF, 2019). En outre, dans le droit fil des avertissements formulés en 2018, la CSSF devrait continuer à diffuser aux investisseurs des informations sur les risques que présentent les monnaies virtuelles.

La répression de la corruption internationale doit être renforcée

Le Luxembourg est considéré comme l’un des pays les moins corrompus du monde, d’après différents indices de perception de la corruption (graphique 13). Il est important de lutter contre la corruption pour des raisons éthiques, politiques et économiques. Sur le plan économique, la corruption nuit au climat des affaires, engendre des distorsions de la concurrence et peut être une cause majeure d’inefficience des dépenses publiques. À l’échelle de l’UE, les résidents luxembourgeois sont parmi les moins nombreux à considérer que la corruption pose problème tant dans les institutions publiques que dans la culture d’entreprise nationale (Commission européenne, 2017).

Cependant, le volume considérable des flux de capitaux auquel le Luxembourg prend part soulève des risques en matière de délinquance économique, en particulier de nature transfrontière. La corruption d’agents publics étrangers est un bon exemple. L’application, par le Luxembourg, de la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption s’avère très limitée : une seule affaire pénale a abouti sur la période 1999-2017 et un seul individu a été sanctionné (OCDE, 2018f). Les autorités estiment qu’une fois approuvé, un projet de loi récemment déposé permettra d’appliquer deux recommandations de l’OCDE visant à lutter contre cette forme de corruption. Elles ont aussi indiqué que le Luxembourg avait répondu de manière adéquate aux demandes d’entraide juridique présentées par d’autres pays, que des sanctions avaient été prises dans une affaire en 2018 et que les enquêtes engagées dans deux autres affaires étaient encore en cours. Les progrès en matière d’application seront évalués par le Groupe de travail sur la corruption de l’OCDE, lors de la prochaine évaluation du Luxembourg prévue en 2021.

Graphique 13. La corruption est perçue comme très faible

Le Luxembourg est confronté à un risque inhérent élevé de blanchiment de fonds perçus à l’étranger. Le cadre juridique de lutte contre le blanchiment d’argent a été amélioré grâce à la transposition de la quatrième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux dans le droit luxembourgeois, faite en 2018. Une application volontariste est essentielle pour parvenir à atténuer les risques et devrait reposer sur l’exercice d’évaluation des risques au plan national mené en 2018. Dans ce contexte, une loi a récemment (janvier 2019) instauré un registre des bénéficiaires effectifs des sociétés et autres entités juridiques, qui facilitera la détection des risques et auquel les autorités auront accès à partir de septembre prochain. Un projet de loi prévoyant la mise en place d’un registre des bénéficiaires effectifs de fiducies et d’autres types de structures juridiques est en cours de préparation dans le cadre de la transposition de la cinquième directive sur la lutte contre le blanchiment de capitaux.

Réformes budgétaires en faveur de la croissance inclusive et de la viabilité

La situation budgétaire est solide, mais le vieillissement représente un défi à long terme

Le Luxembourg présente un excédent budgétaire, en hausse depuis la crise (Graphique 14). Après un léger recul en 2017, dû aux mesures expansionnistes inscrites dans les réformes fiscales et à la perte de la TVA sur le commerce électronique, l’excédent a été supérieur à 2 % du PIB en 2018, dépassant ainsi largement l’objectif à moyen terme que s’était fixé le Luxembourg pour 2016-2019 (-0.5 % du PIB). La dette publique brute figure parmi les plus faibles de l’OCDE, à 21 % du PIB fin 2018. L’objectif du gouvernement de la maintenir au-dessous de 30 % et de conserver la notation AAA au cours de la législature 2018-2023 apparaît tout à fait réalisable. Le Luxembourg étant une petite économie ouverte, il est important qu’il conserve une importante marge de manœuvre budgétaire. Celle qui existe pourrait cependant servir à soutenir l’économie en cas de ralentissement lié à une faible demande.

Graphique 14. Le solde budgétaire est solide

En pourcentage du PIB

Le régime de retraite se trouve dans une situation favorable à court et à moyen terme, caractérisée par un excédent confortable des cotisations par rapport aux dépenses et un niveau considérable d’actifs accumulés. Le Luxembourg a mis en place un système de suivi détaillé qui comporte une réévaluation du financement du régime général de retraite tous les cinq ans. Par la suite, lorsque certaines conditions seront réunies, les autorités seront légalement tenues d’appliquer des réformes, dont le contenu sera décidé et précisé en temps voulu. Ainsi, comme pour la réforme des retraites de 2012, l’indexation automatique des retraites sur l’évolution des salaires sera réduite (au moyen d’un modérateur de réajustement) si les cotisations ne couvrent plus les dépenses. La réforme de 2012 offre également d’autres possibilités, comme la suspension des allocations de fin d’année. Il serait également possible de procéder à un relèvement des cotisations, qui pourra être décidé si la réévaluation prévue tous les cinq ans amène à conclure que compte tenu des paramètres actuels, la viabilité financière du système n’est plus garantie en fonction des seuils prédéfinis.

Cela étant, le taux de remplacement relativement important et l’âge peu élevé du départ effectif à la retraite prévus par le régime actuel (OCDE, 2017a) vont entraîner des tensions budgétaires considérables à long terme. Compte tenu des paramètres actuels du système, les coûts liés au vieillissement devraient augmenter sensiblement (CE, 2018a ; graphique 15) : selon les estimations, les dépenses publiques consacrées aux retraites devraient atteindre 18 % du PIB en 2070, contre 11 % en moyenne dans l’UE. Ce scénario de politique inchangée aurait des effets considérables sur la dette publique (graphique 16). La forte hausse des dépenses consacrées aux retraites résulte d’un accroissement du taux de dépendance (dû à l’allongement de l’espérance de vie) qui n’est pas compensé, contrairement à ce qu’on observe dans d’autres pays de l’UE, par un relèvement de l’âge du départ à la retraite ou une baisse des taux de remplacement (CE, 2018a).

Graphique 15. Les coûts liés au vieillissement devraient augmenter sensiblement

En pourcentage du PIB

Pour contenir ces coûts et assurer une viabilité à long terme, le Luxembourg devrait adapter son régime de pensions, en associant les partenaires sociaux au processus et, au besoin, en appliquant les réformes de façon progressive. À l’inverse de nombreux autres pays d’Europe, il ne prévoit pas de lier l’âge de la retraite à l’évolution de l’espérance de vie (OCDE, 2017b), ce qu’il devrait envisager de faire. Il serait possible également, compte tenu de l’écart entre l’âge légal et l’âge effectif de la retraite (65 et 61 ans en 2016), de restreindre les dispositifs de retraite anticipée. Le relèvement de l’âge de la retraite peut avoir un effet régressif, car les personnes plus instruites et plus aisées vivent en général plus longtemps ; cependant, si ce relèvement est lié à la longévité, l’effet général dépendra de la manière dont se répartissent les gains d’espérance de vie dans les différents groupes socio‑économiques (OCDE, 2017c). Des mesures compensatoires pourraient être prises (ou maintenues) pour ceux qui ont commencé à travailler très jeunes et qui, souvent, ont aussi une plus faible espérance de vie. Pour accompagner le relèvement de l’âge de la retraite ou y suppléer, un taux de remplacement moins généreux pourrait être envisagé (FMI, 2019a).

Graphique 16. L’endettement est viable à long terme, à condition que des mesures soient prises face à la hausse des coûts liés au vieillissement

Dette publique brute (définition de Maastricht), en pourcentage du PIB

Continuer d’adapter la fiscalité des entreprises dans une économie mondialisée

Le Luxembourg est une économie très ouverte, donc sensible aux évolutions de la fiscalité à l’échelle de l’Europe et de la planète. Il soutient les initiatives de renforcement de la transparence fiscale ou de lutte contre l’évasion fiscale, comme le projet OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). Il faisait notamment partie des 49 premiers pays qui ont adopté la Norme commune de déclaration de l’OCDE pour l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers ; le premier de ces échanges, qui englobent maintenant près de 100 pays partenaires, a eu lieu en 2017. Le pays a également été jugé « conforme pour l’essentiel » à la norme de l’OCDE relative à l’échange de renseignements sur requête, et il est convenu d’inscrire des dispositions de lutte contre l’évasion fiscale dans ses conventions fiscales bilatérales. En outre, dans le prolongement des efforts accomplis au titre du projet BEPS et au niveau de l’UE, le Luxembourg a beaucoup progressé depuis 2016 pour ce qui concerne l’échange de renseignements en matière de décisions fiscales avec les administrations fiscales partenaires (OCDE, 2018a). Dans le passé, des arrangements fiscaux ont contribué à de très faibles taux effectifs d’imposition des grandes entreprises (Wright et Zucman, 2018).

Les dispositifs hybrides peuvent entraîner des avantages fiscaux injustifiés résultant des différences de classement fiscal des paiements, des entités ou des activités commerciales d’un pays à l’autre. C’est le cas, par exemple, si une entité appartenant à une entreprise multinationale située dans une juridiction donnée effectue un paiement fiscalement déductible au profit d’une autre entité de la même multinationale dans un autre pays où ce versement n’est pas imposé. Le Luxembourg a transposé dans son droit la directive sur la lutte contre l’évasion fiscale (ATAD 1), entrée en vigueur en 2019, qui a notamment pour effet de neutraliser les dispositifs hybrides entre les États membres de l’UE. Les autorités devraient continuer d’appliquer les règles de transparence fiscale, en particulier par la transposition des règles de la directive ATAD 2, qui élargissent le champ des règles ATAD 1 aux dispositifs hybrides incluant des pays tiers.

Pour compenser en partie l’élargissement de la base d’imposition provoqué par ces évolutions, le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés a été ramené à 18 % en 2018, puis réduit encore de 1 % en 2019, de sorte que le taux légal maximum combiné (surtaxe municipale comprise) n’est plus que de 25 % dans la Ville de Luxembourg.

Les règles fiscales qui servent à attribuer les bénéfices imposables entre les pays sont mises à l’épreuve par la transformation numérique de l’économie (OCDE, 2018a ; Devereux et Vella, 2017). Les nouvelles branches financières comme la fintech sont touchées par ces problématiques. Le Luxembourg devrait continuer de prendre part aux travaux en cours pour l’adoption d’une approche mondiale et consensuelle face aux défis que représente l’économie numérique sur le plan fiscal.

Améliorer les incitations à travailler et diversifier les bases d’imposition

L’imposition individuelle des contribuables résidents et frontaliers a été mise en place à titre facultatif en 2018. En réduisant le taux marginal d’imposition des seconds apporteurs de revenus, elle les incite davantage à travailler. Comme les seconds apporteurs de revenus sont souvent des femmes, qui travaillent parfois à temps partiel, l’imposition individuelle est également bienvenue sur le plan de l’égalité hommes-femmes. Les autorités analysent la faisabilité de l’imposition individuelle de l’ensemble des contribuables, qui présenterait l’avantage de renforcer l’effet des décisions relatives au travail (OCDE, 2017a). En outre, elles ont annoncé des efforts complémentaires visant à simplifier le système d’imposition, et à promouvoir et améliorer la déclaration d’impôt électronique.

La politique budgétaire pourrait favoriser un marché du travail inclusif par d’autres moyens qu’il faudrait exploiter. Le chômage reste plus élevé dans les groupes vulnérables comme celui des jeunes travailleurs peu qualifiés (graphique 17). Le taux d’activité des femmes est inférieur à celui des hommes, à 66 % contre 74 % respectivement en 2017. Il faudrait s’attaquer aux désincitations créées par le système de prélèvements et de prestations pour promouvoir l’inclusivité du marché du travail. Le système de protection sociale est généreux : en 2015, les dépenses sociales totales ont atteint 33 % du RNB, alors que la moyenne de l’OCDE est de 20 %. Cependant, la baisse des prestations sociales qui s’ajoute à la fiscalité du travail applicable au moment du retour à l’emploi génère souvent d’importants pièges du chômage, et les ménages à faibles revenus peuvent estimer qu’il ne vaut pas la peine de revenir sur le marché du travail (graphique 18). Le nouveau REVIS (revenu d’inclusion sociale), qui remplace le revenu minimum garanti, est une mesure judicieuse pour atténuer ces désincitations (Encadré 1). À compter de 2019, le crédit d’impôt salarié, de 600 euros seulement par an au maximum, sera complété par un nouveau crédit d’impôt salaire social minimum d’un montant de 70 EUR par mois pour les contribuables salariés dont le salaire est proche du minimum social. Le Luxembourg pourrait aussi envisager d’utiliser plus largement les crédits d’impôt subordonnés à l’exercice d’un emploi pour les travailleurs dont le salaire est supérieur au salaire social minimum.

Graphique 17. Le chômage touche surtout les jeunes travailleurs peu qualifiés

En pourcentage, 2017

Encadré 1. Le revenu d’inclusion sociale

Certaines mesures ont été prises face aux désincitations au travail, comme la mise en place du revenu d’inclusion sociale (REVIS), qui remplace le revenu minimum garanti à compter de 2019. Le REVIS est constitué de deux composantes. La première est une allocation d’inclusion sociale versée au ménage, qui tient compte des dépenses personnelles et communes comme les dépenses de logement. Pour ne pas décourager les bénéficiaires de travailler, le calcul de cette allocation exclut 25 % du revenu professionnel (ainsi que des revenus de remplacement et retraites). La deuxième est une allocation d’activation, c’est‑à‑dire une indemnité versée pour la participation à des activités organisées par l’Office national d’inclusion sociale (ONIS), par exemple des travaux d’intérêt général ou des activités favorisant la stabilisation sociale. Le critère d’éligibilité qui s’appliquait auparavant et limitait les mesures d’activation à 40 heures par semaine et par ménage a été supprimé. Les bénéficiaires jugés aptes au travail doivent être inscrits à l’Agence pour le développement de l’emploi (ADEM) et prouver qu’ils recherchent activement un emploi.

Graphique 18. Les pièges du chômage sont particulièrement importants pour les travailleurs à faible revenu

Manque à gagner, en pourcentage, résultant de la hausse des impôts ou de la baisse des prestations au moment du retour à l’emploi, 2018

Pour que la structure fiscale favorise davantage une croissance durable et permette de compenser les pertes de recettes potentielles que risque d’entraîner le renforcement de la transparence internationale en matière d’impôt sur les sociétés (FMI, 2019b), le Luxembourg devrait diversifier ses recettes fiscales. À l’heure actuelle, les recettes tirées de l’impôt sur les bénéfices des sociétés sont plus élevées que dans d’autres pays d’Europe (4.6 % du PIB contre 2.8 % en 2016), et la part qui provient du secteur financier est instable (OCDE, 2017a). La base d’imposition pourrait être diversifiée sur deux fronts. D’une part, les impôts périodiques sur la propriété immobilière sont les plus faibles de l’OCDE (graphique 19). Il faudrait envisager d’accroître les impôts fonciers, ce qui présenterait aussi l’avantage de prendre en compte certains facteurs structurels responsables des fortes hausses des prix des logements observées ces dernières années. Le relèvement du taux d’imposition effectif des terrains constructibles non utilisés, par exemple, pourrait être une solution pour remédier à la faible incitation à construire sur les terrains disponibles. Le chapitre thématique étudie la fiscalité immobilière de façon plus précise. Il faudrait aussi envisager d’éliminer progressivement ou du moins de limiter la déductibilité fiscale des intérêts des emprunts hypothécaires.

D’autre part, le Luxembourg accuse un retard en matière de fiscalité environnementale (graphique 19). Les recettes tirées des taxes sur les carburants sont proches de la moyenne, en raison de l’importance du « tourisme à la pompe » induit par des taxes plus faibles que dans les pays voisins, en particulier sur le gazole. Bien que les autorités aient augmenté la taxe sur l’essence de 1 centime et celle sur le gazole de 2 centimes en 2019, ces hausses ne sont pas suffisantes pour décourager les automobilistes de franchir la frontière pour faire le plein au Luxembourg (OCDE, 2018b). Il faudrait par conséquent continuer de relever les taxes et droits d’accise sur les carburants, en prévoyant simultanément des mesures sociales d’accompagnement ciblées. Des incitations fiscales fondées sur les émissions de CO₂ encouragent l’acquisition et l’utilisation de véhicules à faible niveau d’émissions (la « taxe sur les véhicules routiers »).

La réforme fiscale de 2017 a également modifié les avantages en nature accordés aux véhicules d’entreprise, en fonction du type de moteur et du niveau des émissions de CO₂, et mis en place un abattement fiscal sur les véhicules hybrides et électriques à usage personnel. La fiscalité automobile est cependant relativement faible (graphique 19), ce qui explique en partie pourquoi les émissions moyennes de CO₂ des voitures neuves sont supérieures à la moyenne de l’UE (Agence européenne de l’environnement, 2018). Il semble donc envisageable de relever les taxes sur les véhicules automobiles, en tenant compte à la fois des émissions de CO₂ et de la pollution atmosphérique locale. L’encadré 2 montre que les réformes fiscales recommandées dont l’impact budgétaire peut être plus facilement quantifié aboutiraient à une hausse non négligeable de la fiscalité. En revanche, d’autres réformes fiscales plus difficiles à quantifier auraient probablement l’effet inverse. Quoi qu’il en soit, même si l’impact global devait être globalement neutre, les augmentations d’impôt recommandées devraient être repoussées si une grave récession devait se produire.

Graphique 19. Les taxes environnementales et les impôts périodiques sur la propriété immobilière sont faibles

En pourcentage du PIB, 2016 ou dernière année disponible

Encadré 2. Quantifier l’incidence budgétaire de certaines recommandations

Ces estimations donnent une évaluation quantitative de l’incidence budgétaire annuelle de certaines recommandations formulées dans la présente Étude. D’autres recommandations présentant des incidences budgétaires directes ne sont pas quantifiables compte tenu des informations disponibles ou de la complexité de la mesure visée. C’est le cas, par exemple, de l’élimination ou de la limitation de la déductibilité des intérêts des emprunts hypothécaires, de la réduction de la fiscalité du travail sur les salaires modestes et de la mise en œuvre des mesures de transparence fiscale. L’impact combiné de ces mesures sur les recettes serait probablement négatif.

	% du PIB
Dépenses
- Hausse des dépenses consacrées aux politiques actives du marché du travail - Baisse des dépenses consacrées aux retraites par le relèvement de l’âge de la retraite	-0.15 +0.2
Recettes
- Hausse des impôts périodiques sur la propriété immobilière (*)	+0.25
- Hausse de la fiscalité environnementale (*)	+0.35
- Effets des réformes structurelles	+0.2
TOTAL	0.85

Note : Les effets estimés ne tiennent pas compte des changements de comportement qui peuvent résulter de l’évolution de l’action publique, conformément aux scénarios antérieurs de modélisation à long terme de l’OCDE (Johansson et al., 2013). Les estimations concernent les effets à court terme et se fondent sur les hypothèses suivantes : i) une hausse des dépenses en faveur des politiques actives du marché du travail, en pourcentage du PIB, les portant au niveau de la moyenne du tiers supérieur des pays de l’OCDE (de 0.8 % à 0.95 % du PIB) ; ii) une estimation de la variation des dépenses publiques consacrées aux retraites compte tenu d’un relèvement de l’âge de départ à la retraite visant à l’aligner sur l’espérance de vie (hausse de 1 % prévue dans les cinq ans), calculée par la Commission européenne (2018a) ; iii) une hausse de l’imposition périodique de la propriété immobilière, en pourcentage du PIB, la portant au niveau de la moyenne du tiers inférieur des pays de l’OCDE (de 0.07 % à 0.32 % du PIB), dans la mesure où des contraintes techniques et politiques (liées par exemple à l’actualisation des valeurs cadastrales) empêcheraient vraisemblablement une augmentation plus forte à court terme ; iv) une hausse de la fiscalité environnementale, en pourcentage du PIB, la portant au niveau de la moyenne de l’OCDE (de 1.77 % à 2.32 % du PIB), avec des mesures d’accompagnement destinées à soutenir les ménages pauvres les plus touchés dont le coût représenterait environ un tiers de l’augmentation des recettes ; et v) l’incidence annuelle sur le PIB du recours accru aux réformes structurelles quantifiées dans l’encadré 4 (effet à deux ans). Les hausses d’impôt marquées d’une étoile (*) devraient être différées en cas de grave récession.

Source : Calculs de l’OCDE ; et Commission européenne (2018a), « The 2018 Ageing Report - Economic and budgetary projections for the 28 EU Member States (2016-2070) », Direction générale des affaires économiques et financières.

Relancer la croissance de la productivité au Luxembourg

Comprendre l’évolution de la productivité

Au Luxembourg, les niveaux de productivité sont élevés par rapport à d'autres pays de l'OCDE, mais les gains de productivité sont modestes depuis le début du siècle (graphique 20). Même si la plupart des économies avancées ont vu leur productivité ralentir au début des années 2000 (OCDE, 2015), la performance du Luxembourg apparaît particulièrement faible. Dans une certaine mesure, cela peut refléter la difficulté intrinsèque que représente l'accroissement de la productivité pour des pays arrivés, ou presque, à la frontière (Gordon, 2012), mais le caractère persistant de cette atonie signale aussi la présence de dimensions structurelles. Les mesures visant à accélérer les gains de productivité figurent d'ailleurs en bonne place dans le programme du nouveau gouvernement (encadré 3).

Encadré 3. Sélection de mesures inscrites dans l’accord de coalition pour 2018-2023

L’accord de coalition de novembre 2018 expose les réformes que le nouveau gouvernement se propose de mener durant la législature 2018‑2023. Au nombre des principales mesures figurent les suivantes :

Transformation numérique

mise en place de la 5G sur tout le territoire ;
création d’un cadre juridique pour les entreprises de « l’économie du partage », afin d’éviter la concurrence déloyale ainsi qu’une érosion des normes écologiques et sociales, notamment en matière de protection des salariés ;
élargissement de la gamme des services de l’État disponibles en ligne et renforcement des services d'aide au public, notamment à l’aide de « chatbots » ;
incitation à l’utilisation de logiciels ouverts dans le secteur public ;
renforcement de l'inclusion numérique des seniors, notamment au moyen de classes informatiques intergénérationnelles ;
élaboration d’une stratégie nationale de « e-learning », comprenant l'ouverture d'une nouvelle filière informatique dans l’enseignement secondaire et la généralisation des tablettes et ordinateurs portables en classe (projet « one2one ») ;

Logement

développement du parc public de logements locatifs et limitation de la vente de logements sociaux publics ;
réforme du système d’aide au logement, en particulier au bénéfice des foyers monoparentaux et des familles avec enfants ;
renforcement de l’aide technique apportée aux communes dans les domaines de l’aménagement du territoire, de la construction de logements, de la vente ou de la location de terrains, et de la gestion des biens locatifs ;
création d'un « Pacte logement 2.0 » entre l’État et les communes, comprenant le recours simplifié et généralisé au droit de préemption ;
réforme de l’impôt foncier, visant à remplacer le système de la taxe communale spécifique d’inoccupation des terrains et de non-affectation des locaux ;
constitution d’un comité chargé de l’acquisition de terrains constructibles, composé de représentants des ministères ayant le logement, d'une part, et les finances, d'autre part, dans leurs attributions ;
création de contrats d’aménagement et réforme des dispositions relatives à la construction sur les terrains faisant l’objet de ces contrats ;

Mobilité

instauration de la gratuité des transports publics en 2020 ;
élaboration d’un plan national de mobilité adapté à la demande projetée à l’horizon 2035 ;
doublement de la capacité des parkings P+R d'ici 2025 ;

Fiscalité

augmentation de la taxation des produits pétroliers ;
relèvement du salaire minimum net par l'adoption d’un crédit d'impôt sur le salaire social minimal ;
révision du traitement fiscal applicable aux frontaliers de façon à favoriser le télétravail.

Graphique 20. La productivité est élevée, mais sa croissance a été lente ces dernières années

PIB par heure travaillée, USD de 2010, PPA

Lorsqu'on examine plus en détail les tendances globales, on constate, de fait, que la composition des secteurs qui soutiennent les gains de productivité au sein des entreprises a évolué au fil du temps. En particulier, la contribution des services financiers, puissant moteur de la croissance globale de la productivité au cours de la décennie précédant la crise, a fortement diminué ces dernières années (graphique 21). Le bas niveau persistant des taux d'intérêt et le durcissement de la réglementation bancaire, qui pèsent sur les résultats du secteur en termes de valeur ajoutée, sont deux facteurs qui ont probablement contribué à cette tendance (STATEC, 2018a). Les gains de productivité dans d'autres secteurs des services et dans la construction sont même devenus négatifs. Seul le secteur manufacturier a réussi à relever son rythme de croissance de la productivité, déjà élevé, après 2010. Cependant, comme cette progression s’est accompagnée d'un ralentissement de la contribution à la valeur ajoutée, l'incidence sur la croissance globale de la productivité demeure limitée.

Graphique 21. La contribution du secteur financier aux gains de productivité a diminué, et les autres secteurs des services peinent à rattraper leur retard

Variation moyenne de la valeur ajoutée par heure travaillée (échelle de gauche); part moyenne dans la valeur ajoutée totale (échelle de droite)

Les données au niveau des entreprises laissent penser que la faiblesse de la croissance globale de la productivité trouve sa source dans le secteur des services (graphique 22). Dans ce secteur, les gains de productivité enregistrés par les entreprises situées au milieu et au sommet de la distribution des niveaux de productivité – ci-après, les entreprises « médianes » et « à la frontière » – ont diminué jusqu’en 2011 et sont restés globalement stables depuis lors, alors que, pour les entreprises du bas de la distribution (« les retardataires »), les niveaux de productivité ont chuté de 40 % entre 2005 et 2016. De fait, plusieurs secteurs de services affichent des différences significatives entre performances médianes et moyennes sur le plan de la productivité, ce qui indique la présence de cas atypiques de faible productivité (graphique 23). Par contraste, le secteur manufacturier, qui accusait un fléchissement des gains de productivité en amont de la crise financière mondiale, a enregistré un vigoureux rebond au sortir de la crise, surtout parmi les retardataires (graphique 22). De même, la productivité médiane est pratiquement égale au niveau moyen. Bien que la croissance de la productivité ait été particulièrement faible au sein des petites entreprises (0 à 49 salariés) depuis 2005, le ralentissement observé chez les retardataires du secteur des services en termes de performance de productivité ne peut pas être associé avec certitude à une seule catégorie de taille d’entreprise (graphique 24).

Au total, l’évolution de la productivité décrite ci-dessus devrait inviter les pouvoirs publics : à prendre des mesures visant à suivre et analyser régulièrement les changements qui s’opèrent au sein des secteurs, en particulier ceux qui résultent des efforts de diversification déployés par l’État ; à soutenir dans leur redressement les entreprises viables qui ne sont pas à la frontière, ou à leur faciliter une sortie du marché ; et à aider les entreprises à la frontière à repousser leurs limites pour atteindre des niveaux de productivité plus élevés. Ces trois pistes d'action sont étudiées cidessous. La mise en œuvre des réformes recommandées devrait, d'après les estimations, produire d'importants effets positifs sur le PIB par habitant (encadré 4).

Graphique 22. Le tassement des gains de productivité résulte d'une stagnation à la frontière et d’une chute des retardataires dans les services

Productivité de la main-d’œuvre, en valeur ajoutée par travailleur (2005=100)

Graphique 23. De nombreux secteurs présentent des cas atypiques de faible productivité

Différence entre la médiane et la moyenne de la productivité du travail, par secteur, en 2016

Graphique 24. Les faiblesses des gains de productivité concernent des entreprises de toutes tailles

Évolution de la productivité de la main-d’œuvre, par catégorie de taille d’entreprise (2005 = 100)

Encadré 4. Quantification des réformes structurelles recommandées dans la présente étude

On trouvera ici une quantification des effets de certaines des réformes structurelles recommandées pour le Luxembourg dans la présente étude, d'après le dernier cadre de chiffrage de l’OCDE (Égert et Gal, 2017). Les effets sont tirés d’une série de régressions sur données de panel dans une forme réduite, menées sur un échantillon de pays de l'OCDE et certains pays hors OCDE.

La méthode consiste à faire varier les effets estimés dans les différents pays en fonction des différences en termes de parts des facteurs, de taux d’emploi et de composition démographique. Cette approche est utilisée à des fins d’illustration et il convient d'interpréter ses résultats avec prudence.

Des effets positifs supplémentaires pourraient découler d'autres recommandations, mais ils sont plus difficiles à quantifier. Des exemples seraient une réorientation de la fiscalité vers les taxes foncières récurrentes, une réforme du régime d’insolvabilité et des mesures visant à réduire les risques financiers (mesures susceptibles d'abaisser la fréquence et la gravité des crises et, partant, les effets d’hystérèse associés).

	Effet total sur le PIB par habitant
	Effet à 5 ans	Effet à 10 ans	Effet à long terme
Réglementation des marchés de produits (RMP)
Assouplir la réglementation des services professionnels	0.2%	0.3%	0.4%
Politiques du marché du travail
Améliorer les politiques actives du marché du travail	0.9%	1.2%	2.4%
Réforme des retraites
Établir un lien entre l’âge du départ à la retraite et l’espérance de vie	0.4%	0.6%	0.8%
Total	1.5%	2.1%	3.6%

Note : les calculs sont fondés sur i) une réduction du sous-indicateur de la RMP relatif à la réglementation des services professionnels pour le ramener à la moyenne du premier tiers des pays de l'OCDE (c’est-à-dire les moins restrictifs), ce qui revient à porter l'indicateur RMP global de 1.73 à 1.55 ; ii) un accroissement de la part des dépenses de PAMT dans le PIB pour la porter à la moyenne du premier tiers des pays de l'OCDE (elle passerait ainsi de 0.8 % à 0.95 % du PIB), ce qui revient à porter ces dépenses par chômeur de 27 % à 31 % du PIB par habitant ; et iii) un relèvement de 1 % de l’âge légal de départ à la retraite.

Source : calculs de l'OCDE.

Évaluer et ajuster les efforts de diversification

Ces dernières années, les autorités luxembourgeoises ont déployé des efforts considérables pour diversifier l’économie, en appliquant la stratégie de spécialisation intelligente, adoptée officiellement par le gouvernement en décembre 2017. Ce processus s'appuie sur les conclusions de « La troisième révolution industrielle », une vaste étude stratégique commandée par le gouvernement en 2015 en vue de préparer la société aux mégatendances émergentes et aux modèles disruptifs inhérents (TIR Consulting Group LLC, 2016 ; OCDE, 2017a). Conformément aux recommandations précédentes (OCDE, 2016a), la stratégie est principalement axée sur un petit nombre de secteurs prioritaires à forte intensité de connaissances, en vue d'atteindre une masse critique et de produire des effets (Ministère de l’Économie, 2017). Par exemple, d'importants moyens ont été consacrés au secteur de l’espace et ont donné lieu à la création récente de l’Agence spatiale luxembourgeoise. Dans l’ensemble, cette stratégie constitue donc une étape bienvenue vers une plus grande résilience économique, ainsi qu’une approche clairement formulée permettant d’orienter la politique de l’innovation de manière globale.

Au sein de la stratégie de diversification du Luxembourg, le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) occupe une position à part, car il sert de socle stratégique commun sur lequel tous les autres secteurs peuvent s'appuyer. Grâce à des politiques de « cluster » renforçant les liens entre le secteur des entreprises et celui de la recherche, surtout dans les domaines à haut potentiel (cybersécurité, FinTech, blockchain, par exemple), à des investissements continus dans la connectivité et les centres de données haut de gamme (OCDE, 2016a), et à un écosystème de start-ups florissant, nourri par des fonds d'amorçage spécialisés (Digital Tech Fund, Fit4Start), le Luxembourg est, de fait, devenu une plaque tournante des TIC en Europe (Ministère de l'Économie, 2018). C’est ainsi que le nombre de brevets déposés a doublé entre 2000 et 2015 (OCDE, 2017d), et que la part des TIC dans l’emploi total figure maintenant parmi les plus élevées de l’OCDE (OCDE, 2017e).

À l'inverse de cette évolution positive, toutefois, les efforts de diversification n’ont pas suffi à renforcer la part de ce secteur dans la valeur ajoutée sur les dix dernières années, ni à mettre fin au recul de la productivité du secteur (graphique 21). Du fait que, dans les comptes nationaux, les données mesurant les gains de productivité du secteur des TIC ont récemment fait l’objet d’un profond remaniement, l’ampleur de ce déclin doit toutefois être traité avec la plus grande prudence (encadré 5).

Évaluer l'impact des mesures de diversification est une étape cruciale pour déterminer leur efficacité et ajuster, si nécessaire, les programmes publics. Ainsi, si la procédure d’étalonnage proposée par la stratégie de spécialisation intelligente est menée régulièrement, il sera possible de suivre les résultats de la diversification et d'adapter les politiques publiques en fonction des progrès des entreprises en matière d’innovation, tout en assurant la cohérence entre toutes les parties prenantes au processus de diversification. Compte tenu du double rôle que joue le secteur des TIC (sa propre croissance contribue à la diversification de l’économie, mais le secteur est aussi la clé de la transformation numérique de l’ensemble du secteur des entreprises), l’intensification de sa croissance pourrait s'accompagner d’un double dividende, et mérite à ce titre une attention particulière. Dans ce contexte, il convient également d’examiner le rôle des initiatives axées sur la demande et contribuant à la transformation numérique du secteur des entreprises.

Le Conseil national de la productivité (CNP), récemment créé au Luxembourg, serait bien placé pour aider l’administration dans cette démarche. Comme sa structure institutionnelle repose sur trois organismes nationaux existants – l’Observatoire de la compétitivité, le STATEC et le Conseil économique et social –, le CNP peut exploiter l’expérience de plusieurs grandes institutions. Le CNP est ainsi idéalement positionné pour apporter son soutien à l'administration dans l’évaluation approfondie de divers domaines de l’action publique et l’organisation de consultations précoces des parties prenantes sur les réformes proposées (Renda et Dougherty, 2017).

Encadré 5. Questions de données et de mesure au Luxembourg

Les comptes nationaux du Luxembourg ont subi une révision de fond en octobre 2018, en raison des difficultés techniques que présente la mesure de la performance de quelques entreprises multinationales de secteurs non financiers. Ces révisions ont produit une forte incidence négative sur le PIB : la croissance moyenne annuelle du PIB a été revue à la baisse sur la période 20142018, passant de 3.5 % à 3.0 % (STATEC, 2018b). La modification de la valeur ajoutée a été particulièrement prononcée pour le secteur des TIC, puisqu’il affichait une forte croissance de la valeur ajoutée en 20162017, laquelle est devenue négative à la suite de la révision.

De plus, les politiques de soutien à la productivité bénéficient grandement des analyses au niveau des entreprises, et y ont de plus en plus recours. Or, au Luxembourg, la disponibilité de données microéconomiques reste faible. Ainsi, identifier les déterminants de la productivité au niveau des entreprises, comparer la productivité des multinationales à celle des entreprises nationales, ou encore déterminer l’effet des frictions financières sur la productivité au niveau des entreprises sont autant de questions qui ne peuvent être étudiées de façon satisfaisante qu’à l’aide de données au niveau des entreprises (Kalemli-Özcan et al., 2015). Une initiative en cours pour remédier à cette pénurie de données est la participation du Luxembourg au prochain cycle du projet MultiProd de l’OCDE, mais les données sur les entreprises qui sont déjà disponibles au sein des institutions nationales devraient être exploitées davantage.

Enfin, la grande différence qui existe au Luxembourg entre le PIB et le RNB (revenu national brut) et qui, en valeur relative, est la plus élevée de toute l’OCDE, constitue une difficulté supplémentaire pour mesurer et interpréter l’activité économique du pays. Le RNB ne tient pas compte des revenus de la production nationale bénéficiant à des non-résidents. Or, étant donné que les travailleurs frontaliers représentent plus de 40 % de l’emploi et que de nombreuses entreprises multinationales sont implantées au Luxembourg, le RNB ne représente que 71 % du PIB (données de 2017). Pourtant, le RNB par habitant est le plus élevé de tous les pays de l’OCDE.

Relancer la croissance de la productivité parmi les entreprises qui ne sont pas à la frontière

Le groupe d’entreprises qui se situent en-deçà de la frontière de la productivité, et tout particulièrement la catégorie des « retardataires », est extrêmement hétérogène. Ces dernières sont en moyenne plus petites et plus récentes que les autres, mais ce sont aussi bien des entreprises anciennes utilisant des technologies dépassées que de jeunes entreprises dotées d'un fort potentiel de gains de productivité (Berlingieri et al., 2019). Pour remédier à la médiocre productivité des entreprises en-deçà de la frontière, le Luxembourg devrait donc ajuster ses politiques pour cibler chaque sous-catégorie.

Réduire la part des entreprises « zombies »

Certaines entreprises luxembourgeoises à la traîne correspondent probablement à ce qu'il est convenu d'appeler les entreprises « zombies ». Celles-ci se définissent comme des entreprises existant depuis plus de dix ans et dont les bénéfices ne suffisent pas, pendant trois exercices consécutifs, à couvrir le paiement des intérêts (Adalet McGowan et al., 2017). Comme ces entreprises utilisent des ressources, leur survie (ou le report de leur restructuration) non seulement tire vers le bas la croissance moyenne de la productivité, mais empêche en outre une réaffectation efficiente de leurs ressources (capital et main-d'œuvre) vers des entreprises plus productives. D'après les données de bilan au niveau des entreprises, la part des ressources en capital irrécupérables captée par les entreprises zombies au Luxembourg était relativement élevée, à 12.5 % en 2013, une proportion qui a peut-être encore augmenté, étant donné le tassement continu de la productivité des retardataires dans le secteur des services (graphique 25, échelle de gauche). Les entreprises non-zombies, quant à elles, pourraient accroître leurs taux d'investissement d'au moins 1 % si la congestion due aux zombies s’atténuait (graphique 25, échelle de droite).

Graphique 25. Il est possible de réduire la congestion due aux entreprises zombies

2013

Un régime d’insolvabilité bien conçu joue un rôle crucial dans la sortie ordonnée des entreprises non viables et la restructuration des entreprises viables qui rencontrent des difficultés financières temporaires (Adalet McGowan et Andrews, 2016). Il existe une marge substantielle d'amélioration de l’efficience du régime d'insolvabilité en vigueur au Luxembourg (graphique 26). Par exemple, les dirigeants d’entreprises ayant fait faillite doivent attendre plus de trois ans pour créer une nouvelle entreprise, contre un an seulement au Royaume-Uni. De plus, les tribunaux sont impliqués dans la quasi-totalité des étapes de la liquidation et de la restructuration, ce qui en accroît le coût, alors que d'autres pays n’imposent le passage devant la justice que pour une seule étape (en Corée, par exemple, seul le lancement de la procédure d’insolvabilité doit passer par un tribunal). Enfin, les nouveaux bailleurs de fonds n’ont pas la priorité sur les créanciers chirographaires en cas de liquidation, même si les bonnes pratiques internationales montrent que cela peut faciliter le succès de la restructuration et se traduire par une valeur recouvrée d’un montant plus élevé, en fin de compte, pour tous les créanciers (Adalet McGowan et Andrews, 2018 ; CE 2014a et 2014b ; Bergthaler et al., 2015).

Le projet de loi relative à la préservation des entreprises et portant modernisation du droit de la faillite (projet de loi 6539) pourrait remédier à ces problèmes, mais le projet est en débat depuis 2013. Une mise en œuvre sans délai de ce texte de loi est indispensable pour offrir une seconde chance aux chefs d’entreprises de bonne foi en ne les tenant plus personnellement responsables de la dette de l’entreprise liquidée une fois clôturée la procédure de faillite. De plus, cette législation comporterait un volet préventif destiné à détecter plus rapidement les entreprises en difficulté, ce qui renforcerait l’efficacité des procédures de restructuration et de résolution.

Graphique 26. Déficient, le régime luxembourgeois de l'insolvabilité doit être réformé

Écart par rapport à la moyenne de l’OCDE, mesuré en écarts types, OCDE = 0

Atténuer l'actuelle pénurie de compétences et anticiper l'avenir

Les pénuries de compétences ont une incidence directe et indirecte sur la productivité, parce qu’elles obligent les entreprises à opérer au-dessous de leur capacité potentielle et réduisent le rendement des investissements dans le capital immatériel, dont les technologies numériques (Gal et al, 2019). La raison en est que les entreprises hautement productives ont accès au capital humain nécessaire, tandis que les entreprises dont la productivité est moyenne ou faible ont plus de difficultés à soutenir la concurrence pour obtenir les talents disponibles sur le marché. Les entreprises à la traîne, quant à elles, sont plus susceptibles de ne pas adopter du tout les technologies numériques ou de ne pas en faire bon usage.

L'Agence pour le développement de l’emploi (ADEM) a réalisé une évaluation des pénuries de compétences qui fait état d'une augmentation de 30 %, en glissement annuel, du nombre de postes déclarés vacants en 2018. La majorité des postes non pourvus concernaient des professionnels de la finance et de l'administration, notamment à cause de la taille du secteur, mais des pénuries critiques sont aussi signalées pour les spécialistes du numérique (ADEM, 2018). Le tableau est sensiblement identique en ce qui concerne la difficulté de pourvoir les postes vacants dans le secteur des TIC, où le Luxembourg reste, depuis 2012, au premier rang des pays en pénurie de compétences (graphique 27, partie A).

Pour apporter une solution immédiate à la pénurie d’informaticiens qualifiés, le gouvernement a créé un dispositif d'immigration plus favorable pour une série de métiers pertinents en optimisant les critères d'attribution d'une Carte bleue européenne et en abaissant les seuils de salaire correspondants. Les événements de recrutement organisés par les pouvoirs publics permettent en outre aux recruteurs de se mettre en contact avec des professionnels candidats.

Parallèlement aux efforts déployés pour attirer des talents venant de l'étranger, les politiques publiques devraient s’attacher à mettre en valeur le capital humain que recèlent les résidents du Luxembourg. À cet égard, la formation joue un rôle crucial. En dépit de l’omniprésence de la transformation numérique, un quart seulement des entreprises proposent une formation à leur personnel pour développer et améliorer leurs compétences en informatique (graphique 27, partie B). Le programme pilote « Luxembourg Digital Skills Bridge », classé par le Financial Times parmi les 100 champions du numérique en 2018, vise à combler cette lacune en offrant aux entreprises dont l’activité sera profondément modifiée par la transformation numérique une assistance technique et financière aux fins de l'amélioration des compétences de leurs salariés. Ce faisant, cette initiative non seulement contribue à la reconversion de la main-d’œuvre actuelle, mais facilite aussi la transition, vers d'autres secteurs, des salariés dont les métiers risquent d’être automatisés. À l’issue de la phase pilote, il sera essentiel de déployer suffisamment de financements et d’efforts de sensibilisation à l'intention des participants potentiels pour que le programme puisse passer rapidement à une échelle supérieure ; il conviendra également de procéder à une évaluation soigneuse du programme afin de le faire évoluer ultérieurement si nécessaire.

Graphique 27. La pénurie de compétences en informatique demeure élevée, alors que les entreprises n’offrent guère de formation aux TIC

Luxinnovation, l'agence nationale de l’innovation, soutient elle aussi la transition numérique des PME en les mettant en contact avec des spécialistes externes. De fait, les petites entreprises accusent souvent un retard dans la transformation numérique, précisément parce qu’elles n’investissent pas assez dans les compétences humaines complémentaires (graphique 28 ; OCDE, 2018c). L'initiative Fit 4 Digital propose ainsi aux entreprises des recommandations personnalisées quant aux outils numériques qui sont les plus rentables, et les accompagne dans leur parcours de transformation, qui commence souvent par des changements simples, comme la création d'un site web. Le programme Go Digital, quant à lui, offre des conseils plus généraux dans différents domaines de la transition numérique des PME (visibilité, réputation, recherche de clientèle, modèles d'activité, entre autres). Ces deux initiatives vont dans la bonne direction, mais pour produire des effets mesurables, il faudra investir davantage dans la sensibilisation des petites entreprises à ces programmes afin d'accroître la participation, qui est encore inférieure à 100 entreprises par an.

Graphique 28. Au Luxembourg, comme ailleurs, les petites entreprises accusent un retard dans la transition numérique

Pourcentage d’entreprises de plus de 10 salariés ayant adopté chaque technologie, 2018*

Il arrive souvent que les adultes, et surtout ceux dont les compétences sont faibles ou moyennes, n’accordent guère d'intérêt à la formation tout au long de la vie : il conviendrait de les sensibiliser à la nécessité d'améliorer en permanence leurs compétences face à l'automatisation et aux changements structurels (Windisch, 2015). Au Luxembourg, 77 % des entreprises proposent un type ou un autre de formation, mais seulement 17 % de la population suit une formation pour adultes (graphique 29). Pourtant, les salariés qui travaillent pour le même employeur depuis plus de six mois ont droit à 80 jours de formation durant leur carrière professionnelle. Pour mieux apparier les futurs besoins de compétences tout en protégeant les travailleurs menacés, il faudra donc recourir à des campagnes ciblées de sensibilisation du public, en utilisant de préférence plusieurs moyens afin de produire un effet maximal. Parmi les pays qui appliquent de telles stratégies figurent notamment la Slovénie, dont l’institut pour l’éducation des adultes organise, chaque année depuis 1996, une semaine consacrée à la formation tout au long de la vie, et le Portugal, qui a lancé en 2016-2017 une campagne publique sur le thème « plus de qualifications pour de meilleurs emplois » (OCDE, 2019b).

Afin de mieux cerner les futurs besoins de compétences, il serait judicieux de procéder régulièrement à des analyses de prospective. Le Luxembourg réalise déjà des études d’évaluation des besoins de compétences (notamment par le biais de la Fédération des industriels luxembourgeois – FEDIL), mais la plupart d’entre elles se concentrent sur les pénuries du moment ou sur certains secteurs. De plus, il n’est pas certain qu’elles informent les politiques relatives aux compétences (Skills Panorama, 2017). Pour favoriser l’atténuation des futurs déficits de compétences, il est donc essentiel de construire un processus structuré par lequel les conclusions d’études prospectives régulières, y compris celles menées au niveau de l’UE (c’est-à-dire par le Cedefop ; OCDE, 2016b, OCDE, 2017a), vont alimenter l’offre de formation de tous les organismes proposant une formation professionnelle. L’ADEM et l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL) ont récemment conclu un accord de coopération prévoyant la publication régulière d'une liste de profils professionnels très demandés. Si cette initiative va dans la bonne direction, son efficacité reste à évaluer.

Graphique 29. Trop peu d’entreprises et de salariés sont conscients de l’importance de la formation continue

Accroître la contribution des services professionnels à la productivité

Les services professionnels représentent une part croissante de la valeur ajoutée créée dans le secteur des services au Luxembourg, mais leurs gains de productivité moyens sont négatifs depuis une vingtaine d'années (graphique 21). En outre, comme les services professionnels sont souvent des intrants intermédiaires pour d'autres secteurs, leur faible performance en termes de productivité peut restreindre l’efficience de la production en aval (Arnold et al., 2011 ; Bourlès et al. 2013 ; van der Marel, 2016).

Le démantèlement de la réglementation anticoncurrentielle des marchés de produits contribuerait à davantage de sélection par le marché et à la croissance postentrée des entreprises efficientes dans le secteur des services professionnels. La réglementation est souvent plus restrictive au Luxembourg que pour la moyenne des pays de l'OCDE (graphique 30), surtout en matière de génie civil, un secteur généralement peu réglementé dans les autres pays de l'OCDE. Cette situation perdure malgré de récentes réformes facilitant la reconnaissance des qualifications professionnelles et éliminant les prix fixes dans les marchés publics pour les architectes et les ingénieurs (Ministère de l'Économie, 2018). Pour ces deux professions, il est donc fortement recommandé d’éliminer les restrictions sur la publicité et les activités commerciales.

Graphique 30. Les marchés de produits restent fortement réglementés malgré les récentes réformes

Stimuler le moteur de l’innovation pour repousser la frontière

Lorsque les pays approchent de la frontière technologique, le maintien des gains de productivité s'appuie de plus en plus sur la capacité d'innovation (OCDE, 2015). Au Luxembourg, l’activité d'innovation paraît intense à première vue, puisqu’un tiers des PME déclaraient, en 2018, avoir adopté des produits, services ou méthodes d’organisation nouveaux ou sensiblement améliorés (CE, 2018b). Cette apparence contraste toutefois avec la faible croissance de la productivité multifactorielle (PMF) du Luxembourg, laquelle pointe sur l'incapacité des entreprises à traduire ces innovations en gains de productivité (graphique 31). La PMF est une mesure résiduelle rendant compte de variations de la production qui ne peuvent pas s’expliquer par des variations de la main-d’œuvre ou du capital : elle est donc souvent utilisée comme une mesure indirecte de l’innovation. Dans les services, même la performance des entreprises à la frontière sur le plan de la productivité s'avère décevante. Par conséquent, il convient de déployer des efforts supplémentaires pour stimuler la mise à l’essai de technologies de pointe et pour encourager l’investissement dans la R-D.

Graphique 31. La productivité multifactorielle ne s’est pas redressée depuis la crise financière

2000 = 100

Se lancer dans des technologies nouvelles, de « rupture »

L’intelligence artificielle (IA), annonciatrice d’une transformation du paysage actuel de l’innovation, pourrait contribuer à faire repartir les gains de productivité à la hausse. L'utilisation de l’IA s’est déjà répandue dans la plupart des activités industrielles, qu’il s'agisse d'optimiser les systèmes multi-machines ou d'améliorer la recherche industrielle (OCDE, 2018d), même si son application commerciale la plus intéressante devrait concerner les chaînes d'approvisionnement, la logistique et l’optimisation des procédés (McKinsey Global Institute, 2018).

Comme l'a demandé la Commission européenne dans son Plan coordonné dans le domaine de l’intelligence artificielle, le Luxembourg lancera prochainement sa stratégie nationale en matière d’IA (CE, 2018c). Cette stratégie réserve une place de premier plan aux compétences de développement et d’utilisation de l’IA ainsi qu’à l’utilisation de l’IA par le secteur public, entre autres. De fait, si l’administration du Luxembourg se positionnait à l’avant-garde du recours à l’IA, le pays pourrait en retirer un double dividende : effets positifs de démonstration à l’intention du secteur privé et avantages potentiellement importants pour le secteur public lui-même. Une sélection de données publiques sont déjà disponibles en ligne à des fins de formation, comme stipulé par la directive européenne sur la réutilisation des données publiques. De plus, l’administration pourrait aussi servir de catalyseur pour la conclusion de partenariats entre des entreprises disposant de données précieuses mais confidentielles et des start-ups dotées de compétences propres à en exploiter l'intérêt (OCDE, 2018d).

Comme c’est le cas d'autres technologies de rupture propices à l'automatisation, il est probable que le recours à l’IA modifiera la nature de certains emplois existants et pourrait même les menacer. S’il est trop tôt pour appréhender pleinement les conséquences de l’IA pour le marché du travail, c’est un fait que les emplois peu qualifiés sont souvent particulièrement vulnérables au développement des applications de l’IA (Nedelkoska et Quintini, 2018). Pour préparer le marché du travail aux changements suscités par l’IA, il convient donc aussi de fournir une offre de recyclage et une protection sociale aux salariés dont les emplois sont menacés. Dans une certaine mesure, le projet Luxembourg Digital Skills Bridge, une fois transposé à plus grande échelle, répond à ce besoin, mais une approche plus globale de la protection des salariés pourrait être ancrée dans la stratégie nationale en matière d’IA.

Dans la même veine, la technologie des chaînes de blocs (blockchain) a récemment suscité de vifs débats. Les applications de cette technologie sont bien connues sur les marchés financiers (distribution des fonds d'investissement, transferts d'argent transfrontières et interbancaires, et négoce de titres, par exemple), mais leur usage couvre un champ beaucoup plus large. En collaboration avec des acteurs privés, les autorités du Luxembourg ont créé Infrachain, une association sans but lucratif qui est aussi une communauté blockchain, dans le but d’établir une communauté européenne d’opérateurs certifiés hébergeant des instances privées avec des tiers de confiance distribuée, et d’encourager la diffusion de la technologie des chaînes de blocs en Europe. Cette initiative jette un pont entre cette nouvelle technologie et les régulateurs, et positionne le Luxembourg en tant que centre de compétence en Europe. Pour ce qui est de l’IA, cependant, son utilisation par le secteur public contribuerait à démontrer son potentiel en dehors du secteur financier et à résoudre les problèmes de confiance à l’égard des données placées dans la blockchain, même si une loi récente vise à éliminer les incertitudes juridiques relatives à l’exécution de transactions financières par le biais de la technologie des registres distribués (loi 7363).

Plus généralement, le Luxembourg a déployé des efforts considérables pour offrir une infrastructure appropriée aux technologies numériques existantes et nouvelles, grâce au déploiement prévu de la 5G et, surtout, en hébergeant EuroHPC, le projet stratégique européen de calcul à haute performance (HPC). Cette entreprise commune rassemblant notamment 13 pays de l’UE consistera à mutualiser des ressources, au sein de l’Europe, en vue d'élaborer des supercalculateurs permettant de traiter les mégadonnées (Luxinnovation, 2018). La démonstration des conséquences techniques et commerciales du HPC serait toutefois facilitée par une plus grande sensibilisation aux exemples d’utilisation industrielle et par des analyses coûtsavantages. De plus, puisque les PME ont souvent des difficultés à reconnaître le potentiel des nouvelles technologies numériques, le gouvernement devrait également envisager d’ouvrir un guichet unique pour les services et conseils en matière de HPC, tout en offrant aux PME la possibilité d’expérimenter l'utilisation du HPC gratuitement ou pour un coût modeste pendant un laps de temps limité (OCDE, 2018d).

Inciter davantage d’entreprises à investir dans la R-D

L’investissement dans la R-D est largement reconnu comme un facteur clé de l'innovation (Bloom et Van Reenen, 2002 ; Hall et al., 2010 ; Westmore, 2013) et, partant, de la croissance de la productivité. Dans l’ensemble des pays de l’OCDE, les gouvernements soutiennent la R-D pour compenser les défaillances du marché, qui ne permet pas aux entreprises, surtout de petite taille, de trouver facilement des financements externes et de s'approprier pleinement le rendement de leurs investissements dans la R-D (OCDE, 2015). Ce soutien est apporté soit directement (subventions, par exemple), soit indirectement (incitations fiscales). S’il est plus facile de cibler le soutien direct sur des projets à haut potentiel ou sur des petites entreprises, plus jeunes et actives dans la R-D, les destinataires potentiels peuvent être dissuadés par les coûts fixes élevés que représente une demande de subvention (Veugelers, 2016). Les incitations fiscales, en revanche, sont généralement d’un usage plus facile que les subventions, mais elles ont moins de chances de cibler des projets qui n’auraient pas été réalisés en l'absence d’allégement fiscal (Appelt et al., 2016).

À 1.3 %, la part du PIB luxembourgeois alloué aux activités de R-D se situe loin au-dessous de la médiane de l’OCDE, mais aussi de l'objectif national pour 2020, de 2.3 % - 2.6 % du PIB (Ministère de l'Économie, 2018). En particulier, la R-D des entreprises a fortement diminué au cours de la dernière décennie (graphique 32). Si les facteurs à l'origine de ce phénomène sont encore inexplorés, il y a des raisons de croire que le comportement de quelques multinationales pourrait avoir exercé une forte incidence sur les statistiques officielles des entreprises en matière de R-D. De plus, bien que dans une moindre mesure, le recul observé pourrait aussi être attribué à des effets de composition, puisque les secteurs des services, traditionnellement à faible intensité de R-D, représentent une part croissante de l’économie.

La mise en œuvre de politiques de R-D efficaces est devenue une priorité pour le Luxembourg, qui a triplé ses dépenses de R-D dans le secteur public et l’enseignement supérieur sur les dix dernières années (graphique 32 ; NRP, 2018). En outre, le pays a récemment élargi la liste des mécanismes de subvention disponibles ainsi que le champ d'action de Luxinnovation, l'agence nationale de l’innovation, qui génère maintenant un tiers des dépenses de R-D des entreprises grâce à ses programmes, c’est-à-dire considérablement plus que ses équivalents européens (Taftie, 2018). Davantage de données seraient toutefois bienvenues quant à l'utilisation et à l'incidence des différentes mesures de soutien, afin d’en évaluer l’utilité.

Au Luxembourg, les incitations fiscales à la R-D se limitent à des dispositifs fondés sur le revenu, qui offrent une exonération de 80 % sur les revenus admissibles associés à des produits de la R-D (brevets ou autres formes de capital intellectuel). En place depuis 2008, ce dispositif n'a guère stimulé les dépenses de R-D des entreprises (graphique 32), car l'activité de R-D justifiant le revenu exonéré ne devait pas nécessairement avoir été réalisée au Luxembourg. Ce mécanisme a été modifié en avril 2018 de façon à offrir un avantage fiscal aux seules entités supportant le risque situées au Luxembourg (projet de loi 7163). Si cet amendement est bienvenu, les incitations fondées sur le revenu peuvent néanmoins bénéficier de façon disproportionnée aux grandes entreprises et aux innovations susceptibles d’être protégées par un brevet (Appelt et al., 2016). Par conséquent, il conviendrait d’envisager de compléter le recours à des dispositifs fondés sur les revenus par des incitations fiscales reposant sur les dépenses, sous forme de déductions fiscales ou de crédits d'impôt, comme le font la grande majorité des pays de l’OCDE (OCDE, 2017f). Ainsi, une plus grande proportion des entreprises, et en particulier les PME, seraient incitées à investir dans la R-D, ce qui pourrait aider le Luxembourg à atteindre son objectif pour 2020. Les incitations fiscales fondées sur les dépenses devraient cependant être soigneusement conçues afin de tenir compte des jeunes entreprises innovantes, qui sont souvent en situation de perte au cours des premières années d'un projet de R-D, en incluant le recours à des dispositions de report à nouveau, de remboursement en liquidités ou d’allégement des charges sociales et patronales (Appelt et al., 2016).

Graphique 32. Les dépenses de R-D restent largement inférieurs à l’objectif de l’UE pour 2020

Pistes pour une croissance plus verte

La réduction des émissions de CO₂ pourrait être amplifiée, en particulier dans les transports

Ces dernières années, le Luxembourg a progressé dans le découplage des émissions de CO₂ par rapport à la croissance économique, à la faveur du recul de l’intensité énergétique de la production et de la progression des énergies renouvelables (graphique 33, parties A-C). Les émissions de CO₂ ont diminué d’environ 20 % depuis 2010, mais leur niveau par habitant est l’un des plus élevés de l’OCDE. Elles sont imputables pour plus de moitié au transport routier, qui est aussi une source de pollution de l’air. Plus de la moitié de la population est ainsi exposée à des concentrations de particules fines supérieures à la limite de 10 microgrammes par mètre cube recommandée par l’Organisation mondiale de la santé, ce qui constitue une proportion supérieure à la moyenne de l’OCDE (graphique 33, partie D). La pollution de l’air extérieur entraîne une hausse substantielle de la mortalité prématurée (Roy et Braathen, 2017) et a des effets particulièrement délétères sur les enfants (Organisation mondiale de la santé, 2018). Une étude tend à démontrer qu’elle peut se répercuter défavorablement sur les résultats scolaires des jeunes enfants (Heissel, Persico et Simon, 2019).

L’étalement des villes a engendré de vastes superficies bâties et favorisé ainsi la dépendance à l’égard de la voiture et les embouteillages (graphique 33, partie F). Les mesures de limitation de cet étalement examinées dans le chapitre 1 auraient pour effet de réduire sensiblement et durablement la pollution, la consommation d’énergie et les émissions de CO₂ (OCDE, 2018e). Elles entraîneraient en outre une baisse notable des coûts de mise en place d’infrastructures publiques, y compris dans le domaine des transports collectifs, dont elles amélioreraient aussi la qualité en permettant d’augmenter plus facilement leur fréquence. L’Étude économique de 2017 préconisait également d’améliorer la qualité des services de transport public en coopération avec les régions allemandes, belges et française voisines. La mise en place de services de transport multimodal intégré est essentielle. Elle doit être complétée par des investissements facilitant les déplacements à pied et à vélo, ainsi que l’électromobilité. Une autre mesure considérée comme étant d’un bon rapport coût-efficacité est la création, dans certains secteurs urbains, de zones à faibles émissions, à l’intérieur desquelles la circulation des véhicules polluants est réglementée (FIT, 2018a). À l’instar de la tarification de l’usage de la voiture, ces zones créent des incitations à privilégier des solutions de déplacement peu émettrices de carbone et de polluants.

Comme indiqué ci-avant, il serait possible de faire baisser les émissions de CO₂ et la pollution atmosphérique en augmentant la fiscalité des carburants et des voitures. La mise en place d’une tarification de l’utilisation de la voiture tenant compte de la congestion et de la pollution permettrait également un bond de l’efficience et des performances environnementales (FIT, 2018a). De fait, les coûts économiques et environnementaux de cette utilisation sont aujourd’hui largement supérieurs à ce que paient les automobilistes dans les zones urbaines (OCDE, 2018e). Le Luxembourg prévoit de rendre gratuits les transports publics en 2020, ce qui peut encourager un certain report de la mobilité vers ces transports. Des financements publics devraient être débloqués comme prévu pour assurer que la qualité des services de transports publics ne se détériore pas, et un bilan de la nouvelle politique devrait être fait dans quelques années.

Graphique 33. Indicateurs de croissance verte : Luxembourg

Le Luxembourg devrait montrer la voie en déployant des infrastructures de charge pour les véhicules électriques dans l’optique d’une décarbonation complète des transports. Il déploie actuellement le réseau Chargy de bornes de charge et ambitionne d’en faire le plus dense en Europe, ce qui va dans le bon sens. Il pourrait emboîter le pas à la France, qui s’est engagée à mettre fin aux ventes de voitures à moteur essence et diesel à l’horizon 2040. Une piste prometteuse pour réduire fortement les encombrements, la pollution et les émissions de CO2 et pour améliorer parallèlement la connectivité et l’accessibilité, en particulier pour les ménages modestes et en mettant peu à contribution les finances publiques, consisterait à rechercher des moyens d’évoluer de l’« autosolisme » vers des solutions de mobilité partagée fondées sur les technologies numériques, ainsi que l’ont montré des travaux de modélisation réalisés récemment pour l’agglomération de Dublin, par exemple (FIT, 2018b).

La production de déchets ménagers reste élevée, même si une grande partie est recyclée (graphique 33, partie E). En prenant des mesures de prévention des déchets, le pays réduirait l’utilisation de ressources naturelles et d’énergie dans le cadre de la consommation intérieure de produits. Il en résulterait une baisse des émissions de gaz à effet de serre, qui concernerait également des secteurs relativement difficiles à décarboner. Un moyen de prévenir la production de déchets consiste à renforcer les mesures qui élargissent la responsabilité des producteurs tout au long du cycle de vie de leurs produits (OCDE, 2016b). Cela peut passer, par exemple, par des obligations de reprise des produits par les détaillants, des systèmes de consigne ou des redevances d’élimination perçues au moment de l’achat et dont le montant est fonction du coût de traitement estimé. Le Luxembourg pourrait envisager de recourir davantage à ce type d’instruments. La perception de taxes sur la mise en décharge des déchets municipaux pourrait encourager une hausse du recyclage.

Mettre la finance au service de la transition vers une économie bas carbone

Le Luxembourg est un centre financier de premier plan et peut à ce titre jouer un rôle important dans le financement de la transition mondiale vers une économie bas carbone. La toute première obligation verte a été émise en 2007 par la BEI à la Bourse de Luxembourg, LuxSE. En 2016, LuxSE a créé le Luxembourg Green Exchange, la première plate-forme réservée aux titres verts et durables. Ces deux bourses sont devenues ensemble le numéro un mondial de la cotation d’obligations vertes (graphique 34). La transparence est renforcée par l’agence luxembourgeoise LuxFLAG, qui délivre une série de labels permettant de préciser le contenu et l’impact de différentes classes d’actifs. Ces labels concernent notamment le financement climatique, les obligations vertes et des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). En outre, le Luxembourg a défini en 2018 un cadre juridique pour les lettres de gage portant sur les énergies renouvelables.

On ignore si cette nouvelle classe d’actifs a eu pour effet de mobiliser des investissements additionnels dans des projets d’énergie renouvelable et d’économies d’énergie, ou seulement de décerner un label à des projets qui auraient été réalisés de toute façon. De fait, cette labélisation est bénéfique dans la mesure où les obligations concernées se voient attribuer à l’émission un prix plus élevé en moyenne que les obligations classiques (Ehlers et Packer, 2017). Il existe aujourd’hui plusieurs référentiels concurrents pour la labélisation des obligations vertes. Afin de favoriser l’application de critères plus transparents et plus exigeants, l’UE élabore actuellement une norme européenne pour les obligations vertes. Dans ce contexte, le Luxembourg Green Exchange participe en tant que membre au Groupe d’experts à haut niveau sur la finance durable créé par la Commission européenne.

Une approche plus globale du financement vert est nécessaire pour permettre un financement efficace de la transition vers une économie bas carbone. À cette fin, le gouvernement a publié une feuille de route pour une finance durable au Luxembourg, qui traite notamment des dispositifs de gouvernance, de la promotion de l’innovation, du renforcement des compétences spécialisées et de la mesure des progrès. En outre, un projet est en cours pour évaluer l’exposition des portefeuilles actuels aux risques climatiques dans le secteur de l’assurance (via l’association professionnelle du secteur, ACA). La Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) a recommandé l’adoption de pratiques plus ambitieuses et concrètes en matière de diffusion de l’information (TCFD, 2017). À titre d’exemple, les banques seraient tenues de rendre publics le montant des actifs liés au carbone et leur poids dans le total des actifs, tandis que les gestionnaires et propriétaires d’actifs divulgueraient pour chaque produit, fonds ou stratégie d’investissement l’intensité d’émission de carbone moyenne pondérée. Les gouvernements et autorités de réglementation financière d’autres pays ont déjà apporté leur soutien à cette initiative. Les travaux actuels sur une réglementation de l’UE concernant la divulgation des risques en matière de durabilité pourrait contribuer à renforcer la diffusion d’informations sur les risques liés au climat, conformément aux recommandations de la TCFD.

L’exposition à des actifs fortement carbonés pose des risques importants et peut entraîner des pertes sèches si ces actifs doivent être déclassés avant la fin de leur vie économique utile pour cause d’incompatibilité avec les objectifs climatiques. La valeur des actifs qui sont dans ce cas pourrait atteindre 1 000 milliards USD dans le monde dans les seuls secteurs de la production d’énergie et de l’industrie, et elle pourrait tripler si des mesures décisives d’atténuation du changement climatique ne sont pas prises avant 2025 (OCDE, 2017g). En outre, les institutions financières devraient commencer à soumettre leurs actifs à un test de résistance pour déterminer les conséquences d’un scénario défavorable d’éclatement de la « bulle carbone » (Schoenmaker et van Tilburg, 2016).

Graphique 34. Le Luxembourg est devenu un leader de la cotation d’obligations vertes

Émissions totales d’obligations labellisées vertes jusqu’en juillet 2018, en milliards USD

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