La fragmentation est un obstacle essentiel au développement économique de l’Afrique, de nombreux petits États ne disposant ni d’un marché intérieur suffisant, ni des infrastructures matérielles ou institutionnelles nécessaires pour favoriser l’industrialisation et le développement de leur économie. L’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui a été signé le 21 mars 2018 à Kigali, au Rwanda, et est entré en vigueur le 30 mai 2019, vise à remédier à cette situation.
Selon l’Article 3 de l’Accord portant création de la ZLECAf, ses objectifs généraux consistent à créer un marché unique pour les marchandises et les services facilité par la circulation des personnes, afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain conformément à la vision panafricaine d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique » telle qu’elle est énoncée dans l’Agenda 2063. La création de la ZLECAf se concrétisera sous la forme d’un marché continental intégré de 1.3 milliard de consommateurs (dont le nombre devrait se hisser à 1.7 milliard en 2030) représentant un PIB global de 3 400 milliards USD.
La ZLECAf est destinée à constituer le fondement de la mise en place d’une union douanière continentale, qui facilitera la circulation des capitaux et des personnes physiques ainsi que les investissements. Elle s’appuiera sur les Communautés économiques régionales (CER) et les initiatives existantes des États parties à l’Accord, et contribuera à promouvoir un développement socioéconomique inclusif et durable, l’égalité entre hommes et femmes et la transformation structurelle des États parties. L’Accord contribuera à renforcer la compétitivité et à promouvoir le développement industriel, le développement des chaînes de valeur régionales et de l’agriculture, ainsi que la sécurité alimentaire. L’Accord vise également à résoudre les défis de l’appartenance à une multitude de CER qui se chevauchent, et à accélérer les processus d’intégration régionale et continentale.
Les objectifs spécifiques de l’Accord portant création de la ZLECAf, énoncés dans son Article 4, sont les suivants :
éliminer progressivement les barrières tarifaires et non-tarifaires au commerce des marchandises ;
libéraliser progressivement le commerce des services ;
coopérer en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de la concurrence ;
coopérer dans tous les domaines liés au commerce ;
coopérer dans le domaine douanier et dans la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges ;
établir un mécanisme de règlement des différends concernant leurs droits et obligations ; et
établir et maintenir un cadre institutionnel de mise en œuvre et de gestion de la ZLECAf.
Les modalités de libéralisation du commerce des biens prévues par l’Accord portant création de la ZLECAf visent à garantir sa viabilité commerciale. S’agissant du commerce de marchandises, les États parties à l’Accord visent à libéraliser 90 % de leurs échanges sur une période de 10 ans – 13 ans pour les pays les moins avancés (PMA). Les pays sont autorisés à exclure 7 % du total des lignes tarifaires pour les produits sensibles, et 3 % de l’ensemble des lignes tarifaires pour des produits qu’ils souhaitent retirer complètement du champ d’application de l’Accord. Néanmoins, ils sont tenus de faire en sorte que les produits exclus ne représentent pas plus de 10 % de la valeur totale des importations en provenance d’autres États parties. La version finale des listes de concessions tarifaires doit être soumise d’ici à janvier 2020, en amont de l’échéance fixée à juillet 2020 pour le début des échanges dans le cadre de la ZLECAf.
Compte tenu des différences de niveau de développement économique entre pays africains, qui peuvent influer sur leur capacité d’ajustement à la libéralisation tarifaire prévue en vertu de l’Accord portant création de la ZLECAf, celui-ci prévoit un certain nombre de « flexibilités ». Les alinéas (c) et (d) de l’Article 5 consacrent deux principes essentiels : celui de la géométrie variable et celui de la flexibilité et du traitement spécial et différencié. Ainsi, les modalités de libéralisation tarifaire prévues par l’Accord portant création de la ZLECAf prévoient une période de transition de cinq ans, dont peuvent bénéficier les pays ayant besoin de cette flexibilité avant la libéralisation des échanges de produits sensibles.
Le principe du traitement spécial et différencié se retrouve dans le Protocole sur le commerce des marchandises, dont l’Article 6 indique que « les États parties accordent des flexibilités aux autres États parties à différents niveaux de développement économique ou qui ont des spécificités individuelles reconnues par d’autres États parties. Ces flexibilités comprennent, entre autres, des considérations spéciales et périodes transitoires additionnelles dans la mise en œuvre de l’Accord au cas par cas. » Un certain nombre d’options sont envisagées pour aider les pays à absorber les chocs liés aux nouveaux accords commerciaux. L’un est la Facilité d’ajustement qui sera mise en place par la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) et l’autre le Mécanisme d’ajustement de la ZLECAf.
En outre, dans des circonstances exceptionnelles, les États parties ont la possibilité de demander une dérogation en vertu de l’Article 15 de l’Accord. Le Protocole sur le commerce des marchandises offre également des « flexibilités » aux États parties concernant les échanges de ce type. Ils peuvent demander une modification de leurs listes de concessions tarifaires (Article 11 du Protocole sur le commerce des marchandises) et recourir à des mesures correctives commerciales, notamment à des mesures globales de sauvegarde et à des mesures de sauvegarde préférentielles (Articles 18 et 19 du Protocole sur le commerce des marchandises).
S’agissant des échanges de services, l’Article 9 du Protocole sur le commerce des services accorde aux États parties le droit de réglementer sous certaines conditions, telles que la nécessité de garantir la transparence et de rester impartial. En ce qui concerne la libéralisation dans le commerce de services, les États parties à l’Accord portant création de la ZLECAf prendront des engagements spécifiques dans cinq secteurs prioritaires pour commencer : les services aux entreprises, les services de communication, les services financiers, le transport et le tourisme. Les listes d’engagements spécifiques relatives au commerce des services doivent être soumises d’ici à janvier 2020. Dans l’intervalle, les États membres sont tenus de finaliser leurs travaux sur les cadres réglementaires de coopération d’ici à juin 2020, et de conclure leurs travaux sur les secteurs de services restants d’ici à décembre 2020.