Ce chapitre donne un aperçu de la dernière série de projections quantitatives à moyen terme relatives aux marchés agricoles mondiaux et nationaux. Ces projections englobent la production, la consommation, les échanges et les prix de 25 produits agricoles pour la période allant de 2020 à 2029. Le ralentissement de la demande devrait persister pendant la décennie à venir. Même si le taux de croissance démographique devrait fléchir, la population sera le principal moteur de la croissance de la consommation pour la plupart des produits. À l’échelle mondiale, la consommation par habitant devrait stagner pour beaucoup de produits. Le ralentissement de la croissance de la demande de bon nombre de produits agricoles de base devrait aller de pair avec des gains d’efficience dans la production végétale et animale, ce qui permettra de maintenir les prix réels à des niveaux relativement stationnaires. Le commerce international restera essentiel pour la sécurité alimentaire dans les pays importateurs de produits alimentaires et pour la subsistance des populations rurales dans les pays exportateurs de denrées alimentaires. Outre les risques élevés auxquels l’agriculture est habituellement exposée, les marchés agricoles mondiaux font face à de nouvelles incertitudes. La plus grande source d’incertitude est liée à la pandémie de COVID-19 qui a un impact sur l’ensemble de la consommation, la production, les prix et les échanges. D’autres incertitudes sont liées aux changements de préférences des consommateurs, aux maladies des végétaux et animaux ainsi qu’aux accords commerciaux qui pourraient être conclus entre plusieurs acteurs clés du secteur
Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2020-2029
1. Vue d’ensemble
Abstract
1.1. Introduction
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO présentent un scénario de référence cohérent concernant l’évolution des marchés des produits agricoles et du poisson aux niveaux national, régional et mondial au cours des dix prochaines années (2020‑2029). Elles mettent donc l'accent sur le moyen terme et complètent ainsi les travaux sur le suivi des marchés et les perspectives à court terme, d'une part, et les projections à long terme, d'autre part. La présente édition a été finalisée dans les circonstances sans précédent engendrées par la pandémie de COVID‑19. Les effets de cette pandémie sur les marchés agricoles et halieutiques restent incertains, du moins en termes quantitatifs, et n’ont donc pas été pris en compte dans les projections de référence. Toutefois, une premier scénario, présenté à la section 1.6, donne une idée des répercussions macroéconomiques probables de la pandémie sur les marchés agricoles à court terme. Les projections concernant les premières années de la période doivent donc être considérées avec réserve et restent plus incertaines que celles des années suivantes. Néanmoins, étant donné que l’agriculture et l’économie dans son ensemble devraient se rétablir au cours de la décennie à venir, les projections relatives aux années suivantes décrites dans les présentes Perspectives sont conformes aux tendances et facteurs économiques sous‑jacents ayant une incidence sur les marchés agricoles mondiaux. C’est pourquoi les impacts à court terme de la pandémie sur les marchés agricoles et halieutiques ne modifient pas le scénario de référence à moyen terme.
Les projections ont été établies par l'OCDE et la FAO en collaboration avec des experts de pays membres et d'organisations internationales spécialisées dans les produits de base. Elles ne sont pas assimilables à des prévisions et présentent un scénario plausible et cohérent des perspectives à moyen terme des produits agricoles de base. Le modèle AGLINK-COSIMO mis au point par l'OCDE et la FAO définit les liens entre les différents secteurs étudiés de manière à assurer une cohérence d’ensemble et un équilibre global entre tous les marchés. Il permet de procéder à une analyse de suivi, notamment des incertitudes sur l'évolution des marchés. Une présentation détaillée de la méthode utilisée pour établir les projections ainsi que d'autres informations sur le modèle AGLINK-COSIMO sont disponibles en ligne à l’adresse www.agri-outlook.org/fr/. Des synthèses régionales présentent les principaux éléments des projections concernant les six régions définies par la FAO. Les projections relatives aux produits sont présentées en détail dans les chapitres correspondants.
Les projections présentées dans ces Perspectives reflètent à la fois la situation actuelle des marchés (synthétisée dans le Graphique 1.1) et certaines hypothèses concernant l’évolution de la conjoncture macroéconomique, l’environnement institutionnel, le changement technologique, les conditions météorologiques, les tendances démographiques et les préférences des consommateurs. Durant la période couverte, la population mondiale devrait se hisser à 8.4 milliards de personnes ; la croissance économique demeurera inégalement répartie à travers le monde, les pays émergents connaissant une hausse robuste du revenu par habitant (voir l’encadré 1.4 pour davantage de précisions). La croissance démographique et l’expansion économique sont les deux principaux facteurs qui influencent la demande de produits agricoles de base, tandis que l’évolution de la production obéit aux hypothèses sur la poursuite de l’amélioration de la productivité et sur la disponibilité des ressources.
Les projections décrites dans les présentes Perspectives ne peuvent être qu’incertaines, dans la mesure où elles portent sur les dix années à venir et s’appuient sur des hypothèses pour ce qui est de la situation économique et de l’action publique. Ces incertitudes sont détaillées à la fin du présent chapitre, ainsi que dans les différents chapitres consacrés aux produits agricoles de base. Les plus importantes ont bien entendu pour origine la pandémie de COVID‑19. La majeure partie de la production agricole primaire pourrait n’être touchée que marginalement par cette pandémie, mais des interruptions de la transformation alimentaire en aval ou des échanges de produits agricoles, des adaptations forcées de la demande des consommateurs ou des pénuries de main‑d’œuvre saisonnière auront probablement un impact sur les marchés agricoles et halieutiques, en particulier sur le court terme, comme expliqué dans la Section 1.6.
1.2. Consommation
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO projettent l’utilisation des produits agricoles de base dans l’alimentation humaine et animale et dans les applications industrielles, dont la production de biocarburants. Le scénario de référence porte sur l’utilisation directe des végétaux dans les aliments à peine transformés destinés à la consommation humaine, mais aussi sur la transformation de premier niveau, comme la trituration des oléagineux et l’utilisation des produits ainsi obtenus en alimentation humaine et animale. En ce qui concerne les produits animaux, les Perspectives traitent de la consommation de viande, d’œufs, de poisson et de produits laitiers. La prise en compte de l’utilisation directe des céréales en alimentation animale, ainsi que de l’utilisation de produits transformés comme les tourteaux protéiques, la farine de poisson, le son de céréales et d’autres produits dérivés dans le secteur de l'élevage permet aux Perspectives de mettre en évidence la contribution nette du secteur à l’alimentation humaine. Les biocarburants sont depuis quelques années le principal débouché industriel des produits agricoles. Leur production passe par l’utilisation directe de céréales et de plantes sucrières, mais aussi de produits transformés comme la mélasse et diverses huiles végétales. Les « autres utilisations », principalement des applications industrielles de produits agricoles de base fournis par les exploitations commerciales, comme les céréales secondaires servant à produire de l’amidon, sont, elles aussi, de plus en plus importantes depuis quelques années et elles devraient occuper davantage de place encore à l’avenir. Le Graphique 1.2 illustre la décomposition de la consommation des produits de base entre les grandes catégories d’emploi considérées dans les présentes Perspectives.
Quels sont les facteurs qui font évoluer la demande mondiale de produits agricoles, halieutiques et aquacoles?
La demande des produits agricoles destinés à satisfaire les divers besoins mentionnés plus haut est influencée par un ensemble d’éléments communs, tels que la dynamique des populations, l’urbanisation, le revenu disponible, les préférences des consommateurs, les prix, l’action publique et différents facteurs sociaux. Ces éléments détermineront la structure de la demande de produits agricoles dans la décennie à venir.
On s’attend à ce que la croissance de la population mondiale reste le principal moteur de la demande totale de produits agricoles au cours de la période de projection, notamment en ce qui concerne les produits dont la consommation par habitant est élevée dans les régions où la croissance démographique est forte. S’agissant des céréales alimentaires, la démographie reste généralement un facteur important dans toutes les régions, étant donné que la demande alimentaire par habitant stagne ou même baisse dans plusieurs pays à haut revenu. Dans les cas des huiles végétales, du sucre, de la viande et des produits laitiers, la dynamique démographique a moins d’influence, car le revenu et les préférences individuelles comptent davantage (Graphique 1.3).
Outre la dynamique démographique, la croissance de la demande est fonction des modes de consommation individuels. Ceux‑ci sont déterminés par les préférences des consommateurs et par le revenu dont ils disposent pour les satisfaire. Consécutivement au développement économique mondial, les dépenses alimentaires par habitant devraient augmenter en valeur absolue dans toutes les catégories de revenu, une proportion croissante étant consacrée aux produits plus onéreux comme les huiles végétales, les produits de l’élevage et le poisson. Toutefois, à mesure que le revenu s’élève, la propension à consacrer son surcroît de ressources financières à l’alimentation diminue et, en conséquence, les dépenses destinées à ce poste reculent proportionnellement au revenu disponible. C’est ce qu’illustre le Graphique 1.4 dans différentes catégories de pays classés en fonction du revenu.
Compte tenu des projections de croissance des revenus, la part de l’alimentation dans les dépenses totales des ménages devrait se réduire dans les pays à haut revenu, passant de 8% environ pendant la période de référence à 6% en 2029.
Le recul en valeur absolue sera probablement plus net dans les pays à revenu intermédiaire des tranches supérieure et inférieure du groupe des économies émergentes, la part des dépenses alimentaires passant de 21% à 17% dans les pays de la tranche inférieure et de 19% à 14% dans ceux de la tranche supérieure entre la période de référence et 2029 (Graphique 1.4).
Dans les pays à faible revenu, où l’on s’attend à ce que la croissance du revenu par habitant stagne dans la décennie à venir, les projections annoncent une contraction moins prononcée de la part des dépenses des ménages destinée à l’alimentation. En 2029, dernière année de la période considérée, la proportion du revenu des ménages consacrée à l’alimentation devrait encore y être de 43% en moyenne. La sécurité alimentaire des plus défavorisés, dans ces pays, reste très sensible aux chocs sur les revenus et sur les prix alimentaires.
Les Perspectives font l’hypothèse que l’évolution de l’utilisation des produits agricoles au cours de la période de projection sera aussi influencée par celle des préférences des consommateurs, qu’elle soit due à des facteurs socioculturels ou liée aux revenus. La poursuite de l’urbanisation et de la féminisation de la main‑d’œuvre, notamment dans les économies à revenu élevé et émergentes, devrait favoriser une hausse de la consommation d’aliments transformés et prêts à l’emploi et une tendance croissante à manger hors de chez soi. Ces évolutions sous‑tendent l’augmentation de la consommation de sucre et d’huiles végétales dont font état les projections. Les effets du vieillissement de la population et d’une sédentarisation accrue des modes de vie, en particulier dans les pays à revenu élevé, sont par ailleurs pris en compte dans les projections relatives aux besoins quotidiens en calories.
Les projections de référence font aussi entrer en ligne de compte l’attention croissante que les consommateurs accordent au lien entre alimentation et santé, laquelle devrait stimuler la consommation de volaille et de poisson et faire diminuer la consommation de viande rouge et de sucre. Des mesures visant à encourager des choix alimentaires sains et à réduire la consommation de produits pouvant favoriser le surpoids, l’obésité et les maladies non transmissibles liées à l’alimentation, comme le diabète, sont mises en œuvre ou envisagées dans de nombreux pays, tels que l'Afrique du Sud, le Chili, la France, le Mexique, la Norvège et le Royaume‑Uni. La mise en place d’un étiquetage fournissant des informations nutritionnelles sur les produits alimentaires, ainsi que de réglementations qui limitent la publicité à destination des jeunes pour les aliments ultra transformés, fait aussi partie des dispositions prises en compte dans l’évaluation des futures préférences des consommateurs.
Les consommateurs devraient être de plus en plus sensibles aux effets de leurs choix sur l’environnement, ce qui limite les projections de croissance de la demande de produits comme l’huile de palme, la viande bovine et le coton non biologique. À l’inverse, ces préoccupations soutiennent la hausse de la demande de produits bruts renouvelables à usage non alimentaire, employés par exemple dans la fabrication de biocarburants et l’industrie des emballages, des cosmétiques et des produits pharmaceutiques.
La structure de la demande de produits de base ne devrait guère changer
Comme l’indique le Graphique 1.2, les Perspectives définissent quatre grandes catégories d’utilisation des produits agricoles de base. Équivalant actuellement à 52% des calories produites par l’agriculture mondiale, l’alimentation humaine en est la principale. L’alimentation animale représente environ 31% des calories produites et les 17% restants sont employés pour produire des biocarburants, des semences ou des matières premières destinées à l’industrie.
D’après les projections, ces proportions ne devraient guère changer au cours de la décennie à venir, aucun bouleversement structurel n’étant attendu dans la consommation (Graphique 1.5). Les céréales alimentaires (riz, blé), les racines et les tubercules, les légumineuses, le sucre, les huiles végétales et l’ensemble des produits de l’élevage resteront utilisés principalement dans l’alimentation humaine. L’alimentation animale demeurera le principal débouché des céréales secondaires et des tourteaux protéiques.
L’utilisation des produits agricoles varie en fonction du niveau de développement des pays (Graphique 1.6). Dans les pays à faible revenu, les consommateurs puisent leurs calories pour l’essentiel dans les produits végétaux. Le niveau de vie ne permet pas d’y investir une grande partie de la production végétale intérieure dans la production d’aliments pour animaux non‑ruminants, les calories d’origine animale étant trop chères pour les consommateurs.1 La proportion de la consommation de calories imputée à l’alimentation humaine est par ailleurs majorée, du fait que des produits animaux sont importés de pays à revenu élevé ou intermédiaire de la tranche inférieure ou supérieure, où les calories sont comptabilisées dans l’alimentation animale. La part de l’alimentation humaine dans les pays à faible revenu devrait se hisser à 74% d’ici la fin de la période de projection, la croissance de la demande alimentaire intérieure étant plus rapide que celle de la demande intérieure d’aliments pour animaux et de matières premières renouvelables destinées à l’industrie. À l’inverse, dans les pays à revenu élevé, la structure de la demande de produits agricoles est favorable à davantage de transformation et l’utilisation alimentaire directe ne représente que 43% de la consommation totale. En Amérique du Nord, par exemple, le vaste secteur des biocarburants et le secteur de l’élevage, important et gros consommateur d’aliments du bétail, absorbent l’essentiel de la production végétale. L’emploi des produits agricoles sous forme d’aliments pour animaux devrait par ailleurs s’accroître en particulier dans les régions à revenu intermédiaire de la tranche supérieure au cours de la période de projection, principalement sous l’effet de la croissance du secteur de la viande stimulée par les exportations. Les pays concernés continueront probablement de s’appuyer sur leurs ressources et leur compétitivité pour s’approprier les fruits de l’essor du secteur de l’élevage.
La croissance démographique sera le principal moteur de la consommation alimentaire
La population est l’élément le plus déterminant de la consommation alimentaire totale. Cependant, le revenu, les prix relatifs, d’autres facteurs démographiques, les préférences des consommateurs et le style de vie déterminent la composition du panier alimentaire de chacun. Les projections faisant état d’une augmentation de la population mondiale de 11 % (soit 842 millions d’habitants de plus entre 2017‑19 et 2029) et d’une hausse notable du revenu par habitant dans toutes les régions, la consommation totale des produits alimentaires étudiés dans la présente édition des Perspectives, mesurée en calories, devrait progresser de 15 % d’ici 2029. C’est la région Asie-Pacifique, la plus peuplée de la planète, qui continuera d’exercer le plus d’influence sur la demande de produits destinés à l’alimentation humaine au cours de la période couverte, puisqu’elle devrait représenter 53 % de la population mondiale en 2029 (avec 4.5 milliards d’habitants). Étant donné les grandes différences régionales dans l’évolution de la démographie, la distribution des revenus et les préférences des consommateurs liées à la culture, l’impact relatif de ces facteurs sur la demande alimentaire varie selon les pays et régions.
Sous l’effet de niveaux de revenus différents et de projections de croissance des revenus variables, les habitudes alimentaires resteront diverses d’un pays à l’autre au cours de la décennie à venir (Graphique 1.7).
Globalement, la consommation alimentaire agrégée (mesurée en calories) devrait, selon les projections, s’accroître de quelque 3 % dans les dix prochaines années et se hisser juste au‑dessus de 3 000 kcal en 2029, les matières grasses et les aliments de base représentant environ 50 % des calories supplémentaires. C’est la consommation de matières grasses qui devrait connaître le taux de croissance le plus élevé (9 %). Les aliments de base restent la catégorie d’aliments la plus importante toutes catégories de revenus confondues. Sauf dans les pays à revenu élevé, les consommateurs de tous les pays devraient, d’après les projections, puiser davantage de calories dans les aliments de base. Néanmoins, étant donné que les produits d’origine animale, les matières grasses, le sucre et d’autres aliments continuent de gagner du terrain dans les régimes alimentaires à l’échelle mondiale, la part des aliments de base dans le panier alimentaire devrait se contracter d’ici 2029 dans toutes les catégories de revenus, quoiqu’à des rythmes différents.
Dans les pays à revenu élevé, la consommation alimentaire par habitant mesurée en calories se maintiendra au niveau actuel. Les revenus continuant d’augmenter et les préférences des consommateurs d’évoluer, le remplacement des aliments de base, des édulcorants et des matières grasses par des aliments de plus haute valeur se poursuivra, en faveur surtout de produits riches en micronutriments comme les fruits, les légumes, les graines, les fruits à coque et, dans une moindre mesure, les produits d’origine animale.2 Comme les pays à revenu élevé doivent importer la plupart de ces fruits, dont les fruits à coque, et de ces légumes, cette évolution offre des débouchés commerciaux aux pays exportateurs potentiels. On s’attend à ce qu’une hausse des investissements nationaux et étrangers dans les régions de production (Afrique subsaharienne, par exemple) permette d’exploiter ces opportunités commerciales. S’agissant de la consommation de produits d’origine animale, la croissance sera limitée du fait que la consommation de viande et de produits laitiers est proche de la saturation, mais aussi en raison des préoccupations environnementales et relatives à la santé.
Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, la consommation alimentaire totale devrait s’accroître de 4 % environ d’ici 2029. Comme les consommateurs de bon nombre de ces pays préfèrent nettement la viande, 38 % des calories supplémentaires proviendront de produits d’origine animale et 26% de matières grasses et autres aliments.
D’après les projections, dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, la consommation alimentaire devrait s’élever de 7 % (173 kcal) pendant la décennie à venir, soit la plus forte progression des quatre catégories de revenus. Toutefois, le revenu disponible y étant limité, les matières grasses et les aliments de base continueront de représenter la moitié de l’augmentation, tandis que la hausse de la consommation de produits relativement plus onéreux comme les fruits, les légumes et les produits d’origine animale restera limitée.
Dans les pays à faible revenu, l’alimentation continuera globalement de s’appuyer largement sur les produits de base, qui représenteront encore 70% des apports journaliers de calories. Au cours de la décennie à venir, près de 40 % des calories supplémentaires devraient être fournies par les céréales et les racines et tubercules. Les édulcorants seront la deuxième source de croissance des apports en calories, moyennant 30 % de l’augmentation totale. La hausse de la consommation de produits d’origine animale et d’autres aliments de haute valeur (les fruits et légumes, par exemple) restera cependant limitée en raison des contraintes de revenu. Ces produits étant plus chers, les consommateurs des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et à faible revenu ne pourront diversifier leur alimentation que marginalement.
Les protéines alimentaires jouent un rôle vital dans la sécurité alimentaire et la nutrition. Elles sont essentielles à la croissance, à la survie et à la structure des tissus; elles sont nécessaires à la formation d’anticorps et ont des fonctions déterminantes dans le métabolisme humain; et elles constituent une source d’énergie. Les sources végétales comme les légumineuses et les céréales, dont le blé, peuvent fournir une grande partie de la totalité des protéines nécessaires, mais c’est surtout dans les protéines d’origine animale que l’on trouve les acides aminés essentiels.
Étant donné que les revenus par habitant sont globalement en hausse et que les prix réels des aliments diminuent, la demande de produits d’origine animale a augmenté au cours de la décennie écoulée. Cette progression est également favorisée par l’urbanisation, qui facilite la transformation à grande échelle de la viande et du lait. De plus, le secteur de la vente au détail investit dans l’amélioration de la chaîne du froid, ce qui permet aux denrées périssables, dont les produits animaux, de parcourir de plus grandes distances à un coût moindre entre le producteur et le consommateur, tout en conservant leurs caractéristiques nutritionnelles et organoleptiques. Dans le prolongement de ces évolutions, la disponibilité par habitant totale de protéines devrait se hisser, au niveau mondial, à 85 g par jour en 2029, contre 83 g par jour pendant la période de référence. En ce qui concerne la composition des sources de protéines, les différences liées aux revenus persisteront, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure demeurant, selon les projections, très tributaires des protéines d’origine végétale Cela peut s’expliquer par un revenu moyen des ménages plus bas et une moindre disponibilité des protéines d’origine animale imputable à un déficit de chaînes d’approvisionnement à même de transporter et de conserver la viande fraîche correctement (Graphique 1.8). Cependant, les protéines animales continueront de représenter l’essentiel de la consommation de protéines dans les régions à revenu élevé d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie centrale.
Globalement, les protéines d’origine animale devraient constituer une plus grande partie de la disponibilité quotidienne totale par habitant. La hausse de leur consommation sera particulièrement prononcée dans les pays à revenu intermédiaire des tranches supérieure et inférieure, où l’on s’attend à ce que la disponibilité journalière par habitant de viande et de poisson augmente de 8 % et 16 %, respectivement. La croissance de la demande de viande et de poisson liée au revenu en Chine, qui devrait voir la disponibilité journalière par habitant s’élever de 11 %, apportera la contribution la plus importante dans le groupe des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, la consommation de protéines animales augmente plus vite que dans toutes les autres catégories de revenus, mais l’apport par habitant reste sensiblement inférieur au niveau atteint dans les pays à revenu élevé et à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. Modeste de longue date, la consommation de protéines animales en Inde, notamment la consommation de viande, influe fortement sur la tendance observée dans le groupe de pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure.
Par ailleurs, les préoccupations environnementales et sanitaires croissantes des consommateurs favoriseront probablement une transition des sources animales de protéines vers d’autres sources de protéines (végétaux et insectes, par exemple), ainsi que, plus immédiatement, le remplacement de la viande rouge, en particulier de la viande bovine, par la volaille et le poisson, que les consommateurs jugent plus sains. Ces changements seront particulièrement nets dans les pays à revenu élevé. La demande de volaille dans les pays à faible revenu sera fonction de l’accessibilité financière de ce produit par rapport à celle d’autres types de viande, des qualités supérieures qu’on lui prête sur le plan de la santé et de son acceptabilité culturelle en général.
L’augmentation de la demande de produits d’origine animale, poisson compris, fera croître la consommation d’aliments pour animaux
Du fait de l’évolution des habitudes alimentaires dans le monde, qui joue en faveur des aliments d’origine animale, une plus grande quantité de produits cultivés et d’autres produits agricoles ou de poisson est employée pour nourrir les animaux. Actuellement, environ 1.7 milliard de tonnes de céréales, de tourteaux protéiques et de divers sous‑produits de la transformation (drêches de distilleries, son de céréales, par exemple) sont utilisées à cette fin. D’ici 2029, ce volume devrait atteindre près de 2 milliards de tonnes. Cette augmentation est principalement due à la poursuite de l’expansion des troupeaux et de la production aquacole dans les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu. Les Perspectives tablent en outre sur une nouvelle intensification de l’élevage, aquaculture comprise, qui passe par l’utilisation de davantage d’aliment par unité produite, principalement pour accélérer la finition et, ce faisant, mieux rentabiliser les investissements en capital fixe. C’est ainsi que les économies avancées recourant à des technologies de production à forte intensité en capital font en général un usage intensif des aliments pour animaux. Elles élèvent aussi dans la plupart des cas les races les plus performantes, y compris en aquaculture, à l’origine des taux de conversion alimentaire les plus élevés. Ainsi, au cours de la décennie à venir, deux tendances s’équilibrant mutuellement devraient se manifester dans la demande d’alimentation animale: une intensification et des gains d’efficience. Selon les hypothèses retenues dans les Perspectives, après une période d’intensification de l’utilisation d’aliments dans le monde entamée en 2010, qui a contrebalancé l’amélioration globale de l’efficience de la production de volaille, la professionnalisation en cours de l’élevage dans les économies émergentes entraînera une nouvelle intensification qui, toutefois, sera compensée dans la décennie à venir par des gains d’efficience résultant d’investissements des exploitations modernes dans la génétique, la technologie de l'alimentation animale et la gestion des troupeaux (Graphique 1.9).
Dans les exploitations commerciales, les animaux sont nourris principalement avec des aliments composés, pour produire des protéines de haute valeur sous la forme de viande, de poisson, d’œufs et de lait. Cette méthode s’appuie sur une vaste gamme d’aliments concentrés riches en énergie et en protéines. Néanmoins, seule une fraction de cette énergie et de ces protéines passe dans les produits d’origine animale, poisson compris, destinés à l’alimentation humaine (Graphique 1.10). La plus grande partie correspond à ce qui est appelé la « ration d’entretien », qui sert uniquement à maintenir l’animal en vie en répondant à ses besoins élémentaires. Un animal qui reçoit seulement cette ration ne perd pas de poids et n’en prend pas non plus. Le taux de conversion des aliments pour animaux en aliments pour la consommation humaine est fonction de l’espèce, de la race, de la technologie de production et du type d’aliment. Les apports totaux aussi bien en énergie qu’en protéines augmenteront de 15 % environ au cours de la décennie à venir et, malgré des innovations constantes dans le secteur de l’élevage, la fraction des apports d’énergie convertie en aliments destinés à la consommation humaine devrait se maintenir globalement aux alentours de 23 %. L’essentiel des apports en énergie servira donc toujours uniquement à maintenir l’animal en vie et ne sera pas transformé en produits.
Il ressort également des projections de référence que le rapport entre la production d’aliments d’origine animale et les apports en protéines nécessaires aux animaux sera globalement fixe. La fraction récupérable des apports en protéines est légèrement plus importante (27 %) que celle des apports en énergie. Ne possédant pas l’aptitude des ruminants à convertir l’herbe ou les aliments non protéiques en viande et en lait, les non‑ruminants ont besoin d’autres protéines végétales. Cependant, les protéines procurées par la viande, le poisson, les œufs et le lait sont considérées comme ayant une valeur nutritive supérieures pour l’alimentation humaine, que les protéines de blé ou de soja.
Structure de la demande d’alimentation animale
Les aliments pour animaux sont très variés et ils sont ordinairement classés selon leur teneur en protéines. Les tourteaux d’oléagineux sont les principaux aliments riches en protéines, les drêches de distillerie sont un bon exemple d’aliment à teneur moyenne et les céréales sont classées parmi les aliments pauvres en protéines. Le Graphique 1.11 illustre la consommation d’aliments composés dans la production de non‑ruminants et la composition des rations selon la teneur en énergie et en protéines. L’intensité d’utilisation des aliments composés et la place relative des aliments à teneur élevée, moyenne et faible en protéines présentent de fortes variations entre les pays à revenu élevé, intermédiaire ou faible, en raison d’écarts entre les technologies de production.
Le groupe des pays à revenu élevé devrait encore améliorer le taux de conversion des aliments pour animaux aussi bien dans le cas de l’énergie que des protéines grâce à la sélection animale et à des avancées dans la gestion des troupeaux, sans modification de la composition des rations. Ces réductions constantes sont rendues possibles par les progrès de la sélection animale et d’autres avancées technologiques dans le cadre d’une technologie à plus forte intensité d’aliments composés que dans les pays moins développés.
Actuellement, les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure utilisent beaucoup moins d’aliments pour animaux par unité produite dans l’élevage de non‑ruminants. On s’attend à ce que les filières porcines, de la volaille et des œufs, dans ces pays, intensifient leur technologie à mesure que les exploitations se professionnalisent. La concentration des rations en protéines devrait s’accroître légèrement au fil du temps.
Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, les agriculteurs maintiendront probablement au même niveau l’utilisation d’aliments pour animaux par unité produite dans l’élevage de non‑ruminants. La composition des rations ne devrait pas beaucoup évoluer, les projections ne faisant état que d’une très légère augmentation de la proportion d’aliments riches en protéines. Les petites exploitations, notamment familiales, qui prédominent dans ces pays, n’intensifieront vraisemblablement pas de façon notable leur technologie de production.
Dans les pays à faible revenu, l’élevage devrait rester largement l’apanage de petits producteurs, qui s’approvisionnent pour l’essentiel localement en aliments pour animaux. Les exploitations les plus commerciales sont en général les élevages de volaille, lesquels devraient connaître l’expansion la plus rapide. La diminution de l’utilisation d’aliments par unité produite dont les projections font état est due à la place croissante de la volaille dans la production totale de l’élevage de non‑ruminants. L’intensification de la technologie de production est limitée par un manque de capitaux à investir, qui tient principalement à la petite taille des exploitations et au sous‑développement des marchés financiers et des chaînes de valeur dans l’agriculture des pays concernés.
Croissance limitée de la demande de biocarburants
Au cours des dernières décennies, la demande de biocarburants a augmenté sensiblement, à la suite de la mise en œuvre de politiques ayant trois objectifs principaux : (i) aider les pays à respecter leurs engagements de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) ; (ii) faire diminuer la dépendance à l'égard des importations d’énergies fossiles et (iii) accroître la demande de matières premières bioénergétiques pour soutenir la production intérieure.
Il est supposé que ces facteurs persisteront pendant la décennie à venir, mais on ne s’attend pas à ce que les biocarburants suscitent une forte augmentation de la demande de matières premières bioénergétiques. Étant donné la multiplication croissante des véhicules électriques et hybrides, qui réduisent plus efficacement les émissions de gaz à effet de serre (GES), les biocarburants ne devraient plus bénéficier du même appui politique que dans le passé. De plus, l’utilisation de carburants de type essence sur deux des principaux marchés de l’éthanol, à savoir les États‑Unis et l’Union européenne, devrait reculer dans les dix années à venir. Cette diminution ne sera compensée qu’en partie par la hausse du taux d’incorporation aux États‑Unis, ce qui entraînera un ralentissement de la demande de maïs, principale matière de base. À l’échelle mondiale, l’utilisation du maïs dans la fabrication de biocarburant ne devrait croître que légèrement au cours de la prochaine décennie, d’où une contraction de sa part dans l’utilisation totale, qui passera de 16 % au cours de la période de référence à 14 % en 2029 (Graphique 1.12).
Par contre, on s’attend à ce que la part des biocarburants dans l’utilisation mondiale de canne à sucre se hisse à 25 % en 2029, contre 23 % pendant la période de référence. Cette progression peut être attribuée en grande partie à l’extension prévue du programme brésilien RenovaBio, qui vise à réduire les émissions de GES dues aux carburants d’ici 2028. Au Brésil, l'éthanol est employé soit mélangé avec de l’essence, soit pur sous forme d’éthanol anhydre, ce qui dope notablement la part de ce produit dans la consommation totale de carburant par rapport aux pays qui recourent principalement à des mélanges peu concentrés. L’incorporation d’éthanol à un taux plus élevé est encouragée par un allègement des taxes, ce qui le rend plus compétitif que les carburants fossiles. Ces mesures continueront d’aider le Brésil à respecter ses engagements de réduction des émissions de GES, à réduire sa dépendance vis‑à‑vis des importations d’essence et à soutenir son secteur de la canne à sucre, qui assure 1.15 million d’emplois directs. Dans d’autres pays d’Amérique latine, comme la Colombie, le Paraguay et le Pérou, le secteur de la canne à sucre demande tout autant de main‑d’œuvre et, en zone rurale, procure aux agriculteurs une proportion notable de leurs revenus. Pour protéger ces emplois, les pouvoirs publics soutiendront la demande de canne à sucre des fabricants de biocarburant en restreignant les importations d’éthanol et en imposant l’incorporation de ce produit dans les carburants.
Les pays d’Asie ne recourent guère à la canne à sucre pour produire de l’éthanol, en partie parce qu’accroître son utilisation nécessiterait davantage de terres, ce qui pourrait nuire à la production de céréales destinées à l’alimentation humaine et donc menacer la sécurité alimentaire. Compte tenu de ces contraintes, la mélasse, sous‑produit de la fabrication du sucre de canne, est l’une des principales matières de base utilisées pour produire de l’éthanol. La proportion de sa production utilisée pour fabriquer des biocarburants devrait passer de 49% au cours de la période de référence à 54 % en 2029. La part des biocarburants dans la demande de racines et tubercules devrait quant à elle passer de 2 % à quelque 4 % dans le même temps, la Chine étant à l’origine de la majeure partie de cette progression.
L’utilisation d’huiles végétales comme biocarburant est censée se maintenir à 30 Mt, mais sa part de l’utilisation mondiale d’huiles végétales devrait passer de 14 % pendant la période de référence à 12 % environ en 2029. Outre la diminution attendue de la consommation de gazole contenant du biocarburant dans l’Union européenne, de nouvelles dispositions réglementaires limitent le recours à des matières de base (principalement l’huile de palme) cultivées dans des écosystèmes qui séquestrent du dioxyde de carbone, comme les forêts, les zones humides et les tourbières. Cependant, l’augmentation de la demande de biodiesel à base d’huile de palme, principalement dans les pays d’Asie du Sud‑Est, compensera sa baisse dans l’Union Européenne. L’Indonésie et la Thaïlande devraient continuer de soutenir l’utilisation de l’huile de palme produite localement dans la fabrication de biodiesel. L’Indonésie, par exemple, applique un système de prélèvements variables pour faire en sorte que son industrie des biocarburants soit approvisionnée en matières de base produites sur place, en taxant les exportations d’huile de palme.
Autres utilisations
Outre l’alimentation humaine, l’alimentation animale et les biocarburants, les produits agricoles pris en compte dans les Perspectives sont utilisés à des fins multiples. Les semences, les pertes après récoltes, les déchets et l’ensemble des applications industrielles, à l’exception des biocarburants, y sont donc rassemblés dans la grande catégorie des « autres utilisations ». Les applications industrielles comprennent la production d’amidon, de spiritueux, de papier, de textiles et de produits pharmaceutiques avec des céréales. Le maïs, en particulier, prend de l’importance dans la fabrication de bioplastique employé pour produire des emballages alimentaires, des bouteilles, des ustensiles de cuisine, des pailles, etc. Le riz devrait gagner du terrain dans l’industrie cosmétique. Les nettoyants visage, gels de douche et produits capillaires contiendront de plus en plus d’ingrédients à base de cette céréale, notamment dans les pays d’Asie. La mélasse, sous‑produit de la production de sucre de canne ou de betterave, est employée dans la production de levure, de vinaigre, d’acide citrique, de vitamines, d’acides aminés et d’acide lactique, entre autres. Les huiles végétales entrent dans la composition de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, d’excipients lipidiques de produits pharmaceutiques, d’additifs alimentaires pour animaux de compagnie, etc. Les ingrédients d’origine végétale voient leur rôle s’accroître dans la cosmétique, ce qui se traduira probablement par une hausse de la demande d’huile végétale, principalement d’huile d’olive, dans cette industrie. Le coton est cultivé essentiellement pour ses fibres, qui sont transformées en fil lui‑même utilisé pour produire des vêtements ou autres produits textiles.
Les autres utilisations du maïs augmenteront de 20 % environ au cours de la période considérée, soit légèrement plus vite, d’après les projections, que sa consommation globale, ce qui fera passer leur part de 8.5 % actuellement à 9 % en 2029. La part des autres utilisations du blé et du riz devrait elle aussi s’accroître quelque peu dans la décennie à venir, ce qui témoigne d’une hausse de la demande de produits bruts renouvelables (Graphique 1.13).
Le recours à la mélasse en guise de matière première industrielle devrait diminuer sensiblement, son utilisation dans la fabrication de biocarburant continuant de se développer pendant la période de projection. Sa part des autres utilisations passera ainsi de près de 30 % dans la période de référence à 20 % approximativement en 2029.
La part des autres utilisations des produits de base restants, à savoir les oléagineux, dont l’huile végétale, et les autres céréales secondaires, est censée se maintenir au niveau actuel dans les dix années à venir. Aucun changement structurel n’est prévu dans le profil de leur consommation et les applications industrielles, les semences et les déchets ne dérogeront pas aux évolutions de la consommation en général.
La consommation mondiale de fibres de coton augmentera un peu plus vite que la population mondiale ces dix prochaines années. La hausse des revenus en cours devrait se traduire par un accroissement de la demande de produits en coton. La répartition géographique de cette demande sera fonction de la localisation future des filatures. La Chine est le plus gros consommateur mondial de coton brut depuis les années 60. On assiste toutefois à des mutations, car la production de fil quitte peu à peu la Chine pour s’implanter dans d’autres pays asiatiques, principalement le Bangladesh et le Viet Nam. On s’attend également à une croissance de la transformation du coton brut en Inde, en Turquie et en Asie centrale.
1.3. Production
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO présentent des projections des tendances futures de la production des principaux produits de l’élevage (viande, produits laitiers, œufs et produits halieutiques et aquacoles) et produits végétaux (céréales, oléagineux, racines et tubercules, légumineuses, canne et betterave à sucre, huile de palme et coton) utilisés pour l’alimentation humaine, l’alimentation animale ou pour fabriquer des biocarburants. Ces projections décomposent la croissance de la production agricole selon ses principaux déterminants, à savoir la croissance du rendement des cultures, l’intensification des cultures, l’agrandissement des surfaces agricoles, l’augmentation de la production par animal et l’accroissement des troupeaux. Elles montrent ainsi comment les réponses de la production à l’augmentation de la demande de produits agricoles de base varient selon les secteurs et régions.
D’après les projections, la production agricole mondiale devrait s’accroître dans les dix années à venir en réaction à la hausse de la demande, mais moins vite qu’au cours des décennies passées. La majeure partie de cette augmentation devrait être imputable à des améliorations de la productivité découlant de l’intensification et du changement technologique en cours, avec pour conséquence une nouvelle baisse des prix réels des produits agricoles de base, malgré des obstacles croissants à l’agrandissement des surfaces agricoles dans certaines régions.
En ce qui concerne les cultures, notamment, il ressort des projections que l’amélioration des rendements expliquera la quasi-totalité de l’augmentation de la production, seul un petit agrandissement des surfaces cultivables étant nécessaire au niveau mondial. Cependant, l’importance relative de l’accroissement de la productivité (c’est‑à‑dire de la hausse des rendements et de l’intensification des cultures) et de l’agrandissement des surfaces cultivables variera selon les régions et les produits, en écho à des différences dans la disponibilité et le coût des terres et autres ressources. Les gains de productivité proviendront d’un usage plus intensif des intrants agricoles (engrais, pesticides et irrigation), lequel peut limiter les superficies nécessaires à la production, ainsi que de changements technologiques (variétés végétales améliorées par exemple) et d’améliorations de l’efficacité technique (pratiques culturales plus performantes) réduisant les besoins en intrants par unité produite.
La croissance mondiale de la production animale résultera à la fois d’améliorations des rendements (c’est‑à‑dire d’un accroissement de la production par animal) et d’une augmentation du nombre d’animaux. Comme dans le secteur des cultures, une combinaison d’intensification (recours accru à des aliments riches en énergie et en protéines, par exemple), de changements techniques (nouveaux progrès dans la sélection animale, entre autres) et d’améliorations de l’efficacité technique (lutte contre les maladies et meilleures pratiques de gestion) sera favorable à l’accroissement de la productivité à l’échelle mondiale. La hausse du nombre d’animaux jouera un rôle important, en particulier dans les pays à faible revenu et les économies émergentes, d’où devrait provenir la majeure partie de la croissance de la production pendant la décennie à venir.
Le secteur agricole se voit tenu d’accroître sa production pour répondre à une demande en augmentation, mais aussi de le faire de façon durable. Si l’intensification de la production agricole lui a permis de nourrir une population croissante et de limiter l’agrandissement de la surface agricole, certaines pratiques n’en ont pas moins accentué les problèmes environnementaux et menacent la durabilité. À l’origine d’un cinquième des émissions mondiales de GES, le secteur de l’agriculture, de la foresterie et des autres affectations des terres (AFAT) est l’un des principaux responsables du changement climatique. Il a donc un rôle essentiel à jouer dans la réduction de ces émissions et dans la limitation de la hausse de la température mondiale en deçà de 2°C prévue par l’Accord de Paris. L’agriculture est aussi l’un des secteurs les plus exposés au changement climatique, qui portera atteinte à la productivité des cultures et de l’élevage dans la plupart des régions, notamment si rien n’est fait en faveur de l’adaptation, et qui entraînera une relocalisation des productions agricoles. Il pourrait en résulter une plus grande volatilité de l’offre et des prix dans les décennies à venir.
Actuellement, c’est la région Asie-Pacifique qui contribue le plus à la production agricole mondiale: elle représente près de la moitié de la production totale. L’Europe et l’Asie centrale et les Amériques en assurent quant à elles 45 % (Graphique 1.14). Au cours de la prochaine décennie, c’est probablement en Asie-Pacifique que la production des cultures, de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture augmentera le plus (17 %) - principalement sous l’effet d’une forte progression en Inde (25 %) – et en Amérique latine (15 %). L’accroissement de la production sera plus modéré en Europe et Asie centrale et en Amérique du Nord, car la productivité agricole y est déjà élevée et l’action publique (mesures de protection de l’environnement et du bien‑être animal, par exemple) y mettra des limites. De leur côté, l’Afrique subsaharienne et la région Moyen-Orient et Afrique du Nord représentent actuellement une fraction modeste de la production mondiale de produits agricoles de base. Cependant, sur la base de leur production limitée et de leur faible productivité, ces deux régions devraient afficher une forte croissance de leur production dans les dix ans à venir (21 % et 16 %, respectivement). La nette augmentation de la production dans les régions émergentes et à faible revenu est le reflet d'une hausse des investissements et du rattrapage technologique, mais aussi de la disponibilité des ressources. Les producteurs de ces régions réagissent en outre à la hausse attendue de leurs recettes due aux débouchés à l’exportation (par exemple en Amérique latine) ou à des avantages comparatifs leur permettant de satisfaire une demande intérieure en progression du fait de la croissance de la population et des revenus (en Afrique subsaharienne et en Inde, entre autres). Ces opportunités pourraient être particulièrement importantes dans le cas des fruits et des légumes (voir le Chapitre 11, « Autres produits »).
Les améliorations de la productivité sont le moteur de la hausse de la production végétale
Principaux facteurs de croissance de la production végétale mondiale
Pendant la prochaine décennie, l'accroissement de la production devrait provenir pour l'essentiel des gains de productivité (c'est-à-dire de l'augmentation des rendements et de l'intensification des cultures), l’agrandissement des surfaces cultivées étant limité à l’échelle mondiale. D’après les projections, la production végétale mondiale devrait croître de 375 Mt pour les céréales, 80 Mt pour les oléagineux, 42 Mt pour les racines et tubercules, 16 Mt pour les légumineuses et 3.5 Mt pour le coton, soit une croissance totale proche de 15 % d’ici 2029 (582 Mt). Les surfaces cultivables, quant à elles, ne devraient guère s’agrandir au niveau mondial (1.3 %). Globalement, on s’attend à ce que la production végétale s’accroisse moins vite qu’au cours de la décennie écoulée, les rendements étant déjà élevés et les nouvelles superficies mises en production étant moins étendues (Graphique 1.15).
Les régions émergentes et à faible revenu, qui disposent de davantage de terres et de main‑d’œuvre, devraient être à l’origine d’environ 50% de l’augmentation de production végétale mondiale au cours des dix prochaines années. Les politiques nationales d’autosuffisance alimentaire joueront aussi en faveur de cette progression, en particulier dans le cas des céréales. Dans la région Asie‑Pacifique uniquement, la production végétale devrait s’accroître au même rythme que pendant la décennie précédente (13 %, soit 248 Mt), principalement sous l’impulsion de la forte croissance enregistrée en Inde. Les projections font aussi état d’une nette augmentation de la production en Amérique latine (15 %, soit 115 Mt) et en Afrique subsaharienne (17 %, soit 62 Mt), mais celle‑ci part d’un niveau plus bas. L’Europe et l’Asie centrale et l’Amérique du Nord continueront de contribuer notablement à la production végétale mondiale, maintenant leur part à 19 % et 17 %, respectivement, d’ici 2029. La croissance de la production sera toutefois plus limitée dans ces régions, nonobstant une nette progression en Europe orientale.
L’amélioration des rendements devrait être à l’origine de 88 % de l’augmentation de la production végétale mondiale au cours des dix prochaines années. En Amérique du Nord et en Europe et Asie centrale, où les rendements sont déjà élevés pour la plupart des cultures, ils connaîtront une hausse moins rapide que pendant la décennie écoulée. Dans ces régions, leur amélioration sera principalement due à l’adoption de technologies avancées (sélection végétale, par exemple) et à la mise en œuvre de pratiques culturales plus performantes. Les rendements s’élèveront sensiblement en Afrique subsaharienne (16 %) et dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (12 %), étant donné leur fort potentiel de production, leur recours accru aux intrants agricoles et la mise en œuvre de meilleures pratiques de gestion agricole, mais aussi parce qu’ils partent d’un niveau relativement modeste. Ces taux plus élevés se traduiront donc, en valeur absolue, par des augmentations moins prononcées des rendements pour un certain nombre de cultures.
L’intensification des cultures contribuera également à l’accroissement de la production végétale mondiale, notamment en Amérique latine, en Afrique subsaharienne et en Asie‑Pacifique, où elle représentera 10 à 15 % de la hausse total de la production végétale. Globalement, entre 2020 et 2029, la superficie récoltée des principales cultures prises en compte dans les Perspectives devrait augmenter de 19.6 Mha, dont 30 % au Brésil et en Argentine. Dans ces deux pays, le développement des doubles cultures maïs/blé et soja devrait accroître la production du fait d’une exploitation plus intensive des terres déjà cultivées. Cette pratique joue aussi un rôle croissant dans d’autres régions et pour d’autres cultures, notamment celle du riz.
L’agrandissement des surfaces cultivables, de son côté, ne devrait représenter que 5 % de la hausse de la production végétale mondiale et jouera un rôle beaucoup moins important que durant la décennie précédente, quelle que soit la région. En Afrique subsaharienne, par exemple, il a été à l’origine d’environ la moitié de de la hausse totale de la production végétale au cours des dix dernières années. Pendant la période de projection, on s’attend à ce qu’une croissance de la production soit possible sans agrandissement des surfaces cultivables grâce à des améliorations de la productivité (c’est‑à‑dire à l’augmentation des rendements et à l’intensification des cultures) et à l’acquisition et au regroupement d’exploitations existantes par des investisseurs qui souhaitent disposer d’unités plus grandes et non plus consacrer des fonds importants au défrichage de nouvelles terres, comme ils le faisaient dans le passé. L’agrandissement des superficies cultivables ne contribuera notablement à l’accroissement de la production végétale qu’en Amérique latine, où l’on s’attend à ce qu’il représente 25 % du total, car davantage de terres sont disponibles dans cette région et les coûts de cette opération y sont moins élevés (section 1.3).
Variations des rendements des cultures
Malgré la croissance notable des rendements projetée dans les régions émergentes et à faible revenu dans la décennie à venir, de fortes disparités entre pays et régions devraient persister en la matière. Ce phénomène est dû en partie à la diversité des conditions agroécologiques, mais aussi à des différences dans l’accès aux intrants agricoles comme les engrais et les variétés végétales améliorées, ou dans l’accès aux technologies et au capital humain. Par ailleurs, les écarts de rendements entre régions sont en général très variables selon le type de culture (Graphique 1.16).
D’après les projections, en 2029, les rendements du maïs devraient se situer entre 2.7 t/ha en Afrique subsaharienne et près de 12 t/ha aux États‑Unis, principal pays producteur et exportateur dans le monde. Dans ce dernier, le recours intensif aux intrants, conjugué à des progrès constants dans la sélection végétale, permettra une nouvelle amélioration des rendements au cours de la décennie à venir. De même, le rendement moyen du riz en Australie devrait être porté à 12.4 t/ha en 2029, du fait de l’usage intensif des intrants (engrais, pesticides, irrigation) et de la mise en œuvre de bonnes pratiques de culture sur les terres les plus appropriées. C’est presque huit fois le rendement moyen de la riziculture projeté en Afrique subsaharienne (1.6 t/ha), où la disponibilité et la qualité des engrais sont limitées et où les épandages sont les moins abondants de toutes les régions. Les rendements moyens sont aussi influencés par les récoltes avortées du fait des sécheresses ou des invasions de criquets pèlerins, qui sont fréquentes en Afrique subsaharienne. Globalement, ces tendances dans les rendements des céréales mettent en lumière la nécessité d’accroître les transferts de technologies entre régions du monde, afin de continuer à réduire les écarts de rendements. Cela dit, la poursuite de la croissance des rendements des céréales dans toutes les régions permettra d’obtenir une augmentation de la production mondiale sans agrandir les surfaces cultivables.
En ce qui concerne les oléagineux et les cultures traditionnelles comme les légumineuses, les écarts de rendement sont moins prononcés. En 2029, les rendements des légumineuses dans l’Union européenne, l’une des régions les plus productive, ne seront que trois fois supérieurs à ceux de l’Inde, premier producteur mondial. L’augmentation de la production mondiale d’oléagineux et de légumineuses devrait être imputable en partie à un agrandissement des surfaces, dans la mesure où l’amélioration des rendements sera plus limitée dans la décennie à venir. Cet agrandissement reste important également dans le cas d’autres cultures comme le coton (non représenté dans le graphique 1.16), car la progression des rendements dans les principaux pays producteurs (l’Inde, par exemple) ne devrait pas être suffisante pour répondre à l’accroissement de la demande mondiale.
Dans l’ensemble, la hausse des rendements plus sensible dans les régions émergentes et à bas revenu, en termes relatifs, se traduira par une augmentation relativement modeste en valeur absolue, étant donné leurs faibles niveaux de départ. En 2029, les rendements moyens des cultures en Inde et en Afrique subsaharienne, par exemple, devraient rester largement inférieurs à ceux de tous les pays qui font la course en tête, y compris de certains pays/régions où les conditions naturelles sont comparables (Asie du Sud-Est et Amérique latine, par exemple). Il en ressort que beaucoup de pays seront encore loin d’avoir atteint leurs rendements potentiels et, donc, leur potentiel de production à la fin de la période de projection.
Potentiel d’intensification durable
Sous l’effet d’incitations appropriées, une nouvelle intensification de la production végétale aura lieu pour répondre à la hausse de la demande de produits végétaux, notamment dans les pays qui n’ont pas atteint leur potentiel de rendement et de production. Une augmentation de la production est supposée plus efficiente, sur le plan économique, si elle passe par l’intensification de la production (accroissement de la production par unité de superficie) que par l’agrandissement des surfaces agricoles étant donné les conditions économiques et la politique qui prévalent. Une utilisation plus intensive des intrants agricoles, en particulier, a permis de nourrir une population croissante avec une augmentation relativement modeste des surfaces exploitées. Néanmoins, l’intensification des pratiques agricoles (drainage, travail du sol, etc.) et, en particulier, le recours plus intensif aux engrais et aux pesticides, peuvent accentuer certains problèmes environnementaux et menacer la durabilité (section 1.3). Dans la plupart des régions du monde, des gains d’efficience sont encore possibles moyennant l’adoption de technologies plus avancées (comme l’agriculture de précision) ou la mise en œuvre de meilleures pratiques de gestion agricole, ce qui permettrait de produire davantage sans augmentation, ou avec une augmentation moins que proportionnelle, de l’utilisation des intrants, qu’il s’agisse de ressources naturels ou de produits chimiques.
Outre les systèmes conventionnels nécessitant beaucoup d’intrants, d’autres systèmes de production agricole ont vu le jour. En réduisant ou en éliminant les intrants chimiques ou en raccourcissant les circuits d’approvisionnement, certains d’entre eux visent à faire diminuer l’empreinte écologique de l’agriculture commerciale. L’agriculture biologique, par exemple, a moins d’impact sur l’environnement et produit moins d’aliments – par unité de surface utilisée. Des études montrent que ses rendements sont de 20 % inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle, ce qui signifie qu’elle nécessite beaucoup plus de surface pour produire les mêmes quantités (De Ponti, Rijk and Van Ittersum, 2012[1]). Cela pose un certain nombre de problèmes, étant donné la disponibilité limitée des terres propres à l’agriculture et les effets néfastes sur l'environnement de l’agrandissement des surfaces agricoles (section 1.3).
L’agriculture biologique se développe dans le monde. Elle représente déjà 7.5 % de la superficie agricole totale dans l’Union européenne, par exemple, et plus de 20 % dans certains États membres (comme l’Autriche, l’Estonie et la Suède) (Eurostat, 2020[2]). Au cours de la décennie à venir, elle pourrait atteindre un poids suffisant, dans l’Union européenne, pour influencer la consommation moyenne d’engrais par hectare, et éventuellement les rendements moyens des cultures. Quoi qu’il en soit, dans les principales régions productrices, la production végétale devrait rester pour l’essentiel le fait des systèmes conventionnels à forte consommation d'intrants.
L’intensité de la production animale varie selon le type de produit et la région du monde
Lieux de croissance de la production mondiale
La région Asie‑Pacifique représente actuellement la moitié de la production animale mondiale. L’Europe et l’Asie centrale et les Amériques en assurent respectivement 20 % et 23 % et ces proportions devraient rester stables d’ici la fin de la période de projection. Quelques pays en particulier (à savoir la Chine, l’Inde, le Brésil et les États-Unis) et l’Union européenne conserveront une place prépondérante. Au cours de la période de projection, la production animale mondiale (viande, lait, œufs et poisson) devrait croître de 14 % (99 Mt), encouragée par des prix des aliments du bétail en baisse et des prix des produits stables qui assurent une marge bénéficiaire rémunératrice aux producteurs (Graphique 1.17).
Globalement, la production de viande devrait augmenter de 12 %, soutenue par une relation favorable entre le prix des produits et celui des aliments pour animaux. La majeure partie de cette croissance proviendra de pays émergents et à faible revenu (Brésil, Chine, Inde, Mexique, Pakistan et Turquie, en particulier).
Avec une progression projetée à 16 % (20 Mt), la volaille est le type de viande dont la production devrait croître le plus vite. Elle représente à peu près la moitié de la hausse de la production totale de viande annoncée par les projections. La progression enregistrée en Asie‑Pacifique et en Amérique latine, en particulier, devrait correspondre à 60 % de l’augmentation mondiale de la production de volaille. Cette croissance sera encouragée par des coûts de production modeste, un cycle de production court, des taux de conversion alimentaire élevés et une hausse de la demande des consommateurs dans la plupart des régions du monde, ce qui assurera la stabilité des prix.
La production de viande ovine est beaucoup plus faible que celle des autres types de viande au niveau mondial, mais elle devrait elle aussi afficher une forte croissance dans les dix années à venir. Estimée à 14 % (2 Mt), cette progression sera favorisée principalement par une forte augmentation de la demande en Chine et en Afrique, qui sera satisfaite en majeure partie localement. Les projections font état d’un accroissement plus limité de la production en Océanie (6 %), du fait de la concurrence en cours des secteurs bovin et laitier pour les pâturages en Nouvelle‑Zélande, et en raison de la sécheresse prolongée qui fait diminuer le cheptel ovin en Australie.
Dans l’ensemble, la production de viande bovine devrait connaître une croissance d’environ 9 % au cours de la période de projection. Cette hausse sera attribuable pour l’essentiel à l’Asie‑Pacifique (2 Mt), en particulier à la Chine et au Pakistan, et à l’Amérique latine (1.5 Mt); ces deux régions représentant plus de la moitié de l’augmentation totale. La production de viande bovine s’accroîtra aussi en Amérique du Nord (0.8 Mt), sous l’effet des coûts modestes des aliments pour animaux et de prévisions encourageantes en ce qui concerne les prix, liées à une demande intérieure soutenue. Toutefois, dans l’Union européenne, la faible rentabilité du secteur bovin, qui peut s’expliquer en partie par la baisse de la demande intérieure, et les gains d’efficience importants dans le secteur laitier se sont traduits par une contraction du cheptel ces dernières années. Il devrait en résulter une baisse de 6 % (-0.4 Mt) de la production de viande bovine dans les dix prochaines années.
D’après les projections, la production de viande porcine croîtra de 11 Mt d'ici 2029 (9 %). Cette évolution viendra en grande partie de Chine, qui devrait représenter 60 % de l’accroissement de la production mondiale dans la décennie à venir (6.5 Mt). Il ressort des projections que l’épidémie de peste porcine africaine continuera de porter atteinte à la production en Chine et dans d’autres pays d’Asie de l’Est et du Sud‑Est pendant les cinq années à venir, mais la production devrait se redresser graduellement d’ici 2025. Dans l’Union européenne, des restrictions environnementales entraîneront probablement une diminution de la production de viande porcine de 2 % (-0.5 Mt) au cours de la période de projection.
Parmi tous les produits d’origine animale, ce sont les produits laitiers qui devraient connaître la croissance la plus forte dans les dix prochaines années en raison d’une forte demande. La production de lait devrait s’accroître de 20 %, l’Inde et le Pakistan représentant 60 % de la hausse totale. Le secteur réagit au faible niveau des coûts de production et à des prix annoncés en hausse. Les prix du lait sont soutenus par une demande importante, en particulier de produits frais dans les pays d'Asie (Inde, Pakistan). En Afrique, la forte croissance démographique et l’arrivée de systèmes de réfrigération devraient aussi se traduire par une augmentation de la demande de produits laitiers. D’après les projections, la production d’œufs s’accroîtra globalement de 13 %, la Chine et l’Inde représentant 45 % de la hausse totale.
Principaux facteurs de croissance de la production mondiale
L’augmentation mondiale de la production animale résultera de la conjugaison de deux facteurs principaux (Graphique 1.18). Tout d’abord, des améliorations de la génétique et de la santé des animaux, associées à de meilleures pratiques de gestion et d’alimentation animale, permettront d’intensifier la production (autrement dit, d’accroître le volume obtenu par animal et par an) dans toutes les régions. Cette intensification se traduira par une hausse du poids à l’abattage et une réduction du temps de finition des animaux. Par ailleurs, la croissance de la production passera aussi par une augmentation de la taille des troupeaux. L’importance relative de ces deux facteurs variera selon le type de produit animal et la région du monde.
À l’échelle mondiale, la croissance de la production de volaille ira de pair avec celle du cheptel pendant les dix prochaines années (1% par an) (Graphique 1.18). Dans certaines grandes régions de production, comme l’Amérique du Nord et l’Union européenne, où la productivité par animal est déjà élevée, les possibilités d’intensification supplémentaires seront limitées. Cependant, on s’attend à une amélioration de l’efficacité alimentaire, ce qui minorera les coûts de production et la pression liée à la disponibilité de l’alimentation animale. Dans les pays émergents et à faible revenu, toutefois, l’activité du secteur de la volaille peut encore être nettement intensifiée. Par exemple, la modernisation de la filière avicole qu’ont connue plusieurs pays d’Afrique subsaharienne (comme l’Afrique du Sud et la Tanzanie) devrait se poursuivre et entraîner une forte croissance de la production pendant la décennie à venir (2.4 % par an).
D’après les projections, la production de viande ovine et les troupeaux augmenteront eux aussi parallèlement dans les dix prochaines années, l’élevage ovin étant dans la majeure partie du monde une activité pastorale extensive. La forte hausse de la production en Afrique subsaharienne (2.3 % par an), notamment, s’appuiera sur un accroissement sensible du cheptel, étant donné les progrès jusqu'à présent limités de l'amélioration génétique dans la région. Globalement, le manque de capitaux à investir, la disponibilité limitée d'aliments pour animaux et des facteurs environnementaux tels que la désertification et les invasions de criquets sont encore aujourd’hui autant de freins structurels à l'intensification. Ces éléments ont une influence particulièrement prononcée dans le cas des ruminants (bovins, ovins et caprins).
La production de lait, de viande bovine et de viande porcine devrait pour sa part progresser plus vite que le nombre d’animaux dans toutes les régions, compte tenu d’une nouvelle intensification dans ces secteurs. La production mondiale de lait, en particulier, devrait s’intensifier, même si cette tendance dissimule des différences structurelles importantes entre les principaux producteurs mondiaux, comme l’explique la section suivante. La production de viande bovine continuera elle aussi de s’intensifier y compris dans les grands pays producteurs d’Amérique latine, où cette évolution permettra une forte augmentation de la production (0.7 % par an) malgré une augmentation limitée du cheptel (0.2 % par an). En Argentine, l’intensification des processus de production dans des parcs d'engraissement améliore continuellement les rendements, tandis que dans les systèmes pâturants, comme au Brésil, elle passera surtout par l’amélioration de la gestion des pâturages.
À l’échelle mondiale, la croissance de la production animale ira de pair avec une diminution de la surface des pâturages due à une nouvelle intensification de la production des pâturages et de l’élevage de ruminants, et à l’essor des secteurs de la viande de non‑ruminants (volaille et viande porcine) qui ne nécessitent pas de pâturages. Ce processus sera favorisé par une augmentation robuste de la consommation d’aliments concentrés (1.3 % par an), la surface des pâturages régressant surtout dans les régions où, d’après les projections, la progression du recours à ces aliments sera la plus prononcée (section 1.3).
Lait et produits laitiers : des différences structurelles importantes persistent entre les principaux pays producteurs
Au cours de la décennie à venir, la majeure partie de la croissance de la production laitière sera imputable aux pays émergents et à faible revenu (l’Inde et le Pakistan, en particulier), où le lait provient principalement de petites exploitations extensives qui pratiquent le pastoralisme (Graphique 1.19). Dans ces régions, l’augmentation de la production résultera en grande partie de celle du cheptel laitier, avec une augmentation de 21 millions de têtes en Inde et de 29 millions en Afrique subsaharienne par exemple. Cela représente les deux tiers de la croissance du cheptel laitier mondial. Les rendements s’amélioreront eux aussi au fil du temps, mais compte tenu de leur faible niveau de départ, leur augmentation en valeur absolue restera modeste. On s’attend ainsi à ce que les rendements laitiers atteignent 1.57 t/tête en Inde en 2029, par exemple, soit sept fois moins que les rendements moyens attendus aux États‑Unis. La mauvaise qualité des aliments pour animaux, les maladies et le faible potentiel laitier des animaux utilisés dans la production laitière continuent de freiner l’amélioration de la productivité dans ces régions. En Afrique subsaharienne, par exemple, le cheptel laitier est composé en grande partie de caprins, qui se caractérisent par une faible productivité par tête.
Parmi les pays développés, on s’attend à une croissance plus modeste de la production chez les principaux producteurs (États‑Unis, par exemple), ainsi que chez les grands exportateurs de lait, à savoir l’Union européenne et la Nouvelle‑Zélande, où les normes environnementales de plus en plus nombreuses (sur les phosphates, les nitrates et les émissions de GES, entre autres) et le manque de terres dans le cas de la Nouvelle-Zélande, limiteront également un nouvel essor de la production. Une hausse de cette production n’en sera pas moins obtenue nonobstant une stagnation ou une diminution des effectifs de bétail, grâce à un accroissement soutenu des rendements imputable à une conjugaison d’améliorations génétiques, de l’efficience alimentaire et des pratiques de gestion des troupeaux. Exprimés en tonnes, les gains de rendement par animal laitier devraient augmenter plus vite dans les pays développés et creuser les écarts en valeur absolue.
Intensification de l’élevage et bien‑être animal
Les améliorations de la productivité dans l’élevage peuvent atténuer les problèmes de sécurité alimentaire et d’utilisation des terres, mais aussi d’émissions de GES puisqu’une production plus intensive est synonyme d’une baisse des émissions par unité produite. Néanmoins, l’impact de l’intensification sur le bien‑être animal est quant à lui plus complexe. Lorsque la productivité est faible (par exemple dans les systèmes pastoraux), une intensification peut entraîner une amélioration de la nutrition des animaux et des soins de santé qui leur sont prodigués, ce qui accroît leur bien‑être, mais lorsqu’elle est plus élevée, certaines pratiques (enclos et cages de petites dimensions entravant les mouvements dans les systèmes confinés, par exemple) peuvent mettre leur bien‑être en péril (Leenstra, 2013[3]). Des politiques jouant déjà un rôle important dans certains pays développés imposent des normes de bien‑être à l’élevage, par exemple un accès minimal à des activités en plein air, des prescriptions à respecter dans la conception des logements ou des limites à la taille des exploitations. Les mesures de ce type pourraient restreindre l’intensification de certaines filières dans les dix années à venir (volaille et porcins, par exemple).
Perspectives mondiales de la production halieutique et aquacole
Au cours de la période de projection, la production halieutique et aquacole mondiale devrait croître à un rythme de 1.3 % par an, pour atteindre 200 Mt en 2019 (+24.6 Mt). L’Asie‑Pacifique, principale région productrice, assurera 80 % du total de cette progression. Les projections indiquent une augmentation moins marquée de la production en Amérique latine et en Europe et Asie centrale, deux autres producteurs importants. Une forte croissance de la production est cependant attendue au Proche-Orient et en Afrique du Nord (1.7 % par an) et en Afrique subsaharienne (1.1 % par an), quoiqu’à partir de niveaux de base inférieurs, ces deux régions ajoutant moins de 2 Mt au total (Graphique 1.16).
Jusque dans les années 90, la quasi-totalité du poisson et des aliments d’origine marine étaient issus de la pêche, mais depuis vingt ans, la production halieutique est relativement stable. La production aquacole, quant à elle, augmente constamment, notamment en Chine, occupant une place de plus en plus importante dans l’offre globale de poisson. Au cours de la période de projection, elle poursuivra sa progression, tandis que la production halieutique devrait rester globalement stable. Ainsi, d’ici 2024, l’aquaculture devrait ravir à la pêche sa place de première source mondiale de poisson (voir Chapitre 8).
La hausse de la production annoncée par les projections devrait être moins rapide que pendant la décennie écoulée (1.3 % par an contre 2.3 % par an). La principale raison en est que l’on s’attend à ce que la Chine, premier producteur mondial, mette en œuvre une politique de la pêche et de l’aquaculture plus durable, comme le prévoit son 13e plan quinquennal. Il devrait en résulter une diminution de la capacité dans un premier temps, mais une amélioration de la productivité s’ensuivra dans le secteur aquacole au cours de la deuxième moitié de la période de projection.
Les impacts environnementaux de la production agricole
Émissions directes de GES
Les émissions directes de GES de l’agriculture représentent environ 11 % des émissions totales mondiales. Elles sont actuellement imputables aux deux tiers à l’élevage (en particulier de ruminants), principalement du fait de la fermentation entérique. Les autres sources importantes d’émissions directes de GES sont l’épandage d’engrais de synthèse sur les sols agricoles (13 %) et la décomposition anaérobie de matières organiques dans les rizières (10 %) (Graphique 1.20).
Si l’on suppose que les politiques et technologies actuelles resteront inchangées, les projections font état d’une hausse de 6 % des émissions directes de GES au cours des dix prochaines années, soit 332 Mt éq. CO2 de plus que pendant la période de référence. L’élevage sera à l’origine de 80 % de cette augmentation. Géographiquement, la majeure partie de la hausse des émissions directes devrait être imputable aux régions émergentes et à faible revenu, car l’augmentation de leur production sera plus nette alors que leurs systèmes de production sont plus intensifs en émissions. À elle seule, l’Afrique subsaharienne devrait représenter 80 % de l’augmentation totale des émissions directes de GES et l’Asie‑Pacifique, 46 % (dont 50 % attribuables à l’Inde et à la Chine).
Les émissions de l’agriculture mondiale suivent une tendance à la hausse, mais l’intensité carbone de la production diminue au fil du temps. Dans les dix prochaines années, la plupart des régions du monde devraient réduire l’intensité d’émission de l’agriculture. En Europe et en Asie centrale, on s’attend à ce que la croissance de la production coïncide avec une baisse des émissions directes de GES (-0.15 %), due en partie à de nouvelles améliorations des rendements, mais surtout à une diminution de la place des ruminants dans la production totale. Cette dernière est directement liée au recul anticipé de la production de viande bovine dans l’Union européenne au cours des dix prochaines années. Dans les Amériques, l’Asie‑Pacifique et le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, une forte croissance de la production animale devrait se produire, accompagnée d’une hausse beaucoup plus lente des émissions directes de GES. En Afrique subsaharienne, cependant, la production agricole et les émissions directes de GES devraient augmenter davantage de pair, surtout parce que la hausse de la production résultera en grande partie d’un accroissement des troupeaux dans l’élevage extensif de ruminants. L’adoption à grande échelle de technologies de réduction des GES pourrait conduire à une nouvelle réduction de l’intensité carbone de la production agricole. L’effet de ces technologies sur les émissions directes de GES de l'agriculture nécessite un suivi plus détaillé pour être visible dans les statistiques des émissions.
Le secteur agricole a un rôle essentiel à jouer dans l’atténuation du changement climatique, car il est l’un des plus gros émetteurs de GES dans le monde. Il existe un certain nombre de mesures permettant de réduire les émissions de l’agriculture en agissant soit sur l’offre, soit sur la demande, mais leur adoption a été pour le moment limitée. Par ailleurs, les stratégies de réduction des émissions dans le secteur agricole nécessitent une collaboration aux niveaux national et international (encadré 1.1).
Parallèlement à l’action publique, un nombre croissant d’initiatives d’entreprises privées ont vu le jour, en particulier dans le secteur de l’élevage Ces dernières ont pour objectif de de mesurer et comparer les émissions de GES, et elles définissent, dans certains cas, des objectifs ambitieux de réduction des émissions (OECD, 2020[4]). Dans l’Union européenne (Irlande, Pays‑Bas, France, entre autres), en Nouvelle‑Zélande, en Australie et aux États-Unis, par exemple, le secteur laitier s’est récemment engagé à réduire ses émissions au moyen de diverses mesures, dont la promotion de bonnes pratiques agricoles auprès des exploitants (conservation des sols, préservation des pâturages, amélioration de l’efficacité alimentaire, par exemple) et le développement d’instruments de suivi des émissions sur les exploitations (Origin Green IRELAND, n.d.[5]; Zuivelketen, n.d.[6]; CNIEL, 2020[7]; DairyNZ, n.d.[8]; Dairy Australia, 2019[9]; U.S. Dairy, n.d.[10]). Outre leurs avantages en termes d’image et de marketing, ces initiatives peuvent aider à atteindre les objectifs nationaux de réduction des émissions dans l’agriculture, la foresterie et les autres affectations des terres (AFAT).
Encadré 1.1. Le rôle de l’agriculture dans l’atténuation du changement climatique
Ensemble, l’agriculture, la foresterie et l'utilisation totale des terres constituent la deuxième source d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde, derrière le secteur de l’énergie. Globalement, on s’accorde de plus en plus à penser qu’il existe un fort potentiel de réduction dans ces activités et qu’il est nécessaire de faire diminuer les émissions de GES de l’agriculture. Ces dernières années, un certain nombre de pays ont fixé à l’agriculture des objectifs de réduction des émissions de GES, soit dans le cadre de leur contribution déterminée au niveau national au titre de l’Accord de Paris, soit, plus généralement, aux termes de leur stratégie nationale d’atténuation. Cependant, le déploiement des mesures visant à encourager cette réduction reste incomplet. De plus, il pose des difficultés d’ordre social et politique aux pouvoirs publics dans ce secteur, ne serait-ce que parce qu’il faut trouver un équilibre entre la nécessité de réduire les émissions et celle de nourrir quotidiennement plusieurs milliards de personnes. Si aucun progrès n’est fait collectivement dans les dix prochaines années, l’agriculture pourrait devenir la principale source d’émissions directes et indirectes dans le monde d’ici le milieu du siècle, car une décarbonation plus rapide est anticipée dans les autres secteurs (l’énergie, par exemple). Les travaux que l’OCDE a consacrés à cette question dernièrement ont débouché sur un certain nombre de recommandations sur la mise en place de stratégies d’atténuation efficaces dans le secteur agricole.
Pour commencer, les pouvoirs publics devraient éliminer les subventions agricoles qui faussent le marché. Il a été montré que les formes de soutien qui provoquent le plus de distorsions sont aussi celles qui, en général, portent le plus atteinte à l’environnement. Beaucoup de pays ont procédé à des réformes importantes de leur politique de soutien au début des années 2010, mais depuis, peu de progrès ont été faits.
Les instruments économiques qui visent à réduire les émissions de GES, comme les taxes carbone, les systèmes d'échange de droits d'émission et les paiements au titre des réductions, sont les moyens les plus efficaces, en terme de coût, pour faire diminuer les émissions de l’agriculture, même s’ils imposent des arbitrages aux agriculteurs, aux consommateurs et aux contribuables, et sont difficiles à mettre en œuvre. Un des défis de mise en œuvre important pour ces politiques est la difficulté de mesure des émissions de l’agriculture, qui proviennent principalement de sources diffuses et hétérogènes.
La coopération aux niveaux national et international est essentielle à l’atténuation du changement climatique dans le secteur agricole, car les approches unilatérales fondées sur la tarification du carbone peuvent donner lieu à la fuite des émissions vers les pays où elles ne sont pas réglementées. Les mesures compensatoires comme les taxes aux frontières sur le carbone peuvent limiter cet effet, mais pas le supprimer complètement.
La réduction des pertes et du gaspillage alimentaires le long de la filière d’approvisionnement, jusqu’au consommateur, pourrait faire diminuer notablement les émissions de GES, mais elle risque d’avoir un coût élevé. Informer sur les quantités d’émissions imputables aux produits pourrait encourager tout un chacun à adopter une alimentation plus vertueuse de ce point de vue.
Amplifier la croissance de la productivité agricole peut contribuer à faire reculer des émissions de GES tout en atténuant les problèmes de sécurité alimentaire. Un exemple nous est donné par l’agriculture de précision, dans laquelle des systèmes de navigation et des capteurs, entre autres, aident à limiter la consommation d’engrais dans les cultures. Dans le cas du bétail, l’amélioration de l’alimentation des animaux et les technologies de sélection peuvent contribuer à faire baisser les émissions.
La foresterie et l’agroforesterie séquestrent du carbone et, à ce titre, jouent un rôle important. Même si la quantité de carbone qu’elles peuvent retenir est limitée, les forêts naturelles ou gérées durablement peuvent contribuer, de manière substantielle, à atténuer les émissions de GES du secteur AFAT.
On ne dira jamais assez à quel point il est important d’envoyer des signaux clairs et cohérents au secteur agricole, car le niveau élevé du soutien à l’agriculture dans beaucoup de pays risque de rendre inefficaces les mesures d’atténuation dans de nombreux cas, ce qui jetterait une ombre sur la cohérence de l’action publique. Des signaux clairs sont nécessaires également pour permettre aux exploitants de prendre des décisions d’investissement à même de faciliter la transition vers une agriculture bas carbone, en particulier dans les systèmes qui demandent des investissements lourds en capital fixe.
Les effets sur l’environnement de l'utilisation des terres agricoles
À l'heure actuelle, l'agriculture utilise 40 % des terres de la planète, dont 70 % sous forme de pâturages. Comme par le passé, la superficie agricole mondiale devrait globalement rester à son niveau actuel au cours de la prochaine décennie, la diminution des pâturages étant compensée par un agrandissement des surfaces cultivées. Les tendances de l'utilisation des terres et leurs déterminants varient toutefois selon les régions du monde.
En Amérique latine, les surfaces cultivables devraient gagner environ 5.5 Mha dans les dix prochaines années et les pâturages perdre 0.4 Mha seulement, d’où un accroissement de la superficie agricole totale de 5 Mha (0.7 %). Les grandes exploitations commerciales de la région devraient rester rentables et investir dans le défrichage et la mise en culture de nouvelles terres, y compris d’anciens pâturages, pour y produire du soja et du maïs. Une forte augmentation des surfaces cultivables est également pressentie dans la région Asie-Pacifique (4 Mha), mais elle devrait être plus que compensée par une contraction de la superficie des pâturages (plus de 11 Mha) autorisée par une nouvelle intensification de la production des pâturages et de l’élevage de ruminants. Les évolutions de l’utilisation des terres attendues dans les autres régions du monde sont plus limitées (Graphique 1.22). Bien que de vastes étendues soient disponibles dans la région subsaharienne, par exemple, les projections font état d’une légère diminution des surfaces agricoles totales (-0.3 %) dans les dix ans à venir. L'agrandissement des surfaces agricoles sera limité principalement par la structure du secteur, surtout composé de petites exploitations, par les conflits qui sévissent dans des pays où la terre est abondante, ainsi que par la déprise agricole au profit d’autres activités, comme l’extraction minière, ou de l'étalement urbain.
L’agrandissement des surfaces agricoles au moyen du défrichage ou de la conversion de forêts, de formations arbustives, de savanes et d’herbages est à l’origine de la disparition de puits de carbone souterrains ou en surface, ce qui provoque des émissions considérables de CO2, et des effets néfastes sur la biodiversité. Lorsque l’on prend en compte ces effets indirects de l’agriculture dans les changements d’affectation des terres, la contribution du secteur agricole aux émissions mondiales de GES passe de 11 % à 24 %. En 2018, les émissions imputables à l’utilisation des terres et aux forêts à l’échelle mondiale s’élevaient à 3.4 Gt éq. CO2, dont la majeure partie était due à la destruction de biomasse par le feu et à la déforestation. Cependant, les émissions indirectes diminuent au fil du temps (-1.6 % par an entre 2000 et 2018), principalement grâce aux efforts de lutte contre la déforestation, notamment dans des pays comme le Brésil et l’Indonésie. Leur évolution future n'est pas modélisée dans les présentes Perspectives.
Autres impacts sur l'environnement
L’agriculture irriguée est le principal utilisateur des ressources hydriques dans beaucoup de pays et elle représente environ 70 % des prélèvements d’eau douce à l’échelle mondiale. Elle joue un rôle fondamental dans l’accroissement de la production en permettant une forte augmentation des rendements. Cependant, malgré des améliorations notables de la productivité de l’eau dans l’agriculture au cours des dernières décennies, des efforts constants sont nécessaires pour accroître l’efficacité avec laquelle l’eau est utilisée, améliorer la gestion de la ressource et réduire sa pollution par le ruissellement des nutriments, les pesticides, les sédiments et les effluents d’élevage. De plus, dans les décennies à venir, la production agricole dans beaucoup de régions sera exposée à des risques hydriques croissants, dus à la variabilité du climat, à des événements extrêmes, à l’épuisement des ressources souterraines et à une concurrence de plus en plus vive avec d’autres usages de l’eau (Gruère, Ashley and Cadilhon, 2018[13]).
Utilisant des terres en abondance dans beaucoup de pays, l’agriculture a un impact important sur la biodiversité. Cette dernière lui est indispensable, car elle lui pourvoit des services écosystémiques essentiels tels que la pollinisation, la lutte contre les ennemis des cultures et le recyclage des nutriments. Cependant, l'utilisation des terres et les pratiques de production en agriculture ont des répercussions aussi bien préjudiciables que bénéfiques sur la biodiversité. Les pratiques agricoles traditionnelles peuvent donner le jour à des habitats semi-naturels (grands pâturages et prairies, par exemple) qui sont nécessaires à certaines espèces, tout comme le maintien de certaines pratiques bénéfiques tel qu’un pâturage d’intensité modérée. Parallèlement, ces systèmes de production agricole peuvent avoir des rendements inférieurs, qui imposent de mettre davantage de terres en production. De leur côté, l’intensification (augmentation de l’utilisation d’engrais et de pesticides, par exemple), la spécialisation et la rationalisation peuvent aussi nécessiter de défricher des écosystèmes naturels pour agrandir les superficies et peuvent favoriser à la fois la disparition d’habitats semi-naturels et la diminution de l’abondance des espèces (Lankoski, 2016[14]). Au cours de la décennie à venir, des efforts plus importants devront être consentis pour réduire la pression exercée par certaines pratiques agricoles sur la biodiversité tout en intensifiant les contributions positives du secteur à l’environnement, la poursuite du développement de l’agriculture étant tributaire des services écosystémiques (OECD, 2018[15]).
1.4. Échanges
Les échanges sont essentiels pour créer les conditions d’un système alimentaire mondial plus efficient et durable car ils permettent le transfert de produits depuis des pays/régions relativement bien dotés en ressources vers d’autres qui le sont moins. C’est particulièrement vrai dans l’agriculture, qui est tributaire des ressources foncières et hydriques, des conditions climatiques et de la densité démographique, autant de facteurs qui varient grandement selon les pays et les régions. Les échanges ont considérablement progressé durant les dernières décennies à la faveur de l’abaissement ou de la suppression des barrières commerciales, qu’elles soient de nature technique/économique ou administrative, et en particulier sous l’effet de la signature de nombreux accords commerciaux. Cette croissance des échanges a contribué à une répartition plus efficiente de la production agricole entre les pays et les régions. Au cours de la prochaine décennie, les échanges refléteront de plus en plus les évolutions divergentes de l’offre et de la demande entre les partenaires commerciaux. Les régions dont on prévoit qu’elles connaîtront la plus forte augmentation de la demande alimentaire du fait de la hausse de la population ou des revenus ne possèdent pas forcément les ressources nécessaires pour accroître la production agricole en conséquence. En outre, l’évolution des préférences et besoins nutritionnels modifie le profil de la demande dans la plupart des régions. L’offre potentielle sera en partie déterminée par la croissance divergente de la productivité, les répercussions du changement climatique sur la production et l’évolution des maladies touchant les animaux et les végétaux. Dans ce contexte, l’existence de politiques commerciales appropriées atténuera les déséquilibres régionaux émergents et favorisera un développement mondial durable, en particulier dans le but d’atteindre les objectifs de développement durable (ODD). C’est d’autant plus important qu’environ un tiers des échanges mondiaux de produits agricoles et alimentaires sont le fait des pays à revenu faible et intermédiaire.
La croissance des échanges de produits agricoles et halieutiques ralentit
Les échanges agricoles devraient continuer d’augmenter durant la période de projection, mais sensiblement moins vite qu’au cours de la décennie précédente. Depuis le début des années 2000, ils ont connu une expansion rapide grâce notamment à la baisse, dans le sillage du cycle de l’Uruguay, des droits de douane sur les produits agroalimentaires et du soutien aux producteurs qui fausse les échanges. Les échanges agricoles ont également été stimulés par la forte croissance économique dans les pays émergents et en développement, surtout en Chine, mais aussi dans d’autres pays d’Asie du Sud-Est et d’Afrique, et par la croissance rapide de la production de biocarburants, en particulier de la production de biodiesel dans l’Union européenne. La demande excédentaire a favorisé une hausse des prix réels, et elle a été satisfaite par l’augmentation des approvisionnements provenant en grande partie d’Amérique latine, d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Est. Durant la période de projection, on prévoit que les échanges augmenteront moins vite, car la hausse de la demande ralentira au niveau mondial sous l’effet de son fléchissement en Chine et dans d’autres économies émergentes, et car la croissance de la demande mondiale de biocarburants sera freinée par l’évolution du secteur énergétique et des politiques relatives à ces carburants.
Les échanges cumulés des produits étudiés dans la présente édition des Perspectives devraient progresser de 1.2 % par an au cours de la période de projection, contre 2.8 % par an durant la décennie précédente. Le Graphique 1.23 présente les projections de croissance annuelle moyenne, en volume, des échanges mondiaux de produits agricoles de base. Ces projections montrent un large recul des échanges pour l’ensemble des produits, hormis le sucre et le coton, et anticipent un fort ralentissement des échanges de maïs, de soja et de biocarburants.
Les nouvelles technologies numériques sont de nature à faire progresser les échanges agroalimentaires, la sécurité alimentaire et la sécurité des aliments au cours de la prochaine décennie, en créant des conditions propices à des chaînes de valeur agricoles plus efficientes et transparentes (voir encadré 1.2).
Encadré 1.2. Les innovations numériques façonnent les échanges agroalimentaires de demain
Dans un monde où le numérique occupe une place toujours plus prépondérante, de nouvelles possibilités d’améliorer l’efficience, la transparence et la traçabilité des échanges agricoles apparaîtront au cours de la prochaine décennie (Tripoli and Schmidhuber, 2019[16]; Jouanjean, 2019[17]).
Les difficultés rencontrées dans le cadre des échanges et des chaînes d’approvisionnement sont souvent liées à la façon dont les données sont collectées, analysées et communiquées. Les transactions commerciales internationales sont connues pour leur manque d’efficacité, que ce soit parce qu’elles obligent à produire de grandes quantités de documents papier souvent redondants ou parce que des interventions humaines sont nécessaires pour vérifier et faire autoriser les marchandises. Les procédures commerciales héritées du passé sont complexes, coûteuses, chronophages et fréquemment à l’origine de délais de paiement allongés. En outre, il y a trop souvent un déficit de transparence et de traçabilité dans les filières alimentaires qui empêche de prévenir et d’atténuer les risques liés à la sécurité des aliments et la fraude alimentaire, ou de faire respecter les normes de durabilité.
De nouvelles technologies numériques sont en train de faire évoluer la façon de mettre la collecte et l’analyse de données au service de la production, du commerce et de la consommation des aliments et autres produits primaires. Les technologies numériques comme l’internet des objets, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, l’analytique des données massives et les registres distribués sont de nature à favoriser des chaînes de valeur agricoles de plus en plus « intelligentes », en permettant aux acteurs de collecter des données sur la façon dont les produits agricoles sont produits, transformés, transportés et entreposés; d’analyser les données afin de fonder une prise de décision prédictive; et de communiquer des données en toute sécurité à l’intérieur de chaînes de valeur agricoles complexes (Tripoli and Schmidhuber, 2018[18]).
Au cours de la prochaine décennie, il est prévu que les gains d’efficience découlant de l’adoption de technologies numériques par les acteurs des chaînes de valeur agricoles fassent progresser la production et les échanges. Selon une estimation, le changement technologique augmentera la croissance des échanges de 31 à 34 points de pourcentage d’ici à 2030 (WTO, 2018[19]). La technologie peut renforcer l’efficience et amplifier les échanges agroalimentaires de différentes façons. Ainsi, le commerce électronique et les plateformes numériques de financement du commerce international peuvent élargir les débouchés des microentreprises et des petites et moyennes entreprises en mettant en relation producteurs et consommateurs, en réduisant le risque d’impayé et en améliorant l’accès au financement du commerce (Tripoli and Schmidhuber, 2018[18]). En outre, les projections tablent sur le fait que le passage à des certificats numériques peut faciliter les échanges en éliminant les documents papier, en limitant les risques d’escroquerie et en accélérant les procédures aux frontières, autant d’évolutions qui font baisser les coûts (Tripoli and Schmidhuber, 2019[16]). La solution ePhyto mise au point par la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), par exemple, aide les gouvernements et les entreprises à faciliter les échanges de végétaux et produits végétaux grâce à une méthode uniformisée d’échange de certificats phytosanitaires sous forme électronique. De nombreux pays recourent déjà à ces certificats électroniques et beaucoup d’autres prévoient d’adopter la technologie à l’avenir. Enfin, en assurant le suivi et la collecte de données sur les produits à l’intérieur des chaînes de valeur, les technologies numériques peuvent faire progresser le respect des normes de sécurité des aliments et des règles d’origine (Tripoli and Schmidhuber, 2018[18]). Cette traçabilité améliorée peut favoriser une participation accrue aux marchés en garantissant un meilleur respect des règles commerciales et en répondant aux demandes des consommateurs toujours plus nombreux qui attendent des informations plus détaillées sur les produits alimentaires qu’ils achètent.
Le chaînage par blocs est une technologie qui pourra faciliter les échanges durant la prochaine décennie. Il y a peu, Cargill et Agrocorp y ont eu recours dans le cadre d’un échange intercontinental de blé, et elle leur a permis d’exécuter la transaction d’une valeur de 12 millions USD en quelques heures, au lieu de plusieurs semaines habituellement. Grâce au chaînage par blocs et à des contrats intelligents, le temps consacré à l’échange et au traitement des documents a été réduit de plus de 50 % (Ellis, 2020[20]).
Les projections de référence de l’édition 2020 des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO tiennent compte des retombées bénéfiques que peuvent avoir les technologies numériques pour les agriculteurs en leur permettant de gérer les risques et de participer plus efficacement aux chaînes de valeur et échanges mondiaux. Pour que le secteur agricole profite des bienfaits de ces technologies, il faut cependant que les secteurs public et privé s’attaquent à un certain nombre de problèmes qui freinent les échanges numériques. Il s’agit, entre autres, de moderniser les cadres réglementaires, d’améliorer les infrastructures numériques et physiques, d’inciter les intéressés à adopter les nouvelles technologies, de faire progresser les compétences numériques dans les administrations et les exploitations agricoles par un travail de renforcement des capacités, et de promouvoir l’interopérabilité entre les systèmes anciens encore en service et les nouvelles technologies (Tripoli and Schmidhuber, 2018[18]; Tripoli, 2020[21]). Le secteur public comme le secteur privé devront y consacrer des ressources à la fois financières et humaines, pour créer les conditions nécessaires à la transition vers les échanges numériques et permettre d’en exploiter pleinement le potentiel.
Les échanges rapportés à la production se stabilisent
Les échanges mondiaux en proportion de la production des produits étudiés dans les Perspectives ont progressé au fil du temps, passant de 15 % en 2000 à 21 % en 2019, ce qui témoigne du fait que les échanges ont augmenté plus vite que la production agricole totale. Partant de l’hypothèse d’un affaiblissement de l’effet des précédentes initiatives de libéralisation des échanges qui ont stimulé le commerce agricole mondial, les projections par produit des Perspectives indiquent que les échanges rapportés à la production n’augmenteront que faiblement au cours de la prochaine décennie, car la croissance des échanges sera plus étroitement alignée à celle de la production. En ce qui concerne les importations, elles progresseront par rapport à la production surtout dans la région Asie-Pacifique, où elles atteindront 20 % de la valeur de la production en 2029, dans les pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (94 %) et en Afrique subsaharienne (33 %). S’agissant des exportations, l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Amérique du Nord ainsi que l’Europe de l’Est et l’Asie centrale, qui sont les principales régions exportatrices, verront leurs exportations atteindre respectivement 36 %, 34 % et 32 % de la production agricole et halieutique intérieure nette d’ici à 2029 (Graphique 1.24).
Le Graphique 1.25 présente pour chaque produit la part de la production qui est échangée. Les produits qui font l’objet d’importants échanges, comme le blé, le soja et les laits en poudre, sont ceux qui sont demandés par les pays importateurs en vue d’être transformés. Pour un certain nombre de produits, la part de la production qui est exportée pourrait très légèrement diminuer au cours de la période de projection, que ce soit en raison de la faiblesse de la demande d’importation ou, dans le cas de l’huile végétale, parce qu’une proportion croissante est transformée en biocarburants dans le pays producteur, en Indonésie notamment.
La spécialisation des régions progresse
Au cours des dix prochaines années, les échanges mondiaux de produits agricoles devraient continuer d’évoluer en fonction des avantages comparatifs, compte tenu de la disponibilité relative de ressources naturelles. Le déséquilibre croissant des balances commerciales reflète la superficie agricole disponible par habitant. Par exemple, les disponibilités foncières par habitant culminent dans les Amériques (1 ha/habitant) et sont au plus bas dans la région Asie-Pacifique (0.3 ha/habitant). Les exportations nettes des Amériques continuent d’augmenter, tandis que les importations nettes de la région Asie-Pacifique progressent (Graphique 1.26). Les autres régions se situent entre ces deux extrêmes, hormis le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, où la rareté de l’eau limite les possibilités de production intérieure. En conséquence, les exportateurs nets habituels de produits agricoles devraient voir leur excédent commercial s’accroître, alors que les régions qui connaissent une forte croissance démographique ou qui manquent de terres ou d’autres ressources naturelles devraient voir leur déficit commercial se creuser. Tandis que cette différenciation entre régions importatrices et exportatrices nettes perdurera, il est prévu que les exportateurs restent relativement peu nombreux et que le nombre d’importateurs augmente. Au côté de l’avantage comparatif lié aux ressources disponibles, la productivité relative compte tenu de ces ressources est un autre déterminant important des d’échanges, qui influencera également leurs évolutions à plus long terme. Par exemple, une réduction des écarts de rendement en Afrique subsaharienne rendrait la région plus autosuffisante et atténuerait son déficit commercial.
La région d’Amérique latine et des Caraïbes devrait consolider sa position de premier fournisseur mondial de produits agricoles, puisqu’il est prévu que ses exportations nettes augmentent en moyenne de 1.7 % par an au cours de la période de projection. Cette expansion sera favorisée par la hausse de la production de maïs, de soja, de bœuf, de volaille et de sucre. L’Amérique du Nord, deuxième fournisseur mondial de produits agricoles, devrait voir ses exportations progresser moins vite durant la période de projection (1.3 % par an), car la croissance de sa production agricole sera plus limitée. La hausse des exportations de maïs et de soja, en particulier, devrait nettement ralentir et s’établir à environ 2 % par an, contre 5 % par an au cours des dix dernières années. La prochaine décennie devrait voir les exportations nettes de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale s’accroître de 47 % par rapport à la période de référence, en raison surtout de l’augmentation des exportations de la Fédération de Russie et de l’Ukraine. Cette expansion significative des exportations agricoles fera de l’Europe de l’Est et de l’Asie centrale la troisième région exportatrice nette mondiale. Cela s’explique notamment par l’augmentation de la productivité dans cette région et par le manque de dynamisme de la demande intérieure due à la faible croissance démographique.
Par comparaison, il est prévu que les importations nettes de la principale région importatrice, celle d’Asie-Pacifique, progressent à nouveau de 21 % par rapport à la période de référence, en raison surtout de la hausse des importations chinoises. D’ici à 2029, les importations nettes de l’Afrique subsaharienne feront un bond de plus de 70 % par rapport à la période de référence du fait de la hausse des importations de blé, de maïs et de soja. La deuxième région importatrice mondiale, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, devrait voir ses importations nettes augmenter de plus de 32 % et sa dépendance à l’égard des marchés internationaux s’accentuer. Elle restera le premier importateur mondial de produits alimentaires de base par habitant.
La contribution des échanges à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance
Les importations de produits alimentaires jouent un rôle de plus en plus important dans la sécurité alimentaire mondiale en améliorant l’accès à la nourriture et à la nutrition. C’est particulièrement vrai dans les pays pauvres en ressources, qui sont fortement tributaires des importations de produits alimentaires de base et à forte valeur, et dans lesquels ces importations peuvent représenter une part élevée de l’apport calorique et protéique total (Graphique 1.27). Un environnement propice aux échanges améliore donc l’apport dans ces pays et peut modérer les pressions sur les prix à la consommation. Lorsqu’un pays subit une baisse de la production pour cause d’intempéries, les échanges peuvent l’aider à préserver la sécurité alimentaire en maintenant la disponibilité et l’accessibilité des produits alimentaires (FAO, 2018[22]). Les échanges peuvent en outre avoir un effet bénéfique sur l’utilisation en ce qu’ils permettent une plus grande diversité de l’offre alimentaire, surtout dans les régions comme le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, où les conditions climatiques ne se prêtent pas forcément à des cultures très variées ni ne permettent de produire des aliments en quantités suffisantes pour garantir la sécurité alimentaire.
Dans beaucoup de pays, les exportations apportent une contribution cruciale aux moyens de subsistance
Les échanges sont essentiels aux bonnes performances du secteur agricole dans de nombreux pays. La production intérieure de certains produits agricoles est en grande partie exportée, et ces exportations constituent une importante source de revenus et donnent l’occasion d’accéder à des marchés en croissance sans nuire aux marchés locaux. Beaucoup de pays en développement tirent des revenus substantiels de l’exportation de produits qui ne sont pas pris en compte dans les Perspectives, comme les fruits et légumes, le thé, le cacao et les fibres. Cependant, les fluctuations et les chocs sur les marchés internationaux ainsi que les changements de politique commerciale peuvent avoir des répercussions disproportionnées sur les secteurs rural et côtier de ces pays. Huit pays resteront fortement dépendants des marchés internationaux au vu du ratio de la valeur nette de leurs exportations à la valeur nette de leur production nationale pour les produits étudiés dans les Perspectives (Graphique 1.28). Si certains de ces pays ont des exportations très diversifiées, comme le Canada et le Brésil, d’autres sont tributaires d’un petit nombre de produits, à l’instar de la Nouvelle-Zélande (produits laitiers), du Paraguay (produits oléagineux) et de la Norvège (poisson).
Le rôle des échanges dans la nutrition
En plus de favoriser la sécurité alimentaire mondiale, les échanges seront de plus en plus importants pour assurer la sécurité nutritionnelle dans les pays importateurs aussi bien qu’exportateurs. Comme l’indiquent les projections présentées dans ces Perspectives, la consommation progressera plus vite que la production dans les pays en développement, de sorte que les importations sont appelées à couvrir une part croissante de la demande alimentaire dans bon nombre de pays. En Asie du Sud-Est, par exemple, où l’augmentation des revenus modifie les préférences des consommateurs, une part grandissante de la demande de viande (surtout de volaille et de viande bovine) sera satisfaite par les importations. De même, la demande croissante de laits en poudre au Proche-Orient et en Afrique du Nord, en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne sera satisfaite par des fournisseurs des pays développés.
Si une plus grande ouverture aux échanges peut avoir un effet bénéfique en rendant plus abordables et disponibles différents produits alimentaires, en offrant plus de choix aux consommateurs et en favorisant ainsi la diversification des régimes alimentaires, l’expansion des échanges alimentaires mondiaux, et en particulier des importations, peut aussi être associée à un apport accru de produits alimentaires peu sains, ultra-transformés notamment, au détriment des aliments de qualité. Compte tenu de l’incidence croissante dans le monde de différentes formes de maladies non transmissibles liées à l’alimentation, des mesures ciblées destinées à améliorer l’état nutritionnel de la population doivent également être prises au niveau national pour maximiser l’effet bénéfique des échanges sur la situation nutritionnelle (FAO, 2018[23]).
Politiques commerciales
Les échanges sont un moteur de la transformation du secteur agroalimentaire mondial. L’évolution des politiques commerciales a facilité dans une large mesure cette transformation en entraînant un abaissement des obstacles tarifaires et non tarifaires qui limitaient les mouvements de biens et services. Cette réduction des obstacles a eu pour effet de faire progresser le bien-être des consommateurs et des producteurs en leur permettant de profiter des avantages de l’efficience accrue des marchés sur le plan du bien-être. La décennie à venir verra la négociation/mise en œuvre de modifications majeures des politiques commerciales qui sont de nature à accroître les échanges infrarégionaux et interrégionaux. Les négociations commerciales susceptibles d’avoir un fort impact sur les échanges agricoles mondiaux sont examinées plus en détail dans la section sur les incertitudes. Un large accord commercial mondial (OMC) n’est pas prévu.
Les projections de référence présentées tiennent uniquement compte des accords commerciaux bilatéraux appliqués ou ratifiés, comme l’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC), entré en vigueur en mai 2019, qui se traduira par une suppression des droits de douane sur 90 % des produits échangés dans la région d’ici juillet 2020, puis sur 7 % de produits supplémentaires d’ici à 2029. L’efficience des marchés dans la région devrait s’en trouver renforcée, même si des obstacles non tarifaires comme l’insuffisance des réseaux de transport risquent de limiter la portée de leur intégration.
1.5. Prix
Dans les Perspectives, les prix de référence sont les cours mondiaux constatés sur les principaux marchés pour chaque produit agricole. Les données antérieures sont utilisées pour décrire les évolutions passées, tandis que les tendances futures des marchés sont fondées sur les valeurs des projections. À court terme, les projections de prix restent influencées par les événements récents (sécheresses, maladies des végétaux et des animaux, évolutions des politiques). En revanche, plus loin dans la période de projection, elles sont déterminées uniquement par les conditions fondamentales de l’offre et de la demande. La variabilité potentielle des prix est étudiée dans le cadre d’une analyse stochastique partielle (voir ci-dessous).
Au cours de la prochaine décennie, la plupart des produits examinés dans les Perspectives devraient voir leur prix réel baisser. On peut donc penser que, d’après les hypothèses utilisées ici, les facteurs induisant une diminution des prix (principalement les gains de productivité) prédomineront par rapport aux facteurs qui conduisent à une augmentation des prix tels que les contraintes de ressources ou une demande dopée par la croissance de la population ou des revenus.
Du côté de l’offre, les Perspectives anticipent une forte hausse des rendements dans les pays émergents et à faible revenu, imputable au rattrapage technologique et à l’adoption de meilleures pratiques de gestion agricole. Dans les régions développées, l’innovation technologique (la sélection végétale et animale, par exemple) et les gains d’efficacité permettront également d’améliorer les rendements. Les projections de prix partent du principe que cette hausse ininterrompue de la productivité abaisse les coûts de production marginaux et que toutes les ressources supplémentaires peuvent être mobilisées à ces prix inférieurs. Du côté de la demande, la croissance démographique mondiale ralentit, de même que la croissance des revenus dans les économies émergentes, où les consommateurs ont de moins en moins tendance à dépenser leurs revenus supplémentaires dans des achats alimentaires.
Cette baisse prévue des prix réels des produits agricoles concorde avec leur tendance sur le long terme (Graphique 1.29). Rétrospectivement, les données montrent en effet que les prix des produits agricoles sont en général étroitement corrélés et tendent à suivre une courbe descendante sur une longue période. Les prix de plusieurs productions végétales (ici le soja et le maïs) et produits d’élevage (ici le bœuf et le porc), en particulier, suivent souvent le même schéma. Au cours des dix prochaines années, les prix de la viande devraient afficher une baisse plus marquée (‑1.8 % par an), en partie du fait de leurs niveaux actuels élevés, tandis que le tassement des prix sera plus minime pour les productions végétales (‑0.3 % par an).
Une autre manière d’évaluer l’évolution des prix consiste à étudier la trajectoire attendue de l’indice FAO des prix des produits alimentaires. Introduit en 1996, cet indice prend en compte l’évolution des prix nominaux d’un panier de produits agricoles appartenant à cinq catégories de produits (céréales, huiles végétales, sucre, produits laitiers et viande), pondérés par la part moyenne à l’exportation de chacune de ces catégories pour la période 2002‑2004. Comme l’indice de la FAO couvre les mêmes produits que les Perspectives agricoles, son évolution peut être considérée comme constituant un indicateur synthétique de l’évolution des prix nominaux des produits agricoles (Graphique 1.30).
Compte tenu des conditions de l’offre et de la demande anticipées dans les Perspectives, les prix nominaux des produits agricoles tels que synthétisés par l’indice FAO des prix des produits alimentaires devraient progresser de seulement 1% par an pendant la prochaine décennie. En termes réels, l’indice FAO des prix des produits alimentaires devrait reculer de 0.7% par an au cours des dix années à venir. Même si les prix des produits agricoles devraient être inférieurs aux sommets atteints en 2006‑08 et en 2013‑14, ils resteront supérieurs aux niveaux du début des années 2000, tant en valeur nominale qu’en termes réels.
Le Graphique 1.31présente une vue plus détaillée par produit, montrant la variation annuelle moyenne anticipée des prix réels pendant la période de projection. Globalement, la plupart des produits couverts dans les Perspectives devraient voir leur prix réel varier de moins de 1% par an au cours de la prochaine décennie, à l’exception de la viande.
Le net recul des prix de toutes les viandes s’explique par leurs niveaux actuels élevés dus à une offre insuffisante dans beaucoup de pays d’Asie, entraînant une forte demande d’importations sur les marchés internationaux. Cela est particulièrement vrai dans le secteur de la viande de porc du fait de l’épidémie de peste porcine africaine qui a fait chuter la production dans les deux principaux pays producteurs (la Chine et le Viet Nam), d’où une forte poussée de la demande d'importations en 2019. La contraction de la production de porc en Asie s’est aussi traduite par une hausse de la demande d’importations pour les autres types de viandes (par effet de substitution), qui a maintenu leurs prix à des niveaux élevés. En particulier, les prix du mouton ont bénéficié de la forte demande chinoise d'importations et de l’insuffisance de l’offre en Océanie. Les prix réels de la viande devraient redescendre avec la reprise progressive de la production dans la deuxième moitié de la période étudiée. Toutefois, cette tendance à la baisse reflète aussi les conditions de l’offre et de la demande à plus long terme. La production de viande devrait progresser durant la prochaine décennie, en raison d’une part d’une hausse du poids carcasse par tête, et d'autre part d’une augmentation de la taille des troupeaux, en particulier dans les pays émergents et à faible revenu. D’un autre côté, on attend un ralentissement de la croissance de la demande de viande, s’expliquant par une hausse des revenus en perte de vitesse dans plusieurs régions, par le vieillissement des populations, et par la diminution de la consommation de viande par habitant dans un certain nombre de pays à revenu élevé.
En ce qui concerne les céréales, la hausse de la production mondiale conjuguée au déstockage actuel de maïs et de riz en Chine continuera de tirer les prix vers le bas pendant la période considérée. Les cours du riz devraient en particulier reculer de 0.8% par an en termes réels, car les gains de productivité obtenus dans de grands pays asiatiques importateurs comme l’Indonésie devraient atténuer la croissance des importations mondiales.
Du côté du soja et des autres oléagineux, on prévoit que les prix demeureront essentiellement à leurs niveaux actuels, les gains de productivité attendus devant permettre d’absorber la hausse de la demande pendant les dix ans à venir. Par rapport à la dernière décennie, le rythme de croissance de la demande d'huiles végétales est en nette décélération. La consommation arrive en effet à saturation dans beaucoup d'économies émergentes (dont la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud), et un léger tassement des prix réels est donc à prévoir. Concernant les tourteaux protéiques, on s’attend à un renchérissement minime des prix réels (0.15% par an) dû aux faibles prix de départ en 2019, à mettre sur le compte de l’effondrement de la demande chinoise d’aliments pour animaux suite à l’épidémie de peste porcine africaine.
Le retour à un marché du sucre plus équilibré (après un déficit de production important en 2019) devrait s’accompagner pour cette denrée de prix en hausse en valeur nominale mais relativement stables en termes réels, avec un ralentissement de la croissance de la demande dans les régions affichant un niveau déjà élevé de consommation par habitant.
Il n’y a pas véritablement de cours international du lait, car le lait cru n’est pratiquement pas échangé. Les deux principaux prix de référence pour les produits laitiers sont les cours internationaux du beurre et du lait écrémé en poudre, que l’on peut considérer comme des substituts pour les prix des matières grasses laitières et des constituants solides du lait, respectivement. Les prix du lait écrémé en poudre se sont raffermis après la liquidation totale des stocks d'intervention de l’Union européenne en 2019, et devraient rester constants en termes réels pendant toute la période de projection. Les cours annuels du beurre ont atteint un niveau record en 2017 et sont en baisse depuis. Sur les dix prochaines années, ils devraient continuer de fléchir légèrement en termes réels, ce qui contribuera à réduire encore l’écart de prix entre le lait écrémé en poudre et le beurre. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage suivent l’évolution de ceux du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matière grasse et en autres matières sèches.
Les prix réels du poisson devraient rester relativement stationnaires au cours de la décennie à venir, avec des hausses minimes pendant la première moitié de la période, suivies d’un recul en seconde moitié de période dans le contexte d’une accélération de la production, en particulier en Chine.
En ce qui concerne les biocarburants, les prix réels de l’éthanol devraient légèrement progresser étant donné leurs très faibles niveaux actuels, tandis que les prix du biodiesel devraient accuser une baisse d’environ 0.6% par an sur les dix prochaines années. L'évolution des marchés des biocarburants est fortement tributaire de celle des cours du pétrole brut (lesquels sont essentiellement constants en termes réels) et des décisions des pouvoirs publics, mais aussi des prix des matières premières agricoles, par exemple les huiles végétales pour le biodiesel et le maïs et les cultures sucrières pour l’éthanol. Les modestes évolutions des prix de ces matières premières durant la prochaine décennie contribueront à la relative stagnation des prix des biocarburants.
Les prix internationaux du coton devraient continuer à fléchir en valeur réelle durant la période de projection, avec une demande mondiale toujours bridée par la concurrence des fibres synthétiques, polyester en tête. Le différentiel de prix entre le coton et le polyester devrait toutefois se stabiliser.
Lorsque les prix des produits agricoles baissent, la situation profite à des millions de consommateurs dans le monde qui ont davantage accès à des denrées alimentaires moins chères. Mais un faible niveau des prix peut aussi peser sur les revenus des producteurs s’ils n'abaissent pas leurs coûts suffisamment en augmentant leur productivité. Un contexte de prix bas pourrait donc entraîner une demande accrue de soutien aux agriculteurs, ce qui pourrait affecter les projections. De plus, lorsque les prix agricoles sont bas, les producteurs sont moins incités à investir dans des technologies de nature à favoriser de nouvelles hausses des rendements dans le futur, ce qui pourrait limiter la croissance de l’offre durant les prochaines décennies.
Globalement, la demande persistante de produits agricoles devrait être satisfaite grâce à des gains d’efficacité dans la production qui se traduiront par des prix agricoles relativement stables en valeur réelle. Néanmoins, des chocs viendront perturber régulièrement les cours des produits de base pendant la période considérée, provoquant des périodes temporaires de hausses de prix et de volatilité accrue. On constate que ces chocs diminuent en intensité au fil du temps grâce à l’amélioration de la résilience des systèmes de production, et à l’accès aux marchés mondiaux. En revanche, le changement climatique pourrait augmenter la probabilité de survenance d’événements météorologiques extrêmes (sécheresses ou inondations, par exemple), risquant d’entraîner des variations plus importantes autour de la tendance.
1.6. Risques et incertitudes
Les projections de référence constituent un scénario plausible fondé sur des hypothèses spécifiques concernant la croissance de la population et d’autres tendances démographiques, les conditions macroéconomiques, l’évolution de la productivité, les préférences des consommateurs, les politiques agricoles et commerciales et les conditions météorologiques. Si elles reposent sur les meilleures informations disponibles au moment de leur élaboration, un certain degré d’incertitude est inévitablement attaché à des projections à dix ans de l’offre et de la demande, de même qu’aux hypothèses sous-jacentes. Certaines modifications des conditions exogènes peuvent être prévisibles – la conclusion de négociations commerciales, par exemple –, mais l’ampleur de leurs effets et la dynamique qui en découle ne le sont pas forcément. D’autres sont rigoureusement impossibles à anticiper ou par essence imprévisibles, comme une partie des attaques de ravageurs et des maladies ou les chocs météorologiques. Les incertitudes qui entourent les projections de la demande et de l’offre sont examinées dans la suite de cette dernière section.
L’impact de la pandémie de COVID-19
Dans l’immédiat, les incertitudes les plus importantes découlent bien évidemment de la pandémie de COVID-19, qui a des répercussions sur l’ensemble de la consommation, de la production et des échanges. Les voies de transmission au secteur agroalimentaire sont résumées dans l’Encadre 1.3. Cette édition des Perspectives était déjà en cours de finalisation lorsque la pandémie de COVID-19 a débuté. Les effets cumulés de celle-ci sur les marchés agricoles et halieutiques restent dans l’ensemble incertains, du moins en termes quantitatifs, et n’ont donc pas été pris en compte dans les projections de référence. Ils font néanmoins l’objet d’une première analyse dans un scénario spécial présenté ci-après et portant sur les conséquences de l’onde de choc macroéconomique provoquée par la pandémie. La perturbation de la production agricole primaire pourrait rester limitée en ce qui concerne la plupart des produits étudiés dans les Perspectives, en particulier les produits végétaux, et du moins dans les pays à l’origine de la majeure partie de la production et des échanges. En revanche, les interruptions subies en amont par les filières de transformation et les échanges alimentaires, l’évolution forcée de la demande des consommateurs et les pénuries de main-d’œuvre saisonnière auront toutes un certain impact sur les marchés agricoles et halieutiques, surtout à court terme.
Encadré 1.3. COVID-19: Les voies de transmission au secteur agroalimentaire
En avril 2020, le consensus au sujet des impacts de la COVID-19 était qu’il fallait s’attendre à une contraction de l’offre et de la demande de produits agricoles et que des perturbations étaient possibles dans les échanges et la logistique. Tous les éléments du système alimentaire seront touchés, de la production primaire à la demande intermédiaire et finale en passant par la transformation alimentaire, les échanges et les systèmes logistiques nationaux et internationaux. C’est également le cas des marchés des facteurs: travail, capital et intrants intermédiaires (pesticides, semences). L’ampleur de ces effets dépendra de la persistance et de la propagation de la pandémie, ainsi que de la dynamique de la reprise et des ajustements économiques. Du côté de l’offre, les avis étaient encore très partagés sur la durée des chocs, la dynamique des prix, les différences d’impact entre les marchés intérieurs et le marché international, les variations entre pays et entre produits, la chronologie de la reprise et ses trajectoires probables, ainsi que les interventions publiques visant à lutter contre les différentes ondes de choc. Du côté de la demande, il y a un accord quasiment unanime sur le fait que la demande et les échanges de produits agricoles ralentiront et subiront des contractions du fait de la décélération de l’activité économique globale (croissance du PIB) et de la hausse du chômage. Les mesures de distanciation sociale restreindront l’accès aux produits alimentaires, notamment ceux que l’on consomme généralement en dehors de chez soi. Les systèmes agricoles et alimentaires sont exposés à la fois aux chocs affectant l’offre et à ceux affectant la demande (symétrie), mais ces chocs ne devraient pas survenir en parallèle (asynchronie) dans la mesure où les consommateurs peuvent faire appel à l’épargne, aux stocks alimentaires et aux systèmes de protection pour les achats alimentaires en cas de baisse de revenu.
Les voies de transmission à la demande de produits agroalimentaires englobent de nombreux facteurs macroéconomiques, en particulier les fluctuations des taux de change ainsi que des marchés de l’énergie et du crédit et, surtout, l’envol attendu du chômage et la contraction de l’activité économique dans son ensemble. Les répercussions de la pandémie seront ressenties différemment selon le type de secteurs et le stade de développement des pays. Dans les pays à haut revenu, l’agriculture est généralement un secteur à forte intensité en capital, qui est sensible aux éventuelles perturbations des approvisionnements en intrants intermédiaires à court terme et des équipements fixes à plus long terme. Dans les pays à faible revenu, certains systèmes agricoles sont dans le même cas, mais leur exposition aux conséquences d’un choc pandémique peut être très différente. À titre d’exemple, les agriculteurs nord-américains à vocation exportatrice peuvent bénéficier de la baisse des taux d’intérêt, mais pâtir de l’appréciation de la monnaie nationale, alors que pour leurs homologues d’Amérique du Sud, les effets peuvent être inversés.
Un nombre croissant d’agriculteurs partout dans le monde est confronté à un manque d’intrants. Ainsi, la faiblesse de l’offre de pesticides se répercute sur la protection des cultures dans les pays touchés à un stade précoce, et elle entraînera sans doute une baisse des rendements plus tard dans l’année. Le manque de pesticides nuit aussi aux efforts menés pour contenir les attaques de ravageurs, comme celle imputable aux criquets qui sévit actuellement en Afrique de l’Est.
Le déficit de main-d’œuvre dans les chaînes d’approvisionnement agricole est devenu un problème quasi planétaire. Les pays à faible revenu sont davantage exposés à une perturbation directe de l’offre de main-d’œuvre, car une part plus importante des travailleurs y est généralement employée dans la production primaire. Les déficits peuvent être imputables à la désorganisation de l’offre de main-d’œuvre au niveau national et à une pénurie de travailleurs saisonniers et migrants.
En outre, les voies de transmission macroéconomiques touchent l’offre de produits agricoles, les échanges et la demande finale. La chute soudaine des prix du pétrole et des métaux, par exemple, a exercé des pressions à la baisse sur les taux de change de beaucoup de pays exportateurs de produits de base (« monnaies-marchandises »). Bien qu’elles soient déclenchées par le recul des prix de produits non alimentaires, ces pressions touchent l’ensemble des biens échangeables, produits alimentaires compris. Elles renforcent la compétitivité internationale des produits alimentaires, du moins à court terme, faisant craindre une insuffisance de l’offre intérieure dans certains pays. Au niveau mondial, les stocks de report sont importants, les prochaines récoltes s’annoncent bonnes et la demande de produits alimentaires va sans doute stagner, voire diminuer, étant donné la récession anticipée, tandis que la demande de biocarburants devrait plafonner du fait de la forte baisse des prix du pétrole brut. Cela étant, on ignore quelle ampleur pourrait avoir une éventuelle contraction de la demande. En cas de recul substantiel du PIB mondial, les pays à faible revenu risquent d’être confrontés à des problèmes de sécurité alimentaire en raison de la baisse des revenus et non pour cause de hausse des prix.
Enfin, et c’est peut-être le constat le plus important, la maladie à COVID-19 exercera un choc sur la demande finale de produits alimentaires en provoquant une régression du pouvoir d’achat global, surtout parmi les personnes toujours plus nombreuses qui seront au chômage. L’impact effectif sur la demande alimentaire dépendra de nombreux facteurs, dont l’ampleur et la durée du choc macroéconomique, l’épargne disponible et l’accès au crédit et à des mécanismes de protection. À ce stade peu avancé de la crise, les répercussions qu’elle aura en définitive sur les revenus et les prix sont encore floues, mais au vu de la disponibilité de produits alimentaires de base et du fait que les productions à forte intensité de main-d’œuvre comme les légumes et les produits laitiers sont plus que les autres exposées aux effets délétères de la pandémie, il faut s’attendre à une détérioration de la qualité des régimes alimentaires plutôt qu’à une progression des déficits caloriques.
Les projections de référence des Perspectives représentent un consensus entre les secrétariats de l’OCDE et de la FAO et les institutions avec lesquelles ils collaborent concernant les évolutions futures de l’agriculture mondiale. Le cycle d’élaboration des projections a débuté à la fin 2019, et les projections de référence ont ensuite été préparées sur la base d’un ensemble d’hypothèses démographiques et macroéconomiques correspondant aux perspectives économiques mondiales d’alors. Peu après, l’épidémie de COVID-19 est devenue une pandémie qui a grandement perturbé tous les secteurs de l’économie. Les effets précis de cette pandémie sur les marchés agricoles et halieutiques restaient toutefois incertains, du moins en termes quantitatifs, et n’ont donc pas été pris en compte dans les projections de référence.
Le modèle de simulation Aglink-Cosimo, sur lequel se fondent les projections de référence des Perspectives, offre la possibilité de procéder à des analyses de scénarios afin d’étudier l’effet de différents ensembles d’hypothèses sur l’évolution future des marchés agricoles mondiaux. Ces capacités ont été mises à profit pour simuler les répercussions possibles de la pandémie de COVID-19 sur les marchés agricoles à court terme.
En l’occurrence, le scénario correspondant porte sur les possibles répercussions macroéconomiques de la pandémie, et non sur les perturbations à court terme qui sont liées aux restrictions imposées aux déplacements des personnes et à la désorganisation des transports et de la logistique. Le scénario se fonde sur les projections présentées dans les Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international (FMI) en ce qui concerne la croissance du PIB, l’inflation et le prix mondial du pétrole brut au cours des deux prochaines années. D’après les projections du FMI, le PIB mondial se contractera de 3 % en 2020, c’est-à-dire dans des proportions plus importantes que lors de la crise financière de 2008-09. Ensuite, l’hypothèse retenue est que la pandémie retombera au deuxième semestre 2020 et que les mesures de confinement seront peu à peu assouplies, d’où une croissance de 5.8 % du PIB mondial en 2021 du fait du retour à la normale des activités économiques. Pour les années suivantes et jusqu’à la fin de la période de projection, les taux de croissance de référence des variables macroéconomiques (croissance du PIB et inflation) sont appliqués aux valeurs révisées de 2021.
En outre, il est prévu que le prix moyen du baril de pétrole brut s’établisse à 37 USD en 2020 et à 40 USD en 2021, contre 64 USD en 2019. Le prix du pétrole brut se redresse ensuite pour atteindre les valeurs de la projection de référence en 2025, et reste ensuite conforme à celles-ci durant les dernières années de la période de projection. Le Graphique 1.33 illustre certaines des hypothèses macroéconomiques retenues dans le scénario en les comparant à celles qui sous-tendent les projections de référence.
Les chocs macroéconomiques provoqués par la pandémie de COVID-19 devraient pousser les prix des produits agricoles à la baisse. On prévoit que la contraction de l’activité économique affaiblira la demande mondiale de produits agricoles de base. La réaction de l’offre à cette baisse de la demande interviendra avec un décalage, dans la mesure où des décisions de production (semis des cultures, par exemple) ont été prises avant le début de la pandémie de COVID-19, ce qui entraînera une offre excédentaire de nombreux produits agricoles à court terme. Dans ces conditions, les stocks de produits agricoles devraient augmenter, si bien que leurs prix devraient continuer de diminuer jusqu’à ce que la demande des consommateurs retrouve son niveau normal. En outre, la chute des prix du pétrole fera baisser les coûts de production de l’agriculture durant les premières années de la période de projection (diminution des coûts des carburants et des engrais). Sous l’effet de tous ces facteurs, les prix des produits agricoles sont plus bas dans ce scénario que dans les projections des Perspectives durant les premières années de la période de projection.
Le Graphique 1.34 montre l’évolution attendue des prix nominaux de certains produits dans le scénario de référence des Perspectives (courbe en trait plein) et dans le scénario COVID-19 (courbe discontinue) par rapport aux résultats des analyses stochastiques. Pour évaluer les incertitudes entourant les projections relatives aux prix, deux ensembles d’analyses stochastiques partielles des projections retenues dans les Perspectives ont été effectués. La première analyse stochastique simule la variabilité potentielle des marchés agricoles à l’aide de 1 000 scénarios différents, qui reposent sur l’historique des variations, par rapport à leur évolution à long terme, des variables macroéconomiques (croissance du PIB, inflation) et d’autres variables, comme les prix du pétrole, les taux de change et les chocs de rendement (éventail gris). La deuxième fait uniquement varier les variables macroéconomiques (croissance du PIB et inflation) et les prix du pétrole brut (éventail bleu, intervalle de confiance de 90 %). Par conséquent, l’analyse stochastique ne prend pas en compte des chocs plus extrêmes que ceux observés par le passé. En outre, il s’agit d’une analyse partielle, car il n’est pas possible de rendre compte de toutes les sources de variabilité des marchés agricoles. Par exemple, les épizooties comme la peste porcine africaine peuvent avoir d’importantes conséquences sur les marchés, mais ne sont pas prises en compte. Les résultats de l’analyse stochastique partielle donnent néanmoins une indication de la sensibilité des projections à certaines des sources de variabilité des marchés agricoles les plus importantes.
Dans le scénario COVID-19, la croissance économique plus faible se traduit par une expansion moins forte de la demande de produits agricoles. Dans ce scénario, en 2020, les prix passent en dessous de l’intervalle de confiance de 90 % relatif à l’évolution des variables macroéconomiques (éventail bleu), et les prix des produits à plus forte valeur ajoutée (huile végétale, volaille et beurre, par exemple) tombent plus bas que lors de 90 % des catastrophes jugées envisageables précédemment (éventail gris) – autrement dit, la pandémie de COVID-19 devrait soumettre les marchés à un choc sans précédent. Sous l’effet de la reprise économique censée s’amorcer en 2021, les prix convergent ensuite progressivement vers ceux du scénario de référence les années suivantes.
La demande prévue de produits alimentaires est déterminée par deux facteurs principaux : une croissance économique réduite, qui fait baisser la demande, et la faiblesse des prix des produits, qui la soutient. Le résultat final varie selon les produits agricoles et les pays. En l’occurrence, la consommation d’aliments de base comme les racines et les tubercules, le riz et le blé est moins touchée dans le scénario COVID-19. L’effet sur la consommation alimentaire d’huile végétale et de produits animaux est en revanche beaucoup plus important. Comme le montre le Graphique 1.35, l’impact sur les pays les moins avancés (PMA) est bien plus fort que la moyenne mondiale. Pour certains couples produit-pays, on anticipe en fait une hausse de la consommation alimentaire, car l’effet du ralentissement de la croissance économique est plus que compensé par la baisse des prix. Dans l’ensemble, l’effet à moyen terme sur la consommation moyenne de produits alimentaires ne devrait pas être particulièrement fort, mais les PMA paraissent soumis à un risque plus important et l’impact sur les segments les plus pauvres de la population sera encore plus marqué encore.
Ce premier scénario sur la maladie à COVID-19 apporte quelques éclairages préliminaires sur les effets à court terme de la pandémie en cours sur les marchés agricoles, et en particulier sur les prix des produits agricoles et sur la demande alimentaire. Cependant, les retentissements économiques, sociaux et politiques de la pandémie continuent d’évoluer suivant des schémas extrêmement complexes. Pour pouvoir dresser un tableau plus complet de ses effets, il faudrait examiner d’autres aspects. Parmi ceux-ci, il y a les modifications de la structure de la demande alimentaire, les mesures publiques qui affectent les filières alimentaires nationales et mondiales, ainsi que l’ampleur et la durée du choc macroéconomique et la trajectoire de redressement. Une autre limite de cet exercice d’analyse de scénario tient à l’absence de prise en compte des rétroactions, notamment sur les autres secteurs de l’économie, les ménages et les pouvoirs publics (par exemple, le niveau peu élevé des prix des produits de base peut entraîner une diminution du revenu, la faiblesse des prix fait baisser l’investissement, de nouvelles mesures gouvernementales peuvent influer sur les résultats).
Autres incertitudes des projections
Demande
Du côté de la demande, l’une des principales sources d’incertitude concerne l’évolution probable des préférences des consommateurs. Globalement, les décisions d’achat de ceux-ci sont de plus en plus déterminées par des facteurs autres que le prix et le goût, dont les préoccupations pour la santé et l’environnement. L’une des principales manifestations de cette tendance est la forte progression du végétarisme, du végétalisme et du « flexitarisme » dans les pays à haut revenu, notamment chez les jeunes. À l’heure actuelle, les végétariens, les végétaliens et les personnes entrant dans des catégories connexes représentent moins de 10 % de la population mondiale d’après les estimations, mais l’adoption de ces régimes par une part croissante de la population pourrait avoir des répercussions sur les marchés mondiaux, notamment de la viande et des produits laitiers, en faisant baisser la consommation de protéines animales au profit de celle de protéines végétales (ou de protéines d’insectes). Dans l’ensemble, ces évolutions sont relativement lentes et difficiles à évaluer. Si on retenait une hypothèse différente quant à l’évolution des préférences des consommateurs dans les Perspectives, en tablant par exemple sur un plus large développement des modes de vie végétariens, végétaliens ou « flexitariens », la tendance des projections à moyen terme en serait modifiée. En ce qui concerne les paniques alimentaires, elles sont de nature à faire baisser la demande à court terme et ont parfois des conséquences durables. Elles ne sont pas prises en compte dans les Perspectives mais entraîneraient des fluctuations par rapport aux projections de la consommation alimentaire.
En outre, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de pratiques agricoles durables et sont soucieux de l’environnement, de l’éthique et du bien-être animal, ce qui pourrait influer non seulement sur le niveau de la demande d’aliments pour animaux, mais aussi sur sa composition dans les décennies à venir. Cette évolution pourrait stimuler la demande d’aliments pour animaux produits localement et/ou non modifiés génétiquement, dont des légumineuses à graines et fourragères, et faire baisser la demande de soja, en particulier dans les pays à haut revenu d’Europe.
Les Perspectives considèrent que les politiques restent inchangées à moyen terme et retiennent des hypothèses quant à leur efficacité future, ce qui constitue une autre source d’incertitude. Or, des mesures prises pour, par exemple, réduire la consommation globale de calories ou favoriser le passage à des régimes alimentaires plus sains (taxe sur le sucre, étiquetage, reformulation des produits) pourraient influer à la fois sur la demande totale de produits alimentaires et sur la demande relative de certains d’entre eux, dans des proportions qui restent imprévisibles aujourd’hui. Dans le même ordre d’idées, les modes de consommation pourraient aussi être influencées par des mesures visant à encourager les consommateurs à opter pour des régimes alimentaires plus durables/moins polluants (taxes de consommation sur les produits à forte intensité d’émissions, par exemple) ou à réduire le gaspillage alimentaire.
L’évaluation de l’efficacité des politiques relatives aux biocarburants reste également incertaine. Ainsi, en Indonésie, le programme B30 lancé par le gouvernement pour réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles importés est entré en vigueur dans l’ensemble du pays en janvier 2020. L’hypothèse retenue dans les Perspectives est que l’Indonésie réussira à mettre en œuvre ce programme et que le taux d’incorporation de biodiesel se maintiendra autour de 30 % durant la période de projection. Cependant, la réalisation de l’objectif prévu sera dans une large mesure tributaire de la politique de soutien public aux producteurs de biodiesel, qui dépend du rapport entre les prix intérieurs et internationaux de l’huile de palme. Cet objectif pourrait être compromis par une hausse des coûts de production pour cause d’une augmentation des prix de l’huile de palme et des problèmes liés à la durabilité des moteurs. L’évolution des marchés des biocarburants dépend aussi dans une très large mesure de celle des prix du pétrole brut. À l’heure actuelle, le niveau peu élevé des prix internationaux du pétrole – conséquence de la faible demande mondiale imputable principalement à la pandémie de COVID-19 – réduit la demande de matières premières bioénergétiques. Une récession économique due au COVID-19 pourrait entraîner une baisse plus marquée encore de la demande mondiale de carburants de transport et de biocarburants.
Offre
La production agricole est une activité atypique de par sa vulnérabilité aux aléas naturels, notamment aux conditions météorologiques et aux maladies touchant les végétaux et les animaux. L’épizootie de peste porcine africaine en offre une illustration. En août 2018, la Chine a annoncé l’apparition d’un premier cas de peste porcine africaine. La maladie s’est ensuite propagée à d’autres pays d’Asie de l’Est (le Viet Nam, par exemple) avant de réapparaître en Europe. En 2019, la Chine et le Viet Nam, qui sont les deux premiers producteurs mondiaux de porc, ont vu leur production porcine reculer de 21 % et 17 %, respectivement. Les mesures prises pour contenir l’épizootie (subventions à l’abattage, par exemple) devraient continuer de peser sur la production mondiale de viande porcine dans les prochaines années. Les Perspectives retiennent néanmoins l’hypothèse que cette production recommencera à augmenter à partir de 2021 pour renouer en 2025 avec le niveau d’avant l’épizootie de peste porcine africaine. Cela étant, comme le succès des mesures prises est incertain, l’épidémie pourrait avoir des effets plus graves que prévu à moyen terme. Par ailleurs, la chute de la production porcine en Asie rend incertaines les projections concernant la demande d’importation de différentes viandes et la demande mondiale d’aliments pour animaux.
L’une des pires attaques de ravageurs touchant les cultures est celle imputable aux criquets pèlerins qui détruisent les plantes cultivées, les pâturages, le fourrage et les autres végétaux. D’après les chiffres de la FAO, un essaim d’un kilomètre carré de ces insectes peut consommer autant d’aliments en une journée que 35 000 personnes. En février 2020, huit pays d’Afrique de l’Est ont subi la pire attaque de ces ravageurs depuis des décennies, et des dizaines de milliers d’hectares de terres cultivées et de pâturages ont été touchés en Éthiopie, au Kenya et en Somalie. De plus, les fortes pluies de la fin du mois de mars ont créé des conditions favorables à la reproduction des criquets pèlerins, ouvrant la voie au déferlement d’une deuxième vague, potentiellement plus massive que la première, sur la Corne de l’Afrique, mais aussi sur l’Est du Yémen et le Sud de l’Iran. En mai, l’éclosion des œufs donnera naissance à des bandes larvaires qui formeront de nouveaux essaims à la fin juin et en juillet ; cette période étant aussi celle du début des récoltes, ces essaims représenteront une menace sans précédent pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs dans la région (FAO, 2020[25]). Qui plus est, les mesures de confinement prises pour faire face au COVID-19 ont ralenti les opérations terrestres et aériennes visant à lutter contre l’infestation en rendant plus difficile le franchissement des frontières et en retardant les livraisons de pesticides (Okiror, 2020[26]).
Les événements météorologiques extrêmes comme les canicules, les sécheresses et les précipitations intenses ont un fort impact sur la production agricole, notamment végétale. Les projections des Perspectives concernant l’offre et la demande ont été établies en prenant pour hypothèse que les conditions météorologiques resteront conformes à celles que nous connaissons durant toute la période de projection. Or, il est possible que le changement climatique fasse lentement évoluer les conditions climatiques et augmente la probabilité d’aléas météorologiques dans les prochaines décennies. En l’absence de mesures d’adaptation appropriées, une telle évolution pourrait se répercuter défavorablement sur le rendement des cultures et de l’élevage dans la plupart des régions, et rendre l’approvisionnement en aliments et les prix de ceux-ci plus instables. Si on retenait une hypothèse différente dans ces Perspectives concernant l’évolution des conditions agroclimatiques et météorologiques, la tendance de la projection à moyen terme en serait modifiée.
Par ailleurs, l’instauration de mesures et de réglementations permettant de mettre au point et d’appliquer de nouvelles technologies, par exemple des techniques de sélection végétale et des technologies numériques, pourrait se traduire par des gains de productivité plus importants que prévu dans les Perspectives. Les tendances en matière de productivité des cultures et de l’élevage projetées dans les Perspectives reposent sur l’hypothèse d’une amélioration continue des potentialités génétiques des plantes cultivées et des animaux d’élevage et de la poursuite des innovations en cours en matière de technologies de production, qui dépendront de leur côté du maintien des investissements publics et privés dans la recherche et le développement (R-D). Depuis la crise financière de 2008-09, les dépenses publiques de R-D ont chuté dans les pays à haut revenu, mais augmenté dans un certain nombre d’économies émergentes, dont l’Inde et la Chine. En outre, les investissements privés dans la R-D ont augmenté plus rapidement que les dépenses publiques de R-D ces dernières années dans le monde. Ces tendances confortent l’hypothèse d’une croissance ininterrompue de la productivité adoptée dans ces Perspectives, mais tout scénario différent concernant le taux de progrès modifierait les projections relatives à la croissance des rendements et de la productivité.
Dans la décennie à venir, la production agricole dépendra aussi de toute une série de mesures destinées à réorienter, ajuster ou restreindre des pratiques de production. Ces mesures répondent à des objectifs variés, comme limiter la contribution au changement climatique et s’adapter à ses effets, assurer le bien-être animal et protéger la santé humaine, faire progresser l’autosuffisance intérieure ou atteindre des objectifs d’exportation. Si les Perspectives s’emploient à anticiper les effets de toutes les mesures connues, les résultats effectifs de ces mesures sont incertains et elles sont susceptibles d’être modifiées avant la fin de la période de projection.
Commerce international
La nature et le volume des échanges internationaux de produits agricoles et halieutiques sont influencés par les relations commerciales bilatérales et une multitude d’accords commerciaux régionaux. Les tensions commerciales actuelles entre les États-Unis et la Chine font toujours peser des incertitudes sur les projections des Perspectives. Depuis avril 2018, la Chine applique des droits de douane de rétorsion de 25 % ou plus à la quasi-totalité des produits agricoles en provenance des États-Unis, si bien que les exportations agricoles des États-Unis à destination de la Chine sont passées de 19 milliards USD en 2017 à 9 milliards USD en 2018 et sont restées faibles en 2019 (Congressional Research Service, 2019[27]). Le 15 janvier 2020, les deux pays ont toutefois signé l’accord commercial de « phase 1 », dans lequel la Chine s’engage à acheter davantage de produits agricoles auprès des États-Unis. L’accord fixe notamment pour objectif un accroissement des importations chinoises de produits agricoles provenant des États-Unis de 12.5 milliards USD en 2020 et de 19.5 milliards USD en 2021 par rapport aux valeurs de 2017 (Lighthizer and Mnuchin, 2020[28]). En revanche, l’accord ne traite pas du niveau des droits de douane ni ne précise la date de fin de ceux appliqués par la Chine. L’hypothèse retenue dans les Perspectives est donc que le niveau des droits de douane entre les États-Unis et la Chine restera inchangé au cours de la période de projection, mais que d’autres mesures, de nature non tarifaire, seront prises pour renforcer les échanges entre les deux pays. En particulier, on suppose que le taux d’utilisation des contingents tarifaires chinois de maïs, de riz et de blé remontera après une courte période de transition. La mise en œuvre de l’accord commercial de « phase 1 » et tout autre règlement négocié de ce différend auront sans doute un impact significatif sur les marchés mondiaux des produits agricoles, réorientant les flux d’échanges agricoles et modifiant les prix mondiaux et les parts de marché des autres pays. C’est particulièrement probable en ce qui concerne le soja, étant donné l’importance de la Chine et des États-Unis sur le marché mondial de ce produit.
Le 1er février 2020, le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union européenne dans le cadre du processus communément appelé « Brexit ». Au moment de l’élaboration des Perspectives agricoles, l’Union européenne et le Royaume-Uni venaient à peine d’entamer les négociations sur les règles commerciales qui s’appliqueront après la période de transition (droits de douane, normes, contingents).3 Par conséquent, les Perspectives traitent le Royaume-Uni séparément du reste de l’Union européenne, mais font l’hypothèse de relations commerciales non perturbées. Le Brexit pourrait néanmoins avoir des conséquences de grande ampleur, car le Royaume-Uni entretient d’intenses relations commerciales avec l’Union européenne : en 2018, plus de 70 % de ses importations agricoles venaient de l’Union européenne et 62 % de ses exportations agricoles lui étaient destinées. Importateur net de produits agricoles, le Royaume-Uni a enregistré en 2018 un déficit commercial de 27 milliards USD avec le reste de l’Union européenne. Les échanges entre États membres de l’Union européenne sont exempts de droits de douane, mais le Brexit pourrait engendrer d’importants obstacles aux échanges qui se répercuteraient sur les prix agricoles et sur la production au Royaume-Uni et dans l’Union européenne. En outre, le secteur agricole britannique reçoit en moyenne 60 % de ses revenus sous forme de subventions au titre de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne. Bien que le gouvernement du Royaume-Uni se soit engagé à maintenir ces subventions en 2020, le recentrage envisagé du soutien pourrait peser sur la production et les prix intérieurs. Le Brexit pourrait avoir des répercussions sur les marchés mondiaux du fromage, du beurre et de la viande porcine et ovine, produits dont le Royaume-Uni est un large importateur net. Sur les autres marchés, le principal effet pourrait être une réorientation des flux d’échanges vers d’autres partenaires commerciaux, ce qui aurait un impact moindre sur les volumes totaux.
L’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC) est officiellement entré en vigueur en mai 2019 et a déjà été ratifié par 29 pays. Il réunira 55 pays africains dans un marché unique comptant plus de 1.3 milliard d’habitants et affichant un PIB cumulé de 2 260 milliards USD. Les échanges seront régis par les dispositions de l’Accord à partir de juillet 2020, et 90 % des produits échangés dans la région seront alors exonérés de droits de douane, proportion qui atteindra 97 % d’ici à la fin de la décennie. La suppression des droits de douane sur les produits agricoles ouvre d’importantes perspectives d’expansion du commerce à l’intérieur de l’Afrique et d’amélioration de l’efficience des marchés. Il existe cependant des obstacles non tarifaires aux échanges, parmi lesquels la mauvaise qualité des infrastructures de transport, qui risquent de compliquer la concrétisation de cette zone de libre-échange et de limiter l’intégration des marchés. Parmi les défis logistiques que doit relever l’Afrique, il y a aussi les procédures douanières longues et tatillonnes, la corruption aux frontières et les problèmes de sécurité, qui constituent un frein supplémentaire au transport de marchandises entre les pays (Berahab and Dadush, 2018[29]).
Le 28 juin 2019, l’Union européenne et les États du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) ont annoncé l’aboutissement des négociations sur un accord commercial UE-Mercosur, même si la mise en œuvre complète de celui-ci pourrait prendre jusqu’à trois ans. L’Union européenne a déjà signé toute une série d’accords régissant ses relations commerciales avec la plupart des groupes infrarégionaux et pays des Amériques, mais celui conclu avec le Mercosur est susceptible de devenir son plus important accord commercial et de porter sur des volumes d’échanges plusieurs fois supérieurs à ceux visés par l’accord entre l’Union européenne et le Canada (CETA). Il entraînera une libéralisation significative de l’accès aux marchés des produits agricoles. Ainsi, le Mercosur éliminera progressivement ses droits de douane sur 93 % des lignes tarifaires au cours des dix prochaines années, durée pouvant atteindre 15 ans sur certains produits sensibles. Parallèlement, l’Union européenne libéralisera 82 % de ses importations agricoles. Des contingents tarifaires seront appliqués à certains produits sensibles côté UE, comme le bœuf, la volaille, la viande porcine, le sucre, l’éthanol, le riz, le miel et le maïs doux. En outre, des contingents tarifaires réciproques seront ouverts pour les importations de fromage, de laits en poudre et de laits infantiles. Les pays du Mercosur devraient bénéficier de la baisse des droits de douane de l’UE, qui leur permettra d’exporter davantage de produits à base de viande, de fruits, de jus d’orange, de sucre et d’éthanol. Quant à l’Union européenne, elle pourrait profiter de l’accord pour accroître ses exportations de produits laitiers, de viande porcine, de vins et de spiritueux. En revanche, pour certains produits sensibles comme le bœuf, le riz, la volaille et le sucre, les producteurs du Mercosur pourraient être à l’origine d’une concurrence accrue et des pressions à la baisse pourraient s’exercer sur les prix. La France, l’Irlande et la Belgique sont susceptibles d’être les pays les plus exposés à l’intensification de la concurrence, en particulier sur le marché du bœuf.
Encadré 1.4. Hypothèses concernant la situation macroéconomique et les politiques publiques
Principales hypothèses sur lesquelles repose le scénario de référence
Cette édition des Perspectives présente un scénario jugé plausible compte tenu des hypothèses retenues concernant l’environnement macroéconomique, les politiques publiques et les tendances démographiques. Ces hypothèses sous-tendent les projections d’évolution de la demande et de l’offre de produits de l’agriculture, de la pêche et l’aquaculture. Cet encadré expose les principales hypothèses, tandis que l’annexe statistique contient des données détaillées.
Croissance démographique
Pour les projections démographiques, les Perspectives utilisent les estimations de la variante moyenne tirées de la base de données des perspectives de la population mondiale des Nations Unies, révision de 2019 (United Nations World Population Prospects 2017).
La population mondiale augmentera au cours de la période de projection, passant de 7.6 milliards de personnes en moyenne au cours des années de 2017 à 2019 à 8.4 milliards de personnes en 2029. Cela correspond à une croissance annuelle de 0.9 %, c’est-à-dire moins rapide que durant la décennie précédente (1.2 % par an). L’accroissement démographique est concentré dans les régions en développement, en particulier l’Afrique subsaharienne, qui devrait afficher avec 2.5 % par an la plus forte croissance, et l’Inde, où le taux s’établira à 0.9 % par an. Avec 147 millions d’habitants supplémentaires en 2029, l’Inde devrait d’ailleurs passer devant la Chine pour devenir le pays le plus peuplé de la planète.
Croissance du revenu par habitant
Les estimations de la croissance du revenu par habitant sont tirées des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 (novembre 2019) et des Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2019) du FMI. Elles sont exprimées en termes de parité de pouvoir d’achat, en USD constants de 2011.
L’un des principaux déterminants de la demande alimentaire est le revenu disponible des ménages, que l’on mesure ici par approximation en se fondant sur la croissance du PIB par habitant. Cependant, comme le montre le Rapport 2018 sur la pauvreté et la prospérité partagée publié par la Banque mondiale, l’effet de la croissance économique, y compris sur la consommation alimentaire moyenne, peut être inégalement réparti. Il apparaît en particulier que dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les revenus des 40 % les plus pauvres n’ont pas crû aussi vite que le revenu moyen. C’est la raison pour laquelle les projections de la demande en Afrique subsaharienne établies pour les présentes Perspectives s’écartent parfois de la trajectoire attendue sur la base de la croissance moyenne.
Au niveau mondial, le revenu par habitant devrait augmenter de 2.8 % par an en termes réels sur la période de projection. En Inde, on prévoit qu’il sera quasiment multiplié par deux grâce à une croissance économique vigoureuse (6.3 % par an). En Chine, le revenu par habitant devrait croître de 78 % au cours de la prochaine décennie (5.3 % par an), malgré le ralentissement attendu de la croissance économique. Pour d’autres pays en développement d’Asie, les projections à moyen terme tablent sur la poursuite d’une croissance rapide. La hausse annuelle du revenu par habitant devrait se situer entre 4 % et 6 % au Viet Nam, en Indonésie et aux Philippines, et autour de 3.6 % en Thaïlande et en Malaisie.
Dans les pays les moins avancés d’Asie, cette hausse devrait atteindre 5.8 % en moyenne durant les dix prochaines années – seule l’Inde affichera un taux supérieur. Avec 3.2 % par an, la progression sera un peu plus lente au Pakistan. Quant aux pays d’Asie centrale, ils devraient voir le revenu par habitant augmenter d’environ 4.6 % par an en moyenne. En Afrique subsaharienne, on prévoit une hausse du revenu par habitant de 17.5 % sur la période de projection, en raison surtout de la forte croissance économique attendue en Éthiopie (6.6 % par an). En Amérique latine et dans les Caraïbes, cette hausse sera très variable selon les pays au cours des dix prochaines années. Elle sera relativement lente au Brésil et au Mexique (inférieure à 2 % par an), mais atteindra 2.8 % annuellement dans des pays comme le Pérou et le Paraguay, et 3.1 % par an en Colombie. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le taux de croissance global pâtira de la baisse attendue du revenu par habitant en Syrie et en Libye au cours des dix prochaines années. Dans cette région, c’est l’Égypte qui enregistrera avec 4.4 % par an la plus forte hausse du revenu par habitant.
Dans les pays de l’OCDE, le revenu par habitant devrait croître d’environ 1.7 % par an dans les dix années à venir. Aux deux extrémités de l’échelle, la progression sera de 2.9 % par an en Turquie et en Corée, et de seulement 0.9 % par an au Canada.
Croissance mondiale
Les hypothèses de croissance du PIB sont fondées sur les Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 (novembre 2019) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre2019) du FMI.
L’économie mondiale connaîtra un taux de croissance moyen de 3.4 % au cours des dix prochaines années. Le Graphique 1.38 montre les taux de croissance du PIB dans les principales régions, dont celles ayant fait l’objet des synthèses régionales dans les Perspectives de cette année, et dans certains pays. Au niveau mondial, c’est l’Inde qui affichera avec 7.4 % par an la plus forte croissance. En Amérique latine, ce sera le Paraguay avec 4.0 % par an. Parmi les pays d’Asie du Sud-Est, le Viet Nam et les Philippines enregistreront la croissance annuelle la plus élevée (6.5 %). En Afrique subsaharienne, la croissance du PIB culminera à 6.6 % par an en Éthiopie. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, c’est l’Égypte qui devrait enregistrer avec 6 % la plus forte croissance annuelle, devant le Yémen, le Maroc et la Tunisie (autour de 4.2-4.9 %), tandis que les autres pays afficheront des taux plus modestes (de 2 à 3 % environ).
Le Graphique 1.38 décompose les hypothèses de croissance du PIB en distinguant croissance du PIB par habitant et croissance de la population. On peut y voir que la croissance économique sera principalement déterminée par celle du revenu par habitant, particulièrement dans les pays de l’OCDE, en Europe et en Asie centrale ainsi qu’en Chine. En Afrique subsaharienne, en revanche, la forte croissance démographique signifie que le taux de croissance économique relativement élevé (4.5 % par an) ne correspond qu’à une modeste hausse du revenu par habitant (environ 1.7 % par an).
Taux de change et inflation
Les hypothèses de taux de change sont fondées sur les Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 (novembre 2019) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2019) du FMI. Sur la période 2020-29, on suppose que les taux de change réels seront globalement stables, de sorte que les taux nominaux par rapport au dollar des États-Unis évolueront surtout en fonction du différentiel d’inflation par rapport aux États-Unis. Certaines monnaies devraient s’apprécier en valeur réelle vis-à-vis du dollar des États-Unis; c’est le cas notamment de celle de l’Argentine, mais aussi, dans une moindre mesure, de celles de la Turquie, du Japon, du Mexique, de la Nouvelle-Zélande, de la Fédération de Russie, du Paraguay et de l’Uruguay. En revanche, on prévoit une dépréciation de la monnaie en valeur réelle pour la Norvège, l’Australie, la Corée, l’Union européenne, le Brésil et la Chine. Parmi les pays non membres de l’OCDE, ce sont l’Éthiopie, l’Ukraine et l’Afrique du Sud qui devraient connaître la plus forte dépréciation réelle de leur monnaie.
Les projections d’inflation reposent sur le déflateur des dépenses de consommation privée tiré des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 (novembre 2019) et sur les Perspectives de l’économie mondiale (octobre 2019) du FMI. Au cours des dix prochaines années, l’inflation devrait s’élever à 2 % par an aux États-Unis et à 1.7 % par an dans la zone euro. Dans les autres pays de l’OCDE, on prévoit un taux d’inflation moyen de 3 % par an. Parmi les principales économies émergentes, la Chine devrait connaître une inflation stable d’environ 3 % par an, tandis que le Brésil devrait voir la sienne retomber à 3.5 % par an contre 6.8 % au cours des dix années précédentes. De même, en Inde, la hausse des prix à la consommation accusera un ralentissement qui fera passer son taux annuel de 5.9 % à 4 % par an au cours des dix prochaines années. En Argentine, le taux d’inflation restera très élevé, mais devrait malgré tout redescendre à 18.8 % par an, contre 28.1 % par an au cours des dix années précédentes.
Il est prévu que l’euro s’apprécie par rapport au dollar des États-Unis en termes nominaux. On anticipe aussi une appréciation nominale des monnaies japonaise, canadienne, coréenne et néo-zélandaise. À l’inverse, c’est une forte dépréciation que devraient connaître les monnaies argentine, turque et nigériane et, dans une moindre mesure, celles de l’Éthiopie, de l’Égypte, de l’Afrique du Sud, du Brésil, de l’Inde et de la Fédération de Russie.
Coûts des intrants
Les projections des Perspectives reposent sur des hypothèses concernant les coûts de production, c’est-à-dire les coûts des semences, de l’énergie, des engrais ainsi que de divers autres intrants faisant ou non l’objet d’échanges internationaux. Elles sont déterminées par l’évolution d’un indice composite basé sur le coût de ces intrants et construit en utilisant leur part respective des coûts totaux pour chaque pays et chaque produit (maintenue constante pendant toute la durée de la période de projection). Les prix de l’énergie sont représentés par le cours international du pétrole brut exprimé en monnaie nationale. L’évolution des coûts des intrants échangeables comme les machines et les produits chimiques est estimée à partir des variations du taux de change réel, et celle des coûts des intrants non échangeables (principalement les coûts de main-d’œuvre), à partir des variations du déflateur du PIB. Pour les semences et les engrais, on procède de façon itérative, car les coûts de ces intrants dépendent en partie des prix des produits cultivés et, dans le cas des engrais, des prix du pétrole brut.
Les données concernant les cours mondiaux du pétrole en 2018 correspondent au prix du pétrole brut Brent et sont tirées de la version actualisée des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 106 (novembre 2019). Pour 2019, on a utilisé la moyenne annuelle des prix mensuels au comptant et, pour 2020, la moyenne des prix au jour le jour en décembre 2019. Pour le reste de la période de projection, on suppose que les prix du pétrole resteront inchangés en termes réels, ce qui implique une hausse en termes nominaux, avec un baril passant de 65 USD fin 2019 à 78 USD en 2029.
Politiques publiques
Les politiques publiques et leurs réformes ont des conséquences importantes sur les marchés des produits agricoles, des biocarburants et de la pêche, souvent même sur le plan structurel. Les hypothèses retenues dans la présente édition des Perspectives tablent sur le maintien des politiques actuellement en vigueur pendant toute la période de projection.
Le Royaume-Uni est officiellement sorti de l’Union européenne le 1er février 2020. Il est examiné séparément du reste de l’Union européenne dans le présent rapport, mais les projections reposent sur l’hypothèse de relations commerciales non perturbées entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Par ailleurs, l’hypothèse retenue dans les Perspectives est que le niveau des droits de douane entre les États-Unis et la Chine restera inchangé, mais que d’autres mesures, de nature non tarifaire, seront prises pour renforcer les échanges entre les deux pays. En particulier, on suppose que le taux d’utilisation des contingents tarifaires chinois de maïs, de riz et de blé remontera après une courte période de transition.
L’Accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC) est officiellement entré en vigueur en mai 2019. Il réunira 55 territoires au sein d’un marché unique comptant plus de 1.3 milliard d’habitants et affichant un PIB cumulé de 2 260 milliards USD. Les échanges seront régis par les dispositions de l’Accord à partir de juillet 2020, et 90 % des produits échangés dans la région seront alors exonérés de droits de douane, proportion qui atteindra 97 % d’ici à la fin de la décennie.
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Notes
← 1. Dans le graphique 1.5, l’alimentation animale est calculée sur la base de la « ration d'entretien », c’est‑à‑dire de la quantité d’aliment dont un animal a besoin pour maintenir son métabolisme sans prendre ni perdre de poids, sans produire de lait ou sans pondre d’œufs. Environ 25 % des apports d'énergie sont récupérés sous forme de produits animaux et comptabilisés au titre des aliments destinés à la consommation humaine. De même, la part des biocarburants rend compte de l’énergie contenue dans l’éthanol et le biodiesel, alors que les drêches de distillerie séchées sont comptabilisées dans les aliments pour animaux.
← 2. Une analyse de la situation actuelle et des perspectives de la production, la consommation et les échanges de bananes et de fruits tropicaux dans le monde est présentée dans le chapitre 11 sur les « autres produits ».
← 3. L’accord de retrait prévoit une période de transition du 1er février 2020 au 31 décembre 2020, durant laquelle le Royaume-Uni continuera à avoir accès au marché intérieur et à l’Union douanière. Cette période de transition pourra être prorogée d’un ou deux ans. Si les négociations n’aboutissent pas d’ici à la fin de la période de transition et qu’aucun accord n’est conclu sur les relations commerciales futures, ce sont les règles de l’OMC qui s’appliqueront.