La mise en place et le maintien de systèmes réglementaires conformes aux principes ci-dessus posent certaines difficultés sur le plan administratif et politique. On arrivera mieux à les surmonter si les gouvernements, et en particulier les dirigeants politiques, s’engagent à élaborer des politiques fondées sur des observations factuelles.
Les initiatives visant à réduire la bureaucratie et à améliorer la qualité de la réglementation sont souvent introduites avec de bonnes intentions, mais avec le temps, l’engagement en faveur des bonnes pratiques peut s’essouffler. Les disciplines réglementaires, même auto-imposées, sont également mises à rude épreuve par certains « événements » (comme ceux qui se sont produits pendant la crise financière).
Le pouvoir d’influence des dirigeants est essentiel, non seulement pour mettre en place les systèmes permettant de garantir la qualité de la réglementation, mais aussi pour que ces systèmes puissent fonctionner de façon efficace au fil du temps (OCDE, 2012[1]). Ces dispositions visent à limiter la liberté d’action réglementaire dans le but d’obtenir de meilleurs résultats dans l’ensemble. Il est naturel qu’il y ait une certaine résistance à cela, que ce soit au niveau politique ou administratif. Les dirigeants doivent être suffisamment influents pour surmonter ces résistances, mais aussi pour remporter l’acceptation et le soutien du plus grand nombre.
Il est essentiel de bénéficier du soutien des dirigeants politiques pour mettre en place des systèmes de révision ex post de la réglementation et en assurer l’efficacité continue.
De fait, les examens ex post éclairent les décisions d’un gouvernement en matière de réglementation, plutôt que de les supplanter ou de les devancer. Même si, comme nous l’avons indiqué, ces systèmes limitent nécessairement la liberté d’action au départ, les conclusions et les recommandations des examens doivent au bout du compte être approuvées au niveau politique.
La plupart des réglementations comportent un élément d’expérimentation. Et, comme nous l’avons indiqué, beaucoup se heurtent à une certaine opposition. Les examens de la réglementation, s’ils sont bien réalisés, aident les gouvernements à déterminer, d’une part, si les initiatives réglementaires ont donné les résultats escomptés et, d’autre part, dans quels domaines les changements s’imposent, ce qui peut contribuer à améliorer la politique. D’un côté, comme nous l’avons déjà expliqué, éviter les conséquences politiques imprévues revient bien évidemment à éviter les problèmes politiques qui peuvent en résulter et qui peuvent être considérables.
Mais il existe d’autres façons d’améliorer l’environnement politique. Le fait que le gouvernement puisse assurer de façon crédible que les règlements proposés seront examinés après leur mise en œuvre peut atténuer la résistance qu’ils génèrent. En outre, si les examens sont menés dans le cadre de processus qui impliquent une participation importante du public, les parties prenantes pourront mieux se les approprier et donc accepter les changements réglementaires qui peuvent en découler.
Il existe un test décisif pour tout système de règles : la façon dont il répond aux cas de « force majeure ». Il est inévitable que, dans certaines situations, des demandes d’exemption aux exigences réglementaires relatives aux meilleures pratiques soient présentées. Il est bien de pouvoir disposer d’une structure de surveillance de haut niveau pour examiner ces demandes et garantir la réalisation d’examens à un stade ultérieur.
Les gouvernements ne pouvant pas soumettre les actions de leurs successeurs à des obligations, un soutien bipartite à la politique réglementaire est hautement souhaitable si l’on veut maintenir les bonnes pratiques. Les dirigeants politiques des différents partis doivent donc accepter d’un commun accord que, si leurs idées politiques seront toujours contestées, les éléments fondamentaux d’un bon processus réglementaire ne le seront pas. La continuité observée dans de nombreux pays à la suite d’un changement de gouvernement atteste cet engagement. Il incombe aux chefs de gouvernement d’obtenir cet accord, ce qui nécessite généralement une consultation (voire une collaboration).
Les hauts fonctionnaires de l’administration doivent promouvoir une culture de l’évaluation dans leurs organisations et veiller à ce que les bonnes pratiques soient effectivement appliquées « sur le terrain ».
Bien qu’une administration doive prendre l’initiative au sein du gouvernement en place, le niveau de maintien et de respect des systèmes de qualité réglementaire dans la pratique dépend avant tout des aptitudes des dirigeants.
C’est une chose de s’accorder sur certains principes de bonnes pratiques, c’en est une autre de s’assurer qu’ils sont mis en œuvre comme prévu. De même que les évaluations ex ante sont souvent jugées déficientes ou ne font souvent qu’étayer des décisions déjà prises, les examens ex post sont parfois mal conduits ou, pire encore, structurés de manière à soutenir une position prédéfinie. En outre, il existe le risque permanent de voir s’imposer au fil du temps une approche qui privilégie la forme sur le fond et se contente d’une simple croix dans une case pour confirmer le bon respect d’une réglementation.
Des problèmes de ce type ont été détectés à divers moments dans la plupart des juridictions. Pour les éviter, il faut que les dirigeants du secteur public s’engagent à maintenir un processus de qualité. L’approche accordant aux dirigeants la responsabilité de « donner le ton » est considérée comme ayant une influence cruciale sur la culture au sein d’une organisation, et donc sur le comportement.
Il doit être clair que les pratiques visant à promouvoir la qualité de la réglementation, notamment les examens ex post, font partie intégrante des fonctions politiques d’un ministère. Le personnel doit considérer ces exigences comme faisant partie intégrante de son travail et non comme une obligation. Pour ce faire, il est important que les hauts fonctionnaires soutiennent activement la formation du personnel et le recrutement de personnes dûment qualifiées. La création d’unités d’évaluation spécialisées au sein d’un département ou d’un ministère peut fournir d’autres observations factuelles tangibles. Ces unités doivent toutefois être considérées comme des éléments internes de l’organisation, mis en place pour atteindre les objectifs fixés, et non comme des composantes externes du processus de conformité.
Les hauts fonctionnaires ont la fonction primordiale de conseiller les ministres sur toute une série de questions politiques et administratives. Ils doivent notamment fournir des conseils sur les exigences procédurales pour l’élaboration et la révision des règlements. Cela est particulièrement important lorsqu’un ministre vient d’être nommé, surtout s’il fait partie d’un nouveau gouvernement qui n’a pas d’expérience récente. Et si des situations se présentent où l’on souhaite contourner les règles, il peut incomber aux hauts fonctionnaires de « dire la vérité au pouvoir ».
Ces responsabilités sont plutôt considérées comme faisant partie de fonctions plus larges d’« intendance » bureaucratique des systèmes et procédures administratifs. Elles ne doivent pas être circonscrites à des administrations publiques particulières. La mémoire institutionnelle nécessaire pour assurer le bon fonctionnement et la continuité du système réside principalement dans la bureaucratie, et ses dirigeants sont bien placés pour expliquer aux ministres les exigences en matière de meilleures pratiques, tout en tenant compte du programme politique du gouvernement.