Depuis plusieurs années déjà, les économistes, les responsables publics et les membres de la société civile sont de plus en plus nombreux à souligner les limites de l’utilisation du seul PIB comme indicateur premier des progrès économiques d’un pays. L’attention s’est donc portée progressivement sur le concept de bien-être et sa mesure optimale, ainsi que sur les moyens de l’utiliser de manière appropriée dans le processus de budgétisation et les autres domaines de l’action publique. Depuis fort longtemps, le Canada s’emploie à mesurer le bien-être subjectif et, avant la crise de la COVID-19, il obtenait des résultats satisfaisants dans bon nombre de ses déterminants, mais le pays n’a pas encore adopté de cadre officiel à l’échelle de l’ensemble de l’administration. Le présent chapitre est consacré à cette question, notamment à l’examen de certaines des principales composantes du bien-être, notamment : les inégalités et la pauvreté, sécurité alimentaire comprise ; l’accessibilité financière du logement et l’itinérance ; la santé physique et mentale et les soins de longue durée, et plus particulièrement la couverture des produits pharmaceutiques par l’assurance publique (« Pharmacare ») ; et les conditions environnementales. Il comprend une partie spécifiquement consacrée aux problèmes auxquels sont confrontés les peuples autochtones et les personnes appartenant aux communautés racialisées.
Études économiques de l'OCDE : Canada 2021
2. Améliorer le bien-être des Canadiens
Abstract
Le concept de bien-être revêt un intérêt croissant, car l’opinion publique est de plus en plus consciente des limites de la méthode consistant à retenir le PIB comme seul baromètre du progrès. L’actuel gouvernement fédéral a nommé une ministre de la Prospérité de la classe moyenne et ministre associée des Finances qui a pour mandat de mieux intégrer les mesures de la qualité de vie dans le processus décisionnel et budgétaire du gouvernement (outre l’Analyse comparative entre les sexes plus) en s’inspirant des expériences d’autres pays. Des travaux sont en cours à cet égard. Dans la littérature consacrée au bien-être, ces évaluations de la qualité de vie peuvent être établies à partir d’un tableau de bord d’indicateurs ou être une mesure unique du bien-être subjectif ou de ses variantes comme la satisfaction à l’égard de la vie et le bonheur. Dans le présent chapitre, on s’intéressera tout d’abord au concept de bien-être, à ses actuels indicateurs et déterminants, puis on examinera son utilisation potentielle dans le processus de l’action publique. On analysera ensuite, par le prisme du bien-être, plusieurs questions cruciales dans le contexte actuel de l’action publique canadienne, que la pandémie de COVID-19 n’a fait qu’accentuer. Ces questions sont les suivantes : les inégalités et la pauvreté, notamment la sécurité alimentaire ; l’accessibilité financière du logement et le sans-abrisme ; la santé physique et mentale et les soins de longue durée, et plus particulièrement la couverture des produits pharmaceutiques par l’assurance et les conditions environnementales. Enfin, une partie de ce chapitre est consacrée spécifiquement aux peuples autochtones et aux communautés racialisées (terme généralement admis pour désigner les minorités visibles au Canada). Les pensions ne sont pas prises en compte ici, car le système est jugé fonctionner de manière satisfaisante.
Statistique Canada a une expérience relativement longue de la collecte de données nationales sur le bien-être subjectif, mais contrairement à l’Australie, à l’Allemagne et au Royaume-Uni, il lui manque un vaste ensemble de données de panel temporelles. L’organisme rassemble également des données pertinentes sur le bien-être, sous la forme de tableaux de bord par province et territoire, mais à une fréquence peu élevée et avec de longs délais, comme dans les autres pays. Des données sur le bien-être subjectif sont également fournies par l’Indice canadien du mieux-être de l’Université de Waterloo et par Gallup Organization. Des informations sur le Canada peuvent également être trouvées dans les tableaux de bord utilisés pour établir le rapport de l’OCDE, Comment va la vie ?, ainsi que dans l’Indicateur du vivre mieux qui lui est associé, mais aussi dans l’indice publié par l’organisme Social Progress Imperative, l’Indice de développement humain des Nations unies et les Objectifs de développement durable.
Le Canada était relativement bien classé dans tous ces indicateurs la dernière fois qu’ils ont été publiés, c’est-à-dire avant la pandémie de COVID-19 (Tableau 2.1). Toutefois, la dégradation de l’équilibre entre la vie professionnelle et le temps consacré aux loisirs ainsi que certains résultats environnementaux pèsent sur ses classements. Le rapport de l’OCDE Comment va la vie ? (Graphique 2.1) met en évidence des scores de bien-être élevés pour de nombreux indicateurs, mais révèle quelques faiblesses dans le bien-être actuel, les ressources nécessaires au bien-être futur et des résultats toujours inférieurs en ce qui concerne les Premières Nations ainsi qu’une dégradation tendancielle constante en ce qui concerne la dette des ménages et de l’accessibilité financière du logement (en partie due à la Grande récession), les espèces menacées, les compétences des élèves en sciences et les interactions sociales globales. En outre, dans leurs réponses aux enquêtes, les Canadiens déclarent de moins en moins souvent appartenir à la classe moyenne et plus souvent à la classe ouvrière ou à la catégorie des pauvres et craignent que leurs enfants soient plus pauvres qu’eux. Enfin, les faits donnent à penser que la pandémie de COVID-19 exacerbe un certain nombre de problèmes de bien-être qui existaient déjà. Ainsi, selon des données récentes, les vies des communautés racisées au Canada ont été davantage touchées que celles de la population majoritairement blanche (voir ci-après), les taux de mortalité attribuables à la COVID-19 étaient deux fois plus élevés dans les quartiers où vit un plus grand nombre de Canadiens appartenant aux communautés racisées (Subedi et al., 2020) et la reprise de l’emploi, après l’effondrement du printemps, a été moins importante chez les peuples autochtones que les chez les non-autochtones (Bleakney et al., 2020). Ces résultats sont corrélés aux déterminants sociaux de la santé, qui définissent les conditions dans lesquels les Canadiens vivent, travaillent et vieillissent.
Tableau 2.1. Résultats du Canada dans certains classements nationaux sur le bien-être
Nom du classement et édition |
Rang global |
Nombre de dimensions/d’indicateurs |
Points faibles |
Rang |
---|---|---|---|---|
Indice de progrès social 2020 |
9/1631 |
12/50 |
Émissions de gaz à effet de serre par habitant |
1801 |
Abonnements de téléphonie mobile |
136 |
|||
Protection du biome |
110 |
|||
Homicides |
62 |
|||
Indice de développement humain 2019 |
13/189 |
4 |
Nombre d’années de scolarisation escomptées |
32 |
Rapport mondial sur le bonheur 2020 |
11/153 |
6 |
Émotions négatives (détresse émotionnelle) |
54 |
Indice de performance environnementale 2020 |
20/180 |
11/32 |
Gaz à effet de serre par habitant |
168 |
Services écosystémiques |
110 |
|||
Habitat des espèces |
101 |
|||
Taux de croissance des émissions de protoxyde d’azote |
92 |
|||
Zones protégées |
91 |
|||
Pêche |
89 |
|||
OCDE, Comment va la vie ? 20202 |
NA/37 |
11+4/84 |
Gaz à effet de serre par habitant |
36 |
Écart de salaire entre hommes et femmes |
32 |
|||
Empreinte matérielle par habitant |
29 |
|||
Accessibilité financière du logement |
26 |
|||
Écart entre hommes et femmes en termes de sentiment de sécurité |
21 |
|||
Temps de loisirs |
18 |
|||
Tendance sur la Liste rouge des espèces menacées |
13 |
1. Des données étaient disponibles pour calculer l'indice global de 163 pays, mais il y en avait davantage pour les indicateurs individuels.
2. Aucun rang global n’est attribué à la mesure de l’OCDE, car toute pondération des indicateurs individuels serait arbitraire.
Source : OCDE
Comment mesurons-nous le bien-être et que savons-nous à son sujet ?
Le concept de bien-être
Le bien-être était déjà présent dans la pensée philosophique d’Aristote, Bentham et Mill. Les économistes d’aujourd’hui s’y intéressent davantage devant le constat que les pays qui développent deviennent toujours plus riches, alors que leurs citoyens ne sont pas plus heureux - ce qu’on appelle le paradoxe d’Easterlin (1974). Les chercheurs ont donc porté leurs efforts sur les facteurs autres que le revenu qui favorisent le bien-être individuel. Il est désormais largement admis que le bien-être peut être évalué à l’aide d’un tableau de bord d’indicateurs objectifs ou de mesures subjectives tirées de données d’enquêtes utilisant différents types de questions (voir ci-après), mais le plus souvent l’échelle de Cantril et ses réponses classées de 0 à 10.
Les facteurs connus du bien-être subjectif au niveau individuel
Aucune étude approfondie n’a été menée sur les facteurs du bien-être subjectif individuel à partir des données canadiennes, alors même que certains chercheurs canadiens sont à l’avant-garde de la recherche dans le domaine du bien-être. Au Royaume-Uni (où la situation pourrait être relativement similaire), des travaux récents mettent cependant en évidence les facteurs suivants en précisant leur part dans la variance de la satisfaction à l’égard de l’existence : santé mentale 46 %, santé physique 15 %, vie en couple 15 % (mais une causalité inverse intervient très vraisemblablement, car plus les gens sont heureux, plus ils vivent en couple), logarithme du revenu 10 %, fait de ne pas être au chômage 8 %, absence de criminalité 5 % et niveau d’éducation 1 % (Frijters et al., 2020), même si d’autres facteurs ont sans nul doute une incidence notable sur l’éducation, notamment le revenu. Si elle est prise en compte, la satisfaction à l’égard de l’emploi représente environ 25 % de la variance décrite, au détriment principalement de la santé mentale (Allas et al., 2020). D’autres études ont démontré l’importance des relations sociales et du capital social (notamment la confiance envers autrui ; voir ci-après), l’incidence de l’âge selon une courbe en U, les effets de l’origine ethnique/la discrimination ainsi que le rôle joué par l’accession à la propriété, le handicap et l’immigration.
Des études ont également été menées sur le bien-être dans différents groupes démographiques comme les enfants. L’OCDE tient à jour un Portail de données sur le bien-être des enfants, mais la Fiche pays du Canada (OCDE, 2017) n’a pas été actualisée depuis 2017. L’Agence de la santé publique du Canada s’emploie actuellement à élaborer un Cadre d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positive. Les informations actuellement disponibles brossent un tableau quelque peu préoccupant du bien-être des enfants au Canada, en particulier des enfants autochtones, qui sont en plus mauvaise santé (Greenwood et de Leeuw, 2012), dont le taux de pauvreté est plus de cinq fois supérieur à celui des enfants non autochtones (selon l'Enquête nationale auprès des ménages - ENM - de 2011), dont le taux de mortalité infantile est deux fois plus élevé (UNICEF, 2019) et qui connaissent divers autres désavantages, comme des pensées suicidaires et des passages à l'acte, et des taux de placement en foyers beaucoup plus élevés.
UNICEF Canada a associé ses efforts à ceux des équipes chargées de produire l’Indice canadien du mieux-être afin d'élaborer 125 indicateurs du bien-être infantile canadien dans neuf dimensions. Ils examinent également 38 indicateurs relatifs aux Objectifs de développement durable qui concernent les enfants et les jeunes et mesurent la distance à parcourir pour atteindre les cibles des ODD. Au Canada, l’écart médian se situe autour de 15 %, les retards les plus marqués (plus de 50 %) concernant l’allaitement maternel et la discrimination vécue. De manière générale, le rapport Innocenti (2020) de l’UNICEF, qui prend en compte le bien-être mental, la santé physique et les compétences sociales et scolaires des enfants, classe le Canada au 30e rang sur 38 pays, même si, individuellement, les élèves de la sixième à la dixième année ont déclaré une satisfaction à l’égard de l’existence de 7.3 sur 10 en 2019, soit un résultat honorable. En ce qui concerne les inégalités subies par les enfants, le Canada occupe le 17e rang sur 29. Le taux d’homicides et le taux de mortalité (toutes causes confondues) sont relativement élevés (UNICEF, 2019 ; Social Progress Imperative, 2020) tout comme la prévalence des troubles mentaux chez les individus âgés de moins de 20 ans. Le Tableau 2.2 présente certains des indicateurs essentiellement subjectifs les plus préoccupants (qui peuvent ne pas être comparables à l’échelle internationale en raison d’attentes et de points de départ différents). Outre le préjudice immédiat pour le bien-être des enfants, il est préoccupant de constater que le manque de bien-être pendant l’enfance peut se reproduire à l’âge adulte, avec des résultats semblables (Clark et al., 2018).
Tableau 2.2. Principaux indicateurs du bien-être chez les enfants et les jeunes, en points de pourcentage
Pourcentage de jeunes âgés de 11 à 15 ans qui déclarent éprouver une grande satisfaction à l’égard de la vie |
55 |
Pourcentage de jeunes qui se sentent tristes ou désespérés pendant une longue période |
27 |
Pourcentage de filles qui se sentent tristes ou désespérées pendant une longue période |
35 |
Pourcentage de jeunes qui vont parfois à l’école ou au lit en ayant faim |
23 |
Pourcentage de jeunes âgés de 11 à 15 ans qui partent à l’école en se sentant fatigués |
60 |
Pourcentage de jeunes âgés de 11 à 15 ans qui consacrent moins de 1.5 heure par jour au jeu |
79 |
Pourcentage de jeunes qui éprouvent un sentiment positif à l’égard de l’école |
47 |
Pourcentage de jeunes qui ont un grand soutien de leurs enseignants |
43 |
Pourcentage de jeunes qui ont été victimes de violence à la maison avant l’âge de 15 ans |
25 |
Pourcentage de jeunes âgés de 11 à 15 ans qui font état de symptômes hebdomadaires de détresse. |
34 |
Pourcentage de jeunes âgés de 12 à 17 ans qui déclarent avoir un trouble de l’humeur ou de l’anxiété |
11 |
Pourcentage de jeunes qui ont été victimes de discrimination ou de traitement injuste chez eux, à l’école ou au sein de la communauté |
35 |
Pourcentage de jeunes de 5 à 17 ans qui sont obèses |
11 |
Source : UNICEF Canada (2019), Quelle est la situation au Canada ? L’Indice canadien du bien-être chez les enfants et les jeunes : Rapport de référence 2019.
Les déterminants du bien-être au niveau national et local
Sur la base des données de Gallup World Poll, les publications consacrées aux déterminants du bien-être subjectif montrent que près des trois-quarts des écarts affichés entre les pays et dans le temps peuvent s’expliquer par le PIB par habitant, l’espérance de vie en bonne santé, le fait d’avoir quelqu’un sur qui compter en cas de problème, la liberté de faire des choix de vie, la générosité et un climat de confiance et de soutien (et son effet indirect, l’absence de corruption des entreprises et du gouvernement) (Helliwell, 2019). Les autres facteurs considérés comme jouant un rôle significatif dans les régressions portant sur plusieurs pays sont : un faible taux de chômage, les facteurs environnementaux (en particulier le climat, l’accès aux espaces verts, une faible exposition à la pollution sonore et atmosphérique - voir ci-après) et les inégalités de revenus (voir ci-après). Les études s’intéressent plus rarement aux facteurs de gouvernance (Helliwell et al., 2018), comme la qualité des services publics fournis, la participation à la vie sociale, l’étendue du filet de protection sociale et la progressivité de l’impôt.
Helliwell et al. (2019) ont étudié le bien-être des jeunes et des adultes au niveau local au Canada. Ils ont constaté que les habitants des zones rurales sont généralement plus heureux, car ils éprouvent un plus grand sentiment d’appartenance à la communauté, les prix des logements sont moins élevés, ils sont installés dans leur logement actuel depuis plus longtemps, ils bénéficient d’une plus grande sécurité, d’inégalités moins marquées et de temps de transport plus courts, des avantages qui sont en partie contrebalancés par des revenus moyens inférieurs. Naturellement, cela n’ôte rien au fait que les habitants des communautés les plus reculées/du Nord sont confrontés à de nombreux problèmes dans le domaine technologique, culturel ou de la santé. Selon cette étude, au Québec, les habitants des quartiers seraient particulièrement heureux, ce qui confirme la tendance à la hausse remarquable observée depuis 1985, comme l’avait souligné en premier Barrington-Leigh (2013).
Le rôle crucial des facteurs sociaux
Helliwell (2019) a mis en évidence le lien étroit entre le bien-être et les facteurs sociaux. Ces facteurs comprennent la générosité, l’altruisme et le bénévolat (qui sont étroitement liés à la bonne santé) ; les relations sociales personnelles et les amis (Helliwell et Huang, 2013), le fait de connaître ses voisins (Happiness Research Institute et Leaps by Bayer, 2020) et la confiance sociale. Ces résultats d’études sous-tendent la recommandation aux pouvoirs publics de prévoir un enseignement des compétences affectives et un coaching relationnel pour les groupes à haut risque, ce qui est le cas, par exemple, du programme britannique « Healthy Minds » (Frijters, 2020). L’Indicateur du vivre mieux de l’OCDE comprend un indicateur sur la qualité du réseau social, pour lequel le Canada obtient un score supérieur à celui de la moyenne de l’OCDE, mais inférieur à celui des pays en tête de peloton. L’OCDE (2020f) a noté une diminution des interactions sociales et du soutien au Canada depuis 2010.
Fait intéressant, contrairement aux autres dimensions du bien-être, la confiance dans les institutions a augmenté dans plusieurs pays au début de la pandémie de COVID-19, et elle a entraîné, en particulier au Canada, une forte hausse de la confiance dans le gouvernement ainsi que dans les autres institutions (Edelman Trust Barometer, 2020). Selon Helliwell et al. (2020a), la confiance est un facteur qui conditionne la manière dont les individus accepteront les restrictions et mesures gouvernementales relatives à la pandémie. Un niveau élevé de confiance sociale est l’une des raisons expliquant les bonnes performances des pays nordiques dans les classements sur le bien-être (Helliwell et al., 2020b, chapitre 7). (De manière regrettable, l’initiative Trustlab de l’OCDE, qui examine les déterminants de la confiance et les niveaux de confiance par institution dans six pays, exclut les données du Canada). Outre ses bénéfices directs, un meilleur environnement social diminue le prix de l’adversité et améliore la résilience (op.cit., chapitre 2). Les autres facteurs sociaux qui ont une influence sur le bien-être comprennent les arts, la culture et les sports (Lemyre et al., 2018).
Il a été démontré que la justice sociale et les facteurs d’intégration ont une incidence sur le bien-être subjectif moyen et sur l’élaboration de politiques optimales. Dans de nombreux contextes, les inégalités du bien-être semblent être plus marquées que celles des revenus, car elles englobent d’autres dimensions préoccupant les individus comme les droits reconnus par la loi, l’éducation, la santé, le logement et les possibilités économiques (Goff et al., 2018). En effet, les inégalités du bien-être subjectif ont une incidence sur le niveau moyen de ce dernier qui suffit à contrebalancer en totalité l’écart de revenu par habitant de 35 %, par exemple entre les États-Unis et la Nouvelle-Zélande, en termes de bien-être. Dans le contexte du Canada, cela souligne l’importance de divers facteurs tels que la gouvernance, l’accès aux programmes sociaux et l’existence d’infrastructures modernes pour déterminer le bien-être subjectif moyen dans les régions défavorisées sur le plan des revenus comme les Provinces maritimes.
Tenir compte du bien-être dans l’élaboration des politiques publiques
En règle générale, les pays de l'OCDE ont adopté des cadres de mesure du bien-être, dont la fonction initiale était de permettre un suivi. Ce n'est que dans un second temps que certains les ont intégrés dans le processus de décision budgétaire, par exemple. Que change l’adoption d’une approche centrée sur le bien-être dans l’élaboration des politiques publiques ? Selon des synthèses par pays publiées par Stiglitz et al. (2018) et Durand et Exton (2019), elle permettrait de :
dresser un panorama plus complet de l’existence des personnes et de souligner la diversité de leurs expériences à partir de données plus précises ;
favoriser une approche interministérielle plus globale et intégrée grâce à un cadre d’organisation plus structuré tenant compte explicitement des arbitrages à opérer ;
mettre en place les incitations nécessaires pour mieux prendre en compte et mesurer le rôle explicite des composantes du bien-être dont on a jusqu’ici minimisé l’importance comme l’équilibre vie professionnelle-vie privée, la qualité du travail et la possibilité de télétravailler, le capital social et la confiance ainsi que les ressources nécessaires au bien-être futur ;
prendre en compte les conséquences en termes de distribution de plusieurs dimensions du bien-être autres que le revenu ; et garantir des analyses plus complètes d'impact de la réglementation et des coûts-avantages de certaines politiques publiques.
Elle pourrait également faciliter la prise en compte des effets externes, qui sont omniprésents dans des domaines comme l’environnement et la santé publique, et soutenir le processus décisionnel gouvernemental, la définition des priorités, le financement, l’élaboration des programmes et des politiques fondés sur des objectifs communs.
L’adoption d’un cadre d’évaluation du bien-être implique d’effectuer un choix entre un tableau de bord d’indicateurs subjectifs et objectifs, avec ou sans pondération pour établir un indice, et une mesure unique efficace du bien-être subjectif (satisfaction actuelle à l’égard de l’existence) (Encadré 2.1). Même si les travaux se poursuivent et qu'aucun cadre unique n'a encore été approuvé par les pays de l'OCDE, près des deux tiers d'entre eux ont déjà adopté des mesures officielles du bien-être, le plus souvent sous la forme de tableaux de bord multidimensionnels, sur le modèle du Cadre de mesure du bien-être de l’OCDE décrit dans l’Encadré 2.2 (OCDE, 2011 ; Exton et Fleischer, 2020) (Tableau 2.3). Seuls trois pays ont regroupé leurs indicateurs en un indice agrégé représentatif et aucun d’entre eux n’a recours exclusivement à un indicateur du bien-être subjectif, même s’ils sont nombreux à intégrer ce type de mesure à leur tableau de bord, y compris l’OCDE. Quatre pays seulement ont suivi le modèle de l’OCDE en distinguant explicitement les indicateurs du bien-être actuel des indicateurs sur les ressources nécessaires au bien-être futur. Le périmètre des tableaux varie fortement d’un pays à l’autre : le nombre de dimensions varie de 3 à 26 tandis que le nombre d’indicateurs est compris entre 8 et 147, ce qui reste inférieur aux 231 Objectifs de développement durable de la version révisée en 2020. Malgré cette diversité, il existe des points communs entre les approches de nombreux pays, tant en ce qui concerne les dimensions que les indicateurs (Exton et Fleischer, 2020). La version du Cadre de l’OCDE révisée en 2020 conserve les 11 dimensions, mais contient désormais 84 indicateurs, et non plus 57 comme auparavant, ce qui reflète les progrès accomplis dans la mesure du bien-être au niveau international et permet de mieux s’aligner sur les composantes du bien-être les plus couramment utilisées dans les approches des pays membres.
Encadré 2.1. Établir un cadre du bien-être - tableaux de bord ou indice du bien-être subjectif
La première option consiste à utiliser une mesure directe du bien-être subjectif (p. ex. la satisfaction à l’égard de la vie). Les principaux partisans de cette approche sont le Global Happiness and Wellbeing Policy Report 2019 (2019), Barrington-Leigh (2020), Birkjaer et al. (2020) ainsi que Richard Layard et John Helliwell (notamment leurs contributions à OCDE [2019a]). Cette solution comporte trois limites et aucun pays ne l’a d’ailleurs adoptée. Premièrement, la variance de ces mesures n’est que partiellement attribuable aux dimensions habituellement prises en compte dans un tableau de bord, et provient majoritairement d’une multitude d’autres facteurs qui ne sont normalement pas considérés comme relevant à proprement parler de la sphère de responsabilité politique, comme la personnalité, la religiosité et la culture. Deuxièmement, la modification des « cadres de référence » influence la manière dont les personnes interrogées répondent aux questions posées ; de même, il est connu que les individus peuvent s’adapter à certains types d’adversité comme aux événements positifs de l’existence (ce qu’on appelle « l’engrenage hédonique » ou l’adaptation hédonique en psychologie). Ces effets conjugués limitent la teneur informative des données d’une enquête (OCDE, 2013, chapitre 4). Enfin, le bien-être subjectif n’est qu’une indication indirecte du bien-être actuel. Il ne suffit donc absolument pas à répondre aux autres arguments clés de la critique « Au-delà du PIB », à savoir les considérations de distribution et de durabilité. Même si les scores de satisfaction à l’égard de la vie des individus reflètent leurs préférences personnelles en matière d’inégalité et l’évaluation précise de leur probable bien-être à venir, la plupart des individus sont mal informés du niveau des inégalités dans leur pays d’origine (Balestra et Cohen, à paraître), ne savent pas anticiper les risques systémiques à venir et ont tendance à accorder la priorité au présent, même si la préférence temporelle varie considérablement en fonction des individus et des cultures (Sircova et al., 2014) (voir ci-après l’analyse du bien-être subjectif par rapport aux Objectifs de développement durable relatifs à l’environnement). S’il est techniquement possible de remédier à ces lacunes en définissant un indice global du bien-être actuel et futur à partir d’une estimation de la valeur monétaire de ces dimensions manquantes, il n’est pas possible de les combler réellement, car un revenu plus élevé ne suffit pas, au-delà d’un certain niveau, à compenser des inégalités accrues ou la non-durabilité (troubles civils extrêmes ou extinction de l’humanité, par exemple).
En conséquence, ces pays ont opté à l’unanimité pour des tableaux de bord qui permettent de contourner ces problèmes. Le principal inconvénient de cette approche est son absence de chiffre unique agrégé qui permettrait de calculer l’impact d’une politique en particulier sur le bien-être global, l'inclusivité et la durabilité et de tenir compte automatiquement des arbitrages à opérer, facilitant par là même le processus décisionnel des responsables politiques ainsi que leur communication auprès du public. La sélection des indicateurs et leur éventuel regroupement en un indice unique soulèvent la question de l’élaboration du processus de sélection et des pondérations appropriées (descendantes ou ascendantes), et il peut se poser un problème de données manquantes (voir, par exemple, Boarini et al., 2016). Pour comprendre pourquoi un changement de l’indice est intervenu, il faut en examiner à chaque fois les composantes sous-jacentes. Les pondérations doivent être expliquées clairement à tous les groupes de la société afin de pouvoir en débattre ouvertement.
La meilleure façon de procéder consiste à adapter le tableau de bord aux circonstances spécifiques et à la période, en reconnaissant qu’il n’existe pas un cadre idéal unique, mais qu'il faut aller de l’avant et placer le bien-être au cœur de l’action publique.
Tableau 2.3. Cadres de mesure du bien-être dans les principaux pays de l’OCDE
Organisme responsable |
Année de lancement |
Consultation publique |
Nombre de dimensi-ons |
Nombre d’indicateurs |
|
---|---|---|---|---|---|
Cadre de mesure du bien-être de l’OCDE |
OCDE |
2020 |
15 |
84 |
|
Mesures des progrès de l’Australie |
Australian Bureau of Statistics |
2002 |
✓ |
26 |
147 |
Protection sociale en Australie |
Australian Institute of Health and Welfare |
2015 |
19 |
61 |
|
How’s Austria? |
Statistics Austria |
2012 |
3 |
81 |
|
Indicateurs complémentaires au PIB de la Belgique |
Institut des comptes nationaux + Bureau fédéral du plan |
2016 |
13 |
67* |
|
Indicateurs de développement durable de la Belgique |
Bureau fédéral du plan |
2019 |
17 |
70 |
|
Finland Findicators |
Statistics Finland |
2009 |
12 |
97 |
|
Le bien-être en Allemagne |
Chancellerie fédérale |
2016 |
✓ |
11 |
48 |
Mesures du bien-être équitable et durable en Italie (série complète) |
Institut national de statistique + Conseil national de l’économie et du travail |
2013 |
✓ |
12 |
130 |
Indicateurs du bien-être, durabilité et résilience nationale d’Israël |
Bureau central de la statistique |
2015 |
✓ |
11 |
88 |
Indicateurs de la qualité de vie de la Corée |
Statistics Korea |
2014 |
11 |
71 |
|
Indicateur du bien-être du Luxembourg |
Statec, Conseil économique et social + Conseil supérieur pour un développement durable |
2017 |
✓ |
11 |
63 |
Indicateurs régionaux du bien-être |
Institut national de statistique, de géographie et d'informatique (Instituto Nacional de Estadistica y Geografia, INEGI) du Mexique |
2014/15 |
✓ |
9 |
19 |
Indicateurs du bien-être |
Institut national de statistique, de géographie et d'informatique (Instituto Nacional de Estadistica y Geografia, INEGI) du Mexique et Conseil consultatif national |
2014/15 |
12 |
36 |
|
Indicateurs Aotearoa New Zealand (IANZ) |
Stats NZ |
2019 |
✓ |
24 |
110 |
Norvège - Où en sommes-nous ? |
Statistics Norway |
2017 |
10 |
41 |
|
Indice du bien-être |
Statistics Portugal |
2017 |
10 |
79 |
|
Indicateurs du bien-être en Slovénie |
Institut d’analyse et de développement macroéconomique de Slovénie, Statistics Slovenia, Agence de l’environnement slovène + Institut national de santé publique |
2015 |
✓ |
23 |
90 |
Indicateurs de la qualité de vie |
Institut national de la statistique (Espagne) |
2019 |
9 |
59 |
|
Système d’indicateurs MONET 2030 |
Office fédéral de la statistique suisse |
2018 |
17 |
106 |
|
Mesures du bien-être national au Royaume-Uni |
The UK Office for National Statistics |
2011 |
✓ |
10 |
43 |
Cadre du bien-être du Trésor australien |
Trésor |
2004 |
5 |
Sans objet |
|
Indicateurs du programme stratégique du gouvernement de la Finlande |
Bureau du Premier ministre |
2015 |
5 |
29 |
|
Nouveaux indicateurs de richesse de la France |
Bureau du Premier ministre |
2015 |
✓ |
3 |
10 |
Indicateurs du bien-être de l’Islande |
Statistics Iceland (à la demande du Bureau du Premier ministre) |
2021 |
✓ |
12 |
39 |
Mesures du bien-être équitable et durable (série courte) de l’Italie |
Ministère de l’Économie et des Finances |
2016 |
✓ |
8 |
12 |
Lettonie 2030 |
Centre de coordination intersectoriel, sous l’autorité du Premier ministre |
2010 |
✓ |
7 |
55 |
Indicateur du bien-être des Pays-Bas |
Gouvernement des Pays-Bas + Statistics Netherlands |
2017 |
15 |
47 |
|
Tableau de bord du cadre du niveau de vie de la Nouvelle-Zélande |
Trésor |
2011/18 |
✓ |
19 |
55 |
Plan pour la réalisation des objectifs de bien-être de l’Irlande du Nord |
Northern Ireland Executive Office |
2018 |
12 |
54 |
|
Indice de développement responsable de la Pologne |
Institut économique de la Pologne |
2019 |
3 |
8 |
|
Cadre national de mesure des performances de l’Écosse |
Gouvernement écossais |
2007 |
✓ |
11 |
81 |
Stratégie nationale de développement 2030 de la Slovénie |
Gouvernement slovène |
2017 |
✓ |
12 |
30 |
Nouvelles mesures du bien-être de la Suède |
Ministère des Finances |
2017 |
15 |
15 |
|
Bulletin du bien-être économique et personnel du Royaume-Uni |
Office for National Statistics |
2019 |
2 |
12 |
|
Le bien-être au Pays de Galles |
Assemblée nationale du Pays de Galles + statisticien en chef du gouvernement gallois |
2015 |
✓ |
7 |
46 |
Note : La date de lancement fait référence à la publication effective du cadre et à la demande d’élaboration. Sauf indication contraire, de nombreux indicateurs renvoient aux tableaux de bord publiés à partir du T3 2019. Les mesures des progrès de l’Australie ont été interrompues en 2013 et le Cadre de mesure du bien-être du Trésor australien en 2016. Les rapports sur la protection sociale en Australie sont publiés depuis 1993. Le Cadre national de mesure des performances du gouvernement écossais a été instauré en 2007 ; le nombre de dimensions et d’indicateurs correspond à la version révisée de 2018.
Source : C. Exton et L. Fleischer (2020), « The Future of the OECD Well-being Dashboard: Discussion Paper », projet de note.
En principe, le bien-être peut intervenir à toutes les étapes de l’élaboration des politiques publiques : programme et définition des priorités, formulation ex ante des politiques, mise en œuvre, suivi et évaluation ex post (Stiglitz et al., 2018). La plupart des tableaux de bord des pays n’ont actuellement d’autre finalité que de mesurer et suivre les progrès et en rendre compte. Néanmoins, quelques pays tiennent compte du bien-être dans l’élaboration des politiques publiques, en particulier dans le cadre de leur processus budgétaire (notamment la Nouvelle-Zélande :Encadré 2.3) ou bien pour concevoir des stratégies de développement axées sur le bien-être. Certains d’entre eux font même les deux à l’aide de tableaux de bord séparés (Finlande, Italie, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni). Un petit nombre de pays - plus particulièrement l’Italie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni - évaluent certaines mesures politiques sous l’angle du bien-être à partir d’une analyse coûts-bénéfices modifiée destinée à examiner leurs conséquences sur une partie ou la totalité des facteurs suivants : conditions matérielles, bien-être subjectif, bien-être relationnel, inégalités et environnement. Le Royaume-Uni a créé des portefeuilles ministériels chargés de la solitude et de la prévention du suicide, a renforcé la formation et les capacités de l’administration publique dans ce domaine en ayant recours aux principes et procédures définies dans le « Livre vert » (Le Trésor de Sa Majesté, 2018) et a créé en 2014 le « What Works Centre for Wellbeing » (« Ce qui marche ») pour faire des recherches et donner des conseils sur la manière d’intégrer l’analyse du bien-être à la mise en œuvre des politiques publiques (voir, par exemple, Hardoon, 2020). Néanmoins, on ne dispose pas encore de preuves empiriques démontrant dans quelle mesure ces efforts pour accorder davantage d’importance au bien-être ont modifié les priorités de l’action politique et en définitive amélioré le bien-être.
Encadré 2.2. Cadre de mesure du bien-être de l’OCDE
Dans le sillage de la critique provoquée par l’analyse « Au-delà du PIB » de Stiglitz et al. (2009), le Cadre de mesure du bien-être de l’OCDE a été élaboré une première fois en 2011, puis révisé en 2020 (OCDE, 2020e ; Exton et Fleischer, 2020) (Graphique 2.2). Il inclut un tableau de bord diagnostic rendant compte de 11 dimensions du bien-être actuel (mesurées en termes de moyennes, dispersion et privations dans la population) ainsi que les ressources nécessaires au bien-être futur sous la forme de quatre types de capital (capital humain, capital naturel, capital économique et capital social), mesurés par stocks, flux, facteurs de risque et facteurs de résilience. Il comporte désormais 84 indicateurs en tout et trois mini-tableaux de bord renfermant 12 indicateurs sélectionnés chacun à des fins de communication : ils portent sur les niveaux de bien-être, les inégalités actuelles en matière de bien-être et les ressources nécessaires au bien-être futur.
Encadré 2.3. Démarche de bien-être dans l’action des pouvoirs publics en Nouvelle-Zélande
L’Étude économique de l’OCDE Nouvelle-Zélande (2019) comprenait une description et une évaluation approfondies de la démarche de bien-être dans l’action des pouvoirs publics en Nouvelle-Zélande qui vise à « éclairer l’action des pouvoirs publics et favoriser une meilleure prise de décisions en permettant de prendre en compte un large éventail d’effets, notamment en matière de redistribution (par genre, âge, appartenance ethnique et structure du ménage), à examiner les arbitrages à opérer et à améliorer la transparence » (p. 48). Le cadre de mesure du bien-être recense 12 domaines ainsi que quatre stocks de capital (identiques à ceux de l’OCDE, à ceci près que l’identité culturelle est prise en compte séparément) dans son tableau de bord du cadre d’évaluation des niveaux de vie (LSF) qui comprend 55 indicateurs. Les émissions de gaz à effet de serre, l’équilibre des éléments nutritifs des sols et les investissements en R-D n’en font pas partie. Ce cadre sera mis à jour en 2021. Certains organismes publics ont cependant élaboré leurs propres approches et tableaux de bord du bien-être qui sont plus approfondis et, sans un tronc commun et une meilleure compatibilité entre eux, il existe un risque de semer la confusion. Le Trésor utilise des éléments factuels sur le bien-être pour définir les priorités budgétaires, incite les ministères à collaborer et évalue les propositions de dépenses (mais uniquement les dépenses marginales, soit environ 4 % des dépenses de la Couronne, et pas encore toutes les dépenses existantes). À ce stade, l’analyse d’impact de la réglementation n’est pas intégrée dans le cadre. L’évaluation des progrès enregistrés doit être rendue public par le Trésor au moins tous les quatre ans, fréquence inférieure au cycle électoral actuel de trois ans, mais les derniers amendements à la loi sur les finances publiques (Public Finance Act) compensent cela en imposant aux administrations de rendre compte chaque année, dans le budget, de leurs progrès par rapport aux objectifs de bien-être.
Utilisation programmée du bien-être dans l’élaboration des politiques publiques canadiennes
Le gouvernement fédéral devrait mettre à exécution son plan prévoyant d’adopter un cadre de la qualité de vie (bien-être) à travers un prisme économique afin d’orienter l’action publique en faveur d’une croissance inclusive et environnementale durable. Comme indiqué précédemment, le Canada est l’un des rares pays de l’OCDE à ne pas avoir de cadre officiel. Malgré l’adoption par Environnement et Changement climatique Canada d’une stratégie de développement durable comprenant 13 dimensions et 25 indicateurs en 2008 et l’adoption plus large de l’Analyse comparative entre les sexes plus dès 1995, il n’existe pas de cadre global couvrant l’ensemble de la sphère publique. Statistique Canada ne dispose pas de son propre cadre, mais l’organisme gère un Carrefour des dimensions de la pauvreté et élabore actuellement un Cadre d’indicateurs canadien en partenariat avec Emploi et développement social Canada. En juillet 2019, ce département a publié le document Vers la Stratégie nationale du Canada pour le Programme 2030 qui met en place les structures, processus et activités pour atteindre les Objectifs de développement durable. Le Cadre d’indicateurs canadien est conçu pour suivre et mesurer les progrès par rapport aux 17 objectifs.
Il devrait prévoir que le gouvernement canadien donne pour mission à Statistique Canada de faire en sorte que des mesures phares du bien-être subjectif et un tableau de bord des indicateurs concernés soient établis dans le cadre d’enquêtes régulières et portant sur un échantillon de taille appropriée au niveau national et provincial/territorial afin de pouvoir établir une distinction entre les peuples autochtones (en distinguant les Premières Nations - y compris, si possible, les habitants des réserves - des Métis et des Inuits) et les personnes appartenant aux communautés racisées. Les instruments d’enquête et les autres sources de données administratives concernées devraient couvrir tous les indicateurs subjectifs et objectifs requis dans les différents domaines afin de pouvoir évaluer comment ils s’intègrent à l’ensemble du processus. L’existence de données au niveau régional permettrait aux juridictions de comparer les résultats. Hicks (2020) a récemment plaidé en faveur d’une telle initiative, et soutenu que ces informations permettraient à tous les niveaux de l’administration d’évaluer les effets conjugués des programmes de compensation de la perte de revenu et du service public sur la vie des Canadiens. On pourrait envisager la création d'une Commission du bien-être, qui rédigerait un rapport annuel soumis au parlement, à un moment permettant de l'inscrire dans le cadre de la procédure budgétaire fédérale.
Engager un processus de consultations publiques avant d’avoir arrêté la liste des indicateurs a été une pratique courante dans les pays de l’OCDE lors de l’élaboration des tableaux de bord du bien-être (Exton and Shinwell, 2018). Cela serait un bon point de départ pour un cadre canadien. Compte tenu de ses répercussions importantes sur le bien-être des individus et de l’aggravation des inégalités existantes, la pandémie de COVID-19 renforce l’urgence de ces mesures. Le processus désormais entamé devrait donc s’attacher à finaliser rapidement un nouveau cadre à prendre en considération dans chaque budget. En effet, cela pourrait aider le gouvernement à défendre toute stratégie utilisée pour « rebâtir en mieux » et tenir ses promesses de garantie d’une reprise verte, inclusive, et qui soutient les besoins sociaux, économiques et sanitaires au sens large des Canadiens. Lorsque le cadre sera bien en place, les autorités pourraient décider d’élargir les indicateurs du bien-être utilisés à la formulation des politiques budgétaires et à l’analyse coût-avantages, comme l’ont fait le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.
Les inégalités de revenu et la pauvreté comme marqueurs négatifs du bien-être
Force est de constater qu’en matière de politique publique, il n’existe pas d'arbitrage ultime évident entre l’inégalité des revenus et le revenu moyen. Rien n'indique que la réduction des revenus peut rendre leur distribution moins inégale. Onze pays de l’OCDE enregistrent à la fois un niveau de PIB par habitant plus élevé et une inégalité de revenus plus faible que le Canada, ce qui montre qu'il est tout à fait possible de progresser sur les deux fronts (Graphique 2.3).
Le Canada est relativement bien classé en termes d'égalité des chances
Les questions de répartition sont importantes pour favoriser le sens de la dignité, la confiance en soi et en autrui des individus, ainsi que le développement social. Les différences de revenus se répercutent non seulement sur le bien-être, mais aussi sur divers aspects de la santé et la longévité (voir ci-dessous). L’idée que la question de l’inégalité doit être un sujet de préoccupation des pouvoirs publics est d'autant plus justifiée qu'il existe une interconnexion entre le bien-être des riches et des pauvres (Goff et al., 2018) ; de fait, le bien-être des pauvres intervient beaucoup plus que les revenus dans le niveau moyen du bien-être subjectif et de la confiance sociale des individus. Aussi longtemps que les inégalités seront dues aux disparités des chances de départ, aux différences des rentes économiques et aux dysfonctionnements des marchés – plutôt qu’aux efforts plus importants déployés par les plus chanceux –, l’exclusion sociale qui en résulte méritera l’attention des pouvoirs publics.
La raison qui justifie peut-être le plus l’intervention publique à cet égard est que les écarts de revenus coïncident assez bien avec l’égalité des chances telle que mesurée par la mobilité intergénérationnelle des revenus (Corak, 2013), baptisée internationalement « courbe de Gatsby le magnifique ». Si l'on observe la corrélation entre ces deux indicateurs, le constat est que le Canada enregistre des inégalités de revenu relativement faibles mais avec une grande mobilité intergénérationnelle (plus élevée par exemple qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais moins que dans plusieurs pays scandinaves). Il faut au Canada seulement quatre générations pour que les personnes nées dans des foyers à faible revenu atteignent le niveau de revenu moyen (la moyenne OCDE étant de 4.8). Ce constat est cohérent avec les résultats PISA du Canada, qui montrent que l'éducation des parents a très peu d'incidence sur les notes obtenues par leurs enfants dans l’enseignement secondaire (OCDE, 2010, graphique 5.3) ; en revanche, l’accès à l’enseignement supérieur semble être étroitement corrélé aux revenus des parents (ainsi qu’à leur niveau d'instruction), ce à quoi il convient d'ajouter les obstacles spécifiques rencontrés par les jeunes des peuples autochtones. Au Canada, cependant, le seuil de mobilité intergénérationnelle est relativement stationnaire, comme le montre la forte proportion de personnes qui se sont maintenues dans le quintile de revenu inférieur entre 2005 et 2010 (Graphique 2.4, partie A). Cela dit, lorsque la mobilité sociale intergénérationnelle est mesurée en termes de profession plutôt que de revenu, le Canada se classe en tête de la zone OCDE, avec des résultats supérieurs à la moyenne aussi bien pour la mobilité ascendante que descendante (partie B). La bonne mobilité sociale enregistrée par le Canada est confirmée par le Forum économique mondial (2020), qui classe ce pays à la 14e place sur 82. Pour autant, la mobilité connaît actuellement un recul, tant aux niveaux national que provincial, alors que les inégalités de revenu des parents sont en progression (Connolly et al., 2019). La plus forte baisse de la mobilité concerne les jeunes appartenant au quintile de revenu inférieur ; le constat est donc que c’est pour les plus défavorisés que les perspectives se sont le plus dégradées. Combinée aux données fournies précédemment concernant le bien-être des enfants, cette situation est un signal d’avertissement pour les niveaux futurs du bien-être et de la mobilité sociale.
Les inégalités de revenu sont proches de la moyenne OCDE
Les inégalités des revenus marchands se sont accrues au Canada pendant les années 1980 et 1990, avant de se stabiliser à partir de l’an 2000 ; toutefois, la proportion de revenus des personnes situées dans 1% supérieur a continué d'augmenter jusqu'à environ 2008. Dans un premier temps, cette situation a été compensée par le système de prélèvements et de prestations, mais lorsque les niveaux de l’aide sociale et de l’assurance-emploi ont chuté – au milieu des années 1990 –, cela n’a plus été le cas et les inégalités du revenu disponible se sont creusées elles aussi. Ces inégalités ont encore progressé lors de la crise économique mondiale de 2008, puis de nouveau à partir de 2015 (selon les données les plus récentes), et ont donc retrouvé les niveaux d'une époque bien antérieure. De manière générale, les inégalités du revenu disponible au Canada sont restées proches des niveaux moyens de l’OCDE (aux alentours de 0.30 pour le coefficient de Gini) au cours des dix dernières années (Graphique 2.5, partie A), et ce malgré les faibles inégalités des revenus marchands (partie B) ; le régime de prélèvements et de prestations canadien n’en a compensé que 28 %, contre 36 % pour la moyenne de l’OCDE (mais seulement 23 % pour les États-Unis). Une récente étude de l’OCDE (2019c) a en outre examiné la taille de la classe moyenne, c’est-à-dire le nombre de personnes gagnant entre 75 % et 200 % du revenu médian. En vertu de cet indicateur, le Canada arrive en milieu de classement, même si le groupe des revenus intermédiaires s’est considérablement réduit depuis le milieu des années 1980 (en excluant les personnes âgées) (Graphique 2.6). Cette contraction a été particulièrement marquée chez les couples avec enfants et les foyers monoparentaux (op.cit., Tableau 2.3). L’évolution du prix des produits a en outre eu un impact sur les inégalités de revenu, que ce soit entre les individus ou entre les régions. La part des différents groupes de revenus a varié selon l’ampleur des rentes tirées des ressources, qui bénéficient surtout aux plus aisés. Les ressources pétrolières et gazières se concentrant principalement dans l’Alberta, les inégalités de revenu entre les régions ont été très influencées par l’évolution des prix de l’énergie. Les habitants des provinces d’Alberta et de Terre-Neuve-et-Labrador ont assurément subi une diminution de leur bien-être du fait de la baisse des prix de l'énergie qui est survenue à la fois après 2014 et pendant la crise du COVID-19. Les inégalités sont également dues à l'importance croissante des compétences informatiques, de l’automatisation et de la mondialisation, ainsi qu'aux nouveaux modes de gouvernance des entreprises qui se sont développés dans toute la zone OCDE (Corak, 2016). Ces facteurs ont également eu des impacts différenciés sur le bien-être des communautés canadiennes, les travailleurs déplacés provenant de régions mono-industrielles ayant connu des situations particulièrement difficiles sur le marché de l’emploi.
L’efficacité du système de redistribution est d'une certaine façon mise à mal par le nombre important de personnes qui, bien que remplissant les conditions d’octroi, omettent de réclamer leurs prestations sociales. Pour certains programmes, cela arrive lorsque les personnes concernées ne déclarent pas leurs revenus dans les délais impartis ou ne les déclarent pas du tout. Environ 10 % à 12 % des adultes ne remplissent pas de déclaration de revenus et ne perçoivent donc pas de crédits d'impôt remboursables (comme l’allocation canadienne pour enfants ou le crédit pour taxe sur les produits et services). Les sommes totales non versées peuvent atteindre jusqu'à 2 milliards CAD par an (Hosek, 2020). En septembre 2020, le gouvernement canadien a promis, pour résoudre ce problème, de mettre en place un dispositif gratuit de déclaration automatique des revenus pour les cas les plus simples, comme l’ont déjà fait 36 autres pays (Tax Policy Center, 2020). Un autre exemple de sous-utilisation des programmes est celle du régime enregistré d'épargne-invalidité : pour des raisons diverses, une forte proportion des personnes handicapées admissibles au programme n’en font pas la demande et se privent par conséquent pendant leur durée de vie de subventions et de bons pouvant atteindre jusqu'à 90 000 CAD. Un autre dispositif également peu utilisé est le Bon d'études canadien. Bien qu’étant conçu pour financer l’éducation des enfants issus de familles à faible revenu sans contribution de ces dernières, en 2018, il n’a été versé qu'à 38 % environ des 3.3 millions d’enfants admissibles.
Autres mesures de l’inégalité : satisfaction à l’égard de la vie, patrimoine, égalité femmes-hommes et services de garde d’enfants
Presque toutes les autres mesures de l’inégalité sont moins élevées au Canada que dans les autres pays de l’OCDE (OCDE, 2020f). Pour citer un exemple, la satisfaction à l’égard de la vie est de 70 % plus élevée chez les personnes appartenant au quintile de revenu supérieur que celles du quintile inférieur ; par comparaison, ce taux – qui est en moyenne de 110 % au sein de l’OCDE – n’est dépassé que par la Finlande (Graphique 2.7). Les inégalités de patrimoine sont également légèrement moins prononcées au Canada que dans la moyenne de la zone OCDE (Balestra et Tonkin, 2018). À cet égard, le pays se caractérise par la correspondance entre la répartition du revenu et celle du patrimoine (op. cit., graphique 2.11), ainsi que par la stabilité de cette dernière depuis 2005 (op. cit., tableau 3.2). En tout état de cause, le creusement des inégalités de patrimoine n’est pas un problème, car il est dû au vieillissement de la population combiné à la pratique de constitution d'une épargne-retraite.
Au Canada, les inégalités entre les femmes et les hommes sont relativement faibles, même s'il existe un grand écart des salaires pour les travailleurs à temps plein selon qu'ils sont de sexe masculin ou féminin. La satisfaction à l’égard de la vie est la même chez les femmes que chez les hommes, tout comme dans la moyenne des pays de l’OCDE (Graphique 2.8). En revanche, l’une des grandes différences entre les deux sexes, au Canada comme ailleurs, est le « sentiment de sécurité », qui fait référence au problème des violences sexistes (plus couramment celui des violences conjugales), dont les femmes sont environ quatre fois plus victimes que les hommes (Burczycka, 2019). Par ailleurs, les femmes ont en moyenne une perception de leur état de santé mentale moins bonne que les hommes. Cela dit, à plusieurs autres égards (notamment en ce qui concerne le chômage de longue durée), les femmes semblent être relativement mieux loties au Canada que dans d’autres pays. Les hommes canadiens font les frais d'une inégalité entre les deux sexes relativement importante dans le domaine du chômage de longue durée, ainsi que d'un écart en valeur absolue considérable en ce qui concerne la mort par homicide, les décès liés au suicide, à l’alcool et à la drogue, ainsi que les longues heures de travail. Par ailleurs, bien que l’écart du salaire horaire médian entre les sexes ait progressivement diminué depuis 2001 – passant de quelque 21 % à environ 15 % ces dernières années –, les femmes canadiennes semblent occuper une place intermédiaire parmi les 14 pays pour lesquels des comparaisons du revenu du travail sont possibles ; en revanche, elles figurent parmi celles qui pâtissent des écarts les plus prononcés dans le domaine du travail en année pleine et à temps complet, ce qui suppose des écarts comparativement moins importants pour le travail à temps partiel. Les études réalisées par le ministère des Finances du Canada montrent que l'écart existant entre le salaire horaire des femmes et des hommes est dû pour 20-25 % à la structure de l’emploi des femmes, et pour l’essentiel aux différences de rémunération entre les activités professionnelles, les femmes occupant plus souvent que les hommes des postes faiblement rémunérés. Une explication à cette situation est que les femmes évaluent différemment les caractéristiques d'un emploi et qu’elles utilisent ces critères pour évoluer entre différents métiers et employeurs. Dans la mesure où les femmes assument, au sein des ménages, une part plus importante des tâches non rémunérées, il est possible qu’elles choisissent des emplois qui sont plus faiblement rémunérés mais permettent une plus grande flexibilité du temps de travail. Cela coïncide avec le constat réalisé par le ministère des Finances du Canada, à savoir que l’écart salarial entre les sexes est particulièrement élevé lorsque les femmes sont en âge de procréer et d'élever des enfants, et il est presque deux fois plus marqué lorsqu’elles ont des enfants de moins de 12 ans, ce qui montre l’importance de la mise en place de modalités d'organisation flexible du travail et, pour assurer le bien-être économique des femmes, d'une plus grande accessibilité – notamment financière – des services de garde d’enfants. Afin de continuer à réduire les inégalités économiques dont les femmes sont victimes, le gouvernement fédéral s’est engagé récemment à créer un groupe de travail qui aura pour tâche de guider le plan d’action sur les femmes dans l’économie.
Au Canada, la politique relative aux services de garde d’enfants relève de la responsabilité des provinces/territoires. Bien que l'on sache peu de choses sur la qualité de ces services ou sur leur variation/comparaison dans le temps et à l’échelle mondiale, les données récentes montrent que dans l’Ontario (la seule province examinée par l’OCDE), le coût de ces services pour un couple type est modéré (Graphique 2.9, partie A). S'appuyant notamment sur le fait qu'au Québec, le taux d'activité des femmes en âge de procréer est passé de 2.7 points de pourcentage en deçà de la moyenne nationale en 1997 – année d’adoption de son généreux programme de subvention pour la garde d’enfants – à 3.3 points au-dessus en 2019, d'autres provinces (dont la Colombie-Britannique) et le gouvernement fédéral actuel accordent la priorité à l’amélioration de l’accès aux services de garde, dans l'optique d'encourager les parents à prendre un emploi. Avant la pandémie, le soutien du gouvernement fédéral s'élevait à 2.8 milliards CAD par an (0.1 % du PIB), principalement sous forme de déduction fiscale pour les dépenses de garde d’enfants engagées par les ménages – d'un montant annuel de 0.8 milliard CAD par an – et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux aux provinces et aux territoires. Toutefois, si l'on tient compte du système de prélèvements et de prestations dans sa globalité et si l'on intègre les coûts de la garde d’enfants, les mesures prises par l’Ontario pour inciter le recours des ménages ayant de jeunes enfants à faire appel à des services de garde à temps plein sont les plus mauvaises de l’OCDE, avec un taux d'imposition de 96 % sur les gains supplémentaires des personnes rémunérées au salaire moyen (partie B). Cela étant, l’Ontario propose un crédit d'impôt remboursable pour les dépenses de garde d’enfants, afin de concentrer son soutien sur les parents à faible revenu. D'autres provinces/territoires versent de généreuses subventions, assorties de conditions de ressources, qui permettent de réduire le coût net de la garde d’enfants. Un certain nombre de provinces les complètent par des réductions maximales de frais, afin de s'assurer que les familles à faible revenu paient peu de leur poche. Le gouvernement fédéral a également fait en sorte que les femmes conservent leur activité pendant la crise, en approuvant en juillet 2020 une enveloppe supplémentaire de 625 millions CAD pour financer la garde d’enfants. Il avait, avant cela, financé 40 000 places à tarif plus abordable. Malgré cela, les places demeurent insuffisantes.
La pandémie a probablement exacerbé les inégalités à différents égards
Les données montrent que les personnes défavorisées ont davantage été frappées par les inégalités depuis le début de la pandémie (Hou et al., 2020). Les populations racialisées, en particulier, ont souffert sans commune mesure du COVID-19, même si certaines provinces (comme le Québec) ne recueillent volontairement pas de données ventilées en fonction de l’appartenance raciale ou ethnique (McKenzie, 2020). Selon un sondage collaboratif réalisé en ligne auprès de 36 000 personnes entre le 26 mai et le 8 juin 2020, 34 % des Canadiens blancs ont subi la perte de leur emploi ou la baisse du nombre d'heures travaillées, contre 42 % pour les Philippins et 47 % pour les Asiatiques occidentaux du Canada. Outre la discrimination, les causes possibles étaient sans doute aussi les différences en termes de répartition des emplois et d’ancienneté. Dans le même sondage, 23 % des Canadiens blancs ont indiqué avoir subi des répercussions financières importantes, contre au moins 42 % des Canadiens arabes, philippins et asiatiques occidentaux. D'un autre côté, les populations racialisées ont plus certainement sollicité – et reçu – un soutien financier du gouvernement fédéral. Dans la plupart des pays de l’OCDE, les femmes ont probablement été plus exposées au virus du fait de la répartition des emplois : une forte proportion d’entre elles occupent des emplois qui impliquent un contact avec la maladie ou la clientèle ainsi qu’une grande proximité physique (par exemple dans les secteurs de la santé et des services sociaux), et ont moins de possibilités de travailler depuis leur domicile (Lewandowski et al., 2020). Depuis juillet 2020, les données sur le marché du travail fournies par Statistique Canada sont ventilées entre les différentes populations racialisées. Le taux de chômage de ces minorités demeure beaucoup plus élevé que celui des Canadiens blancs, mais les écarts se sont considérablement réduits en novembre (principalement du fait des Canadiens sud-asiatiques et asiatiques du sud-Est) et se chiffrent actuellement à 3.3 points de pourcentage.
Quel éclairage apporte l’examen de la pauvreté par rapport à celui de l’inégalité ?
Les multiples mesures publiques de la faiblesse des revenus et de la pauvreté en vigueur au Canada ont évolué différemment au fil du temps(Encadré 2.4). Le taux de pauvreté absolue des adultes en âge de travailler coïncide toujours largement avec leur situation au regard de l'emploi (avec le nombre d'apporteurs de revenu dans le ménage), d'où l'importance de stimuler les liens avec le marché du travail, même si de plus en plus d'actifs perçoivent ont un revenu inférieur au niveau de pauvreté (Stapleton, 2019). Dans ce contexte, les niveaux de pauvreté les plus élevés concernent les personnes souffrant de handicaps (notamment de troubles mentaux), les familles monoparentales et les personnes célibataires en âge de travailler. Les taux sont particulièrement élevés pour les peuples autochtones (voir ci-après), les Canadiens noirs et les chinois – deux fois plus touchés que les Canadiens blancs – et, par-dessus tout, pour les Canadiens asiatiques occidentaux, arabes et coréens – trois fois plus touchés que les Canadiens blancs – (Hou et al., 2020). Le taux de faible revenu chronique était en 2016 (dernière année pour laquelle des données sont disponibles) nettement plus élevé pour les immigrants que pour les Canadiens de souche, quelle que soit leur date d’arrivée sur le sol canadien (Picot et Lu, 2017). De manière générale, le taux de pauvreté a atteint des sommets dans les provinces maritimes (où, traditionnellement, le chômage est supérieur à la moyenne, les salaires et la participation au marché du travail plus faibles, et l’emploi plus saisonnier) mais était au plus bas dans les provinces des Prairies, ce qui correspond à la situation générale des revenus moyens au Canada.
Encadré 2.4. Les mesures officielles de faiblesse des revenus et de pauvreté au Canada
Cela inclut la mesure de faible revenu (MFR), les seuils de faible revenu (SFR) et la mesure du panier de consommation (MPC). La MFR comptabilise les ménages qui perçoivent moins de 50 % du revenu national médian, et est donc une mesure relative (comme celle, plus haut, des inégalités de revenu). Le SFR est un seuil de revenu à partir duquel on s'attend à ce que les familles dépensent 20 points de pourcentage de plus que la famille moyenne pour leurs besoins essentiels (alimentation, logement et habillement) ; utilisant les données provenant d'une enquête sur les dépenses des ménages, il correspond à une mesure absolue. La MPC fixe 53 seuils régionaux différents basés sur le coût – variable dans le temps – d'un panier de biens et de services correspondant à un niveau de vie de base ; il est donc lui aussi une mesure absolue. Le SFR a atteint un niveau record aux alentours de 1997 (à environ 15 %), pour ensuite redescendre à quelque 9 % ces dernières années ; la MFR poursuit son évolution à la hausse depuis la fin des années 1980, pour atteindre 14 % en 2015.
En 2018, la MPC a été définie par le gouvernement fédéral canadien comme le seuil officiel de pauvreté au Canada. Le seuil de revenu annuel pour une famille de deux adultes et deux enfants s'étalait en 2018 de 37 397 CAD dans certaines localités du Québec à 48 677 CAD à Vancouver. En 2020, le lqa mesure du panier de consommation a été redéfinie à l’issue d'un processus approfondi de consultation des parties prenantes. Des voix s'étaient en effet élevées pour critiquer le fait que certains postes de dépenses importants (en particulier le coût d'un téléphone portable) étaient ramenés à un pourcentage fixe des dépenses d’alimentation et d’habillement, et que les dépenses minimales de logement étaient largement sous-estimées. La révision des deux points de critique a conduit à une forte réévaluation du seuil dans certaines villes (par exemple de 24 % pour une famille de quatre personnes à Edmonton). Comme conséquence de cette révision de la MPC, le taux national de pauvreté a augmenté de 8.7 % à 11.0 % en 2018, ce qui représente néanmoins une nette diminution par rapport aux 14.5 % de 2015 selon les nouveaux critères de mesure (Djidel et al., 2020). Les statisticiens chargés de la MPC s'intéressent désormais à d'autres technologies de communication, aux dépenses de garde d’enfants, à l’éloignement (même s'il n’est toujours pas la cause de la pauvreté des membres des Premières Nations vivant dans les réserves), aux évolutions de la taille et de la composition de la famille, ainsi qu’au calcul des « autres dépenses ». Compte tenu de l'absence de couverture médicale universelle (voir plus bas), les médicaments délivrés sur ordonnance peuvent aussi mériter d’être davantage pris en compte. Il serait également utile d’essayer de mesurer l’ampleur de la « prime à la pauvreté » (qui comprend le surcoût payé par les pauvres pour l'achat de biens et de services qu'ils n’ont pas les moyens d'acheter en grande quantité, leurs primes d'assurance habitation majorées parce qu’ils vivent dans des zones présentant plus de risques, leur recours à des crédits plus onéreux, en particulier des prêts sur salaire, etc.). Il y a plusieurs années, cette prime a été évaluée au Royaume-Uni à presque un millier de dollars canadiens par an (Davies et al., 2016).
Depuis 2015, le taux de pauvreté relative du Canada s’est considérablement rapproché de la moyenne OCDE, et a notamment atteint un niveau plus faible qu’aux États-Unis (Graphique 2.10). Cela s’explique par le fait que le système de prélèvements et de prestations du Canada est devenu un peu plus redistributif, même s'il l’est nettement moins que dans la moyenne de l’OCDE. Il est frappant de constater que le niveau de l'aide sociale n’est dans aucune province suffisant pour permettre aux bénéficiaires de vivre au-dessus du seuil de la mesure du panier de consommation : même en intégrant le crédit pour la TPS/TVH et les prestations pour enfants, cette aide varie de 39 % à 58 % de ce seuil pour les personnes seules sans enfant, et de 67 % à 86 % pour celles qui ont des enfants (Hillel, 2020). Bien qu’il ne soit pas possible de comparer les taux de pauvreté absolue à l’échelle internationale, au Canada, le niveau de pauvreté et de faible revenu des seniors âgées se situe dans la moyenne des pays du G7 : au-dessus des valeurs de l’UE, mais en dessous de celles des autres pays. Le taux de faible revenu enregistré au sein de ce groupe s’est légèrement accru depuis le milieu des années 1990, même s'il reste inférieur à celui d'autres groupes d'âge au Canada. Le taux de pauvreté des enfants a modérément reculé en l’espace de 30 ans – à 10.8 % (18.6 % selon la MFR) –, en partie grâce à une série de mesures prises par les pouvoirs publics, la plus significative étant l’allocation canadienne pour enfants (ACE). L’ACE est versée à presque 3.7 millions de familles et bénéficie à quelque 6.5 millions d’enfants, le nombre d’enfants pauvres ayant été réduit de 367 000 entre 2015 et 2018. Selon la publication Campaign 2000 - End Child and Family Poverty (2020), en 2017, 1.36 million d’enfants se trouvaient dans une situation de pauvreté d'après le calcul de la MFR après impôt. L’ACE aurait permis de réduire ce nombre de 684 000 et d'autres politiques publiques de 400 000, d'où une réduction de la pauvreté infantile de 45 %. Il n’en reste pas moins que la pauvreté est au Canada nettement plus élevée chez les personnes n’ayant pas accès à cette allocation, comme les immigrants en situation précaire, les enfants placés en foyers et ceux faisant partie des Premières Nations.
Un autre aspect de l'inégalité des revenus est la pauvreté patrimoniale ou la non-résilience des actifs, c’est-à-dire le pourcentage de ménages qui ne sont pas en mesure de maintenir leur bien-être au niveau du seuil de faible revenu (qui correspond à la moitié du revenu médian) pendant trois mois en cas d’interruption brutale de leur source de revenus. D’après l’Enquête sur la sécurité financière de Statistique Canada, le pourcentage de ménages dépourvus d'actifs est deux à trois fois supérieur à celui des ménages en situation de pauvreté économique. La pauvreté patrimoniale s’est accrue de 1999 à 2012 (Rothwell et Robson, 2017). Le niveau d’éducation a une influence similaire sur la pauvreté patrimoniale et la pauvreté économique, alors que le statut d’immigrant n’influe que sur la seconde. Les signes de difficultés financières sont le recours à des prêts sur salaires et l’incapacité de rembourser un crédit hypothécaire ou autre prêt, qui ont tous deux un lien étroit avec l’endettement et le mode de jouissance du logement (Marshall, 2019).
La mise en œuvre récente de la Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté
En août 2018, le gouvernement fédéral a publié le rapport Une chance pour tous : la première Stratégie canadienne de réduction de la pauvreté. La mesure du panier de consommation y a été définie comme le seuil officiel de pauvreté au Canada. En juin 2019, la loi sur la réduction de la pauvreté a été votée, avec pour objectif de réduire de moitié la pauvreté ainsi définie à l’horizon 2030, en partant de son niveau de 2015 (12.1 %, révisé depuis à 14.5 %). L'objectif intermédiaire – à savoir abaisser la pauvreté de 20 % avant 2020 – a déjà été atteint en 2017. Selon la dernière évaluation – qui date de 2018 –, la pauvreté s’élève à 11 %. Dans un souci de rendre des comptes, la Stratégie a créé un Conseil consultatif national sur la pauvreté. Ce Conseil a pour tâche de produire un rapport de suivi annuel à l'intention du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social, dont le premier était attendu à la fin 2020. Toutefois, ce rapport aurait plus de poids s'il était présenté au Parlement. Parallèlement, un tableau de bord de 12 indicateurs de la pauvreté a été créé (en plus de la mesure du panier de consommation) pour faciliter le suivi (Tableau 2.4). Si la situation s’est améliorée pour une majorité d'indicateurs, d'autres se sont en revanche dégradés, à savoir : les besoins insatisfaits en matière de logement, l’insécurité alimentaire, les jeunes n’ayant pas d’emploi et ne suivant pas d'études ni de formation, la faible littératie et numératie des adolescents, l’écart moyen de la pauvreté et le taux d’entrée dans la pauvreté.
Tableau 2.4. Tableau de bord officiel du Canada pour suivre les progrès dans la réduction de la pauvreté, septembre 2020
Indicateur |
Valeur la plus récente |
Tendance |
Variation en pourcentage |
Période de référence |
---|---|---|---|---|
Dignité |
||||
Pauvreté économique profonde |
5.4 % |
-8.5 % |
De 2017 à 2018 |
|
(Personnes ayant un revenu inférieur à 75 % du seuil officiel de la pauvreté) |
||||
Besoins de logement insatisfaits |
12.7 % |
1.6 % |
De 2011 à 2016 |
|
Besoins de santé non satisfaits |
11.2 % |
-10.4 % |
De 2000-01 à 2014 |
|
(Personnes de 12 ans et plus ayant déclaré ne pas avoir reçu de soins de santé lorsqu’elles pensaient en avoir besoin) |
||||
Insécurité alimentaire |
8.7 % |
4.8 % |
De 2011-12 à 2017-18 |
|
(Ménages ayant déclaré vivre dans l’insécurité alimentaire) |
||||
Égalité des chances et inclusion |
||||
Faible revenu relative |
12.3 % |
-2.4 % |
De 2017 à 2018 |
|
(Personnes qui gagnaient un revenu inférieur à la moitié du revenu médian après impôt) |
||||
Les 40 % inférieurs de la répartition du revenu |
20.8 % |
2.0 % |
De 2017 à 2018 |
|
(Pourcentage des revenus après impôt allant vers les 40 % inférieurs de la répartition du revenu) |
||||
Engagement des jeunes |
11.7 % |
23.2 % |
2019 à 2020 |
|
(Personnes âgées de 15 à 24 ans qui n’avaient pas d’emploi et ne suivaient pas d’études ni de formation) |
||||
Littératie et numératie |
||||
- Faible littératie (15 ans) |
13.8 % |
29.0 % |
2015 à 2018 |
|
- Faible numératie (15 ans) |
16.3 % |
13.2 % |
2015 à 2018 |
|
Résilience et sécurité |
||||
Salaire horaire median |
||||
- Ensemble |
24.04 $ |
2.2 % |
2018 à 2019 |
|
- Femmes |
22.00 $ |
0.4 % |
2018 à 2019 |
|
- Hommes |
26.00 $ |
2.0 % |
2018 à 2019 |
|
Écart moyen de la pauvreté |
33.4 % |
1.5 % |
De 2017 à 2018 |
|
(Pour ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté, le ratio de l’écart de pauvreté est le montant par lequel le revenu disponible familial de la personne est inférieur au seuil de pauvreté, exprimé en pourcentage du seuil de pauvreté) |
||||
Résilience des actifs |
51.2 % |
10.8 % |
2005 à 2012 |
|
(Personnes qui avaient suffisamment d'épargne pour maintenir leur bien-être pendant trois mois) |
||||
Taux d’entrée et de sortie d'une situation de pauvreté - Taux d’entrée (tous les Canadiens) |
4.1 % |
5.1 % |
De 2015-16 à 2016-17 |
|
Taux d’entrée et de sortie d'une situation de pauvreté - Taux de sortie (Canadiens à faible revenu) |
27.9 % |
1.1 % |
De 2015-16 à 2016-17 |
Source : Statistique Canada.
L'insécurité alimentaire comme manifestation de la pauvreté
L’insécurité alimentaire touche un ménage sur 12 (de façon grave pour 3.0 %, modérée pour 5.7 % et marginale pour 4.0 %), dont plus d’un enfant sur 6 ; elle est en outre particulièrement grave chez les peuples autochtones, les Canadiens noirs ou les personnes ayant immigré au Canada depuis moins de cinq ans (Tarasuk et Mitchell, 2020 ; Statistique Canada, 2020b). Elle est particulièrement répandue dans les territoires, notamment celui du Nunavut (57 %). Si la plupart des personnes concernées ont un revenu tiré d'un emploi, l’insécurité alimentaire est particulièrement forte chez les personnes touchant l’aide sociale (60 %) ou encore des indemnités d'accident du travail ou d'assurance-emploi (32 %). Après que la pandémie de COVID-19 se soit déclarée, une nouvelle enquête par panel en ligne réalisée par Statistique Canada a montré que 14.6 % des ménages canadiens ont connu l’insécurité alimentaire en mai 2020.
Cette insécurité a des effets multiples, notamment sur la santé. Dans l’Ontario, les personnes se trouvant en situation d'insécurité alimentaire grave pèsent 2.5 fois plus lourd que le reste de la population dans les dépenses publiques de santé car elles souffrent davantage de diabète, d’hypertension et d'allergies alimentaires ; elles sont en outre plus frappées de mort prématurée (elles décèdent en moyenne neuf ans plus tôt que les autres). Cette situation se reflète dans la fréquentation des banques alimentaires, qui a plus que doublé au cours des 30 dernières années et s'établit à quelque 900 000 utilisateurs par mois. Avant la pandémie, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il allait débloquer 134 millions CAD pour financer une série de nouvelles mesures ayant trait à l’alimentation et l’agriculture (dont des banques alimentaires, des marchés de producteurs et des cuisines communautaires) ainsi que pour mettre en place, en collaboration avec les provinces et les territoires, un programme national d'alimentation dans les écoles (Agriculture et Agroalimentaire Canada, 2020). Des mesures spéciales ont également été mises en œuvre pour les communautés du Grand Nord. Par la suite, une fois que la pandémie a éclaté, le gouvernement fédéral a créé un Fonds d'urgence pour la sécurité alimentaire doté de 200 millions CAD, dont la moitié avait été utilisée à l'automne.
Néanmoins, comme l'indiquent depuis longtemps les défenseurs de la sécurité alimentaire, le problème ne réside pas seulement dans l’accès à la nourriture et ne sera pas uniquement résolu par les banques alimentaires (qui distribuent des aliments très transformés et à longue conservation). L'insécurité alimentaire et les taux plus élevés de maladies chroniques qu'elle entraîne ont un lien avec la pauvreté. Leur éradication passera par un meilleur accès à la nourriture – grâce à une localisation plus commode des magasins d'alimentation et la réduction de la multitude d’offres de restauration rapide à bas coût (les « déserts alimentaires ») –, ainsi que par un revenu et une connaissance suffisants pour pouvoir choisir et acheter des aliments nutritifs.
Un dispositif de revenu minimum est à l’étude mais coûterait cher
La notion de revenu minimum désigne généralement un transfert direct en espèces peu soumis à conditions permettant aux bénéficiaires de répondre à leurs besoins élémentaires. Le dispositif actuel d'aide sociale mis en place par les provinces et les territoires (qui comptait plus de 1.58 million de bénéficiaires en 2019) ne fournit que des moyens de survie et est largement insuffisant pour éviter aux personnes non admissibles aux autres transferts gouvernementaux de connaître ne serait-ce que les difficultés économiques liées à la pauvreté. En prendre conscience n’est qu'une première étape pour percevoir les avantages que confère le fait de garantir aux citoyens et résidents permanents un revenu suffisant pour leur éviter de connaître non seulement des difficultés matérielles, mais aussi l’exclusion sociale et l’injustice. Les défenseurs du revenu minimum (comme Forget, 2020) estiment que cela permettrait non seulement de s'attaquer efficacement aux problèmes de la pauvreté et de l’inégalité, mais aussi de faire face à l'évolution de la situation de l’emploi – un nombre croissant de personnes occupant des emplois atypiques –, ainsi que d'améliorer la santé et le bien-être de la population. Le revenu minimum pourrait aussi être un facteur de stabilisation automatique lors des récessions économiques, tout en permettant la simplification et une plus grande efficacité du filet de sécurité sociale. D'un autre côté, ses détracteurs s’inquiètent de ses répercussions sur le plan budgétaire et de son éventuel effet dissuasif sur le travail, et s’opposent à ce qu'il soit versé sans obligation de travailler ou de chercher du travail. Certains préféreraient que les pouvoirs publics augmentent les dépenses des services sociaux bénéficiant aux pauvres (par exemple l'assurance pour les soins dentaires et les médicaments délivrés sur ordonnance, la garde d’enfants et la fourniture de logements abordables). Avant la pandémie, la politique sociale du Canada comportait déjà des garanties de revenu minimum pour les enfants (l’allocation canadienne pour enfants) et les retraités (le supplément de revenu garanti), mais la crise actuelle a mis davantage en évidence les insuffisances du filet de sécurité sociale.
Outre le projet pilote de revenu minimum universel déployé par la Finlande en 2017-18 (Kangas et al., 2020) ainsi qu’un certain nombre d'initiatives menées par des municipalités dans le monde entier (OCDE, 2017b), le Canada expérimente depuis longtemps des dispositifs de revenu minimum garanti, la différence entre les deux étant leur inclusion ou non à un certain stade d'un mécanisme de récupération afin de ne pas verser les aides à des personnes qui n’en ont pas besoin. Le projet pilote Mincome a été mené de 1974 à 1978 à Dauphin, dans le Manitoba, auprès de 10 000 personnes. Une variante de ce projet a été d'instaurer, dans le cadre de projets locaux mis en place à Cap-Breton (en Nouvelle-Écosse), un « salaire communautaire » pour toute personne retrouvant le chemin du travail – une idée peu appréciée par certains experts (même si elle permet de recueillir un soutien politique) en raison de la surcharge administrative que génère le dispositif et du fait qu’il stigmatise toujours les pauvres (Boadway et al., 2016). L’initiative s’inscrivait dans le contexte du Projet d'innovation en emploi communautaire. Menée pendant plusieurs années à partir de 1999, elle a été considérée comme une réussite une fois que la confiance sociale a été prise en compte (Helliwell et al., 2020a).
Un autre projet a également eu lieu dans trois régions de la province de l’Ontario à partir d’octobre 2017 ; son annulation a été annoncée en 2018, après un changement de gouvernement (les versements se sont toutefois poursuivis jusqu’en mars 2019). Deux petits sondages réalisés auprès des bénéficiaires mettent en évidence des avantages variés (Réseau canadien pour le revenu garanti, 2019 ; Ferdosi et al., 2020) : amélioration de la santé physique et mentale suite à l’adoption d'un régime alimentaire plus sain, à la consommation moins fréquente de tabac ou d'alcool, et à la pratique plus fréquente d’une activité physique ; utilisation plus rare des banques alimentaires ; motivation accrue à trouver un emploi mieux rémunéré ; plus forte probabilité de se lancer dans un programme d’éducation ou de formation. Dans le premier sondage, 80 % des répondants ont également indiqué que lorsque le projet a été annulé, leurs problèmes de santé sont réapparus comme avant, et 61 % qu’ils avaient dû modifier leurs plans pour l'avenir. On peut supposer qu'avec un dispositif de revenu minimum permanent, les travailleurs pourraient aussi quitter des emplois risqués – à la fois en temps normal et de pandémie –, ce qui leur donnerait plus de moyens de pression lorsque les employeurs sont en position de force.
La mise en place d'un revenu minimum garanti au niveau national présente d'importantes difficultés politiques en raison de compétences administratives partagées. Hormis cela, les principaux obstacles sont : le coût budgétaire probablement considérable d'un programme qui devrait être suffisamment vaste pour être efficace contre la pauvreté mais qui s'accompagnerait d’un taux de récupération suffisamment minime pour ne pas décourager excessivement la recherche d'un travail ; la nécessité d'éviter tout effet préjudiciable sur un grand nombre de personnes, en supposant que les aides existantes prendraient fin (OCDE, 2017b). La récente évaluation par le Directeur parlementaire du budget (2020) d'un dispositif de revenu minimum garanti qui verserait les mêmes prestations aux personnes âgées de 18 à 64 ans que le projet pilote annulé de l’Ontario (qui versait 75 % de la mesure de faible revenu – c’est-à-dire environ 17 000 et 24 000 CAD par an non imposables, respectivement pour les personnes seules et les couples –, plus 6 000 CAD pour les personnes souffrant de handicaps) est arrivée à un résultat annualisé pour 2021-22 – sans tenir compte d'éventuelles réactions comportementales telles que des effets possiblement néfastes sur l’offre de main-d’œuvre (Clavet et al., 2013) – compris entre 82 et 184 milliards CAD (soit entre 4 % et 8 % du PIB), selon le pourcentage de diminution du montant de la prestation pour chaque dollar tiré d'un emploi (de 50 % à 15 %). Toutefois, des économies de plus de 30 milliards CAD pourraient être réalisées grâce à l’annulation d'autres mesures budgétaires fédérales qui ne seraient sans doute plus nécessaires, ce qui donnerait un coût net de seulement 50 milliards CAD (soit quelque 2.5 % du PIB). Ce montant pourrait être encore considérablement réduit au niveau fédéral si les allocations de complément de ressources versées par les provinces pouvaient être affectées à ce dispositif. Les hypothèses émises dans une autre étude récente tablaient sur des prestations annuelles plus généreuses, de 22 000 et 31 000 CAD pour les personnes seules et les couples en âge de travailler, avec un taux de récupération de 40 % (Pasma et Regehr, 2019). Selon cette étude, le coût total du dispositif est estimé à 134 milliards CAD par an (5.8 % du PIB). Si le dispositif était étendu à tous les adultes, dont les retraités, son coût brut grimperait à 187 milliards CAD (8 % du PIB), mais pourrait être contrebalancé par la réduction du programme de supplément de revenu garanti pour les plus âgés, qui coûtera bientôt 20 milliards CAD par an.
L'hypothèse, selon laquelle l’élévation des individus se trouvant juste en deçà du seuil de pauvreté pour les porter au-dessus de ce seuil, améliorerait automatiquement leur bien-être a été mise en doute par Kumar et al. (2017), qui se sont appuyés sur l’approche « Minimum Income for Healthy Living » (un revenu minimum pour une vie saine) mise au point au Royaume-Uni. Pour mener une vie digne (dans la « prospérité »), les individus ont besoin de beaucoup plus que de pouvoir satisfaire leurs besoins essentiels. Pour un habitant de Toronto célibataire non âgé, cela pourrait coûter entre 46 000 et 55 000 CAD par an, soit environ le double de la mesure du panier de consommation.
Quelques solutions moins coûteuses pour lutter contre la pauvreté
La solution la moins coûteuse au problème de la pauvreté est d'utiliser le système de prélèvements et de prestations pour accroître de façon ciblée les revenus des individus. De nombreux observateurs estiment qu’il n’est pas nécessaire, pour lutter contre la pauvreté, de mettre en place un programme dispendieux de revenu minimum universel ou de transfert comparable, mais qu'une réforme bien conçue de la fiscalité et de l'aide sociale pourrait suffire. Tous les Canadiens auraient pu, en principe, sortir en 2018 du seuil de pauvreté (tel que défini par la mesure du panier de consommation) avec des aides supplémentaires de seulement 18.5 milliards CAD (Hillel, 2020, p. 26). Trois propositions sont décrites en détail dans l’Encadré 2.5. En effet, dans une étude complète très récente des approches possibles pour traiter le problème de la pauvreté en Colombie-Britannique, Green et al. (2020) ont estimé qu'un programme de revenu minimum n'était pas la stratégie la plus efficace pour parvenir à réduire la pauvreté dans le but d'aller vers une société plus juste, estimant qu'une telle stratégie est trop individualiste et qu'elle présente des insuffisances en termes d'esprit collectif, d'interactions sociales, de réciprocité et de dignité.
Encadré 2.5. Trois pistes pour résoudre le problème de la pauvreté en réformant le système de prélèvements et de prestations
Certains chercheurs ont imaginé d'hypothétiques réformes dans lesquelles un revenu minimum garanti est financé par des réductions des dépenses fiscales et autres prestations accordées, sans envisager de lier les prestations à des mesures d'activation. Wolfson (2018) a ainsi proposé un « revenu garanti/impôt simplifié » en vertu duquel chaque adulte et chaque enfant percevraient respectivement 8 000 et 5 000 CAD par an, avec un taux d'imposition marginal de 38 % pour un revenu annuel s'élevant jusqu'à 125 000 CAD, et de 50.2 % au-delà. Le financement serait assuré intégralement par la suppression des exemptions personnelles de base de l'impôt et de l'ensemble des crédits d'impôt remboursables, par le plafonnement à 10 000 CAD par an des avantages fiscaux appliqués aux plans d'épargne-retraite, et par l'imposition en intégralité des plus-values.
Dans le même esprit, Stevens et Simpson (2017) ont calculé, en utilisant des données de 2015, que la suppression de la déduction fiscale de base et de cinq autres crédits d'impôt pourrait permettre d'accorder un crédit d'impôt remboursable de 6 657 CAD par adulte (plus 1 500 CAD pour les personnes handicapées et 750 CAD pour les proches aidants) avec un taux de récupération de seulement 15 %. La duplication du dispositif dans les provinces permettrait des versements allant de 8 777 CAD par personne en Colombie-Britannique à 13 973 CAD au Québec. Cela représenterait toutefois un coût budgétaire net de 8.1 milliards CAD (environ 10 % des sommes déboursées) du fait du manque à gagner total de 1.8 % résultant des effets de contre-incitation à travailler. La pauvreté (mesurée par le seuil de faible revenu) serait ainsi éradiquée, hormis pour 19 % des personnes seules non âgées et 1.8 % des couples sans enfant non âgés ; le taux global de pauvreté passerait donc de 12.0 % à 5.2 %.
La troisième et dernière piste, envisagée par Boadway et al. (2016), préconise l'abandon de tous les crédits d'impôt et l’application d'un taux de récupération de 30 % ; cela permettrait des versements annuels de 20 000 CAD par adulte sur la base d'un barème équivalent, un pourcentage de manque à gagner légèrement plus élevé (2.2 %) et une baisse de la pauvreté plus importante (à 3.2 %) que la proposition de Stevens et Simpson.
Certains observateurs estiment que les nouvelles prestations allouées dans le contexte de la pandémie peuvent être transformées en revenu minimum garanti. Le 27 septembre 2020, le gouvernement fédéral a décidé de remplacer la prestation canadienne d’urgence (PCU) par la prestation canadienne de relance économique (PCRE) pour les personnes qui ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi (notamment les indépendants), qui ont vu leur revenu diminuer d'au moins 50 % à cause de la pandémie et cherchent du travail, une situation qui va générer des difficultés en termes de gestion et de mise en application (Boadway, 2020). La PCRE, d'un montant fixe de 500 CAD par semaine (450 CAD après la retenue d’impôt à la source), sera versée pendant un maximum de 26 semaines sur 12 mois, ce qui ne produira qu'une faible baisse de revenu pour les personnes qui occupaient un emploi à temps plein au salaire minimum. Cette prestation est plus avantageuse pour ses bénéficiaires (qui peuvent toucher jusqu'à 38 000 CAD par an) que la prestation canadienne d'urgence (PCU) ou l’assurance-emploi, avant qu’elle ne soit récupérée par le truchement du régime fiscal (à raison de 50 %, ce qui signifie que sa récupération n’est totale que pour les personnes dont le revenu annuel est supérieur à 64 000 CAD). Elle ressemble en ce sens au revenu minimum tout en étant moins coûteuse car elle exclut les personnes qui ne travaillaient pas du tout et celles dont le revenu était inférieur à 5 000 CAD en 2019 ou 2020 : elle est donc bien, pour cette raison, un « revenu minimum ». Cette disposition présente cependant des effets néfastes au regard de l'incitation au travail : le taux d'imposition au-delà du seuil de revenu est en fait très élevé car un impôt sur le revenu s'ajoute au taux de récupération ; selon certaines estimations, on aboutit à un taux marginal d’environ 80 % (Boadway et al., 2020). La prestation canadienne de la relance économique aura une durée de validité d'un an et représente une enveloppe budgétaire de 9.7 milliards CAD. Parallèlement, le gouvernement fédéral a fixé un seuil pour les prestations de l’assurance-emploi (qui compensent 55 % du salaire) – à 500 CAD par semaine – et a réduit temporairement à 120 le nombre d’heures assurables nécessaires pour être admissible aux prestations régulières ; il a également créé une aide supplémentaire pour les malades du COVID-19 et les proches aidants. Au total, ces nouvelles dispositions devraient coûter 33 milliards CAD sur deux ans. La PCRE n’a pas encore été intégrée aux autres mesures de dépenses sociales, ce qui entraînera sans nul doute des gaspillages.
En conclusion, les autorités canadiennes semblent avoir fait beaucoup de chemin depuis le début de la pandémie en acceptant l’idée d'accroître les aides financières pour les personnes pauvres et en situation de précarité. C’est un objectif louable, qui pourrait être atteint à moindre coût en renforçant les dispositifs d’aide sociale existants ou en engageant une réforme fiscale bien conçue.
Les défis de l’accessibilité financière du logement et du sans-abrisme
Le problème de l’accessibilité financière est très répandu et touche principalement les populations à faible revenu
Le logement est évidemment un facteur influant directement sur le bien-être général des individus et de la société (OCDE, 2019, p. 56), ainsi qu'un rempart en termes de santé publique. Il figure, sous une forme ou une autre, dans la quasi-totalité des grands indices composites et des tableaux de bord du bien-être, au Canada et ailleurs. Les Canadiens sont très largement satisfaits de leur logement : dans une enquête réalisée par Statistique Canada (2019) en 2018-19 auprès de 65 000 foyers canadiens, 82.6 % des répondants ont indiqué être satisfaits ou très satisfaits de leur logement, et 85.6 % ont dit de même de leur voisinage. L’efficacité énergétique a été citée comme la caractéristique la moins satisfaisante (62 %) (Fonberg et Schellenberg, 2019). L’accessibilité financière était également considérée comme problématique, 30 % des répondants se disant peu satisfaits, avec en tête les habitants de Toronto pour les locataires (48 %) et ceux de Vancouver pour les propriétaires (58 %). Les propriétaires de leur logement semblent avoir un niveau de satisfaction plus élevé que les locataires (Hardoon, 2020 ; Shi et al., 2019 ; Lemyre et al., 2018), en particulier lorsqu’ils n’ont pas de crédit hypothécaire (Fonberg et Schellenberg, 2019). Ce niveau de satisfaction a une incidence sur la santé, les personnes qui ont des difficultés à régler leurs dépenses de logement ayant tendance à donner plus souvent une mauvaise auto-évaluation de leur santé (Pollack et al., 2010). Une exception notable à la prédominance d'un haut niveau de satisfaction est le Nord, où le besoin de logements plus nombreux et de meilleure qualité est chronique, le problème de l’accessibilité financière généralisé, et le taux d’accession à la propriété plus faible qu’ailleurs (Société canadienne d'hypothèques et de logement, 2020).
Les principaux défis du Canada concernant l’inclusivité sociale en matière de logement sont : d'une part, la faible accessibilité financière, surtout chez les populations à bas revenu et dans les grandes villes, notamment à Vancouver et Toronto (Graphique 2.11, partie A) ; d'autre part, le sans-abrisme chez les populations à risque qui cumulent la pauvreté économique, des affections physiques et mentales, des addictions et des problèmes de discrimination. Outre l’inclusivité, les marchés du logement doivent dans l’idéal satisfaire à des critères d’efficience et de durabilité environnementale (OCDE, 2020a). De manière générale, le marché du logement canadien répond de façon satisfaisante au premier critère, mais moins au second.
Le prix des logements au Canada n’a pas connu de baisse significative au niveau national depuis très longtemps, même si certains marchés régionaux ont connu quelques fléchissements (par exemple dans l’Alberta depuis la chute du cours du pétrole en 2014). De nombreux observateurs s’attendaient à un recul des prix pendant la pandémie, mais c’est l’exact contraire qui s’est produit, avec une forte hausse des prix des maisons individuelles sur de nombreux marchés locaux, en dépit d'une offre extrêmement vigoureuse. La part des dépenses moyennes des ménages consacrées à leur habitation est passée de 21.0 % de la consommation totale en 2010 à 22.5 % en 2017, une tendance qui est courante dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2020a, graphique 1.4). En 2016, il fallait environ 10 ans de revenu disponible à un ménage moyen pour acheter un logement standard de 100 m², alors qu'il en fallait seulement 7 environ en 2000 (op. cit., graphique 3.1). À ce stade, les dépenses liées au logement par quintile de revenu après impôt varient de 34.8 % pour les plus pauvres à 27.4 % pour les plus riches ; on note un écart de 7.4 points de pourcentage, contre seulement 2.1 points pour les dépenses alimentaires. De toute évidence, même si les faibles taux des prêts hypothécaires ont facilité le remboursement des mensualités service de la dette pour la plupart des propriétaires de logements, l’accessibilité financière des logements a empiré pour les Canadiens les plus pauvres, dont le revenu n’a pas augmenté aussi vite que les prix de l’immobilier suite à la baisse des taux d’intérêt.
La forte poussée prolongée du prix des logements entraîne également des inégalités entre les générations : les jeunes générations ont dû retarder leur installation hors du domicile parental (ce qui signifie qu'un nombre plus réduit de ménages se sont formés ; Leon et Iveniuk, 2020) et/ou ont conservé le statut de locataires plus longtemps que les cohortes précédentes afin de se constituer une épargne suffisante pour disposer d'un apport personnel qui, en 2018, équivalait à presque huit mois de salaire pour un primo-accédant au revenu médian à Vancouver (Ministère des Finances du Canada, 2018). On note également une tendance sensible des 20-34 ans à s’installer non pas en maison individuelle mais en appartement. Un constat plus que manifeste est l’augmentation continue du niveau d’endettement global des ménages (Graphique 2.12), qui apparaît comme l’un des rares points noirs du Canada dans l’Indicateur du vivre mieux de l’OCDE (OCDE, 2020f). Si les situations d'insolvabilité ont chuté durant la pandémie, il faut s'attendre à une nette inversion de tendance lorsque les aides gouvernementales prendront fin (Cision, 2020). Le fait de compléter les mesures de soutien gouvernementales par des services gratuits de conseil en matière financière serait assurément très bénéfique, même si les jeunes Canadiens obtiennent d’excellents résultats en matière de littératie financière dans le programme PISA de l’OCDE (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), de même que les adultes dans d'autres contextes (Klapper et al., 2015).
Les Canadiens consacrent en moyenne 24 % de leurs dépenses de consommation finale au logement (ce qui inclut la consommation d’eau et d'électricité, et le chauffage), soit presque deux points de pourcentage de plus que la moyenne OCDE, mais près de cinq points moins que les Finlandais (qui arrivent en tête de classement). Il en est de même s'agissant des loyers imputés pour les propriétaires. Une étude a montré que la situation était particulièrement grave en Nouvelle-Écosse, où les ménages consacraient en moyenne 47 % de leur revenu net au logement en 2014, soit quelque 10 points de plus qu'il y a plus de 20 ans, et 8 de plus que la moyenne canadienne (Engage Nova Scotia and the Canadian Index of Wellbeing, 2018). D'un autre côté, les Canadiens jouissent d'un espace de vie beaucoup plus vaste que la plupart des habitants des pays de l’OCDE : le Canada arrive en tête du classement de l’OCDE pour ce qui est du nombre de pièces par personne (OCDE, 2020f), et le taux de surpeuplement des logements chez les ménages à bas revenu était de seulement 1.1 % en 2018, contre une moyenne OCDE de 16.2 %. Un aspect très important est le nombre de personnes qui n'ont pas les moyens de vivre dans un logement petit mais décent, ainsi que celui des ménages à bas revenu occupant des logements mal entretenus, ce qui se traduit par des besoins non satisfaits de travaux importants (6.5 % de l’ensemble des ménages privés vivaient dans des logements de ce type en 2016 : 5.6 % des propriétaires et 8.0 % des locataires).
Au Canada, le taux d'accession à la propriété est de 68.5 %, soit légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (67.8 %), mais la proportion de propriétaires sans crédit hypothécaire y est beaucoup plus faible. En revanche, l'accession à la propriété y est beaucoup plus liée au niveau de revenu que dans la plupart des autres pays membres : en 2016, quelque 90 % des ménages du quintile de revenu supérieur étaient des propriétaires, contre moins de 30 % de ceux du quintile inférieur (Graphique 2.13).
Le niveau élevé des dépenses de logement est surtout problématique pour les ménages à bas revenu. Ce que l'on appelle le « taux de surcharge des coûts du logement » – c’est-à-dire le pourcentage de ménages consacrant plus de 40 % de leur revenu brut aux dépenses de logement – était au Canada de 34.7 % chez les locataires en 2016, soit juste au-dessus de la moyenne de l’OCDE ; en revanche, pour les propriétaires à faible revenu ayant souscrit un prêt hypothécaire, il était de 39 %, soit nettement supérieur aux 25.4 % de la moyenne OCDE. Les Canadiens jugent un logement abordable lorsqu’il absorbe moins de 30 % de leur revenu brut et, pour ceux ayant « des besoins impérieux (ou sérieux) en matière de logement », lorsqu'il en absorbe plus de 30 % (50 %). Dans un nombre limité de cas extrêmes (8.1 % de l’ensemble des locataires), les dépenses de logement représentent plus de 80 % du revenu (Rech, 2019). Le problème réside cependant dans la distribution : sur l’ensemble des propriétaires et des locataires du marché privé, la part de ceux ayant « des besoins impérieux (et sérieux) en matière de logement » est, respectivement, de seulement 5.2 % et 15.3 % (soit moins, par exemple, que les valeurs correspondantes aux États-Unis, à savoir 6.5 % et 19.7 %). Comme l'on peut s'y attendre, l’accessibilité financière est particulièrement problématique à Vancouver et Toronto, qui arrivent à la deuxième et la sixième place du classement des 92 marchés les moins abordables des pays couverts par Demographia (2020), en divisant les prix médians des logements par le revenu brut médian des ménages avant impôt (respectivement 11.2 et 8.6). Depuis une dizaine d'années, cette pression à la hausse sur les prix des logements s’est étendue aux localités de Colombie-Britannique et du sud de l’Ontario situées à proximité.
Le pourcentage de locataires sur le marché privé est supérieur à la moyenne de l’OCDE car les logements sociaux (qui appartiennent à l’État et sont les premiers types de logements abordables) représentent aujourd'hui moins de 4 % du parc total (environ la moitié moins que la moyenne OCDE,Graphique 2.14) ; construits en majorité dans les années 1960 et 1970, ces logements atteignent aujourd'hui la fin de leur vie utile (en l’absence de rénovation). Dans la mesure où le logement social favorise la modération des loyers sur le marché privé, la contraction de son offre a également été une aubaine pour les propriétaires privés. Les dépenses réelles engagées par les pouvoirs publics pour lutter contre la précarité liée au logement ont déjà commencé à diminuer au milieu des années 1980. En fait, le gouvernement fédéral a cessé de soutenir l'accessibilité financière des logements au début des années 1990. En 1996, il n'y avait presque plus de nouvelles constructions de logements sociaux. La pénurie de logements sociaux et abordables est toujours d’actualité. Bien que 629 000 ménages aient indiqué fin 2018 qu'ils vivaient dans des logements sociaux/abordables, ils étaient 284 000 à avoir au moins un de leurs membres en liste d'attente (même si environ un cinquième de ces ménages occupaient déjà un logement subventionné), dont 61 % depuis deux ans ou plus (Statistique Canada, 2019). Un pourcentage disproportionné des gens en liste d'attente se trouvent dans l’Ontario (3.4 % de la population de la province), en particulier à Toronto (Bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario, 2017). Dans cette province, sur 285 000 logements locatifs proposés à un prix inférieur à celui du marché, seuls 20 000 ont été construits après 1996, contre 1.36 million d'autres logements.
Mise en œuvre par le gouvernement fédéral d'une Stratégie nationale sur le logement
En 2017, le gouvernement fédéral nouvellement élu a élaboré la première Stratégie nationale sur le logement (chezsoidabord.ca). Ce plan décennal – doté initialement de 40 milliards CAD (en moyenne 0.2 % du PIB actuel), depuis réévalué à plus de 55 milliards dans les budgets 2018 et 2019) – a pour but d'aider quelque 530 000 ménages sur 1.7 million dont il a été estimé en 2016 qu’ils avaient des besoins impérieux en matière de logement, et de réduire le sans-abrisme chronique de moitié à l'horizon 2027-2028. S'appuyant sur une enveloppe fédérale supplémentaire de 16.1 milliards CAD, sur les budgets fédéraux préexistants et sur des fonds similaires provenant des provinces et des territoires, ce plan financera : 1) la construction d'un maximum de 125 000 logements neufs (plus de quatre fois plus que pendant la décennie 2005-2015) ; 2) la réparation et la rénovation de 300 000 logements (trois fois plus que pendant la précédente décennie) en effectuant les travaux qui avaient été reportés et en améliorant l’efficacité énergétique ; 3) des mesures d'aide au logement gérées par les peuples autochtones, d'un montant de 1.74 milliard CAD ; 4) à partir d’avril 2020, le versement direct d'une nouvelle allocation canadienne pour le logement à quelque 300 000 ménages dans le besoin, pour une moyenne de 2 500 CAD par an d'ici la fin de la décennie. Les allocations logement évitent les contre-incitations à la mobilité et sont sans doute plus équitables que la fourniture d'un logement abordable, mais elles risquent aussi d'avoir pour effet pervers de pousser le prix des locations vers le haut (Salvi del Pero et al., 2016). En 2020, le gouvernement fédéral a lancé l’Initiative pour la création rapide de logements (ICRL) qui, dotée de 1 milliard CAD, prévoit la construction rapide de pas moins de 3 000 logements abordables permanents.
Les solutions possibles pour améliorer l’accessibilité financière du logement
L’augmentation de l'offre de logements permettrait d'améliorer l’accessibilité financière de ce poste de dépense. Si l’élasticité de l’offre de logements sur le long terme semble être très variable selon les régions du Canada (de moins de 0.5 à Toronto et Vancouver à environ 2.0 à Edmonton) en raison des différentes contraintes géographiques et réglementations (Société canadienne d'hypothèques et de logement, 2018), sa valeur moyenne à l’échelle nationale se situe dans la moyenne des normes de l’OCDE (Cavalleri et al., 2019). On aurait pu s'attendre à ce qu’elle soit plus élevée du fait du vaste territoire disponible (même si la majorité de la population vit dans une étroite bande de terre à proximité de la frontière avec les États-Unis). Le fait d'accroître cette élasticité allégerait la charge financière liée au logement (Cavalleri et al., 2019). Des pistes pour y parvenir au Canada seraient d’améliorer la compétitivité du secteur de la construction, de réduire l’encadrement des loyers et d'assouplir les réglementations de zonage et d’occupation des sols ainsi que les politiques de limitation de l’étalement des villes, qui ont pour effets d’accroître la valeur des terrains, de générer un plus vaste étalement urbain et de ralentir la croissance au niveau local (Demographia, 2020 ; Green et al., 2016). Ayant pris conscience de l’importance d'une offre plus large de logements, les autorités ont annoncé en août 2020 la création du Défi d'offre de logement, une initiative sur cinq ans dotée de 300 millions CAD et composée de plusieurs cycles. Le premier (gratifié de 25 millions CAD) est fondé sur les données, tandis que les suivants porteront sur d'autres aspects de l’offre (dont le logement dans le Nord).
Les facteurs influant sur la demande peuvent aussi jouer un rôle majeur en poussant le prix des logements à la hausse et en exacerbant les problèmes d'accessibilité financière (Gordon, 2020a). La baisse des taux d'intérêt (réels) des prêts hypothécaires a été le premier facteur d'augmentation de la demande et d'amélioration de l’accessibilité financière des logements pour les acheteurs. Les considérations fiscales sont également importantes. Même si les allègements fiscaux consentis aux propriétaires sont comparativement faibles et si le taux d'imposition des biens immobiliers à usage résidentiel est élevé, le régime fiscal est loin d’avoir une neutralité entre les propriétaires et les locataires. Les impôts sur la propriété immobilière pourraient sans doute être plus progressifs, et une taxation pour la récupération des plus-values et des plus-values foncières – du fait de l’infrastructure fournie par les pouvoirs publics – pourrait être mise en place, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande. Gordon (2020b) soutient que les non-résidents, venant principalement de Chine, jouissent d'un avantage fiscal par rapport aux citoyens payant l'impôt sur le revenu au Canada lorsqu'ils utilisent leurs richesses cumulées pour acquérir des biens dans le pays ; il montre aussi que le pourcentage des acquisitions réalisées par les non-résidents influe pour une part importante sur les ratios prix des logements/revenu à Vancouver et Toronto. L'une des solutions possibles est de taxer les acquisitions étrangères, comme l'ont fait la Colombie-Britannique et l’Ontario (même si ces impôts peuvent être contournés en recourant à des acheteurs fictifs non imposables, ou à des montages impliquant des sociétés-écrans). Une autre consiste à taxer les spéculateurs étrangers qui laissent leurs biens immobiliers vacants, comme a commencé à le faire la Colombie-Britannique fin 2018 en instaurant une taxe spéciale (« Speculation and Vacancy Tax ») (Gordon, 2020b). Ces politiques semblent avoir eu un succès limité, même s'il est difficile de déterminer les effets des actions menées par les autorités chinoises pour dissuader ces fuites de capitaux afin d'éviter les prises de risques excessives. Enfin, sur le principe, les non-résidents pourraient se voir appliquer un taux de pénalité sur l’impôt foncier prélevé localement.
Les politiques pourraient aussi mettre davantage l’accent sur le maintien de loyers abordables. À cette fin, le gouvernement fédéral a récemment annoncé son intention de doter l’initiative existante de financement de la construction de logements locatifs de 12 milliards CAD sur sept ans. Cette initiative permet à la Société canadienne d'hypothèques et de logement de consentir des prêts à faible taux d’intérêt et une assurance prêt hypothécaire pour les promoteurs de logements locatifs. Les fonds supplémentaires qui lui sont affectés devraient permettre la construction de 28 500 logements. Certains réclament une augmentation sensible des 13.2 milliards CAD versés au Fonds national de co-investissement pour le logement (Campaign 2000 - End Child and Family Poverty, 2020 ; CCPA, 2020) qui finance de nouvelles constructions ainsi que la rénovation de logements existants à condition que les demandeurs maintiennent les loyers d'au moins 30 % des logements en question à moins de 80 % du niveau médian du marché locatif local pendant une durée de 20 ans. Un autre axe d'action pourrait consister à augmenter davantage l’allocation canadienne pour le logement (CCPA, 2020) ; l’inconvénient est qu’une partie de son montant se retrouvera dans les loyers et bénéficiera donc aux propriétaires, en particulier sur les marchés locaux tendus où l’offre de logements n’est pas élastique. Les pouvoirs publics pourraient aussi, lors de la cession de terrains excédentaires, accorder la priorité à l’offre de logements sociaux et abordables, comme cela a déjà été amorcé à petite échelle avec l’Initiative des terrains fédéraux, qui a été mise en œuvre en 2019 via cinq opérations de cession conduites dans quatre villes.
Certaines des caractéristiques du dispositif d’offre de logements abordables de l’Ontario doivent être remises à plat. Premièrement, les bailleurs municipaux devraient exiger que les personnes qui ne remplissent plus les conditions d'admissibilité quittent les logements en question – comme le font les quatre provinces de l’Ouest –, même s’il existe des façons détournées d'inciter les locataires les plus aisés à s’en aller (OCDE, 2020k). Deuxièmement, les bailleurs devraient avoir pour consigne d'accorder plus généralement la priorité aux personnes qui ont le plus besoin d'un logement, et pas seulement aux victimes de violences familiales. Tous les bailleurs devraient procéder à un contrôle de patrimoine afin d’évincer les candidats possédant plus d'un million de dollars d'actifs. Troisièmement, la province devrait étudier des procédés pour éviter l’apparent engrenage de la pauvreté qui décourage les candidats de trouver un emploi de peur de perdre leurs droits à ce type de logement et de se retrouver dans une situation encore pire.
Les formes innovantes de logement – et leur financement – devraient être encouragées et pilotées de façon à accélérer la transition hors du modèle idéalisé de la maison individuelle, dont la prédominance a conduit à un usage excessif de la voiture, avec ses externalités coûteuses en termes de congestion, de pollution de l’air et d’émissions de carbone. Il faudrait également modifier l’aménagement urbain en augmentant la densité des zones urbaines, ce qui nécessiterait des investissements accrus dans les transports publics. Par ailleurs, l’accent pourrait être mis davantage sur les formules de « colocation » pour les ménages d'une personne (avec de petites chambres à coucher privatives et de grands espaces de vie commune), ainsi que sur les associations de différents types de publics (par exemple en faisant cohabiter des personnes âgées avec des étudiants ou des enfants, comme l'a fait le Japon avec ses yoro shisetsu) (OCDE, 2020l). Les espaces de bureau inoccupés à cause de l’intensification du télétravail ainsi que les hôtels et motels ayant fait faillite sous l’effet de la crise économique actuelle pourraient être transformés en logements abordables. Un nombre accru de logements modulaires bon marché pourraient en outre être construits. Une aide financière plus importante, sous forme de capital de départ (Hunsley, 2020), pourrait être fournie aux coopératives ou fiducies de logement (également appelées associations du logement), qui comptent actuellement quelque 93 000 ménages soit environ 250 000 personnes. Ces coopératives jouent un rôle majeur sur le marché du logement en Allemagne, en Australie, en Autriche, au Danemark, aux Pays-Bas et en Suède (OCDE, 2020a, encadrés 8.3 et 10.1 ; Caturianas et al., 2020, tableaux 3 et 6) et ont été estimées en 2003 comme étant 14 % plus rentables que d'autres formes de logements à plusieurs unités (Bureau de la vérificatrice générale de l'Ontario, 2017). De même, le programme Incitatif à l’achat d’une première propriété pourrait être élargi (Temkin et al., 2011) ; ce prêt hypothécaire avec participation des pouvoirs publics permet aux acheteurs de s'endetter moins et de partager le risque lié au marché à hauteur de l’Incitatif (mise de fonds) perçu. L’expérience menée aux États-Unis montre qu'il est également efficace au regard des défauts de remboursement de prêts (Theodos et al., 2019). À ce stade, son taux d'adoption est faible.
Le sans-abrisme est un problème chronique qui coûte cher en termes de bien-être
Selon les observateurs, le problème du sans-abrisme (ou itinérance) au Canada a l’apparence d'une crise qui dure maintenant depuis au moins dix ans (Gaetz, 2010). Le sans-abrisme primaire désigne les personnes dormant dans la rue ou dans des refuges d’urgence. Toutefois, le sans-abrisme inclut aussi d'autres situations précaires, comme par exemple les personnes qui sont hébergées provisoirement chez des amis ou des proches, souvent appelées les « itinérants cachés » (OCDE, 2020j). Certaines personnes vivent dans l’itinérance pendant une longue période, d'autres de façon temporaire. Un grand nombre d’entre elles ont un emploi, mais leur salaire est si bas qu’il ne suffit pas pour faire face à la hausse du prix de la nourriture et du logement. Selon les parties prenantes, la cause de l’itinérance pour 85 % des personnes concernées est le manque de moyens financiers (Emploi et Développement social Canada, 2018b). L'augmentation du nombre de sans-abris est due à des facteurs structurels (marché du logement tendu, gentrification, entrée sur le marché d'investisseurs, évolutions du marché de l’emploi et réduction du filet de sécurité sociale) ou à des dysfonctionnements institutionnels et systémiques (pour les personnes sortant du dispositif de placement en foyers, de la prison, de l'armée ou de l’hôpital – y compris psychiatrique), souvent combinés à des situations personnelles. Les personnes vivant dans le sans-abrisme ont clairement connu une aggravation de leur dénuement durant l'actuelle pandémie (CCPA, 2020) – qui a mis en lumière les lacunes du filet de sécurité sociale canadien –, compte tenu de la difficulté à maintenir une distanciation sociale du fait qu'ils ne disposent pas d'un hébergement stable et de l’isolement dans lequel ils vivent. L'itinérance commence souvent par une expulsion. Les données de l’OCDE montrent que le taux d’expulsions dans l’Ontario est très élevé, en deuxième place derrière les États-Unis. Dans une récente publication, Leon et Iveniuk (2020) ont examiné les demandes d’expulsions aux quartiers de Toronto ; leur conclusion est qu’elles ont un lien avec le taux de pauvreté local, le pourcentage de ménages noirs et le nombre de logements subventionnés (en proportion inverse).
Les Canadiens en situation d’itinérance chronique vivent jusqu'à 25 ans de moins que les autres (en France, l’écart peut aller jusqu'à 35 ans) et, bien que les causes soient difficiles à déterminer, sont exposés à de plus grands risques de maladie mentale (un tiers des sans-abris en sont atteints, en particulier les femmes ; Rech, 2019), d'insécurité alimentaire (Fafard St. Germain et Tarasuk, 2020), d'addictions et de maladies sexuellement transmissibles. L'itinérance aggrave aussi les autres maux de la société tels que les violences familiales et le chômage (Laird, 2007 ; OCDE, 2020j). Son coût budgétaire, même en l’absence d'action publique véritable, est élevé : les personnes en situation de sans-abrisme ont besoin de conseils et de soins médicaux/hospitaliers, et occasionnent parfois des dépenses judiciaires supplémentaires. Ces coûts ont été estimés à 55 000 CAD par personne et par an. En vérité, chaque dollar dépensé pour fournir une aide et un logement abordable à un sans-abri chronique permettrait aux pouvoirs publics d'économiser 2.20 CAD en dépenses de santé, de services sociaux et de justice (Gaetz et al., 2014).
Quelle est l’ampleur de l’itinérance au Canada ? La crise du COVID-19 a eu un impact profond sur le phénomène de l’itinérance. Pendant la pandémie, l’aide gouvernementale a évité qu'un grand nombre des plus démunis ne perdent leur logement, et le nombre d’expulsions a été limité ; il n’existe toutefois pas encore de preuves de l’augmentation de la prévalence du sans-abrisme, hormis les campements visibles dans des villes comme Victoria, Toronto et Edmonton. Les chiffres les plus récents (datant du dénombrement ponctuel coordonné à l’échelle nationale de mars-avril 2018) montrent que sur 61 localités, quelque 32 000 personnes sont en situation d’itinérance en une seule nuit, dont 65 % vivent en refuge, 21 % occupent un logement de transition et 14 % dorment dans la rue (Emploi et Développement social Canada, 2019a). En 2016, 129 127 personnes (soit 0.36 % de la population) ont utilisé les quelque 400 refuges d'urgence du pays, dont des victimes de violences familiales et sexistes. Cela représente un léger recul par rapport aux 156 000 de 2005 et aux 142 000 de 2010.). Du fait d'un certain nombre de problèmes de mesure, ces chiffres sont difficiles à comparer à l'échelle internationale (Tableau 2.5).
L’Alberta est la province ayant enregistré au fil du temps la plus forte baisse grâce à ses politiques publiques – une stratégie à long terme incluant une volonté politique à plusieurs niveaux de mettre fin au sans-abrisme, ainsi qu’une gestion commune et collaborative des actions publiques et des services –, imitant ainsi la Finlande où l’itinérance a fortement chuté au cours de la dernière décennie, ainsi que seulement trois autres pays de l’UE (Baptista et Marlier, 2019). L’itinérance a également diminué chez les jeunes, mais elle augmente au contraire chez les seniors (Emploi et Développement social Canada, 2019b). Les tendances ont été disparates : comme indiqué précédemment, plusieurs villes de l’Alberta ont réussi à réduire fortement le nombre de sans-abris en adoptant des approches innovantes, coordonnées et collaboratives ; à Toronto, en revanche, la situation s’est sérieusement dégradée, car les efforts déployés par la ville n’ont pas permis de mettre en place un système inclusif ouvert à la société civile (Doberstein, 2016), et la municipalité a réduit ses services d’intervention de crise. À l’échelle nationale, quelque 70 % des sans-abris fréquentant les refuges sont des hommes, 31 % des membres des peuples autochtones (un taux nettement supérieur à leur part dans la population de 4.9 %), 17 % sont des jeunes et 6 % des immigrants/réfugiés (Baker, 2019). En outre, quelque 20 % vivent dans le sans-abrisme chronique (c'est-à-dire que ces personnes ont été sans abri pendant au moins six mois au cours de l'année passée ou ont connu des épisodes répétés de sans-abrisme au cours des trois dernières années, dont la durée cumulée est d'au moins 18 mois). La durée de séjour dans les refuges s'est allongée ces dernières années. Par conséquent, bien que les valeurs totales soient en baisse, le taux d’occupation de nuit des quelque 15 000 lits des refuges d’urgence se maintient à plus de 90 % (Emploi et Développement social Canada, 2019b).
Les politiques de lutte contre le sans-abrisme
En principe, les politiques de lutte contre le sans-abrisme sont soit des mesures préventives, des actions d’urgence ou des procédés visant à encourager les individus à accéder à un type de logement acceptable et durable (OCDE, 2020j). Ces trois formes d'action constituent une stratégie optimale, mais de nombreux pays – dont le Canada – ont pendant longtemps mis excessivement l’accent sur le volet de l’urgence (ce que certains ont appelé « la gestion de crise » ; Gaetz, 2010). Bien que la fourniture des services sociaux et de bien-être relève de la responsabilité des provinces et des territoires, le gouvernement fédéral a beaucoup investi pour soutenir ceux qui viennent en aide aux sans-abris – notamment par l'intermédiaire de Vers un chez soi ; la stratégie canadienne de lutte contre l'itinérance (voir ci-dessous) –, principalement en leur fournissant des soins médicaux et d'autres services de proximité (Doberstein et Smith, 2016 ; Gaetz, 2010). En moyenne, pour chaque dollar dépensé par le gouvernement fédéral en 2015-16, environ 13 CAD étaient consacrés au programme fédéral de lutte contre le sans-abrisme dans les collectivités (Emploi et Développement social Canada, 2018a).
Tableau 2.5. Le sans-abrisme à l'échelle internationale
|
Année |
Nombre de sans-abris1 |
Nombre de sans-abris en % de la population totale2 |
Les chiffres incluent-ils des personnes autres que celles dormant dans la rue, des refuges d’urgence et des logements pour les sans-abris ? |
---|---|---|---|---|
Australie |
2016 |
116 427 |
0.48 % |
Oui |
Autriche |
2017 |
21 567 |
0.25 % |
Non |
Brésil |
2015 |
101 854 |
0.05 % |
Non précisé |
Canada3 |
2016 |
129 127 |
0.36 % |
Non |
Canada3 |
2018 |
32 000 |
0.09 % |
Oui |
Chili |
2019 |
14 013 |
0.07 % |
Non |
Croatie |
2013 |
462 |
0.01 % |
Non |
République tchèque |
2019 |
23 900 |
0.22 % |
Oui |
Danemark |
2019 |
6 431 |
0.11 % |
Oui |
Estonie |
2011 |
864 |
0.06 % |
Oui |
Finlande |
2018 |
5482 |
0.10 % |
Oui |
France |
2012 |
141 500 |
0.22 % |
Non |
Allemagne |
2018 |
337 000 |
0.41 % |
Oui |
Grèce |
2009 |
21 216 |
0.19 % |
Oui |
Hongrie |
2014 |
10 068 |
0.10 % |
Non |
Islande |
2017 |
349 |
0.10 % |
Oui |
Irlande |
2018 |
6194 |
0.13 % |
Non |
Israël |
2018 |
1825 |
0.02 % |
Non |
Italie |
2014 |
50 724 |
0.08 % |
Non |
Japon |
2019 |
4555 |
0.00 % |
Non |
Lettonie |
2017 |
6877 |
0.35 % |
Oui |
Lituanie |
2011 |
857 |
0.03 % |
Non |
Luxembourg |
2014 |
2059 |
0.37 % |
Oui |
Mexique |
2010 |
40 911 |
0.04 % |
Oui |
Pays-Bas |
2016 |
30 500 |
0.18 % |
Oui |
Nouvelle-Zélande |
2013 |
41 207 |
0.94 % |
Oui |
Norvège |
2016 |
3909 |
0.07 % |
Oui |
Pologne |
2019 |
30 330 |
0.08 % |
Oui |
Portugal |
2017 |
4414 |
0.04 % |
Non |
Slovénie |
2015 |
2700 |
0.13 % |
Non |
République slovaque |
2011 |
23 483 |
0.44 % |
Oui |
Espagne |
2012 |
22 938 |
0.05 % |
Non |
Suède |
2017 |
33 250 |
0.33 % |
Oui |
États-Unis |
2018 |
552 830 |
0.17 % |
Oui |
R-U : Angleterre |
2017 |
(57 890 ménages) |
(0.26 % des ménages) |
Oui, mais uniquement certaines catégories prioritaires. |
R-U : Irlande du Nord |
2018 |
(9 673 ménages) |
(1.23 % des ménages) |
Oui, mais uniquement certaines catégories prioritaires ; incluent les personnes risquant de se retrouver sans abri. |
R-U : Pays de Galles |
2018 |
(10 737 ménages) |
(0.80 % des ménages) |
Oui, mais uniquement certaines catégories prioritaires ; incluent les personnes risquant de se retrouver sans abri. |
R-U : Écosse |
2018 |
(36 465 ménages) |
(1.50 % des ménages) |
Oui ; incluent les ménages risquant de se retrouver sans abri. |
1. Les méthodes de comptabilisation des personnes sans abri varient selon les pays ; les décomptes ne sont donc pas comparables d'un pays à l'autre. En particulier, dans la mesure où un grand nombre de personnes entrent et sortent de la situation d’itinérance tout au long d'une année, les taux de la prévalence périodique sont plusieurs fois supérieurs aux décomptes de la prévalence ponctuelle, qui recensent les sans-abris sur une seule nuit.
2. Se réfère à la population totale au 1er janvier de l’année de référence ; voir la base de données de l’OCDE sur la population.
3. Canada : le premier chiffre, plus élevé, correspond à une prévalence périodique, c'est-à-dire au nombre d’utilisateurs de refuges d’urgence ; le deuxième, plus bas, est un chiffre ponctuel, mais il inclut les personnes en hébergement de transition et celles qui dorment dans la rue.
Source : OECD Policy Brief on Affordable Housing (2020), Indicateur HC3.1.1, sauf pour les estimations ponctuelles réalisées pour le Canada.
Le Canada a progressivement emboîté le pas d'un grand nombre de pays de l’OCDE ayant adopté l’approche Logement d'abord, qui consiste à trouver le plus rapidement possible pour les personnes en situation d’itinérance un logement permanent, avant de s'occuper de leurs autres problèmes. Cette approche s’est avérée très efficace pour les populations très vulnérables (Stergiopoulos et al., 2015), en particulier à Medicine Hat (Alberta) où l’itinérance chronique a été éradiquée.
Afin d'empêcher que les personnes seules et les familles ne se retrouvent sans abri, il conviendrait d'aller plus loin que les moratoires et autres mesures prises pendant la pandémie pour éviter les expulsions, par exemple en concentrant les interventions à ce stade (via une meilleure coordination avec les mesures de soutien aux personnes atteintes d'addictions et de maladies mentales et les actions de lutte contre la pauvreté, l'amélioration de la médiation et le renforcement de l’aide juridique), et évidemment en accroissant l’offre de logements locatifs par les différents moyens décrits dans la section précédente.
La prévention et la réduction de l’itinérance est une composante essentielle de la Stratégie nationale canadienne sur le logement, qui prévoit une enveloppe de 2.2 milliards CAD sur 10 ans pour étendre et élargir le programme fédéral de lutte contre le sans-abrisme. Lancée en avril 2019, l’initiative Vers un chez-soi : la stratégie canadienne de lutte contre l’itinérance a pour but d’aider les Canadiens les plus vulnérables à garder un logement sécuritaire, stable et abordable, et de réduire l’itinérance chronique de moitié à l’horizon 2027-2028. Mis en œuvre à l'aide d'une approche communautaire, ce programme apporte un soutien financier direct aux communautés urbaines, autochtones, rurales et éloignées, pour les aider à répondre à leurs besoins locaux en matière d’itinérance. Le public visé inclut les seniors, la communauté LGBTQ2, les victimes de violences familiales, les populations racisées et autochtones, les jeunes, les vétérans ainsi que les individus souffrant de handicaps, de maladies mentales et de problèmes d'addiction. Une enveloppe supplémentaire globale de presque 700 millions CAD a été annoncée en 2020 pour aider le secteur à gérer les impacts de la pandémie et à réduire le risque de transmission du COVID-19 au sein de la population en situation de sans-abrisme. Cela s’effectuera en réduisant la surpopulation dans les refuges, en créant des espaces d’isolement et en garantissant des hébergements supplémentaires (notamment pendant les mois d’hiver), ainsi qu’en fournissant des solutions de logement plus durables et en organisant des activités de prévention pour juguler le flux de sans-abris causé par la crise économique. En novembre 2020, un Conseil national du logement a été annoncé, ainsi qu'un défenseur fédéral du logement, qui doit encore être nommé. Des fonds suffisants devraient lui être alloués. Un suivi annuel devrait commencer prochainement, le bilan en sera analysé et ses résultats aideront à éclairer la future politique fédérale de lutte contre le sans-abrisme et l'élaboration des programmes en la matière. Concernant l’avenir, l'accent a été mis sur l’importance d'une coordination et d'une gouvernance systémiques pour lutter contre l’itinérance (Doberstein, 2016) ; certains observateurs ont en outre appelé au renforcement du partenariat entre le gouvernement fédéral et les provinces sur les questions du logement (CCPA, 2020).
Influence de l’état de santé physique et mental sur l’évaluation du bien-être
Importance relative de l’état de santé comme déterminant du bien-être
La santé constitue l’aspect de la vie que les pays membres de l’OCDE reconnaissent le plus unanimement comme un élément central pour le bien-être des populations. Sur les 20 tableaux de bord du bien-être élaborés par des pays membres ayant fait l’objet d’une évaluation récente, tous sauf un (centré sur la viabilité environnementale) comportaient une dimension sanitaire. On retrouvait également une assez grande homogénéité dans ces tableaux de bord concernant les indicateurs à employer pour rendre compte de cette dimension (Exton et Fleischer, 2020). Les résultats en matière de santé – qu’ils soient mesurés par des indicateurs objectifs ou subjectifs – constituent également des déterminants importants de la satisfaction à l’égard de la vie. Tous ces éléments considérés ensemble expliquent environ 20 % des différences d’un pays à l’autre et ne sont devancés que par le revenu par habitant, à 49 %. Au Canada, l’effet nocif sur la satisfaction à l’égard de la vie que représente une santé mentale autoévaluée comme passable ou mauvaise pèse encore plus que celle concernant la santé physique (Shi et al., 2019). Certains experts estiment que ces chiffres pourraient être faussés par des effets d’humeur courants et préfèrent donc recourir à des indicateurs sanitaires objectifs (Clark, 2018). Ces deux éléments peuvent déboucher sur des conclusions très différentes au niveau des données agrégées : selon l’Institut canadien d’information sur la santé, la province de Terre-Neuve-et-Labrador atteindrait ainsi la deuxième place au classement des provinces canadiennes affichant le meilleur état de santé global autoévalué sur la période 2015-17 mais ferait partie des moins performantes sur la base de mesures objectives telles que l’espérance de vie à la naissance ou à 65 ans.
L’indicateur de santé objectif le plus employé est l’espérance de vie, qui fait cependant parfois l’objet d’ajustements en fonction de l’état de santé individuel. Les Canadiens ont une espérance de vie à la naissance d’environ 82 ans, qui s’est allongée d’à peu près cinq ans depuis 1990. Ils se situent ainsi dans la moyenne des nations disposant d’un niveau de revenu comparable. Une étude publiée récemment du Conference Board du Canada, reprenant les données d'une étude récente du Commonwealth Fund couvrant 11 des pays à revenu élevé de l'OCDE, montre que les Canadiens ont plus de probabilités que la plupart des ressortissants des autres pays de présenter des affections chroniques multiples et des affections mentales, et d'être passés par un service d'urgence au cours des deux dernières années écoulées (Doty et al., 2021).
Le revenu joue un grand rôle pour l’espérance de vie des Canadiens, comme pour un grand nombre d’autres indicateurs de santé comme la santé mentale et les taux de suicide. Les personnes résidant dans les zones comptant parmi les 20 % les plus riches jouissent d’une espérance de vie supérieure de quatre ans et affichent des taux inférieurs de moitié environ aux taux enregistrés dans les zones du quintile inférieur pour ce qui est des pathologies mentales et des suicides (Tableau 2.6) – on ne dispose malheureusement pas de données comparables pour d’autres pays. Le revenu fait bel et bien la différence dans la proportion de Canadiens atteints d'affections chroniques multiples ou d'affections mentales, ainsi qu'au regard de divers indicateurs d'accès aux soins, comme le fait de devoir renoncer à se soigner (en particulier pour des soins dentaires) pour des raisons d'argent, de ne pas avoir de prestataire ou de lieu de soins habituel et d'avoir des difficultés d'accès aux soins en dehors des horaires d'ouverture (Doty et al., 2021). En revanche, le revenu n'a aucun impact sur la possibilité d'obtenir le jour même un rendez-vous pour des soins primaires, sans doute en raison des dispositions contre le resquillage visées dans la Loi canadienne sur la santé. Les différences de niveaux d’études ont également un effet significatif sur les résultats en matière de santé, de même que d’autres mesures du niveau socio-économique. De fait, il a été estimé il y a quelques années que les inégalités de santé étaient à l’origine de 6.2 milliards CAD de dépenses de santé annuelles supplémentaires (Agence de la santé publique du Canada, 2016). Une fois corrigés de l’état de santé, les effets du revenu et du niveau d’études sur l’espérance de vie sont bien plus importants, puisque le quintile inférieur affiche alors un déficit de 11 années (corrigées) dans chaque cas. Les populations autochtones ont une espérance de vie moyenne inférieure, de dix ans environ, elles souffrent également beaucoup plus de maladies mentales et affichent des taux de tentatives de suicide supérieurs (voir plus bas).
Tableau 2.6. Inégalités en matière d’espérance de vie et hospitalisations pour maladie mentale ou tentative de suicide
Les données s’entendent chaque fois par rapport à un groupe de référence (hommes, non autochtones, zone à forte proportion de population née à l’étranger, grand centre urbain autre que Toronto, Montréal et Vancouver, zones des quintiles présentant les niveaux d’études et de revenu les plus élevés, d’une part, et les plus défavorisés, d’autre part).
Espérance de vie : différence en années |
Hospitalisations pour maladie mentale : ratio de taux |
Hospitalisations pour tentative de suicide : ratio de taux |
|
---|---|---|---|
Femmes |
+4.5 |
1.2 |
-3.3 |
Autochtones |
-10.5 |
n.d. |
n.d. |
Zone avec majorité de Premières Nations |
-11.2 |
3.0 |
3.7 |
Zone avec majorité de Métis |
-6.9 |
2.1 |
2.7 |
Zone avec majorité d’Inuits |
-12.0 |
2.2 |
6.5 |
Zone à faible proportion d’habitants nés à l’étranger |
-2.9 |
1.3 |
1.7 |
Zone à proportion moyenne d’habitants nés à l’étranger |
-1.0 |
1.1 |
1.3 |
Zone isolée |
-3.7 |
2.0 |
1.9 |
Zone rurale |
-1.1 |
0.9 |
1.3 |
Petits centres urbains |
-1.0 |
1.5+ |
1.1 |
Toronto, Montréal, Vancouver |
1.5+ |
0.9 |
0.8 |
Zone du quintile au revenu le plus bas |
-4.1 |
2.2 |
1.8 |
Zone du quintile au niveau d’études le plus bas |
-3.1 |
1.5+ |
1.6 |
Zone du quintile le plus défavorisé sur le plan économique |
-3.8 |
2.2 |
1.6 |
Zone du quintile le plus défavorisé sur le plan social |
-2.8 |
2.9 |
1.7 |
Zone du quintile le plus défavorisé sur les deux plans |
-5.9 |
5.5 |
2.7 |
Source : Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé (2018), Les principales inégalités en santé au Canada – un portrait national, annexes 1 et 2.
Les inégalités de santé au Canada se classent généralement dans une fourchette basse à moyenne. L’OCDE (2019d) a examiné 14 indicateurs d’inégalités de santé sous l’angle de l’exposition aux facteurs de risque et de l’accès aux services de santé pour 33 pays. Il est ressorti que le Canada se trouvait dans le groupe des inégalités faibles pour cinq de ces indicateurs, et dans le groupe intermédiaire pour le tabagisme, pour les visites aux médecins généralistes et spécialisés, ainsi que pour les mammographies de dépistage du cancer du sein (les données relatives aux autres indicateurs étant manquantes). En termes relatifs, l’effet négatif pour le Canada d’un faible niveau d’études sur l’état de santé autodéclaré est inférieur à la moyenne de l’OCDE (OCDE, 2020f), tandis que l’utilisation des services de santé présente des inégalités dans diverses dimensions, mais spécialement dans le domaine des soins dentaires (une conclusion que l'étude du Commonwealth Fund corrobore), certainement à cause d’une couverture d’assurance insuffisante dans ce domaine (OCDE, 2019d ; Doty et al., 2021). Par ailleurs, certains groupes particuliers souffrent de désavantages considérables. Le Canada possède une base de données comportant plus de 100 indicateurs sanitaires répartis en 14 catégories sociales, et produit un rapport de suivi tous les quatre ou cinq ans. Il est intéressant de noter que les personnes se qualifiant de bisexuelles accusent des inégalités de santé significatives (par ex. autoévaluation de la santé mentale, tentatives de suicide, arthrite et asthme, voir plus bas le Tableau 2.8) et que, par ailleurs, ces inégalités sont les plus élevées pour les populations autochtones et racialisées.
Le Canada consacre à la santé 11.6 % de son PIB, bien moins que les États-Unis mais beaucoup plus que la moyenne de l’OCDE (8.8 %). Cette proportion a de fortes chances d’augmenter continûment ces prochaines années, même en l’absence de toute nouvelle pandémie (Drummond et Sinclair, 2020), principalement en raison du vieillissement de la population et des nouvelles technologies médicales, notamment les médicaments innovants et ceux destinés à traiter les maladies rares.
Pays dont la responsabilité des services de santé est assumée à l’échelon provincial ou territorial, le Canada peut comparer les résultats à l’échelle régionale et en tirer les conclusions qui s’imposent en cas de différences systématiques. Afin d’exploiter correctement ce potentiel, les systèmes d’information sanitaire doivent toutefois être renforcés (Drummond et Sinclair, 2020), tandis que la qualité et l’actualité des données doivent s’améliorer. Citons l’exemple des statistiques de l’origine du décès dans la pandémie actuelle, qui ont été recueillies et communiquées par les provinces aux administrations fédérales compétentes avec une extrême lenteur, portant ainsi préjudice aux analyses requises pour élaborer une réponse optimale des pouvoirs publics. L’Ecosse y parvient en quatre jours seulement. Le rôle des données et de la technologie numérique dans l’atteinte des objectifs des politiques de santé publique a été étudié par l’OCDE (2019g).
Les temps d’attente pour une consultation médicale, un problème de longue date
Parmi les problèmes de longue date dont pâtit le Canada figurent les délais d’attente pour de nombreux services de santé (y compris la santé mentale, voir plus bas), en particulier pour les traitements non urgents. Il ressort de l’enquête publiée par Fraser Institute qu’ils auraient atteint une durée médiane de 21 semaines en 2019, mais avec une plage de variation de 16 à 40 semaines selon les provinces (Barua et Moir, 2019). À ce moment, 2.9 % de la population aurait été en attente d’une prise en charge, ce qui a incité 1.5 % des Canadiens à chercher à se faire soigner hors du pays au cours de l’année. Le coût économique cumulé de ces délais d’attente était estimé à 1.9 milliard CAD en 2017, en ne comptant que le temps de travail perdu (Barua et Hasan, 2018). Aucune étude ne s’est penchée sur l’ampleur de l’effet négatif pour le bien-être de l’obligation d’attendre longtemps avant d’être soigné. Les statistiques officielles brossent un tableau similaire. Bien que le gouvernement ait recommandé de plafonner les délais d’attente, presque 30 % des patients n’auraient pas pu bénéficier d’une prothèse articulaire ou d’une opération de la cataracte dans ces délais. La tendance s’est indéniablement dégradée ces dernières années (Institut canadien d’information sur la santé, 2020), malgré des moyens accrus, en raison de la hausse de la demande induite par le vieillissement de la population et, concernant les prothèses articulaires, de l’incidence croissante de l’arthrose et de l’obésité. Le report des interventions pour cause de pandémie de COVID-19 a sans doute encore aggravé le problème des délais d’attente.
Par rapport aux autres pays, les délais d’attente du Canada se situent aux alentours de la valeur médiane de l’OCDE, mais dépassent de très loin ceux des pays les plus performants en la matière, comme le Danemark ou l’Italie (Tableau 2.7). Selon une récente étude du Conference Board du Canada, seule la Suède fait moins bien que le Canada s'agissant de la proportion de personnes ne pouvant obtenir le jour même un rendez-vous pour des soins primaires, parmi les 11 pays examinés dans l'étude (Doty et al., 2021). Les autorités canadiennes admettent néanmoins que les délais d’attente sont préoccupants pour tous les types de services de santé récemment étudiés par l’OCDE, ce qui n’est le cas que de cinq autres pays sur les 24 de l’échantillon (OCDE, 2020d). D’autres pays ont réussi à progresser, notamment le Danemark, l’Angleterre ou la Finlande.
Le rôle primordial de la santé mentale comme déterminant du bien-être
Selon l’Organisation mondiale de la santé, « une bonne santé mentale permet aux individus de se réaliser, de surmonter les tensions normales de la vie, d'accomplir un travail productif et de contribuer à la vie de leur communauté ». Le centre de recherches sur la santé de l’université de Washington, l’Institute of Health Metrics and Evaluation, estime que les troubles mentaux toucheraient en permanence environ un adulte sur huit dans le monde, et que beaucoup plus en souffriraient à un moment ou à un autre de leur vie : l’Agence de la santé publique du Canada évalue cette proportion à un adulte sur trois au Canada, en incluant les problèmes d’usage de substances et de dépendance. Des statistiques récentes de l’OCDE/OMS (qui présentent certes quelques défauts de comparabilité) montrent que le traitement de ces troubles aurait coûté 9.6 milliards CAD en 2010, soit 10.6 % des dépenses de santé totales, une part dépassée seulement par la France, la Norvège et l’Allemagne (Graphique 2.15). La charge économique correspondante pour le Canada se serait stabilisée non loin de 3 % en PIB en 2012 (Commission de la santé mentale du Canada, 2012) mais représenterait plus de 4 % du PIB de l’OCDE en incluant les coûts indirects. Les personnes affectées par ces troubles tendent également à être davantage concernées par la pauvreté, un faible niveau de compétences et le chômage (ou du moins la précarité de l’emploi). Les risques d’hospitalisation pour maladie mentale ou tentative de suicide sont bien plus élevés pour les personnes défavorisées sur le plan économique et/ou social, possédant un faible niveau d’études ou de revenu, ou autochtones (Tableau 2.6 supra). Il est probable que, comme pour les troubles de la santé physique, les maladies mentales nécessitent davantage d’efforts de prévention. Toutefois, le traitement des troubles mentaux au-delà du suivi de long terme qui s’impose pour les personnes souffrant de psychoses sévères est jugé particulièrement efficace par rapport à son coût car il permet de réaliser des économies sur les services de soins physiques et dégage d’importants gains de productivité (Global Happiness and Wellbeing Policy Report 2019, chapitre 3). Layard (2019) fait valoir qu’il est moins coûteux, en termes de bien-être, de traiter davantage de personnes souffrant de dépression ou d’angoisses que d’améliorer la santé physique ou de pratiquer une redistribution des revenus en faveur des pauvres et même, d’une courte tête, que de réduire le chômage au moyen d’actions publiques actives pour le marché du travail. Davantage d’efforts doivent en outre être fournis pour assurer un traitement respectueux des patients par les professionnels de santé (OCDE, 2019h), mais aussi pour coordonner les politiques publiques de santé mentale et d’emploi (OCDE, DELSA/HEA(2020)10/REV1), un domaine dans lequel le Canada enregistre déjà des résultats relativement satisfaisants mais dispose néanmoins d’une marge d’amélioration.
Tableau 2.7. Comparatif des délais d’attente dans plusieurs pays
Délais d’attente médians (en jours) pour un échantillon d’interventions de chirurgie élective, 2018
|
Opération de la cataracte |
Prothèse de hanche |
Prothèse de genou |
Prostatectomie |
Pontage coronarien |
---|---|---|---|---|---|
Australie |
84 |
119 |
209 |
44 |
17 |
Canada |
66 |
105 |
122 |
40 |
6 |
Chili |
97 |
240 |
839 |
69 |
26 |
Danemark |
36 |
35 |
44 |
36 |
10 |
Estonie |
187 |
282 |
461 |
||
Finlande |
97 |
77 |
99 |
39 |
15 |
Hongrie |
36 |
43 |
85 |
10 |
22 |
Israël |
77 |
56 |
85 |
36 |
5 |
Italie |
24 |
50 |
42 |
36 |
9 |
Nouvelle-Zélande |
82 |
81 |
89 |
66 |
62 |
Norvège1 |
132 |
123 |
152 |
105 |
62 |
Pologne |
246 |
179 |
253 |
||
Portugal |
119 |
126 |
204 |
81 |
5 |
Espagne |
74 |
118 |
147 |
75 |
37 |
Suède |
51 |
75 |
90 |
45 |
7 |
Royaume-Uni |
65 |
92 |
98 |
35 |
55 |
Médiane |
76 |
99 |
111 |
42 |
19 |
1. Les délais d’attente de la Norvège sont surestimés, car ils démarrent à la date à laquelle le médecin oriente le patient vers un spécialiste, alors que dans les autres pays ce délai court une fois que le spécialiste a vu le patient et qu’il l’a inscrit sur la liste des interventions prévues.
Source : Statistiques de santé de l’OCDE.
En 2015, la Commission de la santé mentale du Canada (2015) a publié un tableau de bord comportant 55 indicateurs de santé mentale, classés par gravité selon un code couleur : six seulement étaient verts, 28 étaient orange et 21 étaient rouges. L’Agence de la santé publique du Canada a mis au point depuis une Carte d’indicateurs de surveillance de la santé mentale positive très utile, qui englobe un large éventail de dimensions (et met notamment l’accent sur la santé mentale « positive »), tout en séparant les adultes et les jeunes, une distinction judicieuse sachant que leur situation respective est souvent différente. Toutefois, sa dernière version (2019) comporte une majorité de données qui ne sont plus actuelles, et rien de neuf depuis 2017, ce qui limite son intérêt. L’édition 2019 de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, publiée en août 2020, montre que 67 % des Canadiens de plus de 12 ans résidant dans dix provinces jugeaient leur propre santé mentale « très bonne » ou « excellente », soit une diminution par rapport aux 72 % de 2015 (Statistique Canada, 2020a) (Tableau 2.8). La baisse concernait toutes les régions, toutes les classes d’âges (à l’exception des plus de 65 ans), les deux sexes, ainsi que les Autochtones et les minorités visibles, et enfin quelle que soit l’orientation sexuelle. On enregistrait en parallèle une augmentation des Canadiens âgés de 12 ans et plus déclarant être atteints d'un trouble de l’humeur ou d’un trouble de l’anxiété (de 12 % à 14 %), avec une hausse particulièrement significative pour la tranche d'âge des 18-34 ans (de 13 % à 17 %).
Tableau 2.8. Autoévaluation de leur santé mentale par les Canadiens en 2019
Part de Canadiens (hors territoires) jugeant leur santé mentale « très bonne » ou « excellente », 2015 et 2019, en %
|
2015 |
2019 |
---|---|---|
Canada, hors territoires |
72 |
67* |
Sexe |
||
Hommes |
74 |
70 |
Femmes |
70 |
64 |
Tranche d’âge |
||
12 à 17 ans |
78 |
73* |
18 à 34 ans |
72 |
61* |
35 à 49 |
72 |
67* |
50 à 64 |
72 |
70* |
65 ans et plus |
71 |
71 |
Autochtones, tous âges confondus1 |
63 |
54* |
Autochtones, de 18 à 34 ans |
59 |
47* |
Non-autochtones, tous âges |
73 |
68* |
Orientation sexuelle2 |
||
Hétérosexuel(le)s |
73 |
68* |
Homosexuel(le)s |
70 |
58* |
Bisexuel(le)s |
43 |
37* |
Canadiens désignés comme minorités visibles |
73 |
67* |
Canadiens noirs |
74 |
66 |
* Différence significative par rapport à 2015.
1. Parmi les Autochtones figurent les Premières Nations vivant hors réserve (à l’exception de ceux résidant dans les zones septentrionales isolées des provinces), les Métis et les Inuits, hors Inuit Nunangat.
2. La question de l’orientation sexuelle est posée aux personnes âgées de 15 ans et plus.
Source : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, 2015 et 2019.
La pandémie de COVID-19 et la crise économique qu’elle a déclenchée se sont traduites – comme toutes les récessions – par une dégradation de la santé mentale de la population (Findlay et Arim, 2020). Certains groupes ont souffert davantage, notamment les femmes et, surtout, selon une enquête participative en ligne, les personnes de genre variant (Moyser, 2020b), les immigrés récents (Evra et Mongrain, 2020), les jeunes, les professionnels de santé, les Autochtones et les membres des populations racialisées (voir plus bas). En juin 2020, la Commission de la santé mentale du Canada et le Conference Board du Canada (2020) ont annoncé que 84 % des 1 800 personnes interrogées s’inquiétaient davantage pour leur santé mentale (mesurée à partir de 15 indicateurs) pendant le confinement, tandis que d’autres enquêtes obtenaient des chiffres moins élevés. Notons que le Canada ne constitue pas un cas isolé : en Europe, les effets de la dégradation de la santé mentale en avril 2020 sur la satisfaction à l’égard de la vie par rapport à la moyenne de 2019 étaient estimés à 3.5 fois la perte de PIB par habitant en termes de bien-être, et la part de sondés jugeant leur santé « bonne » ou « très bonne » a reculé de 69 % à 63 %, tandis que ceux se déclarant déprimés (mélancoliques) passait de 6 % (6 %) à 13 % (17 %) (Allas et al., 2020). Les Canadiens ont toutefois déclaré une meilleure santé physique pendant la pandémie (Findlay et Arim, 2020), et ceux ayant augmenté leur activité physique affichaient de bien meilleurs résultats en termes de bien-être que ceux qui l’avaient diminuée (Lesser et Nienhuis, 2020).
Afin d’améliorer l’accès aux soins de santé mentale, le Canada devrait donc plafonner les délais d’attente pour la prise en charge des adultes, comme l’ont fait de nombreux autres pays membres de l’OCDE, tels que l’Australie ou l’Angleterre. Pour être efficace, toutefois, cette mesure nécessiterait sans doute des moyens appropriés pour développer la capacité des services. Le pays devrait également instaurer des délais plus courts pour les enfants et les adolescents, compte tenu des listes d’attentes déjà longues et toujours croissantes constatées en Ontario, par exemple (OCDE, 2020d).
Rôle des comportements sanitaires, en particulier de l’abus de substances
Les comportements sanitaires, y compris les méfaits de l’usage de substances, abaissent l’espérance de vie et dégradent le bien-être. Par exemple, la valeur du bénéfice, en termes de bien-être, du non-tabagisme a été estimée à 563 CAD par semaine (soit, en cumulé, environ 62 % du PIB par habitant) en 2009-10 (Shi et al., 2019). L’obésité (et donc le risque de diabète et de décès des suites du COVID-19) (Holly et al., 2020), le tabagisme et une consommation excessive d’alcool varient tous en fonction de la situation socio-économique, au Canada comme dans d’autres pays (OCDE, 2019d) (Tableau 2.9). Le sexe, le revenu, le niveau d’études, l’orientation sexuelle, le fait d’être autochtone et le statut ethnique présentent tous des corrélations claires. Les méfaits de l’usage de substances constituent sans doute le comportement sanitaire le plus grave. Selon les dernières statistiques, presque 76 000 Canadiens seraient décédés globalement, en 2017, de l’abus de drogue ou de médicaments, ce qui aura coûté à l’économie canadienne 46 milliards CAD (2.9 % du PIB), soit une augmentation de 6 % par rapport aux deux années précédentes (Groupe de travail scientifique sur les coûts et les méfaits de l’usage de substances au Canada, 2020).
Tableau 2.9. Inégalités en matière d’obésité, de forte consommation d’alcool et de tabagisme
Ratios de prévalence comparés à la catégorie de référence (femmes, non-autochtones, blancs, hétérosexuels, non-immigrés, grands centres urbains hors Montréal, Toronto et Vancouver, quintile de revenu le plus élevé, diplôme universitaire)
Obésité autodéclarée |
Forte consommation d’alcool |
Tabagisme |
|
---|---|---|---|
Hommes |
1.1 |
2.3 |
1.3 |
Premières Nations |
1.6 |
1.3 |
1.9 |
Métis |
1.4 |
1.4 |
1.7 |
Inuits |
1.6 |
1.3 |
2.4 |
Noirs |
1.0 |
0.3 |
0.5 |
Asiatiques de l’Est/ du Sud-Est |
0.3 |
0.3 |
0.5 |
Asiatiques du Sud |
0.6 |
0.3 |
0.3 |
Arabes/Asiatiques de l’Ouest |
0.8 |
0.3 |
0.8 |
Bisexuel(le)s |
0.9 |
1.2 |
1.6 |
Homosexuel(le)s |
0.9 |
1.3 |
1.4 |
Immigrants récents |
0.6 |
0.3 |
0.5 |
Immigrants de longue date |
0.7 |
0.5 |
0.6 |
Régions éloignées |
1.3 |
1.1 |
1.3 |
Régions rurales |
1.2 |
1.0 |
1.2 |
Petits centres urbains |
1.2 |
1.0 |
1.2 |
Toronto, Montréal, Vancouver |
0.8 |
0.7 |
0.9 |
Quintile de revenu le plus bas |
1.2 |
0.6 |
1.9 |
Sans diplôme d'études secondaires |
2.0 |
1.4 |
3.9 |
Diplôme du secondaire |
1.6 |
1.3 |
2.6 |
Source : Initiative pancanadienne sur les inégalités en santé (2018), Les principales inégalités en santé au Canada – un portrait national, annexes 1 et 2.
Le Canada souffre également depuis quelques années d’une épidémie relativement sévère de décès dus aux opioïdes (plus de trois fois la moyenne de l’OCDE), quoique moins généralisée qu’aux États-Unis (OCDE, 2019e) (Graphique 2.16). Le Fentanyl, puissant opiacé de synthèse entré sur le marché illégal des médicaments, ou l'une de ses substances comparables étaient ainsi impliqués dans 77 % des décès au premier trimestre 2020. Au Canada, on recensait en 2017 5 084 décès liés à la consommation d’opioïdes (Groupe de travail scientifique sur les coûts et les méfaits de l’usage de substances au Canada, 2020), ce qui englobait non seulement les empoisonnements mortels, mais aussi les états infectieux partiellement imputables à ces produits, telles que les maladies infectieuses dues aux opioïdes, et les accidents de la route. Les chiffres de 2018, fondés sur les seules données officielles relatives aux empoisonnements, étaient encore plus élevés (OCDE, 2019e). Les décès dus aux opioïdes représentaient en 2017 100 000 années potentielles de vie productive perdues (Groupe de travail scientifique sur les coûts et les méfaits de l’usage de substances au Canada, 2020, p. 31) – un des aspects de ce que Case et Deaton (2020) ont appelé les « décès par désespoir », avec un effet considérable sur l’espérance de vie aux États-Unis comme au Canada (en 2017, les opioïdes avaient coûté aux hommes et aux femmes respectivement 0.11 et 0.02 année de vie) – en particulier dans certaines régions et chez les adultes jeunes et d’âge moyen. L’arrivée du COVID-19 a aggravé la crise des overdoses déjà en cours au Canada en augmentant considérablement les ravages causés par les opioïdes. En 2020, 1 716 personnes avaient succombé à une overdose rien qu’en Colombie-Britannique, soit un nombre de victimes supérieur à celui de toutes les autres années et représentant plus du double des décès dus au coronavirus dans la province pour toute l’année. La consommation d’opioïdes a coûté à l’économie nationale environ 6 milliards CAD en 2017 et il semblerait qu’elle ait continué de croître depuis, vu l’augmentation de la mortalité qui lui est imputable (Groupe de travail scientifique sur les coûts et les méfaits de l’usage de substances au Canada, 2020). Ces coûts correspondent à des dépenses de santé, à une perte de productivité (principalement via des décès prématurés, mais aussi une invalidité à long terme, un absentéisme à court terme et des capacités de travail diminuées) et au surcoût des frais de justice pénale.
En réaction à la tendance préoccupante des ravages des opioïdes et des décès qu'ils entraînent depuis le début de la pandémie, le gouvernement fédéral a augmenté les aides à la lutte contre leurs effets négatifs au niveau des collectivités et en faveur d’un approvisionnement mieux encadré. Il a également publié des recommandations concernant la prescription, l’administration et la distribution des opioïdes et autres narcotiques. Cependant, un redoublement des efforts en matière de réduction des effets négatifs et d’encadrement de l’approvisionnement, une amélioration de l’accès aux traitements fondés sur des données probantes, un moindre recours à la justice pénale et de meilleures capacités statistiques et de surveillance constituent autant d’axes qui mériteraient d’être approfondis.
Comment les politiques publiques peuvent améliorer la santé et le bien-être des Canadiens
Quelles mesures pourraient faire en sorte que le système de santé œuvre à améliorer la santé et le bien-être des Canadiens ? Premièrement, il conviendrait avant tout de recadrer les dépenses de santé dans une définition plus large des résultats sanitaires, englobant les dimensions physique, mentale et sociale, mais aussi, in fine, le bien-être en général, éventuellement en mettant sur pied des équipes sanitaires multidisciplinaires chargées du financement, pour obtenir des résultats optimaux en matière de bien-être (Drummond et Sinclair, 2020). L’Ontario va dans cette direction avec son approche de « soins responsables ». Il convient également d’examiner les effets des dépenses de santé sur les aidants et sur les membres de la famille (Global Happiness and Wellbeing Policy Report 2019, chapitre 3). À ce titre, les politiques publiques devraient mettre davantage l’accent sur la santé mentale, même si le Canada semble déjà dépenser plus dans ce domaine que beaucoup d’autres pays. Dès 2012, la Commission de la santé mentale du Canada plaidait en faveur d’une augmentation de la part de la santé mentale dans les dépenses de santé du gouvernement (de 7 % à 9 %), mais aucun progrès n’a été constaté depuis. Si des fonds supplémentaires étaient accordés pendant les confinements, il serait possible de fournir davantage de traitements et de services par voie électronique, et de diffuser largement les méditations guidées. Il serait également possible d’enseigner les compétences émotionnelles aux groupes à risque et de les former à une meilleure gestion de leurs relations humaines (Frijters et al., 2020). Les décisions récentes de renforcer les centres d’assistance psychologique et de proposer davantage de soins à distance pour la santé mentale vont certainement dans la bonne direction. Il convient toutefois de reconnaître le rôle crucial des déterminants de la santé mentale en amont : les responsables des politiques publiques doivent se concentrer sur les facteurs sociaux comme les inégalités de patrimoine, le mal-logement, les quartiers difficiles ou le racisme systémique, qui concernent notamment les Autochtones (Boyer, 2017), s’ils veulent réellement améliorer la situation des populations les moins favorisées dans ce domaine (Shim et Compton, 2018).
Deuxièmement, il conviendrait d’ajuster plusieurs paramètres de l’offre de services de santé afin de réduire les délais d’attente, d’abaisser les coûts à long terme mais aussi d’améliorer la qualité et l’innocuité des soins. Il faut par exemple éliminer rapidement toutes les incertitudes restantes concernant la rémunération et la couverture des services de télémédecine, de manière à pouvoir continuer de proposer une offre maximale de tels soins sous toutes leurs formes, sans exposer inutilement les professionnels de santé tout en réalisant les gains d’efficience possibles (Wyonch et Maharishi, 2020). Il conviendrait également d’accélérer le passage à une organisation des soins en équipe, au moyen d’une meilleure collaboration interprofessionnelle, ce qui permettrait une approche plus globale des soins. Les autorités de santé canadiennes pourraient faire plus pour réduire des délais d’attente excessifs à l’échelle de tout le système de santé : suivre l’exemple de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la Norvège en instaurant des procédures de priorisation des patients, adopter des technologies permettant aux patients de trouver facilement des médecins disponibles, déployer plus largement les processus existants visant à améliorer la coordination entre les prestataires de soins primaires et les spécialistes ou les hôpitaux, autoriser les infirmières et d’autres professionnels de santé à exécuter certains actes jusqu’ici réservés aux médecins, comme les vaccinations (comme c’est le cas dans la majeure partie des pays de l’OCDE, voir OCDE, 2020d), et veiller à ce que les patients des structures de soins primaires puissent être reçus en dehors des heures ouvrables (un domaine où le Canada est relativement en retard selon de très récentes données du Commonwealth Fund (Doty et al., 2021)).
Troisièmement, il conviendrait d’orienter davantage de financements vers les campagnes de santé publique ou destinées aux collectivités et vers les autres mesures de prévention, qui ont donné la preuve de leur excellent rapport coût-efficacité (Masters et al., 2017). Citons ainsi l’exemple, de plus en plus reconnu à l’échelle mondiale, du programme islandais Planet Youth. Les statistiques de santé de l’OCDE montrent que la santé publique ne représente qu’environ 6 % du total des dépenses de santé du Canada.
Quatrièmement, l’action publique pourrait encadrer les incitations à adopter un mode de vie plus sain. Concernant les mesures relatives à l’alcool, la facilité de s’en procurer constitue indéniablement un problème majeur, mais il serait sans doute aussi indiqué d’augmenter les droits d’accise pour influer sur les ventes. Les médecins devraient être mieux formés à la gestion de la douleur pour éviter de prescrire des opioïdes inutiles et pouvoir aider les personnes présentant des troubles liés à la consommation de médicaments (addictions). Enfin, les systèmes de santé, social et pénal auraient intérêt à mieux coordonner leurs actions dans ce domaine. Si le Canada a dépénalisé le cannabis en 2018 (devenant ainsi le deuxième pays du monde à prendre cette décision, après l’Uruguay), il convient de noter que 13 pays membres de l’OCDE (plus certaines régions de l’Australie) en ont dépénalisé la possession des opioïdes à des fins de consommation personnelle et que deux autres ont décidé de totalement abandonner les poursuites pénales dans ce domaine, sans que cela donne lieu à une hausse de la consommation, comme au Portugal depuis la dépénalisation en 2001 (OCDE, 2019e, tableau 4.3 et encadré 4.4).
Nécessité d’englober les médicaments dans la couverture d’assurance-maladie
Sur les 67 pays du monde dotés d’un régime universel d’assurance-maladie, le Canada est le seul à ne pas y avoir inclus les médicaments à l’échelle nationale (l’assurance-maladie du Québec, par exemple, couvre obligatoirement les médicaments depuis les années 90). Le pays présente au contraire un éparpillement de 100 différents organismes payeurs publics et de plus de 100 000 régimes privés, principalement administrés par les entreprises (et comportant chacun leurs propres frais de gestion), en conséquence de quoi on estime que 20 % de la population ne disposerait encore d’aucune couverture effective (en incluant les personnes ne disposant que d’une couverture pour des maladies chroniques entraînant des frais extrêmement élevés). Différentes tentatives d’extension de l’assurance-maladie ont cherché à régler ce problème de couverture ces dernières années, notamment à travers le rapport récent du Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments (Santé Canada, 2019), qui présente un solide argumentaire en faveur d’un complément à l’assurance-maladie nationale, fondé sur les éléments suivants : 1) dans le monde, seuls les Américains et les Suisses dépensent davantage par habitant en médicaments sur ordonnance que les Canadiens, principalement en raison de leurs prix élevés (même si, à l'issue d'une longue consultation, une nouvelle réglementation entrera en vigueur à la mi-2021 pour encadrer les médicaments brevetés dont les prix seront comparés à ceux appliqués dans 11 autres pays avancés membres de l'OCDE) ; 2) trois millions de Canadiens ne peuvent remplir les ordonnances de leur médecin pour des raisons de coûts, tandis qu’un million supplémentaire se prive de nourriture et de chauffage pour acheter des médicaments et qu’un million encore doit souscrire un emprunt à cette fin ; et 3) un grand nombre de Canadiens souffrent inutilement et/ou décèdent prématurément de ce manque. Le rapport explique que le seul fait de couvrir les dépenses engendrées par les traitements du diabète, les maladies cardiovasculaires et les maladies respiratoires chroniques permettrait d’éviter 220 000 visites aux urgences et 90 000 hospitalisations, et d’économiser ainsi 1.2 milliard CAD par an.
Le Conseil prévoit la création en 2021 d’un Conseil national des médicaments chargé d’établir une première liste de 100 à 200 médicaments essentiels, couvrant environ la moitié du total des ordonnances, et de négocier leurs prix, avant le lancement du système en 2022 et l’ajout progressif de nouveaux médicaments au cours des cinq années suivantes. Actuellement, certains organismes publics payeurs comptent trop de médicaments remboursés sur leur liste – plus de 3 800 pour l’Ontario, par exemple – ce qui peut tirer les prix à la hausse et augmenter le risque de pénuries et d’erreurs médicales (Persaud et Ahmad, 2017). Ils pourraient ainsi, comme le font déjà 155 pays, s’inspirer davantage de la liste officielle de l’OMS, dont la dernière version (avril 2019) comporte 460 médicaments. Le Conseil recommande un reste à charge très réduit pour les ménages, avec des exonérations pour les ménages modestes et un plafonnement annuel à 100 CAD par famille, ainsi que des dispositifs distincts pour les médicaments onéreux contre les maladies rares. En revanche, les soins bucco-dentaires, d’ophtalmologie et pour la santé mentale resteraient couverts par les régimes d’entreprise.
Certes, un tel programme entraînerait un surcoût pour les finances publiques (3.5 milliards CAD en 2022, puis jusqu’à 15.3 milliards en 2027), mais les dépenses nationales globales consacrées au remboursement de médicaments reculeraient de 0.3 milliard CAD en 2022 puis de 5.0 milliards en 2027, grâce à la baisse des prix moyens obtenue par un meilleur pouvoir de négociation. D’autres gains d’efficience apparaîtraient. Les employeurs qui proposent actuellement une assurance-médicaments économiseraient chaque année 750 CAD par salarié, ou 6 milliards CAD en tout, les salariés dépensant de leur côté une centaine de dollars de moins chacun ou 4 milliards CAD en tout, et 95 % des ménages gagneraient au total 350 CAD par an en moyenne. En outre, les coûts d’un changement d’employeur (les salariés se sentant « enchaînés » à leur entreprise pour continuer de bénéficier de son assurance) diminueraient, ce qui entraînerait des gains d’efficience sur le marché du travail.
La dynamique favorable à un régime d’assurance-médicaments s’est toutefois essoufflée en raison de son coût pour les finances publiques (quelle que soit la part assumée par l’État fédéral ou par les gouvernements des provinces ou territoires), de la complexité des négociations avec les provinces/territoires ainsi que de l’opposition des acteurs de l’assurance-maladie et des pharmaciens d’officine (puisque leurs commissions sur les médicaments génériques diminueraient). Il n’en reste pas moins qu’avant la pandémie, Santé Canada avait prévu de faire avancer le projet d’assurance-médicaments. Il pourrait toutefois, même en l’absence de décision définitive, progresser seulement sur certains « points fondateurs » : mise en œuvre d’un programme de couverture des médicaments onéreux pour les maladies rares, établissement d’une liste nationale de médicaments remboursés et constitution d’un organisme d’approvisionnement commun, en supposant que les provinces et les territoires soient d’accord. Si la mise en place d’une assurance-médicaments se révélait trop onéreuse pour les finances publiques dans le contexte actuel, il conviendrait au minimum de prendre des mesures pour combler les lacunes de couverture existantes dans un souci d’inclusion sociale en cette période de pandémie de COVID-19.
L’absence de congés de maladie indemnisés pour la plupart des salariés est inéquitable et risquée
Une autre lacune du filet de sécurité sociale réside dans le fait que la majorité des salariés canadiens n’ont pas accès à des congés de maladie indemnisés. De tels congés constituent aujourd’hui un avantage complémentaire laissé à la discrétion de l’employeur, accordé jusqu’à ce que l’indemnisation chômage intervienne (le cas échéant). En 2016, 58 % des salariés ne disposaient pas de congés de maladie indemnisés, cette part montant même à 74 % de ceux gagnant moins de 25 000 CAD par an (Decent Work and Health Network, 2020). Ceci explique pourquoi le problème est plus préoccupant pour les femmes, les immigrés, les Autochtones et les populations racialisées, tous surreprésentés dans les emplois faiblement rémunérés. Cette lacune concerne également davantage les travailleurs non syndiqués. Seuls les salariés du Québec, de l’Île-du-Prince-Édouard et des secteurs réglementés à l’échelle fédérale (soit environ 915 000 personnes) bénéficient de congés de maladie indemnisés obligatoires. Le gouvernement fédéral a reconnu que ce problème risquait de décourager les malades du COVID-19 de rester chez eux pour éviter de contaminer les autres et a mis en place récemment un programme d’indemnisation de dix jours, spécifiquement réservé toutefois au COVID-19 (à l’exclusion de toute autre maladie) et qui sera donc temporaire. Toutefois, les mêmes arguments ont une portée plus générale, ce qui expliquerait que 17 pays avancés sur 22, et 19 pays membres de l’OCDE sur 34, aient instauré de tels dispositifs (Decent Work and Health Network, 2020). La généralisation d’une telle prestation sociale semblerait ainsi relever du bon sens.
La qualité des soins de longue durée pourrait être améliorée
Avec le vieillissement de la population – la proportion des plus de 65 ans devrait passer d'un sixième à un quart d'ici à 2041 –, la demande de soins de longue durée pour les personnes âgées est en hausse et devrait le rester. Ces soins peuvent être dispensés à domicile (par des auxiliaires rémunérés ou informels, notamment des membres de la famille), dans des résidences collectives ou dans des établissements de soins de longue durée tels que les maisons de retraite (qui accueillent aujourd'hui 42 % environ des plus de 80 ans nécessitant une prise en charge en continu, contre une moyenne de 30 % environ à l'échelle de l'OCDE). Les soins en établissement pour les personnes âgées représentent un problème épineux – qui le devient de plus en plus avec les maladies et troubles chroniques, avec la prévalence croissante de la démence sénile (dont sont affectés les deux tiers des résidents des maisons de retraite) et avec des infrastructures vieillissantes et en mauvais état, ce qui se traduit parfois par une surpopulation. D’après les chiffres du recensement de 2016, environ 1.2 % des Canadiens résideraient dans de tels établissements, avec des chiffres similaires pour les établissements d'accueil médicalisés et les autres résidences pour personnes âgées, en excluant les 0.2 % du total qui s’y trouvent pour cause de handicap ou de dépendance. Des listes d’attente existent pour les deux catégories. En Ontario, elles sont de cinq mois pour les résidences collectives, et de 11 jours pour les établissements de soins actifs (Société royale du Canada, 2020). Les chiffres de l’OCDE (OECD.Stat) montrent que le Canada consacre, sous forme de programmes publics et obligatoires, environ 1.5 % de son PIB aux soins de longue durée, moins que certains pays européens qui avoisinent les 2 %. Le budget fédéral de 2017 a apporté un certain soulagement en prévoyant un financement supplémentaire de 6 milliards CAD sur dix ans pour aider les provinces et les territoires à dispenser des soins à domicile. Il n’en reste pas moins que la qualité des soins prodigués dans les établissements de long terme laisse souvent à désirer, une situation qui s’est exacerbée avec la pandémie de COVID-19. Des cas de contamination au virus sont apparus dans de nombreux établissements de soins de longue durée dans tout le pays, mais en particulier en Nouvelle-Écosse, au Québec et en Ontario. Une récente étude menée pour comparer les résultats obtenus en Ontario et en Colombie britannique est parvenue à la conclusion que les écarts importants constatés en termes de performances tenaient aux facteurs suivants : une meilleure coordination entre le système de santé, les établissements hospitaliers et les autorités de santé publique ; des financements plus élevés (222 CAD par résident par jour contre 203 CAD), ce qui se traduit par un plus grand nombre d'heures de soins par résident et un nombre plus limité de chambres partagées (24 % contre 63 %) ; un plus grand nombre d'établissments à but non lucratif ; et des inspections plus exhaustives (Liu et al., 2020). Dans l’ensemble, en milieu d’année, environ 80 % des décès dus au coronavirus au Canada avaient eu lieu dans de tels établissements, sans doute très loin devant tous les autres pays membres de l’OCDE (Grant, 2020) et le double de la moyenne. Les données les plus récentes montrent que la part cumulée n'a que faiblement diminué, pour s'établir en deçà de trois quarts.
Tandis que les premières réactions à la pandémie étaient dictées par les capacités du système, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour augmenter les salaires des travailleurs essentiels peu payés, dont la définition était laissée aux provinces et territoires. Il en a résulté qu’à certains endroits certains travailleurs aux faibles revenus n’ont bénéficié d’aucune protection contre les pertes de salaire. La plupart des provinces et territoires ont alors ordonné aux employés des établissements de soins de longue durée de ne travailler que sur un seul site (pour empêcher la contagion), sur une base volontaire ou obligatoire.
Les problèmes actuels des 2 039 maisons de santé du Canada reflètent des déficiences identifiées depuis longtemps et mises en lumière par la pandémie (Société royale du Canada, 2020). Ces lacunes concernent la prévention et le contrôle des infections, divers problèmes de main-d’œuvre et le vieillissement des infrastructures, le tout dans le contexte d’une myriade de normes réglementaires souvent peu contraignantes. Selon l’Institut canadien d’information sur la santé, 46 % de ces établissements seraient publics et 28 %, à but lucratif (le reste étant constitué d’établissements privés mais à but non lucratif) ; en moyenne, les établissements à but lucratif offrent des conditions d'hébergement moins favorables, et on constate une corrélation entre leur statut à but lucratif, l'ampleur des infections et le nombre de décès de résidents, mais non avec la probabilité de survenue d'une vague d'infections (Stall et al., 2020). De nombreux établissements, ceux à but lucratif en particulier, sont insuffisamment dotés en personnel, lequel est fréquemment mal payé et mal formé, travaille à temps partiel ou de manière occasionnelle, et se distingue par un taux de rotation élevé (Encadré 2.6). De manière générale, les pays dont les soins de longue durée sont régis et administrés de manière centralisée ont enregistré de meilleurs résultats pendant la pandémie (Grant, 2020).
Encadré 2.6. Pénurie de personnel et bas salaires dans les établissements de soins de longue durée au Canada
Le Canada manque de personnel à l’échelle de tout le secteur. Les salariés en poste sont donc surmenés et sujets à l’épuisement professionnel, mal payés (en moyenne 35 % de moins qu’à l’hôpital pour le même poste) (OCDE, 2020g, graphique 1.6), sans droit à une indemnisation en cas d’accident du travail ou de congé de maladie) et insuffisamment formés, ce qui les expose à des risques de blessure plus importants. Jusqu’à 35 % des effectifs travaillent à temps partiel seulement, ce qui exige pour nombre d’entre eux de se partager entre plusieurs résidences, et contribue également à accroître le risque de contagion en période de pandémie. Le Canada compte moins d’infirmières et d’auxiliaires dans les établissements de soins de longue durée que la plupart des pays de l’OCDE, par exemple moitié moins que les Pays-Bas ou la Norvège. Seules sept provinces exigent qu’une infirmière agréée soit sur place en permanence. On constate également que les infirmières agréées tendent à être remplacées par des auxiliaires de soins non réglementés (Société royale du Canada, 2020). Le Canada souffre d’une pénurie d’environ 20 % en termes d’heures quotidiennes de soins par résident. Sans prise en charge globale, les résidents dépendent souvent des membres de la famille pour combler les lacunes de soins, une solution de plus en plus difficile à mettre en œuvre en raison de la composition des familles et de leur éloignement (Société royale du Canada, 2020). Rien que pour stabiliser le ratio soignants/population âgée, il faudrait augmenter les premiers de 80 % d’ici à 2040, une hausse bien supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE.
Les solutions sont également multiples mais difficiles sur le plan politique, compte tenu de la responsabilité des provinces et des territoires dans ce domaine. La plus radicale consisterait à alléger la charge des soins aux personnes âgées en modifiant la Loi sur la santé et en transférant tous ces services (en plus des hôpitaux et de la médecine de ville) à l’assurance-maladie fédérale. L’opération serait financée par un impôt spécifique (éventuellement acquitté uniquement à partir d’un certain âge), comme tel est le cas aux États-Unis, au Japon, en Israël et dans plusieurs pays de l’UE.
Dans tous les cas, les pouvoirs publics devraient aider davantage les personnes âgées pour qu’elles restent chez elles, sachant qu’elles sont une majorité à préférer cette option (« maintien des personnes âgées à domicile »), aussi longtemps que possible en encourageant les retraités à rester en bonne santé et en utilisant les nouvelles technologies. Bien que le Canada ait fait partie des premiers pays à désinstitutionnaliser les soins aux personnes âgées, en réduisant le nombre de lits par retraité de 12.2 % entre 2005 et 2015 (OCDE, 2020i), ce dernier ratio dépassait encore la moyenne de l’OCDE (Graphique 2.17, partie A) tandis que la proportion d’infirmières et d’auxiliaires de vie assurant des soins à domicile restait la plus faible de 17 pays de l’OCDE en 2016, et que les dépenses publiques dans les soins à domicile étaient inférieures à la moyenne de l’OCDE, en conséquence du désengagement dans ce domaine entamé ces dernières années (partie B). Seul l’Ontario dépense plus de la moitié de son budget de soins aux personnes âgées dans les soins à domicile, par opposition aux établissements spécialisés. Cette situation doit évidemment évoluer. Lorsque le placement en établissement est inévitable, les normes appliquées doivent être améliorées et les contrôles doivent être plus fréquents et plus rigoureux : en 2019, seuls 9 des 626 établissements de soins de longue durée que compte l'Ontario ont subi une inspection.
Les salariés du secteur des soins de longue durée doivent être mieux payés et mieux formés, à la fois quand ils débutent dans la profession et tout au long de leur carrière, même s’ils passent par une agence de placement. Les salariés et les résidents devraient profiter en priorité de la vaccination dans le cadre de la campagne qui s’annonce, mais aussi des équipements de protection et des dispositifs de test et de traçage en cas de nouvelle vague de la pandémie. Enfin, le travail sur plusieurs sites devrait être interdit, au moins temporairement. Le gouvernement fédéral devrait édicter des normes nationales de recrutement et de contrôle des maladies infectieuses (Société royale du Canada, 2020 ; Canadian Medical Association et al., 2020), même face à l’opposition de certaines provinces ou territoires qui demandent exclusivement une augmentation des transferts fédéraux non liés (ce que le gouvernement vient d’accepter, mais seulement lorsque la pandémie sera terminée). Dans son Énoncé économique de l’automne de 2020, le gouvernement canadien a réaffirmé son intention d’élaborer de nouvelles normes nationales et annoncé qu’il consacrerait 1 milliard CAD à la protection des établissements de soins de longue durée contre le COVID-19 et en vue des pandémies futures. Enfin, la collecte de données doit être intensifiée et jouer un rôle dans le processus d’agrément, en particulier dans le secteur lucratif.
Rôle des facteurs environnementaux dans la qualité de vie
Différents aspects de la qualité de l’environnement apparaissent également sur le tableau de bord des indicateurs du bien-être utilisé par quasiment tous les pays. Les travaux relatifs aux déterminants du bien-être subjectif montrent que les individus sont effectivement sensibles à leur environnement immédiat, et notamment à la qualité de l’air qu’ils respirent (sachant que 4.2 millions de décès prématurés seraient imputables à la pollution atmosphérique chaque année, selon l’OMS). Le lien avec la nature est fortement associé à un bien-être « eudémonique » (soit le fait de mener une vie agréable et satisfaisante) et à l’épanouissement personnel (Pritchard et al., 2020). Toutefois, le lien entre bien-être et considérations écologiques à plus long terme semble moins évident (Encadré 2.7). Des environnements plus verts et plus proches de la nature encouragent l’exercice, source de bienfaits physiques et mentaux, mais aussi d’interactions sociales. Ce point vaut particulièrement pour les personnes âgées, pour qui le fait de rester actifs engendre des effets positifs sur le corps et sur l’esprit, ce qui a donné lieu au « modèle de vieillissement écologique » et à la formation de « villes amies des aînés » (Zheng et Yang, 2019). Ces environnements sociaux favorables au bonheur de ceux qui y vivent aujourd’hui sont également susceptibles d’encourager la population à adopter les comportements nécessaires pour améliorer la qualité et la sécurité de l’environnement pour les générations futures (Barrington-Leigh, 2017 ; Helliwell et al., 2020b).
Encadré 2.7. Le paradoxe de l’écologiste : améliorer le bien-être malgré la dégradation de l’écosystème
Certains ont fait valoir que la majorité des personnes interrogées dans les enquêtes concernant le bien-être tendaient à ne pas beaucoup se projeter dans l’avenir (Benjamin et al., 2020). Ainsi, le bien-être humain s’accroît dans le temps malgré une dégradation de l’écosystème dans de nombreux domaines (ce qu’on appelle « le paradoxe de l’écologiste »). Raudsepp-Hearne et al. (2010) proposent trois explications : 1) le bien-être semblerait dépendre avant tout de l’accès à l’alimentation (qui, pris isolément, s’est amélioré) et non pas des services rendus par les forêts, par exemple ; 2) l’innovation technologique aurait permis une certaine dissociation du bien-être et de la nature (réduction du stress environnemental) ; et 3) les décalages temporels pourraient entraîner à l’avenir une diminution du bien-être en conséquence de cette dégradation. Dans son introduction au Global Council for Happiness and Wellbeing Policy Report (2019), Sachs suggère de compléter les indicateurs de bien-être actuels par les stocks de capital naturel, comme le font les publications Comment va la vie ? de l’OCDE. Qasim et Grimes (2018) recourent au concept d’« épargne nette réajustée » (que la Banque mondiale calcule comme l’épargne nationale nette plus les dépenses d’éducation, moins l’épuisement de l’énergie, des minerais et des forêts, moins les effets négatifs du CO2 et des particules fines sur la qualité de l’air). Les auteurs montrent que l’effet de l’épargne nette réajustée sur le bien-être subjectif est d’abord négatif pendant 10 à 15 ans, mais qu’il devient ensuite positif, parfois de manière significative, au bout de 20 ans. Barrington-Leigh (2020) préconise de limiter les volumes de ressources employées et les déchets, à des fins de développement durable (ce qu’il appelle « précaution écologique »).
La liste des moteurs environnementaux du bien-être subjectif est déjà longue et ne cesse de croître. Les habitants des villes sont moins heureux que les ruraux au-delà d’un certain point de stress environnemental, malgré les gains de revenus liés aux économies d’agglomération, pour les raisons suivantes :
la pollution de l’air et de l’eau (Luechinger, 2009 ; Levinson, 2012). Les pays de l’OCDE qui affichent un faible niveau de pollution aux particules fines jouissent également d’un bien-être subjectif plus élevé (Krekel et MacKerron, 2020). Selon les calculs de The Happiness Research Institute & Leaps by Bayer (2020), les habitants de Cracovie, la ville d’Europe où l’air est le plus pollué, subiraient une perte de bien-être équivalente à environ 15 % de leur revenu annuel.
la pollution sonore (Rehdanz et Maddison, 2008). Le Livre vert du Trésor britannique (2018, pp.63-64) propose des évaluations du coût de ces externalités en comparant le jour à la nuit, pour des niveaux sonores allant de 45 à 75 décibels et selon que le bruit vient du trafic routier, ferroviaire ou aérien.
l’absence d’espaces verts (Krekel et al., 2016) et les embouteillages/longs trajets domicile-travail, typiques de la vie urbaine (Burger et al., 2020).
À partir d’un échantillon plus large de 130 pays, De Neve et Sachs (2020) étudient le lien entre le bien-être subjectif et les Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD). Ils en concluent que certains ODD environnementaux seulement auraient un effet positif significatif sur le bien-être, en particulier les numéros 6 (Eau propre et assainissement), 7 (Énergie propre et d’un coût abordable) et 11 (Villes et communautés durables). On pourrait s’étonner des coefficients négatifs significatifs associés aux numéros 12 (Consommation et production responsables) et 13 (Mesures relatives à la lutte contre les changements climatiques). Lorsque les auteurs regroupent les ODD en cinq catégories et décomposent la variance transnationale du bien-être, ils constatent que les Objectifs associés à l’environnement représentent 8 % du bien-être total expliqué, ceux liés aux facteurs économiques, 31 %, à la santé, 24 %, à la situation sociale, 20 %, et aux aspects juridiques, 17 %.
Où se place le Canada sur l’échelle de ces indicateurs environnementaux ?
Le Canada est relativement bien placé concernant les indicateurs environnementaux étroitement liés au bien-être, mais il est souvent en deçà de la moyenne concernant les émissions de gaz à effet de serre et les autres indicateurs à plus long terme. Le Canada arrive au 20e rang, derrière l’Australie, juste derrière la Nouvelle-Zélande mais devant les États-Unis, sur l’échelle de l’Indice de performance environnementale (voir Tableau 2.1 ci-avant), qui couvre 11 domaines et englobe 32 indicateurs pour 180 pays (Wendling et al., 2020). Le pays est bien placé concernant la pollution atmosphérique intérieure, l’exposition au plomb, l’habitat de la biodiversité (diversité écologique terrestre) et les taux de croissance des dioxydes de soufre et d’azote. Il est en revanche très mal classé concernant les émissions de gaz à effet de serre par habitant (168e), les services aux écosystèmes (110e), l’habitat des espèces (changements d’habitat appropriés depuis 2001) (101e), les espaces protégés (91e), la pêche (89e), la tendance de l’intensité des gaz à effet de serre (77e) et l’exposition à l’ozone (55e).
D’autres sources font état de résultats inférieurs à la moyenne pour le Canada concernant la part des énergies renouvelables, l’ampleur de la pollution aux particules fines et la qualité de l’eau (à titre indicatif toutefois puisque, quoique recueillies à l’échelle de tout le pays, les données ne sont pas strictement comparables). L’Ontario a durci ses normes d’eau potable et renforcé ses moyens de contrôle suite à la « tragédie de Walkerton », en 2000, et la province doit aujourd’hui plutôt se concentrer sur les retraits (révocations) et sur la prolifération d’algues bleu-vert toxiques. L’Alberta dispose de cadres qui réglementent la quantité et la qualité de l’eau, mais seulement dans le nord-est, où se trouvent les exploitants de sables bitumineux, qui ont besoin de connaître les capacités du réseau. On craint toutefois que les bassins de décantation des résidus ne fuient dans les eaux souterraines de cette région (Commission de coopération environnementale, 2020). Des tensions sur l’approvisionnement en eau existent également dans certaines régions, comme le sud-est de l’Alberta. La proportion d’eaux usées canadiennes soumises à un traitement primaire – un des points de mire des derniers Examens environnementaux de l’OCDE (2017) en raison des montants facturés pour ces services, trop faibles pour en couvrir les coûts – pourrait augmenter de manière significative (le Canada occupant ici le 28e rang au sein de l’OCDE). De fait, les dernières statistiques de l’OCDE ne dénotaient aucune amélioration puisque la part d’eaux usées traitées a reculé de 87.2 % en 2004 à 84 % en 2017.
Parmi les autres points préoccupants figurent des tendances inquiétantes concernant la Liste rouge des espèces menacées (en particulier des mammifères et poissons surveillés, tandis que la situation s’est améliorée pour certains oiseaux) (Fonds mondial pour la nature, 2020) et l’empreinte du Canada sur les matières premières, en raison d’une érosion continue de la biocapacité depuis 1961 (Global Footprint Network, 2020). La fiscalité environnementale, qui n’est plus faible, en proportion du PIB, au sein de l’OCDE qu’au Mexique et aux États-Unis et qui diminue depuis 2000, est notable également (graphique 1.20 du chapitre 1), même si le recours aux systèmes de plafonnement et d’échange tend à abaisser cette part toutes choses égales par ailleurs. L'intensification de la fiscalité environnementale pourrait avoir d'importantes retombées positives sur le bien-être en permettant d'aligner les prix sur les coûts externes mais aussi de générer des revenus utiles, pouvant être utilisés pour financer d'autres programmes sociaux.
Politiques publiques menées face à ces grands défis environnementaux
Depuis 2008, le gouvernement fédéral suit une Stratégie de développement durable définie pour trois mandats de trois ans successifs, la dernière version s’étendant jusqu’en 2022 (Environnement et changement climatique Canada, 2019). Elle fixe 13 objectifs de long terme ambitieux, mesurés par 25 indicateurs, qui suivent directement l’orientation de 12 des 17 ODD. La dernière Stratégie a relevé les objectifs dans six domaines, ajouté des ambitions en matière de véhicules zéro émission (dont la part de marché doit atteindre 100 % à l’horizon 2040) et d’exportations de technologies propres, revu la Stratégie d’alimentation durable et enrichi la liste des indicateurs destinés à mesurer les progrès. En termes de niveaux, les domaines préoccupants englobent : les déchets électroniques, le dioxyde de soufre lié aux importations, l’azote produit par la production, l’azote lié aux importations, les émissions de carbone liées à l’énergie, le dioxyde de carbone lié aux importations et le prix effectif du carbone. En termes de tendances, celles qui ne sont pas jugées satisfaisantes concernent : la gestion durable de l’azote, une gestion sûre des services d’assainissement et la part des renouvelables dans la production d’énergie.
Le cas particulier des Autochtones et des populations racialisées au Canada
Les Autochtones sont depuis longtemps défavorisés en matière de bien-être
Depuis bien longtemps, le Canada lutte contre les difficultés de ses peuples autochtones, dont la situation socio-économique est affectée par le passé colonial et par les traumatismes intergénérationnels qu’il a engendrés. Le pays n’a signé qu’en 2007 la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (dont la loi de mise en application a été présenté au parlement en décembre 2020). Ce processus historique a culminé avec les excuses officielles du gouvernement relatives aux anciens élèves des pensionnats indiens, un système qui a existé pendant un siècle (voir Kim (2019) pour un résumé), le processus dit « de vérité et de réconciliation », et l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi qu’à travers l’accélération sensible des règlements en matière de revendications territoriales. Ces évolutions ont donné lieu à – ou, du moins, coïncidé avec – une renaissance culturelle et un sentiment de revitalisation au sein de nombreuses communautés autochtones.
L’OCDE a récemment mis l’accent sur l’importance d’assurer un régime foncier stable et de surmonter l’obstacle très ancien de la Loi sur les Indiens de 1876, qui attribue par défaut la propriété foncière des réserves au gouvernement fédéral (OCDE, 2020h). Tandis qu’il avait fallu au Canada plus de 40 ans pour négocier 40 conventions relatives aux droits et aux terres des Autochtones jusqu’en 2015, de nouvelles procédures visent à obtenir des résultats plus rapides sur le plan de l’autonomisation des gouvernements autochtones. Parmi celles-ci figurent plus de 75 nouvelles réflexions sur la reconnaissance des droits et de l’autodétermination des Autochtones encore en cours lors de la présentation du budget de mars 2019, dont 29 avaient débouché sur la signature d’accords préliminaires (chapitre 3 du budget). Les pratiques de l’État pourraient toutefois encore être améliorées de manière à autonomiser les gouvernements autochtones (OCDE, 2020h).
Les peuples autochtones représentent presque 5 % de la population canadienne totale, une part susceptible d’augmenter à moyen terme (Drummond et al., 2017). Il existe trois groupes distincts d’Autochtones, possédant chacun une histoire, une identité et des défis qui lui sont propres : les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Compte tenu de leurs différences significatives (y compris entre les Premières Nations), un accord mutuel a donné lieu à l’adoption d’une approche « fondée sur les distinctions » applicables à toutes les décisions de politiques publiques. Les informations relatives à la situation socio-économique des Premières Nations vivant en réserve sont toutefois souvent lacunaires puisque ces populations sont loin de toujours participer aux enquêtes de Statistique Canada, y compris au recensement. L’OCDE (2020h) a récemment souligné l’importance d’améliorer la qualité des données recueillies concernant les Autochtones, mais il est clair que, malgré des financements significatifs et en hausse consacrés à l’éducation et à la santé (en particulier pour les communautés isolées) et les revenus complémentaires alloués aux peuples des réserves, ces populations restent nettement désavantagées.
Deux publications récentes mettent en lumière ces difficultés. Le Conseil national de développement économique des Autochtones (2019) a examiné 31 mesures englobant l’emploi, le revenu, le bien-être de la communauté, l’éducation, le développement des entreprises, la gouvernance, les ressources et les infrastructures, pour en conclure que, malgré les progrès enregistrés au regard de certains indicateurs depuis 2012, la plupart des carences restent criantes et que les améliorations sont rares. Il est par conséquent fort probable que l’objectif de la parité économique en 2022 ne puisse être atteint si les aides et programmes publics ne sont pas revus à la hausse, en particulier pour les Premières Nations vivant en réserve, qui souffrent des retards les plus flagrants.
La deuxième publication est un rapport du Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations (2020), qui contient une synthèse instructive de la situation en 2015-16, établie à partir des Enquêtes régionales sur la santé. Elle se concentre sur les maladies chroniques, qui affectent presque 60 % des membres adultes des Premières Nations (et plus encore pour les femmes). Presque une personne interrogée sur dix a déclaré n’avoir pas bénéficié de tous les soins dont elle avait besoin en raison des listes d’attente, du manque de praticiens disponibles, de problèmes financiers ou d’une couverture insuffisante. Il convient toutefois de mentionner une amélioration tangible concernant les mentions d’une eau potable durablement impropre à la consommation dans les réserves publiques, dont le nombre a reculé pour passer de 105 en novembre 2015 à 59 en décembre 2020. Le gouvernement avait prévu d’éradiquer le problème de la qualité de l’eau potable pour mi-2021, en y affectant des crédits massifs du budget fédéral, inaugurés dans le budget 2016 puis renforcés dans le budget 2019. Cet objectif ne sera toutefois pas atteint malgré l’annonce récente d’un investissement supplémentaire de 1.5 milliard CAD dont 114 millions CAD de dépenses de fonctionnement annuelles d'ici à 2025-26 pour garantir une eau potable irréprochable pour les peuples des Premières Nations.
Parmi les résultats en matière de bien-être, les Autochtones se révèlent également très en deçà de leurs concitoyens non autochtones pour plusieurs autres paramètres (Tableau 2.10 ; ces données s’entendent hors Premières Nations vivant en réserve et Inuits de l’Inuit Nunangat). Ils sont plus nombreux à déclarer une mauvaise santé mentale, en particulier les femmes (qui sont beaucoup plus souvent victimes de violences familiales et autres de la part des hommes (Association des femmes autochtones du Canada, non daté), voire de stérilisation forcée), les personnes âgées de 18 à 34 ans et les Premières Nations. Les chiffres dénotent également une dégradation plus significative depuis 2015 (Statistique Canada, 2020a). La part de personnes interrogées déclarant souffrir de troubles de l’humeur ou d’anxiété attestés médicalement mène au même constat. Ces populations sont également beaucoup plus touchées par les problèmes liés aux addictions, mais aussi par les homicides et les suicides, en particulier chez les Inuits. À l’échelle de l’ensemble des Autochtones, le taux d’homicide est environ cinq fois plus élevé que pour le reste de la population, ce qui représente un écart de plus de 100 décès par an. Sachant que les taux de suicide sont environ dix fois plus élevés que la moyenne nationale dans les communautés inuites, leurs responsables ont participé à l’élaboration d’une stratégie de prévention du suicide, afin d’aider les individus en difficulté à accéder aux services appropriés.
Tableau 2.10. Quelques indicateurs de bien-être des Autochtones canadiens comparés au reste de la population
|
Autochtones |
Non autochtones |
||||
---|---|---|---|---|---|---|
A. Résultats en matière de santé mentale en 2019 |
|
|||||
1. Santé mentale autoévaluée |
||||||
Part en % de réponses « Très bonne » ou « Excellente » |
54 |
68 |
||||
dont : |
||||||
femmes |
49 |
? |
||||
hommes |
59 |
? |
||||
18-34 ans |
47 |
? |
||||
Premières Nations |
49 |
- - |
||||
Variation depuis 2015, en points de pourcentage |
- 9 |
- 5 |
||||
2. % de troubles de l’humeur/anxiété attestés médicalement |
||||||
Total |
27 |
13 |
||||
dont : |
||||||
femmes |
35 |
19 |
||||
hommes |
19 |
|||||
Premières Nations |
31 |
-- |
||||
Variation depuis 2015, en points de pourcentage |
+ 5 |
+ 2 |
||||
B. Indicateurs de pauvreté, en % |
||||||
% de personnes dont le revenu est inférieur au seuil de pauvreté défini par la mesure du panier de consommation, 2015 |
||||||
Total |
24 |
13 |
||||
dont : |
||||||
moins de 18 ans |
30 |
? |
||||
Premières Nations hors réserves |
30 |
-- |
||||
1. % de personnes vivant dans des foyers souffrant d’insécurité alimentaire, 2017 |
||||||
Adultes |
38 |
? |
||||
dont : |
? |
|||||
hommes |
34 |
? |
||||
Premières Nations hors réserves |
43 |
- - |
||||
Inuits |
53 |
- - |
||||
C. Évolutions récentes du chômage, en %, non corrigées des variations saisonnières |
||||||
Total |
femmes |
hommes |
Total |
femmes |
hommes |
|
Déc. 2019-fév. 2020 |
10.0 |
7.3 |
12.6 |
5.5 |
4.9 |
6.0 |
Mars 2020-mai 2020 |
16.6 |
13.6 |
19.5 |
11.7 |
11.7 |
11.7 |
Juin 2020-août 2020 |
16.8 |
16.8 |
16.7 |
11.2 |
11.9 |
10.6 |
Sources : Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes 2019 ; P. Arriagada, T. Hahmann et V. O’Donnell (2020a), « Les Autochtones et la santé mentale durant la pandémie de COVID-19 », Statistique Canada, 23 juin ; A. Bleakney, H. Masoud et H. Robertson (2020), « Les répercussions de la COVID-19 sur le marché du travail des Autochtones : mars à août 2020 », Statistique Canada, 2 novembre.
La pauvreté est également bien plus répandue parmi les Premières Nations vivant hors des réserves que chez les Canadiens non autochtones. L’écart est moins marqué dans le cas des Métis et des Inuits (Canada Sans Pauvreté, non daté). Le même constat d’un taux de pauvreté bien supérieur s’applique également aux enfants, en particulier les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent en réserve ou non (Beedie, 2019 ; Campagne 2000, 2020). En 2016, 297 des 367 réserves de Premières Nations (soit 81 %) pour lesquelles on disposait de données issues du recensement affichaient des taux de pauvreté par habitant supérieurs à la moyenne, et dans 27 d’entre elles le revenu annuel moyen était inférieur à 10 000 CAD. Sans surprise, ce retard concerne également l’insécurité alimentaire. Ces éléments contribuent à une santé physique et mentale déficiente, à des résultats scolaires inférieurs et à un stress familial accru. Le COVID-19 a davantage affecté la capacité de ces populations à honorer leurs engagements financiers ou à combler leurs besoins essentiels, dans des proportions autoévaluées comme « fortes » ou « modérées » par 36 % des personnes interrogées, contre 25 % pour les autres (Arriagada et al., 2020b), un constat cohérent avec la montée plus marquée du chômage chez ces populations pendant la crise, en particulier pour les femmes (Tableau 2.10, partie C).
Les Autochtones sont également beaucoup plus concernés que les autres Canadiens par le problème des logements surpeuplés et de mauvaise qualité, sans parler de l’absence pure et simple de toit. La probabilité de devoir être hébergé(e) dans un foyer de sans-abris est respectivement 11 et 15 fois plus importante pour des hommes et pour des femmes autochtones que pour les autres Canadiens et Canadiennes. Pour les Autochtones, toutefois, le fait d’être sans-abri va bien plus loin que la simple absence de toit. Il suppose la perte de « Tous mes liens », c’est-à-dire du sentiment d’appartenance et de l’équilibre psychologique associés aux liens qu’entretient un individu avec sa famille, avec sa communauté et avec son pays (Thistle, 2017). Il ne fait aucun doute que tous ces éléments ont touché de manière particulièrement sévère le bien-être de ces populations pendant la pandémie actuelle sachant que les traditions culturelles, la fierté, la dignité et l’autodétermination sont plus importantes aux yeux des Autochtones que pour l’ensemble des Canadiens, et compte tenu de l’absence de filets de sécurité. Conscient de cette plus grande vulnérabilité, le gouvernement fédéral a lancé, avec le Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, plusieurs aides nouvelles et renforcé certains programmes existants pour soutenir les communautés autochtones, développer les services de santé publique et de bien-être psychologique, augmenter le nombre de foyers pour les femmes et les enfants fuyant la violence et renforcer l’aide financière, notamment aux étudiants (pour un montant de 72.5 millions CAD).
Il semblerait que les inégalités en termes de bien-être aient au moins cessé de se creuser. Sur la base d’un indice non pondéré conçu par le gouvernement fédéral, qui se compose du revenu par habitant, du taux d’activité, du logement et du niveau d’études (données du recensement), les peuples des Premières Nations, les Inuits et les non-autochtones auraient tous connu une amélioration d’une ampleur similaire depuis 1981 (Richards, 2020), d’où un fossé relativement constant de 19 points de pourcentage (58.4 contre 77.5) en 2016. Toutefois, la clé de cet écart en termes de bien-être pourrait se trouver dans les statistiques du marché du travail, puisque le taux de chômage moyen des Autochtones au cours de 25 années étudiées s’établissait à 15.3 %, contre 7.4 % pour les autres peuples, avec une différence particulièrement marquée dans les zones rurales (OCDE, 2020h), ce qui s’explique par le manque d’offres d’emploi dans les réserves des Premières Nations. Afin de replacer ces chiffres dans leur contexte, nous avons comparé le Canada à d’autres pays comptant une proportion comparable de populations autochtones (Graphique 2.18). Il s’avère que le pays se trouve dans la moyenne de ce groupe concernant l’espérance de vie, le revenu par habitant ou les taux d’emploi et de chômage de ces peuples. Les statistiques semblent également assez comparables à celles des Tsiganes d’Europe centrale et de l’Est, en particulier de République slovaque, mais aussi des Israéliens arabes (OCDE, 2019f, chapitre 1).
L’amélioration de la situation de ces peuples sur le marché du travail passe nécessairement par de meilleures performances à l’école primaire et dans le secondaire, et par un développement des formations post-secondaires. Les insuffisances en matière d’emploi et de compétences se renforcent mutuellement au fil du temps, sachant qu’une main d’œuvre mal formée décourage la création d’emplois et que la pénurie d’emplois n’encourage pas à acquérir des compétences (Mahboubi et Busby, 2017). En 2019, le gouvernement fédéral a modifié le cadre de financement de la scolarité des Premières Nations de la maternelle au secondaire (M-12), augmenté les ressources à temps plein pour la maternelle, mais aussi pour les cours de langues et de culture, accru les investissements dans les ouvertures d’écoles et adopté une approche fondée sur les distinctions concernant l’enseignement supérieur. Néanmoins il faudra sans doute étoffer l’offre d’emplois dans les communautés autochtones isolées pour pouvoir améliorer leur situation sur le marché du travail. De même, la surreprésentation des Autochtones en prison nuit à leur employabilité. En outre, un tiers des Autochtones courent un risque significatif que leur emploi soit automatisé et remplacé par un robot, une proportion légèrement supérieure à celle des non-autochtones, les premiers étant plus présents dans les secteurs à bas salaires puisqu’ils sont plus souvent non diplômés (25.6 % chez les adultes autochtones en âge de travailler, contre 10.8 % pour les non-autochtones) (Diversity Institute et al., 2020). Dans une étude approfondie de la situation des Autochtones canadiens sur le marché du travail, l’OCDE (2018a) préconisait : 1) davantage de flexibilité dans la gestion des programmes ; 2) une meilleure harmonisation des programmes fédéraux et provinciaux ; 3) une mise à contribution des villes pour répondre aux besoins des Autochtones qui y vivent ; 4) une collecte et un usage plus pertinents et efficaces des informations relatives au marché du travail (un programme pilote d’information dans ce domaine a été lancé en 2019) ; 5) le recours à des programmes ciblés d’expérience professionnelle ; 6) un accès facilité des Autochtones aux formations postsecondaires ; 7) un développement du mentorat ; et 8) une réflexion menée sur le rôle que pourraient jouer les entreprises sociales.
La création d’entreprises et la réussite commerciale des Autochtones ont longtemps été bridées non seulement faute d’éducation et de formations appropriées, mais aussi à cause des barrières de la ruralité, de la petite échelle, du manque d’infrastructures et d’un accès limité au crédit (OCDE, 2020h). Le gouvernement fédéral pourrait favoriser davantage les entreprises des Autochtones dans les marchés publics et en faire plus pour renforcer les 59 membres de l’Association nationale des sociétés autochtones de financement. Il pourrait également étoffer l’offre de formations et de conseils aux entrepreneurs. Il convient toutefois de ne pas ignorer l’importance des gouvernements autochtones pour le développement économique, notamment à travers le règlement des litiges fonciers ou des droits aux ressources naturelles, ou l’obtention de sources de revenus propres visant à améliorer durablement la situation socio-économique des Autochtones.
Les difficultés d’accès à l’internet à haut débit représentent un autre problème majeur pour les entreprises comme pour les ménages autochtones, très fréquemment installés dans des communautés septentrionales isolées. Les dernières données comparatives disponibles (concernant 2018) montrent que les ménages habitant les réserves des Premières Nations étaient bien plus défavorisés dans ce domaine, non seulement que la moyenne canadienne, mais aussi que le ménage rural type (Tableau 2.11). Dans sa stratégie pour la connectivité (« La haute vitesse pour tous »), le gouvernement fédéral s’est engagé à coopérer avec les communautés autochtones pour mettre en œuvre des projets de connectivité et répondre à leurs besoins. Toutefois, l’objectif des pouvoirs publics consistant à garantir un accès rapide et fiable aux infrastructures de base à l’horizon 2030 seulement manque d’ambition. Le gouvernement devrait faire en sorte de combler plus vite ces lacunes.
Tableau 2.11. Accès à l’internet haut débit des ménages Premières Nations, vitesse en Mo/s, en %, 2018
Vitesse |
Canada |
Communautés rurales |
Réserves Premières Nations |
---|---|---|---|
1.5+ |
98.8 |
94.2 |
92.6 |
5+ |
97.9 |
90.5 |
85.8 |
10+ |
96.6 |
84.2 |
71.4 |
16+ |
94.1 |
73.8 |
55.8 |
25+ |
93.7 |
72.1 |
54.0 |
50+ |
86.5 |
43.0 |
32.3 |
50/10/illimité |
85.7 |
40.8 |
31.3 |
100+ |
84.9 |
37.9 |
29.3 |
Source : CRTC (2019), RSC 2019-Secteur des services internet fixes de détail et disponibilité de la large bande, infographie 9.24.
Citons comme innovation récente la manière dont le gouvernement aide les communautés Premières Nations au moyen de différents instruments de financement flexibles nés des négociations avec des gouvernements Premières Nations en vue d’instaurer une nouvelle relation budgétaire assurant des fonds suffisants, prévisibles et pérennes. Par exemple, au lieu d’affecter des crédits annuels, avec toute l’incertitude que cela suppose, l’État fédéral a commencé il y a quelques années à proposer des subventions décennales, qui allègent la charge administrative et déclarative des gouvernements autochtones, tout en leur laissant une discrétion considérable en matière d’affectation des ressources disponibles dans le temps et entre les programmes, puisque les reports sont alors permis. Malheureusement, de nombreux gouvernements autochtones n’ont pas profité de cette possibilité à ce jour, en raison d’un sentiment de défiance et d’incohérence avec le processus de décolonisation, couplé, dans certains cas, à des moyens de gouvernance insuffisants et à l’incapacité de répondre aux conditions d’éligibilité. Il n’en reste pas moins que depuis 2019, 84 communautés Premières Nations (sur 600 environ) participent au système de financement décennal, et que leur nombre augmente rapidement. Citons parmi d’autres exemples notables de déconcentration et d’autodétermination : la reconnaissance de cinq organisations autochtones par le gouvernement canadien, les programmes fédéraux relatifs au marché du travail pour les Autochtones, une offre de soins de santé en Colombie-Britannique et divers services publics aux Premières Nations dans le nord de l’Ontario.
Des populations racialisées également très désavantagées en termes de bien-être
En 2016, 7.7 millions de Canadiens appartenaient à des minorités visibles (soit 22.3 % de la population, mais deux fois plus à Toronto), contre 16 % dix ans plus tôt, en raison de l’origine diversifiée des immigrés. Si nombre d’entre eux ne sont pas nés au Canada et souffrent économiquement de leur statut d’immigré, les Canadiens non blancs nés dans le pays sont encore plus désavantagés. Ainsi, leur taux de pauvreté en 2016, quoique variable selon les groupes, représentait dans la majeure partie des cas plus du double des 9.6 % enregistrés pour les Canadiens blancs (Hou et al., 2020), allant jusqu’à avoisiner 30 % pour certains groupes. Seuls les Canadiens philippins connaissaient un taux de pauvreté inférieur à celui des Canadiens blancs (8 %). Des disparités similaires étaient notées pour les jeunes adultes célibataires noirs et non blancs à Toronto en 2016 (Duah-Kessie et al., non daté). Les populations racialisées affichent un taux de chômage supérieur de presque deux points de pourcentage, les femmes représentant la quasi-totalité de cet écart (3.2 points) (Block et al., 2019). Cependant, les hommes racialisés gagnent 22 % de moins que les autres, ce qui dénote la prévalence croissante de travailleurs pauvres dans cette catégorie, en particulier parmi les Canadiens noirs et d’Asie du Sud (Stapleton, 2019). Les hommes comme les femmes inscrivent sur leur déclaration de revenus moins de plus-values et de produits financiers, et d’un montant inférieur, ce qui suppose des écarts de patrimoine sensibles. Les Canadiens noirs pâtissent également d’un accès plus restreint à une nourriture de qualité, mais aussi de problèmes de logement plus fréquents (Leon et Iveniuk, 2020) et d’une plus grande insatisfaction à l’égard du quartier où ils résident (Claveau, 2019).
Des données recueillies en ligne montrent que, pendant la pandémie de COVID-19, les Canadiens racialisés ont davantage souffert que leurs concitoyens blancs d’une perte d’emploi ou d’une diminution de leurs heures de travail, ce qui explique qu’ils aient été plus nombreux, en proportion, à faire état de lourdes répercussions financières (25.0 % contre 22.1 %). Ils ont également indiqué plus souvent que les Canadiens blancs que leur santé mentale au printemps 2020 n’était que passable ou mauvaise (27.8 % contre 22.9 %) et qu’ils souffraient d’une anxiété modérée à sévère (30 % contre 24.2 %) (Moyser, 2020a). Ces écarts ne semblent toutefois pas s’être creusés depuis le début de la pandémie. Face aux problèmes psychologiques propres aux Canadiens noirs, le gouvernement fédéral a récemment affecté des fonds à des programmes de santé mentale culturellement ciblés sur les jeunes à risque à l’échelon local.
Principales conclusions et recommandations
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
RECOMMENDATIONS (les principales recommandations sont en caractères gras) |
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Donner une place de premier plan au bien-être après la pandémie |
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Le Canada fait partie de la minorité de plus en plus réduite de pays de l’OCDE qui ne sont pas dotés d’un cadre officiel de mesure du bien-être. Le gouvernement fédéral avait chargé un ministre d’en élaborer un en 2019, ce qui est en cours. |
Créer un tableau de bord des indicateurs de bien-être destiné à étayer les décisions de politique publique, couvrant les dimensions du bien-être actuel et futur, de l’inclusion et de la préservation de l’environnement. Utiliser ce tableau de bord pour recenser les enjeux de l’action publique et mesurer l’amélioration des résultats. |
Renforcer la protection sociale |
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La population à revenu moyen a diminué davantage au Canada que dans la plupart des pays. Son système de protection sociale est moins efficace que beaucoup d’autres pour compenser les effets du marché. |
Faire en sorte que les déclarations de revenus soient remplies automatiquement, conformément aux promesses récentes du gouvernement, pour que chacun puisse toucher les prestations auxquelles il a droit. |
L’écart actuel de salaires entre hommes et femmes fait partie des plus forts de l’OCDE, en particulier pour les mères d’enfants en âge d’être scolarisés. L’accès à la garde d’enfants dépend fortement des revenus. |
Développer l’offre de garde d’enfants en subventionnant davantage ces services, en contrôlant plus étroitement leur qualité et en aidant financièrement les parents qui travaillent à les payer. |
Au Canada, la pauvreté est particulièrement élevée chez les Autochtones et les populations racialisées. Malgré le système de protection sociale, la plupart des allocataires restent pauvres et souffrent d’insécurité alimentaire. Les pouvoirs publics ont augmenté les aides aux banques alimentaires pendant la pandémie. |
Envisager de combattre la pauvreté à l’aide de prestations sociales plus généreuses et de mesures fiscales, de préférence sans augmenter le budget total et en évitant des effets néfastes sur l'offre de main-d'œuvre. |
Accroître l’offre de logements abordables |
|
Le prix des logements représente un problème localisé, concentré en bas de l’échelle des revenus. L’offre de logement social et abordable est limitée et les listes d’attente sont longues. Le gouvernement fédéral suit une Stratégie nationale sur le logement depuis 2017. |
Développer l'offre de logement en améliorant la compétitivité du secteur de la construction, en réduisant l’encadrement des loyers et en assouplissant les réglementations de zonage et d’occupation des sols ainsi que les politiques de limitation de l’étalement des villes. Consacrer davantage de moyens au logement social et encourager de nouveaux dispositifs d’accession à la propriété. |
Le fait d'être sans domicile fixe constitue une autre manifestation de la pauvreté, et il est étroitement lié à une mauvaise santé, surtout mentale, ainsi qu’à l’insécurité alimentaire et à la toxicomanie. Ce phénomène pèse lourd sur les finances publiques. La durée de séjour des sans-abri dans les foyers d'accueil s'allonge. |
Doter le nouveau Conseil national du logement des moyens dont il a besoin pour démarrer, puis ajuster le financement à l’évolution des besoins. Nommer sans tarder le Défenseur fédéral du logement. |
Améliorer la santé et les soins de longue durée |
|
La disparité des systèmes de santé selon les provinces et les territoires devrait fournir de très nombreuses informations permettant d’élaborer les politiques optimales, par exemple concernant le problème chronique des délais d’attente. |
Rechercher des gains d'efficience et réduire les délais d’attente par une meilleure définition des priorités au niveau des patients, une amélioration de la coordination entre les prestataires de soins primaires et les spécialistes, un recours accru à la télémédecine, et le transfert de certaines tâches des médecins aux infirmières. S’appuyer sur les disparités entre les systèmes de santé des différents territoires et provinces pour définir de bonnes pratiques. |
La santé mentale joue un rôle clé dans le bien-être et dans sa diffusion. Les maladies mentales sont fréquentes et extrêmement coûteuses, mais leur traitement présente un très bon rapport coût-efficacité. Même avant la pandémie, les personnes estimant jouir d’une bonne santé mentale étaient moins nombreuses qu’en 2015 et les « morts du désespoir » étaient en hausse pour la majorité des classes d’âge féminines. La santé publique reçoit une faible part de l’ensemble des dépenses de santé. |
Augmenter les moyens destinés à la santé mentale et à la santé publique. Fixer des délais d’attente maximum pour les consultations psychiatriques des adultes et descendre encore la barre pour celles des enfants et des adolescents, même si cela suppose d’y consacrer davantage d’argent public. |
Les problèmes de toxicomanie sont à l’origine de quelque 76 000 décès au Canada en 2017, avec un fort coût économique. Environ 5 000 personnes ont succombé à une surdose d’opioïdes. |
Accroître les efforts des pouvoirs publics pour réduire et prévenir les dommages liés à l’addiction. Faire en sorte que les systèmes sociaux, de santé et pénal coordonnent mieux leurs actions dans ce domaine. |
Le Canada se distingue des autres pays par son système de santé public universel qui exclut les médicaments au niveau national. La disparité actuelle des régimes engendre une importante charge administrative, laisse 19 % de la population du pays sans couverture efficace et tire les prix des médicaments à la hausse (faute d’un pouvoir de négociation collectif), tout en « enchaînant » les salariés à leur employeur. |
Mettre en application le projet de négocier avec les provinces et les territoires la mise en place progressive d’une assurance-médicaments universelle. |
Autre lacune du filet de sécurité sociale : l’absence de congés de maladie indemnisés pour plus de la moitié des salariés, et même les trois quarts des plus bas salaires. Un régime temporaire a été créé, mais uniquement pour les malades du COVID-19. |
Négocier un plan national avec les provinces et les territoires pour rendre obligatoires un nombre approprié de jours de congés de maladie indemnisés pour tous les salariés. |
La situation déplorable du secteur des soins de longue durée est apparue au grand jour en 2020, avec les premiers cas de COVID-19 : près de trois quarts des décès dus au coronavirus concernent des résidents de maisons de retraite. |
Augmenter les aides aux établissements assurant des prestations de qualité, ainsi qu’aux soins de longue durée à domicile. Durcir les normes, procéder à des inspections plus fréquentes et plus rigoureuses, recueillir davantage de données qui serviront à alimenter le processus d’agrément. Améliorer la formation et la rémunération des employés du secteur des soins de longue durée. Encourager le maintien des personnes âgées à domicile. |
Renforcer la durabilité de l’environnement |
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Le bien-être est également influencé par des facteurs environnementaux. Le Canada affiche dans ce domaine des performances inégales, et globalement moyennes. Sa fiscalité environnementale, qui fait partie des moins lourdes de l’OCDE, recule en pourcentage du PIB, même si l’écart s’explique en partie par le recours aux systèmes de plafonnement et d’échange, de préférence à la taxe carbone, pour lutter contre le changement climatique. |
Mettre en application le projet récent d’accélération de la hausse de la tarification et de la fiscalité du carbone, tout en protégeant les plus pauvres des retombées sur leur niveau de vie. Recourir davantage à la fiscalité et à des mécanismes de redevances pour faire face aux externalités environnementales, notamment celles qui proviennent des carburants, du traitement des eaux usées et de la mise en décharge des déchets solides. |
Contribuer au bien-être des populations autochtones et des personnes racialisées |
|
Les Autochtones canadiens sont défavorisés à plusieurs égards depuis longtemps, malgré l’augmentation des aides publiques. On note un progrès récent avec la nouvelle orientation des relations entre les gouvernements autochtones et l’État fédéral qui passe par l’autodétermination, plus précisément avec la satisfaction des revendications territoriales et la mise a disposition de financements décennaux, qui n’a toutefois été acceptée à ce jour que par une minorité de groupes autochtones. |
Encourager l’autodétermination des peuples autochtones. Conserver une approche de politiques publiques fondée sur les distinctions et assurer des financements appropriés pour atteindre les objectifs. Apporter un accès rapide et fiable à l’internet à haut débit avant l’échéance prévue de 2030. |
Les personnes racialisées représentent un cinquième de la population canadienne et leur part augmente rapidement. Leur taux de chômage est plus élevé, en particulier chez les femmes, leurs salaires sont inférieurs, surtout pour les hommes, et la plupart de ces groupes affichent des taux de pauvreté nettement supérieurs. Les pressions économiques et sociales sur ces populations se sont accrues avec la pandémie. |
Mettre en œuvre les réformes de la protection sociale et/ou de la fiscalité, adopter l’assurance-médicaments nationale et les congés de maladie indemnisés pour tous comme indiqué plus haut, ce qui constituera un premier pas prometteur dans la lutte contre les injustices sociales dont souffrent ces groupes minoritaires. |
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