L’économie néerlandaise a enregistré en 2020 une sévère contraction qui tranche avec les six années de forte croissance enregistrées auparavant. La vague de contaminations au COVID-19 enregistrée au printemps a pu être maîtrisée, même si la plupart des activités économiques continuent de faire l’objet de mesures de distanciation sociale et d’hygiène. De ce fait, la contraction a été moins prononcée que dans d'autres pays (Graphique 1). Les mesures de soutien efficaces prises par les pouvoirs publics et le niveau déjà avancé de la transformation numérique et du télétravail avant la pandémie ont également contribué à amortir le choc. La résurgence du virus à l’automne a entraîné un durcissement des mesures, mais la récession économique a été limitée dans la mesure où les entreprises et les actifs ont pu s’adapter plus rapidement.
Études économiques de l'OCDE : Pays-Bas 2021 (version abrégée)
Résumé
La pandémie de COVID-19 pèse sur l’économie
Le chômage n’a que légèrement augmenté, grâce à la rapidité des mesures d’aide en faveur des entreprises, qui ont pris notamment la forme de subventions salariales et de couverture des coûts fixes ainsi que de garanties de prêts et de report de paiement d'impôts. À ce jour, ces mesures ont permis d'éviter une vague de faillites, mais si elles restent en vigueur une fois la reprise bien ancrée, elles pourraient freiner l'évolution structurelle nécessaire.
La reprise sera progressive, et des risques l’entourent
La production devrait se redresser graduellement en 2021 et 2022 (Tableau 1), mais reste tributaire de l’évolution de la situation sanitaire et des mesures adoptées pour contenir de nouveaux foyers épidémiques. Le déploiement des vaccins, indispensable à la reprise, a débuté en janvier 2021, l’objectif étant que toute la population soit vaccinée d’ici la fin de l’année. Après que l’épargne a atteint des niveaux élevés en 2020, le rattrapage de la demande non satisfaite alimentera le redressement dans un premier temps. Cependant, l’augmentation des cotisations de retraite et la hausse du chômage, sur fond de levée progressive des mesures de soutien, brideront la croissance de la consommation privée. L’investissement des entreprises restera en demi-teinte, compte tenu de la persistance des incertitudes. La montée de l’endettement des entreprises pendant la crise constitue un risque supplémentaire pour l’investissement privé.
Tableau 1. L’économie va se redresser lentement
(Taux annuels de croissance, %, sauf indication contraire)
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2020 |
2021 |
2022 |
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Produit intérieur brut |
-3.7 |
2.7 |
3.7 |
Consommation privée |
-6.4 |
-0.4 |
6.1 |
Consommation publique |
0.6 |
2.1 |
1.4 |
Formation brute de capital fixe |
-3.6 |
6.3 |
3.8 |
Exportations |
-4.3 |
4.7 |
3.8 |
Importations |
-4.3 |
4.0 |
4.2 |
Taux de chômage (%) |
3.8 |
4.1 |
4.7 |
Indice des prix à la consommation |
1.1 |
1.8 |
1.5 |
Solde de la balance courante (% du PIB) |
7.8 |
8.8 |
8.9 |
Solde financier des administrations publiques (% du PIB) |
-4.3 |
-6.1 |
-2.5 |
Dette brute des administrations publiques (% du PIB, au sens de Maastricht) |
54.5 |
58.5 |
58.8 |
Source : Perspectives économiques de l’OCDE : statistiques et projections (base de données).
Grâce à la gestion prudente des finances publiques jusqu'à la crise, les pouvoirs publics disposaient d’une marge leur permettant de prendre des mesures énergiques. Il a été possible de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, et des mesures de soutien discrétionnaires généreuses ont été rapidement prises, ce qui a fait augmenter la dette publique. La politique budgétaire accommodante pourra être poursuivie jusqu’à ce que la dynamique de la reprise soit bien enclenchée, mais les tensions liées au vieillissement démographique nécessitent des réformes structurelles et un assainissement à long terme.
Le secteur financier n'a donné jusqu’ici que peu de signes d’inquiétude, et les banques ont continué de fournir des crédits pendant toute la pandémie. Les ratios de financement des systèmes de retraite sont depuis longtemps sous tension du fait de la faiblesse persistante des taux d’intérêt. Ce phénomène pourrait être aggravé par les pertes potentielles sur l'immobilier commercial engendrées par la crise liée au COVID-19. Une réforme des retraites pourra être bénéfique, mais à plus longue échéance seulement. Les ménages sont fortement endettés, et qu'il s’agisse de primo-acquéreurs ou d’acheteurs déjà propriétaires, ils empruntent plus qu’avant en proportion de leur revenu du fait que les prix de l'immobilier d'habitation ont continué d'augmenter. Cela étant, la part des prêts non performants reste modeste. La réglementation macroprudentielle et l’existence d'un fonds de garantie des crédits hypothécaires ont permis de réduire les risques financiers liés au logement, mais la quotité de prêt, à 100 %, reste élevée en comparaison internationale. L’endettement important des ménages constitue une source de vulnérabilité macroéconomique, car la consommation privée pourrait rester atone en cas de chute des prix de l'immobilier.
Des investissements en faveur d’une croissance durable s’imposent
Les autorités pourraient faire davantage pour améliorer le climat des affaires. D'une manière générale, la réglementation est assez légère, et les procédures d'insolvabilité ont été réformées il y a peu. L’augmentation du recours au télétravail et l’internet des objets nécessitent une augmentation du débit, pour les connexions fixes aussi bien que mobiles.
L'action publique soutient la demande de logements sociaux et favorise les propriétaires-occupants, mais des contraintes du côté de l’offre poussent les prix à la hausse et provoquent un phénomène de rationnement. La plus grande partie du parc locatif public et privé fait l’objet d’un encadrement des loyers et d’un rationnement. La moitié de la population environ peut prétendre à un logement social, fourni pour l’essentiel par des sociétés gestionnaires de logements bénéficiant de garanties de l’État. Par ailleurs, les propriétaires-occupants jouissent d'un traitement fiscal favorable qui favorise la hausse des prix. De ce fait, les ménages à faible revenu et à revenu moyen, notamment les célibataires, qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier d’un logement social mais qui ne peuvent pas non plus obtenir de prêt ou disposer d'un apport suffisant pour devenir acquéreurs, n'ont que peu de possibilités en termes de logement. La législation proposée consistant à autoriser les municipalités à interdire l’investissement locatif serait contre‑productive.
Les Pays-Bas ne seront sans doute pas en mesure d’atteindre leur objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre(Graphique 3). La Cour suprême a rendu un jugement ordonnant à l’État de prendre des mesures d’ici à la fin de 2020 pour réduire de 25 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990. Cet objectif a pu être atteint de justesse, grâce à la crise économique liée au COVID-19, à la réduction de la part des centrales au charbons ainsi qu’à d'autres mesures. Dans les secteurs non couverts par le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SEQE) de l'UE, les prix du CO2 varient en fonction des sources d’émission et des combustibles, mais les informations dont on dispose sur les matières usées et les caractéristiques des produits sont insuffisantes pour qu'il soit possible de proposer des solutions relevant de l’économie circulaire.
La présence de dépôts d'azote trop nombreux dans des zones naturelles protégées limite l’espace disponible pour de nouveaux projets, ce qui ralentit les nouveaux investissements. En 2019, un autre jugement de la Cour suprême a entraîné la réévaluation des autorisations concernant tout un éventail d'activités émettrices d'azote, notamment des projets dans la construction et l'agriculture situés à proximité de réserves naturelles. Pour que des projets d'infrastructure importants puissent redémarrer, des mesures à court terme ont été prises, consistant par exemple à abaisser les limites de vitesse et à verser des aides aux agriculteurs pour réduire la taille de leurs élevages. De multiples instruments sont actuellement mis en place, et le transfert des permis d'émission est autorisé.
Il faut s'attaquer au dualisme du marché du travail et à la problématique des besoins de compétences
Les travailleurs indépendants et autres travailleurs sous contrat flexible ont été particulièrement touchés par la crise liée au COVID-19. Souvent, ces travailleurs gagnent moins d'argent, épargnent moins, ont une protection sociale moins développée et sont moins susceptibles de suivre des formations et d’être propriétaires de leur logement que les employés classiques. Les travailleurs indépendants paient moins d'impôt sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale, mais les salariés permanents jouissent d’un niveau de protections de l’emploi parmi les plus élevés de toute l’OCDE. Dans les secteurs très affectés par la crise liée au COVID-19, les contrats temporaires sont plus fréquents, les emplois moins qualifiés et les travailleurs souvent jeunes.
Le taux d'activité des femmes est élevé, mais près de 60 % d’entre elles travaillent à temps partiel, soit trois fois plus que les hommes (Graphique 4). Il s’agit là d’une utilisation sous-optimale du capital humain qui aboutit en outre à de larges écarts de rémunération, de patrimoine et de retraite entre les femmes et les hommes. La durée relativement faible du congé parental ouvert à l’autre parent et la part relativement élevée du coût de la garde d’enfants restant à charge y sont probablement pour quelque chose.
La poursuite des mutations structurelles risque d’accentuer les déséquilibres entre l’offre et la demande de compétences, et donc de réduire la valeur des qualifications de certains travailleurs. Il est probable que la crise provoquée par le COVID-19 a accéléré cette tendance dans certains secteurs particulièrement affectés (Graphique 5).
La transformation numérique a le potentiel d'accroître la productivité
Les Pays-Bas possèdent de solides infrastructures dans les TIC et une population active bien éduquée, ils sont donc bien placés pour adopter les technologies numériques. L'avènement du numérique est indispensable pour relancer la productivité et soutenir la reprise après la pandémie. Pour cela, il faudra que les outils numériques soient plus largement déployés.
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont à la traîne pour ce qui concerne l’adoption du numérique (Graphique 6), alors même qu’elles représentent une part relativement importante de l’emploi et de la valeur ajoutée. Une sensibilisation insuffisante et les coûts fixes associés, par nature, aux investissement dans les technologies numériques, freinent le processus. L'absence de financement constitue un autre obstacle à la croissance, et les dépenses de R-D ne sont pas très élevées.
Le manque de professionnels des TIC freine la généralisation du numérique. Les étudiants, surtout ceux qui sont des filières professionnelles, sont très nombreux à ne pas maîtriser les compétences numériques indispensables à la plupart des emplois aujourd'hui. La baisse des résultats et le creusement des différences entre établissements scolaires mis en évidence dans la dernière édition du PISA sont des phénomènes préoccupants.
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
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Aider l’économie à traverser la crise liée au COVID-19 |
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La politique budgétaire est très expansionniste et un assainissement trop rapide des finances publiques pourrait faire dérailler la reprise économique. Les mesures de soutien prises par les pouvoirs publics face à la pandémie ont aidé les entreprises à se maintenir à flot au plus fort de la crise, mais freinent la réallocation des ressources et la croissance de la productivité. Les dépenses de santé et celles qui sont liées au vieillissement vont exercer des tensions de plus en plus fortes à long terme. La dette accumulée aujourd'hui devra être remboursée par les générations futures. |
Apporter un soutien budgétaire ciblé jusqu'à ce que la reprise économique soit bien engagée. Lever progressivement les mesure visant à préserver les entreprises et les emplois existants lorsque la crise aura été maîtrisée. Concevoir à l’avance un programme pluriannuel d'ajustement budgétaire une fois que la dynamique de la reprise sera enclenchée. |
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La crise provoquée par le COVID-19 et l’automatisation accentuent la nécessité des reconversions et relèvements de qualifications. |
Augmenter les aides à la formation pour les demandeurs d’emploi et les travailleurs ayant fortement besoin de recyclage et de reconversion. |
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Un accord tripartite sur les retraites va permettre d'accroître la viabilité et l'équité intergénérationnelle des régimes de retraite professionnels. |
Mettre pleinement en œuvre l’accord tripartie sur les régimes de retraite professionnels avec passage à des cotisations définies. |
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Réduire l’endettement des ménages et rééquilibrer le marché du logement |
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La construction de logements n'a pas suivi la croissance de la population, ni l’évolution des modèles familiaux. La densité de population est forte et l’utilisation des terres est fortement concurrentielle et difficile à coordonner. |
Accroître l’offre de logements en accélérant les procédures d'aménagement du territoire et de construction, en affectant des emplacements à la construction de logements et en concluant des accords contraignants avec toutes les parties concernées. |
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Le secteur néerlandais du logement comprend une grande partie de logements occupés par leurs propriétaires, qui bénéficient d'un traitement fiscal plus avantageux que celui réservé à d'autres investissements ou à l'immobilier locatif. |
Réduire progressivement les avantages fiscaux attachés aux logements occupés par leurs propriétaires, dans des proportions plus importantes que ce qui est actuellement prévu. |
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À cause de l’encadrement des loyers qui concerne un tiers du stock de logement, l'accès au logement locatif à un prix raisonnable n’est possible qu’après une période d'attente. |
Limiter progressivement l’encadrement des loyers à une fraction plus étroite du marché. |
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Le marché locatif est dominé par des sociétés gestionnaires de logement bénéficiant de garanties de l’État. |
Évaluer l’influence des sociétés gestionnaires de logements sur le marché global du logement et veiller à ce qu’un espace suffisant soit laissé au marché locatif privé. |
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Investir dans l’environnement au service de la croissance et du bien-être |
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Si les politiques actuelles sont poursuivies, les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre ne pourront pas être atteints. La tarification du CO2 varie en fonction des sources d'émissions et selon les combustibles. |
Introduire davantage de cohérence dans la tarification des émissions entre les secteurs et les combustibles non visés par le système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne. |
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Il faut réduire les émissions d'azote pour respecter la législation nationale et le droit de l’Union européenne. Des instruments très divers sont en cours de mise en place. Les permis d’émission sont négociables. |
Regrouper les instruments de gestion des droits d’émission d'azote afin de faciliter encore la normalisation et les transferts de droits. Continuer d'améliorer la coopération transnationale pour résoudre le problème de l’azote. |
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Réduire le dualisme du marché du travail et les inégalités, et stimuler la confiance |
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La protection de l’emploi des travailleurs réguliers est stricte. Les travailleurs indépendants gagnent moins d'argent, épargnent moins et paient moins d'impôts et de cotisations de sécurité sociale, ce qui incite à faire appel à eux mais abaisse le niveau de leur protection. La Commission pour la réglementation du travail a proposé un vaste plan de réforme visant à réduire le dualisme du marché du travail et à promouvoir la formation continue. |
Appliquer les recommandations de la Commission pour la réglementation du travail, notamment : Autoriser les employeurs à adapter les emplois, les lieux de travail et les horaires de leurs salariés en fonction des besoins de l’économie. Harmoniser les taux des prélèvements fiscaux et sociaux entre les différents types de contrats pour les travailleurs exerçant des emplois similaires. |
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Près de 60 % des femmes travaillent à temps partiel, soit environ trois fois plus que les hommes et que la moyenne de l’OCDE pour les femmes. L’écart entre les hommes et les femmes concernant le temps partiel se creuse encore lorsqu’ils deviennent parents. |
Aller plus loin que prévu actuellement en réservant aux pères des droits à congé après la naissance d'un enfant. Porter les taux de remplacement après la naissance pour les congés pris par les pères au même niveau que ceux des mères. |
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La fréquentation des centres d'accueil de jeunes enfants est bien supérieure à la moyenne de l’OCDE, mais le nombre total d’heures passées dans ces structures est faible. |
Réduire les prix de la garde d’enfant pour les usagers. |
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Réaliser des gains de productivité grâce à la transformation numérique, au développement des compétences et à la rationalisation de la réglementation |
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Les petites et moyennes entreprises représentent une part relativement importante de l’emploi/la valeur ajoutée. Une sensibilisation insuffisante et les coûts fixes associés, par nature, aux investissement dans les technologies numériques, freinent le processus. |
Augmenter le soutien direct aux PME pour faciliter l’adoption des outils numériques, notamment des services de conseil aux entreprises et des installations de test. |
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Une grande partie des entreprises, notamment des PME, sont soit ignorantes des questions de sécurité informatique, soit passives face à elles. |
Encourager les entreprises à mettre en œuvre les normes de sécurité numérique existantes. |