Après une description des hypothèses macroéconomiques et relatives aux politiques publiques qui sous-tendent les projections, y compris celles liées à la guerre de la Russie contre l'Ukraine, ce chapitre présente les principales conclusions des Perspectives agricoles. Il met en lumière les projections de la production, la consommation, les échanges et les prix de 25 produits agricoles sur la période allant de 2022 à 2031. La croissance de la demande de produits agricoles devrait ralentir au cours de la décennie à venir et avoir pour principal moteur la croissance démographique. Les écarts de revenus et de croissance des revenus, de même que les préférences culturelles influençant l’alimentation et la nutrition, expliqueront les différences persistantes dans les modes de consommation entre pays. Le ralentissement de la croissance de la demande de produits agricoles de base devrait aller de pair avec des gains d’efficience dans la production végétale et animale, ce qui maintiendra les prix réels à des niveaux relativement stationnaires. Le commerce international restera essentiel pour la sécurité alimentaire dans les pays importateurs de produits alimentaires et pour la subsistance des populations rurales dans les pays exportateurs. À la fin du chapitre, un scénario détermine le niveau de croissance de productivité nécessaire pour atteindre l'objectif de développement durable 2 (ODD-2) de l'ONU Faim Zéro ainsi qu'une réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre agricoles d'ici 2030. Au cours de la décennie à venir, la variabilité des conditions météorologiques, les ennemis des cultures et les maladies animales, l’évolution des prix des intrants, des événements macroéconomiques et d’autres incertitudes se traduiront par des écarts avec les projections.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2022-2031
1. Marchés agricoles et alimentaires : tendances et perspectives
Abstract
1.1. Introduction
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2022-2031 sont le fruit de la collaboration entre l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Elles présentent un scénario de référence cohérent de l’évolution des marchés des produits agricoles et du poisson aux niveaux national, régional et mondial au cours des dix prochaines années (2022-2031). Ce scénario de référence s’appuie sur la connaissance approfondie, des produits, des politiques mises en œuvre et des pays dont disposent les deux organisations, ainsi que sur les contributions apportées par les pays membres partenaires et par les organisations internationales de produits.
Les projections de référence sont établies à l’aide du modèle Aglink-Cosimo de l’OCDE et de la FAO, qui met en relation les différents secteurs et pays étudiés de manière à assurer une cohérence d’ensemble et un équilibre global entre tous les marchés. Les projections présentées dans ces Perspectives reflètent les conditions actuelles des marchés (synthétisées au Graphique 1.1), ainsi que les hypothèses concernant l’évolution de la conjoncture macroéconomique, de la situation démographique et des politiques publiques, qui sont décrites en détail à la section 1.2.
La guerre en cours de la Russie (ci-après Russie) contre l’Ukraine (ci-après dénommée « guerre ») a déjà des répercussions considérables sur les marchés agricoles, notamment ceux des céréales et des oléagineux, dont la Russie et l’Ukraine sont des exportateurs clés (Encadré 1.1). Dans un certain nombre d'organisations internationales, les membres ont exprimé leur condamnation de la guerre de la Russie contre l'Ukraine (par exemple, l'Assemblée générale des Nations Unies et l'OCDE) et/ou ont confirmé les résolutions de l'Assemblée générale adoptées à cet égard (par exemple, le Conseil de la FAO et la Conférence régionale pour l'Europe)1. Les projections de ces Perspectives tiennent compte d’une probable réduction de la production en Ukraine, et d’une moindre disponibilité des exportations en provenance d’Ukraine et de Russie, durant l’année commerciale 2022/23. L’impact à moyen-terme de la guerre ne peut être évalué sur la base des données actuellement disponibles.
Le scénario de référence des Perspectives sert de point de départ à une planification prospective des politiques publiques, et l’utilisation du modèle Aglink-Cosimo qui le sous-tend permet de procéder à une analyse par simulation, et même d’évaluer les incertitudes quant à l’évolution des marchés. Une présentation détaillée de la méthode utilisée pour établir les projections ainsi que d’autres informations sur le modèle AGLINK-COSIMO sont disponibles en ligne à l’adresse www.agri-outlook.org/fr/.
Les Perspectives comportent quatre grandes parties.
Partie 1 : Marchés agricoles et alimentaires : tendances et perspectives. À la suite de la description des hypothèses relatives à la conjoncture macroéconomique et à l’action publique qui sous-tendent les projections (section 1.2), ce chapitre présente les principales constatations des Perspectives. Il expose les principales projections et donne un aperçu des grands objectifs que les systèmes agroalimentaires devront s’efforcer d’atteindre et des plus importants défis qu’ils auront à relever au cours des dix prochaines années. Ce chapitre décrit les tendances et les perspectives de la consommation (section 1.3), de la production (section 1.4), des échanges (section 1.5), et des prix (section 1.6). La section 1.7 s’appuie sur un scénario illustratif pour évaluer quel serait le degré de croissance de la productivité nécessaire au niveau mondial pour éradiquer la faim et réduire les émissions de GES de l’agriculture à l’horizon 2030.
Partie 2 : Synthèses régionales. Ce chapitre décrit les grandes tendances et les problèmes émergents auxquels se trouvera confronté le secteur agricole dans les six régions de la FAO : Asie Pacifique, séparée en Asie de l’Est et développée (section 2.2) et Asie du Sud et du Sud-Est (section 2.3), Afrique subsaharienne (section 2.4), Proche-Orient et Afrique du Nord (section 2.5), Europe et Asie centrale (section 2.6), Amérique du Nord (section 2.7), et Amérique latine et Caraïbes (section 2.8). Il met en évidence les aspects régionaux des projections de la production, de la consommation et des échanges, et offre des informations d’ordre général sur les grands enjeux régionaux.
Partie 3 : Chapitres sur les produits. Ces chapitres décrivent les récentes évolutions des marchés et présentent les projections à moyen terme des prix, de la production, de la consommation et des échanges des produits examinés dans les Perspectives. Chaque chapitre s’achève par un examen des principaux problèmes et incertitudes susceptibles d’avoir une incidence sur les marchés dans les dix prochaines années. Cette partie comporte neuf chapitres portant respectivement sur les céréales (chapitre 3), les oléagineux et les produits oléagineux (chapitre 4), le sucre (chapitre 5), la viande (chapitre 6), le lait et les produits laitiers (chapitre 7), les produits halieutiques et aquacoles (chapitre 8), les biocarburants (chapitre 9), le coton (chapitre 10), et les autres produits (chapitre 11).
Partie 4 : Annexe statistique. L’annexe statistique présente les projections de la production, de la consommation, des échanges et des prix des différents produits agricoles, halieutiques et aquacoles, ainsi que des biocarburants, de même que les hypothèses relatives à la conjoncture macroéconomique et à l’action des pouvoirs publics. L’évolution des marchés durant la période examinée est représentée par les taux de croissance annuels et par la comparaison entre les données relatives à la dernière année (2030) et celles correspondant à une période triennale de référence (2018-20). L’annexe statistique n’apparaît pas dans la version imprimée des Perspectives, mais elle est disponible en ligne.
Encadré 1.1. La guerre de la Russie contre l’Ukraine
La guerre de la Russie contre l’Ukraine (ci-après dénommée « guerre »), y compris l'annexion de la Crimée, a commencé en 2014. Les mesures politiques qui ont été prises en réaction et leurs conséquences économiques ont façonné depuis lors les marchés agricoles mondiaux. Jusque-là abondantes, les importations russes de viande, de produits laitiers ainsi que de fruits et légumes en provenance de l’Union européenne, d’Amérique du Nord et de plusieurs autres pays ont alors quasiment cessé après qu'un embargo ait été prononcé pour marquer l’opposition à l’annexion de 2014. Depuis lors, cette situation s’est aggravée pour finalement atteindre un paroxysme avec la guerre ouverte lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022, cette situation entraînant de nouveaux bouleversements sur les marchés mondiaux et menaçant la sécurité alimentaire à un moment où les prix mondiaux des produits agricoles sont déjà élevés.
L'importance de l’Ukraine et de la Russie pour les marchés agricoles mondiaux
L’Ukraine et la Russie figurent parmi les plus gros producteurs et exportateurs de produits d’origine végétale au monde, en particulier de blé, d’orge, de maïs, de graines de tournesol et de colza. En revanche, leur production animale est destinée principalement à leurs marchés intérieurs.
Sur les cinq dernières saisons, la Russie et l’Ukraine représentaient respectivement 10 % et 3 % de la production mondiale de blé en moyenne. Ces deux pays se classent respectivement à la première et la cinquième place mondiale pour leurs exportations de blé, qui représentent 20 % et 10 % des exportations totales. Ils jouent, l’un comme l’autre, un rôle capital dans l'approvisionnement en blé des marchés internationaux, notamment dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, où le blé est le principal aliment de base.
La Russie et l’Ukraine représentent 20 % de la production mondiale d’orge, dont ils sont respectivement les troisième et quatrième plus gros exportateurs. Leur production est utilisée en majorité dans le secteur de l’élevage pour nourrir les animaux.
L’Ukraine est le premier producteur mondial de graines de tournesol, suivie par la Russie. Ensemble, ces deux pays représentent plus de la moitié de la production mondiale. La majorité de leur production de cette céréale est transformée sur le territoire national pour en faire de l'huile et du tourteau. L'huile de tournesol est également exportée dans le monde entier, ce qui fait de l’Ukraine le quatrième plus gros exportateur d'huile végétale.
Pour ce qui est du colza, du maïs et du soja, les deux pays représentent moins de 5 % de la production mondiale, la plus grosse part étant assurée par l’Ukraine. Leur consommation intérieure étant limitée, la majorité de leur production est exportée. L’Ukraine se classe à la troisième place mondiale pour ses exportations de maïs et de colza. Elle arrive en tête pour les exportations de soja, hors Amériques. Pour ces trois céréales, l’Ukraine occupe un statut à part sur les marchés mondiaux car elle est le plus gros pays exportateur de produits sans OGM et un important exportateur d'aliments pour animaux biologiques.
La situation sur les marchés mondiaux des intrants
La Russie joue un rôle important sur les marchés mondiaux de l’énergie et des engrais. Elle se classe à la première place mondiale pour ses exportations de gaz naturel, à la deuxième pour celles de pétrole, et à la troisième pour celles de charbon, à hauteur de respectivement 10 %, 11 % et 18 % pour l’année 2021 (FAO, 2022[1]). Le pays est également le premier exportateur mondial d’engrais azoté, le deuxième plus gros exportateur d’engrais potassique et le troisième plus gros exportateurs d’engrais phosphaté (FAO, 2022[1]), soit un cumul de plus de 15 % des exportations mondiales d’engrais en 2020 (UNTAD, 2022[2]).
Déjà élevés, les prix mondiaux de l’énergie et des engrais se sont encore accrus sous l’effet de la guerre et de l’incertitude qui en résulte concernant la disponibilité des sources d’énergie et des engrais russes à l’échelle mondiale. Le secteur agroalimentaire étant très énergivore, la hausse des prix de l’énergie et des engrais se traduit actuellement par une majoration des coûts de production et une augmentation des prix des produits alimentaires (voir l’Encadré 1.3).
L'impact sur la production et les exportations de produits agricoles par l’Ukraine
En mai 2022, 8 millions de personnes avaient été déplacées à l’intérieur de l’Ukraine et 6.3 millions avaient fui le pays suite à la guerre ; à la même période, 1.9 million d’Ukrainiens étaient revenus dans leur pays (UNHCR, 2022[3]). Un tel nombre de personnes déplacées suscite de grandes inquiétudes en matière de sécurité alimentaire. S’agissant en particulier des déplacés internes, les circuits logistiques intérieurs doivent être maintenus en service afin de fournir de la nourriture ainsi que d’autres biens et services essentiels, notamment dans les régions où un grand nombre d’Ukrainiens sont venus se réfugier pour fuir les combats. De nombreuses initiatives ont été lancées pour assurer la sécurité alimentaire, que ce soit par l’approvisionnement direct en nourriture ou par le maintien des circuits de distribution en état de fonctionnement.
Les exploitants agricoles ukrainiens ont fait preuve d'une grande résilience face aux perturbations causées par la guerre et, lorsque les conditions de sécurité agricoles le permettent sur le terrain, continuent d’assurer la production, tant animale que végétale. S'étendant sur quelque 9 Mha, les cultures d’hiver plantées à l’automne 2021 ont atteint des niveaux similaires à la saison de 2020, le blé et l’orge étant parfois remplacés par du colza. En mai 2022, les conditions climatiques des cultures d'hiver sont favorables et, si l'on s’en tient au calendrier agricole, ces cultures nécessiteront l’apport d’engrais et d'autres travaux d’entretien avant que la récolte ne commence, à la fin juin 2022. Le semis des cultures de printemps de 2022 est en voie d’achèvement, avec des niveaux annoncés en baisse d’environ 20 % par rapport à l’année dernière, en particulier pour ce qui concerne les principales cultures (c’est-à-dire les graines de tournesol, le maïs et l’orge de printemps). De manière générale, la récolte devrait être plus faible, notamment à cause des dommages directs causés aux cultures d'hiver par les combats, des cultures de printemps n’ayant pas pu être semées à cause de la poursuite de la guerre, et du coût élevé des intrants. D’après les premières estimations, la récolte de 2022 devrait être inférieure de plus de 30 % à celle de 2021 (FAO, 2022[1]) (USDA, 2022[4]), mais la production sera sans doute supérieure aux besoins intérieurs.
S'agissant de la production animale, son suivi est beaucoup moins détaillé que celui de la production végétale, mais l’on sait qu’elle n’a pas cessé non plus. Pour autant, la guerre aura probablement des conséquences sur la capacité de l’Ukraine à contrôler les maladies animales (notamment la peste porcine africaine), ce qui augmentera significativement le risque de prolifération dans le pays et chez ses voisins.
Dans la mesure où plus de la moitié de la production végétale ukrainienne est destinée à l’exportation, la dimension logistique de cette chaîne d'approvisionnement joue un rôle capital. Toute perturbation de cette chaîne pourrait entraîner des pertes substantielles à l’exportation. Par le passé, plus de 90 % des exportations ukrainiennes de produits d’origine végétale étaient acheminés par voie maritime depuis les ports de la mer d’Azov et de la mer Noire. Ces ports ne sont aujourd'hui pas accessibles du fait de la guerre. Les autres canaux utilisés pour l’exportation (axes terrestres, voies ferroviaires et voies fluviales) n’ont pas la capacité d’absorber les mêmes volumes que les ports maritimes. Il est donc estimé que seuls 20 % des quantités habituelles peuvent aujourd'hui être exportés. Des initiatives sont en cours aux niveaux national et international pour accroître les capacités de ces autres canaux d’exportation et pour trouver des alternatives. Cela dit, des volumes plus importants qu’habituellement sont toujours immobilisés du fait des problèmes logistiques limitant actuellement les exportations de la récolte de 2021. La récolte de juin-septembre 2022 va rapidement se traduire par l'accumulation de grandes quantités de produits qui devront également être stockées pour éviter des pertes de grande ampleur. Les dommages causés à certaines installations de stockage et de transformation sont d'autres facteurs retardant et limitant les exportations.
L'impact sur les exportations de produits agricoles par la Russie
La récolte de blé de 2021 en Russie a été inférieure à la moyenne à cause des mauvaises conditions météorologiques pendant la période de croissance. Le pays avait donc décidé, avant la guerre, de restreindre ses exportations de blé, notamment en imposant des taxes. La guerre a ensuite entraîné un accès réduit aux ports (en particulier en mer d’Azov) et un renforcement des restrictions des exportations. Cela n’a cependant pas empêché la Russie de maintenir une partie de ses exportations.
Si les sanctions imposées au pays n’ont jusqu’ici pas ciblé les échanges agricoles, de nombreuses entreprises multinationales – y compris du secteur agroindustriel – ont néanmoins réduit leurs activités sur le territoire russe. Les sanctions financières, la classification des risques par les compagnies d'assurance et d'autres incertitudes économiques ont conduit à une baisse du prix du blé russe par rapport à celui provenant d'autres pays. Par ailleurs, la perte de marchés d’exportations pour les produits agricoles russes pourrait entraîner la baisse des revenus des producteurs, et donc menacer les plantations futures.
L’agriculture russe dépend des importations de pesticides, de médicaments vétérinaires et de technologies agricoles (machines et logiciels, par exemple). Un accès réduit à ces intrants pourrait par conséquent nuire à sa capacité de production future.
Les impacts sur la sécurité alimentaire mondiale
Dans de nombreux pays du monde, l’alimentation de la population repose sur les céréales et dépend en particulier des importations de blé et de graines oléagineuses provenant d’Ukraine et de Russie. De nombreux producteurs dépendent quant à eux des exportations d’engrais de la Russie. La majorité du blé et une grande part des autres produits agricoles distribués par le Programme alimentaire mondial (PAM) sont achetés à l’Ukraine. Selon les mesures de l’équilibre des marchés établies en avril 2022 à l’aide du système d'information sur les marchés agricoles (AMIS) du G20, l’offre mondiale de blé et d'autres produits agricoles est suffisante, mais les marchés sont tendus et n'importe quel choc peut bouleverser l’équilibre. Cependant, les ajustements des flux commerciaux et la hausse des coûts de l’énergie se traduisent par l’augmentation du prix des produits agricoles sur les marchés internationaux. En mars 2022, l’indice FAO des prix des produits alimentaires a atteint son plus haut niveau depuis 1990, à 159.7 points. Bien qu’ayant légèrement reculé en avril – à 158.5 points –, cet indice était encore 30 % plus élevé qu'un an en arrière à la même période (FAO, 2022[5]). Les populations fragiles consacrant une grande partie de leur revenu à l’alimentation sont particulièrement vulnérables face à la flambée des prix, surtout dans les pays à faible revenu et à déficit alimentaire.
Compte tenu des ajustements qui s'imposent au regard des échanges internationaux de céréales – afin de trouver des sources d'approvisionnement alternatives au cas où les exportations de l’Ukraine et, dans une moindre mesure, de la Russie, continueraient à être perturbées –, il est important de préserver les échanges de produits alimentaires et d’engrais afin d’éviter que la guerre n’empêche la satisfaction des besoins de production et de consommation à l’échelle mondiale. Toute mesure mise en place par les pouvoirs publics pour faire face à la flambée des prix doit être soigneusement réfléchie en tenant compte de ses effets potentiellement néfastes, à court et à long terme, sur les marchés mondiaux. La transparence est un autre aspect essentiel lorsque, s'agissant des produits agricoles, les marchés mondiaux doivent s'adapter aux variations de l’offre et de la demande. Des initiatives comme l’AMIS sont très importantes pour améliorer cette transparence.
La guerre et ses conséquences sur l’économie mondiale sont les principales incertitudes qui entourent les projections de référence de l’édition actuelle des Perspectives, en particulier pour les premières années de la période examinée. Les Perspectives prennent en compte l'impact de la guerre seulement au cours de l’année commerciale 2022/23 et supposent que la reprise commence par la suite. L’impact à moyen-terme de la guerre sur les marchés agricoles ne peut être évalué sur la base des données actuellement disponibles.
Plusieurs scénarios ont été étudiés à l’aide du modèle Aglink-Cosimo, en envisageant différents niveaux de récolte et d’exportation de toutes les productions végétales de l’Ukraine ainsi que différents niveaux d’exportation du blé russe pendant la prochaine année commerciale (2022/23). Le Tableau 1.1 montre l’impact de ces scénarios sur le prix mondial du blé. L’absence totale d’exportations de la part de l’Ukraine entraînerait une hausse du prix du blé de 19 %. On voit donc combien il est important de préserver la capacité de production et d’exportation de ce pays. Dans le scénario extrême où il n’y aurait plus non plus d’exportations de la Russie, le prix du blé serait 34 % plus élevé qu’en l’absence de guerre. Ce scénario équivaudrait à la non-commercialisation par l’Ukraine et la Russie de 36 Mt de blé, qui serait compensée par une hausse de 16 Mt des exportations d’autres pays due au renchérissement des prix à l'échelle mondiale.
Dans une autre analyse s’appuyant sur l’évolution des prix mondiaux et de leur transmission, la FAO (2022[1]) prévoit une augmentation de la prévalence de la sous-alimentation d’environ 1 % à l'échelle mondiale en 2022/23, soit entre 8 et 13 millions de personnes, en fonction de la gravité supposée de la réduction des exportations. Un scénario simulant un grave déficit des exportations de l'Ukraine et de Russie en 2022/23 et 2023/24, et supposant qu'il n'y a pas de réponse de la production mondiale, suggère une augmentation du nombre de personnes sous-alimentées de près de 19 millions de personnes en 2023/24. Cela s'ajoute à la récente hausse de la sous-alimentation qui a été enregistrée au niveau mondial suite à la pandémie de COVID-19.
Les impacts de la guerre qui sont décrits ici découlent de la situation actuelle et ne concernent que les années de commercialisation 2021 et 2022. L'éventuelle prolongation de la guerre au-delà de 2022 sera source de nouvelles complications et apportera de nouvelles incertitudes aux projections sur dix ans.
Tableau 1.1. Variation relative du prix mondial du blé : les scénarios du modèle Aglink-Cosimo
Restriction des exportations de blé par la Russie |
|||||
---|---|---|---|---|---|
0 % |
-10 % |
-25 % |
-50 % |
||
Baisse des exportations de l’Ukraine |
0 % |
0 |
2 % |
5 % |
11 % |
-25 % |
4 % |
6 % |
10 % |
16 % |
|
-50 % |
9 % |
11 % |
15 % |
21 % |
|
-100 % |
19 % |
22 % |
26 % |
34 % |
Note : la cellule située en haut à gauche correspond à la situation hypothétique dans laquelle les exportations des deux pays sont aux mêmes niveaux que les années passées (donc différentes des données présentées dans les Perspectives). Les pourcentages figurant dans la colonne de gauche correspondent à la réduction de la production et des exportations de céréales en Ukraine. Les pourcentages figurant dans la rangée du haut correspondent à la restriction des exportations de blé de la Russie.
Source : OCDE/FAO (2022), « Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO », Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), https://doi.org/10.1787/agr-data-fr.
Références FAO (2022a), Information Note: The importance of Ukraine and the Russian Federation for global agricultural markets and the risks associated with the current conflict; 25 March 2022; https://www.fao.org/3/cb9236en/cb9236en.pdf FAO (2022b), “In Focus: FAO responds to the Ukraine crisis” (https://www.fao.org/in-focus/en/) UNCTAD (2022), Global impact of war in Ukraine on food, energy and finance systems, https://news.un.org/pages/wp-content/uploads/2022/04/UN-GCRG-Brief-1.pdf UNHCR (2022), Ukraine Refugee Situation, https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine USDA (2022), World Agricultural Supply and Demand Estimates, May 2022, https://www.usda.gov/oce/commodity/wasde/wasde0522.pdf
1.2. Hypothèses concernant la situation macroéconomique et les politiques publiques
1.2.1. Principales hypothèses sur lesquelles repose le scénario de référence
Ces Perspectives présentent un scénario de référence cohérent pour l’évolution à moyen terme des marchés des produits agricoles, halieutiques et aquacoles qui repose sur une série d’hypothèses relatives à la conjoncture macroéconomique, aux politiques publiques et à la situation démographique. Cette section expose les principales hypothèses sur lesquelles repose ce scénario. Les données détaillées sont disponibles dans l’annexe statistique.
1.2.2. Croissance démographique
Pour les projections démographiques, les Perspectives utilisent les estimations de la variante moyenne tirées de la révision de 2019 de la base de données du rapport de l’ONU sur les Perspectives de la population dans le monde.
Au cours de la période de projection, la population mondiale devrait s’accroître et passer de 7.8 milliards de personnes en 2021 à 8.6 milliards de personnes en 2031. Cela correspond à une croissance annuelle moyenne de 0.9 %, en perte de vitesse par rapport au rythme de 1.1 % par an enregistré au cours de la dernière décennie. L’accroissement démographique est concentré dans les régions en développement, en particulier en Afrique subsaharienne, qui devrait afficher le plus fort taux de croissance, soit 2.5 % par an, dans les dix ans à venir (Graphique 1.2). L’Inde, qui comptera 1.51 milliard d’habitants en 2031, devrait dépasser la République populaire de Chine (ci-après « Chine ») et devenir le pays le plus peuplé de la planète.
Graphique 1.2. Croissance de la population mondiale
Note : ALC = Amérique latine et Caraïbes ; ASS = Afrique subsaharienne ; EAC = Europe et Asie centrale ; NENA = Proche-Orient et Afrique du Nord (on en trouve une définition au chapitre 2) ; Reste de l’Asie = Asie-Pacifique moins la Chine et l’Inde.
Source : OCDE/FAO (2022), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO ; Statistiques agricoles de l’OCDE (base de données), http://dx.doi.org/10.1787/agr-outl-data-fr.
1.2.3. Croissance du PIB et du revenu par habitant
Les estimations du PIB et du revenu par habitant au niveau national au cours de la prochaine décennie reposent sur les Perspectives de l’économie mondiale du FMI (avril 2022). Les revenus par habitant sont exprimés en USD constants de 2010.
Après un rebond de 5.4 % en 2021 à la suite de la récession provoquée de 2020 par la pandémie de COVID-19, la croissance du PIB mondial devrait ralentir en 2022 et 2023 et se stabiliser à un taux moyen de 2.7 % au cours de la prochaine décennie. Le rythme de la reprise devrait toutefois être inégal selon les pays et les régions. Les économies de l’Asie-Pacifique, de l’Amérique du Nord, et de l’Afrique subsaharienne avaient déjà retrouvé leur niveau antérieur à la crise du COVID-19 en 2021. Dans les régions Amérique latine et Caraïbes, Europe et Asie centrale, et Proche-Orient et Afrique du Nord, le PIB devrait retrouver sa valeur de 2019 en 2022. Au cours de la période 2022-31, le PIB continuera d’enregistrer une forte croissance dans la région Asie-Pacifique, en particulier en Inde, en Chine, ainsi qu’en Asie du Sud-Est, à un rythme moyen d’environ 4 % par an. En Afrique subsaharienne, ainsi qu’au Proche-Orient et en Afrique du Nord, une croissance moyenne du PIB de 4 % par an et 3 % par an, respectivement, est prévue au cours des dix prochaines années. Le PIB global des économies de l’OCDE devrait enregistrer une croissance moyenne plus faible, égale à 1.8 % par an.
Dans ces Perspectives, le revenu moyen par habitant au niveau national est mesuré par approximation à l’aide du PIB réel par habitant. Cet indicateur est utilisé pour représenter le revenu disponible des ménages, qui constitue l’un des principaux déterminants de la demande de produits agricoles. Cependant, comme le montre le Rapport 2020 sur la pauvreté et la prospérité partagée publié par la Banque mondiale, la croissance économique mondiale est inégalement répartie. Il apparaît en particulier que dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les revenus des 40 % les plus pauvres n’ont pas crû aussi vite que le revenu moyen. Aussi les projections du niveau moyen de la demande nationale de produits agricoles établies pour les présentes Perspectives peuvent-elles s’écarter de la trajectoire attendue sur la base de la croissance du revenu moyen. Par ailleurs, la pandémie de COVID-19 a aggravé les inégalités de revenus au sein des pays. En 2020-21, le taux de croissance annuel du revenu par habitant des 40 % les plus pauvres de la population a fortement diminué dans toutes les économies (par rapport à la période 2012-17).
Après avoir baissé en 2020, le revenu mondial par habitant a enregistré en 2021 une progression de 4.4 % qui devrait toutefois ralentir en 2022 et 2023. Au cours des dix prochaines années, le taux de croissance annuel moyen devrait s’élever à 1.8 % en termes réels. Une forte hausse est attendue en Asie, où le revenu par habitant devrait augmenter de 5.3 % par an en Inde et de 4.8 % par an en Chine. Le revenu par habitant devrait également connaître une forte progression au Viet Nam, à 5.8 % par an, ainsi qu’aux Philippines, en Indonésie et en Thaïlande à 4.9 %, 4.2 % et 3.1 % par an, respectivement.
En Afrique subsaharienne, les revenus moyens par habitant devraient augmenter lentement, à un rythme de 1.3 % par an au cours de la prochaine décennie. D’après les projections, le revenu réel par habitant stagnera probablement au Nigéria et en Afrique du Sud mais sera robuste en Éthiopie, où il devrait atteindre 3.5 % par an. Dans la région Amérique latine et Caraïbes, la progression du revenu moyen par habitant devrait atteindre 1.6 % par an, tiré par une forte croissance en Colombie, au Paraguay, et au Chili, de 2.9 %, 2.4 % et 2 % par an, respectivement, alors qu’un taux de croissance annuel moyen de 1.5 % et 1.7 % est attendu au Brésil et en Argentine, respectivement. Dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord, la hausse du revenu moyen par habitant devrait s’élever à 1.6 % par an, grâce à l’effet d’entraînement exercé par la région du Proche-Orient, et plus particulièrement par la Jordanie et les Émirats, où la progression devrait atteindre 2.7 % et 3.1 % par an, respectivement. Une forte augmentation du revenu par habitant est également attendue en Égypte, à 3.8 % par an, alors qu’en Arabie saoudite le revenu par habitant devrait progresser au rythme annuel de 1.6 % au cours des dix prochaines années.
Les revenus moyens par habitant devraient s’accroître de 1.8 % et 1.3 % par an en Europe et en Océanie, respectivement, jusqu’en 2031. Ces taux de croissance sont conformes à la moyenne de la zone OCDE, où le revenu par habitant devrait progresser au rythme d’environ 1.3 % par an. Parmi les pays de l’OCDE, la progression la plus forte des revenus par habitant devrait être enregistrée par la Colombie, suivie par la Türkiye et la Corée, avec 2.9 %, 2.6 % et 2.5 % par an respectivement, alors qu’elle sera probablement la plus lente au Canada, avec 0.9 % par an. Dans l’Union européenne, aux États-Unis et au Japon, les revenus par habitant devraient augmenter de 1.8 %, 1.2 % et 1.1 % par an, respectivement.
Le Graphique 1.4 présente aussi une décomposition des hypothèses de croissance du PIB entre deux éléments : la croissance du PIB par habitant et la croissance de la population pour les principales régions et certains pays. À l’échelle mondiale, la croissance économique sera principalement déterminée par celle du revenu par habitant, en particulier dans les pays de l’OCDE et en Chine. La forte croissance démographique enregistrée en Afrique subsaharienne signifie en revanche que le taux de croissance économique relativement élevé de la région (près de 3.8 % par an) ne correspond qu’à une modeste hausse du revenu par habitant (d’environ 1.3 % par an). Il en va de même, dans une moindre mesure, dans la région Proche‑Orient et Afrique du Nord. À l’inverse, la modeste croissance économique de 1.7 % par an constatée en Europe, où la population devrait diminuer dans les dix années à venir, se traduira vraisemblablement par un taux d’augmentation du revenu par habitant de 1.8 % par an au cours de la prochaine décennie.
1.2.4. Taux de change et inflation
Les hypothèses de taux de change sont fondées sur les Perspectives de l’économie mondiale du FMI (avril 2022). Les taux de change nominaux par rapport au dollar américain sont principalement déterminés par les différences d'inflation par rapport aux États-Unis. Avec une forte inflation attendue notamment en Argentine, en Égypte et en Éthiopie, les devises de ces pays devraient se déprécier significativement en termes nominaux. En termes réels, les taux de change sont supposés plus stables pour la période 2022-31 ; mais certaines devises devraient s'apprécier significativement par rapport au dollar américain, comme celles du Chili, du Nigeria, du Brésil et de la Chine. En revanche, une dépréciation significative en termes réels est attendue pour l'Inde.
Les projections de l’inflation reposent sur le déflateur de la consommation des ménages issu des Perspectives de l’économie mondiale du FMI (avril 2022). Dans les pays de l’OCDE, l’inflation devrait être sensiblement plus élevée qu’au cours des dix années précédentes et s’établir à 5.2 % par an, avec un taux d’inflation annuel très élevé en Türkiye à 15.8% and un taux moyen atteignant 2.1 % par an aux États-Unis, 2 % par an au Canada et 2.1 % par an dans la zone euro. Parmi les économies émergentes, le taux d’inflation devrait demeurer élevé en Argentine, où il se situera à 15.8 % et 9 % par an, respectivement, malgré une forte baisse par rapport à la décennie précédente. L’inflation devrait ralentir en Inde, où elle passera de 4.9 % par an à 3.9 % par an, ainsi qu’au Brésil, où elle tombera de 6 % par an à 3 % par an. En Chine, en revanche, les prix à la consommation devraient augmenter au même rythme (2 % par an) au cours de la dernière décennie. L’inflation devrait demeurer élevée en Afrique subsaharienne (13.4 % par an en Éthiopie, 10.7 % par an au Nigéria et 6.3 % par an au Ghana). Une inflation élevée est également attendue en Égypte (7.2 % par an) et au Pakistan (6.5 % par an).
1.2.5. Coûts des intrants
Les projections de la production présentées dans les Perspectives reposent sur un indice composite basé sur le coût des semences, de l’énergie et des engrais, ainsi que de divers autres intrants faisant ou non l’objet d’échanges internationaux. Cet indice est construit en utilisant la part respective des différents intrants dans les coûts de production totaux pour chaque pays et chaque produit, laquelle est maintenue constante pendant toute la durée de la période de projection. Les prix de l’énergie sont représentés par le cours international du pétrole brut exprimé en monnaie nationale. L’évolution des coûts des intrants échangeables comme les machines et les produits chimiques est estimée à partir des variations du taux de change réel, et celle des coûts des intrants non échangeables (la main-d’œuvre, principalement) à partir des variations du déflateur du PIB. Le prix des semences est fonction du prix des cultures correspondantes, alors que le prix global des engrais est mesuré par approximation à l’aide d’une formule qui tient compte du prix des cultures et de ceux du pétrole brut.
Les données concernant les cours mondiaux du pétrole correspondent au prix du pétrole brut Brent en 2019 et sont tirées de la version actualisée des Perspectives économiques de l’OCDE, no 110 (décembre 2021). Pour 2021, on a utilisé le prix spot quotidien moyen de l’année 2021. Pour 2022, on a utilisé une estimation basée sur la situation en avril 2022. Pour le reste de la période étudiée, on suppose que le prix de référence du pétrole utilisé dans les projections s’accroît au même rythme que le prix moyen du pétrole établi par la Banque mondiale, ce qui implique une hausse qui le fait passer de 71 USD/baril en 2021 à 89 USD/baril en valeur nominale ou et une baisse à 56 USD/baril en valeur réelle en 2031.
1.2.6. Hypothèses relatives aux politiques publiques
Les politiques publiques ont des conséquences importantes sur les marchés agricoles, des biocarburants et des produits halieutiques et aquacoles, de sorte que les réformes de l’action publique peuvent modifier la structure de ces marchés. Les projections présentées dans ces Perspectives reposent sur l’hypothèse que les politiques actuellement mises en œuvre resteront en vigueur durant toute la période examinée, ce qui permet de disposer d’un utile scénario de référence pour évaluer et analyser les futures réformes qui pourraient leur être apportées.
Les projections des Perspectives ne tiennent pas compte de la réforme prévue de la politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne (UE), étant donné que les plans stratégiques des États membres, qui décrivent comment seront atteints les objectifs de la PAC et du Pacte vert, sont encore en cours d’examen au sein de la Commission européenne. Les plans stratégiques nationaux entreront en vigueur au début de 2023, aussi ces Perspectives partent-elles de l’hypothèse que les politiques agricoles et commerciales actuellement mises en œuvre au sein de l’UE seront maintenues tout au long de la période couverte par les projections.
La relation entre l’UE-27 et le Royaume-Uni (RU) est régie par l’Accord de commerce et de coopération UE-RU appliqué à titre provisoire depuis le 1er janvier 2021. On supposera que la relation commerciale entre l’UE et le Royaume-Uni ne donnera lieu ni à l’application de droits de douane, ni à celle de contingents, et les perturbations à court terme des échanges liées au renforcement des contrôles aux frontières et aux problèmes logistiques ne seront prises en considération dans les projections que pour l’année 2022.
Les accords de libre-échange dont il est tenu compte dans les Perspectives sont ceux ratifiés avant la fin décembre 2021 (comme l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, l’Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou encore la Zone de libre-échange continentale africaine), les autres (tels que le Partenariat économique régional global ou l’Accord UE-Mercosur) étant considérés comme en suspens.
La pandémie de COVID-19 a conféré un degré supplémentaire d’incertitude aux hypothèses macroéconomiques qui sous-tendent les projections des Perspectives. Bien que les hypothèses retenues suggèrent que la reprise économique mondiale se poursuivra dans les années à venir, son rythme effectif dépendra pour une large part de l’évolution des flambées de coronavirus (par exemple de la propagation de nouveaux variants) et des taux de vaccination, ainsi que des politiques favorisant la relance de la demande des entreprises et des consommateurs. Les Perspectives tiennent pour acquis que les restrictions appliquées pour contenir la pandémie de COVID‑19 ne seront pas permanentes et seront levées dans le cadre de la reprise économique en 2022.
1.3. Consommation
Les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO présentent des projections des tendances futures de l’utilisation des principaux produits végétaux (céréales, oléagineux, racines et tubercules, légumineuses, canne et betterave à sucre, huile de palme et coton) et animaux (viande, produits laitiers, œufs et poisson)2 et leurs sous-produits3 pour l’alimentation humaine ou animale, ainsi qu’en tant que matières premières pour la production de biocarburants et pour d’autres applications industrielles. Pour la plupart des produits, l’alimentation humaine constitue la principale composante de leur utilisation globale. Cependant, les utilisations à d’autres fins que l’alimentation humaine, principalement pour l’alimentation animale et pour la production de carburants, sont également importantes pour plusieurs produits (Graphique 1.5).
L’importance de la population et les évolutions démographiques, l’augmentation des revenus et leur répartition, ainsi que les prix alimentaires influent directement sur la demande future de denrées alimentaires. La demande alimentaire sera également fonction des évolutions socioculturelles et de celles des modes de vie, dont l’urbanisation et la féminisation croissante de la main-d’œuvre, ainsi que la sensibilisation grandissante des consommateurs aux problèmes de santé et de durabilité. Les politiques qui influent sur le prix des produits agricoles (mesures budgétaires et mesures à la frontière, par exemple) comme, autant que possible, celles qui ont une incidence sur les habitudes de consommation (étiquetage des denrées alimentaires, réglementations, etc.) sont également prises en compte. Ensemble, ces divers facteurs détermineront le niveau et la structure de la demande alimentaire dans la prochaine décennie.
La demande de produits agricoles à d’autres fins que l’alimentation humaine est également déterminée par un certain nombre de facteurs spécifiques. La demande d’aliments pour animaux est fonction de deux grands facteurs. Premièrement, la demande globale de produits animaux, qui détermine le niveau de production des secteurs de l’élevage et de l’aquaculture. Deuxièmement, la structure et l’efficacité des systèmes de production, qui déterminent la quantité de fourrage nécessaire pour obtenir un volume donné de produits de l’élevage et de l’aquaculture.
L’utilisation industrielle des produits agricoles – essentiellement comme matières premières pour la production de biocarburants et pour l’industrie chimique – est quant à elle pour une large part influencée par la conjoncture économique générale, par les politiques réglementaires et par le progrès technologique. La consommation de biocarburants est très sensible à l’évolution des politiques énergétiques ainsi qu’à la demande totale de carburant, laquelle dépend à son tour du prix du pétrole brut.
Les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposent les projections portent à croire que la pandémie de COVID-19 sera suivie d’une reprise économique généralisée. Cependant, le rythme effectif de cette reprise dépendra de plusieurs facteurs difficiles à prévoir, ce qui confère une certaine incertitude aux projections de la demande de produits agricoles. Les projections des Perspectives tiennent également compte d’une moindre disponibilité des exportations en provenance de l’Ukraine et de la Russie au cours de l’année commerciale 2022/23 (section 1.3.7).
1.3.1. La croissance de la demande ralentit et la démographie en est le principal moteur
La demande mondiale de produits agricoles (y compris à d’autres usages que l’alimentation humaine) devrait progresser de 1.1 % par an dans les dix prochaines années, rythme bien inférieur à celui observé au cours de la décennie précédente (2 % par an). C’est principalement là une conséquence du ralentissement de la croissance de la demande attendu en Chine (0.6 % par an contre 2.3 % par an au cours de la dernière décennie) et dans d’autres pays à revenu intermédiaire, ainsi que d’une baisse de la croissance de la demande mondiale de biocarburants.
Pour la plupart des produits (à l’exception des produits laitiers), la croissance de la demande par habitant sera limitée dans les dix prochaines années (Graphique 1.6). L’expansion de la population sera donc le principal facteur d’augmentation de la demande, aussi la demande supplémentaire émanera-t-elle pour l’essentiel des régions à forte croissance démographique comme l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord.
Dans le cas des céréales et des produits halieutiques et aquacoles, la demande mondiale progressera environ moitié moins vite que dans la dernière décennie, alors que dans celui des huiles végétales sa croissance sera trois fois moins rapide que dans les dix années précédentes (Graphique 1.6). Les huiles végétales ont été le produit qui a connu la croissance la plus rapide au cours des dix dernières années, en grande partie du fait des politiques bioénergétiques. Au cours de la décennie qui s’annonce, la croissance de la demande d’huiles végétales sera limitée par la stagnation ou la diminution de la consommation de biodiesel sur les deux principaux marchés, les États-Unis et l’Union européenne (section 1.3.5). La demande d’huiles végétales pour l’alimentation humaine devrait également ralentir, les pays à revenu élevé et certains pays à revenu intermédiaire, dont la Chine, étant proches des niveaux de saturation.
1.3.2. Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont les moteurs de la croissance de la demande alimentaire
La demande alimentaire mondiale devrait augmenter de 1.4 % par an au cours de la prochaine décennie, du fait de la croissance démographique et de la hausse des revenus par habitant. La plus grande partie de la demande supplémentaire de denrées alimentaires trouvera son origine dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, alors que dans les pays à revenu élevé elle sera limitée par la lenteur de la croissance démographique et par la saturation de la consommation par habitant de plusieurs produits (section 1.3.3).
D’après les projections, la population mondiale devrait augmenter, passant de 7.8 milliards d’habitants en 2021 à 8.6 milliards en 2031. Les deux tiers de cette augmentation devraient se produire en Afrique subsaharienne, en Inde, au Proche-Orient et en Afrique du Nord (section 1.2.2). Ces régions seront donc à l’origine d’une grande partie de la demande supplémentaire de produits alimentaires, notamment dans le cas des céréales (deux tiers de l’augmentation de la demande), et des autres aliments de base (racines et tubercules, légumineuses) (Graphique 1.7).
La poursuite de la hausse des revenus et de l’urbanisation en Chine, en Inde, et en Asie du Sud-Est constituera également un facteur d’augmentation de la demande de plusieurs produits alimentaires. La Chine devrait contribuer respectivement pour 41 % et 34 % à la demande supplémentaire de poisson et de viande pour la consommation humaine, tandis que la moitié de la demande mondiale supplémentaire de produits laitiers frais viendra de l’Inde (Graphique 1.7).
1.3.3. La convergence des régimes alimentaires devrait être limitée au cours de la décennie à venir
L’Objectif de développement durable des Nations Unies à l’horizon 2030 consistant à parvenir à une « Faim zéro » sera difficile à atteindre
D’après les projections, la disponibilité alimentaire mondiale moyenne par personne augmentera de 4 % au cours des dix prochaines années pour atteindre plus de 3 070 kcal/jour en 2031. Les aliments de base et les produits animaux représenteront 70 % des calories supplémentaires (Graphique 1.8). La disponibilité alimentaire est l’indicateur le plus proche de la consommation alimentaire dans le cadre du modèle Aglink-Cosimo. Elle est supérieure à la consommation effective, car une partie des denrées alimentaires potentiellement disponibles pour les consommateurs est perdue ou gaspillée à tous les stades de la chaîne d’approvisionnement. Afin de faciliter l’interprétation, le terme de consommation alimentaire sera utilisé à la place de celui de disponibilité alimentaire.
La consommation alimentaire mondiale moyenne par personne masque d’importantes différences selon les régions et les pays. Les consommateurs des pays à revenu intermédiaire devraient accroître leurs consommations et diversifier leur alimentation au cours de la prochaine décennie, tandis que les régimes alimentaires resteront pour une large part inchangés dans les pays à faible revenu. Les projections paraissent donc indiquer qu’il sera difficile d’atteindre l’Objectif de développement durable (ODD) 2 visant à parvenir à une « Faim zéro » à l’horizon 2030. La section 1.7 s’appuie sur un scénario illustratif pour évaluer le degré de croissance de la productivité nécessaire à l’échelle mondiale pour pouvoir atteindre l’ODD2 ainsi qu’une réduction considérable des émissions de GES de l’agriculture d’ici 2030.
La consommation alimentaire par habitant se stabilisera dans les pays à revenu élevé au cours de la prochaine décennie, vu qu’elle atteint déjà un haut niveau pour les différents groupes de denrées alimentaires, et que le vieillissement de la population et des modes de vie plus sédentaires limitent les besoins supplémentaires en calories (Graphique 1.8). Cependant, la hausse des revenus et l’évolution des préférences des consommateurs accroîtront le remplacement des aliments de base et des édulcorants par des aliments nutritifs comme les fruits et légumes ou, dans une moindre mesure, les produits d’origine animale. La baisse de la consommation d’édulcorants par habitant est une manifestation des inquiétudes croissantes des consommateurs quant aux effets négatifs sur la santé d’une consommation excessive de sucre. Plusieurs pays (dont la France, le Royaume-Uni et la Norvège) ont par ailleurs mis en œuvre au cours des dix dernières années des mesures visant à décourager la consommation d’édulcorants caloriques, et l’on supposera que ces mesures resteront en vigueur pendant toute la période de projection et auront pour effet de réduire la demande de ces produits.
Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, la consommation alimentaire par habitant devrait s’accroître de 4 % d’ici 2030 (Graphique 1.8). Compte tenu de la forte hausse des revenus qui est prévue et de la nette préférence pour une consommation accrue de viande observée dans plusieurs de ces pays, dont la Chine, 45 % des calories supplémentaires proviendront de produits d’origine animale, et 20 % de matières grasses. La consommation alimentaire par habitant devrait augmenter de près de 7 % au cours des dix prochaines années dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, ce qui constitue la plus forte progression toutes catégories de revenus confondues. Les aliments de base et les produits d’origine animale contribueront pour les deux tiers à cette augmentation, et les matières grasses pour 18 %. L’augmentation de la consommation de matières grasses qui est prévue dans les pays à revenu intermédiaire est une conséquence de l’urbanisation et de l’évolution des modes de vie (à une propension croissante à manger hors de chez soi, par exemple), qui favorise une plus forte consommation d’aliments transformés et prêts à l’emploi.
Dans les pays à faible revenu, la consommation alimentaire moyenne devrait augmenter de 5 % pour atteindre 2 560 kcal/personne/jour en 2031 (Graphique 1.8). Dans les pays à faible revenu, l’alimentation continuera de s’appuyer pour une large part sur les aliments de base, qui fourniront plus de la moitié des calories supplémentaires et contribueront encore pour 70 % aux apports de calories en 2031. La forte augmentation de la consommation par habitant d’édulcorants (11 % des calories supplémentaires) est due à la tendance à l’urbanisation, qui favorise une consommation accrue de confiseries et de boissons sucrées. Cependant, compte tenu de son faible niveau de départ, la consommation par habitant d’édulcorants dans ces pays restera en 2031 bien inférieure à celle des pays à revenu intermédiaire et élevé. La hausse de la consommation de produits d’origine animale et d’autres aliments nutritifs (les fruits et légumes, par exemple) restera cependant limitée en raison des contraintes de revenu, exacerbées par la pandémie de COVID‑19. Ces produits étant plus chers, les consommateurs des pays à faible revenu ne pourront que marginalement diversifier leur alimentation.
Des régimes alimentaires mondiaux plus conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé mondiale de la santé (OMS) en matière d’apport en sucre et en matières grasses auraient pour effet d’améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, ainsi que la durabilité environnementale, mais risqueraient d’avoir une incidence négative sur les moyens de subsistance des agriculteurs, comme le montre l’Encadré 1.2.
Encadré 1.2. Répercussions potentielles des évolutions de l’alimentation sur le triple défi que doivent relever les systèmes alimentaires
Les habitudes alimentaires mondiales ont sensiblement évolué au cours des 50 dernières années, les consommateurs se tournant de plus en plus vers des aliments à forte intensité de ressources et à haute teneur en calories. Les évolutions des habitudes alimentaires ont contribué au double fléau de la malnutrition, avec plus de 1.9 milliard de personnes en surpoids en 2016, au nombre desquelles plus de 650 millions étaient obèses (OMS, 2020[6]), et près de 768 millions de personnes sous-alimentées en 2020 (FAO et al., 2021[7]). L’augmentation de la population et de la consommation alimentaire par habitant a par ailleurs accru les pressions et la dégradation des ressources environnementales et entraîné une hausse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture, de la foresterie et des autres affectations des terres. Les évolutions en cours des habitudes alimentaires et de la croissance démographique exacerberont les risques pour la population comme pour la planète. L’adoption d’une alimentation saine et la mise en place de systèmes alimentaires plus durables pourraient contribuer au respect de bon nombre des 17 Objectifs de développement durable des Nations Unies (ODD) à l’horizon 2030, ainsi que des engagements contractés par les pays dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015 (COP21).
S’appuyant sur le modèle Aglink-Cosimo et sur les indicateurs du triple défi à relever – sur le plan de la sécurité alimentaire et de la nutrition, des moyens de subsistance, et de la durabilité environnementale – (Tallard et al., 2022[8]) examinent quelles pourraient être les conséquences pour les systèmes alimentaires si les régimes alimentaires mondiaux étaient plus conformes aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière d’apport en sucre et en matières grasses. Plus précisément, ce scénario évalue les conséquences d’une réduction de la consommation de sucres et de matières grasses libres pour en ramener la part à 10 % et 30 % au maximum d’un apport calorique approprié, respectivement1. Dans les simulations, ces modifications de l’alimentation se produisent sur une durée de 10 ans et touchent la totalité de la population de chaque pays, exception faite des personnes sous-alimentées.
Après la mise en œuvre de cette modification de l’alimentation, le modèle estime que la consommation mondiale par habitant de calories issues du sucre diminuera de 8 %, celle de calories issues du sirop de maïs à haute teneur en fructose de 16 %, et celle de calories issues de matières grasses de 11 % en 2030, par rapport au scénario de référence des Perspectives 2020-29 (OCDE/FAO, 2021[9]).
Une telle évolution des régimes alimentaires aurait une grande incidence sur la sécurité alimentaire et sur la nutrition, la prévalence de l’obésité et du surpoids au niveau mondial reculant de 46 % (638 millions de personnes) et 28 % (1 milliard de personne), respectivement, par rapport au scénario de référence. Par ailleurs, à la suite de la baisse des prix de la plupart des produits, les dépenses alimentaires mondiales chutent de 35 %, aboutissant à une réduction de 3 % de la prévalence de la sous-alimentation dans le monde (20 millions de personnes) (Graphique 1.9).
Cette modification de l’alimentation a également des répercussions notables sur les moyens de subsistance des agriculteurs et sur la durabilité environnementale. De fortes baisses des prix du sucre (-28 %), de la volaille (-44 %), du porc (-62 %), du bœuf (-63 %), du beurre (-73 %), et du fromage (-53 %) aboutissent à un effondrement de 30 % des recettes agricoles par rapport au scénario de référence. La baisse de la production de plusieurs produits, dont certains tels que la viande et les produits laitiers sont à l’origine de fortes émissions, se traduit par une diminution de 10 % des émissions de GES de l’agriculture (-532 Mt éq. CO2). L’incidence sur la surface des terres cultivées au niveau mondial devrait toutefois être modeste (-0.5 %) (Graphique 1.9).
L’analyse indique que c’est la réduction de la consommation de matières grasses qui entraîne la plupart des répercussions sur les indicateurs du triple défi, compte tenu de la taille des secteurs des huiles végétales et de l’élevage, de l’importance de ces produits dans l’alimentation, et de l’écart considérable entre les niveaux actuels de consommation de matières grasses et les recommandations de l’OMS (Tallard et al., 2022[8]).
Dans l’ensemble, la réalisation des objectifs d’apport en sucre et en matières grasses définis par l’OMS aurait un effet positif sur la sécurité alimentaire et sur la nutrition, et elle entraînerait une diminution de la suralimentation comme de la sous-alimentation, ainsi que sur la durabilité environnementale. Cependant, la baisse des prix alimentaires et de la production mondiale qui découlent de cette modification de l’alimentation a des effets négatifs sur les moyens de subsistance des agriculteurs. Cela porte à croire que la formulation des politiques alimentaires doit tenir compte des synergies et des arbitrages potentiels pour concevoir un ensemble cohérent de mesures bénéfique pour l’agriculture, la santé humaine et l’environnement.
Différences persistantes dans les sources de protéines selon les pays
La consommation moyenne de protéines par habitant devrait augmenter de 4 % pour atteindre 87 g/jour en 2031. Les différences de composition de la consommation de protéines liées aux écarts de revenus et à des facteurs culturels devraient persister, les pays à revenu faible et intermédiaire demeurant très dépendants des protéines d’origine végétale. Les populations des pays à revenu élevé devraient continuer à tirer la majeure partie de leurs protéines de produits d’origine animale.
Dans les pays à revenu élevé, la consommation moyenne de protéines par habitant ne devrait pas augmenter de manière significative au cours de la prochaine décennie, en raison de son niveau proche de la saturation, ainsi que des inquiétudes croissantes concernant la santé et l’environnement (Graphique 1.10). Ces préoccupations, ainsi que les considérations éthiques relatives au bien-être animal et à l’acte de manger des animaux, pourraient également stimuler la demande de protéines d’origine végétale et d’autres sources de protéines (telles que les insectes ou la viande cultivée), comme l’examine la section 1.3.7.
Une forte croissance de la consommation de protéines par habitant devrait être observée dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure comme de la tranche inférieure, de 6 % et de 8 %, respectivement ; et environ 60 % des protéines supplémentaires seront d’origine animale (Graphique 1.10). La consommation moyenne de protéines par habitant des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure atteindra ce faisant un niveau proche de celui des pays à revenu élevé à l’horizon 2031. Une grande partie de cette convergence est attribuable à la forte croissance de la consommation de protéines animales par habitant (de viande principalement) en Chine.
Malgré une croissance notable de la consommation de protéines animales par habitant (de produits laitiers principalement) dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, leur niveau de consommation demeurera moins élevé que celui des pays à revenu élevé et intermédiaire de la tranche supérieure, compte tenu de leur faible niveau de départ. L’Inde, où la consommation de protéines animales – de viande en particulier – est traditionnellement faible, apporte la principale contribution à cette tendance.
La consommation de protéines par habitant devrait progresser de 4 % dans les pays à faible revenu (Graphique 1.10). La quasi-totalité des protéines supplémentaires sera issue de produits végétaux, lesquelles continueront de fournir plus de 80 % des protéines disponibles d’ici 2031. La consommation par habitant de protéines animales est modeste et devrait progresser lentement au cours de la prochaine décennie, du fait principalement de l’augmentation relativement lente des revenus par habitant après la pandémie de COVID-19. Les problèmes le long de la chaîne d’approvisionnement (tels que le manque d’infrastructures frigorifiques) demeurent par ailleurs une contrainte dans certaines zones, alors que les préférences alimentaires pour les sources de protéines non animales continuent de limiter la croissance de la demande dans certaines autres. La consommation par habitant de protéines de poisson devrait même diminuer au cours de la prochaine décennie, étant donné que la croissance démographique en Afrique devrait être supérieure à l’expansion des approvisionnements.
1.3.4. Gains d’efficacité et intensification de l’utilisation d’aliments pour animaux
Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont les moteurs de la croissance de l’utilisation d’aliments pour animaux
L’évolution des habitudes de consommation mondiales dans le sens d’une augmentation de la part des produits d’origine animale dans l’alimentation exige l’utilisation d’une quantité croissante de récoltes et d’autres produits agricoles pour nourrir les animaux. En 2019-21, environ 1.7 milliard de tonnes de céréales, de tourteaux protéiques et de sous-produits de la transformation (son de céréales, par exemple) ont été utilisées à cette fin. L’utilisation mondiale de produits d’alimentation animale devrait augmenter de 1 % par an au cours de la décennie à venir, pour atteindre 2 milliards de tonnes en 20314.
Dans les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu, l’utilisation de produits d’alimentation animale devrait augmenter à un rythme plus soutenu, d’environ 2 % par an au cours des dix prochaines années, compte tenu de l’expansion rapide de la production de l’aquaculture et de l’élevage de non-ruminants, ainsi que de l’intensification de l’alimentation des animaux dont s’est accompagné le passage d’un mode de production artisanal à des systèmes de production de nature plus commerciale. Dans ces pays, le développement de la production de ruminants et de lait est moins étroitement lié à l’utilisation d’aliments pour animaux, étant donné qu’elle repose essentiellement sur le pâturage (Graphique 1.11).
Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure, l’utilisation d’aliments pour animaux devrait augmenter de 1.1 % par an au cours de la prochaine décennie, de pair avec la croissance de la production de l’élevage et de l’aquaculture. Les évolutions de l’utilisation de produits d’alimentation animale sont fortement influencées par la Chine, principal consommateur mondial d’aliments pour animaux. La croissance de l’utilisation de produits d’alimentation animale par la Chine devrait cependant ralentir par rapport à la décennie précédente (1 % par an contre 3.7 % par an), du fait d’un essoufflement de la croissance de la production du secteur de l’élevage (sauf dans le cas de la viande porcine), et d’une plus grande efficacité alimentaire. Ces gains d’efficacité alimentaire, qui sont le fruit des progrès des pratiques de gestion et de la génétique animale, permettront une réduction de l’utilisation d’aliments pour animaux par unité de production animale (Graphique 1.11).
Dans les pays à revenu élevé, l’utilisation d’aliments pour animaux devrait progresser lentement, de 0.4 % par an seulement, en raison de la lenteur de l’augmentation de la production animale, mais aussi des gains d’efficacité alimentaire entraînés par les progrès de la génétique animale, des technologies d’alimentation animale, et de la gestion des troupeaux (Graphique 1.11).
Bien que la croissance de l’utilisation d’aliments pour animaux soit plus lente dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et dans ceux à revenu élevé, ces pays resteront les plus gros consommateurs de produits d’alimentation animale et compteront à eux tous pour 80 % de l’utilisation mondiale de ces produits en 2031 (Graphique 1.12). Ensemble, la Chine, les États-Unis et l’Union européenne continueront de représenter la moitié de l’utilisation totale de ces produits à la fin de la décennie.
Évolutions de la structure de l’utilisation de produits d’alimentation animale dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire
La composition de l’utilisation d’aliments pour animaux, représentée au graphique 1.12 par la part respective des aliments à forte, moyenne et faible valeur protéique dans l’utilisation totale d’aliments pour animaux, est très variable selon les pays du fait des différences de leurs technologies de production. Au cours de la décennie à venir, l’intensification de la production animale dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et dans ceux à faible revenu devrait accroître leur utilisation d’aliments pour animaux à forte valeur protéique, bien qu’à partir d’un faible niveau de départ.
Dans les pays à faible revenu, l’élevage est largement tributaire des aliments pour animaux produits localement à petite échelle. Les aliments commerciaux sont relativement peu utilisés et offrent pour la majeure partie d’entre eux une faible valeur protéique (céréales, racines et tubercules). Cependant, la part des aliments à forte valeur protéique (principalement les tourteaux oléagineux) dans l’utilisation totale de produits d’alimentation animale devrait légèrement augmenter pour passer de 13 % en 2019-21 à 14 % en 2031, à mesure que ces pays adoptent des systèmes de production de nature plus commerciale et reposant sur une alimentation plus intensive. La part relative des aliments à forte valeur protéique est plus importante dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, mais elle n’enregistrera qu’une légère augmentation par rapport à 2019-21, pour atteindre, d’après les projections, 23 % en 2031.
Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure sont les plus gros consommateurs d’aliments à forte valeur protéique, et aussi ceux où la part de ces aliments est la plus élevée. Elle a bondi au cours de la dernière décennie (passant de 22 % à plus de 24 %), portée par une transition vers des systèmes de production axés sur les aliments composés, mais elle devrait rester stable au cours des dix prochaines années. La Chine utilise déjà une part élevée d’aliments à forte valeur protéique, supérieure à celle de l’Union européenne comme à celle des États-Unis. Par ailleurs, la libéralisation du marché des céréales en Chine depuis 2016 a entraîné une chute du prix des céréales fourragères, ce qui favorise l’utilisation de maïs (plutôt que de tourteaux protéiques) pour nourrir les animaux. Cependant, la reconstitution du cheptel porcin après l’épidémie de PPA, qui donne lieu à la mise en place d’installations de production modernes reposant sur une alimentation intensive, pourrait entraîner une demande supplémentaire d’aliments à forte valeur protéique (voir le chapitre 4 sur les oléagineux).
Les pays à revenu élevé reposent sur des systèmes d’élevage intensif et utilisent des quantités importantes d’aliments à valeur protéique forte ou moyenne. Au cours de la prochaine décennie, la structure de la demande d’aliments pour animaux ne devrait pas évoluer sensiblement. La demande d’aliments à forte valeur protéique ne devrait connaître qu’une lente progression du fait d’une croissance atone de la production animale, ainsi que d’une amélioration constante des taux de conversion alimentaire, qui permet de réduire la quantité d’aliments à forte valeur protéique par unité de production animale. Cette lente augmentation s’explique également par l’évolution en cours vers une production animale biologique et sans recours aux OGM au sein de l’Union européenne, qui devrait entraîner une réduction de sa demande d’alimentation animale à forte valeur protéique au profit d’autres sources (herbe ou légumineuses, par exemple).
1.3.5. Fort ralentissement de la demande de biocarburants
La canne à sucre sera la principale matière première des biocarburants, et la contribution du maïs sera plus réduite
Depuis le début des années 2000, la demande de biocarburants (éthanol et biodiesel) a augmenté sensiblement, à la suite de la mise en œuvre de politiques visant à : (i) contribuer au respect des engagements nationaux de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2), (ii) faire diminuer la dépendance à l’égard des importations d’énergies fossiles et (iii) accroître la demande de matières premières bioénergétiques pour soutenir la production intérieure.
Au cours des dix prochaines années, la demande de biocarburants devrait progresser de 0.6 % par an, rythme sensiblement inférieur à celui de la décennie précédente (4 % par an), en raison principalement de la baisse de la consommation de carburants et d’une réduction des mesures d’incitation dans les pays à revenu élevé. La plus grande partie de la hausse de la demande trouvera son origine dans les pays à revenu intermédiaire, sous l’effet d’une augmentation des taux d’incorporation et des subventions destinées à soutenir la production intérieure.
La consommation d’éthanol devrait s’accroître de 12 % entre 2019-21 et 2031, et l’Inde contribuera pour plus de la moitié à cette demande supplémentaire (Graphique 1.13). En Inde, le taux d’incorporation d’éthanol devrait atteindre 11 % en 2025 et 20 % en 2031, à la faveur d’une production intérieure croissante d’éthanol à partir de la canne à sucre. La présente édition des Perspectives tient cependant pour acquis que l’Inde n’atteindra pas l’objectif E20 fixé par le gouvernement pour 2025, en raison de l’offre limitée de matières premières. La consommation d’éthanol continuera également de progresser au Brésil, quoique plus lentement qu’au cours de la dernière décennie, grâce à un taux d’incorporation élevé et à une demande croissante de carburants. Une consommation croissante d’éthanol à l’échelle mondiale entraînera une augmentation de l’utilisation de canne à sucre pour produire des biocarburants (+9 %) ; la part des biocarburants dans l’utilisation totale de canne à sucre progressera pour atteindre 23 % en 2031 (Graphique 1.14). La mélasse, sous-produit de la production de canne à sucre et principale matière première employée en Inde et dans les autres pays d’Asie pour obtenir de l’éthanol, connaîtra également une hausse de son utilisation, ce qui portera à 51 % la part du secteur des biocarburants dans l’utilisation totale de mélasse en 2031 (Graphique 1.14).
En Chine et aux États-Unis, les perspectives de croissance de la consommation d’éthanol sont limitées (Graphique 1.13). En Chine, la consommation d’éthanol progressera parallèlement à la hausse de la consommation de carburant, mais son taux de croissance ralentira sensiblement par rapport à la dernière décennie. Le gouvernement chinois n’imposera vraisemblablement pas à l’échelle nationale l’obligation relative à l’E10 comme il l’avait envisagé en 2017, car ce programme est tributaire des stocks de maïs, qui ont diminué depuis 2017. Les présentes Perspectives estiment donc que le taux d’incorporation plus faible de 2 % sera maintenu au cours de la période examinée. Aux États-Unis, la baisse de l’utilisation d’essence et le plafond d’incorporation d’éthanol5, fixé à 10 %, devraient limiter l’augmentation de la consommation d’éthanol. L’utilisation de maïs, principale matière première employée en Chine et aux États-Unis pour obtenir de l’éthanol, connaîtra une lente progression au cours de la prochaine décennie, la part des biocarburants dans l’utilisation du maïs tombant de 15.5 % en 2019-21 à 14 % en 2031 (Graphique 1.14).
D’après les projections, la consommation de biodiesel devrait s’accroître de 7 % entre 2019-21 et 2031, et l’Indonésie sera à l’origine de 77 % de cette augmentation de la consommation (Graphique 1.13). Le taux d’incorporation est supposé rester constant à 30 % en Indonésie tout au long de la période de projection – conformément à l’objectif du programme B30 de 2020 – et la demande de biodiesel devrait augmenter au même rythme que la consommation totale de carburant. Aux États-Unis et au sein de l’UE, le déclin de l’utilisation de carburant diesel limitera toutefois la hausse de la consommation de biodiesel. Au sein de l’UE, la consommation de biodiesel sera en outre freinée par la deuxième directive sur les énergies renouvelables, qui impose des limites à l’utilisation de matières premières (principalement l’huile de palme) pour produire des biocarburants dès lors qu’elles sont cultivées dans des écosystèmes qui séquestrent du dioxyde de carbone, comme les forêts, les zones humides et les tourbières. Compte tenu des évolutions prévues de la consommation de biodiesel, l’utilisation d’huiles végétales en vue de son élaboration devrait augmenter de 14 % d’ici 2031, maintenant ainsi aux alentours de 15 % la part des biocarburants dans l’utilisation cette matière première (Graphique 1.14).
1.3.6. Autres utilisation des produits agricoles
Les perspectives sont radieuses pour l’utilisation de riz et d’huiles végétales pour produire des produits non alimentaires
Les produits agricoles examinés dans les Perspectives sont également utilisés dans le cadre d’un large éventail de produits et de procédés. Les Perspectives rassemblent les semences, les pertes après récoltes, les déchets et l’ensemble des applications industrielles, à l’exception des biocarburants, dans la catégorie « autres utilisations ». Au cours de la prochaine décennie, la demande pour ces autres utilisations devrait s’accroître de 0.7 % par an. Les produits agricoles et leurs sous-produits utilisés en tant que matières premières industrielles contribuent à réduire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles et accroissent la valeur des bioressources, y compris par le recyclage des déchets.
Après leur transformation en fil, les fibres de coton sont utilisées pour produire des vêtements et d’autres produits textiles. Au cours de la prochaine décennie, la demande de coton devrait augmenter plus rapidement que la population mondiale (1.6 % par an), soutenue par une hausse continue des revenus. Cependant, la forte concurrence des fibres synthétiques, du polyester principalement, continuera de limiter la demande de coton. Cette évolution pourrait être en partie contrebalancée par l’intérêt croissant des consommateurs pour des textiles plus durables, sous réserve que le coton soit produit d’une manière plus respectueuse de l’environnement (voir le chapitre 10 sur le coton). La laine – un sous-produit de la production de viande ovine – est également utilisée par l’industrie textile, mais elle n’est pas prise en compte dans les projections des Perspectives.
La mélasse est utilisée en tant que matière première industrielle pour la production de levure, de vinaigre, d’acide citrique, de vitamines, d’acides aminés et lactiques, et son usage devrait augmenter de 1.5 % dans les dix prochaines années. Cette progression est très inférieure à celle que devrait connaître l’utilisation de la mélasse pour la production de biocarburants. C’est pourquoi les « autres utilisations » de la mélasse devraient régresser, passant de 28 % en 2019-21 à 25 % de l’utilisation totale de cette matière première en 2031 Graphique 1.14).
Les usages industriels des céréales incluent la production d’amidon industriel et d’alcools, ainsi que des applications dans les industries du papier, du textile, des produits pharmaceutiques et des produits cosmétiques. Le riz, par exemple, est de plus en plus utilisé comme un ingrédient entrant dans la composition de nettoyants pour le visage, de savons pour la douche et de produits capillaires, surtout en Asie. Au cours de la décennie à venir, les « autres utilisations » du riz devraient augmenter de 19 %, et leur part dans l’utilisation totale de riz devrait s’accroître légèrement pour atteindre 15 % en 2031. Le maïs revêt par ailleurs une importance croissante dans la production de bioplastique – pour remplacer une matière dérivée du pétrole. Les autres utilisations du maïs, des autres céréales secondaires et du blé devraient enregistrer une progression plus lente que les autres utilisations du riz ; et leurs parts respectives dans l’utilisation totale de ces produits agricoles devraient diminuer au cours de la période étudiée (Graphique 1.14).
Les huiles végétales entrent dans la composition de produits cosmétiques et d’hygiène corporelle, d’excipients lipidiques de produits pharmaceutiques, et d’additifs alimentaires pour animaux de compagnie. Les « autres utilisations » des huiles végétales devraient connaître une hausse de 17 % dans les dix prochaines années, et maintenir ainsi leur part aux alentours de 19 % d’ici 2031 (Graphique 1.14).
1.3.7. La prochaine décennie pourrait connaître des évolutions sans précédent des habitudes de consommation alimentaire
Une source fondamentale d’incertitude à court terme tient à la guerre de la Russie contre l’Ukraine. Une diminution du volume des exportations en provenance de ces pays exerce une pression à la hausse sur les prix internationaux des produits destinés à l’alimentation humaine comme de ceux utilisés pour nourrir les animaux. Il faudra s’attendre à de plus fortes augmentations des prix si la guerre maintient à un niveau élevé les prix de l’énergie et des engrais et prolonge la disponibilité réduite des exportations mondiales de ces deux pays (FAO, 2022[10]). Une hausse des prix des produits agricoles aurait des conséquences négatives pour la sécurité alimentaire mondiale et la nutrition, surtout pour les ménages pauvres (Encadré 1.1).
Les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles reposent les projections paraissent indiquer que la reprise économique mondiale postérieure à la crise du COVID-19 se poursuivra (voir la section 1.2). Le rythme effectif de cette reprise dépendra cependant de plusieurs facteurs qui ne peuvent être aisément anticipés. Ceux-ci incluent l’évolution des flambées de COVID-19 (par exemple la propagation de nouveaux variants), des taux de vaccination et des autres mesures de santé publique, ainsi que des politiques de relance de la demande des consommateurs et des entreprises. Par ailleurs, la tendance induite par la pandémie à la prise des repas à domicile au détriment des services alimentaires et de la fréquentation des restaurants est supposée s’inverser au fur et à mesure du rétablissement de l’économie et de l’abandon des mesures de restriction. Cependant, si tel n’était pas le cas, les projections de la demande alimentaire pourraient s’en trouver modifiées, en particulier pour les produits qui sont principalement consommés hors du domicile, tels que le poisson et certains morceaux de viande.
Une autre source d’incertitude liée à la demande a trait à l’évolution des préférences des consommateurs. Les décisions d’achat des consommateurs sont de plus en plus déterminées par des facteurs qui vont au-delà des prix, des aspects culturels et des questions de goût, telles que les préoccupations liées à l’environnement et à la santé, ou encore les considérations éthiques relatives au bien-être animal et à l’acte de manger des animaux ou des produits qui en sont issus. Cette tendance transparait dans l’adoption croissante d’un mode de vie végétarien, végétalien ou « flexitarien » dans les pays à revenu élevé, en particulier parmi les jeunes. Les marchés de la viande et des produits laitiers seraient particulièrement affectés par un changement de comportement qui ferait la part belle aux protéines végétales ou à d’autres sources de protéines (telles que les insectes, ou la viande cultivée). Les marchés des aliments pour animaux pourraient également en subir les conséquences, étant donné que la production de ces autres sources de protéines pourrait nécessiter de moindres quantités de productions végétales (Oonincx, Van Broekhoven and Van Huis, 2019[11]) (Kearney, n.d.[12]). Cependant, comme la part de ces produits dans la consommation devrait rester très réduite au cours de la prochaine décennie, les Perspectives n’en tiennent pas explicitement compte, ce qui confère néanmoins une certaine incertitude aux projections de la demande.6
Les évolutions des politiques mises en œuvre constituent par ailleurs une source permanente d’incertitude. Plusieurs pays ont adopté (ou prévoient de le faire) des mesures visant à réduire la consommation totale de calories ou à promouvoir une alimentation saine. Il s’agit notamment de mesures budgétaires (telles que des taxes sur le sucre ou sur les graisses saturées, ou encore des subventions en faveur des produits alimentaires nutritifs), de systèmes d’étiquetage, de la reformulation des produits en collaboration avec l’industrie, de recommandations alimentaires actualisées et de programmes d’éducation (concernant par exemple les repas scolaires). Ces mesures pourraient influencer la demande globale de denrées alimentaires ainsi que la demande relative des différents produits alimentaires d’une manière difficile à prévoir.
Les politiques en matière de biocarburants constituent une autre source importante d’incertitude. Les variations des niveaux d’incorporation prescrits, des mécanismes mis en œuvre pour contrôler le respect des règles, ou des exonérations fiscales et des subventions dont bénéficient les biocarburants et les carburants fossiles pourraient modifier la demande de biocarburants et celle des cultures à partir desquelles ceux-ci sont produits. Les nouvelles politiques et technologies émergeant dans le secteur des transports auront également une incidence sur la demande de biocarburants. Au cours de la dernière décennie, diverses politiques destinées à promouvoir les véhicules électriques et les infrastructures de recharge ont été mises en œuvre sur les principaux marchés (Chine, Europe et États-Unis) et ont contribué à la forte croissance des ventes de voitures électriques (AIE, 2021[13])7. Un déploiement des véhicules électriques plus rapide que ne le supposent les présentes Perspectives pourrait avoir des répercussions sur la demande de biocarburants. Une production et une consommation croissantes de carburant d’aviation durable (CAD) pourraient par ailleurs soutenir la demande de biocarburants et celle des cultures à partir desquelles ceux-ci sont produits. Plusieurs pays européens et les États-Unis ont déjà adopté des mesures de soutien du CAD en vue de réduire les émissions de CO2 du secteur de l’aviation (voir le chapitre 9 sur les biocarburants).
1.4. Production
1.4.1. Introduction
Les projections des Perspectives couvrent les produits végétaux et animaux énumérés à la section 1.3. Les Perspectives expliquent les répercussions des évolutions futures des rendements, de l’intensité d’exploitation des terres et de l’extension des surfaces agricoles sur la production végétale, et elles mettent en relation les variations de la taille du cheptel et de la production par animal avec les tendances de la production du secteur de l’élevage.
Les projections reposent sur l’hypothèse que les mesures de distanciation sociale destinées à contenir la pandémie de COVID-19 auront pour l’essentiel été levées au début de 2022 et n’affecteront pas la production agricole à compter de 2022. En outre, les projections des Perspectives tiennent compte de la probabilité d’une production réduite en Ukraine au cours de l’année commerciale 2022/23.
1.4.2. Les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire sont les moteurs de la croissance de la production mondiale
Dans les dix années à venir, la production agricole mondiale8 (mesurée à prix constants) devrait augmenter de 17 %. Cette croissance sera principalement localisée dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, dont l’Inde, la Chine et les autres pays d’Asie (Graphique 1.15). Elle sera stimulée par des investissements de nature à améliorer la productivité dans les infrastructures et la recherche-développement agricoles ; la mobilisation des ressources de production (telles que les terres agricoles et l’eau d’irrigation) ; une utilisation plus intense des intrants agricoles ; et de meilleures compétences en gestion.
La production devrait augmenter sensiblement en Afrique subsaharienne, quoique par rapport à un faible niveau de départ. Elle sera favorisée par une extension des superficies, par une évolution de l’éventail de cultures, ainsi que par les gains de productivité obtenus grâce à des investissements dans des variétés améliorées adaptées aux conditions locales, à de meilleures pratiques de gestion, et à l’expansion et l’intensification de l’aviculture. La forte croissance de la production prévue dans la région Proche-Orient et Afrique du Nord devrait être le fruit d’une plus grande intensité des cultures, d’une augmentation sensible des rendements, ainsi que du développement du secteur de la viande de volaille.
L’augmentation de la production en Amérique du Nord et en Europe occidentale sera vraisemblablement limitée, en grande partie en raison de l’instauration de réglementations plus strictes en matière de durabilité environnementale et de bien-être animal.
1.4.3. Une croissance de la production végétale principalement due à l’augmentation des rendements
La production végétale mondiale devrait s’accroître de 18 % au cours de la décennie à venir9, grâce principalement aux contributions de la Chine (30 %), de l’Inde (17 %) et du reste de la région Asie-Pacifique (14 %). L’Afrique subsaharienne devrait être à l’origine de 12 % de la hausse de la production, suivie par l’Amérique latine (11 %), et par la région Europe et Asie centrale (8 %). La contribution de l’Amérique du Nord devrait se situer aux alentours de 7 %, alors que la région Proche-Orient et Afrique du Nord ne participera que pour environ 3 % à l’augmentation de la production végétale mondiale.
Les évolutions prévues de la production végétale sont principalement dues à une augmentation des rendements, mais aussi dans une certaine mesure à une intensification de l’utilisation des terres (cultures multiples) et à l’extension des surfaces cultivées, comme indiqué au Graphique 1.16.
Rendements des cultures
Les améliorations des rendements contribueront pour 80 % à la croissance de la production prévue au cours de la prochaine décennie pour les cultures examinées dans les Perspectives. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, en Chine et dans la région Asie-Pacifique (Inde et Chine exclues), cette croissance repose entièrement sur l’augmentation des rendements, compte tenu de la baisse prévue des superficies récoltées de céréales, d’oléagineux, de plantes sucrières, de légumineuses, de coton, et de racines et tubercules.
Les taux prévus d’augmentation des rendements sont variables selon les régions et selon les pays, du fait des différences de technologies de production et de conditions agroclimatiques (Graphique 1.17). Des augmentations notables des rendements sont attendues au Brésil, en Inde et en Chine pour la plupart des produits examinés dans les Perspectives, les rendements atteignant ou dépassant en 2031 dans ces économies émergentes ceux des pays à revenu élevé. La convergence des rendements de l’Afrique subsaharienne et ceux des autres régions devrait toutefois être lente.
Les projections des Perspectives reposent sur l’hypothèse que l’augmentation des rendements dans les pays à revenu élevé découlera d’une amélioration des pratiques de gestion des exploitations ainsi que de l’adoption des techniques d’agriculture de précision (c’est-à-dire de l’optimisation de l’utilisation des intrants agricoles tels que les engrais et les produits chimiques) et de l’amélioration des variétés cultivées. L’augmentation des rendements sera toutefois limitée, étant donné qu’ils sont déjà très élevés dans ces pays et que les possibilités de les accroître encore sont restreintes par des réglementations plus strictes en matière de protection de l’environnement et de sécurité des aliments.
En Afrique subsaharienne comme dans les autres pays à faible revenu et dans ceux à revenu intermédiaire, l’augmentation des rendements devrait résulter de l’amélioration des variétés cultivées, d’une utilisation accrue d’engrais et de pesticides, ainsi que d’une meilleure gestion des exploitations moyennant la mécanisation et le renforcement des compétences en agronomie acquises par les agriculteurs à travers les services de formation et de vulgarisation.
Il convient de noter que toutes les projections des augmentations des rendements sont tributaires des évolutions des coûts des intrants au cours de la prochaine décennie, de sorte qu’une hausse des prix de l’énergie et des engrais plus forte que prévu limiterait l’utilisation d’intrants et restreindrait par conséquent l’amélioration des rendements. L’Encadré 1.3 examine les répercussions de la hausse des prix des intrants sur la production agricole et les marchés alimentaires.
Encadré 1.3. La hausse des prix des intrants suscite des craintes pour la sécurité alimentaire mondiale
Le secteur agroalimentaire est gros consommateur d’énergie, dont il utilise d’importantes quantités à l’intérieur de l’exploitation soit directement sous la forme de carburants, de gaz naturel et d’électricité, soit indirectement par l’utilisation de produits agrochimiques tels que des engrais, des pesticides et des lubrifiants. La récente flambée des prix des intrants agricoles suscite des inquiétudes liées à la tendance à la hausse des coûts de production de l’alimentation. Les prix des intrants en rapide augmentation, notamment ceux de l’énergie issue des combustibles fossiles, exercent une pression à la hausse des prix alimentaires, et ont des effets négatifs sur la sécurité alimentaire mondiale. Les répercussions sur les prix se manifestent par la hausse de l’indice des prix alimentaires de la FAO, qui a atteint en mars 2022 son plus haut niveau depuis 1990. Les évolutions des prix des intrants paraissent en être pour une large part à l’origine (Graphique 1.18 et Graphique 1.19).
Les graphiques 1.18 et 1.19 laissent penser que la hausse rapide des prix internationaux des produits agricoles et le sommet sans précédent qu’ils atteignent actuellement coïncident avec une hausse tout aussi rapide et avec un pic pluriannuel des coûts de production (variables). L’évolution étroitement synchronisée des recettes et des coûts pèse sur la rentabilité globale des exploitations. Cette évolution parallèle des prix des produits agricoles et de ceux des intrants a constitué une caractéristique générale des marchés internationaux ces dernières décennies. Il ne faut toutefois pas considérer que les écarts entre les prix alimentaires et ceux des intrants correspondent à des marges (brutes) en valeur absolue, car ils n’indiquent que les variations des marges brutes. À ce titre, leur évolution au fil du temps suggère que, toutes choses étant égales par ailleurs, les gains tirés par les producteurs d’une augmentation des prix agricoles et alimentaires ne tardent pas à être résorbés par une rapide hausse des coûts des intrants. Les variations des coûts de production entraînent généralement une modification des prix des produits, mais un examen plus attentif des deux séries porte à croire que l’évolution des coûts des intrants peut également être liée à celle des prix des produits. De plus, la situation globale à l’échelle mondiale risque de masquer d’importantes différences régionales et sectorielles au sein du secteur agroalimentaire. Par exemple, la plupart des producteurs de soja dégagent actuellement des marges d’exploitation positives relativement importantes, car ils ont moins besoin des engrais azotés, actuellement onéreux, alors qu’ils bénéficient dans le même temps du niveau élevé des prix des produits. Les producteurs de porc sont en revanche confrontés aux prix bas de la viande et aux coûts élevés des aliments pour animaux, ce qui aboutit souvent à de faibles marges brutes, et même à des marges nettes négatives.
Juste au moment où beaucoup de régions du monde ont rouvert leurs économies dans le sillage de la pandémie de COVID-19 afin de stimuler la croissance économique, la hausse des prix de l’alimentation et des combustibles qui est en cours est fortement régressive : elle aggrave les difficultés économiques et a des effets négatifs pour les producteurs comme pour les consommateurs. Les évolutions des coûts de production se traduisent par des évolutions des prix des produits, et donc des prix alimentaires. Pour les producteurs, il s’ensuit que l’augmentation potentielle des marges bénéficiaires est en règle générale érodée par la hausse des coûts de production. Ce phénomène est certes prévisible d’un point de vue théorique, mais il est tout à fait remarquable de voir à quel point il est confirmé par les faits, y compris dans l’actuelle période de flambée des prix.
Pour les consommateurs, il en résulte que les prix alimentaires augmenteront inévitablement du fait de la hausse des coûts de production, et ce à bref délai. Tel est également le cas dans l’actuelle période d’augmentation des prix, qui affecte plus particulièrement les consommateurs qui consacrent déjà une part importante de leur budget à l’énergie et à l’alimentation. Pour les responsables de l’action publique, cela signifie que la hausse des coûts des intrants agricoles, notamment l’énergie, entraînera inévitablement une augmentation des prix alimentaires, à moins qu’il soit possible de trouver de nouveaux modèles de production moins énergivores et, surtout, moins dépendants des combustibles fossiles.
Source : FAO (2021[14]).
Intensité d’exploitation des terres
À l’échelle mondiale, l’intensification de l’exploitation des terres arables, en y pratiquant plusieurs récoltes par an, ne contribuerait que pour 6 % à la croissance des productions végétales qui est attendue (Graphique 1.16). L’augmentation de l’intensité culturale sera facilitée par des systèmes innovants de rotation des cultures, par une plus large adoption des variétés à cycle court, ainsi que par les techniques de culture sans travail du sol.
En Amérique latine, l’augmentation de l’intensité culturale au cours de la prochaine décennie reposera vraisemblablement sur l’extension de la double culture du soja et du maïs ou du blé. Dans les pays asiatiques, elle proviendra de l’extension de la double culture du riz et d’une seconde culture constituée d’autres céréales, de légumineuses ou de légumes. En Afrique subsaharienne, le développement de l’irrigation allongera la saison de végétation afin de permettre des cultures multiples, ainsi que la pratique de cultures mixtes (de maïs et de manioc ou de millet et de légumineuses, par exemple). En Amérique du Nord, en Europe et en Asie septentrionale, les possibilités d’intensification de l’exploitation des terres resteront limitées en raison des conditions météorologiques.
Utilisation des terres
L’expansion des surfaces cultivées devrait contribuer pour 15 % à l’augmentation prévue de la production végétale. Le Graphique 1.20 présente les évolutions des surfaces cultivées dans la décennie à venir. Les surfaces cultivées devraient principalement s’accroître dans les pays d’Asie (de 9 Mha), hors Chine et Inde, et en Amérique latine (6.2 Mha). Dans la région Asie et Pacifique, les pâturages seront vraisemblablement convertis en surfaces cultivées, alors qu’en Amérique latine et en Afrique subsaharienne, ce sont principalement des terres non agricoles qui seront mises en exploitation.
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, l’expansion des surfaces cultivées devrait être limitée par les conditions naturelles. Les faibles précipitations sont un obstacle à l’agriculture pluviale, et les coûts d’irrigation sont dans la plupart des endroits prohibitifs. En Amérique du Nord et en Europe occidentale, les surfaces cultivées devraient diminuer, car l’accroissement des productions végétales est strictement encadré par les politiques de durabilité environnementale, et l’on devrait également observer une réduction des surfaces consacrées à la production de fruits, de légumes, ainsi que d’autres cultures qui ne sont pas prises en compte dans les Perspectives.
Les pâturages devraient perdre 14 Mha dans la région Asie et Pacifique, hors Chine et Inde, du fait du passage attendu d’une production de viande bovine, ovine et caprine fondée sur le pâturage à des systèmes d’élevage plus intensif de volailles et de porcs. L’élevage de ruminants devrait également évoluer vers des systèmes de production reposant sur une alimentation plus intensive, qui nécessitent moins de pâturages. La superficie des pâturages devrait légèrement augmenter en Amérique du Nord, compte tenu de l’expansion du cheptel bovin prévue par les projections.
La plus grande partie de l’expansion des surfaces cultivées aura lieu au profit de la culture de céréales et d’oléagineux (Graphique 1.21).
1.4.4. La production des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture est concentrée dans un petit nombre de pays
La production mondiale des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture devrait augmenter de 16 % au cours de la prochaine décennie, et la majeure partie de cette augmentation (85 %) aura pour origine les pays à revenu intermédiaire et ceux à faible revenu (Graphique 1.22). Cependant, un petit nombre de pays ou de régions continuent de dominer la production mondiale de ces secteurs et contribuent pour près de 60 % à la production animale mondiale : la Chine, l’Inde, le Brésil, les États-Unis et l’Union européenne. Leur part dans la production mondiale des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture ne devrait subir aucun changement au cours de la décennie à venir.
La Chine devrait accroître de 17 % la production de ses secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture, et l’Inde de 37 %, ces deux pays étant à eux deux à l’origine d’environ la moitié de la croissance mondiale. Cette expansion sera soutenue en Chine par la fin de l’épidémie de peste porcine africaine (PPA), et en Inde par la forte croissance de la production de produits laitiers.
En Amérique latine, la production des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture devrait progresser de 12 %, ce qui représente 11 % de la croissance de la production mondiale, grâce principalement au secteur de l’élevage à vocation exportatrice du Brésil.
En Afrique subsaharienne, la production des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture devrait augmenter de 24 %, bien que par rapport à un faible niveau de départ, grâce en particulier à la croissance de la production de volailles et de lait. La part de l’Afrique subsaharienne dans la production mondiale se maintiendra à 4 % d’ici 2031. Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, la production des secteurs de l’élevage, de la pêche et de l’aquaculture devrait augmenter de 20 %, du fait de la croissance du segment de la viande de volaille, bien que par rapport à un faible niveau de départ, aussi la région ne contribuera-t-elle que pour environ 3 % de la production animale mondiale en 2031 (Graphique 1.22).
1.4.5. La volaille contribuera pour plus de la moitié à l’augmentation de la production mondiale de viande
Au cours de la prochaine décennie, la production mondiale de viande devrait s’accroître de 15 %, à la faveur d’une augmentation du nombre d’animaux et d’une plus grande productivité par animal. Des taux de fécondité plus élevés et un gain de poids plus rapide et plus efficace pourront vraisemblablement être obtenus grâce à une intensification de l’alimentation, aux progrès de la génétique et à une meilleure gestion des troupeaux.
La production de viande de volaille devrait progresser de 16 % (21 Mt) au cours des dix années à venir et contribuer pour 45 % à la croissance de la production mondiale de viande, compte tenu de sa rentabilité soutenue et d’un rapport entre les prix de la viande et ceux des aliments pour animaux plus favorable que pour les autre non-ruminants et pour les ruminants (Graphique 1.23). La région Asie et Pacifique devrait contribuer pour environ la moitié à la croissance de la production mondiale de viande de volaille, la part de la Chine s’élevant à 15 %. Les États-Unis seront à l’origine de 8 % de la croissance de la production mondiale de viande de volaille, du fait de l’intensification de la production, alors que le Brésil y contribuera pour 5 %, à la suite de l’expansion des troupeaux et d’une augmentation de la productivité par animal. En Europe, la production de viande de volaille ne devrait augmenter que de 4 % étant donné qu’aucune expansion du cheptel n’est prévue et que la productivité par animal demeurera élevée.
La production mondiale de porc devrait augmenter de 17 % (18 Mt) d’ici 2031, par rapport à la période de référence 2019-21, qui a été marquée par la PPA (Graphique 1.23). Le porc contribuera pour 38 % à la croissance de la production mondiale de viande. Les projections partent de l’hypothèse que le secteur se sera remis de la PPA d’ici 2023, de sorte que la quasi-totalité de la croissance prévue se produira dès les premières années de la décennie à venir. La majeure partie de l’augmentation de la production de viande de porc devrait trouver son origine en Chine dès 2023, ainsi qu’aux Philippines et au Viet Nam, où la production devrait effacer dans les 2-3 prochaines années les pertes subies à la suite de la flambée de PPA. Dans l’Union européenne, la production devrait diminuer au cours de la prochaine décennie, car le durcissement des réglementations relatives à la protection de l’environnement et au bien-être animal devrait accroître les coûts de production, alors que les préoccupations en matière de santé publique et de durabilité limiteront la demande.
La production de viande bovine devrait s’accroître de 8 % (6 Mt) et contribuer pour 12 % à l’augmentation de la production mondiale de viande (Graphique 1.23). L’Amérique latine devrait développer sa production de 11 % et contribuer pour 33 % à la croissance de la production mondiale. En Amérique du Nord, la production ne devrait progresser que de 4 %, du fait des faibles perspectives de rentabilité liées à une demande léthargique, les consommateurs se tournant vers les viandes blanches, ce qui entraînera une contraction des investissements dans de nouvelles capacités de production et ne débouchera que sur une modeste augmentation du cheptel. En Europe, la production de viande bovine devrait baisser au cours de la prochaine décennie (de 8 %) sous l’effet d’une diminution de la taille du cheptel à la suite de la contraction des débouchés à l’exportation et de l’augmentation des coûts entraînée par des mesures plus strictes de réduction des émissions des GES.
La production mondiale de viande ovine et caprine devrait progresser de 16 % (2 Mt) au cours de la décennie à venir, mais cela ne représente que 5 % de l’augmentation de la production mondiale de viande (Graphique 1.23). La production s’accroîtra de 29 % en Afrique subsaharienne, contribuant pour 26 % à la croissance mondiale, grâce principalement à l’expansion du cheptel, étant donné que la production repose sur des systèmes d’élevage semi-nomade, lesquels ne sont pas intensifs. La production de la Nouvelle-Zélande – premier exportateur mondial de viande ovine – demeurera constante, en raison de la concurrence pour les pâturages que lui livrent les secteurs de la viande bovine et de la production laitière.
1.4.6. Dans le secteur de l’élevage, la production laitière sera la filière la plus dynamique
Dans le secteur de l’élevage, la production laitière devrait être la filière la plus dynamique ces dix prochaines années, la production mondiale de lait enregistrant, d’après les projections, une hausse de 23 %. Le nombre de vaches laitières devrait augmenter de 14 %, en particulier dans les régions où les rendements sont faibles, comme c’est le cas en Afrique subsaharienne, mais aussi dans les principaux pays producteurs de lait tels que l’Inde et le Pakistan. Les projections partent de l’hypothèse que les rendements de lait augmenteront régulièrement au cours de la prochaine décennie, en particulier au Proche-Orient et en Afrique du Nord, ainsi qu’en Asie du Sud-Est.
Environ la moitié de la croissance de la production laitière trouvera son origine en Inde et au Pakistan, pays qui représenteront à eux deux 33 % de la production mondiale de lait en 2031. Cette croissance sera alimentée par l’expansion du cheptel et, dans une moindre mesure, par des rendements plus élevés (Graphique 1.24). Le lait cru ne sera que peu transformé pour élaborer des produits laitiers frais destinés au marché intérieur en rapide expansion de ces pays.
Dans l’Union européenne, deuxième producteur mondial de lait, la croissance devrait rester limitée, entravée par les mesures visant à promouvoir une production durable, ainsi que par l’expansion des systèmes de production biologique ou de ceux fondés sur le pâturage, dont les rendements sont plus bas. Les projections prévoient une diminution des cheptels qui limitera la croissance à 5 % d’ici 2031. Aux États-Unis, troisième producteur mondial de lait, la croissance devrait être plus forte que dans l’Union européenne, grâce à l’augmentation des rendements. Les taux de croissance de la production de lait de la Nouvelle-Zélande, un exportateur clé de produits laitiers, devraient être similaires à ceux de l’Union européenne, cette évolution s’accompagnant d’une diminution des cheptels d’environ 5 %. L’augmentation des rendements dans ces systèmes de production très intensifs est due à l’optimisation des systèmes de gestion de la production de lait, ainsi qu’à une amélioration de la santé des animaux, de l’alimentation, de la gestion des herbages, et de la génétique (Graphique 1.24).
Une importante croissance de la production laitière (39 %) est prévue en Afrique subsaharienne, où elle sera principalement alimentée par l’expansion des cheptels. La production continuera d’être principalement basée sur les petits ruminants et sur des systèmes de production pastoraux, ce qui aboutira à de faibles rendements laitiers, aussi cette région ne contribuera-t-elle que pour 6 % à l’augmentation de la production mondiale de lait (graphique 1.24).
À l’échelle mondiale, la plus grande partie du lait est consommée sous forme de produits laitiers frais tels que le lait frais ou fermenté et les yaourts. Seule une petite proportion subit une transformation industrielle pour produire du beurre, du fromage, et du lait en poudre entier ou écrémé.
La production de beurre devrait s’accroître de 21 % d’ici 2031, cette augmentation étant principalement imputable à la production de ghee en Inde et au Pakistan. L’Union européenne conservera sa position dominante en ce qui concerne la production mondiale de beurre, même si sa production ne devrait s’accroître que de 4 %, et si sa part dans la production mondiale de beurre devrait tomber d’environ 20 % en 2019-21 à 15 % d’ici 2031.
La production mondiale de lait en poudre écrémé et entier devrait progresser de 20 % et 15 %, respectivement. L’Union européenne et les États-Unis devraient conserver leur position dominante dans la production mondiale de lait en poudre écrémé. La Nouvelle-Zélande, la Chine et l’Union européenne produisent l’essentiel du lait entier en poudre. La production mondiale de fromage devrait augmenter de 13 %, et l’Union européenne et les États-Unis devraient contribuer pour environ 30 % chacun à la production supplémentaire d’ici 2031.
1.4.7. Le prix élevé des aliments pour animaux et les réglementations environnementales ralentissent le développement de l’agriculture
La production mondiale de poisson devrait croître de 14 % au cours des dix prochaines années, pour atteindre 203 Mt en 2031. Cette augmentation devrait avoir pour principal moteur le développement constant de la production de l’aquaculture, qui progressera de 23 % au cours de la période étudiée, alors que la croissance de la pêche de capture devrait rester modeste (5 %).
Cependant, la croissance de la production de l’aquaculture devrait être plus lente qu’au cours de la décennie précédente (56 %), du fait de fortes hausses du coût des aliments pour animaux au début de la période étudiée, et du durcissement des réglementations environnementales en Chine. L’aquaculture devrait dépasser la pêche de capture d’ici 2023 et représenter 53 % de la production mondiale de poisson d’ici 2031.
La production de poisson devrait s’accroître dans toutes les régions, la majeure partie de cette progression étant enregistrée en Asie-Pacifique (Graphique 25). Les régions Asie de l’Est et développée et Asie du Sud et du Sud-Est consolideront leur position de principaux producteurs mondiaux, avec 44 % et 34 % de la production supplémentaire de poisson, respectivement. Au sein de l’Asie-Pacifique, les plus grandes contributions à l’augmentation de la production devraient être apportées par la Chine, le principal producteur de poisson, suivie par l’Inde, l’Indonésie et le Viet Nam.
1.4.8. L’intensité de carbone de la production agricole est en voie de diminution
Les émissions directes de l’agriculture ont contribué pour environ 11 % aux émissions mondiales GES en 2019 (GIEC, 2022[15]). Les émissions directes de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 6 % au cours de la décennie à venir, si les politiques actuelles ne subissent aucun changement et que le progrès technologique poursuit sa tendance (Graphique 1.26).10 L’élevage représentera 90 % de cette augmentation.
Les émissions de GES de l’agriculture sont appelées à augmenter mais leur croissance sera plus faible que celle de la production, ce qui laisse entrevoir une diminution de l’intensité de carbone de l’agriculture dans les dix années à venir (Graphique 1.27). Tel devrait être le cas dans toutes les régions. L’amélioration des rendements et la diminution de la part de l’élevage de ruminants dans la production agricole totale contribueront à ce résultat. La majeure partie de la hausse des émissions directes de GES qui est prévue devrait se produire dans les pays à revenu intermédiaire et à faible revenu de la région Asie et Pacifique et d’Afrique subsaharienne, en raison d’une plus forte croissance de la production dans des systèmes de production qui sont intensifs en émissions. L’Afrique subsaharienne, en particulier, devrait contribuer pour 17 % aux émissions directes de GES à l’échelle mondiale en 2031, mais pour 7 % seulement à la production mondiale. La région Asie et Pacifique devrait compter en 2031 pour environ 44 % des émissions directes des GES à l’échelle mondiale, et pour plus de la moitié de la production végétale et animale.
Dans la région Europe et Asie centrale, les émissions devraient par ailleurs baisser de 5 %, alors que la production agricole devrait s’accroître de 4 %. L’adoption à grande échelle de technologies et de pratiques agricoles contribuant à diminuer les émissions de GES pourrait conduire à de nouvelles réductions de l’intensité carbone de la production agricole.
1.4.9. La variabilité météorologique et les maladies des animaux et des végétaux seront probablement les principales sources d’incertitude à moyen terme
Les principales incertitudes à court terme concernent les répercussions de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur la production agricole ukrainienne et sur les marchés des engrais. La production pourrait être plus faible que ne l’envisagent les Perspectives, en fonction de la durée et de l’intensité de la crise. Compte tenu de l’importance de ces pays sur les marchés mondiaux des céréales, des oléagineux et des engrais, une baisse de leurs volumes de production risque d’avoir des répercussions sur les disponibilités mondiales (Encadré 1.1).
Les effets directs et indirects de la pandémie de COVID-19 sur la production agricole demeurent également incertains. Les projections reposent sur l’hypothèse que les mesures de distanciation sociale destinées à contenir la pandémie de COVID-19 n’auront aucune incidence sur les Perspectives du fait qu’elles ne seront pas prolongées au-delà de 2021. Il n’est toutefois pas certain que des mesures visant à enrayer la propagation du COVID-19 ne devront pas être réinstaurées à l’échelle locale, ce qui pourrait limiter la disponibilité de la main-d’œuvre agricole et des autres intrants.
La production de produits agricoles demeure vulnérable aux maladies des végétaux et des animaux. La récente flambée de PPA a entraîné d’importantes baisses de la production porcine en Asie de l’Est et une infestation de criquets pèlerins a provoqué de considérables pertes de production en Afrique de l’Est en 2020. Les Perspectives ne prévoient pas que ces événements ou d’autres similaires se reproduisent, mais l’efficacité des mesures de lutte contre les maladies et contre les ravageurs demeure un motif de préoccupation.
Les événements météorologiques ont une grande incidence sur l’agriculture, et ils constituent la principale source d’incertitude pour les productions végétales. Les projections posent pour hypothèse que les conditions météorologiques ne perturberont ni ne favoriseront la production en aucun lieu ni lors d’aucune année. Mais les régimes météorologiques réels s’écartent de cette hypothèse et entraînent des fluctuations des rendements. Bien que le changement climatique puisse modifier les régimes météorologiques habituels et causer ce faisant une plus grande variabilité, les projections des Perspectives reposent sur l’hypothèse que des mesures d’adaptation en atténueront les conséquences. Cependant, étant donné que les effets de ces facteurs de variabilité ne peuvent être quantifiés de manière fiable, aucune hypothèse chiffrée ne peut être formulée.
Les évolutions de la productivité sont fondées sur l’hypothèse que le progrès technologique et les transformations structurelles suivront les tendances et les schémas établis au cours de la prochaine décennie. Cependant, les éventuelles modifications des réglementations gouvernementales, des dépenses publiques ou des investissements privés dans l’agriculture, par exemple, susceptibles d’influencer le rythme de ces évolutions auraient des répercussions sur la productivité de l’agriculture et sur la production globale du secteur. La section 1.7 présente les résultats d’un scénario de simulation qui évalue le niveau de croissance de la productivité nécessaire pour atteindre l'ODD2 « Faim zéro » ainsi qu'une réduction considérable des émissions de GES agricoles d'ici 2030.
1.5. Échanges
Les échanges agricoles internationaux jouent un rôle essentiel dans l’amélioration de l’efficacité des systèmes alimentaires en permettant la circulation de produits depuis des pays relativement bien dotés en ressources naturelles, entre autres, vers les transformateurs et les consommateurs des pays moins bien lotis. Les échanges agricoles sont par conséquent essentiels pour assurer la sécurité alimentaire dans certaines régions, et ils constituent une importante source de revenus dans d’autres.
Au cours de la prochaine décennie, certains pays devraient connaître de fortes augmentations de la demande alimentaire liées à l’accroissement de leur population et/ou à une hausse des revenus, sans disposer pour autant de ressources suffisantes pour répondre à cette demande. Par ailleurs, les mutations socioculturelles et les changements de mode de vie sont en train de transformer les habitudes de consommation dans la plupart des régions.
Les écarts de croissance de la productivité, le changement climatique et la prévalence des maladies des végétaux et des animaux affecteront la production. Les échanges contribueront à lisser les fluctuations de l’approvisionnement et à mutualiser entre les pays les risques liés à la production, et ils joueront en outre le rôle d’amortisseur en cas de choc interne ou externe.
Dans ce contexte, un système d’échanges internationaux efficace, transparent et prévisible sera essentiel pour atténuer les déséquilibres régionaux émergents et soutenir un développement mondial durable, en particulier pour atteindre l’ODD 2 « Faim zéro » d’ici 2030.
1.5.1. La croissance des échanges de produits agricoles et halieutiques ralentit
Les échanges agricoles devraient continuer à se développer au cours de la prochaine décennie, mais compte tenu du ralentissement de la croissance de la demande et de la production, ils devraient augmenter plus lentement que dans les dix dernières années.
Les échanges se sont accrus rapidement depuis le début des années 2000, à la faveur d’une baisse des droits sur les produits agroalimentaires, de réformes des mesures de soutien aux producteurs génératrices de distorsions des échanges intervenue au lendemain du Cycle d’Uruguay, ainsi que de la signature de divers accords commerciaux. Les échanges agricoles ont également été soutenus par la croissance économique de la Chine et des autres pays à revenu intermédiaire, ainsi que par la rapide expansion du secteur des biocarburants. Cette forte croissance de la demande d’importation de produits agricoles a été pour une large part satisfaite par une augmentation des exportations en provenance d’Amérique latine, d’Amérique du Nord et d’Europe orientale.
Le ralentissement attendu de la croissance des échanges internationaux est dû à une augmentation plus lente de la demande d’importations émanant de la Chine et des autres pays à revenu intermédiaire, et à une progression limitée de la demande mondiale d’importations de biocarburants en raison d’une consommation de carburants en baisse et d’une diminution des mesures d’incitation dans certaines régions. De plus, les projections des Perspectives reposent sur l’hypothèse d’une diminution des effets de la précédente libéralisation du commerce international, qui avait stimulé les échanges agricoles, vu que les efforts de réduction tarifaire multilatérale et les réformes des mesures de soutien aux producteurs à l’origine de distorsions des échanges marquent largement le pas.
Le Graphique 1.28indique le taux moyen de croissance du volume des échanges des produits examinés dans les Perspectives. Pour certains produits, tels que le soja, le maïs et la viande de porc, le volume des échanges a fortement augmenté au cours de la dernière décennie, d’environ 5 % par an. Dans les dix prochaines années, le plus fort taux de croissance prévu s’élèvera à 2.5 % par an (pour le riz), alors que plusieurs produits enregistreront une croissance des échanges inférieure à 1 % par an (soja, huiles végétales, viande ovine, viande de volaille, poisson, et lait entier en poudre, par exemple) voire une diminution du volume des échanges (biocarburants et viande porcine, par exemple).
Au cours de la décennie à venir, la croissance des échanges mondiaux de riz sera favorisée par un excédent de production en Inde, où la production devrait augmenter plus rapidement que la demande intérieure. L’excédent de riz de l’Inde se dirigera principalement vers l’Afrique subsaharienne, où les importations de riz devraient augmenter de 5 % par an. Les échanges de coton devraient également progresser plus vite qu’au cours de la décennie précédente, du fait de la demande croissante de coton brut émanant de l’industrie textile, qui est principalement située dans des pays dont les capacités de production sont limitées (comme le Bangladesh et le Viet Nam). La forte demande d’importations de coton brut sera pour une large part satisfaite par les exportations croissantes des États-Unis, du Brésil et de l’Afrique subsaharienne.
1.5.2. La part de la production échangée tend à se stabiliser
La part de la production des produits étudiés dans les Perspectives qui fait l’objet d’échanges a progressé au fil du temps, passant de 15 % en moyenne en 2000 à 23 % en 2019-21, ce qui témoigne du fait que les échanges ont augmenté plus vite que la production agricole. Si l’on retient l’hypothèse d’une diminution des effets de la précédente libéralisation du commerce international, qui avait stimulé les échanges agricoles, et de l’absence de toute réforme majeure des politiques mises en œuvre, la part de la production échangée devrait se stabiliser au cours de la prochaine décennie, la croissance des échanges étant plus étroitement liée à celle de la production.
L’importance des échanges est toutefois très variable selon les produits (Graphique 1.29). Pour un grand nombre de produits, la plus grande partie de la production est destinée au marché intérieur. Les échanges n’absorbent au moins un tiers de la production mondiale que dans le cas de quelques produits. Il s’agit notamment du coton, du sucre, du soja, des huiles végétales et des poudres de lait, qui sont importés pour faire l’objet d’une transformation plus poussée.
Au cours de la décennie à venir, la part de la production échangée ne variera pas sensiblement pour les produits examinés dans les Perspectives, vu qu’aucune évolution majeure de la structure des échanges n’est attendue. Pour certains produits, la part échangée devrait légèrement diminuer, du fait de la faiblesse de la demande d’importations ou d’une augmentation de la consommation intérieure, ou encore, dans le cas du biodiesel, d’une conjonction de ces deux évolutions. Par ailleurs, pour le coton, le blé et le riz, les échanges devraient se développer plus rapidement que la production mondiale, entraînant une augmentation de la part de leur production qui est échangée (section 1.5.1).
1.5.3. Les exportations agricoles demeurent concentrées aux mains d’un petit nombre d’acteurs
Pour les produits examinés dans les Perspectives, les cinq plus gros pays exportateurs représentent en règle générale au moins 70 % du volume des exportations mondiales, et cette tendance devrait se poursuivre tout au long de la prochaine décennie. Pour le soja, cette part a dépassé les 95 % en 2019-21. Même dans le cas des produits dont les exportations sont relativement moins concentrées, tels que le poisson ou la viande bovine, les cinq principaux exportateurs comptaient pour 43 % et 57 % des exportations mondiales en 2019-21, respectivement. La part des exportations détenue par les cinq premiers exportateurs est indiquée au Graphique 1.29.
Pour plusieurs produits, la concentration des exportations devrait s’accroître au cours de la décennie à venir. Le taux de concentration des exportations de riz aux mains des cinq premiers pays exportateurs devrait passer de 78 % en 2019-21 à 85 % en 2031, en raison essentiellement de la forte croissance des exportations de l’Inde et de la Thaïlande. La part des exportations que représentent les cinq premiers exportateurs de biodiesel devrait également s’accroître pour passer de 70 % en 2019-21 à 85 % en 2031, du fait des exportations croissantes de biodiesel produit à partir d’huile de cuisson recyclée en provenance de Singapour et de biodiesel issu d’huile de soja en provenance des États-Unis. La part des exportations de biodiesel détenue par la Chine devrait en revanche reculer en raison de la croissance limitée des quantités produites à partir d’huile de cuisson recyclée.
La concentration des exportations de produits laitiers devrait également s’accroître, les principaux pays exportateurs à revenu élevé confortant leur position dominante. Dans le cas du fromage et du beurre, la part de marché des cinq premiers exportateurs devrait passer de 74 % à 79 %, et de 85 % à 87 %, respectivement, sous l’effet essentiellement d’une forte croissance des exportations de l’Union européenne. Le taux de concentration des exportations de lait écrémé en poudre entre les mains des cinq premiers pays exportateurs devrait également se renforcer, en raison essentiellement de la forte croissance des exportations en provenance des États-Unis. Ces derniers devraient représenter 35 % des exportations mondiales de lait écrémé en poudre en 2031, contre 32 % en 2019-21. Le taux de concentration des exportations de lait entier en poudre entre les mains des cinq premiers pays exportateurs devrait se stabiliser à 86 %.
La concentration des exportations de céréales (à l’exclusion du riz) devrait par contre diminuer. La part de marché des cinq principaux exportateurs de blé devrait tomber de 71 % en 2019-21 à 69 % en 2031, du fait pour l’essentiel de la baisse des exportations de l’Union européenne, dont la production intérieure n’augmentera vraisemblablement pas au cours de la prochaine décennie. Le taux de concentration des exportations de maïs entre les mains des cinq premiers pays exportateurs devrait diminuer d’un point de pourcentage, car les exportations des États-Unis resteront à un niveau inférieur à leur pic de 2019-21. La part des exportations de maïs en provenance d’Ukraine devrait également être plus faible en 2031 qu’au cours de la période de référence, tandis que la part des exportations de blé et de maïs venant de Russie continuera de s’accroître, quoique plus lentement que dans les dix dernières années.
Cette forte concentration fait peser le risque que les marchés mondiaux subissent de fortes perturbations en cas d’interruption des exportations du fait de chocs négatifs sur la production (tels que de mauvaises récoltes), d’une réorientation des politiques des principaux pays exportateurs, ou de conflit armé, comme indiqué à la section 1.5.6. De telles interruptions pourraient affecter les prix et la disponibilité des produits agricoles, et avoir de graves conséquences sur la sécurité alimentaire mondiale. Ces risques sont élevés dans le cas des produits qui font l’objet de gros volumes d’échanges (Graphique 1.29).
Comparativement aux exportations, les importations agricoles présentent une plus grande dispersion : en règle générale, les flux d’échange sont issus d’un petit nombre de pays exportateurs et s’orientent vers un (plus) grand nombre de pays importateurs. Pour la plupart des produits examinés dans les Perspectives, les cinq premiers importateurs représentent moins de 60 % du volume des importations mondiales.
1.5.4. Différenciation croissante entre les régions exportatrices nettes et importatrices nettes
Les échanges agricoles devraient continuer à se développer au cours de la décennie à venir (section 1.5.1). Une large part de leur augmentation sera due aux échanges intrarégionaux, favorisés par les accords commerciaux régionaux, qui renforceront l’intégration régionale. Cependant, les échanges interrégionaux devraient également se développer, et s’accompagner d’une différenciation croissante entre les régions exportatrices nettes et importatrices nettes. Les exportateurs nets de produits agricoles bien établis devraient bénéficier de plus gros excédents commerciaux alors que les importations nettes pourraient s’accroître dans les régions qui enregistrent une forte croissance démographique ou dont les ressources naturelles sont très limitées (Graphique 1.30).
Les exportateurs traditionnels accroissent leurs excédents commerciaux
La région Amérique latine et Caraïbes devrait renforcer sa position de première exportatrice mondiale de produits agricoles. Ses exportations devraient continuer d’augmenter plus vite que ses importations, grâce à une production croissante de maïs, de soja, de sucre, de volailles et de viande bovine. Ses exportations nettes devraient donc s’accroître de 17 % entre 2019-21 et 2031. Les exportations nettes en provenance d’Amérique du Nord, deuxième région exportatrice de produits agricoles vers les marchés mondiaux, devraient progresser plus lentement (de 10 % entre 2019-21 et 2031), du fait d’une plus faible croissance de la production. Les exportations de maïs et de soja en provenance d’Amérique du Nord, qui ont connu une forte croissance au cours de la dernière décennie, devraient stagner dans les dix prochaines années.
La région Europe et Asie centrale est progressivement passée du statut d’importatrice nette de produits agricoles à celui d’exportatrice nette en 2014. C’est principalement là le résultat d’une forte augmentation de la productivité et de la production en Ukraine et en Russie, pays qui sont devenus en l’espace de quelques années des exportateurs concurrentiels de blé et de maïs. Une demande intérieure limitée, en raison de la stagnation démographique et d’une consommation par habitant stable pour plusieurs produits agricoles, y a également contribué. Au cours de la prochaine décennie, les exportations nettes en provenance de la région Europe et Asie centrale devraient quasiment doubler, grâce pour une large part à l’augmentation des exportations de la Russie et de l’Ukraine. Cependant, la guerre de la Russie contre l’Ukraine pourrait aboutir à une croissance plus faible que prévu de la production et des exportations de ces pays, comme indiqué dans la section 1.5.6.
Les importations nettes de la plus grande région importatrice, l’Asie de l’Est et développée, devraient se stabiliser au cours de la prochaine décennie. La Chine est le principal importateur de la région. Les importations chinoises de produits agricoles (mesurées en USD aux prix constants de 2014-16) ont plus que doublé au cours des dix dernières années, et elles ont atteint un pic en 2020, une flambée de PPA ayant provoqué une augmentation soudaine des importations, alors que les exportations sont restées relativement stables. Au cours de la prochaine décennie, les importations et les exportations chinoises devraient dans l’ensemble se développer simultanément, en raison d’une croissance démographique lente, d’une consommation alimentaire proche de la saturation pour certains produits, et d’une expansion de la production intérieure. Au sein de la région Asie de l’Est et développée, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont des exportateurs nets de produits agricoles, mais leurs exportations nettes ne devraient enregistrer qu’une lente progression dans les dix prochaines années, en raison d’une croissance réduite de leur production.
La région Asie du Sud et du Sud-Est est un important acteur du commerce international, mais son solde net des échanges demeure modeste, car les importations et les exportations à destination et en provenance de la région s’équilibrent pratiquement. Au cours de la décennie à venir, les importations devraient augmenter plus vite que les exportations du fait d’une forte croissance de la demande. Les importateurs nets tels que le Pakistan, l’Iran et les pays les moins avancés d’Asie devraient accroître leurs importations nettes, à la suite, principalement, de l’accroissement de leur population. En Asie du Sud-Est, une région traditionnellement exportatrice nette de produits agricoles, la croissance des importations (de céréales et de viande, essentiellement) devrait être plus rapide que celle des exportations (riz, huile de palme), du fait de la forte augmentation de la demande intérieure imputable à l’accroissement de la population et à la hausse des revenus. En Inde, par ailleurs, la production intérieure devrait progresser au même rythme que la population et les revenus, et sa position commerciale nette d’ensemble ne subira pas de grand changement. La forte croissance de la consommation et de la production de produits laitiers en Inde ne devrait, par exemple, guère n’avoir d’effet sur les échanges mondiaux (voir le chapitre 7 sur les produits laitiers).
L’Afrique subsaharienne et la région Proche-Orient et Afrique du Nord sont également de grandes importatrices de produits agricoles, notamment de céréales, qui contribuent à assurer la sécurité alimentaire de manière directe, mais aussi à travers l’alimentation du bétail. En Afrique subsaharienne, les échanges intrarégionaux devraient s’accroître au cours de la prochaine décennie, sous l’effet de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine. Cependant, les importations à destination de la région (de céréales et de soja principalement) devraient connaître une plus forte expansion que les exportations vers le reste du monde, car l’accroissement de la population sera supérieur à celui que la production, ce qui entraînera une augmentation des importations nettes (+ 77 % d’ici 2031). L’Afrique subsaharienne est certes une grande importatrice nette des produits pris dans les Perspectives, mais elle est aussi exportatrice nette de cacao, de café, de thé, et de fruits et légumes.
D’après les projections, les importations de la région Proche-Orient et Afrique du Nord continueront d’augmenter au cours de la prochaine décennie, alors que ses exportations devraient baisser. La forte croissance de sa population et une expansion restreinte de sa production intérieure, conséquence de ses ressources naturelles limitées, sous-tendent cette tendance à la hausse de ses importations nettes (+30 % d’ici 2031), qui accentue la dépendance de la région à l’égard des marchés internationaux.
1.5.5. Les échanges sont essentiels pour assurer la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs
Les échanges peuvent améliorer la disponibilité et l’abordabilité des produits alimentaires et en accroître la diversité, offrant ainsi un choix plus large aux consommateurs. En particulier, les pays aux ressources limitées sont hautement tributaires des importations de produits agricoles. Dans plusieurs autres pays, la production intérieure de produits agricoles est en grande partie exportée, et ces exportations constituent une importante source de revenus.
Le Graphique 1.31 indique, pour certaines régions, la part de la consommation totale qui est importée et la part de la production totale qui est exportée, mesurées en équivalents calories. À l’échelle mondiale, ces parts sont passées de 19 % en 2009-11 à 22 % en 2019-21, mais elles devraient rester à peu près stables dans les dix années à venir. Ces moyennes masquent toutefois d’importantes différences quant au rôle joué par les échanges selon les régions et les pays.
Les grandes régions productrices, telles que l’Amérique du Nord et l’Amérique latine, ont respectivement exporté 31 % et 42 % de leur production intérieure en 2019-21. Dans la région Amérique latine et Caraïbes, cette part devrait atteindre près de 43 % en 2031. La part de la production intérieure qui est exportée devrait également sensiblement augmenter dans la région Europe et Asie centrale, où elle passera de 26 % en 2019-21 à 29 % en 2031 (Graphique 1.31, partie a). Cependant, même les grandes régions exportatrices nettes ont recours aux importations pour satisfaire une partie de leur consommation intérieure. En Amérique latine et aux Caraïbes, par exemple, les importations contribuent pour environ 22 % à la consommation totale des produits étudiés dans les Perspectives (Graphique 1.31, partie b). Cette estimation inclut les échanges intrarégionaux, qui occupent une place importante dans cette région.
Au Proche-Orient et en Afrique du Nord, où la croissance démographique est forte et où la production peine à suivre en raison de la limitation des ressources en eau, les importations apportent un complément notable à la production intérieure de denrées alimentaires. Les importations ont représenté 66 % de la consommation totale de produits agricoles au sein de la région en 2019-21, part qui devrait rester stable au cours de la prochaine décennie. En Afrique subsaharienne, la part des importations dans la consommation totale est plus faible, s’établissant à 19 % en 2019-21, mais elle devrait atteindre 22 % d’ici 2031, car l’augmentation de la production ne pourra suivre le rythme de la croissance démographique (Graphique 1.31, partie b).
1.5.6. Les échanges internationaux seront mis à rude épreuve par l’évolution de la guerre de la Russie contre l’Ukraine
La guerre de la Russie contre l’Ukraine est une source majeure de risque et d’incertitude pour les échanges agricoles, vu l’importance de ces pays pour les marchés mondiaux des produits et des intrants agricoles. En 2021, la Russie et l’Ukraine se sont respectivement classées au premier et au cinquième rang des exportateurs de blé, et elles ont représenté à elles deux 27 % des exportations mondiales de blé. Ensemble, ces deux pays ont également contribué pour 12.5 % aux exportations mondiales de maïs en 2021, et sont de gros exportateurs d’orge, de colza, de graines et d’huile de tournesol. La Russie a par ailleurs été le premier exportateur d’engrais azotés en 2021, et le deuxième d’engrais potassiques et d’engrais phosphatés (FAO, 2022[1]) (Encadré 1.1).
Compte tenu de la forte concentration des exportations, les perturbations de la production et des échanges en provenance d’Ukraine et de Russie ont déjà d’importantes répercussions sur les marchés mondiaux. Les Perspectives tiennent compte de la disponibilité réduite des exportations en provenance de ces deux pays durant l’année commerciale 2022/23, en s’appuyant sur les données sur le marché fournies par le Système d’information sur les marchés agricoles (AMIS). La poursuite ou l’escalade de la guerre pourrait toutefois entrainer une baisse de la production et des exportations de ces pays plus forte comparée aux prévisions de la présente édition des Perspectives, en 2022 comme dans les années à venir. On peut également s’attendre à une certaine réorientation des flux d’échanges, puisque d’autres pays s’efforceront d’accroître leur production et leurs exportations pour combler le déficit des approvisionnements mondiaux en céréales et en oléagineux.
La tendance à la hausse des prix du pétrole et les efforts de réacheminement à la suite de la guerre pourraient également conduire à une nouvelle augmentation des coûts du transport maritime, accroissant d’autant plus le prix des importations pour les consommateurs. Les coûts de transport, qui constituent une importante composante des coûts d’échange, augmentent depuis la mi-2020, du fait de la hausse des prix du pétrole et des perturbations des échanges liées à la pandémie de COVID-19. Bien que pour cette édition des Perspectives l’on suppose que les coûts de facilitation commerciaux retrouveront leur niveau d’avant la crise à compter de 2022, l’évolution des coûts d’échange demeure très incertaine. Afin de remettre les choses dans leur contexte, l’Encadré 1.4 examine la dispersion et l’évolution des coûts du transport maritime dans le secteur des céréales et des oléagineux entre 2007 et 2021, ainsi que l’importance de ces coûts dans le prix final payé par les consommateurs.
Encadré 1.4. Coûts du transport maritime dans le secteur des céréales et des oléagineux
Le transport maritime assure plus de 80 % des échanges mondiaux de céréales et d’oléagineux. Une analyse détaillée de l’évolution au fil du temps des coûts du transport maritime, par produit et par pays, est désormais possible grâce à une base de données sur les tarifs du fret maritime élaborée par le Conseil international des céréales (CIC). La série de données retenue pour l’étude de l’OCDE couvre environ 300 routes bilatérales au niveau des ports et rend compte d’environ 70 % des échanges mondiaux de soja, de blé, de sorgho, de maïs et d’orge.
Le graphique 1.32 a recours à des boîtes à moustaches pour montrer la dispersion des taux de fret appliqués par les exportateurs d’orge et de grains lourds (blé tendre, blé dur, sorgho et soja) entre 2007 et 2021. Au cours de cette période, les taux de fret pour l’orge et les grains lourds se sont en moyenne établis à 33 USD/t et 35 USD/t, respectivement. Les variations autour de la moyenne sont cependant considérables, y compris pour un même pays exportateur : les taux de fret pour les grains lourds en provenance du Canada vont par exemple de 7 USD/t à 135 USD/t (graphique 1.32). Les taux de fret sont influencés par plusieurs facteurs et l’analyse empirique menée dans cette étude montre que la distance en est le déterminant le plus important : d’après les estimations, une augmentation de 10 % de la distance entre deux ports entraîne une hausse de 2.5 % des taux de fret. La guerre de la Russie contre l’Ukraine pourrait par conséquent aboutir à une augmentation des taux de fret, étant donné que les importateurs pourraient devoir s’approvisionner auprès de fournisseurs situés à une plus grande distance.
Pour la plupart des exportateurs, les taux de fret ont atteint leur niveau maximal lors de la crise des prix alimentaires de 2007-08. Pour l’ensemble des routes commerciales, les taux de fret moyens applicables aux grains lourds et à l’orge1 ont plus que doublé entre janvier 2007 et juin 2008 (passant de 42 USD/t à 86 USD/t) avant de retomber par la suite à 20 USD/t en janvier 2009. Les taux de fret sont repartis à la hausse après janvier 2009, mais ils n’ont jamais retrouvé les sommets précédemment atteints. Les taux de fret appliqués pour les grains lourds et pour l’orge ont fortement augmenté dans la seconde moitié de 2020, et ils ont en moyenne culminé à 57 USD/t en octobre 2021, leur niveau le plus élevé au cours de la dernière décennie. Ce montant ne représente toutefois que les deux tiers de celui atteint en juin 2008. La volatilité des taux de fret – mesurée par le coefficient de variation – a également été au plus haut lors de la crise des prix alimentaires. Les taux de fret ont diminué après octobre 2021, mais ils sont repartis à la hausse à partir de février 2022, en raison en partie de l’augmentation du prix du pétrole brut. En mars 2022, les coûts du carburant ont représenté, d’après les estimations, 30 % des coûts de fret totaux pour les céréales et les oléagineux.
Afin de donner une idée de l’importance des taux de fret maritime dans le prix final des céréales et des oléagineux, la part des taux de fret dans le prix coût et fret (CFR) a été calculée2. Les coûts du transport maritime ont en moyenne représenté 11 % du prix CFR au cours de la période 2007-2021. Cette moyenne masque toutefois d’importantes variations au fil du temps selon les routes commerciales et selon les produits : la part des taux de fret varie entre 2 % et 43 %, ce qui met en évidence à quel point les taux de fret peuvent avoir des répercussions importantes sur le prix final.
Le Graphique 1.33 montre l’évolution de cette part selon les produits entre 2007 et 2021. Pour tous les produits à l’exception de l’orge, la part des taux de fret dans les prix CFR a atteint un sommet entre la mi-2007 et la fin 2008. Cette part a ensuite chuté pour tous les produits entre les derniers mois de 2008 et les premiers mois de 2009, avant de repartir à la hausse entre la mi-2009 et la mi-2010. Entre fin 2010 et juin 2021, la part des taux de fret dans les prix CFR s’est maintenue à un niveau de 5 % à 15 % pour l’ensemble des produits, et elle a enregistré en mai 2020 un creux de 8 % en moyenne pour tous les produits. Cette part a cependant de nouveau augmenté à partir de mai 2020 pour atteindre au second semestre 2021 des niveaux inégalés depuis une dizaine d’années.
Le Graphique 1.33 illustre également les écarts concernant la part des taux de fret dans le prix CFR selon les produits. Cette part est plus faible pour le soja que pour le sorgho et le blé, par exemple, car si ces produits sont soumis au même taux de fret (à savoir celui appliqué aux cargaisons de grains lourds), le prix franco à bord (FAB) du soja est supérieur à celui du sorgho ou du blé.
Les répercussions sur les marchés internationaux exercées par la pandémie de COVID-19 et par la guerre de la Russie contre l’Ukraine ont également relancé les débats sur l’indépendance alimentaire et sur la relocalisation. Une production plus locale est considérée par certains gouvernements comme un moyen de mieux se prémunir contre les perturbations des approvisionnements intérieurs. Les préoccupations des consommateurs concernant la durabilité environnementale pourraient par ailleurs renforcer la préférence croissante pour les produits « zéro kilomètre » ou issus de « circuits courts », qui peuvent apparaître comme un moyen de réduire l’empreinte environnementale du transport des denrées alimentaires, de se procurer des produits de saison frais, et de soutenir l’économie locale. Ces tendances pourraient déboucher sur une croissance des échanges agricoles plus lente que ne le prévoient les présentes Perspectives.
Les technologies numériques peuvent stimuler les échanges agricoles au cours de la prochaine décennie, en renforçant l’efficience, la transparence et la traçabilité des systèmes commerciaux. L’adoption de certificats électroniques, par exemple, peut faciliter les échanges en remplaçant les documents papier, en accélérant les formalités à la frontière et en réduisant les risques de fraudes commerciales, autant de facteurs qui font baisser les coûts. Ces certificats peuvent également rendre les systèmes commerciaux plus accessibles aux entreprises, y compris les petites entreprises des pays en développement. Une analyse empirique à l’aide d’un modèle gravitationnel montre que les technologies numériques telles que les certificats sanitaires et phytosanitaires (SPS) électroniques ont des effets positifs sur les volumes d’échanges, notamment ceux de produits d’origine végétale, de légumes ou de denrées alimentaires transformées (OCDE, 2021[18]). Les pays ont de plus en plus recours aux certificats électroniques dans le cadre de leurs systèmes SPS, et les perturbations provoquées par la pandémie de COVID-19 ont accéléré leur adoption.11 Les systèmes de certification électroniques ont aidé les pays à réduire au minimum les effets négatifs des mesures de distanciation sociale sur les échanges en diminuant le besoin de contacts personnels, ainsi que la nécessité de traiter des documents papier. Si la pandémie donne l’occasion d’accroître le recours à la certification électronique et aux autres technologies numériques, plusieurs obstacles à leur adoption doivent néanmoins être surmontés. Il faut notamment renforcer les infrastructures numériques et physiques, développer les capacités à accroître les compétences numériques, mettre en place des cadres réglementaires clairs et propices, et promouvoir l’interopérabilité et l’équivalence entre les systèmes antérieurs et les nouvelles technologies.
En dernier lieu, les réformes majeures des politiques commerciales qui seront négociées et mises en œuvre dans la décennie à venir pourraient avoir d’importants effets sur les échanges agricoles. Les Perspectives ne prennent en considération que les politiques et les accords commerciaux déjà en vigueur, sans aucune modification à moyen terme. C’est là une source d’incertitude, car les projections seront remises en cause si des réformes des politiques surviennent au cours de la décennie à venir. De nouveaux accords commerciaux (tels que le Partenariat économique régional global ou l’accord UE-Mercosur) pourraient accroître les échanges intrarégionaux et interrégionaux. Les politiques de restriction des échanges (à travers des taxes à l’importation ou à l’exportation, ou des mesures d’interdiction des importations ou des exportations, par exemple) entraveraient le commerce international et auraient des effets négatifs sur la sécurité alimentaire et sur les moyens de subsistance partout dans le monde, non seulement à court terme, mais aussi à longue échéance du fait de l’érosion des capacités d’approvisionnement.
1.6. Prix
1.6.1. Introduction
Dans les Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO, les prix sur les principaux marchés de produits de base servent de prix de référence internationaux. Ces prix observés traduisent les conditions fondamentales de l’offre et de la demande au cours de la période de référence 2019-21, de même que les chocs à court terme sur l’offre et la demande qui font varier temporairement les prix. Les chocs vont des fluctuations normales de la météorologie aux événements météorologiques extrêmes et englobent aussi les infestations de ravageurs, les maladies animales, les catastrophes naturelles, ainsi que les répercussions d’événements économiques et politiques (conflits armés, par exemple) et de la pandémie de COVID-19. En outre, comme ces prix sont observés au niveau des échanges commerciaux, ils peuvent être influencés par la spéculation, vu que les produits de base agricoles entrent dans les portefeuilles d’investissement. Les effets exercés par ces chocs étant en grande partie imprévisibles et impossibles à intégrer dans les projections, on suppose dans les Perspectives que les prix convergent vers une trajectoire déterminée par les conditions fondamentales de l’offre et de la demande.
1.6.2. Évolution des prix agricoles et principaux déterminants
La production devrait continuer de satisfaire la demande à des prix réels plus bas
Au cours de la décennie à venir, les prix agricoles réels (c’est-à-dire corrigés de l’inflation) des produits étudiés dans les Perspectives devraient rester globalement stables ou diminuer légèrement (Graphique 1.34).
Ces prix réels sont orientés à la baisse depuis les années 60 du fait des gains de productivité réalisés dans l’agriculture et les industries connexes, qui font décroître les coûts de production marginaux des produits alimentaires. La « révolution verte » des années 60 et l’apparition de nouvelles technologies dans les années 90 ont fait notablement progresser les rendements dans les grands pays producteurs. Les coûts de production marginaux ont été sensiblement réduits, de sorte que les prix ont diminué malgré une augmentation de plus en plus forte de la demande alimentaire sous l’effet de la croissance démographique et de la hausse des revenus par habitant dans le monde. Il y a certes eu des exceptions, avec par exemple des flambées de prix dans les années 70 ou au cours de la période 2007-14, mais elles ont été temporaires et n’ont pas modifié la tendance à la baisse à long terme.
Les prix agricoles réels ont augmenté durant la majeure partie des années 2020 et 2021, ce qui s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs : une offre mondiale restreinte et une hausse des coûts de production (imputables notamment aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement causées par le COVID-19, qui ont fait augmenter les prix de l’énergie et les coûts de main-d’œuvre), les mauvaises récoltes enregistrées dans d’importants pays producteurs, les évolutions de la demande provoquées par la pandémie et le ralentissement de la croissance économique, ainsi que les incertitudes entourant les politiques commerciales.
Les projections réalisées pour les Perspectives se fondent sur l’hypothèse que la hausse actuelle des prix sera temporaire. Les prix des produits étudiés pourraient rester élevés durant l’année commerciale 2022/23, mais ils devraient ensuite renouer avec une baisse tendancielle en termes réels.
Les projections relatives aux prix agricoles cadrent donc avec les conditions fondamentales de l’offre et de la demande attendues au cours de la prochaine décennie. Celles-ci tiennent compte de la croissance des revenus et de la population, des tendances en matière de consommation qui influent sur la demande et de l’accroissement de l’offre sous l’effet de la progression continue de la productivité. À moyen terme de la période de projection et à l’échelle mondiale, on suppose en outre que les ressources naturelles continueront d’être mobilisées à des prix réels en baisse et que l’expansion et l’intensification des capacités de production ne se heurteront à aucun obstacle empêchant de répondre à la demande la plus élevée prévue par les projections. Précision importante : les projections relatives à l’offre et à la demande supposent un système commercial mondial efficace et durable.
L’indice des prix alimentaires de la FAO synthétise en un seul indicateur les évolutions des prix internationaux de référence des principaux produits alimentaires de base qui font l’objet d’échanges (Graphique 1.35).
1.6.3. Évolutions des prix des produits de base
Les prix réels des produits de base devraient renouer avec leur tendance à la baisse sur le long terme lorsque les perturbations qui affectent aujourd’hui les marchés cesseront. Les prix du blé, du maïs et des céréales secondaires ont augmenté en 2021 pour atteindre leur plus haut niveau depuis neuf ans. En revanche, les prix du riz ont été inférieurs à leur niveau de 2020, l’abondance des quantités exportables ayant intensifié la concurrence entre exportateurs. Les prix de l’ensemble des céréales devraient se maintenir à un niveau élevé en 2022, avant de peu à peu s’inscrire de nouveau durablement à la baisse (Graphique 1.36).
Avec le retour à une baisse tendancielle des prix des céréales sur le long terme, les ratios de prix du blé et du maïs, des autres céréales secondaires et du maïs ainsi que du blé et du riz se maintiendront ou reviendront à leur niveau habituel (Graphique 1.37). Cependant, comme ce retour sera plus ou moins rapide selon les céréales, les ratios de prix habituels seront rétablis seulement à moyen terme. Les marchés seront perturbés durant les premières années de la période considérée, en raison notamment des mesures de contingentement des exportations de blé et des restrictions affectant les exportations de blé et de maïs à partir de la région de la mer Noire, mais on suppose que ces perturbations seront temporaires et cesseront progressivement dans la mesure où les prix seront déterminés par les conditions sous-jacentes de l’offre et de la demande.
Les prix des oléagineux ont augmenté rapidement en 2021 sous l’effet d’une forte demande d’importations, en particulier de la part de la Chine, qui a eu besoin d’importer du soja pour reconstituer le cheptel porcin après la flambée de PPA vu que sa production intérieure n’a pas beaucoup augmenté. Ces prix devraient amorcer une baisse dès la première année de la période de projection, car on s’attend à ce que la production commence à dépasser la demande. Les perspectives de production sont renforcées par les incitations qui émanent du niveau élevé des prix actuels. Par la suite, la tendance à la baisse à long terme devrait se poursuivre, les prix des oléagineux et produits oléagineux étant étayés par le prix réel du pétrole brut et la croissance économique post-COVID-19 qui sont pris pour hypothèse (Graphique 1.36).
Les prix réels du sucre ont également atteint un pic en 2021, en raison d’une baisse des disponibilités à l’exportation au Brésil et d’une forte demande mondiale. Ils devraient être orientés à la baisse dans les dix prochaines années, car les gains de productivité feront augmenter la production et la croissance de la demande devrait ralentir (Graphique 1.36).
Bien que la demande mondiale de biocarburants ait stagné, leurs prix réels ont culminé en 2021, ce qui tient à la cherté des produits de base et à la hausse des coûts du travail et des intrants. Au cours de la période de projection, les prix réels des produits de base – canne à sucre, mélasse, maïs et huile végétale – devraient toutefois renouer avec leur tendance à la baisse sur le long terme, et les prix réels des biocarburants devraient connaître la même évolution (Graphique 1.36). Néanmoins, les prix des biocarburants resteront dans une large mesure influencés et déterminés par les politiques publiques, en particulier les mesures nationales de soutien, les crédits d’impôt accordés aux consommateurs et les obligations d’incorporation de biocarburants dans les carburants d’origine fossile.
Le niveau élevé atteint par les prix des biocarburants en 2021 s’explique par une réaction décalée à la hausse des prix des produits de base observée en 2020. Le biodiesel a été concerné au premier chef, puisque le prix des huiles végétales a quasiment doublé entre 2019 et 2020. Du fait du renchérissement des produits de base intervenu en 2020, leur prix rapporté à celui des biocarburants a sensiblement augmenté, avant de retomber en 2021. Au cours de la période de projection, ces ratios de prix devraient se stabiliser, même si le prix de l’huile végétale rapporté à celui des biocarburants restera supérieur aux niveaux antérieurs pour cause de tensions sur les marchés mondiaux de l’huile végétale et de hausse de la demande de biodiesel (Graphique 1.38).
En 2020 et 2021, le niveau élevé du prix des biocarburants rapporté à celui des carburants fossiles (pétrole brut) a découlé de la cherté des produits de base et de la relative faiblesse des prix du pétrole. Durant la période de projection, la baisse des prix des produits de base aidant, ce ratio de prix devrait toutefois redevenir conforme aux valeurs observées dans le passé (Graphique 1.38). À cet égard, l’hypothèse retenue dans ces Perspectives est que la demande de biocarburants sera liée à celle de carburants fossiles du fait des obligations d’incorporation, ce qui favorisera la stabilité des prix relatifs.
L’année 2021 a vu un rebond des prix réels de la viande, qui s’explique non seulement par la hausse de la demande sous l’effet de la reprise économique qui a suivi la pandémie de COVID-19, mais aussi par l’augmentation des coûts de transport et de commercialisation. Ces prix devraient se maintenir à un niveau élevé les premières années de la période de projection, car le renchérissement de l’alimentation animale limitera les perspectives d’augmentation de l’offre et les coûts élevés de conditionnement et de transport rejailliront sur les chaînes d’approvisionnement de la viande. D’après les projections, les prix de la viande baisseront lorsque les chaînes d’approvisionnement se stabiliseront et que les coûts des aliments pour animaux diminueront (Graphique 1.39). Ceux de la viande de porc devraient baisser davantage que les autres du fait de la reprise de la production après la flambée de PPA, notamment en Chine, au Viet Nam et aux Philippines.
L’indice prix de la viande/coût de l’alimentation animale devrait se stabiliser et recommencer à s’orienter légèrement à la baisse (Graphique 1.40). Les prix de la viande bovine sont moins influencés par les coûts de l’alimentation animale, car la majeure partie de sa production mondiale provient de l’élevage sur pâturage. À l’inverse, les prix de la viande de porc et de volaille sont fortement liés aux coûts des aliments pour animaux, puisque ces productions font davantage appel à des aliments à base de céréales et de farines protéiques. Le rapport entre le prix de la viande et celui de l’alimentation animale devrait se maintenir à l’intérieur d’une fourchette relativement étroite.
Quelque 7 % seulement de la production mondiale de lait entre dans les échanges internationaux, la majeure partie du lait étant consommée dans le pays de production, sous la forme de produits laitiers frais, non transformés ou légèrement transformés (pasteurisés ou fermentées, par exemple). Dans ces conditions, c’est surtout la situation du marché laitier national qui rejaillit sur les producteurs et les consommateurs, tandis que l’évolution des prix internationaux des produits laitiers est moins importante. On suppose que les prix locaux des produits laitiers frais suivent la tendance générale qui voit les coûts de production marginaux réels du lait s’orienter légèrement à la baisse. Les prix sont toutefois sujets à de fortes variations provoquées par les effets météorologiques saisonniers et la situation des marchés locaux.
Dans le secteur laitier, l’évolution mondiale des prix est déterminée principalement par celle des prix internationaux du beurre et du lait écrémé en poudre, qui fixent la valeur des matières grasses laitières et de l’extrait sec dégraissé du lait, respectivement (Graphique 1.39). Les prix du lait écrémé en poudre et ceux du beurre ont atteint un pic en 2021 pour cause de demande soutenue et d’offre limitée. Ils devraient se maintenir à un haut niveau en 2022, en raison surtout des coûts de production élevés et de la forte demande imputable en partie à la cherté de l’huile végétale, de sorte que les prix du beurre augmenteront plus vite que ceux de l’huile végétale en 2022 (Graphique 1.41). Les prix du lait écrémé en poudre et du beurre devraient ensuite commencer à diminuer et renouer avec une baisse tendancielle à long terme sur fond d’adéquation entre l’offre et les signaux de prix courants. En outre, les prix réels du fromage et du lait entier en poudre suivent l’évolution des prix du beurre et du lait écrémé en poudre, respectivement.
Les prix réels du poisson ont progressé en 2021, car le redressement économique après la pandémie de COVID-19 a été suivi d’une forte demande des ménages et des services de restauration, et l’offre n’a augmenté que modestement. On s’attend toutefois à ce que l’augmentation de l’offre en réponse à la hausse de la demande les fasse diminuer. Après 2024, les prix réels du poisson devraient baisser puisque la Chine, premier producteur mondial de produits halieutiques et aquacoles, modifiera ses politiques de telle sorte que la période de limitation de la production mondiale jusqu’en 2023 sera suivie d’une période de croissance plus rapide jusqu’en 2031. Ces modifications des politiques sont axées sur la protection de l’environnement et la diversification de la production, et privilégient davantage la production d’espèces destinées au marché intérieur. Bien que les prix réels du poisson soient appelés à baisser à plus long terme, les effets du phénomène El Niño entraîneront des fluctuations au cours des dix prochaines années (Graphique 1.39).
1.6.4. Étant donné les nombreuses incertitudes qui pèsent sur la décennie à venir, les projections relatives aux prix doivent être interprétées avec prudence
Les projections des prix présentées dans ces Perspectives sont le fruit de l’interaction entre les facteurs fondamentaux de l’offre et de la demande dans l’hypothèse de conditions normales sur le plan météorologique et macroéconomique comme du point de vue des politiques publiques. Les Perspectives s’appuient sur les meilleures informations disponibles, mais les projections et les hypothèses sous-jacentes présentent inévitablement un certain degré d’incertitude. Les répercussions de la guerre de la Russie contre l’Ukraine sur la production agricole en Ukraine et les échanges agricoles, l’impact du changement climatique sur la productivité agricole, les effets exercés sur la production agricole par l’incidence accrue des maladies touchant les animaux et les végétaux et par la variabilité météorologique croissante, ceux exercés sur la demande par l’évolution des préférences des consommateurs et de la situation macroéconomique, mais aussi l’influence des politiques intérieures et commerciales, voilà autant de facteurs d’incertitude qui augmentent les risques. Ils sont détaillés dans les sections 1.3.7, 1.4.9 et 1.5.6.
Dans ces Perspectives, l’hypothèse de « normalité » aboutit à une trajectoire régulière pour la plupart des variables objet des projections, et les écarts par rapport aux évolutions supposées entraînent une volatilité des prix. Pour évaluer les répercussions de ces écarts, on a procédé à une analyse stochastique partielle des projections de référence. L’analyse stochastique partielle simule la variabilité potentielle future des principaux déterminants des prix en s’appuyant sur leur variabilité observée par le passé. Elle tient aussi bien compte des facteurs macroéconomiques mondiaux que des rendements de certaines cultures. La variabilité liée aux maladies des animaux ou aux modifications des politiques publiques n’est pas prise en considération. Les résultats agrégés des simulations multiples réalisées dans le cadre de l’analyse stochastique partielle indiquent la sensibilité des trajectoires des prix de référence (Graphique 1.42). Les prix ont une probabilité de 75 % de rester à l’intérieur de l’intervalle bleu, quelle que soit l’année considérée, et une probabilité de 90 % de rester à l’intérieur de l’intervalle vert. La probabilité qu’un événement extrême faisant passer un prix à l’extérieur de ces intervalles se produise au moins une fois au cours de la période de projection est de 40 %.
Dans l’ensemble, l’intervalle de variabilité des prix est généralement plus large pour les produits végétaux que pour les produits animaux, ce qui tient à la sensibilité des rendements des cultures aux conditions météorologiques. Parmi les produits végétaux étudiés dans les Perspectives, le riz est celui dont le prix connaît le moins de variations, vu qu’il est moins sensible aux chocs météorologiques que les autres cultures. Les cultures pratiquées dans des systèmes de rotation culturale, telles que le maïs et le soja dans les Amériques, présentent des degrés de variation similaires. En général, les prix des produits d’origine animale sont moins sensibles aux chocs météorologiques, car la variabilité des prix des aliments pour animaux ne leur est pas totalement répercutée, du fait principalement que les différents produits d’alimentation animale peuvent être substitués entre eux. La variabilité des prix de l’éthanol et du biodiesel est étroitement liée non seulement à celle des prix des produits de base, mais aussi à celle du prix du pétrole brut, vu qu’il s’agit de biens complémentaires.
Il convient de noter que les prix de référence internationaux qui caractérisent les marchés mondiaux ont rarement un impact direct sur les décisions de production ou de consommation, celles-ci étant déterminées principalement par les prix intérieurs à la production et à la consommation. Individuellement, les producteurs et les consommateurs ne peuvent pas influencer les prix, mais leur comportement agrégé sur les marchés intérieurs détermine les prix de référence nationaux et, au niveau mondial, les décisions de production et de consommation agrégées déterminent les prix de référence internationaux.
La relation entre les prix de référence mondiaux et les prix effectifs à la production et à la consommation dépend d’un certain nombre de processus de transmission qui sont à l’origine de l’incertitude. Les projections réalisées pour les Perspectives se fondent sur l’hypothèse que la transmission des signaux de prix entre les marchés mondiaux et les marchés nationaux dépend du degré d’intégration des seconds dans le système commercial mondial. Cette transmission peut être faussée par des mesures publiques comme les prix minimums à la production ou les prix administrés à la consommation. En outre, le recours, dans un souci de simplification, à un prix à la production et un prix à la consommation représentatifs pour chaque produit de base dans chaque pays, ainsi que les changements intervenant dans la transmission des prix sur le plan intérieur peuvent influencer le prix de référence international, de sorte qu’une certaine prudence est de mise dans le calcul et l’interprétation des projections relatives aux prix.
Outre la transmission géographique des prix, la variation de leur transmission le long des chaînes de valeur alimentaires constitue un autre facteur d’incertitude. Concernant la consommation, les projections réalisées pour les Perspectives prennent pour hypothèse un prix à la consommation représentatif fondé sur un degré de transformation donné des produits au niveau du commerce de détail, ainsi que le revenu d’un consommateur représentatif. Ces facteurs peuvent être modifiés si la répartition des revenus, les structures de distribution ou la réglementation relative à la sécurité des aliments changent. Par exemple, à mesure que leur niveau de revenu augmente, les consommateurs préféreront peut-être consommer davantage de produits alimentaires transformés ou accompagnés de services (livraisons à domicile, restaurants...). La prise en compte de ces facteurs influerait sur la transmission des prix des producteurs aux consommateurs et modifierait donc les projections.
1.7. L’objectif de « Faim zéro » peut-il être atteint dans le respect de la durabilité ?
L’éradication de la faim représente un défi important. Elle passe notamment par l’accroissement de la production agricole disponible pour nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse. Cela étant, l’agriculture est aussi à l’origine d’émissions de GES significatives et d’autres répercussions sur l’environnement. Dans ces conditions, faire progresser sa productivité représente une stratégie importante pour concilier les deux impératifs que sont l’augmentation de la production alimentaire et la réduction de l’empreinte environnementale du secteur.
D’après les projections établies pour les Perspectives, en l’absence d’efforts supplémentaires, la cible 2.1 des ODD adoptés en 2015 dans le cadre de l’ONU, qui consiste à éliminer la faim, ne sera pas atteinte en 2030, et les émissions de GES d’origine agricole continueront d’augmenter. Ce scénario quantifie la croissance de la productivité agricole mondiale qui est nécessaire pour éliminer la faim et, parallèlement, faire en sorte que le secteur contribue à la limitation du réchauffement planétaire à moins de 2 °C d’ici à 2050, comme le prévoit l’Accord de Paris de 2015.
D’après les dernières estimations, près de 768 millions de personnes souffraient de sous-alimentation chronique en 2020, soit 9.9 % de la population mondiale. Parallèlement, 2 milliards de personnes environ étaient en situation de malnutrition pour cause de consommation excessive (OMS, 2020[6]). Aujourd’hui, la planète n’est pas partie pour atteindre la cible 2.1 des ODD qui consiste à éliminer la faim, puisque d’après les projections, quelque 660 millions de personnes souffriront encore de sous-alimentation chronique en 2030 (FAO et al., 2021[7]).
Les émissions directes de gaz à effet de serre (GES) de l’agriculture représentent 11 % des émissions mondiales (GIEC, 2022[15]). Dans l’hypothèse où les politiques actuelles et les tendances en matière de progrès technologique restent inchangées, les Perspectives prévoient que les émissions directes de GES du secteur continueront d’augmenter les dix prochaines années (voir section 1.4).
Dans le cadre d’une étude de scénario inédite, les Perspectives définissent deux objectifs, à savoir l’éradication de la faim et la réduction de 6 % des émissions directes de GES d’origine agricole d’ici à 2030, et évaluent ensuite le niveau de croissance de la productivité qui serait nécessaire pour les atteindre tous les deux.
1.7.1. Objectif 1. Faim « zéro » – Prévalence de la sous-alimentation inférieure à 2.5 %
La cible 2.1 des ODD est définie comme suit : « d’ici à 2030, éliminer la faim et faire en sorte que chacun, en particulier les pauvres et les personnes en situation vulnérable, y compris les nourrissons, ait accès tout au long de l’année à une alimentation saine, nutritive et suffisante ».
Deux indicateurs sont utilisés pour mesurer les progrès vers la réalisation de cette cible : l’indicateur 2.1.1, prévalence de la sous-alimentation (PsA), et l’indicateur 2.1.2, prévalence d’une insécurité alimentaire modérée ou grave. Le scénario étudié dans les Perspectives se concentre sur la prévalence de la sous-alimentation, qui estime la proportion de la population dont la consommation alimentaire habituelle est insuffisante pour fournir l’apport énergétique alimentaire nécessaire à une vie normale, active et saine (Plateforme mondiale d'indicateurs des ODD, 2022[19]).
On considère que la cible 2.1 est atteinte lorsque la PsA est inférieure à 2.5 % dans chaque pays. En 2020, la PsA mondiale était estimée à 9.9 %, ce qui montre clairement que des efforts importants restent à déployer pour atteindre l’ODD de « Faim zéro » (FAO et al., 2021[7]).
Dans le présent scénario stylisé, on atteint la cible d’élimination de la faim en augmentant la disponibilité moyenne par habitant de calories dans tous les pays dans lesquels la PsA sera supérieure à 2.5 % en 2030 d’après les projections (principalement des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et à faible revenu), afin de la ramener en dessous de 2.5 %. On suppose que les aliments sont abordables pour tous et que la répartition des calories reste stable les dix prochaines années. La consommation alimentaire dans les pays jouissant de la sécurité alimentaire reste inchangée par rapport au scénario de référence.
Dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, les disponibilités moyennes en calories devront augmenter d’après les estimations de 10 % (283 kilocalories par habitant et par jour) entre 2019-21 et 2030 pour que l’objectif de « Faim zéro » soit atteint. Dans les pays à faible revenu, ces mêmes disponibilités devront parallèlement progresser de 30 % (720 kcal/hab/jour). C’est indispensable pour que la consommation d’au moins 97.5 % de la population dépasse le besoin énergétique alimentaire minimum (BEAMin) en 2030 (Graphique 1.43)
En outre, le scénario fait l’hypothèse que la structure des régimes alimentaires dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et à faible revenu changera à mesure que la consommation alimentaire augmentera, avec une part croissante d’aliments nutritifs divers (surtout d’origine animale) dans l’alimentation.
1.7.2. Objectif 2. Réduction des émissions directes de GES d’origine agricole
L’agriculture contribue notablement au changement climatique, d’une part en raison de ses émissions propres liées à la production, d’autre part en raison de celles imputables à l’utilisation des terres, au changement d’affectation des terres et à la foresterie (UTCATF). Ensemble, ces deux éléments – l’agriculture et le secteur UTCATF – sont désignés sous le nom de secteur AFAT (pour agriculture, foresterie et autres affectations des terres).
En 2019, les émissions annuelles nettes du secteur AFAT ont représenté en moyenne 22 % des émissions anthropiques mondiales totales de GES. Elles se répartissaient par parts égales (11 %) entre les émissions des exploitations liées à la production agricole et celles imputables au secteur UTCATF (GIEC, 2022[15]).
Le secteur AFAT pèse donc lourd dans les émissions totales de GES et doit contribuer aux efforts mondiaux visant à réduire ces émissions pour contenir le réchauffement de la planète en dessous de 2 °C d’ici à 2050, et de préférence le limiter à 1.5 °C, comme convenu dans l’Accord de Paris de 2015.12 Plusieurs pays lui ont récemment assigné des objectifs de réduction des émissions, que ce soit dans le cadre de leurs contributions déterminées au niveau national (CDN) ou, le plus souvent, dans leurs stratégies nationales de lutte contre le changement climatique adoptées à l’appui des CDN (Henderson, Frezal and Flynn, 2020[20])
Dans le scénario étudié, l’objectif est une baisse de 6 % des émissions directes de GES d’origine agricole d’ici à 2030. C’est la moitié de la réduction de 12 % de ces mêmes émissions que le secteur agricole pourrait réaliser d’ici à 2030 en présence de prix du carbone propres à susciter les efforts nécessaires à l’échelle de l’ensemble de l’économie pour atteindre l’objectif de limitation du réchauffement à 2 °C (Henderson et al., 2021[21]).
1.7.3. Croissance de la productivité nécessaire au niveau mondial
Le scénario quantifie la croissance de la productivité qui est nécessaire au niveau mondial afin de porter la consommation alimentaire au niveau requis pour atteindre d’ici à 2030 la cible 2.1 des ODD sur l’élimination de la faim (objectif 1), tout en réduisant sensiblement les émissions de GES du secteur agricole (objectif 2). Le Graphique 1.44 synthétise ces deux objectifs et le niveau de croissance de la productivité qui sera nécessaire pour les atteindre.
Ce scénario prend pour hypothèse un niveau de croissance de la productivité similaire pour les différentes productions végétales et animales, ainsi qu’une évolution qui voit les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire rattraper les pays à revenu élevé en termes de productivité. En outre, on suppose que la croissance de la production alimentaire nécessaire pour atteindre l’objectif de « Faim zéro » dans les pays qui affichent aujourd’hui une prévalence de la sous-alimentation supérieure à 2.5 % découle en majeure partie de gains de productivité réalisés dans chacun de ces pays. Autrement dit, sous l’effet de la convergence de la productivité entre les pays qui est prise pour hypothèse, les disponibilités alimentaires augmentent en grande partie grâce aux gains de productivité intérieurs et non du fait des importations d’aliments.
Il convient de noter que les investissements dans la R-D et l’innovation qui seraient nécessaires pour favoriser le progrès technologique et d’autres facteurs d’amélioration de la productivité ne sont pas spécifiés dans cette étude de scénario. De même, il n’est pas tenu compte de la hausse éventuelle de la quantité de ressources autres que foncières requises pour accroître la production (l’eau, par exemple).
Productivité des cultures
La croissance moyenne mondiale du rendement des cultures qui serait nécessaire pour éliminer la faim et réduire les émissions de GES agricoles de 6 % est estimée à 24 %. Ce taux est plus de deux fois supérieur à celui vers lequel le monde s’oriente actuellement dans l’hypothèse de politiques inchangées. À titre de comparaison, les Perspectives prévoient une croissance de seulement 10 % du rendement des cultures dans le monde durant la prochaine décennie. La réalisation des deux objectifs suppose aussi une accélération de la croissance de la productivité par rapport à la dernière décennie, qui a vu le rendement des cultures progresser de 13 %.
La hausse des rendements mondiaux nécessaire entre 2019-21 et 2030 va de 21 % pour le blé à 31 % pour les autres céréales secondaires, et elle est systématiquement supérieure à celle enregistrée durant la décennie écoulée (Graphique 1.45).
L’augmentation du rendement des cultures permet de découpler la croissance de la production végétale du changement d’affectation des terres. Dans ce scénario, on prend pour hypothèse une hausse absolue des rendements similaire dans tous les pays, ce qui réduit l’écart de rendement relatif entre les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire et ceux à revenu élevé. Dans cette hypothèse, les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire enregistrent une plus forte augmentation des rendements en pourcentage, puisqu’ils partent généralement d’un niveau absolu plus bas.
La progression des rendements mondiaux prévue par le scénario s’accompagne d’une hausse de 20 % de la production végétale et d’une diminution de 5 % de la superficie cultivée au cours de la prochaine décennie. Cette diminution de la superficie cultivée pourrait ralentir la déforestation et/ou accélérer le boisement, et faire ainsi baisser les émissions de GES du secteur UTCATF, avec à la clé des réductions d’émissions supplémentaires.
Pour être durable, la progression des rendements doit idéalement découler d’une utilisation plus efficiente de l’ensemble des intrants (c’est la croissance de la productivité totale des facteurs, ou PTF) ou de l’abandon d’intrants qui causent d’importantes émissions, et non se faire au prix d’un recours accru à des intrants chimiques (engrais, pesticides...) qui risque de ne pas être soutenable. Concrètement, il est possible de faire progresser la PTF en adoptant des pratiques de gestion agricole plus efficientes, en produisant de nouvelles variétés végétales et races animales, ainsi qu’en faisant appel aux innovations numériques (l’agriculture de précision, par exemple).
Productivité de l’élevage
Comme pour les cultures, le scénario prend pour hypothèse une hausse de la productivité de l’élevage pour atteindre les objectifs 1 et 2. Cette hausse est modélisée sous la forme d’une augmentation de la production annuelle par animal. Concrètement, il est possible de faire progresser la productivité de l’élevage en améliorant les pratiques d’alimentation, la sélection génétique et la gestion des troupeaux.
Pour atteindre les objectifs 1 et 2, la productivité de l’élevage devra augmenter de 31 % en moyenne au niveau mondial entre 2019-21 et 2030. C’est un taux bien supérieur à celui prévu dans le scénario de référence – 5 % en moyenne – et à celui – nul – observé durant la dernière décennie.
Comme l’illustre le graphique 1.46, pour faire progresser la productivité de l’élevage dans des proportions pareilles, la production de tous les produits animaux devra augmenter plus vite que le prévoit le scénario de référence, et le nombre d’animaux devra diminuer alors qu’il continuera d’augmenter d’après le scénario de référence.
1.7.4. Conclusion et limitations
Les résultats de l’étude de scénario indiquent qu’une accélération sensible de la croissance de la productivité serait nécessaire pour à la fois éliminer la faim au niveau mondial et faire en sorte que l’agriculture contribue à une réduction des émissions de GES compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris. Pour atteindre simultanément ces objectifs, la productivité agricole mondiale moyenne devrait augmenter de 28 % au cours de la prochaine décennie. Pour les cultures, l'augmentation nécessaire de 24 % des rendements mondiaux moyens ‒ qui agit comme un indicateur de la productivité des cultures ‒ est près du double de l'augmentation obtenue au cours de la dernière décennie (13 %). La productivité animale mondiale devrait augmenter de 31 % en moyenne, dépassant largement la croissance enregistrée au cours de la dernière décennie. La croissance de la productivité devrait donc être nettement supérieure à celle observée ces dix dernières années et à celle prévue par les Perspectives, en particulier dans le domaine de l’élevage.
Il sera donc très difficile d’atteindre les deux objectifs en moins de dix ans en jouant seulement sur la productivité. Par conséquent, d’autres mesures devront sans doute être prises parallèlement, notamment des mesures directes pour faire baisser les émissions de GES du secteur, réduire les pertes et le gaspillage alimentaires, et limiter la surconsommation de calories et de protéines (notamment d’origine animale) dans les pays à revenu élevé. Améliorer l'accès à la nourriture grâce à la mise en place de filets de protection sociale et de programmes de distribution alimentaire pour les personnes sous-alimentées, en particulier les plus vulnérables, serait également essentiel pour réduire la faim dans le monde.
Il n’en reste pas moins évident qu’il faut aussi agir pour stimuler la productivité agricole, notamment au travers d’investissements publics et privés dans l’innovation, la R-D et les infrastructures, ainsi que par des mesures encourageant le recours aux nouvelles technologies durables et permettant le transfert de connaissances, de technologies et de compétences. Réorienter les paiements qui créent des distorsions sur les marchés vers l’investissement dans les biens publics – en particulier les systèmes d’innovation – mettrait davantage l’investissement au service de l’amélioration de la productivité.13
L'impact des chocs d'offre et de demande supposés sur les prix des matières premières agricoles n'est pas analysé, car le scénario ne montre pas comment les consommateurs sont en mesure de supporter l'augmentation de la consommation alimentaire, et il ne fournit pas non plus d'estimations des investissements ou des dépenses publiques nécessaires pour accroître la productivité, dans la mesure où la réduction de la pauvreté, les considérations d'investissement et de coût fiscal sortent du cadre d'Aglink-Cosimo.
Références
[13] AIE (2021), Global EV Outlook 2021, AIE, Paris, https://www.iea.org/reports/global-ev-outlook-2021.
[16] CIC (2022), International Grains Council Market Data, https://www.igc.int.
[17] Deuss, A., C. Frezal and F. Maggi (2022), “Maritime Transportation Costs in the Grains and Oilseeds Sector : Trends, Determinants and Network Analysis”, OECD Food, Agriculture and Fisheries Papers, No. 179, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/b1cdf6b7-en.
[5] FAO (2022), In Focus: FAO responds to the Ukraine crisis, https://www.fao.org/in-focus/en/.
[1] FAO (2022), Information Note: The importance of Ukraine and the Russian Federation for global agricultural markets and the risks associated with the current conflict; 25 March 2022 Update, https://www.fao.org/3/cb9236en/cb9236en.pdf.
[10] FAO (2022), The importance of Ukraine and the Russian Federation for global agricultural markets and the risks associated with the current conflict, https://www.fao.org/3/cb9236en/cb9236en.pdf.
[14] FAO (2021), Food Outlook - Biannual Report on Global Food Markets, Food Outlook, November 2021. Rome, https://doi.org/10.4060/cb7491en.
[7] FAO et al. (2021), L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2021, https://www.fao.org/3/cb4474fr/cb4474fr.pdf.
[15] GIEC (2022), Chapter 7: Agriculture, Forestry and Other Land Uses (AFOLU), Working Group III contribution to the Sixth Assessment Report (AR6) of the Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_FinalDraft_Chapter07.pdf.
[24] Good Food Institute (2022), 2021 U.S. RETAIL MARKET INSIGHTS- Plant-based foods, https://gfi.org/wp-content/uploads/2022/03/2021-U.S.-retail-market-insights_Plant-based-foods-GFI.pdf.
[21] Henderson, B. et al. (2021), “Policy strategies and challenges for climate change mitigation in the Agriculture, Forestry and Other Land Use (AFOLU) sector”, Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, No. 149, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/47b3493b-en.
[20] Henderson, B., C. Frezal and E. Flynn (2020), “A survey of GHG mitigation policies for the agriculture, forestry and other land use sector”, Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, No. 145, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/59ff2738-en.
[22] ING (2020), Growth of meat and dairy alternatives is stirring up the European food industry, https://think.ing.com/reports/growth-of-meat-and-dairy-alternatives-is-stirring-up-the-european-food-industry/.
[12] Kearney (n.d.), When consumers go vegan, how much meat will be left on the table for agribusiness?, https://www.kearney.com/consumer-retail/article/-/insights/when-consumers-go-vegan-how-much-meat-will-be-left-on-the-table-for-agribusiness.
[18] OCDE (2021), “Digital opportunities for Sanitary and Phytosanitary (SPS) Systems and the trade facilitation effects of SPS Electronic Certification”, Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, No. 152, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/cbb7d0f6-en.
[9] OCDE/FAO (2021), Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2021-2030, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e32fb104-fr.
[23] OECD (2021), Agricultural Policy Monitoring and Evaluation 2021: Addressing the Challenges Facing Food Systems, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/2d810e01-en.
[6] OMS (2020), Obésité et surpoids - Principaux faits, https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/obesity-and-overweight.
[11] Oonincx, D., S. Van Broekhoven and A. Van Huis (2019), “Feed Conversion, Survival and Development, and Composition of Four Insect Species on Diets Composed of Food By-Products”, PLOS ONE, https://doi.org/10.1371/journal.pone.0222043.
[19] Plateforme mondiale d’indicateurs des ODD (2022), 2.1.1 Prévalence de la sous-alimentation, http://plateforme-odd.hcp.ma/ODD_HCP/fr/.
[8] Tallard, G. et al. (2022), “Potential impact of dietary changes on the triple challenge facing food systems: Three stylised scenarios”, Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, No. 173, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/d7a18023-en.
[3] UNHCR (2022), Ukraine Refugee Situation, https://data2.unhcr.org/en/situations/ukraine.
[2] UNTAD (2022), Global impact of war in Ukraine on food, energy and finance systems, https://news.un.org/pages/wp-content/uploads/2022/04/UN-GCRG-Brief-1.pdf.
[4] USDA (2022), World Agricultural Supply and Demand Estimates, May 2022, https://www.usda.gov/oce/commodity/wasde/wasde0522.pdf.
Notes
← 1. Les documents de référence pertinents sont pour l'OCDE : Déclaration du Conseil de l'OCDE sur l'agression russe contre l'Ukraine du 24.02.2022; et pour l'ONU : Résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies du 1.03.2022 sur l'agression contre l'Ukraine https://digitallibrary.un.org/record/3958976/files/A_ES-11_L.1-FR.pdf.
← 2. La viande inclut la viande bovine, porcine, ovine, et celle de volaille. Les produits laitiers comprennent le beurre, le fromage, les produits laitiers frais, le lait en poudre entier et écrémé. Le poisson englobe aussi bien celui provenant de la pêche de capture que celui issu de l’aquaculture.
← 3. Les sous-produits de la production végétale recouvrent le son de céréales, la pulpe de betteraves, les drêches sèches de distillerie, et la mélasse. Les sous-produits de la production animale comprennent principalement la farine de viande et d’os.
← 4. L’utilisation de produits d’alimentation animale comprend aussi bien celle d’aliments commerciaux que celle des récoltes directement employées pour nourrir les animaux.
← 5. Le plafond d’incorporation correspond à la teneur maximale en éthanol qui n’endommagera pas les moteurs et les systèmes d’alimentation en carburant des véhicules.
← 6. En 2019, les alternatives végétales ne représentaient que 0,7 % du marché de la viande et 2,5 % du marché des produits laitiers dans l'Union européenne et au Royaume-Uni. La part de marché de la viande et des substituts laitiers devrait passer à 1,3 % et 4,1 %, respectivement, d'ici 2025 (ING, 2020[22]). En 2021, la viande végétale représentait 1,4 % du marché de la viande au détail aux États-Unis (Good Food Institute, 2022[24]). La viande de culture n'est commercialisée que dans un seul restaurant à Singapour depuis décembre 2020. Les coûts de production élevés et la faible acceptation des consommateurs restent un défi pour sa commercialisation et son adoption.
← 7. Entre 2010 et 2020, le stock mondial de véhicules électriques a été multiplié par mille, passant de 10 000 unités à plus de 10 millions (AIE, 2021[13]).
← 8. Ci-après, par « production agricole » il faut entendre les productions végétales, animales, halieutiques et aquacoles.
← 9. Ce graphique indique la croissance de la valeur nette des productions végétales prises en compte dans les Perspectives, où la valeur nette est exprimée en milliards USD et aux prix constants de 2014-16.
← 10. Les émissions liées aux changements d’affectation des terres ne sont pas modélisées dans les Perspectives.
← 11. Les rapports de la plateforme ePhyto, le système mis en place par la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) en vue de l’échange centralisé de certificats phytosanitaires électroniques, mettent en évidence une sensible augmentation des échanges internationaux de certificats électroniques pour des produits végétaux au début de 2020.
← 12. L’Accord de Paris est un traité international juridiquement contraignant sur le changement climatique qui a été signé par 196 pays. Son but est de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels, et de la limiter de préférence à 1.5 °C.
← 13. Au cours de la période 2018-20, le soutien apporté par 54 pays membres et non membres de l’OCDE à leur secteur agricole s’est élevé à 720 milliards USD par an. Seulement 17 % du soutien budgétaire total a été consacré à la recherche, à l’innovation et à l’investissement public dans les infrastructures et la biosécurité. Il serait possible de multiplier quasiment par deux ce pourcentage en réorientant les paiements qui faussent les marchés vers l’investissement dans les biens publics – à commencer par les systèmes d’innovation (OECD, 2021[23]).