Bon nombre des défis que les démocraties de l’OCDE doivent relever à l’échelle nationale revêtent une nature de plus en plus planétaire et exigent des démocraties qu'elles approfondissent leurs modèles de gouvernance, tout en les protégeant des influences étrangères indues. Ce chapitre examine d'abord comment les démocraties peuvent s'assurer qu'elles sont mieux à même de relever les défis qui exigent des réponses et une coopération mondiales, comme le changement climatique, les implications de la transformation numérique, la prévention des crises futures et d'autres problèmes présentant des dimensions transfrontalières et des effets d'entraînement évidents. Notamment, il aborde comment renforcer des capacités de gouvernance publique des États, fortifier les institutions nationales, et tirer parti des outils de gouvernance et de l’innovation pour renforcer la capacité d’action mondiale. Le chapitre explore ensuite la manière dont les gouvernements peuvent renforcer leur résilience face à une influence étrangère indue en reconnaissant et en comblant les lacunes de leurs systèmes de gouvernance qui exposent les sociétés démocratiques au risque d'influence indue de certains régimes autocratiques.
Instaurer la confiance et renforcer la démocratie
3. Des démocraties ouvertes plus fortes dans un contexte mondialisé : accepter les responsabilités mondiales des pouvoirs publics et renforcer la résilience face à l’influence étrangère
Abstract
3.1. Introduction
Bon nombre des défis que les démocraties de l’OCDE doivent relever à l’échelle nationale revêtent une nature de plus en plus planétaire et exigent des réponses mondiales efficaces et fondées sur la coopération. Parmi ces défis figurent, notamment, le changement climatique, la transformation numérique et ses implications, la prévention de crises futures comme les pandémies et les famines et leurs incidences sur les migrations, et la fourniture de biens et services essentiels dans les domaines de la santé et de l’industrie.1 Dans le même temps, les démocraties sont soumises aux effets déstabilisateurs d’influences étrangères indues, accentuées par la mondialisation et qui s’exercent par le biais de la mésinformation et de la désinformation, de l’exploitation de failles réglementaires en vue de peser sur des élections et d’autres processus décisionnels, ou encore d’écosystèmes médiatiques. Pour consolider leur démocratie dans un contexte mondialisé, les pays doivent à la fois accroître leurs capacités à affronter les défis mondiaux avec efficacité et renforcer leur résilience face à l’influence étrangère.
Depuis de nombreuses années, les démocraties sont aux avant-postes des efforts en matière de politique mondiale et de coopération internationale. La construction, dans le sillage de la seconde Guerre mondiale, d’un ordre international fondé sur les règles, avec la mise en place du plan Marshall et la fondation de l’OCDE, procédait de la nécessité de bâtir des économies de marché saines et ouvertes, et de protéger les libertés économiques, l’État de droit, et les droits de l’homme. Depuis, décennie après décennie, les démocraties libérales avancées ont joué un rôle capital dans la promotion de la coopération internationale, dans l’objectif de garantir la stabilité économique et financière dans le monde et de favoriser la croissance et le développement économiques. Pourtant, malgré les bénéfices considérables de la croissance économique et des échanges, les gouvernements nationaux se trouvent aujourd’hui face à des défis transnationaux par nature, plus complexes que jamais, et qui mettent leurs capacités à plus rude épreuve encore.
À cet égard, la crise liée au COVID-19 constitue un cas d’école. Si de nombreux pays ont su réagir rapidement et massivement aux défis posés par l’épidémie mondiale, beaucoup ont en revanche donné l’impression d’avoir été pris « par surprise » (OCDE, 2021[1]). Les États ont fait face à une crise mondiale à la fois sociale, économique et sanitaire, dans un environnement géopolitique difficile. Dans de nombreux cas, les démocraties ont dû mener leur action sous le feu de critiques visant leur capacité à gérer la situation et relayées à l’échelle mondiale par plusieurs autocraties. Au fil de la crise, elles ont pourtant fait preuve d’une grande capacité à déployer la vaccination en s’assurant des niveaux de confiance importants et ont su orchestrer un retour à la normale ou presque de leur économie.
Dans les démocraties ouvertes, la confiance des citoyens dans les pouvoirs publics est importante pour, entre autres, permettre aux gouvernements de répondre efficacement aux enjeux mondiaux. Ceci a été amplement démontré lors de la mise en œuvre des diverses mesures liées au COVID-19 comme les confinements et la distanciation sociale. Le lien entre le changement climatique et la confiance est également avéré par de nombreux éléments (voir le Chapitre 4). Les gouvernements sont donc clairement incités à appréhender leur leadership, leurs institutions et leurs outils de gouvernance publique selon une perspective plus globale, dans l’optique de s’attaquer à ces défis d’une façon qui soit mieux comprise et appréciée des citoyens, ainsi que pour produire des résultats plus efficaces.
Pour renforcer les démocraties dans un environnement mondialisé, il est également nécessaire d’accroître la résilience face aux influences étrangères indues. Les effets déstabilisateurs sur les démocraties d’une ingérence étrangère font partie des défis les plus pressants auxquels sont confrontés les pays dans un contexte de mondialisation. En font notamment partie la propagation de contenus de mésinformation et de désinformation (voir le chapitre 1) ; l’influence exercée sur les élections et les gouvernements démocratiques par des moyens opaques ; celle exercée sur les institutions civiques en faisant pression sur les institutions académiques ; la mise à mal d’un environnement serein pour les médias et la société civile ; et le détournement des programmes de résidence et de citoyenneté par l’investissement dans l’objectif de dissimuler ou de faciliter la délinquance financière et économique, et notamment la corruption, l’évasion fiscale et le blanchiment de capitaux. Le contexte de l’invasion de l’Ukraine par la Russie a clairement fait apparaître que les pays de l’OCDE devaient se montrer plus actifs sur ce front. L’adoption de mesures de gouvernance publique fortes pour lutter contre ces influences pourrait jouer un rôle notable dans le renforcement des démocraties.
Ce chapitre aborde la façon dont les pays peuvent consolider la démocratie dans un contexte mondialisé sous deux angles principaux :
premièrement, en renforçant leurs capacités de gouvernance publique afin d’être en mesure de faire face aux enjeux mondiaux ; et
deuxièmement, en mettant à profit des outils de gouvernance publique pour accroître leur résilience face aux influences étrangères indues.
3.2. Renforcer les capacités de gouvernance publique des États pour pouvoir affronter des enjeux mondiaux
Les démocraties peinent à s’assurer la confiance des citoyens dans la capacité des pouvoirs publics à répondre aux enjeux mondiaux. Les résultats de l’Enquête de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques (Enquête sur la confiance) montrent que, en moyenne de tous les pays, les citoyens sont surtout enclins à manifester de l’intérêt pour une coopération mondiale aux fins de relever des défis tels que le changement climatique, le terrorisme et l’anticipation des pandémies (Graphique 3.1). Pour autant, l’adhésion de l’opinion publique à l’idée d’une coopération mondiale afin de résoudre ces problèmes reste relativement faible : à peine la moitié des personnes interrogées appellent les différents gouvernants à lutter conjointement contre le changement climatique. Cela tient notamment au fait que les populations ne sont pas disposées à en supporter les coûts. Autre facteur possible : la compétence des pouvoirs publics telle qu’elle est perçue. Nombre de personnes ne sont pas convaincues que les institutions publiques disposent des compétences et de la fiabilité requises afin de mettre en œuvre des politiques de manière suffisamment efficace et pérenne pour que l’action menée porte ses fruits (OCDE, 2022[2]).
Cette désaffection est en outre alimentée par le sentiment croissant que la coopération mondiale reste le pré carré des élites nationales et des entreprises internationales. Ce constat est appuyé par le fait que, dans les pays occidentaux, le soutien des électeurs à des partis qui défendent des politiques internationalistes libérales a été divisé par deux ou presque depuis les années 1990 (Trubowitz et Burgoon, 2022[4]) tandis qu’en Europe de l’Ouest, les votes en faveur de partis isolationnistes prônant le nationalisme économique ont augmenté dans des proportions importantes entre 1985 et 2015 (Colantone et Stanig, 2018[5]). Dans ce contexte, tout nouvel enjeu mondial sans réponse politique effective risque d’aggraver la situation. Il est donc essentiel d’obtenir l’adhésion des citoyens pour s’attaquer à des défis d’ampleur mondiale.
Il faudra en outre transformer les approches de gouvernance publique et les institutions pour assurer qu’elles soient adaptées à un environnement mondialisé. La première section s’intéresse à trois domaines clés sur lesquels les démocraties devraient axer leurs efforts pour y parvenir :
Piloter l’action face aux défis mondiaux en instaurant la confiance.
Renforcer les institutions nationales pour qu’elles soient adaptées dans un contexte de mondialisation.
Mettre à profit les outils de gouvernance et l’innovation pour renforcer les capacités d’action au niveau mondial.
3.2.1. Piloter l’action face aux défis mondiaux en instaurant la confiance
Pour répondre à un enjeu mondial, quel qu’il soit, il importe avant tout de définir un programme et d’impliquer les parties prenantes et la société dans son ensemble afin de favoriser le consensus et de piloter l’action. Assurer la participation constructive de la société et créer un consensus est l’essence même des démocraties. Il importe également de rendre compte des résultats et d’informer sur les progrès accomplis, ce qui ne peut se faire sans un suivi effectif. Cette section se penche sur le rôle que doivent jouer les pouvoirs publics pour créer une dynamique d’action en vue de s’attaquer aux défis mondiaux et s’assurer la confiance du public, en mettant l’accent sur le leadership et la vision nécessaires, sur l’implication de la société et sur le suivi des progrès réalisés.
Leadership et vision
Pour répondre aux enjeux mondiaux, il est primordial de se doter d’une vision stratégique claire à long terme, de fixer des priorités et de définir un programme. Les défis mondiaux recouvrent souvent de nombreux domaines de politique publique, et divers acteurs et intérêts entrent en jeu. Un leadership fort est essentiel pour définir une approche englobant l’ensemble de la société, pour piloter l’élaboration de politiques publiques cohérentes dans les ministères sectoriels et pour traduire la vision stratégique en actions concrètes et mesurables.
Alors que les centres de gouvernement (CdG) ont un rôle essentiel à jouer dans la définition d’une vision stratégique, beaucoup peinent encore à établir une approche permettant de traiter des questions qui vont au-delà du cycle électoral. En 2017, plus des trois quarts (78 %) des centres de gouvernement des pays de l’OCDE qui ont répondu à l’enquête ont fait état d’un document renfermant une vision globale pour s’attaquer aux priorités mondiales et stratégiques. Néanmoins, dans plus d’un tiers des pays (35 %), ce document ne couvrait qu’une période de 5 ans ou moins, ce qui correspond à la durée probable d’un cycle électoral. De plus, dans un certain nombre de pays, c’est le programme du parti politique au pouvoir qui fait office de document de vision stratégique ; il définit donc plutôt une stratégie politique que des orientations à long terme pour traiter des questions mondiales complexes et interdépendantes comme le développement durable et l’action climatique. Il semble toutefois que des progrès aient été accomplis depuis 2013 dans la définition d’une vision stratégique à long terme. Alors qu’en 2013 près des deux tiers (63 %) des pays ont produit des stratégies à court terme, cette proportion est tombée à un tiers selon les résultats les plus récents. Seuls trois pays, le Japon, le Luxembourg et la Norvège, ont indiqué disposer d’un document avec une échéance supérieure à 20 ans. Beaucoup des stratégies récentes à long terme sont consacrées à l’action climatique. La transposition de cette approche à d’autres défis mondiaux pourrait se révéler payante. Depuis 2017 par exemple, tous les États membres de l’Union européenne ont publié leur propre stratégie nationale en matière de cybersécurité (ENISA, s.d.[6]).
Associer les citoyens à l’action mondiale
La définition d’une vision n’est qu’une première étape. Il est essentiel d’impliquer les citoyens et d’autres parties prenantes dans le cycle de l’action publique pour optimiser les résultats des politiques, générer de la confiance dans les institutions, et renforcer le mandat démocratique afin d’adopter des réformes urgentes et parfois difficiles qui réclament l’adhésion de toutes les parties prenantes. Sensibiliser et impliquer les différentes parties prenantes dans la droite ligne de la Recommandation de l’OCDE sur le gouvernement ouvert peut également améliorer l’efficacité de la mise en œuvre des politiques conçues pour relever des défis mondiaux grâce à une meilleure compréhension et une plus grande observance des règles par les citoyens.
Différentes approches et opportunités peuvent permettre aux pouvoirs publics de faire participer les citoyens sur des sujets d’envergure mondiale. Les options envisageables vont de la consultation d’organisations de la société civile en amont des sommets internationaux à des mécanismes de participation délibérative plus innovants. La présidence de forums mondiaux (G7, G20, UE ou APEC, par exemple) est également l’occasion pour les pays de redoubler d’efforts en vue d’impliquer la société civile. Les États peuvent également mobiliser les citoyens par le biais de plateformes plus larges et consacrées à des enjeux mondiaux spécifiques, à l’instar des panels de citoyens européens constitués en vue de la conférence sur l’avenir de l’Europe ou de l’assemblée mondiale de citoyens de la COP26 (Encadré 3.1).
Encadré 3.1. La participation des citoyens aux programmes d’action internationale : l’Europe et la COP26
La conférence sur l’avenir de l’Europe
La conférence sur l’avenir de l’Europe a consisté en une série de débats et de discussions pilotés par les citoyens qui se sont tenus d’avril 2021 à mai 2022 et qui ont permis à des citoyens de toute l’Europe d’exprimer leurs idées quant à l’avenir commun de l’UE.
Les panels de citoyens européens étaient au cœur de la conférence et rassemblaient quatre panels constitués chacun de 200 citoyens représentatifs de la diversité démographique et sociale de l’UE afin de débattre entre eux sur des thèmes majeurs. Un tiers au moins des participants de chaque panel avait moins de 25 ans afin que la jeunesse et les jeunes générations puissent se faire entendre. Leurs débats étaient alimentés par les recommandations émanant des panels de citoyens nationaux organisés en amont dans les États membres.
La session finale des panels a formulé des recommandations qui ont été présentées lors de l’assemblée plénière de la conférence par 20 citoyens choisis au sein de chaque panel et débattues conjointement avec les représentants des institutions et des organes consultatifs de l’UE, des parlements nationaux, des partenaires sociaux, de la société civile et d’autres parties prenantes.
Il en est ressorti plusieurs propositions qui ont été présentées à un conseil exécutif, dont le rapport a ensuite été soumis au Parlement européen, au Conseil de l’UE et à la Commission européenne qui ont étudié la façon d’y donner suite, chacun dans les limites de sa propre sphère de compétences et dans le respect des traités de l’UE.
L’assemblée mondiale de citoyens de la COP26
L’assemblée mondiale de citoyens de la COP26 est une initiative qui avait pour but de donner à chacun une place à la table des négociations sur l’action mondiale pour le climat lors de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui s’est tenue à Glasgow en 2021.
Une assemblée principale composée de 100 personnes a été sélectionnée par tirage au sort à l’aide d’un algorithme développé pour assurer sa représentativité. Lors de débats qui ont duré 68 heures, étalées sur 11 semaines, les membres de l’assemblée ont dû répondre à la question « Comment l’humanité peut-elle gérer la crise climatique et environnementale de façon efficace et équitable ? » Des assemblées communautaires, que chacun pouvait créer et organiser en s’inscrivant sur le site Internet officiel, se sont tenues en parallèle, et leurs propositions ont été intégrées au rapport final et à la déclaration publique. À long terme, l’initiative vise à créer une assemblée de citoyens mondiale permanente avec, d’ici 2030, plus de 10 millions de participants par an. L’objectif est d’en faire un moteur puissant et reconnu, capable de se saisir de questions liées non seulement au changement climatique mais également à d’autres crises mondiales.
Des efforts doivent être menés pour communiquer publiquement de manière stratégique et inclusive afin de favoriser le consensus et l’adhésion autour d’une action publique efficace face aux enjeux mondiaux. Dans un paysage médiatique et de l’information caractérisé par une multiplicité d’acteurs et de contenus, les pouvoirs publics doivent avant tout tenir un discours digne de confiance et dialoguer avec toutes les catégories sociales. Le gouvernement canadien a ainsi lancé une campagne sur l’environnement et le changement climatique visant à rapprocher les citoyens de ces questions en leur offrant la possibilité de prendre part à des discussions, de s’informer et, pour les enfants, de participer à des activités spécifiques (Gouvernement du Canada, 2022[9]).
Il importe également que les pouvoirs publics associent les jeunes à la prise des décisions concernant les enjeux mondiaux, car ce sont les futures générations qui supporteront le coût d’une grande partie des réformes nécessaires pour mener à bien les différentes actions. Or, proportionnellement, les jeunes ont relativement peu leur mot à dire sur la gestion des défis mondiaux en raison des faibles niveaux de participation et de représentation de la jeunesse dans les processus démocratiques traditionnels. Dans la zone OCDE, les jeunes sont moins enclins à adhérer à un parti politique et à participer aux élections que leurs aînés : ils sont en moyenne 68 % à se rendre aux urnes, contre 85 % des personnes âgées de plus de 54 ans (OCDE, 2020[10]). Les pouvoirs publics peuvent également mobiliser le jeune public au travers de multiples mécanismes et notamment de consultations publiques et de processus délibératifs innovants ciblant spécifiquement la jeunesse, en mettant sur pied des conseils consultatifs de la jeunesse affiliés au gouvernement ou à des ministères spécifiques (ce qui se fait dans 53 % des pays de l’OCDE), ou en établissant des conseils de jeunes aux échelons national (comme dans 78 % des pays de l’OCDE) et infranational (dans 88 % des pays de l’OCDE) (OCDE, 2020[11]).
L’élaboration d’une feuille de route claire et à long terme pour traiter des thématiques de portée mondiale nécessite d’impliquer toutes les parties prenantes, y compris le secteur privé. Les acteurs du secteur privé jouent un rôle fondamental dans nombre des enjeux mondiaux. Les Big Techs et les entreprises du secteur de l’énergie font ainsi partie des principaux acteurs, respectivement, de la transformation numérique et de la transition climatique. Par conséquent, pour chacun des enjeux mondiaux qui y sont associés, les gouvernements devraient se rapprocher de l’écosystème des parties prenantes dans son ensemble. Les alliances du secteur privé et d’autres parties prenantes non gouvernementales participent de plus en plus aux débats internationaux et façonnent les réponses apportées par les pouvoirs publics aux enjeux mondiaux. Associer étroitement ces acteurs peut également aider à améliorer la sécurité et la transparence en ce qui concerne les objectifs de politique publique à long terme du gouvernement, ainsi qu’à accroître la confiance des marchés financiers et la prévisibilité du climat d’investissement. Le Centre de l’OCDE pour la conduite responsable des entreprises (RBC) utilise ainsi les normes et recommandations en matière de RBC pour guider l’action des pouvoirs publics et aider les entreprises à réduire les impacts négatifs de leurs opérations et de leurs chaînes d’approvisionnement, tout en fournissant une instance pour résoudre les cas allégués d’atteinte à l’environnement, aux droits sociaux, au droit du travail, aux droits de l’homme ou en matière de gouvernance d’entreprise (OCDE, s.d.[12]).
Assurer le suivi et la communication sur les progrès accomplis en matière d’action mondiale
La redevabilité est essentielle pour créer un consensus et préserver la confiance du public dans les actions du gouvernement axées sur des enjeux mondiaux complexes. Le suivi des politiques publiques permet de faire savoir si les décisions et les dépenses publiques ont atteint les objectifs visés et donné les résultats escomptés. Le suivi peut être complété par des mécanismes d’évaluation afin d’apporter des éléments probants sur les politiques traitant de sujets complexes qui fonctionnent, pourquoi et pour qui (OCDE, 2020[13]). Cependant, les enseignements tirés de la mise en œuvre de la Recommandation du Conseil sur la cohérence des politiques au service du développement durable (OCDE, 2010[14]) montrent qu’il reste une marge de progression dans l’alignement des cadres de suivi et d’évaluation sur certaines problématiques mondiales clés, dans le renforcement des capacités des gouvernements à suivre les effets des politiques, et dans l’adoption d’un suivi systématique de l’impact sur les institutions publiques dans leur ensemble.
Le suivi de la mise en œuvre des priorités stratégiques des pouvoirs publics est le plus souvent effectué au niveau des centres de gouvernement. Certains pays incitent de plus en plus le secteur public et l’appareil étatique à produire des résultats vis-à-vis de ces enjeux mondiaux. Le Gouvernement français a ainsi créé une plateforme en ligne permettant aux citoyens de suivre les progrès accomplis sur plusieurs thèmes prioritaires sur l’ensemble du territoire ainsi que par région et par département (Gouvernement de la France, 2021[15]). La transition verte a été érigée en priorité thématique tandis que certains enjeux mondiaux comme le trafic de stupéfiants constituent des sous-priorités.
L’efficacité du suivi des progrès est largement tributaire de la capacité à collecter des données homogènes et pertinentes. La normalisation peut aider à comparer l’efficacité des mesures prises à l’échelle d’un pays pour répondre à des enjeux mondiaux. Les grands programmes d’action internationaux concernant, par exemple, les Objectifs de développement durable (ODD) et la transition verte sont assortis d’un système de suivi et d’évaluation qui repose sur des indicateurs, des cibles et des échéances pour aider les gouvernements à suivre et évaluer leurs progrès. Les organisations internationales interviennent de plus en plus dans la normalisation de la collecte de données sur la façon dont les pays suivent leurs progrès dans la gestion des défis mondiaux. Le Programme d’action international de l’OCDE pour l’action face au changement climatique (IPAC), par exemple, apporte son soutien aux pays vers l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) par un suivi régulier de leurs progrès, une évaluation des politiques publiques, et une communication des résultats et des bonnes pratiques. Ces méthodes de comparaison internationale peuvent insuffler des changements positifs en aidant les pays à se situer par rapport aux normes internationales et en les encourageant à s’améliorer.
Le partage entre les pays des conclusions tirées des évaluations de leurs politiques peut permettre aux pouvoirs publics d’apprendre de leurs pairs et de renforcer leur action face aux enjeux mondiaux. Durant la pandémie, les gouvernements se sont davantage appuyés sur des évaluations qui avaient porté sur des crises passées similaires, ce qui leur a permis de fournir des éléments factuels et étayés, dans un laps de temps court et malgré des ressources limitées. L’OCDE a réalisé une synthèse des évaluations produites par les pays sur la pandémie de COVID-19, avec des données probantes sur la conception et la mise en œuvre de l’action publique face à la crise ainsi que sur le renforcement des capacités prospectives pour faciliter la gestion de chocs futurs de grande ampleur (OCDE, 2022[16]). Par exemple, le Département de planification nationale de la Colombie a réalisé un inventaire des lacunes dans les données factuelles afin d’identifier, dans un premier temps, les domaines qui nécessitaient davantage de données sur les effets du COVID-19, en s’attachant plus particulièrement aux questions économiques et sociales (comme l’emploi, le capital social et humain, la santé mentale, les problématiques d’égalité des sexes, etc.) (OCDE, 2022[16]).
Mettre ces données factuelles à la disposition du public peut également renforcer la transparence des processus décisionnels sur ces enjeux mondiaux complexes. Pendant la pandémie, la production de connaissances et le partage d’informations se sont accrus, et la coopération internationale a joué un rôle majeur à cet égard. En janvier 2020, 117 organisations, dont des éditeurs de presse, des organismes de financement et des centres de prévention des maladies, se sont engagées à mettre en accès libre leurs publications évaluées par les pairs pendant toute la durée de la pandémie et à en communiquer immédiatement les résultats à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (OCDE, 2020[17]). Pourtant, il subsiste de nombreuses difficultés quant à la disponibilité et à l’accessibilité des données de suivi et d’évaluation des réponses aux enjeux mondiaux. Souvent, les données ne sont pas suffisamment localisables, accessibles, interopérables et réutilisables. Les organisations internationales ont un rôle important à jouer pour aider les pays à surmonter ces difficultés. Un partage accru des données de suivi et d’éléments probants tirés d’évaluations peut également aider les États à rendre compte des effets de contagion potentiels des politiques nationales et des éventuels arbitrages transfrontières.
3.3. Renforcer les institutions nationales pour qu’elles soient adaptées à un environnement mondialisé
Alors que, en principe, les relations internationales continuent de relever des prérogatives des ministères des Affaires étrangères, la plupart des institutions nationales ont aujourd’hui à traiter de questions de politique publique qui vont au-delà des frontières du pays. Il est donc nécessaire de reconfigurer l’appareil étatique et de renforcer les capacités de coordination pour s’attaquer aux sujets qui revêtent une dimension internationale et promouvoir la cohérence des politiques. Il importe également d’investir dans les compétences des fonctionnaires afin qu’ils puissent relever des défis d’envergure mondiale.
3.3.1. Faire évoluer l’appareil étatique dans une perspective de mondialisation
La plupart des enjeux transnationaux requièrent de mettre l’accent sur la coopération internationale et de transformer les institutions publiques. En règle générale, les organes gouvernementaux sont configurés et structurés pour se concentrer sur des questions de politique publique précises ou des thématiques restreintes. Pour leur donner les moyens de s’attaquer à des enjeux mondiaux, une refonte des structures et des institutions publiques s’impose donc. Les problématiques de politique publique mondiales ne sont plus la chasse gardée des ministères chargés des affaires étrangères. Les pays ont dû renforcer leurs capacités et leurs mécanismes de coordination horizontale de façon à pouvoir mobiliser efficacement les compétences nécessaires dans les différents ministères, relier les priorités et remédier aux divergences entre ministères en matière de politique publique, et réduire les risques de fragmentation, de doublons et de gaspillage des ressources.
Les centres de gouvernement ont un rôle essentiel à jouer pour promouvoir la coordination et aligner les programmes de politique publique nationaux sur les programmes internationaux. Les portefeuilles internationaux sont souvent confiés à des départements proches du cabinet du chef du gouvernement afin d’assurer la bonne coordination des questions de politique internationale. Selon une enquête de l’OCDE, la responsabilité sur ces questions était partagée pour 68 % des centres de gouvernement en 2018, contre 48 % en 2014 (OCDE, 2018[18]). Cette évolution se reflète dans la configuration des institutions en Corée, où le Directeur général des Affaires étrangères et de la Politique de sécurité nationale est rattaché au cabinet du Premier ministre. De manière similaire, la Suède et l’Estonie ont constitué des bureaux au niveau du centre de gouvernement pour gérer les dossiers liés à l’UE. Les sherpas du G7 et du G20 sont également choisis aux centres de gouvernement pour représenter leur pays dans les négociations et les débats internationaux.
Les pays ont mis en place différents mécanismes pour assurer la coordination horizontale. La coordination interministérielle n’en reste pas moins un élément essentiel pour assurer l’adhésion aux engagements mondiaux et leur cohérence aux deux extrémités du spectre. Par exemple, en France, c’est un service du cabinet du Premier ministre, le Secrétariat général des affaires européennes, qui est chargé de la coordination interministérielle afin de garantir la cohérence et de l’unité de la position française au sein de l’Union européenne (SGAE, 2022[19]). Les pays dans lesquels les ministères ont davantage d’autonomie pour définir les positions nationales doivent renforcer leur capacité à s’engager sur les questions internationales au niveau ministériel. D’autres pays ont créé des mécanismes clairs placés sous l’égide du ministère des Affaires étrangères (Encadré 3.2).
Encadré 3.2. Coordination des affaires multilatérales
La position internationale de la Belgique est déterminée par la cellule interfédérale de coordination multilatérale COORMULTI, située au sein du Service public fédéral Affaires étrangères. Des représentants politiques et administratifs de l’État fédéral, des régions et des communautés ainsi que, souvent, des représentants de la société civile sont réunis pour définir, d’un commun accord, la position du pays à l’étranger. Un organe de coordination dédié, la Direction générale Affaires européennes (DGE), regroupe les mêmes acteurs pour les Affaires européennes.
Le Département d’État des États-Unis a configuré son « Project Horizon » en plateforme de coopération interinstitutionnelle en vue de répondre à des enjeux mondiaux. Ce projet réunit de hauts dirigeants de dix-sept organes et des représentants du Conseil de sécurité nationale investis de diverses responsabilités concernant des questions internationales et chargés de planifier des stratégies interinstitutionnelles en appliquant des techniques basées sur des scénarios.
La coordination verticale est essentielle pour qu’un pays puisse relever les défis transnationaux et coordonner les priorités et engagements concernant des problématiques mondiales aux différents niveaux d’administration : régional, infrarégional, et local. La mise en œuvre du Programme 2030 en est un bon exemple, puisque 65 % des 169 cibles définies dans le cadre des 17 ODD ne pourront être atteints sans une implication et une coordination appropriées des autorités locales et infranationales. En outre, les instances infranationales doivent souvent conclure des accords avec d’autres autorités infranationales étrangères pour gérer des questions présentant un intérêt commun comme les bassins versants ou les flux transfrontaliers de travailleurs. Cependant, il n’y a pas de recette unique en matière de coordination et d’intégration verticale, et il convient de tenir compte de circonstances spécifiques au pays. Certaines instances fédérales ont mis en place des mécanismes afin que les autorités infranationales disposent des moyens nécessaires à l’élaboration des politiques internationales. Par exemple, l’Allemagne applique une approche modulaire pour définir sa politique internationale et assurer la coordination verticale avec les Länder dans la gestion des défis mondiaux. Suivant le thème traité, les représentants des Länder peuvent être consultés sur la position à tenir lors de négociations sur les questions internationales, participer aux négociations si des intérêts majeurs entrent en jeu, ou être investis de pleins pouvoirs de négociation lorsqu’une proposition touche à des pouvoirs législatifs exclusifs (Ministère fédéral allemand des Affaires étrangères, 2022[22]).
Modifier plus avant l’appareil étatique afin de mieux répondre aux enjeux mondiaux peut conduire à l’adoption de dispositifs spécifiques en fonction des priorités du pays. Plusieurs pays ont ainsi suivi l’exemple du Danemark, qui a nommé un ambassadeur des technologies afin de préparer le pays à la numérisation et de nourrir les relations avec les grandes entreprises technologiques au niveau mondial (Encadré 3.3). Parce qu’elles sont transversales et transnationales et qu’elles s’inscrivent dans la durée, les menaces environnementales et liées au changement climatique constituent également un bon exemple d’enjeu mondial qui pourrait inciter les gouvernements à modifier leurs mécanismes institutionnels (voir le Chapitre 4).
Encadré 3.3. L’ambassadeur « Tech » de l’Office du Danemark
En 2017, le Danemark est devenu le premier pays au monde à ériger la technologie et la numérisation en priorité transversale de politique étrangère et de sécurité dans le cadre de son initiative « TechPlomacy ».
Cette initiative est donc pilotée par l’Office de l’ambassadeur tech du Danemark, placé sous l’autorité du ministère danois des Affaires étrangères. Premier ambassadeur technologique au monde, il est investi d’un mandat mondial recouvrant la politique étrangère et de sécurité, ce qui englobe les politiques en matière de cybersécurité, de développement, de promotion des exportations et de l’investissement et un ensemble de politiques sectorielles, et touche tant aux relations bilatérales du Danemark avec d’autres pays qu’à ses relations au sein de l’UE et des forums internationaux qui ont trait à ces sujets.
L’Office de l’ambassadeur technologique dialogue directement avec les entreprises technologiques pour tenter d’influer sur les directions prises et d’améliorer le niveau de préparation du gouvernement. Ce nouveau dispositif permet au Danemark d’importer les connaissances sur les développements technologiques et leur évolution rapide tout en faisant valoir ses intérêts et ses valeurs à l’étranger.
3.3.2. Promouvoir la cohérence des politiques
En sus des dispositifs de coordination horizontale et verticale des institutions, la cohérence des politiques est essentielle pour faire tendre les mécanismes institutionnels et organisationnels vers des objectifs communs. Appliqué à des enjeux mondiaux, le concept de cohérence des politiques désigne généralement l’alignement des objectifs infranationaux, sectoriels et des différents niveaux d’administration sur un programme mondial. La Recommandation du Conseil sur la cohérence des politiques au service du développement durable (OCDE, 2010[14]) fournit des orientations aux pays pour les aider à mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et reconnaît qu’il n’existe pas d’approche universelle pour assurer une coordination efficace et propre à améliorer la cohérence des politiques.
Assurer la cohérence des politiques pour répondre aux enjeux mondiaux peut nécessiter de réformer des structures gouvernementales et les capacités du service public. La plupart des institutions politiques et économiques, à tous les niveaux de l’État, ayant été conçues pour répondre à des objectifs sectoriels, elles se caractérisent généralement par leur rigidité et leur résistance au changement (Kapstein, 2006[24]). Pour assurer la cohérence des politiques face aux enjeux mondiaux, les gouvernements devront s’atteler à créer un environnement propice pour surmonter cette résistance et faciliter le changement culturel. À cette fin, il conviendra de doter la fonction publique des moyens et des compétences nécessaires (voir section suivante).
Dans ce contexte, les responsables de l’action publique devraient profiter de la dynamique créée pour agir sur le plan des politiques (OCDE, à paraître[25]). Certains événements ou crises de grande ampleur peuvent ouvrir une fenêtre d’opportunités pour faire adopter des lois ambitieuses sur des problématiques mondiales complexes, comme le climat. Par exemple, en Suisse, des conférences internationales « réussies » sur le climat ont montré un impact sur la cohésion idéologique au niveau national.
Les efforts d’amélioration de la cohérence politique au service d’enjeux mondiaux devraient également faire intervenir la branche législative. Dans certains pays, le pouvoir législatif peut être amené à jouer un rôle majeur en influant sur les engagements internationaux par le biais de sa fonction de surveillance et de contrôle de la politique étrangère. Par exemple, aux États-Unis, où le congrès dispose d’un mandat solide dans les affaires internationales, le dialogue, la coordination et la coopération entre l’exécutif et le législatif sont essentiels (Bajtay, 2015[26]). En revanche, dans des pays comme la France où le pouvoir exécutif jouit d’une plus grande autonomie sur les questions de politique étrangère, la coordination entre la branche législative et la branche exécutive ne semble pas jouer un rôle déterminant dans la réussite de la politique étrangère (Bajtay, 2015[26]).
3.3.3. Renforcer les capacités des gouvernements à adopter une pensée globale
Les gouvernements doivent renforcer la capacité de la main-d’œuvre publique à relever les défis mondiaux dans toute une série de ministères et d’institutions publiques. Compte tenu de la nature complexe et technique de nombreux défis mondiaux les fonctionnaires doivent être capables de gérer des priorités politiques complexes et susceptibles d’évoluer rapidement tout ayant une vision globale de celles-ci. Ils doivent être en mesure de tirer parti de leur expertise sectorielle et de collaborer avec leurs pairs sur la scène internationale. Les gouvernements doivent investir dans la gestion des talents et les compétences globales de la fonction publique nationale, au-delà des compétences diplomatiques classiques, pour jouer un rôle significatif sur ces questions.
Pour renforcer ces compétences globales dans le domaine de la fonction publique, il faut d’abord identifier en quoi elles consistent, décider de la manière dont elles doivent être attribuées et les développer au moyen d’outils et de programmes de gestion des talents pertinents. Pour ce faire, il convient d’élaborer des programmes innovants d’apprentissage et de développement, ainsi que des processus de recrutement.
Les compétences globales sont l’un des principaux ensembles de compétences requis dans un service public tourné vers l’avenir, flexible et épanouissant (OCDE, 2021[27]). Au nombre des compétences pertinentes figurent l’anticipation et la gestion des risques, afin de se préparer aux impacts nationaux des défis mondiaux et d’y faire face. En outre, la nature complexe et technique de nombreux défis mondiaux soulève la question de savoir si les fonctionnaires ont accès à l’expertise fiable nécessaire. La collaboration avec les principales parties prenantes et la compréhension de la manière d’utiliser l’expertise et les données probantes pour exercer une influence sur la scène internationale constituent donc un autre ensemble de compétences essentielles. Il convient également de disposer des compétences nécessaires pour comprendre et établir des partenariats avec d’autres gouvernements, des entités du secteur privé international et des citoyens. Les cadres de compétences de l’OCDE sur le leadership dans la fonction publique (OCDE, 2021[27]), Leadership pour une haute fonction publique performante (Gerson, 2020[28]), les compétences fondamentales en matière d’innovation (OCDE, 2017[29]), ainsi que les compétences pour l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes (OCDE, 2021[27]), peuvent tous contribuer à la compétence globale de diverses manières.
Pourtant, malgré l’importance perçue des compétences globales, à ce jour, peu de gouvernements ont défini ce que devrait être cet ensemble de compétences. Les récents travaux de l’OCDE sur l’innovation transfrontalière font état d’efforts limités visant à inculquer des compétences et des capacités de collaboration transfrontalière et suggèrent que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour relier les compétences en matière d’innovation à d’autres capacités transfrontalières clés. La fonction publique du Royaume-Uni est l’une des rares à avoir adopté des mesures pour définir les compétences globales que tous ses professionnels de l’élaboration des politiques devraient aspirer à développer (Encadré 3.4).
Encadré 3.4. Normes de la profession politique au Royaume-Uni
Publiées en novembre 2021, les normes de la profession politique définissent les attentes à l’égard des agents de la fonction publique dans 12 domaines, dont celui du « travail à l’international ». Les compétences et connaissances spécifiques à cette section sont notamment les suivantes :
Comprendre le contexte international et les priorités et intérêts de toutes les parties du Royaume-Uni.
Travailler dans des contextes complexes pour établir des relations, influencer et négocier afin de promouvoir les intérêts du Royaume-Uni ;
Travailler efficacement avec les organismes internationaux (multilatéraux) ;
Comprendre le rôle du travail de développement international ; et
Comprendre les implications du commerce international pour les domaines politiques.
Cette liste comprend une série d’aptitudes et de compétences techniques, sociales et comportementales nécessaires pour gérer efficacement les questions de portée mondiale. Par exemple, le premier point suggère la nécessité pour les fonctionnaires d’être extrêmement conscients des liens entre leur domaine politique et la dynamique internationale, et de travailler via les réseaux mondiaux pour atteindre leurs objectifs politiques. Le deuxième point soulève les questions de la communication interculturelle et de la capacité à tenir compte du contexte et des sensibilités mondiales et locales dans l’élaboration des politiques internationales. En vertu de celui-ci, les professionnels de l’élaboration des politiques doivent travailler dans un climat d’ambiguïté, d’incertitude et de perspectives contrastées et utiliser les réseaux internationaux pour créer des alliances et influencer les acteurs clés. Le troisième point suggère la nécessité de combiner l’expertise en la matière avec un état des lieux des acteurs clés spécialisés dans les systèmes multilatéraux et les processus décisionnels associés. Les deux derniers points peuvent nécessiter des compétences techniques, économiques et juridiques spécifiques pour comprendre et utiliser la politique de développement et de commerce afin d’atteindre d’autres objectifs politiques locaux et/ou mondiaux.
Source : (Policy Profession, 2021[30])
Une fois identifiées, ces compétences doivent être développées et gérées par des mécanismes appropriés de gestion des talents et des carrières. Traditionnellement, dans de nombreux gouvernements, les fonctionnaires qui excellent dans les compétences internationales ont tendance à travailler au ministère des Affaires étrangères et sont administrés dans un système de service extérieur distinct. Toutefois, les agendas mondiaux exigent également une expertise sectorielle technique importante, par exemple en matière d’environnement. Inversement, il est également nécessaire que les fonctionnaires travaillant dans des domaines politiques spécifiques au sein des ministères de tutelle soient dotés d’un niveau minimum de compétences internationales non techniques. Cela soulève la question de savoir s’il existe d’autres moyens de structurer les carrières dans la fonction publique afin que l’expérience et l’expertise internationales soient accessibles à un plus grand nombre d’employés, selon des modalités adaptées à leur expertise.
La mobilité est une possibilité, soit la mobilité entre ministères au niveau national, par exemple entre les affaires étrangères et les ministères de tutelle, soit entre les gouvernements nationaux et les organisations internationales. En outre, la mobilité internationale, par laquelle les fonctionnaires passent du temps à travailler dans les services publics d’autres pays, peut être un moyen d’acquérir des compétences globales pour tous les agents du secteur public. Cela a été pratiqué dans certains pays européens, comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Cette mobilité pourrait être encouragée par divers moyens, et il semble que peu de pays de l’OCDE en exploitent tout le potentiel.
Certaines initiatives récentes méritent d’être soulignées. Lors d’une récente réunion des ministres de l’Administration publique, organisée sous la présidence portugaise en 2021, les participants ont soutenu l’idée d’encourager les fonctionnaires à entreprendre des « échanges » pour développer des compétences mondiales et pour travailler collectivement sur des initiatives transfrontalières. Le programme permettrait aux cadres intermédiaires des services publics de l’UE de participer à un programme d’échange sur le développement du leadership dans d’autres administrations centrales/fédérales de l’UE. Les objectifs déclarés étaient les suivants : promouvoir l’apprentissage mutuel et la coopération transfrontalière ; améliorer la mise en réseau ; développer un corps de hauts fonctionnaires plus compétent au niveau international ; et favoriser une culture du service public orientée vers l’Europe. La première phase de ce projet pilote implique 12 participants issus de la Belgique, de la France, du Portugal et de la Commission européenne.
La promotion de la mobilité internationale dans la fonction publique ne consiste pas seulement à créer des possibilités, mais aussi à mettre en place les mesures d’incitation nécessaires pour que les employés en profitent. Dans de nombreux cas, les programmes de mobilité sont sous-utilisés en raison de leur apparente complexité et de la valeur qu’on leur accorde dans le contexte de la formation continue. Souvent, les fonctionnaires déplorent que les compétences qu’ils ont développées pendant leur détachement ne sont pas reconnues, valorisées ou exploitées à leur retour. Pour que ce type de mobilité fonctionne, il faut établir des mécanismes qui récompensent les investissements dans ces compétences. Aux Pays-Bas, par exemple, les expériences de mobilité sont une condition préalable à l’avancement aux niveaux supérieurs de l’administration, et l’expérience internationale est l’une des formes reconnues de mobilité. Il s’agit d’un moyen concret de promouvoir et de valoriser l’expérience internationale, ainsi que de veiller à ce que les hauts fonctionnaires disposent de compétences internationales sur lesquelles s’appuyer.
L’apprentissage et le perfectionnement, dans le cadre par exemple des formations proposées par les écoles publiques, peuvent également représenter des moyens utiles de promouvoir les compétences internationales. Cependant, selon une enquête récente, une formation spécifique aux compétences mondiales n’est pas actuellement proposée dans une majorité d’écoles, bien qu’il s’agisse d’un sujet que de nombreuses écoles développent (Graphique 3.2).
Attirer et retenir les talents est également un moyen essentiel d’accroître les compétences mondiales des fonctionnaires. Tout d’abord, il convient de se pencher sur la manière dont les emplois sont promus et commercialisés auprès des candidats potentiels : les emplois devraient comporter une indication de ces compétences, de manière à attirer les candidats ayant une expérience et/ou un intérêt et un état d’esprit pertinents. Cela peut également être un moyen essentiel d’attirer les jeunes générations vers les emplois de la fonction publique, en particulier ceux qui souhaitent contribuer à la résolution des problèmes mondiaux et qui recherchent des postes dynamiques offrant la possibilité de bénéficier d’un éventail plus large d’expériences et de parcours professionnels.
Le recrutement et le maintien d’un ensemble plus diversifié de fonctionnaires peuvent également permettre d’améliorer les compétences globales de la fonction publique. De nombreux pays peuvent limiter l’accès aux postes de la fonction publique aux citoyens, et il peut exister d’autres obstacles moins visibles à l’entrée des candidats d’origine étrangère. Promouvoir la diversité en tant qu’objectif clé de la politique de l’emploi public et veiller à ce que les pratiques d’embauche et de gestion soient conformes aux meilleures pratiques en matière de diversité et d’inclusion peuvent contribuer de manière décisive à une fonction publique plus compétente au niveau mondial. Cela peut se révéler très important pour les services de traduction et de sécurité, mais aussi pour faire en sorte que les démocraties conservent la capacité de saisir pleinement les actions de l’ensemble des acteurs internationaux pertinents.
3.4. Tirer parti des outils de gouvernance et de l’innovation pour renforcer la capacité d’action mondiale
Les défis mondiaux offrent également aux gouvernements l’occasion de revoir et d’améliorer les outils de gouvernance publique. Il s’agit notamment de débloquer les budgets publics et les marchés publics et de réorganiser l’élaboration des règles par le biais de la coopération internationale en matière de réglementation (CIR) et de meilleurs outils de réglementation pour relever les défis transfrontaliers. Penser en termes globaux lors de l’investissement dans les technologies et les données numériques, et promouvoir une pensée innovante au sein du gouvernement pour s’internationaliser sont autant d’autres facteurs importants pour mieux anticiper et se préparer aux défis mondiaux. La présente section examine la possibilité d’adapter et d’améliorer les outils de gouvernance afin de relever plus efficacement les défis mondiaux. Fondée sur les valeurs démocratiques de transparence et d’application du principe de responsabilité, la mobilisation de ces outils peut faire la différence dans la résolution des problèmes mondiaux.
3.4.1. Mieux dépenser les ressources pour répondre aux priorités mondiales
La budgétisation publique est l’outil par lequel les gouvernements définissent la manière dont ils vont hiérarchiser et atteindre les objectifs politiques annuels et pluriannuels. Avec la politique fiscale, les outils de budgétisation offrent une série de possibilités de hiérarchiser les dépenses afin de répondre à des priorités nationales et mondiales bien définies, comme le changement climatique, ou des systèmes de santé résilients et préparés aux urgences futures. Dans le cas de certains programmes mondiaux, tels que les ODD qui touchent à de nombreux aspects des dépenses, le budget fournit un outil de gouvernance intégré, assorti d’une affectation ou d’un ciblage spécifiques et cohérents des dépenses.
Les pays intègrent de plus en plus les considérations mondiales à long terme dans leurs outils de budgétisation :
La budgétisation verte est un exemple clé de la manière dont les gouvernements utilisent les budgets comme un outil puissant pour aligner les dépenses sur des engagements et des programmes nationaux et internationaux dans leur ensemble. La « budgétisation verte » désigne l’utilisation d’outils de politique budgétaire pour permettre aux responsables publics de mieux comprendre les impacts environnementaux et climatiques des choix budgétaires et les aider à atteindre les objectifs climatiques et environnementaux. Ces pratiques sont de plus en plus courantes dans les pays de l’OCDE et montrent la voie à suivre pour que les pays intègrent des considérations mondiales à long terme dans leurs outils de budgétisation (voir le Chapitre 4, qui aborde de façon complète le thème de la budgétisation verte).
La budgétisation peut également être utilisée comme outil dans le contexte des Objectifs de développement durable (ODD), par la présentation explicite et mesurable des cibles des ODD dans les crédits budgétaires et la remontée d’information budgétaire. L’OCDE travaille avec les pays pour les aider à intégrer des processus qui garantissent la prise en compte des ODD dans la hiérarchisation et l’allocation des ressources publiques.
Les approches de budgétisation intégrée peuvent également soutenir les investissements liés à la santé pour réduire les risques mondiaux de pandémie ou d’autres urgences sanitaires afin de garantir la résilience des systèmes de santé à l’avenir, compte tenu des lacunes mises en évidence par la pandémie de COVID-19.
3.4.2. Tirer parti des marchés publics stratégiques
Les marchés publics stratégiques peuvent permettre de faire en sorte que les marchés publics fournissent des biens et des services pour accomplir les missions des gouvernements de manière opportune, économique et efficace, tout en servant d’outil pour répondre aux défis mondiaux (OCDE, 2020[32]). Les marchés publics sont souvent sous-estimés alors qu’ils peuvent constituer un outil très puissant, puisqu’ils représentent 12 % du PIB et 29 % des dépenses publiques totales (OCDE, 2021[1]).
Les pays de l’OCDE progressent régulièrement dans l’utilisation des marchés publics pour atteindre des objectifs stratégiques clés, dont beaucoup ont une dimension mondiale. Il s’agit, par exemple, d’améliorer les résultats en matière de santé, de lutter contre le changement climatique et de promouvoir des fournisseurs socialement responsables dans la chaîne de valeur mondiale (Graphique 3.3) (OCDE, 2019[33]) (voir le Chapitre 4 qui aborde de façon complète le thème des marchés publics verts).
L’impact des marchés publics stratégiques peut être amplifié par les chaînes de valeur mondiales pour un impact transfrontalier. Par le biais des marchés publics, les gouvernements peuvent influencer les normes des fournisseurs en obligeant les entreprises à intégrer des considérations relatives à la conduite responsable des entreprises (CRE) comme condition préalable à l’obtention de marchés publics (OCDE, à paraître[36]). Ces normes peuvent porter sur le respect des droits humains et du travail, la promotion de l’inclusion et de la diversité, et la prévention des dommages environnementaux, entre autres. Les pays développent progressivement des cadres consacrés aux marchés publics responsables qui tiennent compte des considérations environnementales et sociales et mettent en place des mécanismes pour garantir que ces dispositions s’étendent aux sous-traitants et aux autres acteurs de la chaîne d’approvisionnement (OCDE, 2020[32] ; OCDE, 2021[37]).
Les approches coordonnées et collaboratives aux niveaux national et infranational peuvent également promouvoir des effets multiplicateurs sur le pouvoir d’achat des gouvernements. Les efforts conjoints en matière d’achats peuvent contribuer à générer une demande de produits et de services durables et à créer des mesures d’incitation partagées pour développer des solutions innovantes aux défis mondiaux. Par exemple, dans le cadre de l’initiative « Greening Government » (Gouvernement des États-Unis et gouvernement du Canada, 2021[38]), les gouvernements cherchent à tirer parti de leur pouvoir d’achat collectif pour stimuler l’innovation sur le marché en unissant leurs forces pour publier une demande d’information commune sur les véhicules verts. Le Pacte pour des TIC circulaires et équitables (CFIT), dirigé par les Pays-Bas, illustre comment un partenariat international axé sur les achats peut jeter des ponts internationaux et générer des résultats locaux grâce à des achats circulaires. Le CFIT promeut la circularité, l’équité et la durabilité dans le secteur des TIC en définissant des ambitions mondiales communes dans les appels d’offres locaux et en encourageant l’utilisation de critères d’achat communs et faciles à utiliser. Les pays peuvent s’appuyer sur leurs initiatives nationales en matière de marchés publics pour soutenir une telle coopération internationale dans ce domaine. Cela atteste de l’ampleur et de l’influence des marchés publics lorsqu’ils sont guidés par des objectifs stratégiques.
Des marchés publics plus agiles et coordonnés peuvent également contribuer à renforcer la résilience aux chocs et défis mondiaux. La riposte à la COVID-19 a montré que les approches collaboratives étaient essentielles pour renforcer la réactivité des pays en matière d’achat de biens essentiels au niveau régional. Les mécanismes comprennent la normalisation bilatérale des procédures d’achat, les accords d’achat conjoints et les accords de prêt pour les biens essentiels. Le partage transfrontalier d’informations sur les renseignements relatifs à la gestion des risques, la disponibilité des biens essentiels, les prix, les études de marché, les contacts et les courtiers peut servir à éclairer les stratégies d’achat et à atténuer les perturbations de la chaîne d’approvisionnement mondiale (OCDE, 2020[39]).
Au-delà de la garantie de l’efficacité économique, les marchés publics stratégiques peuvent favoriser une économie qui concilie les intérêts divergents des différentes parties prenantes (Ramirez, McGinley et Churchhouse, 2020[40]). Par exemple, en ce qui concerne l’adaptation aux aléas climatiques, la stratégie danoise consistant à s’engager dans un vaste programme de rénovation des logements publics est un exemple de la combinaison d’impacts à court terme qui créent des emplois et de l’activité économique tout en faisant en sorte que les rénovations tiennent compte d’aspects tels que l’isolation et l’efficacité énergétique sur le secteur de la construction. À l’avenir, les marchés publics stratégiques peuvent contribuer à renforcer la confiance dans le fait que toutes les entreprises peuvent bénéficier d’une économie intégrée, en s’engageant auprès des PME pour favoriser l’accès au secteur privé en vue d’atteindre des objectifs mondiaux.
3.4.3. Réorganiser l’élaboration des règles pour relever les défis mondiaux grâce à la coopération internationale en matière de réglementation
Malgré la nécessité croissante de mieux remplir des objectifs de politique publique qui exigent une action mondiale, l’action normative nationale reste limitée par la rigidité des frontières administratives et des compétences territoriales. Une approche de l’élaboration des règles tournée vers l’intérieur peut nuire considérablement à l’efficacité des réglementations, en particulier eu égard aux règles visant à relever les défis transfrontaliers. Actuellement, seuls 13 % des membres de l’OCDE ont une approche systématique et globale de la coopération réglementaire internationale (CRI) (Graphique 3.4) et l’arrangement institutionnel relatif à la supervision de la CRI reste fragmenté entre les autorités gouvernementales. Seuls quatre pays indiquent que leur programme de CRI est attribué à une seule autorité (OCDE, 2021[41]).
Pour être efficaces face aux défis mondiaux, les lois, règles et réglementations doivent être mieux connectées et coordonnées au-delà des frontières — la CRI est essentielle à cet égard. Globalement, la notion de CRI englobe tout accord ou dispositif institutionnel, à caractère formel ou informel, mis en place entre des pays en vue de promouvoir une coopération en matière d’élaboration, de suivi, de mise en application ou de gestion ex post de la réglementation. Elle offre une variété d’approches que les pays peuvent utiliser pour promouvoir l’interopérabilité des cadres juridiques et réglementaires (voir Graphique 3.5). Plutôt que de dire aux gouvernements quelles politiques adopter, la CRI leur permet de décider de leurs priorités stratégiques tout en les guidant sur la meilleure façon d’atteindre leurs objectifs politiques. En pratique, la CRI exige des gouvernements qu’ils repensent leurs outils traditionnels de politique réglementaire afin de répondre aux besoins de leurs citoyens et de leurs entreprises et de mieux gérer les biens communs mondiaux.
La coopération réglementaire peut accroître l’efficacité de la réglementation et se traduire par une efficacité économique et administrative. On a pu le constater dans le domaine de la fiscalité, où les entreprises opérant à l’échelle mondiale ont pu exploiter les écarts et les disparités entre les systèmes fiscaux des différents pays — ou faire du « forum shopping » pour baser leur activité dans les pays dont le système fiscal est le moins coûteux. On estime que cette « érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices » coûtent chaque année aux gouvernements entre 100 et 240 milliards USD de pertes de recettes, soit l’équivalent de 4 % à 10 % des recettes mondiales de l’impôt sur les sociétés (OCDE, 2021[43]). Grâce à plus de 2 700 accords bilatéraux en matière fiscale et au travail de collaboration mené au titre du Cadre inclusif OCDE/G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, qui regroupe 141 pays et juridictions, il est désormais possible de faire face à ces coûts en empêchant ce « forum shopping ».
Les services publics dans l’espace numérique, en particulier, nécessitent une coopération réglementaire s’ils entendent se mondialiser. La gouvernance des données, par exemple, doit être abordée en termes mondiaux en convenant de normes pour garantir l’interopérabilité, le partage et la réutilisation des données. Cela implique la mise en place de mécanismes communs pour le partage des données intersectorielles et transfrontalières. L’objectif n’est pas seulement de promouvoir l’accessibilité et la haute qualité des données, mais aussi de promouvoir des approches partagées en matière d’expérience utilisateur. La Recommandation de l’OCDE de 2021 sur l’amélioration de l’accès aux données et de leur partage (OCDE, 2021[44]) offre un ensemble de principes et d’orientations politiques visant à normaliser les approches nationales en matière de partage des données intersectorielles et transfrontalières. L’Union européenne a également adopté plusieurs directives, actes d’exécution et recommandations dans le but de promouvoir une approche cohérente de la gestion des données dans tous les pays.2
Une identité numérique fiable et portable est un exemple concret d’outil numérique qui sera décisif pour la prestation de services publics transfrontaliers. Les possibilités économiques, sociales et environnementales de parvenir à une véritable portabilité à travers les plateformes et les frontières sont considérables, comme le montre le certificat COVID numérique de l’UE. Toutefois, ces possibilités posent aux pays des défis en matière de gouvernance de l’identité numérique. Alors que les pays donnent à juste titre la priorité au développement de l’identité numérique nationale, la mise en œuvre de la portabilité transfrontalière n’en est encore qu’à ses débuts (Tableau 3.1). Comme indiqué dans le recueil des pratiques en matière d’identité numérique du G20, seuls quatre pays du G20 avaient mis en œuvre la portabilité transfrontalière en 2021. Une plus grande coopération réglementaire sera nécessaire.
Tableau 3.1. Portabilité de l’identité numérique
|
Multiplateforme |
Transsectorielle |
Transfrontalière |
---|---|---|---|
Allemagne (carte d’identité de citoyen allemand ; permis de séjour électronique pour les non-ressortissants de l’UE/EEE ; eID pour les citoyens de l’UE) |
X |
X |
X |
Arabie Saoudite (carte d’identité numérique via les applications Tawakkalna et Absher) |
X |
X |
X |
Argentine (Sistema de Identidad Digital) |
X |
||
Australie (plateforme d’identité myGOV) |
X |
||
Brésil (plateforme d’identité GOV.BR) |
X |
||
Espagne (Document d’identité national électronique) |
X |
X |
|
Italie (système d’identité numérique du secteur public, carte d’identité électronique, carte de services nationaux) |
X |
X |
X |
Royaume-Uni (GOV.UK Verify) |
X |
||
Singapour (Singpass et Corppass) |
X |
X |
|
Türkiye (plateforme d’identité de la passerelle d’administration en ligne) |
X |
Note : Les informations ont été recueillies par le biais de l’enquête sur l’identité numérique du G20 et de recherches documentaires afin d’alimenter les discussions du Groupe de travail sur l’économie numérique du G20 en 2021, sous la présidence italienne du G20.
Source : OCDE/G20 (2021) « Recueil des pratiques d’identité numérique du G20 ».
La nouvelle Recommandation de l’OCDE sur la coopération réglementaire internationale face aux défis de portée mondiale (OCDE, 2022[45]) aide les décideurs et les responsables de la réglementation à adapter leurs cadres réglementaires nationaux à l’environnement international et à accroître leur capacité de résistance aux crises futures. Elle s’articule autour de trois axes : élaborer une approche de la coopération internationale à l’échelle de l’ensemble de l’administration, intégrer une perspective internationale dans l’élaboration des règles nationales et assurer une coopération réglementaire bilatérale, internationale et multilatérale.
Pour que les responsables de la réglementation prennent plus systématiquement en compte les instruments internationaux3 dans leurs activités normatives, il faut que ces instruments soient de grande qualité, largement et facilement accessibles, et aptes à servir l’intérêt général. Les données de l’OCDE soulignent la complexité de l’élaboration des règles internationales, qui correspond à un paysage de « plus de 70 000 instruments internationaux » (OCDE, 2021[46]). Il est essentiel de garantir la qualité et l’efficacité des instruments internationaux pour relever avec succès les défis mondiaux. Les organisations internationales (OI) fournissent un cadre permanent pour le CRI en tant que plateformes de partage de données et d’expériences, ainsi que pour la recherche de consensus et l’adoption d’approches commune (OCDE, 2021[46]). Les gouvernements peuvent s’appuyer sur les OI pour renforcer leur action face aux défis mondiaux, par exemple en assurant une coordination spécifique pour traiter des questions complexes et multisectorielles (par exemple, « Une Santé », qui réunit la FAO, l’OMS, l’OIE et le PNUE) ou en appelant à des formes plus innovantes de partenariat multipartite public-privé (par exemple, Covax). Le Partenariat entre OI aux fins de l’élaboration efficace de règles internationales (OCDE, s.d.[47]) peut aider les gouvernements à analyser le panorama existant et à identifier les possibilités de collaboration les plus pertinentes et les plus efficaces.
Les responsables de la réglementation peuvent également réorganiser les outils traditionnels de gouvernance réglementaire afin de promouvoir une perspective internationale dans l’élaboration des règles nationales. Par exemple, la prise en compte des impacts verts dans les analyses d’impact de la réglementation (AIR) est une approche utile pour garantir que l’impact de toute nouvelle réglementation sur la réalisation des engagements nationaux ou internationaux en matière d’environnement est dûment pris en considération. Alors que tous les membres de l’OCDE prennent en compte les impacts environnementaux dans les AIR (Graphique 3.6), beaucoup moins de membres exigent que les impacts environnementaux de leurs réglementations sur les juridictions étrangères soient systématiquement pris en compte (OCDE, 2021[41]).
3.4.4. Promouvoir une pensée innovante au sein du gouvernement en vue d’une action mondiale
Des outils novateurs tels que la collaboration internationale en matière d’expérimentation politique, l’innovation axée sur les missions et les techniques de renseignement de base peuvent aider les gouvernements à s’attaquer aux problèmes transfrontaliers. Le recours à l’innovation pour relever les défis mondiaux exige « d’ouvrir les bureaucraties » aux processus de création de solutions aux problèmes. L’objectif est de s’opposer aux pratiques établies et aux fondements cognitifs et normatifs, en déclenchant des processus d’apprentissage transformateurs tout en créant une appropriation commune face aux solutions nouvelles et audacieuses. Dans le même temps, l’itération continue et la mise à l’essai de nouvelles idées et solutions de manière agile peuvent contribuer à promouvoir l’apprentissage et la mise en œuvre rapide tout en maintenant les niveaux de risque à un degré gérable. Pourtant, dans le secteur public, ces approches sont souvent entravées par une série de facteurs, dont les suivants :
Des écosystèmes transfrontaliers peu développés ou mal connus ;
Une résistance culturelle aux activités et processus ouverts et non linéaires ;
Un manque de retour d’information et de systèmes d’apprentissage pour tester les nouvelles idées ;
Absence de facilitateur transfrontalier chargé de nouer des relations et de faire avancer la situation.
3.4.5. Collaboration internationale dans l’expérimentation des politiques
L’expérimentation peut aider à concevoir, tester et évaluer les résultats des politiques. La capacité d’expérimentation multilatérale coordonnée est cruciale pour élargir la compréhension des conditions de réussite d’une politique donnée pour relever un défi mondial. Il est donc nécessaire de mener des expérimentations au-delà des frontières et des juridictions pour s’attaquer à des problèmes mondiaux tels que le changement climatique.
Le recours à l’expérimentation transfrontalière a bénéficié de l’essor de la communauté internationale de l’analyse comportementale, qui peut mobiliser des approches utiles pour concevoir et mettre en œuvre des solutions efficaces. L’OCDE soutient ces efforts transfrontaliers par le biais de son outil en ligne « Behavioural Insights », qui comprend une carte interactive des unités de BI, présentant des unités dans 43 pays ; un Recueil international de projets, comprenant plus de 100 projets de BI, et un portail de pré-enregistrement permettant aux praticiens de BI de contribuer activement au partage des connaissances et à la rigueur scientifique en partageant des plans de pré-analyse avec la communauté des sciences comportementales aux premiers stades de l’expérimentation BI et de la mise à l’essai des politiques. Grâce à la collaboration et à la coproduction, les experts en BI travaillant ensemble dans différents pays sont en mesure de générer des idées uniques pour aborder des questions politiques complexes, y compris des défis mondiaux. Un exemple récent est celui du Canada, qui utilise les éclairages comportementaux pour aider les décideurs à mieux connaître le degré d’acceptation et d’engagement des citoyens à l’égard des politiques vertes, pour donner aux décideurs les moyens d’évaluer et de mesurer l’efficacité des politiques vertes en cours ou proposées, et pour fournir des données empiriques permettant de mieux anticiper les défis futurs et de mieux s’y préparer (voir le Chapitre 4).
3.4.6. Innovation axée sur les missions
L’innovation axée sur les missions est également un outil prometteur qui peut contribuer à résoudre les défis complexes auxquels les gouvernements sont confrontés aujourd’hui, comme la réalisation d’objectifs climatiques ambitieux. L’innovation axée sur les missions implique une approche systémique comprenant des mesures politiques et réglementaires mobilisant la science, la technologie et l’innovation. Ces mesures couvrent différentes étapes du cycle de l’innovation, de la recherche à la démonstration et au déploiement sur le marché, combinent des instruments d’incitation à l’offre et à la demande, et couvrent plusieurs domaines et disciplines politiques (Larrue, 2021[48]). Le recours à l’innovation axée sur les missions implique de formuler les défis sociétaux mondiaux par des objectifs mesurables, ambitieux et limités dans le temps, tels que l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2030. Ensuite, le secteur public joue un rôle actif en réunissant et en coordonnant les acteurs et les ressources autour des questions complexes, intersectorielles et transnationales qui ne peuvent être résolues par des acteurs individuels seuls. Une enquête de l’Observatoire de l’OCDE pour l’innovation dans le secteur public réalisée en 2022 montre que l’innovation axée sur les missions peut contribuer à remédier au manque de consensus entre les différents partis politiques en concentrant les efforts sur un objectif commun (OCDE/Danish Design Centre, 2022[49]).
L’innovation axée sur les missions a été testée dans divers domaines qui touchent à des défis mondiaux, tels que la santé, la technologie et l’environnement. La Commission européenne a adopté le cadre de l’innovation axée sur les missions dans cinq domaines : l’adaptation au changement climatique, y compris la transformation sociétale ; le cancer ; la santé des océans, des mers, des eaux côtières et intérieures ; les villes neutres sur le plan climatique et intelligentes ; la santé des sols et l’alimentation. Les gouvernements nationaux ont également adopté de telles approches, par exemple les partenariats de recherche et d’innovation vertes axés sur les missions lancés par le Fonds d’innovation du Danemark. Les missions offrent au secteur public la possibilité de concentrer son attention et ses ressources sur les questions clés de notre époque et, ce faisant, de s’attaquer de front aux défis essentiels au bien-être des citoyens. Toutefois, en tant que domaine émergent, il est nécessaire d’identifier les capacités requises pour fournir une innovation orientée vers les missions, de mettre en place des mécanismes appropriés d’établissement des responsabilités et d’évaluation, et d’établir des cadres de gouvernance à long terme pour les missions dont les objectifs sont fixés pour 2030 ou 2050. Cette démarche est actuellement soutenue par le Mission Action Lab de l’OCDE (Encadré 3.5).
Encadré 3.5. Aider les gouvernements à aborder l’innovation axée sur les missions par des approches multidisciplinaires grâce au Mission Action Lab de l’OCDE
Le Mission Action Lab de l’OCDE, créé en 2021, a pour objectif d’aider les gouvernements à relever les défis liés à la mise en œuvre des missions afin de permettre une innovation axée sur les missions. Le laboratoire se concentre spécifiquement sur la gouvernance des missions, la gestion d’un portefeuille d’innovations liées aux missions et l’évaluation des missions. En coordination avec les partenaires de recherche, le laboratoire soutient les éléments suivants :
Développement d’outils et de méthodes de diagnostic pour évaluer les besoins et les conditions cadres liés à l’adoption d’une approche d’innovation axée sur les missions, ainsi que d’outils et de méthodes pratiques basés sur l’apprentissage appliqué.
Partage des bonnes pratiques concernant l’exécution des missions (par exemple, l’approche du portefeuille de projets, le financement mixte, le suivi, l’évaluation systémique, le regroupement des instruments de politique de l’offre et de la demande, etc.)
Conception de mécanismes de gouvernance pour l’innovation axée sur les missions dans une variété de contextes, y compris dans une perspective nationale, infranationale et transfrontalière.
Analyse et mise à l’essai de mécanismes appropriés pour inclure les parties prenantes, en particulier les groupes qui, traditionnellement, ne s’engagent pas dans les initiatives menées par le gouvernement.
Développement d’outils spécifiques pour piloter les portefeuilles et les écosystèmes d’innovation axés sur les missions, ainsi que le suivi et l’évaluation des missions.
Source : Ceci reflète un effort conjoint de l’Observatoire pour l’innovation dans le secteur public, de la Direction de la science, de la technologie et de l’innovation et de la Direction de la coopération pour le développement de l’OCDE.
3.4.7. Protéger l’action mondiale contre toute influence indue
Les actions mondiales dirigées sous l’impulsion des démocraties qui visent à promouvoir la coopération internationale afin de relever les défis majeurs à l’échelle mondiale peuvent également être à la merci d’une influence indue, qu’elle soit exercée tant par de grands intérêts privés que par des acteurs étrangers. De nombreux secteurs économiques et industriels peuvent être directement concernés par le dénouement des débats et négociations sur les mesures à prendre à l’échelle mondiale.
Pour autant, il est crucial d’instaurer le dialogue avec les décideurs publics pour que les entreprises, les associations professionnelles, les syndicats et d’autres groupes d’intérêts concernés par des réglementations connexes ou d’autres formes de décisions publiques soient en mesure de s’attaquer aux défis mondiaux. En général, pour faire en sorte que les groupes d’intérêt puissent exercer leur influence et faire valoir leurs points de vue, les décideurs publics disposent d’une multitude d’approches pour consulter les parties prenantes, que ce soit par des audiences parlementaires, la nomination d’instances ad hoc et de groupes d’experts ou la prise de rendez-vous avec des dirigeants politiques. Or toutes les initiatives qui s’attaquent à des défis d’envergure mondiale ont comme spécificité commune qu’une grande part de ces parties prenantes peuvent être des entités étrangères ou internationales, ou détenir des enjeux considérables, comme c’est le cas des entreprises technologiques dans le contexte de la transformation numérique. Il est donc essentiel de tenir compte également du risque qu’une influence indue soit exercée afin de relever efficacement les défis mondiaux.
Des éléments probants de plus en plus nombreux montrent que les dérives du lobbying et d’autres pratiques d’influence peuvent entraver les progrès des pays à mettre en œuvre des mesures prises à l’échelle mondiale. Par exemple, sur la question du changement climatique, une analyse de documents et de communications internes entre 1977 et 2014 d’un géant du pétrole et du gaz a révélé que, bien que ses propres recherches aient établi que le changement climatique était causé par l’activité humaine, l’entreprise s’est livrée à diverses pratiques, notamment la publication d’articles d’opinion dans la presse, destinées à semer le doute, à influencer l’opinion publique et à réduire la pression réglementaire (Oreskes et Conway, 2010[50] ; Supran et Oreskes, 2017[51]). Par le passé, les entreprises pétrolières et gazières ont été les principaux mécènes de groupes de réflexion et de groupes de pression remettant en cause la science climatique établie ou les principaux financiers de publicités sur les réseaux sociaux ou des campagnes véhiculant une image de marque trompeuse de responsabilité écologique (InfluenceMap, 2019[52] ; Graham, Daub et Carroll, 2017[53]). Au regard du manque de transparence quant à l’identité des soutiens à ces organisations ou à ces campagnes, il existe un risque réel de tromper ou de dérouter l’opinion publique.
Pour accroître la transparence quant aux intérêts susceptibles d’exercer des activités de lobbying pour influer sur des décisions nationales dotées d’une importance mondiale, les pouvoirs publics disposent d’outils tels que ceux qui sont décrits dans le rapport de l’OCDE sur le lobbying (OCDE, 2021[54]) :
Des registres de lobbying qui durcissent les exigences de divulgation des activités de lobbying, afin que soient renseignés les objectifs de ces activités, leurs bénéficiaires, les décisions visées et les types de pratiques utilisées, y compris le recours aux réseaux sociaux comme moyen d’influence. Ainsi, en avril 2021, l’Union européenne a conclu un accord interinstitutionnel entre le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sur l’adoption d’un registre de transparence obligatoire, obligeant les représentants d’intérêts à s’enregistrer avant d’exercer certaines activités de lobbying liées à l’une des trois institutions signataires. Cet accord couvre également les activités de lobbying dites « indirectes » qui ont pris de l’ampleur à la faveur de la pandémie de COVID-19.
Rendre public l’agenda des hauts fonctionnaires qui participent aux processus décisionnels pertinents (par exemple, les ministres du Numérique, de la Santé et de l’Environnement).
Imposer la divulgation a posteriori de la manière dont les décisions législatives ou réglementaires ont été prises. Les informations ainsi révélées pourraient inclure l’identité des parties prenantes rencontrées, les fonctionnaires impliqués ainsi que l’objet et le résultat de leurs réunions, de même qu’une évaluation de la manière dont les contributions reçues ont été prises en compte dans la décision finale.
Élargir l’obligation de divulgation des dons des entreprises à des partis politiques afin d’accroître le droit de regard quant à la participation des entreprises aux processus concernés sur l’action publique à l’échelle mondiale. Par exemple, les entreprises concentrées dans les secteurs très gourmands en énergie et en combustibles fossiles essuient des critiques de plus en plus vives de la part des investisseurs, des actionnaires et des consommateurs, qui leur reprochent de jouer les faux-semblants des engagements climatiques ou des politiques de durabilité afin de soigner leur image de responsabilité écologique, tout en se livrant parallèlement à un lobbying pour faire barrage aux politiques climatiques contraignantes ou les retarder, ou en versant des dons à des candidats opposés au renforcement de la réglementation sur le climat. Depuis quelques années, la pression exercée par les investisseurs et les principaux gestionnaires d’actifs pour que le lobbying et le financement des partis politiques soient davantage considérés comme un risque pour la performance environnementale, sociale et de bonne gouvernance (ESG) des entreprises a eu une influence non négligeable sur les stratégies commerciales des entreprises. Dans le domaine du climat, le nombre de propositions d’actionnaires visant la divulgation par les entreprises d’informations à même d’éclairer leurs interactions avec le milieu politique a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, pour figurer parmi les résolutions d’actionnaires les plus fréquemment soumises au vote (InfluenceMap, 2021[55] ; Glass Lewis, 2021[56]). Une meilleure communication sur les dépenses de lobbying et les contributions politiques — avec une meilleure transparence sur les objectifs et les résultats en matière d’ESG — permettrait aux investisseurs et aux autres parties prenantes d’évaluer, entre autres, dans quelle mesure les objectifs des activités de lobbying et des dépenses politiques sont susceptibles d’avoir des objectifs divergents de ceux des initiatives de durabilité.
La désignation de groupes d’experts et d’organes consultatifs ad hoc doit s’accompagner de garde-fous adéquats de transparence et d’intégrité, afin d’assurer la légitimité des avis formulés. Pour atteindre des objectifs à l’échelle mondiale, les pays peuvent faire appel à des groupes d’experts et des organes consultatifs indépendants spécialisés, tels que, dans le domaine du climat, le Haut Conseil pour le climat en France, le Climate Change Advisory Council en Irlande et le Committee on Climate Change au Royaume-Uni. Selon leur statut et leur mandat, leurs missions peuvent inclure la présentation au Parlement et/ou au gouvernement d’une analyse objective sur les risques liés au climat. La composition de ces organes peut consister exclusivement en des chercheurs ou des universitaires ou s’appuyer sur une composition plus large (Weaver, Lotjonen et Ollikainen, 2019[57] ; Averchenkova, Fankhauser et Finnegan, 2018[58]). Or les représentants du secteur privé qui participent à ces groupes consultatifs ont directement accès aux processus décisionnels sans être considérés comme des lobbyistes, alors qu’ils peuvent, inconsciemment ou délibérément, favoriser les intérêts de leur entreprise ou de leur secteur et, par ricochet, également accroître le potentiel de conflits d’intérêts. En 2019, seulement 47 % des pays de l’OCDE fournissaient des informations sur les participants aux groupes consultatifs, ce qui laisse une marge considérable pour améliorer la transparence. Pour que le grand public ait un droit de regard, il doit pouvoir consulter en ligne les informations sur la structure des groupes, leur mandat, leur composition et leurs critères de sélection. Ces groupes doivent également adopter des règles de procédure, notamment en ce qui concerne les modalités de nomination, les normes de conduite et, surtout, observer des procédures de prévention et de gestion des conflits d’intérêts (OCDE, 2021[54]).
Sans compter que plusieurs régimes autocratiques investissent activement dans des organisations internationales et leurs structures de gouvernance mondiale connexes. Il est donc essentiel de contrer l’influence indue exercée par une poignée d’acteurs et de régimes autocratiques et l’élaboration qui en découle de politiques partiales. Si plusieurs organisations internationales4 ont pris des mesures dans ce sens, il reste néanmoins des progrès à faire. D’où la nécessité que les pays prônent des réformes s’inspirant de bonnes pratiques et conformes aux normes existantes, y compris les principes de l’OCDE pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying.
3.5. Renforcer la résilience face à une influence étrangère indue
Dans un contexte de la mondialisation, les démocraties sont confrontées à multitude de défis. On compte parmi eux les effets déstabilisateurs induits par les influences indues qu’exercent des puissances étrangères sur la démocratie, parmi elles certains régimes autocratiques.
Le potentiel de déstabilisation ciblée de démocraties dans les pays de l’OCDE de la part de régimes autocratiques se manifeste à trois grands niveaux. Premièrement, ces régimes peuvent exploiter les failles du système pour encourager des campagnes de désinformation, financer des partis politiques dans des buts malveillants et provoquer des ingérences étrangères dans l’élaboration des politiques nationales.5 Deuxièmement, les démocraties peuvent elles-mêmes être vulnérables à des activités illégales et illicites, qu’il s’agisse de corruption ou de commerce illicite par exemple. Troisièmement, l’action mondiale des démocraties pour s’attaquer à des défis majeurs peut également pâtir de l’influence indue des activités de lobbying auxquelles se livrent tant des acteurs étrangers que de puissants intérêts privés, comme on l’a vu à la section précédente. Malgré les multiples efforts de la communauté internationale, les recettes de certaines de ces activités trouvent parfois moyen de s’infiltrer dans les économies des démocraties, car souvent elles offrent des refuges plus sûrs.6 Tous ces facteurs se conjuguent pour contribuer à affaiblir la cohésion interne des sociétés démocratiques et à susciter des perceptions du caractère dysfonctionnel et corrompu des démocraties, qui sont indignes de confiance et faciles à soudoyer, qui au bout du compte peuvent se traduire par un renforcement du soutien à des formes de gouvernement non démocratiques (Zelikow et al., 2020[59]).
Pour que les démocraties restent ouvertes sur l’extérieur dans un contexte de mondialisation, des investissements s’imposent pour mieux les protéger de la déstabilisation de leur propre modèle par des puissances étrangères. Il s’agit pour cela de discerner les menaces étrangères, de les contrer et d’évaluer les risques. Le renforcement de la résilience à ces risques nécessite un certain nombre d’actions qui s’appuient mutuellement, notamment la prévention de la mésinformation et de la désinformation ; le renforcement de l’intégrité et de la transparence des activités de lobbying et de toutes les formes d’influence, y compris de financement des partis politiques ; le renforcement de l’intégrité et de la transparence dans les secteurs à but non lucratif et de l’éducation, en s’attaquant aux fautes des programmes de citoyenneté par investissement et de résidence par investissement (CBI/RBI) ; ainsi que le comblement des lacunes fondamentales dans les cadres de lutte contre les échanges illicites et le blanchiment d’argent, et ceux de la propriété effective et de la transparence fiscale, par l’adoption d’approches multidisciplinaires à grande échelle.
3.5.1. Prendre la mesure des menaces que les régimes autocratiques font peser sur les démocraties
Les données probantes sont de plus en plus nombreuses quant à l’étendue et à la portée des pratiques auxquelles ont recours certains régimes autocratiques pour s’ingérer dans les affaires intérieures de démocraties. Ces régimes ont employé toutes sortes de moyens pour gagner de l’influence dans les pays démocratiques. Certains moyens sont exercés de façon ouverte et légitime par l’entremise de leur ambassade ou de leur représentant permanent, qui participent directement à certains débats démocratiques dans le pays d’accueil. Toutefois, en se jouant dans l’ombre, un grand nombre des méthodes et voies utilisées posent un risque pour les démocraties et sont considérées comme constituant des activités d’« ingérence étrangère » dans la mesure où elles concernent « les activités clandestines, trompeuses et coercitives entreprises par des acteurs étrangers (ou pour le compte de ceux-ci) afin de favoriser leurs intérêts ou leurs objectifs ».7 Ces activités se manifestent notamment par des campagnes de désinformation, l’exploitation des failles des mécanismes de lobbying et de financement politique pour s’ingérer dans les processus de prise de décisions et d’élaboration des politiques, des efforts d’entrave à la liberté des médias et la cooptation des institutions civiques par divers moyens. Des actions de la sorte peuvent non seulement saper la confiance du public dans les démocraties, mais aussi avoir un effet transformateur sur les politiques intérieures et étrangères, le système électoral, les intérêts économiques et la sécurité nationale (OCDE, 2021[54]). Certains pays de l’OCDE n’ont pas attendu pour agir et les ripostes qu’ils prennent peuvent servir de bonnes pratiques pour renforcer la résilience des démocraties face aux risques mondiaux.
La propagation de contenus de mésinformation et de désinformation
La propagation de contenus de mésinformation et de désinformation constitue une menace fondamentale pour le libre échange d’informations factuelles qui constitue le socle de la vie démocratique (voir le Chapitre 1). Si la désinformation et la mésinformation relèvent d’un phénomène complexe et multidimensionnel, abordé au Pilier 1 de l’initiative « Renforcer la démocratie », l’action de certains régimes autocratiques peut également les influencer profondément. L’actualité récente, notamment la propagation de contenus de désinformation sur les vaccins pendant la pandémie de COVID-19, sur l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole américain et sur l’agression russe contre l’Ukraine, souligne bien à quel point des informations fausses et trompeuses dirigées depuis l’étranger peuvent affaiblir la capacité des démocraties à établir les modalités d’un débat démocratique éclairé et factuel, afin de protéger leurs intérêts nationaux et de préserver la sécurité nationale. De telles actions peuvent potentiellement favoriser l’érosion de la confiance dans les valeurs de la démocratie. Si les acteurs qui répandent des contenus de mésinformation et de désinformation sont nombreux, des éléments probants révèlent qu’une partie de ces campagnes émergent de régimes autocratiques. Par exemple, les données publiées par les grandes plateformes numériques sur les origines et les cibles des campagnes montrent que ces plateformes ont spécifiquement pris des mesures pour lutter contre les campagnes en provenance de grands pays autocratiques (Bradshaw et Howard, 2019[60]). Un nombre croissant de pays, dont beaucoup sont des démocraties, sont la cible de ces campagnes. Un rapport de 2019 fait état d’une tendance à la hausse du nombre de pays victimes de campagnes de désinformation, passant de 28 en 2017 et 48 en 2018 à 70 en 2019 (Bradshaw et Howard, 2019[60]). En mars 2021, le projet EUvsDisinfo de l’Union européenne a révélé que depuis 2015, l’Allemagne est la cible principale des campagnes de désinformation russes, avec 700 cas de désinformation ciblant l’Allemagne, 300 la France, 170 l’Italie et 40 l’Espagne (EU Disinfo Lab, 2021[61]).
Certains régimes autocratiques emploient toutes sortes de tactiques pour cibler les démocraties à l’aide de fausses informations. Par exemple, les articles traduits en français, en allemand et en espagnol à base de fausses informations qu’ils diffusent en ligne reçoivent davantage d’écho que des sources d’information établies comme celles en provenance des principaux organes d’information nationaux (Oxford Internet Institute Programme on Democracy & Technology, 2020[62]). Pour un régime autocratique, le ciblage des hispanophones, en particulier en Amérique latine, peut être perçu comme une tentative d’affirmer son influence géopolitique dans une région où il a des intérêts économiques, tout en renforçant par la même occasion la polarisation de la société (Philips et al., 2020[63]). Une autre tactique répandue consiste à encourager des journalistes étrangers à défendre des théories discréditées.
Le Pilier 1 examine en détail les mesures permettant de renforcer la résilience des démocraties face à la mésinformation et à la désinformation, parmi lesquelles : i) l’anticipation de la publication et de la propagation de contenus de mésinformation et de désinformation et la riposte à celles-ci ; ii) la prévention de la publication et de la propagation de contenus de mésinformation et de désinformation par des mesures destinées à accroître la transparence ; et iii) la mise à mal des vecteurs économiques et structurels de la mésinformation et de la désinformation (voir le Chapitre 1).
L’exploitation des failles présentes dans les mécanismes de lobbying et de financement politique
Si les activités d’influence par des puissances étrangères sont légitimes, des problèmes se posent lorsque des acteurs étrangers contournent les règles existantes ou influencent des gouvernements démocratiques par des moyens opaques. Par exemple, les pressions exercées par des entreprises proches de certains régimes autocratiques soulèvent des craintes pour la sécurité nationale dans les démocraties où elles sont implantées (OCDE, 2021[54]). D’aucuns s’inquiètent que du matériel technologique vendu par certaines entreprises puisse ouvrir la voie à des activités d’espionnage ou compromettre la sécurité économique par le vol de secrets d’affaires et de propriété intellectuelle.8
Les failles présentes dans les cadres de financement politique peuvent aussi être exploitées par certains pour tenter d’influencer les processus politiques et décisionnels. Ces failles sont multiples, que ce soit la remise de dons en nature, le recours à des intermédiaires pour soudoyer des donateurs, des politiciens et des partis, l’emploi de structures sociales opaques pour dissimuler l’origine de dons ou encore l’utilisation de cryptomonnaies et de cartes sans espèces. S’ajoutent d’autres tactiques, comme l’achat par des partis politiques d’annonces publicitaires sur les réseaux sociaux et le financement d’entreprises de presse écrite et audiovisuelles dans les pays démocratiques, ainsi que le recours à des clubs, des entreprises et des instances civiques pour servir de donateurs comme moyen d’éviter la divulgation de l’origine des fonds.9 Ces régimes peuvent également soudoyer d’anciennes personnalités politiques en leur offrant un siège au conseil d’administration de grandes entreprises publiques. Ces diverses failles sont autant de moyens permettant à des régimes non démocratiques de financer de manière détournée des partis politiques, des candidats, des campagnes ou des groupes et élites politiquement influents dans des pays démocratiques.
Afin de renforcer leur résilience face à l’utilisation détournée des mécanismes de lobbying et de financement politique, les démocraties disposent de plusieurs outils. Par exemple, pour lutter contre les risques d’ingérence étrangère par des activités de lobbying illicites, les démocraties pourraient améliorer la transparence sur l’identité des acteurs étrangers et des personnalités auprès desquelles ils font pression, ainsi que sur les enjeux qui sont la cible de ces activités. Pour l’heure, seuls quatre membres de l’OCDE ont mis en place des mécanismes (y compris de transparence en matière de lobbying) pour lutter contre les risques posés par les lobbies étrangers (OCDE, 2021[54]). En outre, pour éviter que les mécanismes de financement des partis politiques ne servent d’outil de cooptation des démocraties, il appartient à ces dernières de combler les diverses failles qui existent dans leurs réglementations respectives. Les administrations peuvent ainsi élargir les définitions des contributions en nature, renforcer les obligations de divulgation relatives au recours à des sociétés-écran, à des organismes à but non lucratif et à des petits donateurs, imposer des restrictions quant aux fonctions que peuvent exercer d’anciennes personnalités politiques ayant assumé des responsabilités à l’échelon national en resserrant les pratiques de pantouflage, assurer la transparence dans les achats numériques et le financement des médias, et exiger la déclaration obligatoire des offres d’aide émanant de puissances étrangères.
Plusieurs démocraties sont allées plus loin dans leurs efforts de renforcement de leur résilience aux ingérences étrangères en élaborant des stratégies ciblées et en attribuant des responsabilités aux institutions concernées pour repérer toute ingérence étrangère, y répondre et renforcer la résilience à celle-ci. Par exemple, l’Australie a adopté une stratégie de lutte contre les ingérences étrangères, articulée autour de cinq piliers : i) renforcer la capacité de répondre aux besoins actuels et futurs ; ii) collaborer avec les secteurs à risque afin de les sensibiliser et d’élaborer des stratégies d’atténuation ; iii) dissuader les auteurs d’ingérence en renforçant la résilience de la société australienne ; iv) prendre des mesures de défense directe contre les activités d’ingérence étrangère par une réponse concertée de l’administration publique ; et v) faire appliquer les lois de lutte contre les ingérences étrangères, en enquêtant sur les infractions et en engageant des poursuites (Gouvernement de l'Australie, Ministère de l’Intérieur, 2022[64]). Au Canada, des efforts sont en cours afin d’aider les organismes publics responsables à mieux comprendre les techniques d’ingérence étrangère et à renforcer leur coopération pour contrer les menaces.10 En outre, le Comité des parlementaires chargé d’examiner les menaces d’ingérence étrangère insiste également sur la nécessité de faire preuve d’intégrité publique pour les contrer. Le Comité a fait observer en particulier que « il faudrait rappeler aux ministres du Cabinet […] que conformément à la Loi sur les conflits d’intérêts, les titulaires d’une charge publique doivent toujours accorder la priorité à l’intérêt public avant leurs intérêts personnels » (Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (Canada), 2019[65]).
Des institutions civiques, universitaires et d’enseignement malmenées
Le recours par des acteurs étrangers aux secteurs caritatif et éducatif en vue de transformer leur réputation est de plus en plus documenté. Les mesures employées à cette fin peuvent inclure la dotation en capital d’un programme ou d’un institut, l’invitation d’une personnalité extérieure ou d’un conférencier à prendre la parole lors de manifestations de haut niveau ou l’obtention d’une admission préférentielle dans des établissements universitaires.11 Le risque posé aux démocraties est indubitable lorsque des acteurs de régimes autocratiques sont en mesure de redorer leur blason en se livrant à des activités soi-disant « vertueuses » qui leur permettent d’avoir accès à des prises de participation dans des entreprises et des partis politiques.
Des acteurs de certains régimes autocratiques malmènent aussi des institutions éducatives, sociales et culturelles des démocraties. Pour preuves les cas documentés d’ingérence étrangère dans le secteur de l’éducation par toutes sortes de moyens :
Exiger d’universités ou d’employés universitaires, ou faire pression sur eux, pour qu’ils changent les programmes d’études à la faveur d’un agenda politique, religieux ou social étranger.
Employer divers moyens pour tenter de modifier ou d’orienter le programme de recherche d’une université vers des domaines de recherche particuliers.
Cibler et recruter du personnel et des étudiants pour promouvoir les intérêts d’un acteur étranger.
Organiser des cyberattaques en exploitant des vulnérabilités du réseau et d’accès non autorisé (Gouvernement de l'Australie, Ministère de l’Éducation, des Compétences et de l'Emploi, s.d.[66]).
Or pour renforcer la résilience face aux ingérences de certains régimes autocratiques dans ces universités, il est indispensable de combler les lacunes qui existent au niveau des normes d’intégrité et de transparence. Ainsi, les États pourraient demander à ces institutions qu’elles se dotent d’une structure de gouvernance solide (notamment des normes clairement établies de transparence, d’obligation de rendre compte et d’intégrité et des mesures de contrôle interne et de gestion des risques) et exiger que le secteur rende compte publiquement de l’identité des donateurs, du montant des dons et des conditions majeures soumises à ces dons.12
La mise à mal de l’environnement dans lequel évoluent les médias et la société civile
L’existence d’un environnement favorable aux médias et aux organisations de la société civile est indispensable pour demander des comptes aux institutions démocratiques. Or cette existence dépend d’un cadre qui autorise la liberté d’opinion et d’expression, la liberté d’association, la liberté de rassemblement pacifique et le droit de participer aux affaires publiques. Un environnement favorable garantit en outre que les médias, y compris les journalistes d’investigation, sont à même de remplir leur rôle de « sentinelles » sans avoir à s’autocensurer de crainte de représailles (juridiques ou autres) (OCDE, 2020[67]). Pourtant, lorsque des acteurs étrangers s’en mêlent, force est de constater que les tentatives sont de plus en plus nombreuses d’ébranler cet environnement favorable. Dans certains pays, des acteurs autocratiques brandissent la « menace d’actions en justice sans fin et des coûts associés pour faire pression sur leurs adversaires en se prévalant de lois sur la diffamation et la protection de la vie privée » (Gouvernement du Royaume-Uni, 2022[68]). Leur effet dissuasif conduit souvent à l’autocensure, que ce soit de la part de journalistes qui s’abstiennent de faire des recherches, d’éditeurs qui s’abstiennent de commander des articles ou d’avocats qui conseillent de s’abstenir de publier certains articles (Bullough, 2022[69]).
Un environnement favorable aux médias et à la société civile garantit que les lois sur la diffamation sont adaptées à l’objet visé et permettent la publication d’informations d’intérêt public, tout en contrôlant de près les concentrations dans les grands médias publics et du rôle des actionnaires étrangers dans les principaux organes d’information. D’autres politiques pourraient être envisagées, parmi elles le plafonnement des coûts que les requérants peuvent recouvrer en cas de litige, pour éviter que ces lois ne soient détournées comme moyen de mettre en difficulté financière des journalistes d’investigation et des éditeurs, ainsi que le renforcement de l’application de la loi antitrust dans les médias et les organes d’information (Gouvernement du Royaume-Uni, 2022[68]).
3.5.2. S’attaquer aux autres préjudices directs et indirects de certains régimes autocratiques
Les démocraties peuvent également être victimes d’un large éventail d’activités menées par certains régimes autocratiques qui ont des effets délétères sur les citoyens, les administrations, les secteurs d’activité et les sociétés dans leur ensemble. La menace croissante que présente le commerce illicite est un exemple notable de ces risques à l’échelle mondiale. De même, les programmes de résidence par investissement et de citoyenneté par investissement (RBI/CBI) peuvent être utilisés et détournés pour dissimuler ou faciliter des activités de criminalité financière et économique, y compris la corruption, la fraude fiscale et le blanchiment d’argent.
Le commerce illicite
Le commerce illicite procure à certains régimes des recettes importantes, soit sous forme de produit direct du commerce illicite, soit indirectement sous forme de bénéfices économiques tirés de la facilitation du commerce illicite en provenance de ces régimes ou qui transitent par eux. L’ampleur du commerce illicite est sidérante : à titre d’exemple, les recherches de l’OCDE estiment qu’en 2019, le commerce illicite de produits contrefaits s’élevait à lui seul à 460 milliards USD (OCDE/EUIPO, 2021[70]). Même si ces régimes peuvent ne s’en approprier qu’une fraction, elle n’en reste pas moins une source importante de revenus qui, à son tour, peut financer des activités d’ingérence étrangère dans des démocraties. Un autre exemple est celui des zones de libre-échange qui, souvent, manquent de transparence et de surveillance et offrent par conséquent des possibilités de commerce illicite dans de nombreux pays (OCDE/EUIPO, 2018[71]).
Il est prouvé que certains régimes autocratiques sont des vecteurs du commerce illicite en produisant et en fournissant des biens illicites ou en autorisant l’utilisation détournée de leur infrastructure logistique à des fins d’échanges illicites. Les recherches de l’OCDE montrent ainsi qu’il faut s’attendre à ce que des pays dotés d’une bonne infrastructure logistique pour les échanges mais faibles sur le plan des règles de gouvernance et de l’état de droit deviennent d’importants vecteurs du commerce illicite (OCDE/EUIPO, 2018[72]). Le commerce illicite a des effets considérables sur les échanges, l’emploi, l’innovation, la santé et la sécurité des citoyens ainsi que sur l’environnement, qui se répercutent sur les secteurs d’activité, les administrations publiques, les consommateurs et la société dans les pays démocratiques. Les réseaux criminels qui stimulent le commerce illicite réduisent la part de marché des entreprises légitimes et sapent l’innovation. Pour des secteurs tels que les produits pharmaceutiques contrefaits ou les produits chimiques de qualité inférieure, la santé et la sécurité des consommateurs peuvent être gravement mises en danger et des dommages environnementaux peuvent apparaître.
Pour relever ces défis, les administrations et les acteurs privés doivent se mobiliser. Pour commencer, les pays peuvent chercher à collaborer avec les intermédiaires commerciaux concernés, y compris les protocoles de connaissance du client (dits « KYC »), en vue de renforcer les capacités de détection des itinéraires d’échanges susceptibles de bénéficier au contournement des sanctions. D’autres mesures consistent à assurer l’interopérabilité des systèmes d’application, à renforcer les capacités des activités d’application de la loi et de renseignement et à améliorer la collaboration interne entre les organismes nationaux concernés. La recommandation de l’OCDE sur la lutte contre le commerce illicite: renforcement de la transparence dans les zones franches (OCDE, 2019[73]) présente également une norme visant à réduire le risque d’utiliser un grand nombre de ces zones comme pôles pour le trafic illicite.
Les programmes de résidence par investissement et de citoyenneté par investissement
Les citoyens fortunés et les acteurs qui entretiennent des liens avec certains régimes autocratiques peuvent profiter des programmes de résidence par investissement (« RBI » de l’anglais Residence-by-Investment) et de citoyenneté par investissement (« CBI » de l’anglais Citizenship-by-Investment) pour dissimuler ou faciliter des activités de criminalité financière et économique, y compris la corruption, la fraude fiscale et le blanchiment d’argent. Par exemple, lorsque les mesures de diligence raisonnable sont faibles ou insuffisantes, les programmes RBI/CBI peuvent être utilisés à mauvais escient à des fins de blanchiment d’argent. Ce risque peut être particulièrement aigu lorsqu’une personne politiquement exposée (PPE) est bénéficiaire de ce programme (OCDE, 2019[74]).
Des éléments probants ont également révélé que certains programmes RBI/CBI pouvaient être utilisés pour faciliter la fraude fiscale, lorsque les titres délivrés dans le cadre de programmes RBI/CBI étaient détournés pour présenter de manière inexacte le territoire de résidence fiscale d’une personne et lui permettre ainsi de soustraire à la compétence de sa résidence fiscale effective (OCDE, 2019[74]). De plus, le manque de transparence et de contrôles internes dont pâtissent les programmes RBI/CBI peut également être un facteur d’accroissement du risque de corruption, par exemple en contrepartie d’accélérer ou de faciliter des formalités de demande. La participation d’intermédiaires, tels que des cabinets de conseil, est un autre facteur d’accroissement du risque de corruption de ces programmes. Alors qu’une poignée seulement de cabinets à la structure de propriété opaque opèrent dans ce secteur, le risque de corruption s’en trouve d’autant plus aggravé (OCDE, 2019[74]).
3.6. Conclusions
La mondialisation présente plusieurs difficultés de gouvernance publique pour les démocraties. Si elle a apporté de maints avantages économiques et sociaux, elle a aussi rendu plus complexe l’environnement pour l’élaboration des politiques et la participation des citoyens et a ouvert des failles dans lesquelles se glissent des influences étrangères indues. L’environnement ouvert et transparent des démocraties et des économies de marché offre de multiples possibilités de capitaliser sur ces failles, de malmener les institutions civiques et éducatives et de corrompre et influencer les élites nationales.
Fortes de ce constat, les démocraties doivent agir et renforcer leurs capacités de gouvernance publique pour relever les défis d’envergure mondiale, tout en prenant la mesure des menaces posées par certains régimes autocratiques et par la face cachée de la mondialisation et en les contrant. Les mesures à prendre doivent porter sur de multiples fronts, notamment en vue d’accroître la sensibilisation à ces questions, de renforcer la capacité d’insuffler une impulsion politique et une vision et de promouvoir des débats impartiaux avec les citoyens sur les actions mondiales à mener, afin de préserver leur confiance et de démontrer que les démocraties sont à la hauteur du défi. Pour cela, des efforts doivent être déployés au niveau national, par exemple par un suivi approprié des progrès accomplis, des investissements dans les compétences, l’adoption d’approches innovantes, une réflexion mondiale lorsqu’il s’agit d’appliquer des outils de gouvernance réglementaire et la garantie de la transparence dans le lobbying. Au-delà de la nécessité de coopération et de coordination, il va s’agir de mettre les bouchées doubles pour comprendre pleinement les menaces posées par certains régimes autocratiques, en prenant conscience de la possible vulnérabilité des démocraties à des abus venant de toutes parts. Il est donc impérieux que des mesures soient prises pour, entre autres, combler les lacunes, s’attaquer à la mésinformation et à la désinformation et lutter contre le commerce illicite.
La nature de ces défis nécessitera une action collective mondiale pour faire bouger les choses, accroître la résilience des démocraties face aux menaces étrangères et renforcer leur capacité à relever les défis mondiaux. Pour que cette action soit couronnée de succès, il sera essentiel que les démocraties préservent leur ouverture tout en s’attaquant aux vulnérabilités manifestes. Un plan d’action à l’appui de ce programme sera élaboré par le Comité de l’OCDE de la gouvernance publique en temps opportun (voir www.oecd.org/governance/reinforcing-democracy/).
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Notes
← 1. Dans ce chapitre, nous nous concentrerons sur la capacité des gouvernements nationaux à s’attaquer aux enjeux mondiaux qui nécessitent des réponses également mondiales, et aux problèmes susmentionnés qui revêtent une dimension transnationale claire et produisent des effets en cascade. Nous distinguerons ces enjeux mondiaux des tendances socioéconomiques associées à la mondialisation auxquelles font face la plupart des pays dans le monde, mais qui peuvent être traitées largement à l’échelle nationale, comme le creusement des inégalités et la pression démographique liée au vieillissement des populations.
← 2. Par exemple, le cadre d’interopérabilité européen (EIF), la directive INSPIRE, la directive sur les données ouvertes et la proposition de loi sur la gouvernance des données.
← 3. Conformément à la démarche suivie pour les Principes de bonne pratique de l’OCDE en matière de coopération réglementaire internationale (2021), le présent document retient une acceptation large de la notion d’instruments internationaux, englobant les traités, les décisions juridiquement contraignantes, les recommandations non juridiquement contraignantes, les traités ou lois modèles, les déclarations et les normes internationales incitatives.
← 4. Par exemple, l’OMS a adopté en 2016 un « Cadre de collaboration avec les acteurs non étatiques » qui soumet à une vérification diligente et à une évaluation des risques préalables toute interaction avec les acteurs non étatiques, qu’il s’agisse d’organisations non gouvernementales, d’entités du secteur privé, de fondations philanthropiques ou d’établissements universitaires. En outre, lorsque le Secrétariat décide de collaborer avec un acteur non étatique, le résumé des informations soumises par l’entité concernée, détenu dans le registre de l’OMS des acteurs non étatiques, est rendu public. Ce cadre établit également un registre qui contient, entre autres, des informations sur les objectifs de l’entité, tels qu’ils sont déclarés dans ses statuts, son règlement ou tout document équivalent, et les activités de l’entité en rapport avec les priorités stratégiques et les résultats du programme général de travail de l’OMS.
← 5. Voir par exemple Heathershaw et al. (2021[75]), “The UK’s Kleptocracy problem: How servicing post-Soviet elites weakens the rule of law”, Chatham House, https://www.chathamhouse.org/2021/12/uks-kleptocracy-problem; Rudolph et Morley (2020[76]), Covert Foreign Money: Financial loopholes exploited by authoritarians to fund political interference in democracies, Alliance for Securing Democracy, https://securingdemocracy.gmfus.org/wp-content/uploads/2020/08/ASD-Covert-Foreign-Money.pdf; Martin, Shapiro et Michelle (2019[77]), Recent Trends in Online Foreign Influence Efforts, Journal of Information Warfare; Bradshaw et Howard (2019[60]), “The Global Disinformation Disorder: 2019 Global Inventory of Organised Social Media Manipulation”, No. 2, Project on Computational Propaganda, Oxford, UK, https://demtech.oii.ox.ac.uk/research/posts/the-global-disinformation-order-2019-global-inventory-of-organised-social-media-manipulation/.
← 6. Voir par exemple OCDE/EUIPO (2021[70]), Global Trade in Fakes: A Worrying Threat, Illicit Trade, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/74c81154-en ; et OCDE/EUIPO (2020[85]), Trade in Counterfeit Pharmaceutical Products, Illicit Trade, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/a7c7e054-en.
← 7. Cette définition de l’ingérence étrangère est celle qui a été formulée par le ministère australien de la Justice (2019[78]), Factsheet 2: What is the difference between ‘foreign influence’ and ‘foreign interference’.
← 8. Voir, par exemple, Charlish et Goclowiski (2019[79]), “U.S. and Poland urge tougher checks on foreign influence over 5G networks”, Reuters, https://www.reuters.com/article/us-poland-usa-5g/u-s-and-poland-urge-tougher-checks-on-foreign-influence-over-5g-networks-idUSKCN1VN174 ; et Fuchs (2022[80]), “Russia’s war on Ukraine: How Russian entities are retaining much of their D.C. lobbying influence”, POLITICO, https://www.politico.com/news/2022/03/22/russian-entities-lobbying-disclosure-00019221
← 9. Voir par exemple Rudolph et Morley (2020[76]), Covert Foreign Money: Financial loopholes exploited by authoritarians to fund political interference in democracies, Alliance for Securing Democracy, https://securingdemocracy.gmfus.org/wp-content/uploads/2020/08/ASD-Covert-Foreign-Money.pdf ; et Barnett et Sloan (2018[81]), Democracy in the Crosshairs: How Political Money Laundering Threatens the Democratic Process, Atlantic Council, https://www.atlanticcouncil.org/wp-content/uploads/2018/10/Democracy_in_the_Crosshairs_updated101718.pdf.
← 10. Voir, par exemple, Sécurité publique Canada (2021[82]), Ingérence étrangère, https://www.publicsafety.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210722/015/index-fr.aspx ; et Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (2019[65]), Rapport annuel 2019, https://www.nsicop-cpsnr.ca/reports/rp-2020-03-12-ar/annual_report_2019_public_fr.pdf
← 11. Voir par exemple Heathershaw et al. (2021[75]), “The UK’s Kleptocracy problem: How servicing post-Soviet elites weakens the rule of law”, Chatham House, https://www.chathamhouse.org/2021/12/uks-kleptocracy-problem ; et Cooley et al. (2021[83]), Paying for a World Class Affiliation: Reputation Laundering in the University Sector of Open Societies, National Endowment for Democracy and International Forum for Democratic Studies, https://www.ned.org/wp-content/uploads/2021/05/Reputation-Laundering-University-Sector-Open-Societies-Cooley-Prelec-Heathershaw-Mayne-May-2021.pdf
← 12. Voir par exemple OCDE (2020[84]), « Société », dans Manuel de l’OCDE sur l’intégrité publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e1cfdb9b-fr ; et Heathershaw et al. (2021[75]), “The UK’s Kleptocracy problem: How servicing post-Soviet elites weakens the rule of law”, Chatham House, https://www.chathamhouse.org/2021/12/uks-kleptocracy-problem.