Le Costa Rica a réalisé des progrès économiques remarquables, mais se trouve aujourd’hui confronté à des enjeux de taille s’il veut préserver ses acquis et continuer d’améliorer les niveaux de vie. L’espérance de vie se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE et la stabilité politique est étayée par de solides institutions. Le chômage (Graphique 1) et l’activité informelle, qui touche quasiment la moitié de la population active occupée, sont élevés. Les perspectives de croissance avaient commencé à se dégrader avant la pandémie, et à l’avenir, le vieillissement de la population va constituer une difficulté supplémentaire.
Études économiques de l'OCDE : Costa Rica 2023 (version abrégée)
Résumé
L’économie du Costa Rica s’est bien redressée, mais les perspectives de croissance s’assombrissent
Une réaction budgétaire ciblée, une campagne de vaccination menée à bien avec succès et de solides résultats à l’exportation ont permis une reprise rapide après la pandémie (Graphique 2). La croissance va ralentir, la consommation étant freinée par la hausse de l’inflation (Tableau 1). Les exportations bénéficieront de la spécialisation dans des secteurs à haute valeur ajoutée capables de résilience, mais leur dynamisme sera entamé par le ralentissement de l’économie mondiale. La reprise progressive du tourisme améliorera l’emploi. L’inflation restera forte, dans la mesure où les tensions inflationnistes d’origine externe vont sans doute perdurer.
Tableau 1. La croissance va ralentir
Taux de croissance annuelle, en %, sauf indication contraire
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
---|---|---|---|---|---|
Produit intérieur brut |
-4.3 |
7.8 |
4.3 |
2.3 |
3.7 |
Consommation privée |
-6.9 |
7.0 |
3.6 |
2.3 |
2.7 |
Formation brute de capital fixe |
-3.4 |
11.0 |
1.6 |
-0.5 |
5.5 |
Exportations |
-10.6 |
15.9 |
12.2 |
8.8 |
9.1 |
Importations |
-12.9 |
16.9 |
5.5 |
8.5 |
7.5 |
Taux de chômage (%) |
19.5 |
16.4 |
12.2 |
11.4 |
11.1 |
Indice des prix à la consommation |
0.7 |
1.7 |
8.8 |
6.9 |
4.2 |
Solde de l’administration centrale (% du PIB) |
-8.5 |
-5.0 |
-4.1 |
-2.6 |
-2.2 |
Dette de l’administration centrale (% du PIB) |
67.2 |
68.2 |
67.5 |
66.8 |
66.0 |
Solde des paiements courants (% du PIB) |
-1.1 |
-3.3 |
-4.0 |
-3.8 |
-2.7 |
Source : Perspectives économiques de l’OCDE.
L’inflation a augmenté, accentuée par les contraintes affectant l’offre au niveau mondial et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les plus fortes hausses concernant les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Les anticipations d’inflation ont augmenté sensiblement et s’établissent à plus du double de l’objectif d’inflation de 3 %. En réaction, la banque centrale a relevé son taux directeur de 825 points de base pour le porter à 9 %. Les autorités du Costa Rica ont par ailleurs adopté des mesures ciblées pour soutenir ceux qui sont le plus durement touchés par les prix élevés de l’énergie.
Les perspectives budgétaires se sont améliorées, mais restent délicates
Après une décennie de creusement des déficits budgétaires, les performances se sont améliorées, sur fond de redressement plus important que prévu de l’activité économique et grâce au fait que tous les éléments de la réforme budgétaire de 2018, notamment concernant la règle budgétaire et la TVA, étaient réunis pour la première fois. Compte tenu du fait que la dette publique s’établit à 70 % du PIB et de l’ampleur des charges d’intérêts (Graphique 3), il est indispensable que les autorités maintiennent le cap de la prudence budgétaire, notamment en veillant à la mise en œuvre intégrale de la règle budgétaire, pour assurer la viabilité de la dette. Les charges d’intérêts pourraient d’ailleurs augmenter davantage que prévu compte tenu des relèvements en cours des taux d’intérêt à l’échelle mondiale.
Contenir les dépenses publiques et en améliorer parallèlement la qualité pour mieux soutenir la croissance et l’équité constitue un défi de taille. Poursuivre les efforts de redéploiement des dépenses, en s’appuyant sur les examens de dépenses, peut faciliter la réalisation d’investissements permettant de remédier aux déficits d’infrastructures. L’application de la loi-cadre sur l’emploi public, essentielle pour assurer le respect de la règle budgétaire et améliorer l’efficience du secteur public, devrait permettre d’économiser chaque année l’équivalent de 0.8 % du PIB.
Le système d’imposition est excessivement tributaire des cotisations de sécurité sociale. Cette situation favorise le travail informel, érode la base d’imposition et crée des inégalités. Un élargissement des bases d’imposition devrait permettre d’accroître les recettes sans relever les taux d’imposition, et de rendre le système fiscal plus progressif. Passer à un système de paiement et de perception des impôts plus centralisé et moins fragmenté pourrait permettre de réaliser des gains d’efficience et favoriser la discipline fiscale, Rendre les charges de sécurité sociale plus progressives en les réduisant pour les travailleurs à faible revenu pourra faciliter la création d’emplois dans le secteur formel.
Diffuser plus largement les avantages de l’intégration dans les échanges internationaux
Son engagement fort en faveur des échanges a été déterminant pour permettre au Costa Rica d’attirer l’investissement direct étranger, de monter en gamme dans la chaîne de valeur mondiale et de diversifier ses exportations. Les tendances à la délocalisation de proximité ouvrent de nouvelles perspectives. Son mix électrique fondé sur des sources d’énergie propres (Graphique 4) et son plan de décarbonation offrent également au Costa Rica l’occasion de devenir l’un des champions mondiaux des exportations de produits bas carbone. Un vaste et ambitieux programme de réformes permettrait de tirer profit de ces nouvelles perspectives et de diffuser les avantages de l’intégration dans les échanges dans l’ensemble du pays.
Stimuler la concurrence pourrait être l’un des piliers du programme de réformes du gouvernement. L’autorité de la concurrence a reçu moins d’un tiers du budget initialement prévu par la loi, ce qui limite sa capacité à exercer ses fonctions. De plus, le stock de réglementations est vaste et complexe, et lorsque de nouvelles dispositions réglementaires sont adoptées, rien n’oblige officiellement à en évaluer l’impact sur la concurrence. Il est aussi nécessaire de stimuler la concurrence et l’efficience dans les secteurs où les entreprises publiques jouent un rôle prépondérant comme l’électricité, la banque ou les communications numériques.
Il est également indispensable de poursuivre lutte contre la corruption pour permettre une diffusion plus large des avantages de l’intégration du Costa Rica dans les échanges. Le pays a été régulièrement secoué par des scandales de corruption, et la confiance dans l’administration est relativement faible. Actuellement, il n’existe pas de loi spécifique protégeant les agents de la fonction publique ou les salariés du secteur privé ayant dénoncé des malversations.
Réduire l’empreinte carbone du secteur des transports est un enjeu majeur. Ce secteur génère en effet 42 % des émissions de carbone. L’absence d’un réseau de transports publics efficient favorise la croissance et la généralisation des transports privés en réponse aux besoins de mobilité. La mise en place d’un système de transports publics fiable, efficient et respectueux de l’environnement est donc un volet essentiel du plan de décarbonation.
Améliorer le système d’enseignement et renforcer l’égalité des chances
Par ailleurs, améliorer les résultats du système d’enseignement, réduire l’activité informelle et faciliter le travail féminin sont autant de mesures cruciales pour libérer pleinement le potentiel de croissance du Costa Rica et réduire les inégalités. De plus, il est possible de mieux cibler certains programmes sociaux et d’en réduire la fragmentation.
Le taux d’activité des femmes au Costa Rica est inférieur à celui d’autres pays de l’OCDE. Les femmes qui assument des responsabilités familiales rencontrent des difficultés pour terminer leurs études ou pour travailler. Dans les ménages pauvres, plus de 90 % des femmes sont inactives. Élargir l’accès aux services d’éducation des jeunes enfants faciliterait l’insertion des femmes sur le marché du travail et permettrait d’améliorer les résultats et l’équité du système éducatif. La prise en charge des enfants de 5 ans par le système d’éducation des jeunes enfants a récemment été accrue, mais l’accès aux structures devrait aussi être étendu aux moins de 4 ans.
L’engagement du Costa Rica envers l’éducation et la formation est fort, mais les résultats scolaires sont faibles. Le pays enregistre un taux de scolarisation de près de 100 % dans l’enseignement primaire, mais est à la traîne en ce qui concerne d’autres résultats essentiels. Seule la moitié des 25-34 ans est diplômée du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, une proportion très éloignée de la moyenne de l’OCDE (85 %). Les Costariciens sont trop nombreux à quitter le système éducatif avant d’avoir achevé le cycle de l’enseignement secondaire. Ces difficultés ont été encore aggravées par l’un des épisodes de fermetures d’écoles les plus longs de toute l’OCDE pendant la pandémie.
Les entreprises ont des difficultés à recruter, particulièrement dans les emplois techniques et scientifiques, compromettant la capacité du Costa Rica à attirer l’investissement direct étranger. Seuls 16 % des diplômés suivent des études dans des filières scientifiques (Graphique 5), une proportion inchangée par rapport à 2005. Revoir les mécanismes de financement des universités pourrait améliorer leur redevabilité et la réactivité face aux besoins du marché du travail. Les réformes récentes de l’enseignement professionnel visent à accroître l’offre de techniciens ainsi que leurs qualifications, ce qui permettrait de réduire le décalage entre l’offre et la demande de compétences et faciliterait l’accès à des emplois dans le secteur formel.
L’accès quasi universel aux soins de santé et à l’enseignement primaire ainsi que le niveau élevé de la couverture retraite ont permis des résultats sociaux remarquables, mais les inégalités continuent de se creuser. Le Costa Rica devrait rationaliser son système de protection sociale qui s’appuie actuellement sur 21 institutions gérant plus de 35 dispositifs. Une telle rationalisation permettrait d’élargir la couverture et de renforcer la protection sociale dans certains domaines essentiels, comme la protection sociale des enfants.
PRINCIPALES CONCLUSIONS |
PRINCIPALES RECOMMANDATIONS |
---|---|
Continuer de renforcer les politiques macroéconomiques |
|
L’inflation et les anticipations d’inflation ont fortement augmenté. Les tensions inflationnistes sont généralisées. |
Maintenir l’orientation restrictive de la politique monétaire afin de garantir le retour de l’inflation vers l’objectif de 3 %. |
La situation des finances publiques s’est améliorée en 2021, grâce à la réforme budgétaire de 2018, mais elle reste délicate et nécessite des efforts soutenus pour contenir les dépenses publiques et en accroître l’efficience. La mise en œuvre de la règle budgétaire s’est heurtée à une vive opposition de la part de différents acteurs du secteur public. |
Continuer à mener une politique budgétaire prudente, notamment en veillant à ce que la règle budgétaire soit intégralement et rapidement mise en œuvre. À moyen terme, réexaminer la règle budgétaire pour s’assurer qu’elle garantit toujours une orientation prudente à la politique budgétaire et une dynamique de la dette viable. |
Maîtriser les dépenses tout en améliorant leur efficience et leur qualité, pour mieux étayer la croissance et l’équité, demeure un défi de taille. Depuis toujours, les dépenses en capital ont été en grande partie négligées. D’importantes lacunes subsistent dans les infrastructures. Les perspectives de croissance à moyen terme sont orientées à la baisse. |
En se fondant sur des examens des dépenses et de solides analyses coûts-avantages, continuer de prendre les mesures nécessaires en termes de hiérarchisation et de redéploiement des dépenses et dégager les marges de manœuvre nécessaires pour renforcer les dépenses en capital. |
La rémunération des salariés du secteur public représente plus de la moitié des recettes totales. La structure des salaires contribue aux inégalités de revenu. |
Mettre en œuvre intégralement la loi-cadre sur l’emploi public dans l’ensemble du secteur public. |
Les recettes fiscales, qui représentent 23 % du PIB, pâtissent du niveau élevé de la fraude fiscale, de l’étroitesse des bases d’imposition et de la multiplicité des dépenses fiscales. Le système fiscal peine à réduire les inégalités de revenu. |
Élargir les bases d’imposition en supprimant progressivement les exonérations régressives, comme celle qui s’applique au 13e mois de salaire ou celles dont bénéficient les coopératives. |
La loi portant création d’un conseil budgétaire indépendant a été adoptée et trois membres ont été désignés, mais aucune autre mesure n’a été prise pour permettre à cet organe de fonctionner efficacement. |
Apporter un appui technique indépendant au conseil budgétaire et définir plus explicitement son rôle. |
Stimuler la productivité et favoriser la création d’emplois dans le secteur formel |
|
L’autorité nationale de la concurrence manque toujours cruellement de ressources. Une autorité de la concurrence dotée de ressources adéquates et fonctionnant correctement est indispensable pour garantir que les efforts engagés pour améliorer la réglementation et ouvrir des marchés essentiels se traduiront par une baisse des prix pour les ménages et des coûts pour les entreprises. |
Doter l’autorité nationale de la concurrence des financements prévus par la loi. |
Le nombre d’instruments de réglementation est considérable. Des obligations administratives identiques s’appliquent à différents organismes publics. L’impact de la réglementation sur la concurrence n’est pas pris en compte. |
Réduire le corpus d’instruments de réglementation en vigueur et réaliser des analyses d’impact de la réglementation. |
Situé aux alentours de 45 % de la population active occupée totale, le taux d’activité informelle demeure élevé. L’activité informelle est à la fois une cause et une conséquence de la faible productivité, et elle accentue les inégalités. |
À moyen terme, supprimer les charges sociales qui ne servent pas à financer la sécurité sociale et financer les programmes sociaux et l’enseignement professionnel à partir du budget général. Réduire les cotisations de sécurité sociale pour les travailleurs à faible revenu. |
Il est possible de renforcer les échanges avec les autres pays d’Amérique latine ainsi qu’avec d’autres régions, ce qui faciliterait une poursuite de l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et régionales. |
Poursuivre les efforts engagés pour accroître encore l’intégration commerciale, notamment en devenant membre de l’Alliance du Pacifique. |
Renforcer l’égalité des chances |
|
Seuls 30 % des enfants de familles pauvres bénéficient d’un transfert monétaire. Il existe certains programmes sociaux dont plus de 40 % des bénéficiaires sont des ménages à revenu élevé ou intermédiaire. De nombreux organismes gèrent plus de 35 programmes sociaux. |
Instaurer un transfert monétaire universel pour les enfants pauvres. Améliorer le ciblage des programmes sociaux et en réduire la fragmentation. |
Les enfants issus de familles défavorisées ont moins accès aux structures d’accueil de jeunes enfants. Le taux d’activité des femmes pâtit des responsabilités familiales qu’elles assument, particulièrement dans les familles à faible revenu. |
Élargir l’accès aux structures d’accueil des jeunes enfants aux moins de quatre ans, en donnant la priorité aux familles à faible revenu et en instaurant des mécanismes de participation financière. |
On observe dans l’enseignement secondaire des phénomènes d’exclusion scolaire et de redoublements fréquents, qui concernent surtout les élèves issus de catégories vulnérables (pauvres, populations autochtones et migrants). |
Repérer les élèves du primaire et du secondaire dont les résultats sont insuffisants et leur offrir un soutien précoce et ciblé sous la forme d’un tutorat assuré par des enseignants bien formés, destiné en priorité aux élèves issus de catégories vulnérables. |
Le nombre de diplômés des filières STIM ne répond pas à la demande du marché du travail. Les mécanismes de financement des universités ne contiennent pas d’incitations à la redevabilité et à la qualité de l’enseignement et de la recherche. |
Modifier les mécanismes de financement des universités en liant la fourniture de fonds supplémentaires aux établissements publics à des objectifs de performance à l’échelle du système, par exemple une augmentation des filières STIM ou du nombre de diplômés. |
Dans le supérieur, les étudiants sont peu nombreux à s’orienter vers des cycles courts de formation professionnelle, alors que ces filières permettent de s’adapter rapidement à l’évolution des besoins de compétences et peuvent contribuer à réduire les inégalités. |
Renforcer l’offre de cycles courts de formation professionnelle de qualité et développer leur fréquentation via une campagne d’information. |
Renforcer la croissance verte |
|
Le secteur des transports constitue la principale source d’émissions. Pour respecter le plan de neutralité carbone, il va falloir réduire les émissions dans le secteur des transports et renforcer les puits de carbone. La taxe sur le gazole est inférieure de 60 % à celle appliquée à l’essence. |
Aligner les taux d’imposition du gazole et du combustible de soute sur celui de l’essence, et relever progressivement le taux de la taxe carbone une fois que les prix de l’énergie, pour l’instant élevés, commenceront à diminuer, en affectant une partie des recettes ainsi perçues aux ménages à faible revenu. |
L’extension des zones forestières a été soutenue par la mise en place d’un système de rétribution des services environnementaux qui permet de rémunérer les propriétaires de terre en échange de la prestation de services écosystémiques. À ce jour, ce système n’est financé que grâce aux recettes provenant des taxes sur les carburants, qui vont diminuer au fil du temps. |
Élargir les sources de financement du système de rétribution des services environnementaux. |