Hervé Boulhol
Wouter De Tavernier
Hervé Boulhol
Wouter De Tavernier
Cette introduction livre une vue d’ensemble de la publication en puisant dans les analyses des autres chapitres, et en tire les conséquences pour l’action publique. Par un retour sur l’évolution de l’emploi dans le secteur des soins de longue durée (SLD) et des projections de la demande de personnels, elle pointe le risque de graves pénuries dans les décennies à venir. L’attention est attirée sur les dures conditions de travail du secteur, notamment sur les risques élevés pour la santé, tant physique que mentale ; sur les salaires bas, des aides-soignants en particulier ; et sur le manque de reconnaissance des travailleurs et de leurs compétences. La question des salaires qui ne décollent pas malgré des pénuries de main-d’œuvre persistantes dans le secteur est également abordée. En conclusion, ce chapitre propose des mesures pour améliorer les conditions de travail et atténuer les pénuries dans le secteur des SLD.
Des images de personnels soignants épuisés sont gravées dans notre mémoire collective depuis le déclenchement de la pandémie de COVID‑19. Au moment des premières restrictions de mobilité, c’est dans le monde entier que les populations ont exprimé par des applaudissements aux fenêtres et aux balcons leur reconnaissance aux personnels soignants pour leur travail acharné et les risques auxquels ils s’exposaient en exerçant leur métier. La pandémie et l’augmentation massive des besoins de soins qui en a résulté ont pris le monde entier au dépourvu. Aux dépens à la fois des soignants, qui ont dû batailler pour continuer de faire leur métier dans des conditions souvent très difficiles, et des personnes âgées et autres catégories vulnérables, dont la qualité de vie et de prise en charge a été gravement affectée.
Une deuxième montée en flèche des besoins de soins se dessine, mais celle‑ci est largement prévue. Dans les prochaines décennies, la demande de personnels de soins de longue durée (SLD) augmentera considérablement, portée principalement par le vieillissement de la population1. Plusieurs pays sont aujourd’hui confrontés à des besoins de SLD insatisfaits et à des pénuries de professionnels du secteur au moment où les baby-boomers entrent dans le troisième âge et ont besoin d’assistance pour la toilette, les repas, la mobilité et autres activités de la vie quotidienne. De surcroît, les besoins de soins deviennent de plus en plus complexes en raison de la proportion croissante de personnes âgées atteintes de démence et de comorbidités. Ce qui demande des personnels formés avec des compétences plus poussées dans le domaine clinique, de la communication, du travail d’équipe, du numérique et de la gestion. Malgré les sonnettes d’alarme, de nombreux pays sont inadéquatement préparés pour absorber ces besoins de soins croissants.
Il est indispensable de s’attaquer aux mauvaises conditions de travail dans le secteur des SLD, notamment aux bas salaires et à la forte pression subie par les personnels, pour que suffisamment de personnes s’engagent dans ces métiers et ne les abandonnent pas. La situation est particulièrement désastreuse pour les aides-soignants. Ceux-ci composent 78 % des personnels de SLD, en moyenne dans la zone OCDE, les 22 % restants étant les personnels infirmiers – les aides-soignants sont des travailleurs formels qui assistent les personnes dans des tâches quotidiennes (bain, habillage, toilette, etc.) au domicile ou dans des institutions, sans certificat ou diplôme d’infirmier. Ce rapport montre que les travailleurs du secteur des SLD font un travail physiquement et mentalement pénible, selon des horaires souvent lourds, tout en percevant une rémunération inférieure à la moyenne comparée à d’autres travailleurs à caractéristiques équivalentes. Aussi, des améliorations sensibles des conditions de travail s’imposent pour améliorer l’attractivité du travail de SLD si les pays veulent éviter une dégradation grave de la qualité de vie de leur population âgée.
Ce rapport se concentre sur SLD dits formels : une gamme de services médicaux, d’aide et de soins à la personne, dans le but premier de soulager la douleur ; de réduire ou de gérer la détérioration de l’état de santé des personnes dépendantes à long terme ; d’aider ces personnes dans les activités de la vie quotidienne, ou AVQ, telles que repas, toilette, habillage, etc. ; et de les aider à conserver leur autonomie en les accompagnant dans les activités instrumentales de la vie quotidienne, ou AIVQ, telles que cuisine, courses, gestion des finances, etc. Les SLD formels sont dispensés par des personnels infirmiers ou aides-soignants, lesquels ne sont pas toujours déclarés, en particulier dans le cas des travailleurs logés. Ce rapport ne porte pas sur la prise en charge informelle par la famille ou les proches en dehors d’une relation formelle de travail (voir les définitions à l’Annexe 1.A). Il traite toutefois de son incidence sur les conditions de travail des personnels de soins formels étant donné que la prise en charge informelle compte pour une large part des soins dans bon nombre de pays et peut se substituer à la prise en charge formelle.
Le secteur des SLD se trouve face à un dilemme du fait que de nombreux pays manquent de plus en plus de main-d’œuvre en général alors que la demande de personnels de SLD augmente à grande vitesse. La satisfaction de besoins de SLD croissants n’est en aucun cas une problématique nouvelle. Il y a plus de dix ans, l’étude de l’OCDE intitulée Besoin d’aide ? tirait la sonnette d’alarme sur la hausse des besoins de SLD et la nécessité à la fois d’améliorer l’offre de personnels de SLD et de retenir ces derniers dans le secteur (Colombo et al., 2011[1]). Who Cares?, par la suite, a analysé le travail de SLD et la main-d’œuvre, puis suggéré des solutions pour pallier les pénuries de soins (OCDE, 2020[2]). Malheureusement, la situation ne s’est pas beaucoup améliorée. Par ailleurs, et ce qui n’était pas le cas il y a dix ans, les pénuries de SLD doivent désormais être appréhendées dans le contexte de pénuries de main-d’œuvre généralisées dans divers secteurs d’activité économique (OCDE, 2022[3]). Ready for the Next Crisis?, d’autre part, illustre comment la pandémie de COVID‑19 a révélé le manque criant de personnels dans les systèmes de santé, y compris les services de première ligne (OCDE, 2023[4]).
Ce rapport s’inscrit en complément des analyses précédentes par un examen approfondi de la situation des travailleurs du secteur des SLD dans les principales dimensions de la qualité de l’emploi. Il s’appuie pour cela sur le Cadre d’analyse de la qualité de l’emploi de l’OCDE (Cazes, Hijzen et Saint-Martin, 2015[5]). Il se penche sur le rôle attribuable aux conditions de travail dans les pénuries de SLD dans le contexte du vieillissement de la population ainsi que sur les obstacles à l’amélioration de ces conditions pour combler les manques. Dans un marché du travail performant, les pénuries de main-d’œuvre sectorielles devraient entraîner l’amélioration des conditions de travail, notamment la hausse des salaires, pour attirer plus de travailleurs. Les personnes âgées concernées sont elles aussi touchées par un grand nombre des problèmes mis en évidence puisque la qualité des emplois dans le secteur des SLD se répercute sur la qualité des soins dispensés. L’évaluation de la qualité des soins n’entre toutefois pas dans le champ de ce rapport. Pour aller Au-delà des applaudissements, des mesures de choc s’imposent afin d’améliorer les salaires et les conditions de travail, de manière plus générale, des personnels de SLD afin que les personnes âgées ayant besoin d’assistance au quotidien puissent être servies.
Ce chapitre introductif est structuré comme suit : la première partie décrit les pénuries actuelles de personnels de SLD et leur évolution prévue dans les décennies à venir. La deuxième partie porte sur les conditions de travail et couvre les risques pour la santé, les horaires de travail, la rémunération et la reconnaissance sociale. La troisième partie s’interroge sur les raisons de la persistance de mauvaises conditions de travail dans le secteur des SLD malgré les pénuries de personnels dans nombre de pays. Enfin, la quatrième section tire les conséquences des conclusions pour l’action publique.
De nombreux pays font état de difficultés structurelles de recrutement de personnels de soins de longue durée (SLD) depuis de longues années. La crise du COVID‑19 a entraîné la détérioration des conditions de travail et la multiplication des démissions dans le secteur des SLD, ce qui a pu amplifier les pénuries de main-d’œuvre.
Les travailleurs de SLD représentaient 1.9 % de l’emploi dans les pays de l’OCDE en 2021 et l’augmentation rapide de la demande de ces travailleurs est à prévoir. Sachant que la population d’âge actif devrait commencer à se contracter, de plus de 10 % en dix ans dans plusieurs pays de l’OCDE, la demande croissante sera difficile à satisfaire.
Il faudrait que la part de l’emploi total occupée par les SLD augmente de 32 %, ou 0.6 point de pourcentage, en moyenne dans la zone OCDE dans les dix années à venir pour satisfaire l’accroissement de la demande des travailleurs de SLD. C’est ce que révèlent les projections centrales qui conjuguent les effets des évolutions démographiques, de l’amélioration des revenus et de l’absence de croissance de la productivité du travail dans le secteur des SLD. Même en s’appuyant sur un scénario beaucoup plus optimiste qui suppose une croissance annuelle de la productivité du travalil de 0.5 % dans le secteur des SLD, il faudrait tout de même que la part de l’emploi total occupée par ce secteur augmente de 27 %, ou de 0.5 point de pourcentage, pour satisfaire la demande.
Les faibles niveaux de rémunération et les mauvaises conditions de travail de manière plus générale, mais aussi le manque de reconnaissance sociale, nuisent à l’attractivité du travail de SLD et alimentent ainsi les pénuries structurelles de main-d’œuvre.
Face à des pénuries de main-d’œuvre persistantes dans le secteur des SLD, les mécanismes de marché devraient conduire à des améliorations des conditions de travail. Or, plusieurs facteurs empêchent le marché de s’équilibrer : manque de financement des services de SLD, manque de pouvoir des personnels de SLD sur le marché de travail, et phénomènes d’inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché du travail dus à une mobilité géographique restreinte à l’intérieur des pays et au manque de formations. Les raisons varient d’un pays à l’autre selon le contexte, ce qui suggère des priorités d’action différentes.
Le développement des nouvelles technologies aidera probablement les travailleurs du secteur des SLD, mais sans pour autant pouvoir les remplacer entièrement pour les principales tâches de soins. Il pourra limiter les pénuries de personnels qui s’annoncent en facilitant l’autonomie des personnes âgées, en réduisant la pénibilité du travail de SLD et en améliorant l’efficience dans le secteur.
La part de l’emploi total occupée par le secteur des SLD varie de moins de 0.3 % (Grèce, Lituanie, Pologne) à plus de 4.0 % (Norvège, Suède). D’énormes différences d’un pays à un autre peuvent traduire, entre autres, des différences sur le plan du développement du secteur formel des SLD, du degré de prise en charge familiale, de l’offre de SLD en milieu hospitalier et de l’espérance de vie.
En moyenne dans les pays de l’OCDE, la main-d’œuvre du secteur des SLD est composée à 78 % d’aides-soignants et à 22 % d’infirmiers.
Les métiers des SLD font partie de ceux dans lesquels les femmes sont le plus surreprésentées. Dans un secteur à plus de 85 % féminin, les femmes continuent d’être moins rémunérées que les hommes, à emploi égal et autres caractéristiques équivalentes.
Les travailleurs nés à l’étranger représentent 26 % de la main-d’œuvre du secteur des SLD, en moyenne dans la zone OCDE, à comparer avec 20 % des effectifs tous secteurs confondus. Ils comptent pour une forte proportion des soignants logés.
La moitié seulement des personnes de 65 ans et plus très limitées dans leurs activités de la vie quotidienne bénéficie d’une prise en charge formelle dans les pays européens, tandis qu’un quart ne bénéficie ni de prise en charge formelle ni de prise en charge familiale. Il ressort de l’enquête de l’OCDE Des risques qui comptent, que la perspective de ne pas pouvoir accéder à des services de SLD de qualité est une source de vive inquiétude chez les adultes dans les pays de l’OCDE.
L’investissement dans les nouvelles technologies demeure faible dans le secteur des SLD. En moyenne dans 12 pays de l’OCDE disposant de données, l’investissement dans les technologies de l’information constitue 1.0 % seulement de la valeur ajoutée brute dans le secteur des SLD, contre 3.2 % dans l’économie totale.
La mise en œuvre des nouvelles technologies dans le secteur des SLD est freinée par le coût élevé de certaines d’entre elles (robots), par les craintes relatives à la protection de la vie privée et à la sécurité des données, mais aussi par le fait que les prestataires de services de SLD ne sont pas toujours au fait des technologies disponibles et que les travailleurs manquent de compétences numériques pour utiliser ces outils.
Les conditions de travail sont très difficiles dans le secteur des SLD. La pénibilité physique et psychologique, mais aussi les horaires de travail lourds, par exemple de nuit et les week-ends, font partie des principaux inconvénients de l’environnement de travail. Ce qui explique pourquoi les infirmiers et aides-soignants sont plus souvent absents du travail que d’autres employés pour des raisons de santé liées au travail.
Environ trois quarts des infirmiers et aides-soignants sont exposés à des risques pour leur santé physique, à comparer avec 59 % des effectifs tous secteurs confondus. Ils risquent principalement des problèmes musculosquelettiques causés par le levage des personnes et par les soins dispensés en position courbée. Les comportements agressifs des personnes soignées et l’exposition aux maladies infectieuses, comme le COVID‑19, sont autant d’autres facteurs de risque possibles importants.
Environ deux tiers des infirmiers et des aides-soignants sont exposés à des risques pour leur santé mentale, à comparer avec 43 % des effectifs tous secteurs confondus. Les principaux risques pour la santé mentale sont la lourde charge de travail et le manque de temps, auxquels s’ajoute le contact avec des personnes difficiles dans un contexte de soins.
Il ressort d’études menées en Australie et dans les pays nordiques que les personnels de SLD se sentent valorisés par les bénéficiaires de leurs soins et par leurs collègues, mais beaucoup moins par leurs cadres supérieurs, par la classe politique et par la société au sens large. Ce sentiment de dévalorisation est lié aux mauvaises conditions de travail, dont les bas salaires et le manque de statut. S’agissant de la reconnaissance des compétences, celles acquises par les aides-soignants ne sont généralement pas validées par un système de certification, contrairement aux personnels infirmiers.
Les initiatives des pays de l’OCDE en faveur d’une meilleure reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD se déclinent en revalorisation des salaires, lutte contre les discriminations fondées sur le genre, reconnaissance de l’expérience des SLD dans l’éducation, renforcement des formations requises pour les travailleurs du secteur et campagnes publiques d’information.
Le salaire horaire des aides-soignants en institution ou à domicile se situe à environ 70 % du salaire horaire moyen. Un quart des aides-soignants du secteur des SLD et en milieu hospitalier sont rémunérés au plus à 53 % et 60 % respectivement du salaire horaire moyen dans l’économie totale. Les aides-soignants en SLD sont moins rémunérés que leurs homologues en milieu hospitalier.
La combinaison d’effets métiers et secteurs conduit à des salaires bas pour les aides-soignants du secteur des SLD. S’agissant des métiers, les aides-soignants ont un salaire horaire inférieur à la moyenne de 12 %, une fois certaines caractéristiques individuelles comme l’âge, la formation, le genre, le secteur, etc. prises en compte. S’agissant des secteurs, selon les estimations, celui des SLD rémunère les travailleurs 4 % de moins que la moyenne tous secteurs confondus, à caractéristiques équivalentes. Les salaires sont particulièrement bas pour les soins hors établissements d’hébergement.
Dans la majorité des pays de l’OCDE, la couverture par conventions collectives des travailleurs formels du secteur des SLD reflète généralement la moyenne nationale, mais une couverture conventionnelle sur le papier ne suffit pas pour assurer de bonnes conditions de travail. Dans plusieurs pays, les représentants des travailleurs du secteur des SLD n’ont pas assez de poids pour négocier des améliorations tangibles des salaires et des conditions de travail. Même lorsqu’il en ont, le respect des conventions n’est pas garanti. Qui plus est, plusieurs catégories de travailleurs de SLD sont sous-représentées du fait qu’elles ne relèvent pas des conventions collectives en place parce qu’ils ne sont pas déclarés ou ont un statut d’indépendants (faux indépendants dans certains cas).
Une stratégie politique d’ensemble est nécessaire pour s’attaquer aux mauvaises conditions de travail et au manque de reconnaissance sociale du travail de SLD. Elle est en fait essentielle pour éviter que les pénuries de personnel n’atteignent des niveaux inacceptables dans le contexte du vieillissement de la population. Cette stratégie devra couvrir plusieurs dimensions et établir des priorités différentes pour les pays en fonction de l’analyse du fonctionnement du secteur des SLD. Si les règlementations sont efficaces, notamment celles qui imposent la concurrence, il est probablement préférable de relever les financements et de laisser aux prestataires la flexibilité de combiner augmentation des rémunérations, augmentation du nombre d’heures ou des effectifs. Si toutefois, malgré ces règlementations, des profits élevés sont générés pour les prestataires privés, une intervention plus directe concernant les salaires ou les effectifs est justifiée.
Augmenter le financement public et favoriser le rôle moteur des pouvoirs publics. Les finances publiques ont été sous pression durant les crises récentes et actuelle. Cependant, améliorer les conditions de travail actuelles et limiter les pénuries de main-d’œuvre futures nécessitent une augmentation sensible des dépenses publiques dans le secteur. Les pouvoirs publics peuvent aussi jouer un rôle déterminant en fixant des normes de qualité de l’emploi, directement dans les établissements publics, mais aussi en exigeant que les établissements de SLD bénéficiant de fonds publics soient couverts par la négociation collective ou respectent des normes supérieures de qualité de l’emploi.
Intervenir directement pour relever les salaires et améliorer la règlementation relative aux effectifs. Le rôle moteur des pouvoirs publics pourrait avoir pour effet la répercussion sur le secteur privé des salaires plus élevés versés par les prestataires de SLD publics. Selon le contexte propre à chaque pays, des mesures appropriées couvrant à la fois les prestataires publics et privés de SLD pourraient prendre les formes suivantes : relever les obligations d’effectif applicables aux établissements médicalisés de long séjour ; améliorer le respect des règlementations relatives aux effects et la transparence dans la communication des taux d’encadrement ; faire appliquer les règlements en matière de salaire horaire minimum tout en encourageant des salaires appropriés dans les conventions collectives ; et relever le salaire minimum sectoriel dans les pays où cet instrument existe.
Encourager la négociation collective et le dialogue social. La part de travailleurs du secteur des SLD effectivement couverts par des conventions collectives peut être augmentée en élargissant les conventions collectives à tous les personnels de SLD, en assurant le respect et la mise en application de ces conventions par le renforcement des inspections du travail et la par diffusion d’informations plus claires sur leur teneur ainsi qu’en soutenant l’affiliation aux syndycats, par exemple, via des subventions.
Renforcer la formation professionnelle. La formation professionnelle des aides-soignants, en particulier ceux qui travaillent à domicile, devrait être améliorer, par exemple par une formation initiale sur la prise en charge des personnes âgées présentant des limitations physiques et mentales courantes, complétée par des formations continues adaptées aux besoins des bénéficiaires des soins. Pour le personnel infirmier, les programmes de formation dans de nombreux pays doivent faire une plus grande place aux soins de gériatrie. Pour leur part, les professionnels de SLD à domicile doivent avoir davantage accès à des formations axées sur les besoins particuliers des bénéficiaires de leurs soins.
Promouvoir la reconnaissance sociale. Outre une formation de meilleure qualité et une rémunération supérieure, des campagnes d’information et de recrutement remettant en question les normes genrées dans le secteur des soins, ainsi que la mise au point d’un système de certification, sont essentielles pour améliorer la reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD.
Accroître l’utilisation des nouvelles technologies. Les nouvelles technologies peuvent améliorer la productivité et atténuer la pénibilité des personnels de SLD en réduisant le temps nécessaire pour d’autres tâches que l’apport de soins à proprement parler. Elles peuvent aussi les soulager des tâches les plus physiquement pénibles, comme le levage des personnes. Les obstacles à l’utilisation des nouvelles technologies peuvent être surmontés, certes en augmentant les budgets, mais aussi en veillant à ce que les cadres de gouvernance des données protègent la vie privée, en mettant en place des formations pour améliorer les compétences numériques des travailleurs du secteur des SLD et en informant les prestataires de services de SLD sur les technologies disponibles.
Renforcer les politiques de santé préventives. Les campagnes d’information publiques encourageant des modes de vie sains et les politiques de réhabilitation peuvent, en plus d’améliorer le bien-être des personnes âgées, réduire la demande croissante de services de SLD. Le rôle des personnels de SLD en santé préventive peut être renforcé par la formation, accompagnée de recommandations sur les moyens d’aider les personnes âgées à rester en bonne santé plus longtemps. Les technologies peuvent contribuer à réduire les risques pour la santé, à atténuer le déclin physique et cognitif et à faciliter l’autonomie, mais leur bonne mise en œuvre demande des efforts pour améliorer les connaissances des personnes âgées en matière de santé et leurs compétences numériques.
Encourager le passage à l’emploi formel des aides-soignants non déclarés. Les personnels de SLD non déclarés étant chose courante dans plusieurs pays, en particulier parmi les gardes logés et les travailleurs nés à l’étranger, il est impératif d’encourager leur passage à l’emploi formel pour améliorer les conditions de travail dans le secteur et assurer un degré plus élevé de conformité aux normes établies dans les conventions collectives. Cela peut être réalisé entre autres mesures par des bons pour l’achat de services déclarés, la réduction des coûts de mis en conformité et des inctiatins fiscales.
Au-delà des mesures limitant le travail non déclaré, certaines mesures générales dans d’autres domaines seraient d’un grand bénéfice pour les travailleurs du secteur des SLD, notamment lutter contre les discriminations à l’égard des femmes et des travailleurs nés à l’étranger, éliminer les stéréotypes de genre, et relever le salaire minimum national dans les pays où celui-ci est trop bas.
Une personne de plus de 65 ans sur huit déclare être très limitée dans les activités de la vie quotidienne2, mais la moitié d’entre elles seulement bénéficient d’une prise en charge formelle et un quart ne bénéficient de prise en charge ni formelle ni familiale dans les pays européens (Graphique 1.1). En Estonie, Lettonie, Lituanie et Pologne, ce sont moins d’un quart des personnes âgées présentant des limitations sévères qui bénéficient d’une prise en charge formelle, mais plus de trois quarts en Belgique, en Israël, au Luxembourg et aux Pays-Bas. La proportion de personnes âgées limitées dans au moins trois activités de la vie quotidienne bénéficiant d’une prise en charge formelle ou familiale varie d’environ 15 % (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) à environ 40 % (Lettonie, Lituanie, Pologne). Ces chiffres sont inquiétants et la perspective de ne pas pouvoir accéder à des services de SLD de qualité inquiète vivement les adultes des pays de l’OCDE. C’est ce que révèle l’enquête Des risques qui comptent, qui évalue la perception de divers risques sociaux qu’ont les citoyens des pays de l’OCDE (OCDE, 2021[6]).
La part de travailleurs du secteur des SLD dans l’emploi total a augmenté de 12 % en dix ans, passant de 1.7 % en 2011 à 1.9 % en 2021, en moyenne dans la zone OCDE (Graphique 1.2). On observe de grandes différences entre les pays, de moins 0.5 % (Grèce, Lettonie, Lituanie, Pologne et Portugal) à plus de 3 % (Finlande, Israël, Japon, Norvège et Suède). Elles s’expliquent par le développement du secteur des SLD, le degré de prise en charge familiale et l’offre de SLD en milieu hospitalier, entre autres facteurs.
Le vieillissement de la population retentit sur la demande de services de SLD de deux façons. Premièrement, alors que le nombre de personnes âgées monte en flèche, il importe de prendre en compte les variations sur tous les groupes d’âge avancé, car tant les besoins de SLD que la proportion de personnes ayant recours à des SLD formels pour satisfaire leurs besoins augmentent fortement avec l’âge. Par exemple, en moyenne dans la zone OCDE, 13 % des personnes âgées de 65 à 69 ans déclarent au moins une limitation dans les activités de la vie quotidienne (AVQ) ou les activités instrumentales de la vie quotidienne (AIVQ) ; proportion qui monte à 53 % chez les 85 à 89 ans. Entre 65 et 69 ans, 22 % des personnes limitées dans les activités de la vie quotidienne reçoivent des SLD formels, à comparer avec 49 % des personnes de 85 à 89 ans. Deuxièmement, les besoins de SLD à certains âges ont tendance à diminuer au fil du temps grâce aux améliorations de la santé.
Globalement, et selon les estimations, le nombre de travailleurs du secteur des SLD aurait augmenté au gré des évolutions démographiques, en moyenne dans tous les pays au cours de la décennie écoulée. Par conséquent, le taux d’encadrement est resté généralement stable, mais pas suffisamment pour améliorer la qualité ou la couverture compte tenu de l’absence de croissance de la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur pendant cette période (chapitre 5). Au total, il découle également de ce constat que l’augmentation du nombre de travailleurs du secteur des SLD n’a pas été suffisante pour réduire les pénuries de main-d’œuvre passées, et encore moins pour les réduire sensiblement. Ce qui explique pourquoi elles perdurent. D’autre part, bien qu’elle soit difficile à quantifier avec précision, une tendance à passer des soins en établissement aux soins à domicile se dégage dans de nombreux pays. Cela permet généralement de réaliser des économies étant donné que les soins en établissement sont plus coûteux, mais il peut falloir des travailleurs supplémentaires pour compenser la perte d’économies d’échelle dans l’emploi selon la gravité des handicaps.
Les besoins de SLD insatisfaits ne se traduisent pas nécessairement par des pénuries de main-d’œuvre. Les raisons pour lesquelles toutes les personnes ayant besoin de SLD ne sont pas prises en charge sont plurielles : l’accès limité aux financements publics, le sous-développement des établissements de SLD et des services à domicile, l’accessibilité financière, voire parfois les préférences individuelles. Les enquêtes HRS ou SHARE, par exemple, interrogent sur les besoins de SLD indépendamment des revenus des personnes ou du prix des services. En revanche, les pénuries de main-d’œuvre dépendent des salaires et des prix et indiquent que la demande de nouveaux personnels de SLD dépasse l’offre aux conditions de travail actuelles, ce qui entraîne des besoins insatisfaits. Les pays où l’accès à des SLD formels est limité peuvent déclarer des besoins insatisfaits considérables, mais sans pour autant faire état de pénuries de personnel puisque peu d’offres d’emploi sont publiées. Inversement, dans les pays où l’offre de services de SLD formels est bien développée, les besoins insatisfaits peuvent tenir principalement aux pénuries de main-d’œuvre.
Des pénuries chroniques de personnels de SLD ont été déclarées dans de nombreux pays et régions de l’OCDE au cours des quelques dernières décennies (Chapitre 5). En Australie, la liste des compétences prioritaires (Skills Priority List) répertorie les aides-soignants parmi les métiers en tension et pour lesquels une forte hausse de la demande est attendue. En Irlande, tous les établissements médicalisés de long séjour font état de difficultés de recrutement d’aides-soignants, tandis qu’en Norvège, les employeurs se heurtent à d’importants problèmes de recrutement dans les secteurs tant des SLD que de la santé. Le Portugal, le Royaume‑Uni et la Suisse, entre autres pays, admettent connaître actuellement des pénuries d’aides-soignants. En Europe de manière plus générale, les personnels infirmiers figuraient parmi les métiers les plus en tension dans 18 pays de l’UE et les aides-soignants dans 11 pays de l’UE en 2021 (AET, 2021[7]).
Non seulement les besoins de soins augmentent en quantité avec le vieillissement de la population, mais l’éventail des tâches demandées s’élargit aussi avec la complexification des soins due au fait qu’un plus grand nombre de personnes sont atteintes de maladies chroniques et de problèmes de santé mentale multiples. Alors que de nombreux pays peinent à recruter suffisamment d’aides-soignants (Chapitre 5), cette complexité grandissante signifie que les pénuries sont souvent particulièrement prononcées pour les infirmiers et autres soignants qualifiés, notamment en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Estonie et au Portugal (Eurofound, 2020[8]).
La crise du COVID‑19 a entraîné la détérioration des conditions de travail et la multiplication des démissions dans le secteur des SLD, ce qui a pu intensifier les pénuries de main-d’œuvre. De manière plus générale, les démissions ont augmenté dans la majorité des secteurs comptant une plus grande proportion d’emploi à forte intensité de contact, physiquement pénibles ou moins flexibles (Duval et al., 2022[9]). La forte augmentation des démissions dans la majorité des secteurs, aux États-Unis en particulier et surtout parmi les travailleurs d’âge très actif, a donné naissance à l’expression « la grande démission ». Les données semblent toutefois indiquer une forte mobilité à l’intérieur des secteurs dans un marché du travail tendu – les taux d’embauche ayant eux aussi monté en flèche – plutôt que des sorties importantes de secteurs particuliers causées par des changements de préférence des travailleurs au détriment des emplois faiblement rémunérés (OCDE, 2022[3]). Des taux de rotation du personnel élevés pourraient par conséquent tenir à un marché du travail qui fonctionne bien et dont les travailleurs profitent pour saisir les nouvelles opportunités (Duval et al., 2022[9]).
Le vieillissement de la population pourrait néanmoins menacer structurellement le recrutement et la rétention des infirmiers et des aides-soignants. Dans de nombreux pays de l’OCDE, les fortes hausses prévues du nombre de personnes âgées, et partant, de la demande de services de SLD, s’accompagneront d’un manque de personnel généralisé. Dans un marché du travail « structurellement tendu », les travailleurs risquent d’être moins enclins à accepter un emploi dans les professions aux conditions de travail difficiles, ce qui ne fait qu’aggraver les problèmes de sous-effectifs dans le secteur des SLD.
La demande de travailleurs du secteur des SLD devrait augmenter rapidement dans les décennies à venir. Cette hausse est le résultat du vieillissement des populations dans la majorité des pays de l’OCDE, de la hausse de la demande de services de soins due aux revenus supérieurs et de la faible productivité des services de SLD (voir ci‑après). Dans les projections de référence, lesquelles conjuguent évolutions démographiques, revenus supérieurs et absence de croissance de la productivité de la main-d’œuvre dans le secteur des SLD, la demande de services de SLD augmenterait de 32 % la part de l’emploi occupée par ce secteur sur la prochaine décennie, ou de 0.6 % point de pourcentage de l’emploi total dans la zone OCDE en moyenne (Graphique 1.3).
La demande de travailleurs du secteur des SLD augmenterait de 0.4 point de pourcentage en dix ans sous l’effet du seul vieillissement de la population ou de 22 % de la part de l’emploi occupée par le secteur des SLD (Graphique 1.3). Une tendance similaire est attendue pour la décennie suivante. Ces chiffres font apparaître une forte accélération par rapport à la décennie écoulée, pour laquelle l’incidence du vieillissement sur la proportion de travailleurs du secteur des SLD dans l’emploi total était estimée à 0.2 point de pourcentage. Ces projections reposent sur des scénarios tendanciels : le vieillissement augmente les besoins de SLD, mais on suppose qu’il n’affecte ni la part de bénéficiaires de soins formels parmi les personnes limitées dans les activités quotidiennes ni le nombre de travailleurs du secteur des SLD par bénéficiaire de soins formels (Chapitre 5). Pour être plus précis, cela signifie que le vieillissement entraîne des effets proportionnels sur le nombre à la fois de travailleurs du secteur des SLD et d’aidants familiaux requis, et donc sur le nombre de personnes ayant des besoins insatisfaits. Partant, le nombre absolu de travailleurs du secteur des SLD (ou en proportion de l’emploi total) augmente peu dans les pays où le nombre initial de travailleurs du secteur des SLD est faible puisque les projections n’incluent pas de phase de rattrapage dans le développement des systèmes de SLD, conformément aux observations passées. Dans le cas de ces pays qui sont également confrontés à un vieillissement rapide, ces projections impliquent une forte augmentation absolue du nombre de personnes ayant des besoins insatisfaits de SLD sauf s’il y a compensation par une offre de prise en charge plus informelle.
Aussi, les différences d’un pays à l’autre quant à l’impact estimé du vieillissement sur la demande de travailleurs du secteur des SLD en proportion de l’emploi total dépendent de l’évolution prévue du nombre de personnes âgées par groupe d’âge ainsi que de la taille initiale de la main-d’œuvre du secteur des SLD (Graphique 1.3). Les projections de la demande de travailleurs du secteur des SLD tiennent compte de la diminution attendue des populations d’âge actif dans bon nombre de pays de l’OCDE. La contraction des populations d’âge actif devrait se situer à 2 % en moyenne dans les pays de l’OCDE en dix ans, mais elle pourrait dépasser 10 % en Allemagne, Corée, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne et République slovaque.
S’ajoutent à l’évolution démographique les effets de la croissance économique. Elle devrait elle aussi accroître la demande de services de SLD en raison à la fois de l’effet du revenu et du fait que la croissance de la productivité dans le secteur des SLD devrait être inférieure à celle de l’économie globale (l’effet Baumol). La hausse des revenus engendrée par la croissance économique fait à son tour augmenter la demande de services de SLD et permet aux individus de dépenser plus en SLD ou à plus d’individus d’accéder à des services de SLD. Une croissance de la productivité de la main-d’œuvre plus forte dans l’économie globale que dans le secteur des SLD signifie que le progrès technologique permet de relativement plus importantes économies de main-d’œuvre dans d’autres secteurs. Le secteur des SLD étant à forte intensité de main-d’œuvre, il enregistre de faibles niveaux de croissance de la productivité de cette main-d’œuvre. En moyenne dans les pays de l’OCDE, la productivité de la main-d’œuvre a légèrement diminué dans les secteurs des soins en quelques décennies tandis qu’elle a augmenté de 1.5 % par an dans l’économie totale. En raison de cette faible croissance, des travailleurs supplémentaires sont nécessaires dans le secteur des SLD pour satisfaire une demande grandissante.
Les récentes publications de l’OCDE ont attiré l’attention sur l’ampleur des possibilités d’amélioration de l’efficience des services de SLD dans la majorité des pays membres (OCDE, 2020[2]). Par exemple, le personnel infirmier exécute souvent des tâches en dessous de ses compétences (habillage des personnes âgées, etc.) et un tiers des pays seulement autorisent la délégation de tâches des médecins aux infirmiers et des infirmiers aux aides-soignants. De même, les services de SLD demeurent à forte intensité de main-d’œuvre et la croissance de la productivité enregistrée jusqu’à présent est très faible. Les nouvelles technologies pourraient toutefois être beaucoup plus utilisées, ce qui contribuerait à réduire le coût des services de SLD, à maîtriser des besoins d’emploi qui ne cessent autrement de s’amplifier et à améliorer la qualité des services. Les technologies numériques peuvent aussi faciliter l’autonomie des personnes âgées et réduire la pénibilité du travail de SLD.
L’investissement du secteur des SLD dans les nouvelles technologies demeure faible. En moyenne dans 12 pays de l’OCDE disposant de données, l’investissement dans les technologies de l’information constitue 1.0 % seulement de la valeur ajoutée brute dans le secteur des SLD, contre 3.2 % dans l’économie totale (Chapitre 5). Si les nouvelles technologies ne sont pas limitées aux seules technologies de l’information dans le secteur des SLD, bien que le coût des robots constitue un obstacle de taille à leur utilisation, les capteurs et les tablettes équipées d’applications spécialisées sont attractifs, car moins coûteux et capables de réduire le temps consacré aux tâches administratives, à la coordination, à la surveillance et au transport. Ils sont de plus en plus utilisés dans le secteur, pour les soins en établissement comme à domicile.
En augmentant la productivité de la main-d’œuvre, les technologies numériques et autres peuvent limiter les pénuries futures de travailleurs des SLD. Il est toutefois improbable qu’elles remplacent entièrement les travailleurs du secteur des SLD pour les principales tâches de soins. Les projections de l’emploi dans ce rapport comprennent un autre scénario possible, très optimiste, avec taux de croissance annuelle de la productivité de la main-d’œuvre de 0.5 % dans le secteur des SLD, comparé avec le scénario de base à croissance zéro conforme aux observations antérieures. Selon cette hypothèse, le secteur des SLD serait en mesure d’économiser sur l’emploi, ce qui aurait pour effet de restreindre l’augmentation de la proportion de l’emploi occupée par les SLD. Cependant, même avec une telle recrudescence de la productivité, la hausse de la demande de travailleurs du secteur des SLD resterait très forte et atteindrait 0.5 point de pourcentage de l’emploi total ou 27 % en dix ans au lieu de 0.6 point de pourcentage et 32 % respectivement, selon les projections de référence.
Les caractéristiques des emplois dans le secteur des SLD sont mesurées et évaluées dans les trois dimensions mises en relief par le Cadre d’analyse de la qualité de l’emploi de l’OCDE (Cazes, Hijzen et Saint-Martin, 2015[5]) : la qualité des salaires renvoie à l’adéquation des salaires individuels et de leur niveau relativement à ceux d’autres travailleurs (Chapitre 2) ; la sécurité du marché du travail, aux risques de perte d’emploi et au coût économique de la perte d’emploi pour les travailleurs (Chapitre 3) ; et la qualité de l’environnement de travail, aux aspects non économiques des emplois (Chapitres 3 et 4).
Les conditions de travail sont très difficiles dans le secteur des SLD. La pénibilité physique et psychologique, mais aussi le travail de nuit et du week-end, sont d’importants inconvénients de l’environnement de travail dans le secteur des SLD (Chapitre 3). Malgré les conditions de travail difficiles, les salaires des aides-soignants, particulièrement de ceux qui travaillent à domicile, sont inférieurs à ceux de travailleurs à caractéristiques équivalentes, en santé et dans d’autres secteurs (Chapitre 2). Par ailleurs, tandis que les personnels de SLD ont le sentiment que leur travail est apprécié par les personnes qu’ils soignent, ils ressentent généralement un manque de reconnaissance sociale de la part de leur hiérarchie, des décideurs et de la société au sens large (Chapitre 4).
Le travail de soins est pénible tant physiquement que mentalement. En 2020, environ trois quarts des infirmiers et aides-soignants en soins de santé et soins de longue durée dans les pays européens de l’OCDE étaient exposés à des risques pour leur santé physique, et environ deux tiers pour leur santé mentale. Ces chiffres sont à comparer avec 59 % et 43 % de tous les salariés, respectivement (Graphique 1.4). Alors que 27 % des infirmiers et aides-soignants déclarent ne pas être exposés à d’importants risques pour leur santé physique, une proportion comparable (28 %) estime que les charges lourdes posent le plus grand risque pour leur santé physique (Partie A). Le surpoids et l’obésité chez les personnes âgées étant en hausse dans certains pays, le levage de personnes risque d’avoir des répercussions de plus en plus graves sur la santé musculosquelettique des soignants avec le temps. Les infirmiers et aides-soignants sont par ailleurs 18 % à citer des positions fatigantes et douloureuses comme principal facteur de risque pour leur santé physique, par exemple après avoir dispensé des soins en position courbée à une personne âgée en position allongée. À 12 %, les infirmiers et aides-soignants étaient quatre fois plus susceptibles que les autres travailleurs de signaler d’autres risques pour leur santé physique, dont les comportements agressifs des personnes soignées et l’exposition à des maladies infectieuses comme le COVID‑19.
En ce qui concerne l’exposition à des risques pour leur santé mentale, 31 % des infirmiers et aides-soignants citent une lourde charge de travail et les pressions sur le temps que cela implique comme étant le plus grand risque pour leur santé mentale, à comparer avec 19 % de tous les autres salariés (Partie B). La pression et la frustration ressenties par les soignants sont causées par des exigences administratives qui ne laissent que peu de temps pour s’occuper des personnes qu’ils soignent. Pour 18 % encore des infirmiers et aides-soignants, ce sont les interactions difficiles avec les personnes qu’il soignent qui constituent le principal risque pour leur santé mentale Bien que les soignants soient souvent exposés à diverses formes d’agressions, peu d’entre eux citent ces formes de violence ou leur menace comme étant le principal risque pour leur santé mentale. Dans une autre étude, Eurofound (2020[8]) révèle que 26 % des travailleurs du secteur des SLD ont subi des agressions verbales, 11 % déclarent avoir été menacés et 8 % avoir été humiliés ou harcelés pendant le mois précédant l’enquête.
La mise en œuvre de nouvelles technologies peut contribuer à réduire l’exposition à des risques pour la santé mentale et physique des travailleurs du secteur des SLD (Chapitre 5). L’utilisation de robots et d’appareils de levage, par exemple, réduit l’impact sur la santé musculosquelettique des personnels de SLD des gestes exécutés pour aider les personnes à se coucher, à se lever et à faire leur toilette. Les capteurs, tablettes et autres appareils peuvent libérer du temps en facilitant les activités autres que l’apport de soins. Ces technologies sont de plus en plus mises à contribution en SLD, même si leur utilisation pourrait être encore élargie. Les raisons de ce recours limité à des technologies moins coûteuses ne sont pas entièrement claires, mais il pourrait tenir à un manque de connaissance des technologies disponibles de la part des prestataires de services et un manque de compétences numériques des travailleurs.
Les travailleurs du secteur des SLD sont bien plus susceptibles que d’autres employés d’avoir des horaires de travail difficiles à concilier avec leurs responsabilités familiales ou des activités sociales, notamment avec du travail de nuit et pendant les week-ends. En moyenne dans la zone OCDE, 36 % des travailleurs du secteur des SLD travaillent parfois ou généralement la nuit alors qu’ils ne sont que 14 % de l’ensemble des employés à le faire ; en revanche, le travail de nuit est plus courant chez les infirmiers et aides-soignants dans presque tous les pays et concerne en moyenne 46 % d’entre eux (Graphique 1.5). Les travailleurs du secteur des SLD sont également près de 2.5 fois plus susceptibles de travailler le dimanche que la moyenne des employés (chapitre 3). Sur l’ensemble des travailleurs du secteur des SLD, 70 % travaillent généralement ou occasionnellement le dimanche, contre 27 % des effectifs tous secteurs confondus et 61 % des infirmiers et aides-soignants en soins de santé.
Le travail à temps partiel est plus répandu chez les travailleurs du secteur des SLD que chez les autres. En moyenne dans la zone OCDE, 32 % des travailleurs du secteur des SLD sont employés à temps partiel, contre 18 % des effectifs tous secteurs confondus et 24 % des infirmiers et aides-soignants en soins de santé. Même dans certains pays faisant état d’une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des SLD, une part non négligeable de ces travailleurs employés à temps partiel souhaitent travailler davantage.
En moyenne dans la zone OCDE, les aides-soignants dans le secteur des SLD sont rémunérés environ 70 % du salaire horaire moyen. De plus, dans la majorité des pays de l’OCDE, leurs salaires sont moins élevés lorsqu’ils travaillent à domicile que lorsqu’ils travaillent en établissement de SLD. Les aides-soignants gagnent moins dans le secteur des SLD qu’à l’hôpital par rapport à l‘ensemble de la distribution des salaires. Par exemple, un quart des aides-soignants gagne au mieux 53 % du salaire moyen dans le secteur des SLD contre au mieux 60 % dans les hôpitaux (Graphique 1.6). Seulement 10 % des aides-soignants du secteur des SLD gagnent au moins le salaire moyen. À l’instar des aides-soignants, le personnel infirmier perçoit un salaire moins élevé dans le secteur des SLD qu’en milieu hospitalier : le salaire médian du personnel infirmier dans le secteur des SLD correspond au salaire moyen global alors qu’il est supérieur de 11 % pour les infirmiers qui travaillent à l’hôpital. Dans le secteur des SLD, le salaire horaire moyen du personnel infirmier est 39 % plus élevé que celui des aides-soignants.
Les chiffres ci-dessus sont issus de statistiques descriptives influencées par des caractéristiques individuelles telles que l’éducation, le genre, le nombre d’heures travaillées et l’ancienneté. Mais même lorsque ces caractéristiques individuelles sont prises en compte, ainsi que les différences sectorielles, les auxiliaires de vie continuent de percevoir des salaires horaires inférieurs de 12 % à la moyenne des autres professionnels (Graphique 1.7).3 Cet effet négatif de 12 % lié à la profession d’auxiliaire de vie est proche de celui des serveurs (‑11 %), et plus élevé en valeur absolue que celui des coiffeurs (‑8 %) mais inférieur à celui des cuisiniers (‑16 %) ou des éboueurs (‑36 %).4 Parmi tous les métiers, les estimations vont de - 40 % pour les travailleurs des petits métiers des rues à + 49 % pour les directeurs de grandes entreprises.
Les travailleurs dans des professions similaires et qui présentent des caractéristiques similaires gagnent environ 8 % de moins par heure dans les établissements de SLD qu’à l’hôpital. La différence entre les salaires moyens bruts dans ces deux secteurs est égale à 31 %, ceci implique qu’environ trois quarts de cet écart moyen important sont dus à des différences de caractéristiques chez les travailleurs tandis que le quart restant ne s’explique pas par les caractéristiques individuelles et peut être interprété comme un désavantage lié au travail dans le secteur des SLD.
Les travailleurs du secteur des SLD gagnent également en moyenne 4 % de moins que les travailleurs présentant des caractéristiques similaires dans tous les autres secteurs. Alors que les salaires dans les établissements d’hébergement médicalisés (c’est à dire des structures de soin avec hébergement qui proposent également une aide médicale dispensée par des infirmiers en plus d’un accompagnement dans les tâches du quotidien) se situent autour de la moyenne pour des travailleurs qui présentent des caractéristiques individuelles similaires dans tous les secteurs, les salaires sont inférieurs de 4 % dans les établissements d’accueil où seul un accompagnement dans les tâches quotidiennes est proposé, et même inférieurs de 9 % lorsque les soins sont proposés en dehors de ces établissements (Graphique 1.8). Ces effets négatifs sur le salaire dans le secteur des SLD se retrouvent également dans le schéma de salaire estimé dans les secteurs de services à forte intensité de main d’œuvre : les salaires sont inférieurs de 14 %, toutes choses égales par ailleurs, dans les commerces et restaurants, de 17 % dans les centres d’appels, de 9 % dans les activités de divertissement et de loisir, et de 4 % dans l’enseignement préscolaire. En revanche, dans les secteurs tels que l’extraction pétrolière ou la réassurance, les salaires sont plus de 25 % supérieurs au salaire moyen des travailleurs présentant des caractéristiques individuelles similaires.
L’écart salarial femmes-hommes constitue un autre facteur qui contribue à ce niveau salarial bas des travailleurs des SLD, en plus du désavantage salarial lié à la profession et au secteur. Les femmes employées dans les SLD gagnent 7.6 % de moins que leurs collègues masculins à profils comparables. Ceci est bien inférieur au « handicap » salarial des femmes dans l’ensemble de l’économie qui s’élève à 14.2 % mais il est surprenant que même dans un secteur où l’emploi des femmes représente plus de 85 %, elles soient encore moins rémunérées que les hommes, pour des emplois et autres caractéristiques comparables.
La reconnaissance sociale apportée par une profession peut inciter les individus à la choisir. La « reconnaissance sociale » correspond au fait de reconnaître la contribution d’un travailleur à la vie collective et peut lui donner le sentiment de faire quelque chose d’utile pour les autres. Cela peut prendre la forme d’un statut favorable, d’une rémunération suffisamment élevée ou de signes de gratitude, comme c’était le cas lors des applaudissements destinés aux soignants lors des premières phases de la pandémie de COVID‑19 dans de nombreux pays.
D’après des études australiennes et des pays nordiques, les travailleurs du secteur des SLD se sentent valorisés par les bénéficiaires de leurs soins et par leurs collègues, mais beaucoup moins par leurs cadres supérieurs, par la classe politique et par la société au sens large (chapitre 4). Le sentiment de manquer de reconnaissance de la part de leurs cadres et de la classe politique tient probablement à leurs conditions de travail défavorables et à leur faible niveau de rémunération dont ils tiennent leurs dirigeants pour responsables. Le manque de reconnaissance sociale provient probablement du faible statut des travailleurs du secteur des SLD et est lié à une perception négative du travail en lui-même et des compétences requises pour l’exercer. Les compétences émotionnelles et psychologiques nécessaires pour s’occuper de personnes fragiles sont souvent sous-estimées.
Les normes de soins genrées minimisent les compétences nécessaires pour fournir des SLD et les niveaux de salaire requis pour attirer des travailleurs compétents et motivés dans le secteur, d’où le manque de reconnaissance et de valorisation du travail de soins. Dans le partage traditionnel genré du travail, fondé sur le modèle de l’homme seul apporteur de revenus, le soin est considéré comme un travail de femmes et les compétences requises pour réaliser ces tâches sont supposées à tort comme étant « naturelles » chez les femmes ; en outre, les soins informels ne sont pas considérés comme des activités génératrices de revenus et n’ont donc pas de valeur monétaire. Si l’adhésion généralisée au schéma de l’homme comme seul soutien familial appartient au passé, certains aspects du partage traditionnel du travail subsistent encore dans la société, notamment l’idée que le soin à la personne est féminin. Pour aller Au-delà des applaudissements et améliorer de façon durable la position des travailleurs du secteur des SLD dans la société, leur travail doit être mieux reconnu en revalorisant leur statut et leur rémunération, mais aussi en s’attaquant aux normes genrées.
En plus de lutter contre ces normes, l’enseignement et la formation peuvent favoriser une meilleure reconnaissance des travailleurs du secteur des SLD car les programmes de formation qui leur sont destinés permettent d’améliorer la qualité des soins proposés et peuvent ainsi redorer l’image des emplois dans le secteur de la dépendance. Les aides-soignants à domicile, qui travaillent souvent seuls et sont donc rarement aidés, pourraient notamment être intéressés par des formations supplémentaires car les personnes âgées vivent rarement dans des lieux conçus et équipés pour l’administration de soins de longue durée, ce qui signifie qu’une bonne maîtrise des techniques professionnelles est importante pour limiter la fatigue physique. De plus, il est nécessaire que les travailleurs du secteur des SLD reçoivent un enseignement et une formation plus poussés sur les soins adaptés aux maladies physiques et mentales des personnes dont ils s’occupent, et sur le suivi de l’évolution de ces pathologies. C’est notamment le cas pour les soins apportés aux personnes souffrant de démence puisque de plus en plus de personnes âgées qui reçoivent des SLD en sont atteintes. Les programmes de formation sont également importants pour le bon déploiement des nouvelles technologies en matière de SLD (chapitre 5). D’une part, les prestataires de services de SLD peuvent hésiter à adopter de nouvelles technologies parce qu’ils craignent que leurs employés n’aient pas les compétences requises pour les utiliser et, d’autre part, la formation est indispensable pour garantir que ces technologies nouvellement adoptées sont utilisées de façon appropriée.
Dans la majorité des pays de l’OCDE, des mesures ont été prises pour améliorer la reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD (Graphique 1.9) :
Neuf pays de l’OCDE ont augmenté la rémunération des travailleurs du secteur des SLD de façon permanente ou par le biais de primes ou de hausses temporaires de salaire en lien avec le COVID‑19 : Canada, Corée, France, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pays-Bas, République tchèque et Slovénie.
Sept pays ont pris des mesures dans le domaine de l’enseignement et de la formation, principalement en reconnaissant les expériences professionnelles passées dans le domaine des SLD en octroyant des crédits d’enseignement dans des programmes de formation, mais aussi en renforçant les exigences en matière de formation pour le personnel du secteur des SLD : Danemark, Irlande, Norvège, Portugal, Royaume‑Uni, Suède et Suisse.
Sept pays ont adopté un mélange de différentes mesures, et cinq d’entre eux souhaitaient améliorer l’image des travailleurs du secteur des SLD en organisant ou soutenant des campagnes d’information, entre autres mesures : l’Allemagne, l’Australie, l’Autriche et le Luxembourg ont mené des campagnes d’information et adopté des mesures financières et le Japon a également adopté des mesures financières et en matière de formation. La Belgique et les États-Unis ont adopté des mesures financières et en matière de formation.
Le secteur du soin a été décrit à plusieurs reprises comme « sous-évalué ». Ceci fait référence au niveau de rémunération bas mais peut également signifier que la valeur marchande des soins est inférieure à leur valeur sociale pour la collectivité ou la société, quoique la valeur sociale des SLD manque de clarté ainsi que la façon de la mesurer. Cela rappelle le concept d’externalités positives en économie selon lequel d’autres personnes que l’acheteur et le vendeur d’un bien ou d’un service tirent profit de ce bien ou de ce service. Toutefois, on ne perçoit pas clairement comment le soin à la personne profite à la collectivité dans son ensemble, au-delà de la personne qui reçoit le soin et de son entourage. Le manque de clarté de la valeur sociale du travail dans le secteur du soin ne signifie pas que les métiers de l’aide à la personne ne sont pas sous-évalués sur le marché du travail, comme le montre le désavantage salarial lié au travail d’auxiliaire de vie dans le secteur des SLD.
La relation entre le manque de reconnaissance sociale et les mauvaises conditions de travail, notamment les bas salaires, forme un cercle vicieux. Les mauvaises conditions de travail nuisent à la reconnaissance sociale, ce qui contribue au maintien d’un niveau de salaire bas et d’environnements de travail difficiles. Dans un marché du travail qui fonctionne, les pénuries de main-d’œuvre sectorielles devraient entraîner une amélioration des conditions de travail, notamment des salaires, pour attirer un plus grand nombre de travailleurs et répondre à la demande. Pourtant, de nombreux pays doivent faire face à des pénuries de main-d’œuvre persistantes dans le secteur des SLD.
Cette partie propose d’abord un tour d’horizon des principales raisons pour lesquelles le niveau des salaires est aussi bas dans le secteur des SLD. Elle tente ensuite d’expliquer pourquoi les pénuries de main-d’œuvre persistantes n’ont pas conduit à une amélioration substantielle des conditions de travail afin d’augmenter l’offre de travailleurs. Il est important de repérer les principaux mécanismes à l’œuvre dans la formation des salaires puisque selon les explications avancées, les implications pour l’action des pouvoirs publics seront différentes.
Le niveau d’études constitue un déterminant important du niveau de salaire et le niveau d’instruction requis pour les aides-soignants dans le secteur des SLD – qui comptent pour près de quatre travailleurs du secteur sur cinq – est relativement limité dans de nombreux pays. La plupart des travailleurs des SLD ont un niveau d’instruction moyen : seuls environ 20 % des travailleurs du secteur des SLD, essentiellement des infirmiers, disposent d’un diplôme de l’enseignement supérieur et environ 20 % sont, au mieux, diplômés du premier cycle du secondaire, en moyenne dans l’ensemble des pays (chapitre 2). Dans certains pays, une majorité des travailleurs du secteur des SLD n’ont aucun diplôme dans le domaine de la santé ou social.5 Cependant, alors que les emplois dans le domaine des SLD sont souvent classés comme des emplois peu qualifiés, les compétences requises dans la pratique pour apporter des soins de qualité sont complexes et, contrairement aux infirmiers, les aides-soignants ne bénéficient généralement pas d’une certification des compétences acquises.
L’écart de rémunération persistant entre les hommes et les femmes contribue également à faire baisser le salaire horaire des travailleurs du secteur des SLD. Cet écart est en partie lié à la répartition inégale du travail du soin entre les femmes et les hommes. Le désavantage salarial des femmes se traduit par des salaires d’un niveau globalement bas parmi les travailleurs des SLD puisque les métiers dans ce secteur font partie de ceux dans lesquels les femmes sont le plus surreprésentées et comptent pour plus de 85 % des travailleurs. Les seuls autres secteurs caractérisés par une telle surreprésentation des femmes sont les agents d’entretien, les agents administratifs et les aidants.
Cette surreprésentation des femmes dans les SLD est liée à l’organisation du temps de travail et aux normes et stéréotypes genrés. Dans le secteur des soins de santé et des SLD, les femmes sont deux fois plus susceptibles que les hommes de travailler à temps partiel, avec respectivement 32 % contre 16 % (chapitre 4), alors que le travail partiel est plus fréquent dans les SLD que dans l’ensemble de l’économie pour les hommes et les femmes puisque ces emplois permettent souvent de travailler à temps partiel ou avec des horaires flexibles. De plus, les stéréotypes et les préjugés sexistes persistants dans le domaine des tâches familiales et domestiques non rémunérées jouent un rôle crucial. Les filles sont deux à trois fois plus susceptibles que les garçons de faire des études en rapport avec la santé, et les femmes ont tendance à être considérées comme plus naturellement « aptes » à travailler dans le secteur des soins, ce qui va dans le sens des normes genrées abordées ci-dessus. Pour s’attaquer à ces problèmes, il est nécessaire de lutter contre la discrimination de genre sur le marché du travail mais aussi contre les normes genrées et plus généralement contre les stéréotypes. Il serait d’une grande utilité, en particulier pour les SLD, d’élargir le vivier de recrutement en cherchant à employer plus d’hommes.
Le fait qu’une part importante des travailleurs du secteur des SLD soient des migrants a tendance à favoriser de mauvaises conditions de travail, notamment des salaires bas dans le secteur. Les travailleurs nés à l’étranger représentaient 26 % de la main-d’œuvre du secteur des SLD en moyenne dans la zone OCDE en 2021, à comparer avec 20 % des effectifs tous secteurs confondus. Le nombre actuel d’auxiliaires de vie nés à l’étranger pourrait être supérieur à celui annoncé, en particulier dans les pays où les auxiliaires de vie logent fréquemment chez le bénéficiaire des soins, parce que les travailleurs immigrés sont généralement moins susceptibles de participer aux recueils de données et que le volume du travail non déclaré est important lorsque les auxiliaires de vie sont logés. Les travailleurs immigrés ne peuvent choisir que parmi un nombre limité d’emplois décents compte tenu de la barrière de la langue et de leur accès restreint aux réseaux sociaux qui permettent de trouver un emploi, et parce que leur droit à demeurer dans le pays peut dépendre de leur maintien dans leur emploi actuel. La dépendance de la main-d’œuvre étrangère pour pourvoir les postes vacants dans le secteur des SLD augmentera probablement en raison du vieillissement de la population. Si l’analyse des salaires de l’OCDE n’a pas révélé de discrimination salariale à l’encontre des travailleurs nés à l’étranger au sein de la main-d’œuvre du secteur des SLD, ces travailleurs représentent une forte proportion des gardes logés ; et le manque de rigueur dans le suivi de leurs conditions d’emploi les expose aux risques d’abus, par exemple à de longues heures de travail. Une augmentation des contrôles des travailleurs logés permettrait au moins de s’assurer qu’ils sont bien traités.
Au-delà des caractéristiques individuelles telles que l’éducation, le genre, le statut au regard de l’immigration, l’accès à des soins informels – principalement non rémunérés et souvent dispensés par des membres de la famille – en éventuel remplacement des SLD professionnels (Norton, 2016[10]) constitue un quatrième facteur important qui contribue aux bas salaires dans le secteur des SLD. Alors que ce rapport s’intéresse aux soins formels, le rôle important que jouent les soins informels ne peut être ignoré puisqu’ils ont effectivement tendance à affaiblir la position des travailleurs formels de ce secteur. Dans l’Union européenne, les aidants informels représentent près de 80 % des soignants en équivalent temps plein (Commission européenne, 2021[11]). Dans toute l’Europe, les pays dont les effectifs d’aidants professionnels sont élevés affichent un nombre limité d’aidants informels, et vice versa.
Enfin, les travailleurs du secteur des SLD sont bien plus susceptibles que les employés d’autres secteurs de considérer que leur emploi à un sens, et parfois même plus que les travailleurs dans le secteur des soins de santé. Ceci constitue une motivation importante qui pousse à choisir un emploi dans les SLD (Eurofound, 2020[8]) et pourrait expliquer en partie pourquoi ces travailleurs sont prêts à accepter des salaires bas. Les avantages – c’est-à-dire les caractéristiques autres que salariales des emplois comme les avantages indirects ou la flexibilité des horaires de travail – sont largement inobservables mais peuvent contribuer à expliquer le niveau bas des salaires dans le secteur des SLD.
Il est paradoxal que les salaires soient aussi bas dans un secteur tel que celui des SLD qui souffre depuis tant d’années d’une pénurie de main-d’œuvre. Lorsque les forces du marché du travail agissent, une hausse de la demande de main-d’œuvre entraîne en principe une hausse des salaires qui attire davantage de travailleurs et réduit la demande de travail par une hausse du prix des services, équilibrant ainsi le marché. En effet, un marché du travail tendu est souvent associé à une pression à la hausse sur les salaires. Si la causalité inverse peut toutefois jouer lorsque les bas salaires entraînent des pénuries de main-d’œuvre, cela ne devrait être que temporaire.
Il y a des raisons, toutefois, qui peuvent expliquer pourquoi ces forces ne fonctionnent pas de la même manière pour le secteur des SLD et rencontrent des obstacles qui perpétuent un déséquilibre. D’après ce rapport, trois grands facteurs se trouvent derrière ce paradoxe et peuvent tous être à l’œuvre simultanément : un faible pouvoir des travailleurs du secteur des SLD sur le marché du travail ; des inadéquations ; et un manque de financement des services de SLD.
Les niveaux de salaire bas et le manque de main-d’œuvre dans le secteur des SLD suggèrent que le marché du travail de ce secteur pourrait être sujet à une situation de monopsone. Le pouvoir de monopsone désigne une situation dans laquelle les employeurs ont un fort pouvoir sur le marché et usent de ce pouvoir pour proposer des rémunérations faibles aux travailleurs, maximisant ainsi leurs profits en dépit des répercussions négatives que cela a sur le nombre de travailleurs prêts à travailler pour ces bas salaires. Dans le même ordre d’idée, les entreprises peuvent profiter du nombre limité d’autres possibilités d’emploi de certains groupes de travailleurs pour qui les autres perspectives salariales (salaires de réserve) sont faibles. Elles peuvent ainsi faire preuve de discrimination salariale, en payant ces travailleurs moins que les autres qui sont tout aussi productifs mais qui disposent d’un éventail plus large de possibilités d’emploi (ils bénéficient d’une plus grande élasticité de l’offre de travail) (Boal et Ransom, 1997[12]). D’après l’analyse ci-dessus, ceci peut s’appliquer plus particulièrement aux femmes et aux travailleurs nés à l’étranger puisque leur surreprésentation dans le secteur des SLD pourrait potentiellement affaiblir la capacité des travailleurs à négocier les salaires des emplois de ce secteur.
Le monopsone peut expliquer les pénuries de main-d’œuvre structurelles. Dans le cas d’un monopsone, les entreprises ne sont pas prêtes à embaucher plus d’employés puisque, dans ce cas, cela leur demanderait d’augmenter les salaires et de réduire leurs profits. Toutefois, si cela était possible, ils embaucheraient plus de travailleurs au salaire actuel, ce qui augmenterait encore davantage leurs profits. En ce sens, les entreprises interrogées peuvent facilement déclarer vouloir embaucher plus de travailleurs aux conditions en vigueur et faire état d’un manque de candidats, donc de pénuries ; elles peuvent aller jusqu’à publier des offres d’emploi, entraînant des postes vacants. Dans ce cas, le niveau bas des rémunérations constitue un facteur qui contribue de façon structurelle à limiter l’offre de main-d’œuvre des travailleurs du secteur des SLD. Au cours de la dernière décennie, les salaires dans le secteur des SLD ont globalement progressé dans les mêmes proportions que les salaires dans l’ensemble de l’économie (chapitre 2) – pas moins, mais pas plus non plus – et ceci pourrait expliquer pourquoi les pénuries persistent.
Les données sont partagées quant à l’impact négatif du pouvoir de monopsone sur les infirmiers. Les infirmiers sont souvent employés dans des entreprises qui occupent une place importante sur leur marché du travail géographique et qui occupent une position dominante sur les marchés du travail locaux. De plus, l’offre de main-d’œuvre des infirmiers ne semble pas réagir beaucoup aux évolutions salariales, ce qui les expose à des niveaux de salaires plus bas que ceux auxquels ils pourraient s’attendre avec un marché du travail parfaitement concurrentiel (Staiger, Spetz et Phibbs, 2010[13] ; Sullivan, 1989[14]). Toutefois, Hirsch et Schumacher (2005[15] ; 2012[16]) mentionnent un nombre limité de données témoignant d’une situation de monopsone sur le marché du travail pour les infirmiers. Eurofound (2020[8]) a constaté que parmi les travailleurs du secteur des SLD les pénuries d’infirmiers qualifiés étaient les plus urgentes.
Aucun élément ne prouve l’impact négatif du pouvoir de monopsone sur les aides-soignants qui représentent près de quatre travailleurs sur cinq dans le secteur des SLD. En outre, Prager et Schmitt (2021[17]) montrent qu’une hausse de la concentration du marché du travail après des opérations de fusions hospitalières a eu des effets négatifs uniquement sur les salaires des travailleurs qualifiés, comme les infirmiers, et n’a pas eu d’effet sur les salaires des travailleurs peu qualifiés, comme les aides-soignants. Le fait que la concentration des marchés du travail des aides-soignants soit moins forte que celle des infirmiers peut expliquer cette situation : seuls 12 % des aides-soignants travaillent sur des marchés du travail modérément ou fortement concentrés, contre 30 % pour les infirmiers (chapitre 3). Matsudaira (2014[18]) montre que les prestataires de SLD en Californie (États-Unis) qui ont été contraints d’augmenter leurs effectifs d’assistants infirmiers (une catégorie d’aides-soignants) après une révision à la hausse des règlementations sur les effectifs minimums, sont parvenus à recruter autant de travailleurs que nécessaire au salaire en vigueur.
Quoi qu’il en soit, cette affirmation peut varier largement selon les pays. Dans les pays où le salaire minimum est bas, les auxiliaires de vie peu qualifiés sont susceptibles d’être concernés par l’effet du monopsone. Dans ce cas, une augmentation du salaire minimum bénéficierait à une part importante de ces travailleurs tout en stimulant l’offre de main-d’œuvre dans le secteur.
Les négociations collectives et le dialogue social restent les seuls outils pour que les gouvernements et les partenaires sociaux parviennent à trouver des solutions adaptées et équitables pour renforcer la position de négociation des travailleurs lorsqu’ils abordent la question des salaires, pour améliorer la qualité des emplois ou pour adapter les lieux de travail et permettre l’utilisation de nouvelles technologies, également dans le secteur des SLD. Dans la majorité des pays de l’OCDE, la couverture conventionnelle des travailleurs et la syndicalisation du secteur des SLD formel correspondent généralement à la moyenne nationale (Graphique 1.10). Parmi les quatre pays dont les microdonnées permettent de mesurer le taux de syndicalisation de travailleurs spécifiques (graphique A), la France est le seul où le taux de syndicalisation est moins élevé parmi les travailleurs du secteur des SLD que dans le reste de la main-d’œuvre. Dans la grande majorité des pays de l’OCDE indiqués dans le graphique B, la couverture conventionnelle des travailleurs des SLD est similaire à celle du reste de la main-d’œuvre. Il n’y a qu’en République tchèque et en Pologne que la couverture des travailleurs des SLD est largement plus faible que chez les autres employés ; de la même façon, en Allemagne, au Danemark et en République slovaque, la couverture chez les travailleurs des SLD est plus élevée que dans le reste de la main-d’œuvre. Pour les infirmiers, le salaire de base ou minimum est généralement fixé par des accords qui concernent à la fois les secteurs des SLD et des soins de santé, et les différences de salaire entre les deux s’expliquent essentiellement par des niveaux de formation et d’expérience qui ont tendance à être plus élevés dans le secteur des soins de santé (Eurofound, 2020[8]).
Pourtant, comme cela a été analysé précédemment, les conditions de travail dans le secteur des SLD sont généralement pires que pour le reste de la population active sous bien des aspects. Garantir une couverture conventionnelle aux travailleurs sur le papier n’est effectivement pas suffisant pour garantir de bonnes conditions de travail. Dans plusieurs pays, les représentants des travailleurs du secteur des SLD n’ont pas assez de poids pour négocier des améliorations tangibles des salaires et des conditions de travail. Même dans le cas contraire, le respect des conventions n’est pas garanti. Qui plus est, des groupes importants de travailleurs du secteur des SLD sont sous-représentés du fait qu’ils ne relèvent pas des conventions collectives en place parce qu’ils ne sont pas déclarés ou qu’ils ont un statut d’indépendants (faux indépendants dans certains cas).6
Les pénuries dans le secteur des soins de longue durée pourraient provenir d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de travailleurs dans ce secteur, que ce soit en raison de la durée et du lieu des soins ainsi que des compétences demandées. Il est notamment surprenant que, même dans certains pays faisant état d’un manque d’aides-soignants, certains travailleurs du secteur des SLD employés à temps partiel souhaiteraient travailler davantage, mais ne trouvent pas d’emploi à temps plein. Par exemple, en Australie, la part des travailleurs dans le secteur des SLD qui voudraient travailler à temps plein correspond à près de 1.3 fois la part de ceux qui le font effectivement (Mavromaras et al., 2017[19]). Pour les SLD prodigués hors établissement d’accueil, les travailleurs à temps partiel sont nombreux à déclarer travailler à temps partiel parce qu’ils ne sont pas parvenus à obtenir un emploi à temps plein (Eurofound, 2020[8]). Trois types d’inadéquations peuvent jouer un rôle dans les pays qui rencontrent une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur des SLD alors même qu’une partie des travailleurs potentiels dans ce domaine n’est pas employée.
Premièrement, la mobilité géographique limitée, en particulier entre les zones rurales et urbaines, peut être à l’origine d’inadéquations locales entre la demande et l’offre de main-d’œuvre dans le secteur des SLD, et entraîner ainsi localement des pénuries de personnel (chapitre 3). Par exemple, les personnes âgées qui ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin dans les zones rurales peuvent avoir des difficultés à bénéficier de services de SLD professionnels puisque la main-d’œuvre dans ce domaine se concentre principalement dans les villes et en périphérie.
Deuxièmement, il peut y avoir des inadéquations entre les horaires de disponibilité des travailleurs et ceux de forte demande. Les travailleurs du secteur des SLD à temps partiel veulent travailler plus longtemps en allongeant les heures effectuées à leur poste actuel or, la demande de soins étant particulièrement élevée le matin et le soir, travailler davantage pourrait vouloir dire partager ce temps de travail en deux postes.
Troisièmement, des inadéquations de compétences peuvent signifier qu’une certaine main-d’œuvre dotée de compétences spécifiques souffre de pénurie alors que l’offre de travailleurs peu qualifiés reste suffisante, limitant ainsi la pression sur les salaires. De nombreux travailleurs du secteur des SLD manquent de connaissances sur les soins gériatriques, les mesures de sécurité et les soins à dispenser après une sortie d’hôpital, et sur la gestion de crise et les relations humaines (chapitre 2). Cette situation correspond plus exactement à un manque de compétences recherchées sur le marché du travail qu’à une inadéquation en soi. La principale solution pour répondre à la demande excédentaire consiste à améliorer l’enseignement et la formation dans ces domaines. De plus, les compétences en TIC deviennent de plus en plus importantes pour la bonne mise en œuvre de nouvelles technologies numériques en matière de SLD (chapitre 5).
Les besoins peuvent ne pas être comblés généralement pour deux grandes raisons d’ordre financier. Tout d’abord, un individu qui a besoin d’une prise en charge n’est pas capable de payer le prix demandé par le prestataire de services ou n’est pas prêt à le faire, par exemple parce que son revenu est trop faible, que ses économies sont limitées ou que son assurance ne suffit pas. L’analyse des faiblesses des mécanismes d’assurance dans le secteur des SLD sort largement du champ de ce rapport. Toutefois, lorsque les instruments d’assurance font défaut, il est clairement nécessaire d’améliorer la couverture du régime publique ou l’assurance obligatoire. Ensuite, l’État n’est pas prêt à investir suffisamment de fonds pour garantir un service efficace qui satisfait aux besoins des individus, ce qui peut conduire à une baisse des salaires.
Le manque de financement constitue un des principaux facteurs qui expliquent pourquoi les pénuries persistantes de main-d’œuvre dans le secteur des SLD n’entraînent pas une amélioration des conditions de travail qui permettrait d’attirer davantage de travailleurs. Dans de nombreux pays, les services de SLD sont largement financés par l’argent public. Des salaires bas et un chômage important dans le secteur des SLD peuvent s’expliquer par la pression exercée sur les budgets de l’État, notamment, par le vieillissement de la population ainsi que le processus politique qui s’inscrit dans une volonté relativement faible de financer des services publics dans le domaine du soin (Hirsch et Manzella, 2014[20]).
Le financement public joue un rôle majeur dans les SLD. Dans les pays de l’OCDE, près de quatre cinquièmes des dépenses totales dans le secteur des SLD sont financées par des fonds publics (Graphique 1.11). En 2021, l’ensemble des dépenses publiques en matière de SLD correspondait à 1.8 % du PIB en moyenne dans l’OCDE. Avec 4.4 % du PIB, les Pays-Bas sont le pays qui a consacré le plus de moyens à ce secteur, avec la Belgique, le Danemark, la Norvège et la Suède avec des dépenses allant de 3.0 % à 3.6 % du PIB. À l’autre extrême, le Chili, le Costa Rica, la Grèce et la République slovaque consacrent moins de 0.5 % de leur PIB à la fourniture de services de soins de longue durée. Cet écart traduit essentiellement l’état de développement des systèmes formels de prise en charge de la dépendance par opposition à des dispositifs plus informels reposant essentiellement sur la prise en charge assurée par des membres de la famille non rémunérés (OCDE, 2021[21]). La valeur des soins informels n’est pas considérée comme une dépense au profit des SLD puisqu’ils n’impliquent aucun mouvement financier. Cette valeur est potentiellement très élevée car elle a notamment été estimée à 3.6 % du PIB en moyenne dans les pays européens (Peña-Longobardo et Oliva-Moreno, 2021[22]). Les établissements d’hébergement médicalisés comptent pour plus de la moitié des dépenses en matière de SLD, les hôpitaux pour un dixième, et environ un cinquième pour les soins professionnels prodigués à domicile (OCDE, 2021[21]), l’ensemble étant largement financé par des fonds publics. Aux États-Unis, par exemple, plus 70 % des dépenses en matière de soins de longue durée étaient financées par des fonds publics en 2020, principalement par Medicaid, et les dépenses à la charge des patients correspondaient environ à la moitié des dépenses privées (Congressional Research Service, 2022[23]). Les fonds privés sont probablement sous-évalués, en particulier en raison du travail non déclaré.
Globalement, il semble donc raisonnable de considérer qu’au moins les deux tiers des salaires des travailleurs dans le secteur des SLD sont directement ou indirectement guidés par les politiques publiques. La façon dont les politiques publiques déterminent ou influencent les conditions de travail, y compris les salaires, peut bien entendu varier largement selon les pays. Lorsque les travailleurs du secteur des SLD sont employés dans des établissements publics, le secteur public joue alors potentiellement un rôle prépondérant dans la définition des conditions de travail. De plus, les salaires des infirmiers, qui comptent pour 20 % des travailleurs du secteur, sont susceptibles d’être directement règlementés.
Au Royaume‑Uni, le Comité indépendant consultatif des questions migratoires considère que la première solution pour améliorer les salaires et les conditions de travail consiste à financer correctement les structures dédiées à la prise en charge de la dépendance (MAC, 2022[24]). De même, des mesures de réduction des coûts dans les pays qui ont des difficultés à financer la prise en charge de la dépendance peuvent conduire à une baisse des salaires des travailleurs du secteur, ou de l’emploi. C’est ce qui s’est produit aux Pays-Bas en 2015 lorsqu’une réforme a resserré le budget en faveur des SLD et conduit les municipalités à renégocier des tarifs à la baisse avec les prestataires de SLD. Ceci a conduit de nombreux prestataires de SLD à faire face à des déficits, et certains à stopper leurs activités (Maarse et Jeurissen, 2016[25]) Les coupes budgétaires ont été partiellement supprimées à partir de 2016. Le financement peut également servir à orienter les conditions de travail dans le secteur des SLD en conditionnant son attribution au respect de certaines obligations minimales. Le rapport complet d’Eurofond au sujet de la main-d’œuvre dans le secteur des SLD conclut que, compte tenu de l’importance du rôle joué par les fonds publics dans ce secteur, ce financement public peut servir efficacement à améliorer les conditions de travail, par exemple en imposant des conditions lors de la passation des marchés (Eurofound, 2020[8]).
Les interventions ciblées sur les conditions de travail peuvent avoir des effets indésirables selon le mode de financement des SLD. Lorsque les subventions publiques sont calculées en fonction du nombre de personnes âgées accueillies dans des établissements de soins avec hébergement ou du prix règlementé des services de SLD, les entreprises risquent de réduire le nombre d’employés, la qualité des soins ou les deux si elles sont contraintes d’augmenter les salaires pour accéder à un certain niveau de subventions. En Nouvelle‑Zélande, le Pay Equity Settlement de 2017 pour les travailleurs du soin et de l’accompagnement avait pour objectif de mettre un terme à la discrimination de genre qui engendrait de mauvaises conditions de travail, notamment des salaires bas, dans les secteurs où les femmes sont généralement surreprésentées. Le salaire horaire minimum pour les aides-soignants et les auxiliaires de vie avec trois années d’expérience et aucune qualification a été augmenté de 27 %. Le rapport qui a évalué les répercussions de cet accord conclut toutefois que le financement était insuffisant pour couvrir les coûts associés à l’application de ce règlement sur l’équité salariale, ce qui a eu des conséquences graves, inattendues et négatives (Doulgas et Ravenswood, 2022[26]). Ces conséquences comprennent notamment une diminution des heures de travail, une augmentation de la charge de travail, une qualité des soins revue à la baisse et des difficultés pour les petits prestataires de soins en établissement pour rester en activité.
Le Royaume‑Uni pourrait se heurter aux mêmes problèmes après l’augmentation du salaire minimum de 9.7 % en 2023 et de 6.6 % en 2022 puisque ces mesures n’ont pas été associées à des hausses concordantes de l’aide financière apportée par les pouvoirs locaux aux prestataires de soins (Hft et Care England, 2023[27]). De ce fait, une part importante de ces prestataires ont été contraints de réduire leur activité et n’ont pas été en mesure d’augmenter les salaires au même rythme, ce qui ne leur permet pas de retenir leurs travailleurs et d’en recruter. S’il est admis que les hausses de salaire constituent la principale priorité pour améliorer la situation de la main-d’œuvre, la quasi-totalité des prestataires considère que les salaires représentent actuellement la plus forte pression sur les coûts qui menace leur situation financière (Hft et Care England, 2023[27]).
L’Australie est en train de constituer des groupes d’experts pour son tribunal indépendant des relations professionnelles, la Fair Work Commission. Un groupe d’experts pour l’équité salariale et un groupe dédié au secteur des soins et communautaire entendront des requêtes en faveur de l’égalité des rémunérations et des conditions d’emploi. Pour déterminer s’il y a lieu de rendre une ordonnance pour l’égalité des salaires, le tribunal devra, par exemple, déterminer si le travail a été sous-évalué en raison du genre. Afin de soutenir les groupes d’experts, quatre membres de la commission spécialisés dans l’équité salariale entre les genres, la lutte contre la discrimination et le secteur du soin et communautaire seront nommés. La fédération australienne Nursing and Midwifery Federation considère que la Fair Work Commission aidera les auxiliaires de vie faiblement rémunérés à négocier l’obtention d’une meilleure rémunération et de meilleures conditions de travail (Australian Nursing & Midwifery Journal, 2022[28]).
Les prestataires de services de SLD peuvent également être soumis à des contraintes financières à cause d’une pression continue de la demande. Hirsch et Schumacher (2012[16]) suggèrent que les pénuries d’infirmiers peuvent s’expliquer par la lenteur avec laquelle les prestataires des soins de santé adaptent leurs budgets par rapport aux tendances à la hausse de la demande et aux contraintes d’entrée dans la profession d’infirmier. Les tendances au vieillissement de la population peuvent être tellement fortes que les conditions du marché ne s’adaptent pas assez rapidement, ce qui génère des pénuries persistantes de travailleurs dans le secteur des SLD. Cela correspond à une situation dans laquelle les salaires, l’emploi et l’ensemble des dépenses augmentent alors que les pénuries demeurent (Veneri, 1999[29]).
Du point de vue des politiques, le diagnostic sur le fonctionnement du secteur des SLD détermine si le meilleur moyen d’améliorer les conditions de travail auprès des prestataires privés est de les contraindre à augmenter les salaires, de renforcer la règlementation relative aux effectifs (augmenter les taux d’encadrement des bénéficiaires pour améliorer l’environnement de travail ainsi que la qualité des soins) ou d’augmenter les aides financières publiques et de laisser faire le marché. Si les réglementations, notamment celles qui renforcent la concurrence, entrent en vigueur, il est alors probablement mieux d’augmenter les financements et de laisser aux prestataires la possibilité de choisir une combinaison entre hausse des salaires, des heures de travail ou des effectifs. Toutefois, si malgré ces réglementations, des profits importants sont générés parmi les prestataires de SLD, alors une intervention plus directe sur les salaires ou les effectifs du personnel est justifiée. Ceci indique qu’une bonne définition des mesures à adopter repose sur une évaluation spécifique du fonctionnement du secteur de la dépendance dans le pays et des profits réalisés. En Australie, la Commission royale d’enquête sur la qualité et la sécurité des soins de santé aux personnes âgées a cherché à savoir si un manque de subventions publiques pouvait être à l’origine d’une baisse de la qualité des SLD mais elle a constaté que les marges bénéficiaires réalisées par les établissements à but lucratif du secteur étaient comparables ou supérieures à celles de plusieurs autres secteurs, notamment celui de la production de biens de consommation, de l’industrie et des technologies de l’information (BDO, 2020[30]). Dans le cas du scandale Orpéa en France, par exemple, le prestataire de SLD réalisait des marges bénéficiaires très élevées et les aides publiques comptaient pour une part importante de ses bénéfices, mais, dans le même temps, le personnel faisait état de conditions de travail difficiles et les résidents d’une mauvaise qualité des soins, voire même de maltraitance (Castanet, 2022[31]).
Les contraintes financières peuvent également rendre les SLD inabordables pour de nombreux ménages tout en alimentant les bas salaires. Toutefois, dans ce cas, les besoins en matière de prise en charge de la dépendance ne sont pas satisfaits mais aucune demande de main-d’œuvre excédentaire n’est à déplorer dans les conditions actuelles du marché du travail, et donc pas de pénurie non plus puisque ces ménages ne sont pas prêts à payer le prix de ces services ou ces salaires. Les besoins non satisfaits et les bas salaires ne sont pas incompatibles dans ce cas ; ils traduisent d’ailleurs les mêmes contraintes liées aux revenus qui pèsent sur les ménages.
Enfin, cette partie suppose implicitement que les pénuries actuelles de travailleurs dans le secteur des SLD sont réelles, même s’il est possible que les rapports mentionnant des pénuries importantes soient gonflés par des prestataires qui espèrent obtenir des subventions publiques supplémentaires ou qui tentent d’ignorer les plaintes de leurs travailleurs au sujet de la pression au travail. Il est possible qu’une part importante des postes non pourvus ne soit pas réelle dans certains pays, les entreprises n’ayant aucune intention d’embaucher plus de travailleurs, ce qui s’apparenterait à de fausses offres d’emploi et des offres fantômes (Wall Street, 2023[32]). Ceci pourrait se produire dans le secteur des SLD parce que, étant donné que les prestataires de services de SLD souhaitent continuer à réaliser des profits avec l’argent versé par les gouvernements, les entreprises pourraient être peu disposées à améliorer la qualité ou la quantité des services proposés, et ainsi à accroître l’emploi. Dans les cas où cela se vérifie, les pénuries de main-d’œuvre annoncées par les entreprises pourraient en réalité ne pas faire référence à une situation dans laquelle la demande de travail excède l’offre. Un tel comportement pourrait s’apparenter à une stratégie pour justifier des conditions de travail médiocres et une piètre qualité des services de SLD ou pour servir d’outil dans une négociation avec le gouvernement pour une augmentation des subventions publiques. Aucune preuve de tels agissements n’a été mise en évidence dans le cadre de ce rapport pour affirmer qu’il s’agirait d’une pratique fréquente dans le secteur des SLD.
Le secteur public joue un rôle essentiel dans la prise en charge de la dépendance et les gouvernements ont plusieurs cartes en main pour remédier aux mauvaises conditions de travail et au manque de reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD. Les gouvernements peuvent intervenir directement auprès des prestataires publics de SLD pour améliorer les conditions de travail, par exemple en augmentant les salaires, ce qui peut avoir des retombées sur le secteur privé. Pour aborder ces questions avec les prestataires privés, il est nécessaire de promouvoir les hausses de salaire, d’accroître les effectifs requis ou d’augmenter le financement public en laissant agir le marché, mais ces mesures n’auront pas toutes la même efficacité selon le fonctionnement du secteur des SLD dans les pays. Les gouvernements disposent donc d’une boîte à outils bien fournie pour rendre le secteur des SLD plus attractif et solide face au vieillissement de la population.
Ces sujets devraient être traités dans le cadre d’une stratégie globale couvrant plusieurs dimensions et fixant des priorités qui dépendent du contexte spécifique des pays : augmenter les financements publics et promouvoir le rôle moteur des gouvernements ; mettre en place des interventions directes visant à augmenter les salaires et à renforcer la règlementation relative aux effectifs ; soutenir les négociations collectives et le dialogue social ; renforcer la formation ; promouvoir la reconnaissance sociale grâce à des campagnes d’information et de recrutement et des agréments (certifications) ; développer l’utilisation des nouvelles technologies ; et consolider les politiques de prévention dans le domaine de la santé.
Quoique certaines mesures d’ordre général bénéficieraient largement aux travailleurs du secteur des SLD, elles ne sont pas abordées ici en détail. Cela vaut en premier lieu pour les mesures qui limitent le travail non déclaré. Le travail non déclaré dans le secteur des SLD est fréquent dans plusieurs pays, il est donc fondamental de favoriser des transitions vers le travail formel pour améliorer les conditions de travail dans ce secteur et assurer un meilleur respect des normes dictées par les conventions collectives.7 Dans les SLD, cela vaut notamment pour les aidants logés, en particulier les travailleurs étrangers. Eurofound (2020[8]) met en avant plusieurs mesures adoptées dans certains pays de l’UE pour encourager le travail déclaré dans le secteur des SLD : des chèques emploi qui ne peuvent être utilisés que pour payer des travailleurs déclarés, et ouvrent des droits à prestations sociales aux aidants (Belgique) ; un processus clair et convivial pour déclarer les travailleurs des SLD (Autriche) ; et, une réduction du coût de mise en conformité avec la législation pour la prise en charge à domicile (Lituanie). Deuxièmement, il est particulièrement indiqué de lutter contre la discrimination à l’encontre des femmes et des travailleurs étrangers pour mieux protéger les travailleurs du secteur des SLD. Troisièmement, les stéréotypes de genre vont bien au-delà du contexte spécifique des SLD, et l’adoption de mesures pour les éliminer de la société dans son ensemble serait bénéfique pour ce secteur. Par exemple, réduire les disparités entre garçons et filles dans les différents parcours éducatifs pourrait avoir des répercussions positives à long terme sur l’offre de travailleurs masculins dans le secteur des SLD. Enfin, des hausses du salaire minimum national dans les pays qui disposent d’un tel instrument seraient profitables à de nombreux travailleurs du secteur des SLD.
Pour améliorer les conditions de travail d’aujourd’hui et limiter les pénuries de main-d’œuvre de demain, il est nécessaire d’accroître de façon substantielle les dépenses publiques. En effet, les ressources publiques jouent un rôle majeur dans le financement des services de SLD, même si la part du financement privé varie selon les pays (voir le Graphique 1.11 ci-dessus). Dans de nombreux pays, notamment d’Europe du Sud, centrale et orientale et d’Amérique latine, la prise en charge de la dépendance est sous-développée et un apport important de fonds publics sera nécessaire pour pouvoir remédier aux besoins insatisfaits dans le secteur des SLD. De même, afin de supporter la pression du vieillissement de la population, la plupart des pays de l’OCDE devraient se préparer à dépenser une part bien plus importante de leur PIB pour éviter des pénuries de main-d’œuvre dans le secteur des SLD insoutenables sur le plan social. Dans un secteur en perpétuelle croissance comme celui des SLD, les nouveaux travailleurs doivent être attirés et formés, ce qui nécessite du temps, de l’argent et des efforts.
Ceci abonde dans le sens de l’évaluation réalisée par la Commission européenne selon laquelle le financement est un des facteurs les plus importants pour garantir un niveau suffisant de ressources physiques et humaines. Les mesures prises avant la crise du COVID‑19 pour recruter du personnel supplémentaire dans le secteur des SLD à la fois pour l’aide à domicile et en établissement d’accueil comprenaient essentiellement une augmentation des ressources financières consacrées au recrutement, comme en Allemagne en 2019 et en Suède entre 2015 et 2018 (Commission européenne et Comité de la protection sociale, 2021[33]). Au Royaume‑Uni, le Comité indépendant consultatif des questions migratoires considère qu’une prise en charge de la dépendance dûment financée constitue la clé pour remédier à la demande croissante des soins, aux taux élevés de vacances d’emploi, aux niveaux des salaires bas et peu évolutifs et, plus généralement, aux conditions de travail déplorables (MAC, 2022[24]).
En plus d’octroyer un financement adapté, les gouvernements peuvent jouer un rôle prépondérant dans la fixation de normes suffisamment exigeantes pour la qualité des emplois, ce qui devrait potentiellement se répercuter sur les travailleurs du secteur privé. En premier lieu, les salaires distribués par les prestataires privés de SLD peuvent être directement augmentés pour rendre l’emploi dans ce secteur plus attractif. Ensuite, les taux d’encadrement dans les structures publiques peuvent être améliorés afin de réduire la charge de travail. Troisièmement, les gouvernements peuvent exiger des structures de SLD qui bénéficient de fonds publics d’être couvertes par une convention collective ou de respecter des normes de qualité du travail plus favorables, y compris le salaire minimum. La convention collective et le dialogue social contribuent à déterminer à la fois les salaires et les conditions de travail, autres que le salaire, et permettent de garantir une meilleure protection des travailleurs en position de faiblesse pour négocier. Ils peuvent agir en parallèle de la législation sur les salaires et les conditions de travail, mais peuvent également assurer la représentation des travailleurs et fournir aux employeurs et aux employés un outil pour remédier aux problèmes communs.
Quatrièmement, les gouvernements peuvent donner l’exemple en matière de négociation collective. Les pouvoirs publics, au niveau national et local, peuvent promouvoir les négociations collectives et le dialogue social dans le secteur des SLD en jouant un rôle moteur dans les domaines sur lesquels ils ont un contrôle direct. Même lorsque les conventions collectives sont rares dans le secteur privé et interviennent essentiellement au niveau de l’entreprise, ce qui se négocie dans le secteur public peut influencer les négociations dans le secteur de privé. Veiller à négocier régulièrement les accords collectifs qui couvrent les travailleurs du secteur des SLD dans le secteur public devrait donner l’exemple au secteur privé et servir de référence en termes de salaires et de conditions de travail. Plus généralement, l’organisation d’un forum au niveau local, national ou supranational pour examiner les questions spécifiques au secteur des SLD, même s’il est limité aux organismes publics, permettrait d’avoir régulièrement des échanges, de suivre l’évolution de la situation et, peut-être, de trouver des solutions communes qui pourraient ensuite être appliquées plus généralement. La Stratégie européenne en matière de soins comprend des mesures éventuelles pour améliorer le dialogue social dans la prise en charge de la dépendance, par exemple en proposant d’augmenter l’aide au renforcement des capacités en faveur du dialogue social dans le secteur des soins (Commission européenne, 2022[34]).
Augmenter les salaires des travailleurs du secteur des SLD et renforcer la réglementation relative aux effectifs constituent les mesures les plus directes pour améliorer les conditions de travail, réduire la rotation des travailleurs et les attirer vers ces emplois. La République tchèque, par exemple, a augmenté de 50 % le salaire des aides-soignants dans le secteur public des SLD en 2017‑18 (Commission européenne et Comité de la protection sociale, 2021[33]). En France, une étude a montré qu’augmenter les salaires pouvait largement améliorer le taux de maintien en poste des infirmiers auxiliaires dans les établissements médicalisés de long séjour privés (Martin et Ramos-Gorand, 2017[35]).
Augmenter les salaires ou les besoins en personnel entraîne des effets positifs, en particulier lorsque le pouvoir de négociation est faible et les profits élevés, c’est-à-dire si les prestataires exploitent le pouvoir de monopsone qui limite à la fois les salaires et l’emploi. Toutefois, si ce n’est pas le cas, les hausses de salaire et le durcissement des besoins de recrutement décidés sans être assuré d’avoir un financement public ou privé adapté peuvent avoir des conséquences indésirables, comme l’illustre le cas de la Nouvelle‑Zélande abordé précédemment.
Une part significative des travailleurs du secteur des SLD pourrait être concernée par la détermination du salaire minimum. Par exemple, l’augmentation récente du salaire national minimum au Royaume‑Uni a conduit à des hausses salariales pour une part importante des travailleurs du secteur des SLD (chapitre 2). En moyenne dans les pays de l’OCDE, un quart des aides-soignants du secteur du SLD gagne moins de 53 % du salaire moyen (Graphique 1.6 ci-dessus). En comparaison, les salaires minimums s’élèvent environ à 45 % du salaire moyen des pays de l’OCDE où il existe un salaire minimum. Ainsi, il est important d’appliquer des réglementations nationales adéquates en matière de salaire minimum puisqu’elles ont un impact sur une grande partie des travailleurs du secteur des SLD.
Dans certains pays, les salaires minimums sectoriels offrent un plancher salarial plus élevé pour les travailleurs du secteur des SLD, ce qui peut constituer un outil pour favoriser les hausses de rémunérations et l’attractivité de ces emplois. C’est notamment le cas dans les pays où la convention collective est faible. Plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Australie et la Lettonie ont récemment renforcé le salaire minimum pour les travailleurs du secteur des SLD (chapitre 4). Toutefois, les salaires sectoriels minimums comportent d’éventuels désavantages comme l’affaiblissement du dialogue social, puisque le dialogue social tire sa force de la capacité à négocier des grilles salariales, et la diminution de l’emploi.
Les besoins de personnel peuvent se traduire par l’instauration de taux d’encadrement minimums obligatoires ou de taux d’encadrement considérés comme appropriés qui orientent les décisions des prestataires en termes de recrutement. Les taux d’encadrement peuvent améliorer les conditions de travail en réduisant la charge de travail et en améliorant la qualité des soins apportés. Les États-Unis utilisent un système d’évaluation de la qualité allant de une à cinq étoiles pour classer les établissements d’hébergement selon plusieurs critères dont le taux d’encadrement. Ce système permet aux bénéficiaires des soins et à leurs familles de comparer plus facilement les prestataires de SLD. Quelques autres pays de l’OCDE calculent le taux d’encadrement, notamment l’Espagne, la Finlande, la France, la Hongrie, la Lituanie, le Luxembourg et Portugal. La Finlande a fortement augmenté le taux d’encadrement passant de 0.5 employé par bénéficiaire en 2020 à 0.7 en 2023.
Le respect et la transparence des réglementations en matière de besoin de personnel sont essentiels pour améliorer leur efficacité. Tout d’abord, le respect des réglementations devrait être assuré grâce à des contrôles adaptés. Au Portugal, le COVID‑19 a déclenché un renforcement du taux d’encadrement dans le secteur des soins lorsque les syndicats ont démontré que certains établissements médicalisés ne respectaient pas les obligations légales (Pelling, 2021[36]). Ensuite, les prestataires de soins devraient communiquer de façon transparente les taux d’encadrement en vigueur. La transparence est importante parce qu’elle incite les prestataires de soins à se conformer aux règles par la pression qui émane du choix du consommateur. En Australie, par exemple, si les prestataires sont tenus de communiquer au législateur leurs normes de qualité, une part minime de ces informations semble accessible aux personnes âgées qui cherchent des prestataires de soins (Duckett, Stobart et Swerissen, 2020[37]). Le manque d’information peut conduire des prestataires peu scrupuleux à rogner sur la qualité. Afin de contrer ce problème, le système d’évaluation à cinq étoiles a été introduit en décembre 2022. Ce système de classification a pour objectif d’évaluer la qualité des soins de tous les établissements de SLD financés par les pouvoirs publics. Le critère de l’encadrement repose sur le temps que passent les aides-soignants auprès d’un bénéficiaire de soins et compte environ pour un cinquième de la note globale.8
Les conditions de travail des travailleurs du secteur des SLD sont généralement moins bonnes que celles des autres travailleurs à plusieurs égards, même si la couverture conventionnelle de ces travailleurs employés dans une relation formelle tend à s’apparenter à la couverture nationale (Graphique 1.10 ci-dessus). Garantir une couverture conventionnelle aux travailleurs sur le papier n’est effectivement pas suffisant pour garantir de bonnes conditions de travail. Dans de nombreux pays, les travailleurs du secteur des SLD ne sont pas représentés comme il se doit par les syndicats, et le respect des accords négociés n’est pas garanti. Souvent, les représentants des travailleurs du secteur des SLD n’ont pas assez de poids pour négocier des améliorations tangibles des salaires et des conditions de travail. Qui plus est, des groupes de travailleurs du secteur des SLD peuvent être écartés des conventions collectives en place parce qu’ils ne sont pas déclarés ou qu’ils ont un statut d’indépendant.
Les gouvernements devraient soutenir les efforts pour élargir les effectifs des syndicats aux travailleurs du secteur des SLD et promouvoir les négociations collectives. Bien que ce dernier point soit la prérogative des partenaires sociaux, les gouvernements peuvent mettre en place des conditions favorables. Il peut s’agir de soutenir l’adhésion aux syndicats en accordant des déductions fiscales correspondant aux frais d’adhésion, comme en Finlande, en Norvège, et en Suède, étant donné qu’un nombre limité de membres peut fortement atténuer le rôle que peut jouer la négociation collective dans la promotion de conditions de travail favorables. L’organisation des travailleurs atypiques du secteur des SLD, en particulier les (faux) indépendants et ceux qui se situent dans l’économie souterraine entre le statut d’employé et d’indépendant, constitue une difficulté supplémentaire. Au cours de la dernière décennie, les syndicats ont répondu à la diversité des relations de travail en adaptant leur structure, en s’ouvrant aux travailleurs indépendants et en s’engageant dans des campagnes spécifiques et des batailles juridiques, notamment pour requalifier en contrat de travail la situation des indépendants en situation de salariat déguisé.
En l’absence de partenaires sociaux diversifiés, dans des pays où la négociation collective se situe au niveau sectoriel, des extensions administratives peuvent être utilisées pour étendre la portée des accords de branche à tous les travailleurs et à toutes les entreprises d’un secteur. Cette approche est utilisée en Belgique, en France et en Italie pour garantir la couverture de l’ensemble des travailleurs du secteur des SLD. L’Allemagne a introduit une obligation pour les prestataires de SLD de rémunérer leurs travailleurs au minimum au niveau fixé par la convention collective. Depuis septembre 2022, l’assurance dépendance obligatoire allemande n’est autorisée à conclure des contrats qu’avec des prestataires de SLD qui respectent cette règle. Les prestataires qui ne versent pas des salaires conformes à cette réglementation ne sont plus autorisés à proposer des services de soins financés par l’assurance santé obligatoire allemande (chapitre 3). Dans les pays où les négociations sectorielles sont limitées, comme en Australie, les réglementations en matière de salaire et d’encadrement (voir ci-dessus) constituent un autre moyen de fixer les termes de base de l’emploi au sein de toutes les entreprises du secteur des SLD. La principale difficulté de cette approche réside dans la difficulté d’instaurer des normes sectorielles adaptées, puisque cela sous-entend de connaître le secteur en détail, ce qui peut souvent nécessiter un engagement fort des partenaires sociaux.
Les efforts consentis pour améliorer le respect des réglementations et les mesures de mise en œuvre sont souvent justifiés. Les inspections du travail devraient être renforcées et des mesures supplémentaires peuvent être prises pour améliorer la mise en conformité avec les réglementations. Dans un premier temps, il est important de veiller à ce que les accords collectifs ayant force de loi soient signés uniquement par les représentants des syndicats et les organisations patronales. Ce n’est pas le cas dans tous les pays de l’OCDE. Les accords signés avec des syndicats complaisants, peu représentatifs ou « jaunes » – c’est-à-dire des syndicats dominés ou influencés par un employeur et donc pas réellement indépendants – nuisent aux accords en vigueur et affaiblissent les conditions de travail des travailleurs. Ensuite, afin de pouvoir accéder à leurs droits, les travailleurs ont besoin d’en être informés. Les conventions collectives sont difficilement accessibles et compréhensibles dans la plupart des pays. Il est donc essentiel de rendre les principaux éléments des conventions collectives publics et faciles d’accès pour s’assurer que les travailleurs et les employeurs sont bien informés de leurs droits et de leurs devoirs. Compte tenu de l’incidence des travailleurs issus de l’immigration dans le secteur des SLD, ces informations devraient être disponibles dans les langues appropriées. Enfin, une fois le contenu des conventions collectives rendu disponible, une campagne de sensibilisation ciblée sur les travailleurs du secteur des SLD pourrait être lancée, diffusée également en ligne, pour exposer l’importance du respect des réglementations et présenter les outils à disposition des employeurs et des travailleurs.
Les programmes d’éducation et de formation actuels pour les travailleurs du secteur des SLD ne parviennent pas à doter ces professionnels des connaissances et des compétences nécessaires pour leur permettre de prodiguer des soins de qualité et réduire les risques sanitaires dans de nombreux pays de l’OCDE, en particulier pour les aides-soignants et ceux qui exercent à domicile. La formation des aides-soignants devrait se composer d’une formation initiale apportant les connaissances et les compétences nécessaires pour s’occuper de personnes âgées présentant des limitations physiques et mentales ordinaires. L’Australie, par exemple, a ouvert des centaines de places accessibles gratuitement pour la formation professionnelle dans le domaine des SLD en 2023 afin de renforcer les compétences des aides-soignants dans le pays. Ceci devrait être complété par des cours de formation continue adaptés selon les besoins et l’état de santé des patients que les travailleurs suivront, comme c’est le cas par exemple en Irlande. Pour les infirmiers, le programme de formation devrait insister sur les soins gériatriques pour atténuer l’impact psychologique et émotionnel que produit le fait de travailler avec des personnes souffrant de démence. Les programmes de formation qui préparent spécifiquement les travailleurs du secteur des SLD à intervenir à domicile sont d’autant plus importants parce que les aides-soignants à domicile travaillent souvent seuls et que le domicile des personnes âgées est souvent mal équipé pour la dispense de soins.
La formation peut améliorer les conditions de travail dans le secteur des SLD, en particulier pour les auxiliaires de vie. Une meilleure formation est souvent assortie d’une meilleure rémunération, mais la formation est également essentielle pour rendre le travail dans le secteur des SLD moins pénible. Apprendre par exemple les techniques appropriées pour lever des personnes et les postures ergonomiques à adopter pour prodiguer des soins à une personne alitée peut réduire l’effort physique pour le soignant. La formation sur les soins à apporter aux personnes atteintes de démence, qui comptent pour une part importante et croissante des bénéficiaires de SLD, peut réduire à la fois les risques physiques et mentaux liés aux actes de violence.
Enfin, l’utilisation des outils numériques et d’autres nouvelles technologies devrait constituer un élément central de la formation des travailleurs du secteur des SLD. Les prestataires de SLD indiquent que leurs travailleurs manquent de compétences numériques, ce qui crée un obstacle majeur au déploiement de nouvelles technologies. Une meilleure formation dans ce domaine permettra donc d’élargir l’utilisation des technologies numériques dans ce secteur. De plus, grâce à cela, les travailleurs du secteur des SLD pourront apprendre aux personnes âgées à se servir de ces technologies qui peuvent leur permettre de continuer à vivre chez eux de façon autonome. Dans son partenariat de compétences pour les SLD lancé en avril 2023, la Commission européenne a indiqué que les besoins de formation en compétences numériques et compétences non techniques étaient les plus urgents dans le secteur des SLD et s’est fixé comme objectif de permettre la formation dans ces domaines de 60 % de la main-d’œuvre dans les SLD chaque année d’ici 2030.
Les mesures abordées ci-dessus pour améliorer les conditions de travail, y compris les salaires, constituent des étapes importantes vers l’amélioration de la reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire pour améliorer leur statut et, au-delà d’une meilleure formation et d’une hausse des salaires, des campagnes d’information et de recrutement qui mettent en question les normes genrées dans le secteur du soin et le développement de certifications sont indispensables pour renforcer la reconnaissance sociale des travailleurs du secteur des SLD.
Les campagnes publiques d’information et de recrutement peuvent servir à corriger l’image qu’un grand nombre de personnes peuvent se faire des métiers dans le domaine des SLD selon laquelle ils seraient réservés aux femmes et d’une faible valeur économique, et peuvent donner une meilleure idée des compétences nécessaires dans ce travail. Il serait utile que ces campagnes d’information publiques montrent des hommes auxiliaires de vie et présentent une vision plus juste du métier comportant des aspects qui touchent au sens de la communication et à l’émotion ainsi qu’aux aspects plus physiques et techniques de ces métiers. De plus, des campagnes de recrutement ciblant spécifiquement les hommes pourraient constituer un outil efficace pour attirer plus d’hommes dans ce secteur. L’Allemagne, l’Autriche, le Japon et le Luxembourg ont mené, ou sont en train de le faire, des campagnes d’information publiques avec le double objectif d’améliorer l’image du travail dans le secteur des SLD et d’inciter en particulier les jeunes à faire carrière dans ce secteur, quoiqu’aucune de ces campagnes n’ait encore spécifiquement ciblé les hommes.
La certification ou l’enregistrement national des auxiliaires de vie peuvent également contribuer à améliorer la reconnaissance de leur travail et des compétences requises. Dans la plupart des pays, les qualifications requises peuvent être minimes et presque n’importe qui peut devenir auxiliaire de vie (OCDE, 2020[2]). La certification, couramment pratiquée pour les infirmiers, est généralement associée à une meilleure formation et à des salaires plus élevés. Ceci indiquerait que les emplois dans le secteur des SLD nécessitent l’acquisition de certaines compétences, accroissant ainsi la reconnaissance sociale et corrigeant le stéréotype de genre selon lequel les femmes seraient « naturellement » dotées des compétences requises pour prodiguer des soins de longue durée. En Suède, par exemple, le titre professionnel d’assistant infirmier sera certifié à compter du mois de juillet 2023. Une personne recevra le certificat d’assistant infirmier se elle suit le programme de formation correspondant ou acquiert les compétences requises par un autre biais. De même,la France a introduit une classification professionnelle spécifique pour les auxiliaires de vie à domicile qui est attribuée lorsque le programme de formation correspondant a été suivi, bien qu’une majorité d’auxiliaires de vie ne possède toujours pas de diplôme (Le Bihan et Martin, 2019[38]).
L’introduction de la certification des auxiliaires de vie dans le secteur des SLD peut entraîner des incompatibilités puisqu’elle peut améliorer la reconnaissance des travailleurs mais aussi réduire l’emploi. À propos de la question de la hausse des salaires abordée ci-dessus, la certification a tendance à augmenter les coûts des SLD et pourrait devoir s’accompagner de ressources financières supplémentaires afin d’éviter les effets indésirables sur le volume des soins prodigués. Ainsi, un tel agrément ne doit pas être mis en œuvre dans l’idée de certifier tous les aides-soignants pour éviter de créer une barrière réglementaire à l’offre générale de main-d’œuvre des travailleurs du secteur des SLD. La mise en œuvre d’une certification peut représenter une première étape importante vers l’apparition d’une évolution professionnelle qui peut accroître l’attractivité de cette profession et uniformiser les programmes de formation. Par exemple, dans le cadre de sa Aged Care Workforce Strategy, l’Australie a pour but de développer des parcours professionnels dans le secteur des métiers de la dépendance en revoyant les rôles professionnels, les formations et la reconnaissance des compétences.
En dehors de la certification, l’introduction d’un registre professionnel pour les travailleurs du secteur des SLD constitue une autre possibilité (Hft et Care England, 2023[27]). En Écosse, par exemple, il existe un registre pour les travailleurs formels du secteur des SLD et pour les aidants informels. En s’y inscrivant, les travailleurs adhèrent aux normes de qualité des soins du Conseil écossais des services sociaux, et l’inscription peut être annulée si ces normes ne sont pas respectées. De plus, cette inscription donne accès à des cours en ligne gratuits qui couvrent un large éventail de sujets en lien avec les SLD, avec plusieurs niveaux de complexité, qui permettent aux travailleurs du secteur des SLD de gagner des badges numériques lorsqu’ils les suivent. Ce système propose une passerelle pour l’acquisition de qualifications conçue pour améliorer la reconnaissance formelle des compétences et des connaissances des travailleurs du secteur des SLD.
Quoi qu’il en soit, le métier d’auxiliaire de vie doit clairement se différencier de celui des travailleurs à domicile tels que les femmes de ménage. Les auxiliaires de vie proposent en premier lieu des soins, pas des services ménagers, ce qui signifie que le contenu de leur travail et donc les compétences qu’il exige dépendent des besoins de la personne dont ils s’occupent. Ceci pourrait être reconnu, par exemple, en faisant en sorte que le travail d’auxiliaire de vie, y compris réalisé à domicile, soit couvert par les conventions collectives du secteur des SLD.
En augmentant la productivité du travail, l’élargissement de l’utilisation des nouvelles technologies peut améliorer l’efficacité et réduire la demande de main-d’œuvre dans le secteur des SLD. Les technologies numériques, en particulier, peuvent permettre aux travailleurs de ce secteur de passer moins de temps sur d’autres activités que la fourniture de soins directe. Des progiciels complets peuvent faciliter la planification des soins et le partage d’information entre les différents acteurs impliqués dans la fourniture de ces soins, réduisant ainsi le temps consacré aux tâches administratives et de coordination. De plus, des capteurs permettent un suivi à distance simultané de plusieurs bénéficiaires de soins, ce qui réduit le temps nécessaire pour réaliser le suivi en lui-même et pour passer d’un bénéficiaire à l’autre.
Les nouvelles technologies peuvent rendre le travail dans le secteur des SLD moins pénible aussi bien physiquement que mentalement, ce qui permet de réduire les arrêts de travail pour raison de santé et le nombre de travailleurs qui quittent ce secteur. Le bien-être mental des travailleurs du secteur des SLD peut être amélioré grâce à des logiciels qui réduisent la charge administrative. Et d’autres technologies, comme les ascenseurs et les robots de soins, peuvent réduire l’effort physique des travailleurs en réalisant à leur place les tâches les plus exigeantes physiquement.
Quatre grandes barrières limitent actuellement l’utilisation des nouvelles technologies dans le secteur des SLD. Premièrement, des contraintes financières limitent le budget disponible pour investir dans de nouvelles technologies. Ceci constitue essentiellement une barrière à l’introduction des technologies couteuses comme les robots. Deuxièmement, les questions relatives à la protection de la vie privée et à la sécurité des données peuvent rendre les prestataires et les bénéficiaires de soins méfiants à l’idée d’utiliser des technologies qui enregistrent des données sensibles. Un cadre de la gouvernance des données pour sécuriser l’utilisation de ces technologies et les données qu’elles produisent est indispensable pour réduire le risque de violation de la vie privée des bénéficiaires de soins. Troisièmement, les prestataires de SLD craignent que leurs aides-soignants n’aient pas les compétences nécessaires pour travailler avec ces nouvelles technologies. Ainsi, une formation adaptée peut lever une barrière importante à l’utilisation des technologies bon marché, comme des tablettes équipées d’applications numériques pour les tâches administratives, la coordination des soins et le suivi des bénéficiaires. Enfin, les prestataires de SLD eux-mêmes peuvent être mal informés des technologies disponibles. Des campagnes d’information et des salons professionnels qui vantent et conseillent les nouvelles technologies pourraient apporter davantage de renseignements sur les outils disponibles et les effets qu’ils peuvent avoir sur l’amélioration de l’efficacité et de la santé du personnel des prestataires de SLD.
La part des personnes âgées qui ont besoin de soins ou d’être aidés peut être réduite grâce à des programmes pour la prévention de la santé qui mettent en avant des modes de vie sains et font prendre conscience aux personnes âgées de certains risques pour leur santé, comme les risques de chute. Grâce à des campagnes publiques d’information et des efforts en faveur de la réadaptation, il est possible de réduire les besoins des personnes âgées en matière de SLD. Les pays nordiques tiennent compte de la réadaptation ou du réapprentissage9 dans le cadre de l’évaluation des besoins de SLD et cette approche permet de retarder les besoins en matière de dépendance. Depuis 2011, le Japon mène un projet pour la prévention des SLD ciblé sur trois grands objectifs : renforcer les liens sociaux des personnes âgées au sein de leur communauté, indépendamment de leur âge et de leur condition mentale et physique, en les aidant à organiser des cours d’exercices physiques et d’autres rassemblements locaux ; recourir à des professionnels compétents dans la réadaptation qui se trouvent à proximité pour aider les personnes âgées à vivre de façon autonome ; et, développer une socialisation locale grâce à laquelle les personnes âgées peuvent donner un sens à leur vie et jouer un rôle, même s’ils ont grandement besoin de SLD. Depuis 2020, le gouvernement japonais a augmenté les subventions aux municipalités qui s’engagent activement dans le projet et qui s’efforcent d’élargir les groupes associatifs auxquels les personnes âgées peuvent participer, par exemple en faisant intervenir plus de professionnels.
Les travailleurs du secteur des SLD jouent un rôle important dans les efforts de prévention de la santé en détectant les éventuels risques sanitaires auxquels les personnes âgées peuvent être exposées. Il s’agit de repérer les premiers signes d’éventuels problèmes de santé et d’aider les personnes âgées à trouver une aide complémentaire si besoin, par exemple en apportant des informations sur les aménagements intérieurs et en les aidant à en faire la demande. Les pays peuvent renforcer le rôle des travailleurs du secteur des SLD dans la promotion de la santé et la diminution du handicap chez les personnes âgées en adoptant des mesures préventives nationales qui indiquent à ces travailleurs comment aider les personnes âgées à rester plus longtemps en bonne santé, renforcent les compétences professionnelles au niveau des soins primaires pour retarder l’entrée des personnes âgées en établissement d’hébergement, et qui améliorent les connaissances en gériatrie parmi les travailleurs du secteur social et sanitaire qui œuvrent à l’échelon local. Le Visiting nurse service de New York, par exemple, a formé des auxiliaires de vie pour qu’ils deviennent conseillers en santé ; ceci a permis d’améliorer la façon dont les bénéficiaires prennent soin d’eux et gèrent les symptômes de l’insuffisance cardiaque, et a réduit le nombre d’activités du quotidien pour lesquelles les personnes âgées ont besoin d’aide (OCDE, 2020[2]).
Les technologies utilisées pour s’occuper de soi-même peuvent participer aux efforts de prévention sanitaire et même renforcer la capacité des personnes âgées qui souffrent de problèmes de santé à continuer de vivre de façon autonome. Des applications qui proposent des exercices d’entrainement physique et cognitif peuvent aider les personnes âgées à entretenir leur forme physique et mentale et ralentir le déclin des capacités. Ils peuvent également limiter l’exposition aux risques sanitaires, comme un planificateur d’itinéraire pour les piétons où les risques de chute sont limités. La domotique, les outils pour la gestion de la prise de médicaments et des capteurs pour le suivi à distance permettent aux personnes âgées de continuer à vivre chez eux en toute sécurité. Ces technologies aident les personnes âgées à contrôler leur vie par eux-mêmes et évite aux travailleurs du secteur des SLD de devoir passer en personne pour assurer un suivi. Les travailleurs du secteur des SLD peuvent aider les personnes âgées à choisir les outils adaptés à leurs besoins et leur apprendre à les utiliser.
Améliorer les connaissances des personnes âgées en matière de santé et leurs compétences numériques faciliterait l’utilisation de technologies pour la prévention de la santé et l’auto-gestion. Avec un quart de la population dans l’Union européenne âgée de 55 à 74 ans qui utilise internet parfois ou pas du tout, en particulier les personnes âgées dont le niveau d’instruction est bas, et un tiers des individus de l’OCDE ayant un niveau de connaissances limité dans le domaine de la santé, des efforts significatifs doivent être fournis pour renforcer l’éducation et la formation des personnes âgées dans ces domaines (chapitre 5). Des ateliers, par exemple, ont montré qu’ils constituaient un outil efficace pour améliorer les connaissances numériques liées à la santé chez les personnes âgées (Pourrazavi et al., 2020[39]). Les travailleurs du secteur des SLD ont un rôle essentiel à jouer pour aider les personnes âgées à améliorer leurs connaissances dans le domaine de la santé et leurs compétences numériques, ainsi que pour repérer les individus qui pourraient bénéficier d’une formation spécifique dans ces domaines.10
[7] AET (2021), Report on Labour Shortages and Surpluses, Autorité européenne du travail, https://doi.org/10.2883/746322.
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[22] Peña-Longobardo, L. et J. Oliva-Moreno (2021), « The Economic Value of Non-professional Care: A Europe-Wide Analysis », International Journal of Health Policy and Management, https://doi.org/10.34172/ijhpm.2021.149.
[39] Pourrazavi, S. et al. (2020), « Theory-based E-health literacy interventions in older adults: a systematic review », Archives of Public Health, vol. 78/1, https://doi.org/10.1186/s13690-020-00455-6.
[17] Prager, E. et M. Schmitt (2021), « Employer Consolidation and Wages: Evidence from Hospitals », American Economic Review, vol. 111/2, pp. 397-427, https://doi.org/10.1257/aer.20190690.
[13] Staiger, D., J. Spetz et C. Phibbs (2010), « Is There Monopsony in the Labor Market? Evidence from a Natural Experiment », Journal of Labor Economics, vol. 28/2, pp. 211-236, https://doi.org/10.1086/652734.
[14] Sullivan, D. (1989), « Monopsony Power in the Market for Nurses », The Journal of Law and Economics, vol. 32/2, Part 2, pp. S135-S178, https://doi.org/10.1086/467192.
[29] Veneri, C. (1999), « Can Occupational Labor Shortages Be Identified Using Available Data? », Monthly Labor Review, Bureau of Labor Statistics, https://www.bls.gov/opub/mlr/1999/03/art2full.pdf.
[32] Wall Street (2023), Job Listings Abound, but Many Are Fake, 20 mars.
Ce chapitre s’appuie sur les définitions de l’OCDE des soins de longue durée (SLD), de la main-d’œuvre du secteur des SLD et des établissements de SLD (OCDE, 2020[2]).
Les soins de longue durée (SLD) font partie d’un secteur à forte intensité de main-d’œuvre qui se compose d’un éventail de services médicaux, de soins et d’assistance à la personne qui sont proposés avec comme principal objectif de soulager la douleur et de réduire ou gérer la dégradation de l’état de santé d’une personne ayant un certain degré de dépendance, de les aider à prendre soin d’eux (en les aidant à réaliser leurs activités de la vie quotidienne, comme se nourrir, se laver et s’habiller) et de les aider à vivre de façon autonome (en les aidant à réaliser les activités instrumentales de la vie quotidienne, comme cuisiner, faire des courses et gérer ses finances).
La main-d’œuvre du secteur des SLD est composée d’individus qui prodiguent des SLD à des bénéficiaires dans des établissements de SLD ou autre (voir ci-dessous), mais pas en milieu hospitalier. Les travailleurs du secteur des SLD se divisent en deux catégories professionnelles : les aides-soignants, qui comptent les assistants infirmiers et les auxiliaires de vie, et le personnel infirmier qui comprend les infirmiers de niveau intermédiaire et les cadres infirmiers. D’autres catégories professionnelles, par ex. les médecins ou les travailleurs sociaux, ne sont pas inclus dans la définition de la main-d’œuvre du secteur des SLD.
Les infirmiers dans les SLD comprennent les individus qui ont suivi des études/un enseignement d’infirmier et qui sont autorisés à pratiquer (comme les cadres infirmiers et les infirmiers de niveaux intermédiaires ou auxiliaires) ; les infirmiers salariés et indépendants qui travaillent dans des établissements d’hébergement de SLD ou en dehors (autres que des hôpitaux) ; des infirmiers étrangers autorisés à pratiquer et qui exercent activement leur métier dans le pays ; et des infirmiers qui prodiguent des SLD à des bénéficiaires de soins atteints de démence et/ou de la maladie d’Alzheimer. La catégorie suivante d’infirmiers est exclue de la définition de l’OCDE (et donc absente de l’analyse de ce rapport) : les étudiants qui n’ont pas encore eu leur diplôme ; les assistants infirmiers et aides-soignants qui n’ont aucune qualification reconnue ou qui n’ont pas de certification professionnelle ; les infirmiers employés dans l’administration, la recherche et d’autres postes qui n’impliquent pas de contact direct avec les bénéficiaires des soins ; les infirmiers au chômage et retraités ; les infirmiers qui travaillent à l’étranger ; les infirmiers en milieu psychiatrique.
Les aides-soignants dans le secteur des SLD comptent les travailleurs formels qui dispensent des services de SLD dans des établissements d’accueil avec hébergement ou en dehors (autre que les hôpitaux) et qui n’ont pas la qualification ou la certification d’un infirmier. Les aides-soignants se définissent comme des personnes qui apportent leur aide dans les soins routiniers, comme se laver, s’habiller ou faire sa toilette, à des personnes âgées, en convalescence ou handicapées, chez eux ou dans des établissements. Ils comprennent les assistants infirmiers et les auxiliaires de vie prodiguant des SLD, qui n’ont pas de qualification/certification reconnue dans le domaine des soins infirmiers ; les membres de la famille, les voisins ou les amis employés (c’est-à-dire ayant des obligations contractuelles formelles et/ou étant déclarés aux services de la sécurité sociale en tant qu’aidants) par le bénéficiaire des soins ou une personne/agence qui représente le bénéficiaire, et/ou par des prestataires de services de soins publics et privés, pour prodiguer des soins à la personne qui en a besoin.
Les aidants informels qui prennent soin de membres de leur famille, de voisins ou d’amis, sont exclus de la catégorie des travailleurs du secteur des SLD à moins qu’ils ne soient employés officiellement par le bénéficiaire des soins. Il peut s’agir d’aidants informels qui reçoivent une aide au revenu ou une autre forme de versement d’argent de la part du bénéficiaire dans le cadre de programmes en espèce et/ou de programmes qui favorisent le choix du bénéficiaire, mais qui ne sont pas officiellement employés ou rémunérés par le bénéficiaire des soins (ou la personne ou l’agence qui représente le bénéficiaire des soins, comprenant des prestataires ou des organismes comme des services publics pour l’aide sociale et des entreprises de soins privées).
Le travail formel peut être accompli à la fois par des travailleurs déclarés et non déclarés. Les travailleurs non déclarés correspondent à des employés qui sont dans une relation de contrat de travail, c’est-à-dire dont la relation de travail n’est pas assujettie, en droit ou en pratique, à la législation nationale du travail ou à la règlementation en matière d’impôt sur le revenu, et qui ne sont pas couverts par la protection sociale ou ne bénéficient pas de certains avantages liés à l’emploi (OCDE, 2019[40]). Ainsi, le travail informel fait référence au travail non déclaré alors que les soins informels correspondent à des soins apportés par des membres de la famille, des voisins ou des amis (voir ci-dessus).
Les soins de longue durée peuvent être prodigués en établissement d’hébergement ou non. Les SLD en établissement correspondent aux SLD prodigués en foyers de soins ou autres structures d’hébergements qui offrent aux patients à la fois un hébergement et une prise en charge de longue durée. Ce sont des établissements spécialisés ou des structures de type hospitalier qui proposent en premier lieu une prise en charge de longue durée des patients ayant des limitations fonctionnelles modérées à graves. Les établissements de SLD comprennent les structures d’accueil médicalisées avec hébergement qui assurent des soins infirmiers de longue durée. Les structures de SLD comprennent des établissements qui offrent en premier lieu une prise en charge en centre d’accueil comprenant à la fois des soins infirmiers, de surveillance ou d’autres types de soins, selon les besoins des résidents. Dans ces établissements, une part importante du processus de production et des soins prodigués associe services de santé et sociaux mais les services de santé atteignent largement le niveau des soins infirmiers, en association avec des services d’aides-soignants. La composante médicale des soins est toutefois largement moins importante qu’en milieu hospitalier. Les SLD en établissement n’englobent pas les dispositifs utilisés de façon temporaire pour permettre aux personnes de continuer à vivre à domicile – comme les services de maintien à domicile, les centres d’accueil de jour et les hébergements temporaires. Ils n’incluent pas non plus les services de SLD prodigués dans des environnements qui offrent des formules d’hébergement spécialement conçues ou adaptées pour les personnes qui ont des besoins réguliers et qui conservent une grande autonomie et une capacité de contrôle (considérés comme des foyers et inclus dans les services à domicile). Enfin, cette définition n’inclut pas les services de SLD proposés dans les hôpitaux.
La prise en charge en dehors des établissements est proposée aux personnes ayant des limitations fonctionnelles et qui vivent la plupart du temps chez eux. Outre les soins à domicile, il s’agit des dispositifs utilisés de façon temporaire pour permettre aux personnes de continuer à vivre à domicile – comme les services de maintien à domicile, les centres d’accueil de jour et les hébergements temporaires. Les SLD hors établissement comprennent également les formules d’hébergement adaptées aux personnes ayant régulièrement besoin d’une assistance mais qui conservent une grande part d’autonomie et de contrôle de leur vie, et les formules d’hébergement d’appoint.
← 1. Quantité de secteurs liés aux soins se heurtent à des problèmes de personnel du même type, mais ce rapport porte spécifiquement sur les soins de longue durée aux personnes âgées compte tenu de la hausse des besoins causée par le vieillissement de la population.
← 2. C’est-à-dire, au moins trois AVQ ou AIVQ ; et une personne sur quatre présentant au moins une limitation.
← 3. Si l’on tient compte des caractéristiques à la fois des travailleurs et des secteurs (âge, années de formation, ancienneté, etc.), les salaires des aides-soignants restent inférieurs d’environ 15 % à ceux des infirmiers auxiliaires dans le secteur des SLD, à comparer avec 26 % selon les données brutes. Il en ressort que moins de la moitié de la différence de salaire horaire observée entre aides-soignants et infirmiers auxiliaires tient à des différences individuelles (et entre les entreprises).
← 4. L’estimation ne semble pas rendre totalement compte des études et de la formation poussées des médecins spécialistes : les médecins gagnent 39 % de plus que ce qui s’explique par les caractéristiques individuelles et les infirmiers qualifiés gagnent 22 % de plus, comme les commerciaux, alors que les enseignants universitaires gagnent 17 % de plus.
← 5. Voir par exemple Le Bihan (2018[41]) pour la France. En Californie, près de 55 % des infirmiers ont au mieux un diplôme de fin d’études secondaires et 82 % n’ont aucun diplôme universitaire (Matsudaira, 2014[18]).
← 6. Le faux travail indépendant désigne des situations dans lesquelles des individus sont qualifiés de travailleurs indépendants mais travaillent en réalité dans les mêmes conditions que des salariés (OCDE, 2019[40]).
← 7. Comme cela a été examiné dans la publication de l’OCDE (2008[43]), en fonction de la spécificité de chaque pays, les transitions vers le travail formel peuvent être encouragées en améliorant les incitations à l’emploi formel des travailleurs grâce à un ensemble de mesures qui réduisent les coûts du travail lorsqu’ils sont trop élevés, augmentent la flexibilité dans les pays où la législation est stricte en matière de protection de l’emploi, et améliorent la conception des dispositifs de protection sociale pour accroître l’intérêt pour les travailleurs à être affiliés. L’amélioration de ces mesures d’incitation devrait être complétée par une multiplication des efforts dans le domaine fiscal, de la sécurité sociale et d’application du droit du travail.
← 9. Le réapprentissage comprend une courte période de réadaptation réalisée à domicile avec l’aide d’une équipe pluridisciplinaire qui cible les besoins médicaux et psycho-sociaux, dans le but de renforcer ou entretenir la capacité fonctionnelle des individus et de leur permettre ainsi de vivre leur propre vie (Gustafsson et al., 2020[42]). Le réapprentissage porte à la fois sur la (re)formation des individus afin qu’ils réalisent de façon autonome des activités (essentielles) de la vie courante et qu’ils participent à des activités du quotidien qui comptent pour eux.
← 10. L’Autriche, par exemple, pilote actuellement des projets de soins infirmiers à domicile pour promouvoir les modes de vie sains et la vie en autonomie auprès des personnes âgées, qui proposent en premier lieu de renforcer la capacité à se prendre en charge en autonomie et les connaissances en matière de santé. Les infirmiers à domicile qui ont suivi un programme de formation adapté conseillent les personnes âgées ainsi que les autres acteurs impliqués dans la fourniture de SLD, notamment lors de leurs visites chez les bénéficiaires.