Cette annexe contient des informations sur les modalités d’établissement des projections qui sont utilisées aux fins des présentes Perspectives agricoles. Tout d’abord, elle fournit une description générale des différents éléments et du calendrier du processus conduisant aux projections agricoles de référence et à la publication annuelle des Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO. Deuxièmement, elle examine les hypothèses cohérentes faites sur les projections des variables macroéconomiques exogènes. Troisièmement, elle fournit des éléments de référence pour comprendre le modèle Aglink-Cosimo sous-jacent. Enfin, elle explique comment une analyse stochastique partielle est réalisée avec le modèle Aglink-Cosimo.
Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2023-2032
Annexe B. Méthodologie
Le processus générateur des projections agricoles de référence
Les projections présentées dans ces Perspectives agricoles sont le résultat d’un processus mobilisant un très grand nombre de sources d’information. Ces projections reposent sur les données fournies par les pays et les experts ainsi que sur les résultats du modèle Aglink-Cosimo établi par l’OCDE et la FAO pour analyser les marchés agricoles mondiaux. Ce modèle économique sert également à vérifier la cohérence des projections de référence. Cependant, les experts n’en sont pas moins largement consultés à différents stades du processus. Les secrétariats de l’OCDE et de la FAO publient dans Les Perspectives agricoles une évaluation unifiée et plausible de l’évolution future des principaux marchés de produits agricoles, compte tenu des hypothèses retenues et des informations disponibles au moment de la rédaction.
Point de départ : établissement des valeurs de référence initiales
Les séries de données historiques relatives à la consommation, à la production, aux échanges1 et aux prix internationaux des différents produits de base couverts par les Perspectives sont principalement extraites des bases de données de l’OCDE et de la FAO. Ces bases de données reposent en grande partie sur des sources statistiques nationales. Pour chaque publication, le processus générateur des données de base commence en novembre de l'année précédant la décennie projetée et se termine en avril de l'année suivante. Les valeurs de départ utilisées pour définir l’évolution future probable des marchés agricoles sont établies par l’OCDE, pour ce qui est de ses États membres et certains non-membres, et par la FAO, pour tous les autres pays ou régions.
Du côté de l’OCDE, un questionnaire annuel adressé aux administrations nationales est diffusé en novembre afin de recueillir les attentes des pays concernant l’évolution à moyen terme de leur secteur agricole, ainsi que des informations sur l’état actuel ou les changements récents des politiques agricoles nationales.
Du côté de la FAO, les valeurs de départ destinées aux modules nationaux ou régionaux sont établies à l’aide du modèle et des avis des spécialistes de produits de la FAO.
Des facteurs macroéconomiques provenant de sources externes, telles que le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et les Nations unies, sont également utilisés pour compléter la vision des principales forces économiques qui déterminent l'évolution du marché.
L’objet de cette étape est d’obtenir un premier aperçu de l’évolution possible des marchés et de construire les principales hypothèses sous-jacentes aux Perspectives. Celles qui concernent l’activité macroéconomique et l’action publique sont décrites dans le premier chapitre intitulé « Marchés agricoles et alimentaires : tendances et perspectives » ainsi que dans les tableaux par produits. Les sources et hypothèses dont elles découlent sont analysées plus en détail ci-après.
L’étape suivante consiste à utiliser le cadre de modélisation Aglink-Cosimo de l’OCDE et de la FAO pour faciliter l’intégration des données initiales de manière cohérente et en tirer des valeurs de référence initiales sur la base desquelles les projections de l’évolution des marchés mondiaux sont établies. Ce cadre de modélisation garantit qu’à l’échelle mondiale, les projections de la consommation correspondent avec celles de la production pour les différents produits de base. Le modèle est discuté ci-dessous.
Outre les quantités produites, consommées et échangées, ce scénario de référence porte sur les prix nominaux (exprimés en unités monétaires locales) des produits considérés.
Les valeurs de référence initiales sont ensuite corrigées :
Pour les pays qui relèvent du Secrétariat de l’OCDE, elles sont comparées avec les réponses indiquées dans le questionnaire. Les problèmes, quels qu’ils soient, sont examinés dans le cadre d’échanges bilatéraux avec les experts des pays concernés.
S’agissant des modules nationaux et régionaux mis au point par le Secrétariat de la FAO, les valeurs de référence initiales sont examinées par un cercle plus large d’experts internes et internationaux.
Valeurs de référence définitives
À ce stade, un tableau général des projections apparaît. Des ajustements sont effectués suivant les compromis convenus entre les deux secrétariats et les experts externes. À partir du résultat de ces échanges et des informations actualisées, un deuxième ensemble de valeurs de référence est élaboré. Les informations ainsi obtenues servent à analyser les marchés des céréales, des oléagineux, du sucre, de la viande, des produits laitiers, des biocarburants, des produits de la pêche et de l’aquaculture et du coton sur la période couverte par les Perspectives.
Ces résultats sont ensuite examinés lors des réunions annuelles du Groupe sur les marchés de produits du Comité de l’agriculture de l’OCDE courant mars, qui réunit les experts des administrations nationales des États membres de l’OCDE et des organisations spécialisées. La version définitive des projections de référence est établie à partir des observations formulées par ce groupe et des données révisées.
Les modalités d’élaboration des Perspectives impliquent que les projections de référence présentées dans ce rapport ne reposent pas seulement sur des projections pures, mais tiennent également compte des connaissances des experts. L’utilisation d’un cadre de modélisation formel permet de résoudre les incohérences relevées entre les projections des différents pays et de parvenir à un équilibre général pour tous les marchés de produits. La procédure d’examen permet de prendre en compte l’avis des experts nationaux dans les projections et les analyses connexes. Ce sont néanmoins les secrétariats de l’OCDE et de la FAO qui, en dernier ressort, sont responsables des projections et de leur interprétation.
Les Perspectives agricoles s'appuient sur les projections finales de référence pour fournir une vue d'ensemble et des analyses plus détaillées des marchés agricoles mondiaux à moyen terme. Avant d’être publié, le texte des Perspectives agricoles est examiné en mai par le Comité de direction du Département du développement économique et social de la FAO, ainsi que par le Groupe de travail des politiques et des marchés agricoles du Comité de l’agriculture de l’OCDE. Par ailleurs, les Perspectives serviront de point de départ à l’analyse présentée au Comité des produits de la FAO, ainsi qu’à ses divers groupes intergouvernementaux sur les produits.
Sources et hypothèses utilisées pour les projections macroéconomiques
Pour les projections démographiques, les Perspectives agricoles utilisent les estimations de la variante moyenne de la base de données des Perspectives de la population dans le monde des Nations Unies (United Nations Population Prospects) pour les données démographiques utilisées pour l’ensemble des pays et blocs régionaux. Sur les quatre variantes de projection envisagées (fécondité basse, moyenne, haute et constante), c’est la variante moyenne qui a été retenue pour la période de projection. La décision d’utiliser la base de données des Nations Unies sur les perspectives démographiques tient au fait qu’il s’agit d’une source très complète d’estimations fiables et qu’elle renseigne également sur des pays en développement non-membres de l’OCDE. Dans un souci de cohérence, elle constitue également la source des estimations démographiques historiques et des données de projection.
Les autres séries macroéconomiques utilisées dans le modèle Aglink-Cosimo sont celles du PIB réel, de l’indice implicite des prix du PIB, du déflateur des dépenses de consommation des ménages, du prix du pétrole brut Brent (en USD par baril) et des taux de change exprimés en unités de monnaie locale pour un dollar des États-Unis. Les données historiques utilisées pour les séries concernant les pays de l’OCDE ainsi que le Brésil, l’Argentine, la Chine et la Fédération de Russie concordent avec celles publiées dans le n°110 des Perspectives économiques de l’OCDE, en décembre 2022. Pour les autres économies, les données macroéconomiques historiques proviennent des Perspectives économiques mondiales du FMI publiées en octobre 2022. Les hypothèses retenues de 2023 à 2032 reposent sur les projections macroéconomiques des Perspectives économiques mondiales du FMI publiées en octobre 2022.
Dans le modèle, les indices du PIB réel, des prix à la consommation (déflateur des dépenses de consommation des ménages) et des prix à la production (indice implicite des prix du PIB) prennent la valeur 1 pour 2010, qui sert d’année de référence. L’hypothèse de taux de change constant en termes réels implique qu’un pays dont le taux d’inflation est supérieur (inférieur) à celui des États-Unis (mesuré par l’indice implicite des prix du PIB des États-Unis) verra sa monnaie se déprécier (s’apprécier) et, en conséquence, son taux de change augmenter (diminuer) au cours de la période considérée dans la mesure où le taux de change est exprimé en nombre d’unités de monnaie locale correspondant à 1 USD. Le taux de change nominal est calculé à partir de la croissance en pourcentage du ratio « déflateur du PIB du pays considéré / déflateur du PIB des États-Unis ».
Jusqu'à 2021, le cours du pétrole utilisé est tiré de la version actualisée des Perspectives économiques de l’OCDE n°112 (décembre 2022). Pour 2022, c’est le prix spot moyen quotidien qui est utilisé tandis que le prix spot moyen de décembre est utilisé pour 2023. Pour le reste de la période de projection, le prix de référence du pétrole utilisé dans les projections est supposé rester constant en termes réels.
Le modèle Aglink-Cosimo
Aglink-Cosimo est un modèle économique qui analyse l’offre et la demande agricoles mondiales. Administré par les secrétariats de l’OCDE et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il sert à l’élaboration des projections de base cohérentes présentées dans les Perspectives agricoles et à l’analyse des scénarios d’action publique.
Aglink-Cosimo est un modèle d’équilibre partiel dynamique et récursif, employé pour simuler l’évolution d’une année sur l’autre de l’équilibre des marchés et des prix des principaux produits agricoles de base qui sont produits, consommés et négociés dans le monde. Des modules nationaux et régionaux couvrent le monde entier. Les secrétariats de l'OCDE et de la FAO, en collaboration avec les experts des pays et les administrations nationales, sont responsables de l'élaboration et de la mise à jour des projections. Plusieurs grandes caractéristiques sont à signaler :
Aglink-Cosimo est un modèle « d’équilibre partiel » couvrant les principaux produits agricoles de base ainsi que le biodiesel et le bioéthanol. Les marchés non agricoles ne sont pas modélisés et sont traités de façon exogène ; de ce fait, les hypothèses concernant la trajectoire des variables macroéconomiques clés sont prédéterminées et l’incidence des évolutions des marchés agricoles sur l’économie en général n’est pas envisagée.
Les marchés mondiaux des produits agricoles de base sont censés être concurrentiels, ce qui signifie que les acheteurs et vendeurs acceptent les prix. Les prix du marché sont déterminés par l’équilibre mondial ou régional de l’offre et de la demande.
La production d’un pays et les produits qu’il échange sont considérés comme homogènes et donc comme parfaitement substituables par les acheteurs et les vendeurs. En particulier, les importateurs ne distinguent pas les produits en fonction de leur pays d’origine, étant donné qu’Aglink-Cosimo n’est pas un modèle spatial. Les importations et les exportations sont néanmoins déterminées séparément. Cette hypothèse a une incidence sur les résultats des analyses dans lesquelles les échanges sont un facteur important.
Aglink-Cosimo est un modèle dynamique et récursif, en conséquence de quoi les résultats obtenus pour une année déterminent ceux des années consécutives (par exemple, à travers les effectifs des cheptels ou les anticipations dynamiques de rendement). Les projections obtenues avec Aglink-Cosimo portent sur les dix années à venir.
Le cadre de modélisation est régulièrement amélioré afin de développer la capacité des Perspectives à refléter les développements futurs des marchés et à renforcer l’analyse des résultats au-delà du marché (par exemple, la sécurité alimentaire, l'utilisation des terres et les résultats environnementaux).
A partir du cycle 2022-2023 des Perspectives, les Secrétariats ont explicitement incorporé l'utilisation des trois principaux engrais minéraux (azote, phosphore et potassium) dans les équations de rendement qui déterminent l'offre de produits agricoles. Cette nouvelle caractéristique permet de séparer les coûts des engrais de ceux des autres intrants de production (énergie, semences, machines, main-d'œuvre et autres intrants commercialisables et non commercialisables). Des séries de données historiques pour l'utilisation d'engrais par culture ont été développées en combinant les informations existantes sur l'utilisation totale de FAOSTAT avec les estimations détaillées au niveau des cultures de l’association internationale de l’industrie des engrais (IFA, International Fertilizer Association).
Les pertes et gaspillages alimentaires ont été intégrés dans les Perspectives agricoles de l'OCDE-FAO 2023-2032. L'encadré 1.1 du rapport donne un aperçu plus détaillé des définitions, des estimations mondiales et des facteurs. En termes de mise en œuvre dans les données et le modèle Aglink-Cosimo, deux valeurs ont été ajoutées : une pour les pertes de distribution et une pour les déchets. Par conséquent, trois valeurs différentes sont disponibles pour l'utilisation alimentaire des produits agricoles. Premièrement, la disponibilité alimentaire, qui était la valeur utilisée dans les précédentes Perspectives agricoles. Deuxièmement, après soustraction des pertes, la consommation alimentaire est obtenue. Il s'agit actuellement de la principale valeur de référence utilisée dans le rapport et les tableaux. Troisièmement, l'apport alimentaire est la quantité après comptabilisation des pertes. Les valeurs actuelles des pertes et des déchets sont préliminaires et cette intégration est encore en cours.
Aglink-Cosimo est décrit en détail en anglais dans un document accessible sur le site officiel des Perspectives agricoles : www.agri-outlook.org.
Le modèle employé pour établir les projections relatives aux produits de la pêche et de l’aquaculture est un satellite d’Aglink-Cosimo. Sont partagées les hypothèses exogènes sont mises en commun et les variables interactives, comme les prix qui se répercutent les uns sur les autres. Le modèle dédié à la pêche et à l’aquaculture a été remanié en profondeur en 2016. Les 32 éléments représentés dans les fonctions de l’offre totale de l’aquaculture ont été remplacés par des fonctions de l’offre de 117 espèces, chacune étant caractérisée par une élasticité, une ration alimentaire et un temps de réaction qui lui sont propres. Les principales espèces prises en compte sont le saumon, la truite, la crevette, le tilapia, la carpe, le silure (dont le Pangasius), les sparidés, le bar et les mollusques. À cela s’ajoutent quelques productions mineures, comme les chanidés. Le modèle a été construit de façon à assurer une cohérence entre les rations alimentaires et les marchés de la farine et de l’huile de poisson. Selon les espèces, les rations alimentaires peuvent contenir au maximum cinq types d’aliments : farine de poisson, huile de poisson, tourteaux d’oléagineux (ou substituts), huile végétale et aliments à faible teneur en protéines comme les céréales et le son.
Méthodologie des simulations stochastiques à l’aide d’Aglink-Cosimo
L’analyse stochastique partielle montre en quoi les scénarios divergent de celui de référence en appliquant un traitement stochastique à un certain nombre de variables. Celles-ci sont sélectionnées de manière à mettre en évidence les principales sources d’incertitude sur les marchés agricoles. En l’occurrence, les variables macro-économiques spécifiques aux pays, le prix du pétrole brut, les rendements nationaux et les rendements par produit sont considérés comme incertains. Outre le prix international du pétrole, quatre variables macro-économiques sont prises en compte pour tous les pays : l’indice des prix à la consommation (IPC) l’indice du produit intérieur brut, le déflateur du produit intérieur brut et le taux de change du dollar des États-Unis (XR). Les variables de rendement considérées concernent la production végétale et la production laitière dans toutes les régions couvertes par le modèle.
La façon de procéder pour générer les tirages stochastiques de ces variables repose sur une technique simple qui restitue la variance dans le temps de chacune des variables. Les trois grandes étapes de l’analyse stochastique partielle sont brièvement décrites ci-après.
i) Quantification de la variabilité passée autour de la tendance calculée pour chaque variable macro-économique et chaque variable de rendement
La première étape de la procédure consiste à définir la tendance passée des variables stochastiques. Souvent, une tendance linéaire ne représente pas correctement la dynamique observée. C’est pourquoi on utilise un filtre de Hodrick-Prescott pour estimer une tendance non linéaire, en séparant les fluctuations de court terme des mouvements à long terme2. Le filtre est appliqué directement aux séries temporelles des rendements et aux variations annuelles pour les variables macro-économiques.
ii) Génération de 1 000 combinaisons de valeurs possibles pour les variables stochastiques
La deuxième étape consiste à générer 1 000 combinaisons de valeurs possibles pour les variables stochastiques. Pour chacune des dix années de la période de projection (2022-2031), on tire une année particulière de la période de référence 1995-2021, puis on applique l’écart relatif entre la valeur effective de la variable à la fin de cette année-là et la valeur tendancielle correspondante estimée à l’étape 1 à la valeur de la variable pour l’année de projection. Toutes les variables reçoivent ainsi la valeur de la même année de référence. Les variables macro-économiques sont toutefois traitées séparément des rendements, car il n’y a pas de corrélation étroite entre eux.
iii) Application du modèle Aglink-Cosimo pour chacune des 1 000 combinaisons de valeurs possibles (scénarios d’incertitude)
La troisième étape consiste à faire tourner le modèle Aglink-Cosimo pour chacun des 1 000 scénarios d'incertitude générés à l’étape ii). En combinant l’incertitude macro-économique et l’incertitude liée aux rendements, on aboutit à 98% de simulations réussies, le modèle ne donnant pas de solution pour toutes les simulations stochastiques. Le modèle étant un système complexe d’équations et de politiques, il peut en effet conduire à des impasses en cas de choc extrême sur une ou plusieurs variables stochastiques.
Notes
← 1. Pour les régions comme l’Union européenne et les groupes de pays en développement, les données relatives aux échanges concernent uniquement les échanges avec l’extérieur (et n’incluent donc pas les échanges réalisés à l’intérieur de la région). On obtient par conséquent des valeurs des échanges mondiaux plus faibles qu’en cumulant les statistiques nationales. Les demandes d’information concernant des séries particulières doivent être adressées aux secrétariats de l’OCDE et de la FAO.
← 2. Ce filtre a été popularisé en économie dans les années 90 par Hodrick, R.J. et E.C. Prescott (1997), « Postwar U.S. Business Cycles : An Empirical Investigation », Journal of Money, Credit, and Banking, vol. 29, n° 1, pp. 1–16, JSTOR 2953682.