Taux effectifs sur le carbone 2023 (version abrégée)

4. Taux effectifs de taxes sur le carbone de 2021 à 2023 : dernières tendances à l’œuvre dans le secteur du transport routier des pays de l’OCDE et du G20

Exacerbée par la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine en 20221, la hausse des prix de l’énergie consécutive à la reprise qui a suivi la pandémie de COVID-19 en 2021 a conduit les États à travers le monde à venir en aide aux ménages et aux entreprises. Les mesures de soutien ont cependant soulevé diverses inquiétudes, notamment quant à leur caractère équitable, leur coût financier, leur efficacité dans la lutte contre l’inflation et leur compatibilité avec les objectifs d’atténuation du changement climatique. Ainsi, la probabilité élevée que les ménages à hauts revenus bénéficient de ces mesures (voir, par exemple, Ari et al. (2022[1])) pose des questions d’équité. En outre, l’incidence de certaines mesures de soutien préoccupe aussi du fait que les réductions d’impôt profitent généralement davantage aux producteurs qu’aux consommateurs lorsque l’offre énergétique est inélastique (voir, par exemple, OCDE (2022[2]), Van Dender et Raj (2022[3])). Une autre source de préoccupation est l’impact sur les signaux-prix du carbone. Compte tenu de l’urgence croissante de lutter contre le changement climatique, baisser les prix de l’énergie et, partant, les signaux-prix du carbone sape les incitations à atteindre les objectifs de neutralité carbone.

L’outil de suivi des mesures d’aide énergétique mis au point par l’OCDE (OECD Energy Support Measures Tracker2) est un ensemble de données qui permet de faire le point sur l’ensemble des interventions publiques engagées depuis février 2021 pour soutenir les consommateurs d’énergie. La version utilisée dans le présent rapport contient des données collectées jusqu’au 30 janvier 2023 et couvre 41 pays, dont tous les pays de l’OCDE excepté la Hongrie, l’Islande et la Suisse, et trois économies du G20 (Afrique du Sud, Brésil et Inde). À la date de la rédaction du présent rapport, il s’agit de la source de données la plus exhaustive sur les mesures d’aide énergétique en place dans les économies de l’OCDE (voir Hemmerlé et al. (2023[4])).

La plupart de ces mesures peuvent être considérées comme des mesures de soutien des prix ou des revenus, et leur portée peut être ciblée ou globale ; dans le secteur du transport routier, l’aide des pouvoirs publics a essentiellement pris la forme de mesures non ciblées de soutien face aux prix de l’énergie. D’après l’outil de suivi des mesures d’aide énergétique élaboré par l’OCDE, 72 % des plus de 110 mesures recensées depuis février 2021 visaient à soutenir face aux prix de l’énergie et 82 % n’étaient pas ciblées3. Lorsqu’elles l’étaient, elles concernaient en premier lieu les entreprises du secteur tertiaire.

Ce chapitre traite des droits d’accise sur les carburants et des taxes carbone appliqués dans le secteur du transport routier. La raison en est que ces deux types d’instrument de tarification carbone (qui, pris ensemble, forment le taux effectif de taxe sur le carbone) sont plus importants dans ce secteur que dans tous les autres (voir par exemple, OCDE (2019[5]), Amores et al. (2022[6]) et Graphique 2.4). Leur évolution influence donc de manière notable les prix du carbone. Conformément à la méthode retenue pour calculer les TEC, les montants collectés sont ceux en vigueur au 1^er avril (ou à la date disponible la plus proche) de 2021, 2022 et 2023 pour 45 pays de l’OCDE et du G204. Cette collecte a été effectuée dans les cas où le carburant représentait plus de 5 % des émissions de dioxyde de carbone (CO₂) du secteur du transport routier, ce qui implique que l’analyse concerne principalement le gazole et l’essence.

Sont exclues de l’analyse les réductions de TVA5, les réductions de prix (par exemple, les plafonnements des prix) ainsi que les baisses de droits d’accise sur les carburants ou de taxe carbone intervenues à titre temporaire entre deux des dates mentionnées ci-dessus6. Cela concerne par exemple le plafonnement des prix du gazole et de l’essence que le gouvernement hongrois a appliqué à titre temporaire de novembre 2021 à juillet 2022, ou encore les réductions de TVA introduites au Luxembourg. Le périmètre de l’analyse est donc cohérent avec les moyens d’action pris en compte dans la méthode de calcul des taux effectifs sur le carbone. On trouvera de plus amples détails sur les mesures qui en sont exclues dans le rapport annuel de l’OCDE sur les réformes des politiques fiscales (Tax Policy Reforms, (OECD, 2023[7])) et dans l’analyse de l’OCDE de l’outil de suivi des mesures d’aide énergétique (OECD Energy Support Measures Tracker) (Hemmerlé et al., 2023[4]).

L’analyse exposée dans ce chapitre repose pour l’essentiel sur les prix constants de 2021 et non sur les prix courants7. La première partie consiste toutefois à examiner (voir Tableau 4.1) l’orientation des montants en termes courants des taxes appliquées dans les différents pays, par type de carburant. S’il est intéressant de s’y intéresser, c’est parce qu’en général, les droits d’accise sur les carburants et les taxes carbone ne sont pas indexés sur l’inflation8. Lorsque la plupart du monde connaissait des taux d’inflation faibles, suivre l’évolution, en termes courants, des droits d’accise sur les carburants et des taxes carbone appliqués dans un pays donné n’avait guère d’impact sur l’évolution du signal-prix. L’examen en termes courants permet donc d’étudier quels dispositifs de tarification du carbone les pays ont activement mis en œuvre (dans la plupart des cas). Dans le contexte actuel, marqué à l’échelle mondiale par une inflation de 4.7 % en 2021 et de 8.8 % en 2022 (IMF, 2022[8] ; IMF, 2023[9]) (et une prévision à 5.9 % pour les pays du G20 en 2023 (OCDE, 2023[10])), même si les dispositifs n’ont peut-être pas encore évolué de manière à inclure des facteurs comme l’inflation, les montants des taxes en termes constants sont plus pertinents pour les besoins des études comportementales, en particulier lorsqu’il s’agit d’étudier le signal-prix effectif donné en faveur de la décarbonation. C’est pourquoi la majeure partie de l’analyse, qui présente des taxes par tonne de CO₂ (plutôt que par unité de carburant), repose sur les taux évalués en termes constants de 2021.

Entre 2021 et 2023, dans les 45 pays de l’OCDE et du G20 étudiés ici, les montants des taxes en vigueur dans le secteur du transport routier (frappant le gazole, l’essence et, dans certains cas, le GPL et le gaz naturel) exprimés en unité de monnaie locale (UML) en valeur courante ont baissé dans 15 pays, stagné dans 19 et augmenté dans 20. Sept des 19 pays qui ont relevé le montant des taxes sur les carburants sont dotés de dispositifs permettant d’augmenter le montant des droits d’accise sur les carburants en même temps que l’inflation (voir note de bas de page 8). Entre 2022 et 2023, aucun taux n’a baissé dans les pays où ils avaient augmenté en UML en valeur courante entre 2021 et 2023, même s’il a pu y avoir des baisses entre 2021 et 2022. Dans les pays où les taux sont restés inchangés, ils ont stagné tout au long de la période, sauf en Italie, où le montant des droits d’accise sur le gazole a baissé de 40 % entre 2021 et 2022, avant de revenir en 2023 à son niveau de 2021. Pour les pays dont le montant des droits d’accise sur les carburants a diminué de 2021 à 2023, l’essentiel de cette diminution a eu lieu entre 2021 et 2022. Pour mémoire, les baisses d’impôt temporaires intervenues sur un an et les réductions tarifaires (plafonnement des prix), pourtant fréquentes, ont été exclues de l’analyse.

À l’exception de la Slovénie, qui a supprimé la sienne en 2023, les taxes carbone exprimées en UML en valeur courante sont restées stables ou ont augmenté dans la plupart des pays qui en disposaient en 2021. Dans les treize autres pays dotés de taxes carbone, leur montant n’a pas baissé, même quand le droit d’accise sur les carburants a diminué (Irlande, Mexique, Norvège et Suède). Les contraintes de la politique économique liées à la hausse de la taxation du carbone pourraient faire partie des raisons qui expliquent ce découplage. La taxe carbone est un instrument de tarification explicite du carbone, contrairement au droit d’accise sur les carburants, qui est avant tout une taxe sur l’énergie9, et cela peut aussi contribuer à expliquer le constat suivant : là où les droits d’accise sur les carburants ont été revus à la baisse afin d’aider les ménages et les entreprises à faire face à la crise énergétique actuelle, l’objectif n’était pas nécessairement de désactiver les signaux-prix du carbone.

Dans l’échantillon analysé ici, les baisses de taxes sont essentiellement intervenues en Europe et en Asie centrale, là où la crise en Ukraine a probablement le plus exacerbé la crise énergétique. Parmi les 45 pays de l’OCDE et du G20 considérés, les droits d’accise sur les carburants ont été abaissés au moins une fois entre 2021 et 2023 dans 12 des 28 pays d’Europe et d’Asie centrale, deux des sept pays d’Asie de l’Est et du Sud et Pacifique et un des six pays d’Amérique latine et Caraïbes.

Les hausses et les baisses des montants des droits d’accise sur les carburants et des taxes carbone exprimés en UML en valeur courante n’ont pas particulièrement touché davantage le gazole que l’essence. L’essence a connu deux augmentations de plus que le gazole sur le montant des droits d’accise sur les carburants, tandis que le gazole a connu deux baisses supplémentaires par rapport à l’essence. Par tonne de CO₂, la « remise gazole » (Harding, 2014[11] ; OECD, 2019[5]) a été plus marquée dans un tiers des pays environ, elle est restée identique dans un deuxième tiers et s’est améliorée dans le tiers restant.

Tableau 4.1. Évolution de l’imposition en UML en valeur courante dans le secteur du transport routier entre 2021 et 2023

45 pays de l’OCDE et du G20

		Baisse de l’imposition	Stagnation de l’imposition	Hausse de l’imposition
Droits d’accise sur les carburants	Gazole	Corée, France (autobus et autocars), Inde, Irlande, Mexique, Pays‑Bas, Norvège, Portugal, Royaume‑Uni, Suède, Suisse, Slovénie, Tchéquie (13)	Allemagne, Autriche, Brésil, Canada*, Chine, Espagne, Estonie, , États-Unis, Grèce, Italie, Japon, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, République slovaque, Türkiye (16)	Afrique du Sud, Argentine, Australie, Belgique, Chili, Colombie, Costa Rica, Danemark, Finlande, France (propulsion d’engins, poids lourds), Hongrie, Indonésie, Islande, Israël, Nouvelle‑Zélande, Pologne, Russie (17)
	Essence	Corée, Hongrie, Inde, Irlande, Israël, Norvège, Pays‑Bas, Portugal, Royaume‑Uni, Suède, Suisse, Slovénie (12)	Allemagne, Autriche, Brésil, Canada, Chine, Espagne, Estonie, États-Unis, Finlande, Grèce, Japon, Lettonie, Lituanie, République slovaque, Tchéquie, Türkiye (16)	Afrique du Sud, Argentine, Australie, Belgique (essence sans plomb), Chili, Colombie, Costa Rica, Danemark, France, Indonésie, Islande, Italie, Luxembourg, Mexique, Nouvelle‑Zélande, Pologne, Russie (17)
	GPL	Corée	Lituanie, Türkiye	Pologne
	Gaz naturel			Argentine
Taxe sur le carbone	Gazole	Slovénie	Finlande, France, Japon, Portugal (non commercial, route)	Afrique du Sud, Argentine, Colombie, Danemark, Irlande, Islande, Luxembourg, Mexique, Norvège, Portugal (commercial, route), Suède
	Essence	Slovénie	Finlande, France, Japon, Portugal	Afrique du Sud, Argentine, Colombie, Danemark, Irlande, Islande, Luxembourg, Mexique, Norvège, Suède

Note : les taxes considérés aux fins de ce tableau sont celles qui s’appliquent aux carburants représentant plus de 5 % des émissions de CO₂ du transport routier d’un pays depuis le 1^er avril 2021. Par conséquent, les droits d’accise sur les carburants et les taxes carbone ne sont pas examinés ici en totalité. Des taxes carbone appliquées au gaz naturel ou au GPL dans le secteur du transport routier existent bien (en Afrique du Sud, au Canada, au Danemark, en Finlande, en France, en Irlande, au Japon, au Luxembourg, au Mexique, en Norvège, au Portugal, en Slovénie et en Suède), mais pas dans les pays où ces carburants représentent plus de 5 % des émissions de CO₂ de ce secteur. De plus, les taxes étudiées dans ce tableau sont ceux qui s’appliquent au niveau fédéral.

* Il est à noter que les taxes carbone des provinces et des territoires dotés de leurs propres dispositifs (par exemple la Colombie‑Britannique ou le Nouveau-Brunswick) ou assujettis au système fédéral de tarification du carbone (comme l’Alberta ou le Manitoba), qui inclut une redevance réglementaire sur les combustibles fossiles, ont effectivement augmenté, passant dans la plupart des cas de 40 CAD par tonne de CO₂ en 2021 à 50 CAD par tonne de CO₂ en 2022 et 65 CAD par tonne de CO₂ en 2023.

Les baisses d’imposition n’ont pas nécessairement touché les principales sources d’émission nationales, de même qu’à l’inverse, les hausses d’imposition n’ont pas nécessairement concerné les sources d’émission nationales de moindre importance (voir Tableau 4.1 et Graphique 4.1). Ainsi, la Tchéquie a diminué le montant de l’accise sur le gazole, pourtant responsable de la majeure partie (plus de 70 %) de ses émissions routières, tandis que le Luxembourg et l’Italie ont relevé leur droit d’accise sur l’essence, responsable de moins de 20 % des émissions de CO₂ d’origine routière dans ces deux pays. S’agissant des carburants moins utilisés dans le secteur du transport routier, comme le GPL et le gaz naturel, les tarifs actuels ont augmenté ou sont restés stables.

Graphique 4.1. Part des carburants dans les émissions de CO₂ du secteur du transport routier

Note : La catégorie « Divers » regroupe des carburants qui représentent chacun moins de 5 % des émissions de CO₂ du secteur du transport routier du pays.

Les taux exprimés par unité de carburant peuvent être convertis en taux par tonne de CO₂. La base d’imposition des droits d’accise sur les carburants et des taxes carbone qui sont appliqués dans le secteur du transport routier des 45 pays de l’OCDE et du G20 analysés dans ce chapitre est exprimée en litres de carburant pour les carburants liquides tels que le gazole, l’essence et le GPL, et en mètres cubes pour les carburants gazeux comme le gaz naturel. Sur la base du contenu carbone d’une unité de carburant, ces taxes peuvent être exprimées par tonne de CO₂ (voir Tableau 4.2). Un prix au litre donnera donc différents prix par tonne de CO₂ selon le contenu carbone du carburant considéré. Par exemple, le contenu carbone d’un litre de GPL étant inférieur à celui d’un litre de gazole, le même prix au litre implique un taux d’imposition par tonne de CO₂ plus élevé dans le cas du GPL.

Tableau 4.2. Montant des impôts dus : de l’unité communément employée dans le commerce à la tonne de CO₂

Carburant	Tarif par unité communément employée dans le commerce	Tarif équivalent en EUR par tonne de CO2
Gazole	10 centimes d’euro par litre	37.5
Essence	10 centimes d’euro par litre	43.7
GPL	10 centimes d’euro par litre	63.2
Gaz naturel	10 centimes d’euro par mètre3	58.5

Note : calculs de l’OCDE fondés sur la publication World Energy Statistics and Balances de l’AIE (IEA, 2023[12]). Les valeurs de référence indiquées reposent sur le contenu carbone moyen retenu dans les 44 pays étudiés pour ces catégories d’énergie. La quantité réelle d’émissions de carbone associée à la combustion de chaque carburant peut fluctuer en fonction de ses caractéristiques locales. Sont exclues du tableau les valeurs de référence des autres combustibles fossiles, des déchets non renouvelables et des biocarburants car le contenu carbone des produits énergétiques varie grandement au sein de ces catégories.

Source : adapté à partir du tableau 3.1 de l’OCDE (2019[5]).

Le reste du chapitre porte sur les taux exprimés par tonne de CO₂ à prix constants de 2021. L’examen des montants des taux effectifs de taxe sur le carbone qui en résultent permet de constater qu’ils ont baissé dans la plupart des pays (voir Graphique 4.2). Puisque les taux exprimés par tonne de CO₂ donnent une idée du signal-prix du carbone dans le secteur du transport routier, il est préférable de raisonner en termes réels pour les comparer au fil des années, c’est-à-dire de tenir compte de l’inflation. Exprimée en UML constantes de 2021 par tonne de CO₂, les taux effectifs de taxe sur le carbone ont diminué dans le secteur du transport routier de 37 des 45 pays entre 2021 et 2023. Cette baisse tient en partie à des choix politiques délibérés visant à abaisser les montants actuels des droits d’accise sur le gazole et l’essence dans certains pays (Tableau 4.1), et en partie à l’effet de l’inflation conjugué, soit à l’inaction gouvernementale en matière de réforme des droits d’accise sur les carburants, soit à une hausse des taux inférieure à l’inflation. Cela explique en partie les différences observées entre le Graphique 4.2 et le Tableau 4.110.

Les taux effectifs de taxe sur le carbone exprimés en UML constantes de 2021 ont augmenté dans 16 pays entre 2022 et 2023, là où la hausse n’avait concerné que trois pays entre 2021 et 2022. Cela a entraîné une augmentation des taux effectifs de taxe sur le carbone dans huit pays entre 2021 et 2023 (Graphique 4.2). L’augmentation a été très légère au Japon, où les taux nominaux de taxes n’ont pas varié (Tableau 4.1) durant toute la période, sachant qu’il s’agit du seul pays de l’échantillon à n’avoir pas subit d’inflation entre 2021 et 2023. L’Argentine, le Chili et la Colombie sont les trois seuls pays dotés de dispositifs d’indexation sur l’inflation des droits d’accise sur les carburants ou des taxes carbone qui ont aussi connu une hausse de l’imposition effective du carbone entre 2021 et 2023. Au Canada, si les droits d’accise fédéraux sur les carburants sont restés constants en prix courants, les taxes carbone des provinces et des territoires dotés de leurs propres dispositifs ou soumis au système fédéral de tarification du carbone ont augmenté, la plupart du temps de plus de 50 % en prix courants, ce qui s’est aussi traduit par une hausse à prix constants. Au Mexique, où l’essence occupe une part plus importante dans les émissions du secteur du transport routier, l’augmentation des montants des droits d’accise et de la taxe carbone sur l’essence a plus que compensé la baisse des montants des droits d’accise sur le gazole. Cela a entraîné une hausse des taux effectifs de taxe sur le carbone dans le pays entre 2021 et 2023. Enfin, en Indonésie, les montants des droits d’accise sur les carburants ont suffisamment augmenté en termes nominaux pour se traduire par une hausse en UML constantes de 2021. La Belgique, l’Irlande, l’Italie et le Luxembourg sont les seuls pays de l’UE dans lesquels les taux sont repartis à la hausse en 2022.

Graphique 4.2. Évolution de l’imposition effective du carbone dans le secteur du transport routier depuis 2021

Note : les taxes carbone propres aux États et aux provinces du Canada, du Mexique et des États-Unis ont été prises en compte dans les calculs. On fait l’hypothèse que les droits d’accise sur les carburants en vigueur dans les États des États-Unis et les provinces du Canada, tout comme les taxes carbone adoptées par des États du Mexique, ont suivi la même tendance que les taxes fédérales (autrement dit, qu’ils sont restés inchangés en termes nominaux).

En dépit d’une inflation plus forte en 2022 qu’en 2021, l’essentiel des baisses de taux observées dans le secteur du transport routier ont eu lieu entre 2021 et 2022 ; en 2023, leur niveau est déjà en train de se redresser (Graphique 4.3). La part des émissions de CO₂ du secteur du transport routier des 45 pays visées par une baisse des prix du carbone d’origine fiscale a été plus importante entre 2021 et 2022 qu’entre 2022 et 2023. Comme déjà observé en termes réels, des réformes plus actives ont été engagées pour réduire les taux entre 2021 et 2022 qu’entre 2022 et 2023. De plus, bien que l’imposition effective du carbone ait reculé dans la plupart des pays entre 2021 et 2023, le Graphique 4.2 montre que, même à prix constants de 2021, des hausses de tarification ont eu lieu entre 2022 et 2023. Malgré la diminution, en 2022 et 2023, des montants des taxes carbone en EUR constants de 2021, le taux médian est resté stable (près de 63.5 EUR par tonne de CO₂ en 2021 et 2023, environ 62 EUR par tonne de CO₂ en 2022) (Graphique 4.4). Les taux les plus élevés ont toutefois baissé : 29 % des émissions de CO₂ étaient soumises à un taux égal ou supérieur à 120 EUR par tonne de CO₂ en 2021, contre seulement 21 % en 2023. Ce résultat est cohérent avec la plupart des baisses observées dans l’UE, où les droits d’accise sur les carburants et combustibles étaient plus élevés en 2021.

Graphique 4.3. Part des émissions de CO₂ dues à la consommation d’énergie du secteur du transport routier touchées par une baisse ou une hausse fiscale

Note : « Pas de taxe » désigne les émissions non visées par la fiscalité carbone en 2021, 2022 et 2023. Il s’agit des seuls montants qui, lorsqu’ils sont considérés en UML constantes de 2021, sont restés identiques durant toute la période.

Graphique 4.4. Part des émissions de CO₂ du secteur du transport routier soumises à des niveaux d’imposition différents

Note : les taux ont été convertis en EUR (constants) de 2021 à l’aide des taux de change et des chiffres de l’inflation les plus récents dont dispose l’OCDE.

Si les taux effectifs de taxe sur le carbone a bien diminué dans une grande majorité des pays de l’OCDE et du G20 entre 2021 et 2023, ils ont déjà amorcé une remontée. Toutefois, la réalité d’une économie à faible inflation étant probablement en train de changer, l’indexation des droits d’accise sur les carburants et des taxes carbone sur l’inflation peut permettre de maintenir les signaux-prix du carbone donnés par les taxes et d’augmenter les recettes en accord avec la hausse des coûts.

La baisse de taux effectifs de taxe sur le carbone dans le secteur du transport routier de tous les pays de l’UE entre 2021 et 2023 et la hausse des prix des droits d’émission (même à tarifs constants de 2021, voir chapitre 2) dans les secteurs soumis au système d’échange de l’UE (SEQE-UE) ont contribué à diminuer l’écart entre les TEC appliqués dans ces différents secteurs. De fait, entre 2021 et 2023, dans les pays de l’OCDE et du G20 couverts par un SEQE, la moyenne des TEC appliqués dans le secteur du transport routier a diminué de 7.5 % (passant de 97 EUR par tonne de CO₂ environ à 90 EUR par tonne de CO₂) et augmenté de 46 % dans le secteur de l’électricité (passant de quelque 9 EUR par tonne de CO₂ à 14 EUR par tonne de CO₂) et de 26 % dans le secteur de l’industrie (passant d’environ 7 EUR par tonne de CO₂ à 9 EUR par tonne de CO₂). À l’avenir, un SEQE-UE 2 fondé sur la mise aux enchères des permis pourrait contribuer à éviter les baisses de tarification observées dans les secteurs principalement régis par des taxes, comme celui du transport routier. Cependant, l’écroulement récent du niveau des prix des permis en Corée montre que les marchés carbone ne constituent pas nécessairement un rempart contre les ralentissements économiques.

Références

[6] Amores A. F., M. (2022), Taxing Households Energy Consumption in the EU: the Tax Burden and its Redistributive effect, JRC130358.

[1] Ari, A. et al. (2022), « Surging Energy Prices in Europe in the Aftermath of the War: How to Support the Vulnerable and Speed up the Transition Away from Fossil Fuels », IMF Working Paper, 22/152.

[14] Boone, L. et A. Elgouacem (2021), At the cross-roads of a low-carbon transition: what can we learn from the current energy crisis?, https://oecdecoscope.blog/2021/10/22/at-the-cross-roads-of-a-low-carbon-transition-what-can-we-learn-from-the-current-energy-crisis/.

[11] Harding, M. (2014), « Avantage fiscal en faveur du gazole : différences de traitement fiscal de l’essence et du gazole à usage routier », Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité, n° 21, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/5jz14cd7hk6b-en.

[4] Hemmerlé, Y. et al. (2023), « Aiming better: Government support for households and firms during the energy crisis », OECD Economic Policy Papers, n° 32, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/839e3ae1-en.

[12] IEA (2023), « Extended world energy balances », IEA World Energy Statistics and Balances (base de données), https://doi.org/10.1787/data-00513-en (consulté le 13 novembre 2023).

[13] IEA (2021), « What is behind soaring energy prices and what happens next? », https://www.iea.org/commentaries/what-is-behind-soaring-energy-prices-and-what-happensnext.

[9] IMF (2023), « World Economic Outlook Update: Inflation Peaking amid Low Growth », Washington, DC. January.

[8] IMF (2022), « World Economic Outlook: Countering the Cost-of-Living Crisis », Washington, DC. October.

[10] OCDE (2023), Perspectives économiques de l’OCDE, Rapport intermédiaire, mars 2023 : Une reprise fragile, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/2d7536fc-fr.

[7] OECD (2023), Tax Policy Reforms 2023 : OECD and Selected Partner Economies, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/d8bc45d9-en.

[2] OECD (2022), « Why governments should target support amidst high energy prices », https://www.oecd.org/ukraine-hub/policy-responses/why-governments-should-target-supportamidst-high-energy-prices-40f44f78/.

[5] OECD (2019), Taxing Energy Use 2019 : Using Taxes for Climate Action, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/058ca239-en.

[3] Van Dender, K. et A. Raj (2022), « Progressing carbon pricing - a Sisyphean task? », Gestion & Finances Publiques 7, pp. 43-57, https://doi.org/10.3166/gfp.2022.ns.010.

Notes

← 1.  Des tendances à long terme sont également à l’œuvre, à l’image du sous-investissement dans l’offre de gaz naturel et d’énergies propres (voir AIE (2021[13])).

← 2.  https://bit.ly/3P2E47B.

← 3.  En effet, en période de crise, il est plus facile de mettre en œuvre des réductions de taxes et d’impôts à large assiette, surtout lorsque le pays ne dispose d’aucun système antérieur de ciblage. Cela présente aussi l’avantage de toucher les personnes éventuellement non prises en compte par le système de prestations sociales existant. Toutefois, cela se fait au détriment du maintien d’un signal-prix compatible avec les pénuries d’approvisionnement et aligné sur une trajectoire de neutralité en GES (voir, par exemple, Boone et Elgouacem (2021[14]), OCDE (2022[2])).

← 4.  Ensemble des pays de l’OCDE et du G20 à compter en janvier 2023, à l’exception de l’Arabie saoudite.

← 5.  Le chapitre 1 fournit des explications sur les instruments couverts par l’indicateur TEC et la raison pour laquelle certains instruments de tarification sont exclus de la base de données.

← 6.  Si en effet, en période de stabilité, les prix des permis sont volatils au cours d’une année, les droits d’accise sur les carburants et les taxes carbone sont généralement fixes une année durant. C’est pourquoi les TEC comptabilisent généralement les taxes disponibles au 1^er avril et les prix moyens des permis sur l’année.

← 7.  Les prix courants une année donnée dans une monnaie donnée sont exprimés dans la valeur de la monnaie pour l’année en question. Par conséquent, la comparaison des prix courants au fil du temps ne rend pas compte de l’inflation. Les prix constants s’adaptent à l’inflation et sont exprimés par rapport à une année de référence. Ils peuvent ensuite servir à mesurer les « variations réelles » d’une série de prix.

← 8.  En 2021, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, la Colombie, le Chili, le Danemark, les Pays‑Bas (application suspendue en 2022), le Royaume‑Uni et l’Afrique du Sud (application suspendue en 2022) étaient les seuls des pays analysés dans ce chapitre à s’être dotés de dispositifs permettant d’indexer ces taxes sur l’inflation.

← 9.  (Pouvant se traduire en taxe sur le carbone)

← 10.  Dans un même pays, des baisses ou hausses de l’imposition sur le gazole et l’essence, conjuguées à la variabilité du contenu carbone selon le carburant considéré, peuvent également expliquer les différences observées.