Alberto González Pandiella
OCDE
Alessandro Maravalle
OCDE
Alberto González Pandiella
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Alessandro Maravalle
OCDE
Continuing the recent fall in income inequality and poverty will necessitate Afin que se poursuive la récente baisse des inégalités et de la pauvreté, il faudra redoubler d’efforts face aux problèmes sociaux urgents, et ce tout en soutenant la croissance économique. L’amélioration des résultats de l’enseignement aiderait les Mexicains à acquérir les compétences nécessaires pour trouver leur place sur un marché du travail en pleine évolution et renforcerait le potentiel de croissance du pays. Le Mexique aurait beaucoup à gagner de la résorption de l’écart de taux d’activité entre les genres, qui déboucherait sur une distribution plus équitable des revenus et des chances. Le recul de l’économie informelle, en plus de renforcer la sécurité de l’emploi et la protection sociale des travailleurs, stimulerait la croissance économique.
Les inégalités de revenu et la pauvreté sont des problèmes de longue date pour le Mexique. Après une hausse au moment de la pandémie, les taux d’inégalités et de pauvreté ont récemment reculé (Graphique 4.1). Ce constat tient en partie à la revalorisation du salaire minimum et de certains transferts sociaux, notamment des pensions universelles non contributives. La proportion de ménages mexicains bénéficiant de programmes sociaux est passée de 28 % à 34 % depuis 2018 (CONEVAL, 2023[1]). Malgré cette hausse, le taux d’extrême pauvreté est resté globalement stable, aux alentours de 7 %. Le présent chapitre porte sur les enjeux cruciaux de longue date que sont l’amélioration des résultats du système éducatif, la réduction des disparités entre les genres et le recul de l’économie informelle ; autant d’impératifs pour continuer de résorber la pauvreté et les inégalités au Mexique tout en stimulant la croissance économique. S’ajoute à ces enjeux la question du ciblage des programmes sociaux, abordée en détail dans l’Étude économique de 2022. La constitution d’un registre national des bénéficiaires de programmes sociaux gérés à différents niveaux des pouvoirs publics, recommandée dans ladite étude, serait une mesure décisive pour améliorer le ciblage et réduire à la fois les inégalités et la pauvreté.
La population relativement jeune du Mexique a un fort potentiel d’adaptation aux tendances mondiales qui redéfinissent les besoins de compétences, comme la transformation numérique ou la décarbonation. La qualité des compétences est un élément de plus en plus central des stratégies d’attraction de l’investissement direct étranger. Pour concrétiser ce potentiel, le Mexique doit tenter de venir à bout de deux problèmes. Premièrement, en dépit d’un accès quasi universel à l’éducation, encore trop d’élèves quittent le système éducatif sans avoir achevé leurs études secondaires (Graphique 4.2). Deuxièmement, la qualité de l’enseignement peut être améliorée (Graphique 4.3, partie A) et les inégalités entre régions réduites (Graphique 4.3, partie B). La pandémie a par ailleurs gravement malmené le système éducatif mexicain en causant l’un des plus longs épisodes de fermetures d’écoles de la zone OCDE, ce qui n’a fait qu’accumuler les retards d’apprentissage (CONEVAL, 2023[1]). Le Mexique rejoint les autres pays de l’OCDE en enregistrant des résultats au PISA 2022 en baisse par rapport à 2018 en mathématiques, en sciences et en compréhension de l’écrit. Ce recul est particulièrement marqué en mathématiques étant donné que les gains observés au cours de la période 2003-09 sont inversés et que les scores moyens retombent aux niveaux de 2003 (OECD, 2023[2]).
Comme l’illustre l’expérience positive de plusieurs pays de l’OCDE, il serait utile, dans un premier temps, d’évaluer l’efficacité globale du système éducatif en vue de mettre en place des mesures d’amélioration du taux d’obtention de diplômes et de la qualité (Encadré 4.1). Des informations plus complètes et plus homogènes sur les inscriptions, le nombre d’enseignants et les parcours individuels des élèves permettraient de procéder à une évaluation solide des politiques d’éducation, d’y apporter les ajustements nécessaires et d’optimiser les dépenses d’éducation. Cela faciliterait également la mise en place de mécanismes d’alerte précoce pour repérer les élèves ayant besoin d’un accompagnement ciblé, mais aussi l’évaluation et la satisfaction des besoins de formation des enseignants.
Dans le cas des jeunes enfants, l’allongement de la journée scolaire, actuellement de 4.5 heures dans l’enseignement primaire, aurait une incidence positive et durable sur leur performance et résorberait les retards d’achèvement de la scolarité (Cabrera-Hernández et al., 2023[3]), notamment dans les écoles des zones plus défavorisées (CONEVAL, 2018[4]). Le renforcement de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants aurait lui aussi une incidence particulièrement bénéfique sur les résultats scolaires des enfants issus de ménages à faible revenu. L’allongement de la journée scolaire et l’élargissement de l’offre de services d’éducation et d’accueil des jeunes enfants contribueraient également à faire progresser le taux d’activité des femmes, comme on le verra dans la section suivante du présent chapitre.
Plusieurs pays de l’OCDE ont redoublé d’efforts pour améliorer leurs politiques d’éducation en perfectionnant leurs systèmes de données et d’évaluation.
Collecte de données comparables : l’Australie et les États-Unis, deux pays dotés d’un système éducatif fortement décentralisé, comme le Mexique, illustrent les avantages de la collecte de données comparables et d’un système d’information commun. Par exemple, dans l’État du Maryland (États-Unis) où le système d’établissements scolaires publics compte parmi les plus performants du pays, les écoles utilisent les données pour suivre la progression de l’apprentissage et les besoins des élèves. L’Australie a constitué un référentiel de données détaillées sur tous les établissements scolaires du pays. Son cadre juridique, établi au niveau fédéral, garantit la communication régulière et obligatoire des données par les écoles. L’affectation de financements est conditionnée à la communication de données, assurant ainsi l’adhésion et la motivation des établissements scolaires. Ce mécanisme a contribué à une culture fondée sur les données, lesquelles sont en libre accès pour les parties prenantes de l’éducation et portent en priorité sur l’apprentissage des groupes défavorisés (Abdul-Hamid, 2017[5]). L’élargissement de la disponibilité et de la chronologie des données permettrait d’établir des systèmes d’alerte précoce susceptibles de prévenir le décrochage scolaire. À Chicago, un système éducatif vaste et hétérogène, il a contribué à l’augmentation du taux d’obtention de diplômes de l’enseignement secondaire, de 52 % en 1998 à plus de 90 % en 2019 (OCDE, 2022[6]).
Évaluation : plusieurs pays de l’OCDE ont placé l’évaluation au premier rang des priorités de leurs actions pour améliorer la qualité, l’équité et l’efficacité des systèmes éducatifs. La Norvège a créé un cadre intégral d’évaluation, lequel livre des informations de suivi à différents niveaux, favorise la redevabilité des établissements scolaires et surveille l’équité des résultats de l’enseignement (OECD, 2011[7]). La France, par le biais du programme IDEE, facilite l’accès des chercheurs aux données administratives d’éducation et vise à renforcer les partenariats pour la recherche entre professionnels du monde de l’éducation, responsables publics et laboratoires de recherche.
Les dépenses d’éducation doivent être mieux ciblées afin de réduire les différences de résultats de l’enseignement d’un État à l’autre. La distribution du principal transfert réservé à l’éducation repose sur une formule comprenant différents critères, dont le nombre d’élèves et la qualité de l’enseignement. Cette formule pourrait être améliorée en donnant plus de poids à la qualité de l’enseignement et en utilisant une définition généralement acceptée et transparente de la qualité d’enseignement. Les mesures incitatives pourraient elles aussi être améliorées par l’octroi de ressources supplémentaires aux États qui parviennent à de meilleurs résultats de l’enseignement. L’expérience de certains pays de la région, comme le Brésil, illustre qu’une conjugaison efficace d’augmentation des ressources et de mise en œuvre de mécanismes incitatifs peut aboutir à des améliorations sensibles des résultats de l’enseignement. L’État de Ceará en atteste : parti d’un niveau très bas, il est devenu l’un des États affichant la meilleure qualité d’enseignement au Brésil (OECD, 2018[8]).
Il est également possible d’accroître plus encore la proportion de diplômés de l’enseignement supérieur et d’adapter l’offre de formations aux besoins du marché du travail, surtout au regard des compétences numériques. L’amélioration de la qualité dans l’enseignement primaire et secondaire est nécessaire pour que les taux d’obtention de diplômes de l’enseignement supérieur continuent de progresser (Graphique 4.4). Le Mexique enregistre un million de diplômés de l’enseignement supérieur chaque année, dont un tiers dans les filières STIM. Or, compte tenu de l’évolution de la demande de compétences à l’échelle mondiale et de la délocalisation de proximité au Mexique, il serait judicieux d’assurer une offre de formations en adéquation avec les besoins du marché du travail. L’anticipation des compétences et la concertation systématique avec le monde des affaires au niveau des États fédérés demeurent importantes. Certains États évoluent dans ce sens et s’attachent à adapter les programmes d’études supérieures à une demande croissante de compétences spécialisées.
Redoubler d’efforts pour faire en sorte que tous les Mexicains – y compris ceux qui ont abandonné très tôt le système éducatif – acquièrent les compétences recherchées permettrait également d’atténuer les difficultés de recrutement des entreprises. Ce sont en effet 75 % des employeurs qui font état de difficultés à pourvoir les postes vacants en raison du manque de compétences appropriées et cette proportion ne fait qu’augmenter (IMCO, 2023[9]). Les métiers qualifiés, les ingénieurs et les opérateurs de production/machines font partie des cinq types de postes les plus difficiles à pourvoir. Les programmes de bourse d’études tels que Becas Benito Juarez étant devenus un élément fondamental des politiques sociales, il conviendrait de déterminer dans quelle mesure ils équipent les bénéficiaires de compétences débouchant sur des emplois de qualité dans le secteur formel.
Des programmes de formation en alternance, conçus et mis en œuvre en partenariat avec les autorités allemandes et en étroite collaboration avec le secteur privé, sont progressivement déployés et donnent des résultats positifs quant aux compétences acquises (SEP, 2023[10]). Des mesures visant à aider davantage d’élèves et d’entreprises à participer à ce type de programmes amélioreraient l’offre de compétences techniques et l’accès à des emplois dans le secteur formel. Il serait envisageable, dans ce but, de réserver une part des bourses pour les programmes en alternance et de créer des mécanismes institutionnels facilitant la participation des PME aux activités de formation. L’expérience des pays de l’OCDE laisse également à penser que les programmes de formation professionnelle en alternance peuvent être particulièrement utiles pour reconvertir les travailleurs adultes qui ont quitté le système éducatif avant de terminer leurs études.
L’égalité entre les genres est non seulement un impératif moral, mais aussi une garantie de croissance économique et de bien-être. Bien que le taux d’activité des femmes au Mexique ait récemment augmenté, il reste nettement inférieur à celui d’autres pays de l’OCDE et d’Amérique latine (Graphique 4.5). Une plus grande insertion des femmes sur le marché du travail serait particulièrement porteuse pour le Mexique (Graphique 4.6). La croissance serait stimulée par l’augmentation de la main-d’œuvre et de la productivité grâce à une adéquation accrue entre les travailleurs et les emplois. Une meilleure utilisation des compétences disponibles dans la population féminine renforcerait par ailleurs la compétitivité du Mexique et aiderait à saisir les opportunités offertes par la délocalisation de proximité.
Outre le taux d’activité, les disparités entre les genres se manifestent également dans la qualité des emplois, les femmes ayant plus tendance que les hommes à travailler dans le secteur informel. Elles sont aussi moins rémunérées que les hommes. L’écart de rémunération mensuelle entre les genres pour l’ensemble des travailleurs à temps plein au Mexique s’établit à 17 %, à comparer avec une moyenne de 12 % dans la zone OCDE. Les écarts entre les genres tiennent à de nombreux facteurs, dont une plus forte probabilité d’interruption de carrière pour les femmes, la ségrégation professionnelle et sectorielle, les discriminations de la part des employeurs et la charge disproportionnée de travail domestique non rémunéré assumée par les femmes.
Les tâches domestiques et familiales reposent principalement sur les épaules des femmes au Mexique, réduisant ainsi leurs chances de mener à bien des études ou d’intégrer le marché du travail. Elles consacrent en moyenne 40 heures par semaine aux tâches domestiques et familiales, contre 15 heures dans le cas des hommes (INEGI, 2021[12]). L’écart se creuse dans les ménages avec enfants de moins de 6 ans et dans les zones rurales. D’autre part, le fait que les femmes ont davantage tendance à interrompre leur carrière pour avoir des enfants contribue à une pénalité de rémunération liée à la maternité. Les heures de travail excessivement longues, très courantes au Mexique, empêchent plus particulièrement les femmes de travailler. Dans le secteur public comme privé, la modulation du temps de travail, le recours temporaire au travail à temps partiel pour raisons familiales et le télétravail sont autant de moyens à promouvoir et à encourager pour aider les femmes et les hommes à concilier responsabilités familiales et professionnelles. Les disparités entre les genres seraient ainsi réduites.
Un système complet d’éducation et d’accueil des jeunes enfants est indispensable pour favoriser le travail des femmes et réduire les écarts observés entre les genres. Le taux d’inscription des enfants de 3 à 5 ans est sur la bonne voie, mais le Mexique peut encore augmenter le taux d’inscription des plus petits (Graphique 4.7). Les subventions mises en place pour remplacer le réseau de structures d’accueil des jeunes enfants (Estancias Infantiles), supprimé par le gouvernement fédéral en 2019, sont insuffisantes pour couvrir le coût, et le nombre de bénéficiaires est relativement faible. Le ministère des Finances, en coopération avec d’autres ministères et institutions du gouvernement fédéral, se penche depuis quelque temps sur différentes stratégies pour mettre en place un réseau fédéral de structures d’accueil des jeunes enfants, avec le concours également des administrations infranationales et du secteur privé. L’accueil de tous les enfants de moins de 6 ans coûterait 1.2 % du PIB par an, sachant que le Mexique dépense actuellement 0.5 % de son PIB (UN, 2020[13]). Cette initiative n’a pas encore dépassé le stade de la planification (Tableau 4.1Tableau 4.1), mais la collaboration public-privé est plus avancée dans quelques États. Les structures d’accueil des jeunes enfants peuvent aussi être très utiles aux employeurs et aux communes pour attirer et fidéliser les salariés très recherchés. Pour tirer pleinement parti des avantages potentiels d’un système d’accueil des jeunes enfants, il est essentiel, tout en donnant la priorité aux travailleurs à faible revenu, de faire en sorte que le réseau devienne accessible à tous les ménages au fil du temps, y compris aux travailleurs du secteur informel.
La durée de la journée scolaire dans l’enseignement élémentaire retentit elle aussi lourdement sur l’emploi des femmes. Les réformes menées dans plusieurs pays de l’OCDE (Encadré 4.2) confirment que l’allongement de la journée scolaire dans l’enseignement primaire peut avoir un effet très bénéfique sur l’activité, l’emploi et les heures de travail des femmes. L’expérience de la scolarisation à temps plein au Mexique est positive (Cabrera-Hernández et al., 2023[3]). Le gouvernement fédéral a mis un terme au programme en 2022, mais les écoles primaires qui accueillent les élèves à temps plein restent en place dans 6 États.
Recommandations antérieures |
Mesures prises depuis l’Étude 2022 |
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Créer un réseau de structures pour l’accueil des jeunes enfants en donnant la priorité aux ménages modestes. |
La planification est engagée |
Mettre en place des programmes de réintégration à l’école des élèves ayant décroché pendant la pandémie et assurer un accompagnement ciblé et un tutorat auprès des élèves ayant des difficultés d’apprentissage. |
Aucune mesure n’a été prise |
Instituer un régime d’assurance chômage fédéral. |
Aucune mesure n’a été prise |
En 1997, le Chili a engagé une réforme nationale de l’éducation dans le système scolaire public, laquelle augmentait le nombre d’heures d’instruction par semaine sans changer le nombre de jours d’école. Pour la majorité des établissements d’enseignement primaire, cette réforme supposait le passage de la demi-journée à la journée complète. L’évaluation de l’impact de la réforme fait apparaître d’importants effets de causalité positifs sur l’activité des mères de famille, leur emploi, leurs heures travaillées par semaine et leurs mois travaillés par an (Berthelon, Kruger et Oyarzún, 2023[14]). Il en ressort qu’une augmentation de 30 points de pourcentage de la proportion d’établissements scolaires à temps plein renforcerait le taux d’emploi et d’activité des mères de famille d’environ 9 % sur une période d’un an. Ce sont les mères peu qualifiées et mariées qui bénéficient le plus de la réforme. De même, les activités périscolaires ont elles aussi eu des effets positifs sur l’emploi des mères de famille en Suisse (Felfe, Lechner et Thiemann, 2016[15]) et le raccourcissement de la journée de classe a entraîné la baisse du taux d’activité des mères d’élèves de l’enseignement élémentaire au Japon (Takaku, 2019[16]).
Il serait également utile de promouvoir l’utilisation du congé de paternité auquel ont droit les pères. L’utilisation du congé parental est devenue de plus en plus égale entre les pères et les mères dans les pays de l’OCDE, voire presque égale dans certains pays (Islande, Portugal et Suède). Le congé de maternité rémunéré est de 12 semaines au Mexique, tandis que le congé de paternité est limité à une semaine. Contrairement au congé des mères qui est financé par le système de sécurité sociale, le congé des pères est entièrement à la charge de l’employeur. Le congé des pères est peu utilisé, car il est stigmatisé socialement et n’est disponible que pour les travailleurs du secteur formel. Le financement du droit au congé par le système de sécurité sociale, comme c’est le cas pour les mères au Mexique et pour les pères dans de nombreux pays de l’OCDE, pourrait faciliter l’adoption du congé et briser les préjugés (OECD, 2017[17]).
Ce sont aussi principalement les femmes qui s’occupent des personnes âgées. L’étoffement progressif des services de prise en charge professionnelle des personnes âgées, y compris des services à domicile et de proximité, favoriserait également l’augmentation du taux d’activité des femmes. Il pourrait par ailleurs atténuer les hausses de dépenses de santé compte tenu de l’incidence préventive de ces services, qui réduit les hospitalisations. L’impact budgétaire de la prise en charge de deux millions de personnes âgées dépendantes, sur les trois millions actuellement dénombrées au Mexique, serait de 0.5 % du PIB. Elle aurait par ailleurs une incidence positive sur la régularisation du travail, grâce à la création de 800 000 emplois formels (UN at al., 2020[18]).
Le Mexique a bien progressé sur le front de la représentation politique des femmes. La proportion de femmes au Congrès a évolué à la hausse et atteint actuellement 52 %. Inversement, à 7 %, la proportion de sièges aux conseils d’administration des entreprises privées occupés par des femmes est inférieure à celle observée dans la plupart des pays de l’OCDE (27 % en moyenne). Promouvoir la mixité des genres aux postes de direction des entreprises privées peut contribuer à renforcer la diversité et à améliorer les résultats économiques. Les sociétés cotées en Bourse sont tenues de rendre compte de leurs progrès en matière de réduction des déséquilibres entre les genres, mais cette obligation n’est souvent pas respectée. Veiller à ce qu’elle le soit favoriserait l’égalité entre les genres comme l’illustrent plusieurs pays de l’OCDE, dont l’Australie ou le Royaume-Uni (ILO, 2020[19]). Accroître la transparence en exigeant des entreprises qu’elles déclarent l’écart de rémunération entre les genres est une solution prometteuse pour réduire cette disparité (OECD, 2021[20]), adoptée par plus de la moitié des pays de l’OCDE (OECD, 2023[21]). Des initiatives récentes, comme la création du Comité interinstitutionnel pour l’égalité des genres dans les établissements financiers, qui regroupe 20 établissements publics et privés, mais aussi l’inclusion d’indicateurs sexospécifiques dans la taxonomie de la durabilité (voir le chapitre 2), sont autant de pas dans la direction d’une plus grande égalité entre les genres.
Plusieurs réformes importantes du marché du travail mises en œuvre au Mexique commencent à porter fruit et à renforcer l’inclusivité. Il s’agit notamment de modifications apportées à l’accord de libre-échange entre les pays d’Amérique du Nord pour améliorer la résolution des conflits, la représentation des travailleurs et les négociations collectives. Au total, 79 nouveaux syndicats ont été créés et plus de 30 500 conventions collectives ont été enregistrées, concernant plus de 7 millions de travailleurs. Il convient également de citer, parmi les grandes réformes, la création de nouveaux tribunaux indépendants et spécialisés, appelés « centre de conciliation et registre du travail » (Centro de Conciliación y Registro Laboral), pour résoudre rapidement les conflits entre travailleurs et employeurs. Quatre conflits sur cinq sont désormais résolus en moins de 45 jours sans passer devant un tribunal et le délai moyen de résolution par la voie du tribunal est de 6.5 mois, soit 87 % moins de temps qu’avec le système précédent. La mise en œuvre des réformes demande également des efforts de la part des États et des communes, à savoir l’alignement de la législation locale, le renforcement de l’inspection du travail, l’apport d’assistance judiciaire ou la collecte et le maintien de données sur les questions syndicales. États et communes progressent de manière hétérogène et bénéficieraient d’un recours accru aux outils judiciaires numériques. Ceux-ci permettent l’accès à distance, accélèrent les procédures et réduisent les coûts en harmonisant et en automatisant les démarches.
Outre les réformes incorporées dans l’accord de libre-échange, une autre réforme cruciale, adoptée en accord avec les partenaires sociaux, visait à réduire la fraude dans le cadre du recours à la sous-traitance. Avant la réforme, environ 20 % des travailleurs du secteur formel étaient employés en sous-traitance dans le cadre d’un programme d’externalisation. Depuis la réforme, la sous-traitance est autorisée uniquement pour des services spécialisés qui ne relèvent pas de l’activité principale de l’entreprise. Les entreprises sous-traitantes doivent être officiellement enregistrées auprès du ministère du Travail pour pouvoir fournir leurs services. En conséquence de la réforme, environ trois millions de travailleurs ont changé d’employeur et les salaires déclarés ont augmenté en moyenne de 4.2 %. Les hausses de salaire ont été plus importantes au bas de l’échelle des revenus, atteignant 42 % pour les travailleurs du premier décile. D’autres réformes méritent d’être citées, notamment celle de la retraite, également adoptée en accord avec le secteur privé, qui visait à augmenter la couverture de retraite et les droits à retraite (Encadré 4.3) ; le relèvement du congé annuel minimal légal de 6 à 12 jours ; et l’octroi de droits à la sécurité sociale aux travailleurs domestiques, ce qui réduit le caractère informel de leur activité.
Le Mexique a récemment apporté plusieurs modifications à son système de retraite, abordées en détail dans l’Étude économique de 2022. L’une des plus importantes est la réforme du système de retraite contributif, adoptée en 2021 d’un commun accord avec le secteur privé. Elle vise à augmenter les taux de couverture (actuellement 30 % seulement de la population âgée reçoivent une pension) et de remplacement. Pour éviter de nuire à la création d’emplois formels à bas salaire, la réforme sera financée par une augmentation graduelle des cotisations à la charge des employeurs, de 2023 à 2030, selon un barème progressif (montant des cotisations en fonction du salaire). Le financement par le gouvernement fédéral est lui aussi progressif, à raison de 60 % des cotisations des travailleurs au bas de l’échelle des revenus et 0 % pour ceux qui occupent le haut de l’échelle. Le montant des cotisations des salariés demeure inchangé et fixe, à 1.13 %. Selon les estimations du gouvernement, 80 % des travailleurs du secteur formel bénéficieront d’une pension une fois la réforme pleinement appliquée. Les taux de remplacement augmenteront en particulier pour les travailleurs à faible revenu.
Il reste, pour renforcer l’inclusivité du marché du travail, la tâche difficile de réduire l’économie informelle. Malgré une récente tendance à la baisse, elle concerne encore à peu près 55 % des travailleurs. Près de 40 % de personnes vivent dans des ménages dépendant entièrement de l’économie informelle (OECD et al., 2023[22]). Certaines des réformes récemment mises en œuvre, dont celle visant à réduire la fraude dans le recours à l’externalisation ou le programme spécial à destination des travailleurs domestiques, contribuent à la régularisation. Jovenes Construyendo el Futuro, un programme de stages pour aider les jeunes chômeurs à acquérir une expérience professionnelle, est lui aussi prometteur dans ce sens. Son efficacité pour aider les jeunes à entrer sur le marché du travail formel et à y rester devrait faire partie de l’évaluation continue du programme. Il n’existe pas de solution miracle pour réduire l’économie informelle et des mesures s’imposent dans plusieurs domaines, comme indiqué dans l’Étude de 2022. Certaines des réformes proposées ici pourraient néanmoins être intégrées dans ce type de stratégie globale. Parmi elles, la réduction du coût et du poids des contraintes réglementaires qui accompagnent la création et le développement d’une entreprise formelle (comme évoqué au chapitre 3) et l’amélioration du capital humain (abordée plus haut dans ce chapitre). L’allongement de la journée scolaire et l’élargissement de l’accès à l’éducation et à l’accueil des jeunes enfants contribueraient également à la régularisation. En effet, la courte durée de la journée de classe et le manque de services d’accueil des enfants forcent bon nombre de femmes à travailler dans le secteur informel, souvent la seule solution pour concilier travail et responsabilités familiales.
L’amélioration de la protection sociale peut elle aussi motiver le passage de l’économie informelle à l’économie formelle. Un bon exemple est celui de la récente réforme du système de retraite contributif qui, en améliorant les prestations de retraite, encourage l’emploi formel. Dans le même ordre d’idées, l’amélioration de l’accès au filet de protection sociale et de sa couverture pourrait stimuler l’emploi formel. Il serait envisageable pour cela de fournir des aides au revenu par le biais du système d’impôt sur le revenu des personnes physiques, par exemple au moyen d’un impôt négatif. À l’heure actuelle, les programmes sociaux sont fragmentés et leur couverture des ménages modestes peut être améliorée (OECD, 2022[23]). Fournies par le biais du système d’impôt sur le revenu des personnes physiques, les aides au revenu prévues par les programmes gérés au niveau fédéral pourraient être mieux ciblées vers les travailleurs démunis de l’économie informelle. Une telle mesure favoriserait par ailleurs l’inclusion financière et réduirait les possibilités de clientélisme corrélées avec certains programmes sociaux. Selon cette proposition, tous les travailleurs seraient tenus de s’inscrire auprès de l’administration fiscale et de déclarer leurs revenus personnels. Ceux dont les revenus ne dépassent pas un certain seuil seraient exonérés de l’impôt et, en fonction des montants déclarés, recevraient un paiement à la place. Ce paiement diminuerait à mesure de l’augmentation du revenu d’activité. Le système d’impôt sur le revenu des personnes physiques étant plus étendu au Mexique que dans d’autres pays d’Amérique latine (le seuil de revenu imposable est fixé à un multiple de 0.6 du salaire moyen, contre un multiple de près de 2 au Costa Rica ou de 3 en Colombie), cette proposition est envisageable. L’expérience de quelques pays de l’OCDE, notamment celle des États-Unis avec le crédit d’impôt sur les revenus d’activité, est positive (Hoynes; Patel, 2017[24]) comme en attestent l’augmentation du taux d’emploi formel parmi les groupes ayant des liens ténus avec le marché du travail et la baisse de la pauvreté. La poursuite des efforts visant à renforcer l’application de la réglementation fiscale et du droit du travail ainsi qu’à faciliter la régularisation des entreprises (voir le chapitre 3) devrait faire partie d’une stratégie globale de réduction de l’économie informelle.
PRINCIPAUX RÉSULTATS |
RECOMMANDATIONS DU CHAPITRE 4 (Principales recommandations en gras) |
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Redoubler d’efforts pour renforcer le capital humain |
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Trop d’élèves quittent le système éducatif sans avoir achevé leurs études secondaires. Il est possible d’améliorer la qualité de l’enseignement et de réduire les inégalités entre régions. |
Identifier les élèves qui ont besoin de soutien pour leur fournir un accompagnement ciblé, et évaluer les besoins de formation des enseignants afin de les satisfaire. Mettre en place des mécanismes solides et systématiques d’évaluation des programmes d’enseignement à partir de statistiques complètes et homogènes. Accorder davantage de poids à la qualité de l’enseignement dans la formule de calcul du transfert de base destiné aux États pour l’éducation et fournir des fonds supplémentaires aux États qui parviennent à améliorer la qualité. Anticiper les compétences et consulter systématiquement les entreprises, au niveau de l’État, pour assurer l’adéquation entre les formations universitaires et professionnelles et les besoins du marché du travail. Identifier les programmes de formation les plus efficaces pour équiper les travailleurs des compétences appropriées et pour les perfectionner. Évaluer les programmes de bourses d’études pour déterminer si les bénéficiaires accèdent à des emplois formels de qualité. |
Des programmes de formation professionnelle en alternance sont progressivement mis en place dans tous les pays et les résultats sont positifs sur le plan des compétences acquises. |
Réserver une part des bourses pour les programmes en alternance et mettre en place des mécanismes institutionnels facilitant la participation des PME aux activités de formation. |
Accroître l’égalité des genres |
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Bien qu’il ait récemment augmenté, le taux d’activité des femmes, qui s’établit à 50 %, reste plus faible que dans la zone OCDE et dans d’autres pays d’Amérique latine. Les tâches domestiques et familiales sont principalement assumées par les femmes. |
Créer un réseau fédéral de structures d’éducation et d’accueil des jeunes enfants en donnant la priorité aux ménages à faibles revenus. Augmenter le nombre d’établissements d’enseignement primaire accueillant les élèves à temps plein. Étoffer les services de prise en charge professionnelle des personnes âgées, à domicile et dans le cadre de soins de proximité. |
Des heures de travail excessivement longues empêchent les femmes de travailler. |
Favoriser la modulation du temps de travail, le recours temporaire au travail à temps partiel pour raisons familiales et le télétravail. |
Le congé de maternité rémunéré est de 12 semaines au Mexique, tandis que le congé de paternité est limité à une semaine. Peu de pères prennent leur congé de paternité. Le congé est intégralement à la charge de l’employeur. |
Allonger la durée du congé de paternité rémunéré et le financer au moyen du système de sécurité sociale. |
La représentation politique des femmes a progressé, mais la proportion de femmes siégeant au conseil d’administration des entreprises privées pourrait être améliorée. |
Mettre en place une obligation de transparence sur l’écart de salaires pour les entreprises cotées en Bourse. Assurer le respect de l’obligation de déclaration de l’écart de salaires pour les entreprises cotées en Bourse afin de réduire les déséquilibres entre les genres. |
Continuer de renforcer l’inclusivité du marché du travail |
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Le Mexique a mis en œuvre des réformes destinées à améliorer la résolution des conflits, la représentation des travailleurs et les négociations collectives. Ces réformes portent fruit. Les efforts de mise en œuvre au niveau des États et des communes sont hétérogènes. |
Assurer la pleine mise en œuvre des réformes au niveau des États et des communes, par exemple en recourant davantage aux outils judiciaires numériques. |
55 % des travailleurs sont actifs dans le secteur informel, ce qui nuit au bien-être et à la productivité. |
Adopter une stratégie globale pour réduire l’économie informelle, notamment en fournissant des aides aux ménages modestes par le biais du système d’impôt sur le revenu des personnes ou en réduisant le coût des procédures d’enregistrement et d’autorisation des entreprises au niveau des États et des communes. |
[5] Abdul-Hamid, H. (2017), « Data for Learning: Building a Smart Education Data System. Washington, World Bank Group. », Washington, World Bank Group..
[14] Berthelon, M., D. Kruger et M. Oyarzún (2023), « School schedules and mothers’ employment: evidence from an education reform », Review of Economics of the Household, vol. 21/1, pp. 131-171, https://doi.org/10.1007/s11150-022-09599-6.
[3] Cabrera-Hernández et al. (2023), « Full-time schools and educational trajectories: Evidence from high-stakes exams », Economics of Education Review, vol. 96, p. 102443, https://doi.org/10.1016/j.econedurev.2023.102443.
[1] CONEVAL (2023), « Medición de Pobreza 2022 ».
[4] CONEVAL (2018), « Impacto de Programa Escuelas de Tiempo Completo 2018. ».
[15] Felfe, C., M. Lechner et P. Thiemann (2016), « After-school care and parents’ labor supply », Labour Economics, vol. 42/C, pp. 64-75, https://EconPapers.repec.org/RePEc:eee:labeco:v:42:y:2016:i:c:p:64-75.
[24] Hoynes; Patel (2017), « Effective Policy for Reducing Poverty and Inequality?” », Journal of Human Resources.
[19] ILO (2020), Women in business and management: improving gender diversity in company boards (voluntary targets vs quotas).
[9] IMCO (2023), « El panorama de las vacantes y la población disponible en México ».
[12] INEGI (2021), Encuesta para la Medición del Impacto COVID-19 en la Educación (ECOVID-ED) 2020, Instituto Nacional de Estadística y Geografía.
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