Ce chapitre analyse les initiatives de participation citoyenne dans la vie publique marocaine. Il en étudie le cadre légal et institutionnel, ainsi que les pratiques existantes et l’élan qu’elles ont connu dans leur mise en œuvre depuis quelques années, tant au niveau national que local. En s’appuyant sur des données et des bonnes pratiques des pays membres et non membres de l’OCDE, il revient sur les défis et opportunités, et dégage les leviers à la disposition des autorités publiques marocaines pour en déployer le plein potentiel dans le cadre d’une approche stratégique et cohérente du gouvernement ouvert au Maroc
Examen du gouvernement ouvert au Maroc 2024
5. La participation en pratique : soutenir la participation des citoyens pour un gouvernement plus ouvert et plus inclusif au Maroc
Abstract
5.1. Introduction
La participation citoyenne est une composante clé dans les démocraties modernes. Il s’agit d’un concept vaste, et qui peut recouvrir des pratiques institutionnalisées, comme les élections ou les consultations publiques, et plus informelles, à l’image de l’activisme ou des manifestations. Ce chapitre s’intéresse à l’inclusion des citoyens et des parties prenantes dans les formes de participation institutionnalisées, à l’exception des élections et des référendums. Des institutions publiques à tous les niveaux de gouvernement emploient de façon croissante des moyens classiques de participation citoyenne (par exemple, des pétitions, des consultations, des auditions publiques, etc.) à différentes étapes du cycle des politiques publiques (OCDE, 2020[1]). De nouvelles formes émergent également (par exemple, les processus délibératifs, la e-participation, etc.), qu’elles soient menées par des autorités publiques, des citoyens ou des organisations de la société civile (OSC) (OCDE, 2020[1]).
La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le Gouvernement Ouvert définit la participation comme l’ensemble des formes d’intégration des parties prenantes au cycle des politiques publiques, ainsi qu’à la conception et à la prestation des services publics (OCDE, 2017[2]). Elle identifie trois niveaux d’implication dans la participation :
Information : niveau initial de participation, caractérisé par une relation unilatérale, dans le cadre de laquelle les pouvoirs publics produisent de l’information et la communiquent aux parties prenantes. Cette notion recouvre à la fois la fourniture d’information sur demande et les mesures « volontaristes » prises par les pouvoirs publics pour diffuser l’information.
Consultation : niveau plus poussé de participation, caractérisé par une relation bilatérale, dans le cadre de laquelle les parties prenantes fournissent un retour d’information aux pouvoirs publics, et vice versa. La consultation se fonde sur une définition préalable de la question au sujet de laquelle des avis sont sollicités, et elle implique la fourniture d’une information pertinente, ainsi qu’un retour d’information sur l’issue du processus.
Engagement : cas de figure où les parties prenantes se voient offrir la possibilité et les moyens (informations, données, outils numériques, etc.) de collaborer à toutes les phases du cycle des politiques publiques, ainsi qu’à la conception et à la prestation des services publics (OCDE, 2017[2]).
Ainsi, l’implication des citoyens et des parties prenantes tout au long du cycle des politiques est une méthode de travail qui doit permettre d’atteindre des objectifs plus larges de politiques publiques. Elle est essentielle à plusieurs titres :
1. Elle contribue à la démocratie : la participation des citoyens conduit à un processus d’élaboration des politiques plus efficace et plus démocratique, qui devient plus transparent, inclusif, légitime et responsable. En donnant aux citoyens un rôle dans la prise de décision publique, les processus de participation citoyenne renforcent la confiance du public dans le gouvernement et les institutions démocratiques.
2. Elle est bénéfique pour la qualité des politiques, des services et des projets : la participation des citoyens conduit à de meilleurs résultats de politiques publiques, qui prennent en compte et utilisent l’expérience et les connaissances des citoyens pour répondre à leurs besoins les plus pressants. La qualité des politiques publiques, des lois et des services s’en trouve améliorée, car ceux-ci ont été élaborés, mis en œuvre et évalués à partir de meilleures données probantes et d’un choix plus éclairé. Ils bénéficient également des idées innovantes des citoyens et, en conséquence, peuvent être plus rentables.
3. Elle permet d’associer les citoyens dans leur diversité : la participation des citoyens peut rendre la gouvernance et la prise de décision plus inclusives en ouvrant la porte à des groupes de personnes plus représentatifs, traditionnellement « silencieux » dans la vie publique. La participation des citoyens à la prise de décision publique peut répondre aux préoccupations des groupes non représentés en s’attaquant aux inégalités de voix et d’accès, et ainsi lutter contre l’exclusion et la marginalisation. Ce processus peut à son tour créer de meilleures politiques publiques et de meilleurs services, développer un sentiment d’appartenance et favoriser la cohésion sociale.
4. Elle légitime et facilite la mise en œuvre des politiques publiques : l’implication des citoyens dans le processus décisionnel favorise la compréhension du résultat par le public et améliore son assimilation. La participation des citoyens peut permettre au public de suivre, d’influencer et de comprendre le processus menant à une décision, ce qui renforce la légitimité des choix difficiles. L’autonomisation des citoyens par le biais de processus participatifs est également bénéfique pour la légitimité globale du processus démocratique, car elle témoigne du respect civique et permet d’établir une relation fondée sur la confiance mutuelle (OCDE, 2022[3]).
Si la Recommandation de l’OCDE appelle les États adhérents à impliquer les parties prenantes et les citoyens, il convient de les distinguer (OCDE, 2022[3]) :
parties prenantes : toutes parties intéressées et/ou concernées, y compris les institutions et les organisations, gouvernementales ou non gouvernementales, de la société civile, du monde universitaire, des médias ou du secteur privé ;
citoyens : individus, indépendamment de leur âge, de leur sexe, de leur appartenance religieuse et politique ; au sens large, « habitant d’un lieu particulier », qui peut désigner un village, une ville, une région, un État ou un pays, selon le contexte.
La participation des citoyens et celle des parties prenantes revêtent une importante égale, mais elles ne peuvent se réaliser selon les mêmes modalités et dans les mêmes conditions, et n’aboutiront pas aux mêmes résultats. Les parties prenantes peuvent par exemple disposer d’une plus grande expertise dans des domaines ciblés, et représentent parfois des groupes d’intérêt. Quant aux citoyens, ils peuvent apporter un point de vue général sur les besoins de la population, ainsi qu’une diversité d’opinion. La disponibilité en temps et en ressources pour s’informer sur des questions données, et ainsi éclairer sa participation, diffère également entre les citoyens – qui, souvent, ne disposent pas d’autant de temps – et les parties prenantes. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans la mise en œuvre de processus participatifs, afin de s’assurer de mettre en place les conditions nécessaires à une participation efficace et utile des différents acteurs impliqués, selon leurs spécificités (OCDE, 2022[3]).
À partir de la théorie du changement présentée dans les chapitres précédents de cette revue, il est possible de décliner une théorie du changement propre à la participation, permettant de mieux comprendre sa place et son rôle dans les objectifs plus larges de politiques publiques et de bonne gouvernance d’un pays (voir Graphique 5.1). Un processus de participation efficace nécessite ainsi, comme toute réforme du gouvernement ouvert, des cadres légaux, institutionnels et de politique publique favorables, des processus et outils, des actions concrètes dont le degré d’institutionnalisation peut varier, et, enfin, des résultats concrets et un impact plus large sur la relation entre les citoyens et le gouvernement et le mode de fonctionnement de l’État, qui devront être évalués et mesurés.
Ce chapitre met d’abord en lumière la volonté politique forte qui a émergé au Maroc et a abouti à plusieurs initiatives innovantes et avancées de participation, mises en œuvre récemment et définissant une nouvelle norme et de nouvelles ambitions dans ce domaine. Il s’intéresse ensuite à l’environnement favorable aux processus participatifs progressivement mis en place au Maroc, et recommande l’adoption d’une approche stratégique qui contribuerait à mettre en cohérence ces différents cadres et à s’assurer qu’ils viennent répondre de manière cohérente à une vision et à des objectifs plus larges sur la contribution de la participation à l’action publique. Il propose enfin une revue des différents mécanismes et outils institutionnalisés à disposition des autorités, des citoyens et de l’ensemble des parties prenantes pour mener à bien des processus de participation, aux niveaux local comme central, et souligne les défis et opportunités pour leur approfondissement et leur systématisation.
5.2. Une volonté politique forte et des initiatives pilotes d’envergure en faveur de la participation des citoyens et des parties prenantes
5.2.1. Une volonté politique forte en faveur de la participation des citoyens et des parties prenantes s’est affirmée au Maroc
L’engagement au plus haut niveau politique est un facteur clé de réformes et d’un changement de culture effectif au sein de l’administration publique. Au Maroc, la reconnaissance de la participation citoyenne dans la prise de décision publique a connu un véritable élan en deux décennies. Dès 1999, le Roi a souligné la nécessité du contact plus direct entre l’administration et les citoyens, pour les associer à la réponse aux enjeux qui les touchent, des propos réitérés en 2000, à l’occasion de la Fête du trône (OCDE, 2019[5]). Dès lors, les appels à l’instauration de ce dialogue et au renforcement de l’approche participative se sont multipliés, y compris à l’échelle des collectivités territoriales, avec l’adoption d’un cadre légal instaurant une démarche participative dans l’élaboration des plans de développement communal dès 2002 (OCDE, 2019[5]). Cette dynamique s’est progressivement renforcée et a été consacrée par l’adoption de la Constitution de 2011 (voir Section 5.3.1).
Afin d’ancrer le principe de la participation comme pilier d’une action publique locale modernisée, le Roi a souligné, à l’occasion d’un discours tenu en novembre 2012, l’opportunité que représente la réforme de la régionalisation avancée, par la « possibilité qu’elle offre aux populations de participer à la gestion de leurs affaires locales et de contribuer au développement humain intégré et durable » (Portail national des collectivités territoriales, 2012[6]). L’engagement du Maroc en faveur de la participation se manifeste ainsi en particulier à travers ce processus, qui vise à conférer plus de responsabilités aux collectivités territoriales et ancre l’implication de la population à l’élaboration, à la mise en œuvre et au suivi des politiques publiques locales (OCDE, 2019[5]). L’affirmation de la centralité de la participation dans ce processus a été réitérée à l’occasion du premier colloque de la régionalisation avancée tenu à Agadir en décembre 2019 (MAP, 2019[7]). De même, à l’occasion du lancement de sessions d’information et de sensibilisation sur des boîtes à outils appuyant la mise en œuvre des mécanismes de la démocratie participative, le Wali Directeur général des collectivités territoriales a réaffirmé, en novembre 2021, l’opportunité que représente la participation des citoyens pour « améliorer l’engagement des parties prenantes à relever les défis complexes du développement territorial, et donner âme aux dispositions de la Constitution qui incitent à l’émergence d’une société inclusive » (DGCT, 2021[8]).
Le processus ayant présidé à l’élaboration d’un Nouveau Modèle de développement témoigne également de la montée en puissance de la participation comme vecteur pour des politiques publiques plus efficaces et inclusives, répondant au mieux aux aspirations des citoyens et des parties prenantes dans leur diversité, ainsi qu’aux défis stratégiques du pays. Le Roi Mohammed VI a en effet mis en place, en novembre 2019, une Commission spéciale chargée d’élaborer un Nouveau Modèle de développement, face au constat des inégalités de développement persistantes et du besoin de créer une nouvelle vision partagée par tous les citoyens pour le développement du pays. Dans ce sens, la Commission a placé le principe de participation au cœur du processus d’élaboration de ce Nouveau Modèle de développement, à travers un diagnostic participatif permettant de mettre en lumière les défis et les ambitions de la population marocaine dans son ensemble (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[9]). Les constats de la Commission ont souligné l’importance de la participation et la volonté des citoyens de davantage contribuer au développement de leur environnement et à l’élaboration de politiques publiques et de projets qui les concernent (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[9]). Ce fort engagement en faveur de la participation a ainsi donné lieu à un processus de cocréation multicanal mis en place afin de venir appuyer les objectifs stratégiques du Maroc en matière de développement (voir Section 5.2.2) (Commission spéciale sur le modèle de développement, 2021[9]).
Enfin, comme abordé dans le chapitre 3 de cette revue, les efforts engagés en matière de renforcement de l’espace civique à travers des réformes du cadre légal et un appui à la société civile doivent également s’inscrire dans la dynamique de promotion de la démocratie participative au Maroc. L’espace civique est en effet un prérequis essentiel pour la mise en œuvre de processus participatifs pertinents et inclusifs, et, à ce titre, une analyse exhaustive de l’environnement favorable à la participation au Maroc nécessite une lecture croisée de ce chapitre et du chapitre 3 relatif à l’espace civique.
5.2.2. Deux processus récents et d’envergure de participation contribuent à la définition de nouvelles normes et ambitions en la matière au Maroc
Le fort portage politique en faveur de la participation citoyenne a conduit à la mise en place de plusieurs initiatives récentes de participation, qui ont permis d’expérimenter de nouvelles approches plus approfondies, correspondant au stade de l’engagement ou de la cocréation, au-delà des stades de l’information et de la consultation (voir l’introduction de ce chapitre). En complément des pratiques institutionnalisées (voir Section 5.4), ces processus participatifs innovants permettent de redéfinir des normes plus exigeantes en matière de participation citoyenne.
La cocréation et l’intelligence collective sont au cœur du processus de diagnostic mis en place pour l’élaboration d’un Nouveau Modèle de développement pour le Maroc
Selon l’OCDE, une démarche participative doit permettre aux gouvernements de concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques et des services qui reflètent et répondent mieux aux besoins et aux préférences de l’ensemble des citoyens, en particulier des groupes les plus vulnérables ou marginalisés (OCDE, 2017[10]). En ligne avec ce constat, l’élaboration du Nouveau modèle de développement a été l’occasion pour le Maroc de mettre en place un processus innovant, élargi et inclusif de participation citoyenne. Le Nouveau modèle de développement est un projet ambitieux, évoqué pour la première fois par le Roi Mohammed VI lors d’un discours d’octobre 2017. Face au constat de progrès inégaux dans le domaine du développement humain malgré un développement économique important, l’objectif était d’établir un diagnostic des enjeux politiques, économiques et sociaux au Maroc et de proposer un nouveau modèle permettant d’y répondre (Paulson, 2021[11]).
Pour ce faire, la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) a mis en place un processus de consultation élargi en deux phases, comprenant les citoyens et les parties prenantes. Dans un premier temps, ce processus a inclus des organisations publiques, privées et de la société civile. Dans un second temps, la Commission a mené une série de consultations publiques dans les différentes régions du pays. À travers ces deux étapes, huit formes différentes de consultation ont été adoptées (voir Encadré 5.1), notamment pour assurer son caractère inclusif (Paulson, 2021[11]). En ce sens, des rencontres à l’adresse de populations spécifiques, telles que les femmes, les jeunes ou les détenues, ont été organisées.
Le succès d’une telle démarche nécessite une vision et un engagement au plus haut niveau de l’État. Au Maroc, cette initiative a disposé d’un poids politique important puisque le projet a été instigué par le Roi. Le concept de participation s’est trouvé au cœur de la réflexion autour de ce Nouveau modèle de développement, et ce dès ses débuts. Le processus mis en place le traduit particulièrement, en ce sens qu’il a adopté une approche participative approfondie, afin de comprendre au mieux les défis auxquels sont confrontés les différents segments de la population marocaine et d’y apporter des solutions adaptées. L’initiative de participation mise en place dans ce cadre illustre l’opportunité que représente l’intelligence collective pour répondre à des problématiques complexes et atteindre des objectifs plus larges, visant à la bonne gouvernance et à la restauration de la relation de confiance et de collaboration entre les citoyens et l’État.
Encadré 5.1. La procédure de consultation ambitieuse de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD)
Le processus de consultation et d’engagement des citoyens et des parties prenantes dans le cadre de la définition du Nouveau modèle de développement est ambitieux et inclusif. Pour atteindre toutes les catégories de population et organisations ciblées, huit modes de consultation distincts ont été déployés :
des auditions institutionnelles ;
des ateliers de travail ;
des rencontres citoyennes rassemblant 30 à 60 participants sélectionnés à travers un appel à propositions en ligne ;
des séances d’écoute organisées par des associations locales ;
un questionnaire en ligne disponible sur le site Internet de la Commission (CSMD.ma) ;
des visites de terrain effectuées par les membres de la Commission dans les 12 régions du pays;
des appels à contribution écrite, organisés avec des partenaires institutionnels ;
la possibilité de transmettre des contributions libres par courrier physique ou électronique à la Commission ; la CSMD a ainsi reçu plus de 10 000 pages écrites de contributions de 6 600 individus et 165 organisations.
À travers ces modes de consultation, les membres de la Commission ont interagi avec près de 9 700 personnes. La plateforme en ligne a comptabilisé près de 50 000 visiteurs uniques et la campagne lancée sur les réseaux sociaux a atteint près de 3.2 millions de citoyens.
Source : (Paulson, 2021[11]).
Le Maroc a mis en place des mécanismes innovants de participation et de gouvernance participative dans le cadre du Partenariat pour un gouvernement ouvert
L’adhésion du Maroc au Partenariat pour un gouvernement ouvert représente un moteur pour la promotion de la participation citoyenne
Comme indiqué dans le Chapitre 1, l’adhésion du Maroc au Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) en 2018 demeure un élément moteur dans la promotion des principes du gouvernement ouvert dans le Royaume, y compris du principe de participation. Ainsi, les enjeux couverts par les engagements des deux plans d’action nationaux (PAN) témoignent d’une volonté forte de poursuivre la promotion de la participation des citoyens et des parties prenantes. Sur 24 engagements pris en 2018, 4 étaient relatifs au renforcement de la participation citoyenne (pour un taux de réalisation de 72 % sur cet axe) (Gouvernement-ouvert.ma, 2021[12]). C’est par exemple dans ce cadre qu’a été mise en place la plateforme de participation en ligne eparticipation.ma (voir Section 5.4.5), et qu’un certain nombre de formations, d’efforts de sensibilisation et une campagne de communication sur les principes de la démocratie participative ont été menés par la Direction des relations avec la société civile (DRSC) (voir Section 5.3.2). Le second PAN 2021-23 confirme la montée en puissance de la volonté d’impliquer davantage les parties prenantes, à tous les niveaux de gouvernement, et inclut ainsi 8 engagements dans ce sens, dont l’ensemble de ses axes 4 sur la « participation citoyenne » et 5 sur les « collectivités territoriales ouvertes » (Gouvernement-ouvert.ma, 2021[13]) (voir Encadré 5.2).
Encadré 5.2. Les engagements relatifs à la participation citoyenne dans les plans d’action PGO
Dans le cadre de son adhésion au PGO, le Maroc a pris une série d’engagements pour la promotion de la participation des citoyens et des parties prenantes dans la vie publique marocaine. Les deux PAN pour 2018-20 et 2021-23 en témoignent.
Plan 2018-20
Axe 4 – Participation citoyenne :
Engagement 14 : Création d’une dynamique consultative aux niveaux national et régional.
Engagement 15 : Mise en place d’une plateforme électronique de « participation citoyenne ».
Engagement 16 : Renforcement de la participation citoyenne par l’appropriation de la société civile des mécanismes relatifs à la démocratie participative.
Engagement 17 : Renforcement de l’accès de la société civile aux médias audiovisuels.
Plan 2021-23
Axe 1 – Transparence et qualité des services publics
Engagement 7 : Renforcement de la transparence et de la participation dans la gestion des services de santé.
Axe 2 – Égalité et inclusion
Engagement 11 : Promotion de l’égalité et de la participation des femmes à la vie publique et de leur autonomisation économique.
Axe 4 – Participation citoyenne
Engagement 17 : Lancement d’un Portail national pour la formation à distance des associations.
Engagement 18 : Mise en place de mécanismes de soutien à la transparence des aides publiques accordées aux OSC.
Engagement 19 : Renforcement de la participation citoyenne à travers la mise en place des cadres juridiques relatifs à la consultation publique et au volontariat.
Engagement 20 : Mobilisation de la société civile et renforcement de ses capacités pour améliorer sa participation à l’élaboration, au suivi et à la mise en œuvre de la politique environnementale.
Axe 5 – Collectivités territoriales ouvertes
Engagement 21 : Renforcement de l’accès à l’information et de la participation citoyenne au niveau des collectivités territoriales.
Engagement 22 : Développement et partage d’une boîte à outils pour renforcer la communication et la participation citoyenne au niveau des collectivités territoriales.
Source : (Gouvernement-ouvert.ma, 2021[13]).
Le processus de cocréation du second PAN du PGO constitue un tournant vers un approfondissement et une diversification des méthodes de participation
Concernant la méthode de travail, il ressort des discussions tenues lors de la mission de revue par les pairs que le Maroc a opéré un important changement de paradigme. Dans le cadre de la définition du PAN pour la période 2018-20, le gouvernement avait présenté son plan à la société civile à un stade relativement avancé du processus. Cependant, c’est une approche résolument participative qui lui a succédé pour élaborer le second PAN pour 2021-23, en ligne avec les nouvelles normes développées par le PGO (voir Encadré 5.3). Un processus de cocréation en plusieurs étapes a été adopté, avec dans un premier temps la mise en place d’une plateforme électronique sur le portail gouvernement-ouvert.ma, permettant de recueillir directement auprès des citoyens des idées et propositions autour des engagements potentiels du second plan d’action. Dans un second temps, ces idées ont été analysées et évaluées dans le cadre d’ateliers et d’une concertation interministérielle, afin d’aboutir à des fiches d’engagements publiées pour consultation avant finalisation du plan d’action. Les différents acteurs publics, comme la société civile, ont exprimé leur satisfaction face à ce processus de cocréation et ont souligné les progrès indéniables réalisés pour consacrer une approche participative dans le cadre du PGO.1
Encadré 5.3. Le processus de cocréation du second PAN au PGO au Maroc
Proposition des thématiques
Dans un premier temps, dix thématiques prioritaires ont été identifiées pour les futurs appels à propositions : 1) démocratie participative ; 2) égalité des sexes ; 3) innovation et gouvernance numérique ; 4) justice ouverte ; 5) transparence budgétaire et équité fiscale ; 6) environnement et accès aux ressources naturelles ; 7) intégrité et lutte contre la corruption ; 8) inclusion et équité territoriale ; 9) qualité des services publics ; et 10) accès à l’information.
Collecte de propositions
Lors de cette phase, une plateforme en ligne dédiée à la cocréation a été mise en place sur le portail du gouvernement ouvert (gouvernement-ouvert.ma), sur laquelle individus et associations pouvaient publier des suggestions. Au total, 232 propositions autour des dix thématiques précitées ont été émises sur la plateforme.
Dix ateliers de cocréation thématiques
Afin d’accompagner ce processus de collecte de propositions, dix ateliers de cocréation en ligne ont été organisés aux mois d’octobre et novembre 2020 par des OSC autour des dix thématiques identifiées. Certains de ces ateliers ont par la suite fait l’objet d’une publication en ligne ou d’un compte rendu publié sur le portail du gouvernement ouvert (gouvernement-ouvert.ma).
Priorisation et identification des porteurs d’engagements
À l’issue de ce processus, plusieurs ateliers visant à analyser les idées et propositions reçues ont été organisés, au cours desquels les différents ministères ont pu identifier collectivement de potentiels porteurs d’engagements. Les résultats de cette étape ont été communiqués via le portail du gouvernement ouvert.
Rédaction des fiches d’engagements
À partir d’un canevas préparé par l’équipe en charge du PGO, des fiches d’engagements ont été élaborées par les différentes parties prenantes publiques impliquées dans le processus de cocréation et des chefs de projet ont pu être identifiés.
Phase finale de validation et d’adoption du PAN
Les projets d’engagements ainsi produits ont été publiés pour consultation sur le portail du gouvernement ouvert entre mars et juin 2021, avant d’être présentés pour adoption au Conseil du gouvernement et transmis au PGO fin juillet 2021.
Source : (Gouvernement ouvert Maroc, s.d.[14]).
Le Maroc s’engage vers un approfondissement des mécanismes de gouvernance participatifs dans le cadre du PGO
Au-delà du processus d’élaboration des engagements du PGO, le Maroc a mis en place un mode de gouvernance visant à assurer la participation de la société civile et à systématiser les échanges tout au long du processus du PGO, et non uniquement au stade initial d’élaboration, en ligne avec les exigences du PGO. Ainsi, un comité de pilotage mixte a été mis en place, comprenant autant de membres du gouvernement que de la société civile (neuf de chaque groupe pour le premier PAN du PGO). Un processus d’auto-sélection des membres de la société civile a visé à assurer une meilleure représentativité de la société civile, ainsi qu’un degré important de transparence sur l’organe de gouvernance. Ce modèle de gouvernance a été élaboré en suivant les principes édictés dans le Manuel du comité de pilotage du PGO (voir Encadré 5.4). Les entretiens révèlent néanmoins une certaine marge de progression dans la pratique pour l’implication de la société civile dans la mise en œuvre des engagements du PGO, le comité de pilotage n’ayant pas été en mesure de jouer le rôle qui était attendu de lui en tant qu’organe mixte réunissant les OSC et des représentants de l’administration porteurs d’engagements.
Encadré 5.4. Les principes régissant la gouvernance participative au sein du comité de pilotage du PGO au Maroc
Le Manuel du comité de pilotage du PGO au Maroc énonce les principes régissant l’approche participative de la gouvernance du PAN :
Transparence : Les informations en relation avec le gouvernement ouvert publiées sur le site gouvernement-ouvert.ma seront accessibles au public. Cette communication proactive inclut les comptes rendus, les décisions, les activités et les résultats.
Institutionnalisation de la collaboration : Une structure explicite de gouvernance sera mise en place, permettant une participation significative et durable de la société civile aux différentes phases et à différents niveaux (local et national). Cette institutionnalisation permettra une meilleure redevabilité à la fois concernant les décisions du comité de pilotage et les engagements du plan d’action.
Autonomie : La société civile est autonome. La sélection de ses représentants repose sur un processus autonome, équitable et transparent. Toutes les décisions sont publiées sur le portail du gouvernement ouvert. Le comité de pilotage repose sur un équilibre entre les représentants gouvernementaux et ceux de la société civile.
Inclusivité : La participation doit permettre l’intégration de nouveaux participants et de différents groupes d’intérêt (local/national, distribution géographique, niveaux d’expertise), en vue de rejoindre la dynamique du gouvernement ouvert et de contribuer au processus de prise de décision.
Résilience : Le processus de participation doit permettre l’identification des améliorations et établir un modèle d’amélioration continue. Un cycle de suivi, d’évaluation et d’amélioration de ce processus est mis en place.
Source : (Royaume du Maroc, s.d.[15]).
Face à ce constat, le Maroc a entamé une réflexion pour une évolution substantielle du mode de gouvernance du PAN du PGO, afin d’accroître et de pérenniser la collaboration avec les OSC. Ainsi, l’unité du gouvernement ouvert travaille à la mise en place de groupes thématiques réunissant des représentants du gouvernement porteurs d’engagements et des acteurs de la société civile présentant une expertise dans un domaine particulier, dans le cadre de la mise en œuvre du second PAN.2 Cela témoigne de la volonté du gouvernement d’approfondir la dynamique participative lancée par le processus de cocréation et d’impliquer les OSC tout au long du cycle de mise en œuvre, au-delà du stade d’élaboration. Ces efforts seront par ailleurs accompagnés de modules de formation cocréés avec les OSC engagées dans le chantier du gouvernement ouvert, afin de répondre au mieux à leurs besoins en termes de renforcement de capacités aussi bien générales (par exemple, sur les mécanismes de participation ou de suivi et d’évaluation) que concernant des thématiques précises liées aux engagements du PAN.
De même, la création d’un espace de la société civile sur le portail du gouvernement ouvert (voir Section 5.4.5) s’inscrit directement dans cette dynamique visant à pérenniser et approfondir la collaboration avec la société civile. À ce titre, l’unité du gouvernement ouvert a utilisé cette plateforme pour lancer une consultation en ligne à l’adresse des OSC, afin de définir collectivement le processus et les critères de sélection des nouveaux membres du comité de pilotage du PGO issus de la société civile. Un processus transparent de sélection a été mis en place, dont les étapes et les comptes rendus des réunions ont été communiqués sur le portail du gouvernement ouvert.3 Le processus du PGO constitue à ce titre un laboratoire permettant d’expérimenter de nouveaux modes d’engagement et de collaboration entre le gouvernement et les OSC dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques publiques.
Ainsi, le processus de cocréation du Nouveau Modèle de développement ainsi que le processus du PGO permettent de redéfinir de nouvelles normes, plus exigeantes, pour la mise en œuvre d’initiatives avancées de participation. De plus, ils illustrent le passage d’une conception de la participation comme un principe à son adoption comme une méthodologie de travail permettant d’atteindre des objectifs de politique publique plus larges et stratégiques en bénéficiant de l’intelligence collective. À terme, le Maroc pourrait capitaliser sur la réussite de ces initiatives, afin d’en tirer des bonnes pratiques à répliquer à des échelles différentes, par exemple au sein des collectivités territoriales dans le cadre de la définition des priorités et de l’élaboration de politiques au niveau local.
5.3. L’environnement favorable à la participation citoyenne : les cadres légaux, institutionnels et de politique publique
Au-delà des processus novateurs récemment expérimentés par le Maroc (voir Section 5.2.2), la mise en œuvre des initiatives de participation repose sur un encadrement légal et réglementaire sous-tendant leur usage dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. Un environnement favorable à la participation des citoyens et des parties prenantes est constitué de l’ensemble des règles et procédures qui encadrent l’organisation des processus participatifs et qui contribuent à leur efficacité et à leur qualité (OCDE, 2022[16]).
5.3.1. Les garanties de la promotion des processus participatifs sont offertes par diverses dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires aux niveaux national comme local
La Constitution de 2011 représente un socle solide pour la reconnaissance et la promotion de la participation au Maroc
Le principe de participation est essentiel aux dynamiques d’ouverture de la gouvernance publique. Consacrant son caractère fondamental, il a été constitutionnalisé dans plusieurs pays de l’OCDE, comme en France ou en Norvège.
Au Maroc, les principes de démocratie participative ont été consacrés dans la Constitution en 2011 (voir Tableau 5.1). Le préambule dispose ainsi que « le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance » (Royaume du Maroc, 2011[17]). L’article 6 ajoute que « les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale » (Royaume du Maroc, 2011[17]). Entre autres dispositions, l’article 12 consacre le rôle des associations et des ONG dans l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics, dans le cadre de la démocratie participative, et l’article 170 a prévu l’établissement d’un Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative (Royaume du Maroc, 2011[17]). Enfin, la Constitution de 2011 a également amorcé le chantier de la « régionalisation avancée », qui appelle à une meilleure gouvernance locale et notamment à un renforcement de la participation des citoyens au niveau des collectivités territoriales. L’article 139 de la Constitution précise ainsi que « des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils régionaux et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement » (Royaume du Maroc, 2011[17]).
Tableau 5.1. Les bases constitutionnelles des principes de la démocratie participative au Maroc
Articles |
Dispositions constitutionnelles |
---|---|
Préambule |
Le Royaume du Maroc poursuit résolument le processus de consolidation et de renforcement des institutions d’un État moderne, ayant pour fondements les principes de participation, de pluralisme et de bonne gouvernance. |
Article 1 |
Le régime constitutionnel du Royaume est fondé sur la séparation, l’équilibre et la collaboration des pouvoirs, ainsi que sur la démocratie citoyenne et participative, et les principes de bonne gouvernance et de la corrélation entre la responsabilité et la reddition des comptes. |
Article 6 |
Les pouvoirs publics œuvrent à la création des conditions permettant de généraliser l’effectivité de la liberté et de l’égalité des citoyennes et des citoyens, ainsi que de leur participation à la vie politique, économique, culturelle et sociale. |
Article 12 |
Les associations intéressées par la chose publique, et les organisations non gouvernementales, contribuent, dans le cadre de la démocratie participative, à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des décisions et des projets des institutions élues et des pouvoirs publics. Ces institutions et pouvoirs doivent organiser cette contribution conformément aux conditions et modalités fixées par la loi. |
Article 136 |
L’organisation territoriale du Royaume repose sur les principes de libre administration, de coopération et de solidarité. Elle assure la participation des populations concernées à la gestion de leurs affaires et favorise leur contribution au développement humain intégré et durable. |
Article 139 |
Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertation sont mis en place par les Conseils des régions et les Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et des associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du Conseil d’une question relevant de sa compétence. |
Article 170 |
Le Conseil de la jeunesse et de l’action associative, créé en vertu de l’article 33 de la présente Constitution, est une instance consultative dans les domaines de la protection de la jeunesse et de la promotion de la vie associative. Il est chargé d’étudier et de suivre les questions intéressant ces domaines et de formuler des propositions sur tout sujet d’ordre économique, social et culturel intéressant directement les jeunes et l’action associative, ainsi que le développement des énergies créatives de la jeunesse, et leur incitation à la participation à la vie nationale, dans un esprit de citoyenneté responsable. |
Source : (Royaume du Maroc, 2011[17]).
Un cadre légal et réglementaire opérationnalise les garanties constitutionnelles aux différents niveaux de gouvernement
S’appuyant sur la Constitution, le Maroc a adopté plusieurs textes définissant les droits, procédures et mécanismes en termes de participation des citoyens et des parties prenantes aux niveaux national et territorial. L’ensemble de cette architecture normative crée un cadre favorable pour l’institutionnalisation de la participation citoyenne. Cependant, le cadre légal gagnerait à être approfondi au niveau national, de manière à inscrire la participation comme méthode d’action publique et à la connecter formellement au cycle des politiques publiques.
Au niveau national, des lois et décrets mettent divers mécanismes de participation à disposition des citoyens et des OSC
Parmi les textes juridiques marocains promulgués durant la dernière décennie pour asseoir le cadre relatif à la participation et son institutionnalisation au niveau national, deux mesures sont particulièrement significatives pour l’application des articles 14 et 15 de la Constitution consacrant la démocratie participative. Elles résident dans l’adoption, en 2016, de deux lois organiques établissant des mécanismes en ce sens.
D’une part, la loi organique n° 44-14 déterminant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics a représenté l’aboutissement d’un processus consultatif mené auprès de la société civile pour concrétiser les apports de la Constitution de 2011 (Royaume du Maroc, 2016[18]). Le décret n° 2-16-773 fixant la composition de la commission des pétitions, ses attributions et les modalités de son fonctionnement a été adopté pour garantir la mise en œuvre du dispositif de réception et de gestion des pétitions (Chef du gouvernement, 2017[19]).
D’autre part, la participation peut favoriser la rédaction de textes législatifs répondant aux attentes et demandes des citoyens. En ce sens, la loi organique n° 64-14 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des motions en matière législative4 a représenté une étape et un jalon supplémentaires pour encadrer et encourager la participation des citoyens à l’orientation des initiatives parlementaires (Royaume du Maroc, 2016[20]). Un groupe de citoyens et de citoyennes a la possibilité de déposer une motion auprès d’une des deux Chambres du Parlement, en fonction de l’objet de ladite motion, qui, si elle remplit les conditions d’acceptabilité, sera présentée aux membres de la Chambre concernée et soumise à l’examen d’une commission compétente. Les membres de cette commission peuvent alors parrainer la motion et s’en servir comme point de départ pour élaborer une proposition de loi.
Face à l’usage limité de ces mécanismes par les citoyens (voir Section 5.4.1 sur la mise en œuvre pratique), une révision des dispositions de ces lois à travers les lois organiques n° 70.21 et n° 71.21 du 8 décembre 2021 a abaissé le seuil requis de signatures pour les pétitions et les motions à respectivement 4 000 et 20 000 signatures (contre 5 000 et 25 000 auparavant) (LesEco.MA, 2021[21] ; Royaume du Maroc, 2021[22] ; Royaume du Maroc, 2021[23]).5 La réforme prévoit également une digitalisation des procédures à travers la collecte, via le portail eparticipation.ma, des signatures appuyant les pétitions et motions et leur présentation aux pouvoirs publics concernés via le même portail, l’absence de numérisation des procédures figurant parmi les limites évoquées pour un usage plus large du droit de pétition par les citoyens. D’autres dispositions vont également dans le sens d’une simplification des procédures, à l’instar de la suppression de l’obligation pour les signataires de fournir une copie de leur carte nationale d’identité, remplacée par le numéro de carte nationale d’identité. Cependant, l’obligation faite aux pétitionnaires d’être inscrits sur les listes électorales, qui avait également fait l’objet de critiques de plusieurs acteurs appelant à une refonte de la loi, a été maintenue (LesEco.ma, 2021[24]). Il demeure que ces modifications substantielles, et notamment l’adoption de la présentation et de la signature électronique des pétitions à travers la plateforme eparticipation.ma, pourraient à terme faciliter et renforcer l’usage par les citoyens de ce mécanisme de participation.
De plus, d’autres textes connexes participent également à l’ancrage progressif du principe de dialogue et d’interaction avec les citoyens pour l’amélioration des services et des politiques publics. Ainsi, le décret n° 2-08-229 promulgué en 2009 met en place une obligation de publication en ligne de projets de textes législatifs et réglementaires dans certains domaines définis (Chef du gouvernement, 2009[25]). Les personnes intéressées peuvent alors formuler des commentaires, qui sont rendus publics sur la plateforme du Secrétariat général du gouvernement ; le service à l’origine du projet est tenu d’assurer un suivi des commentaires et d’y répondre. De même, le décret n° 2-17-265 fixant les modalités de réception des remarques et propositions des usagers, ainsi que celles concernant le suivi et le traitement de leurs réclamations (Chef du gouvernement, 2017[26]), promulgué en 2017, permet aux usagers de faire un retour aux administrations sur les services publics et de soumettre des réclamations, observations ou suggestions visant à leur amélioration.
Au niveau territorial, les lois relatives à la régionalisation avancée consacrent et opérationnalisent le principe de participation des citoyens et des parties prenantes
S’assurer de la mise en œuvre de mécanismes de participation des citoyens et des parties prenantes dans la prise de décision publique à l’échelon infranational est tout aussi important. En effet, c’est à cette échelle que les citoyens font l’expérience la plus immédiate des politiques et services publics. Ces mécanismes sont ainsi de nature à accroître la compréhension des attentes des usagers, ainsi que l’acceptabilité voire l’adhésion aux décisions ainsi formulées. Au Maroc, les lois sur la régionalisation avancée ont en ce sens consacré la participation citoyenne à l’échelle locale comme complément de la démocratie représentative, et posé les premiers jalons du cadre juridique applicable (OCDE, 2019[5]). La mise en place progressive du dispositif appelle néanmoins à poursuivre le renforcement des normes, responsabilités et moyens institutionnels territoriaux.
Ainsi, des dispositions ont été intégrées aux Chapitres IV et V du Titre III de la loi organique n° 111-14 de 2015 relative aux régions (Royaume du Maroc, 2016[27]). Le chapitre IV crée trois instances consultatives auprès des conseils de région : la première en partenariat avec la société civile et chargée de l’étude des affaires régionales relatives à la mise en œuvre des principes de l’équité, de l’égalité des chances et de l’approche de genre ; la deuxième chargée de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêt des jeunes ; la troisième et dernière en partenariat avec les acteurs économiques de la région et en charge de l’étude des affaires régionales à caractère économique. Ces instances sont composées de citoyens souvent membres d’OSC et qui travaillent bénévolement (voir Section 5.4.2 pour la mise en œuvre dans la pratique).
De même, la loi organique n° 113-14 (Royaume du Maroc, 2016[28]) relative aux communes vient renforcer le cadre légal pour le gouvernement ouvert au niveau local et reprend certains mécanismes de participation auparavant consacrés pour la première fois dans la Charte communale de 2009 (OCDE, 2019[5]). La Commission de la parité et de l’égalité des chances, composée de personnalités appartenant à des associations locales et d’acteurs de la société civile, prévue à l’article 14 de la Charte, a été par exemple reprise, avec la création d’une instance consultative en partenariat avec les acteurs de la société civile chargés de l’étude des affaires relatives à la mise en œuvre des principes d’équité, d’égalité des chances et d’intégration de l’approche de genre (article 120 de la loi relative aux communes).
Enfin, la loi organique n° 112-14 du 18 février 2015 relative aux préfectures et provinces met en place des dispositions similaires dans ses Chapitres IV et V du Titre III (Royaume du Maroc, 2016[29]). La loi dote ces collectivités territoriales d’une unique instance consultative, en charge des affaires relatives à la mise en œuvre des principes de l’équité, de l’égalité des chances et de l’approche de genre, en partenariat avec les acteurs de la société civile. Le règlement intérieur des conseils des préfectures et des provinces en fixe les modalités de composition et fonctionnement.
De plus, ces trois lois organiques mettent en place une obligation d’adopter une approche participative dans l’élaboration et le suivi des programmes de développement régional (PDR) au niveau des régions,6 des programmes de développement dans les préfectures et les provinces (PDP)7 et des plans d’action communaux (PAC) au niveau des communes,8 à travers la mise en place de mécanismes participatifs de dialogue et de concertation, visant à favoriser l’implication des citoyens, des citoyennes et des associations (voir Section 5.4.3). La loi prévoit cependant que les modalités de ces mécanismes seront fixées dans les règlements intérieurs des collectivités territoriales, et ne fixe pas de règles ou lignes directrices quant à la mise en œuvre de ces dispositions. Si les décrets d’application n° 2-16-299 (pour les régions), n° 2-16-300 (pour les provinces et préfectures) et n° 2-16-399 (pour les communes) précisent certaines des modalités d’application de ces dispositions des trois lois organiques, en spécifiant par exemple que les instances consultatives territoriales ainsi que les citoyens et citoyennes devront prendre part aux processus participatifs, ils ne donnent cependant pas davantage de précisions sur la manière dont cette implication doit être organisée.
Ainsi, il persiste une certaine marge d’interprétation pour les collectivités territoriales, afin de mettre en place des mécanismes adaptés au plus près des attentes des citoyens, ce qui permet une certaine flexibilité mais induit également le risque d’inégalités importantes dans la mise en œuvre des mécanismes de la démocratie participative, suivant les collectivités et le degré d’appropriation du principe de participation par les autorités et administrateurs locaux. À ce titre, il serait opportun de davantage décliner et préciser les modalités d’application de ces dispositions du cadre légal, à travers par exemple la mise en place de normes communes et d’un socle minimum de normes contraignantes à respecter dans la mise en œuvre de ces processus participatifs. Cela pourrait par exemple passer par une circulaire de la DGCT, en plus des guides déjà existants. À ce titre, afin de rappeler aux collectivités territoriales l’ensemble des nouvelles dispositions du cadre légal, la DGCT a diffusé le 4 octobre 2021 une circulaire reprenant les différents éléments des lois sur la régionalisation avancée relatifs aux mécanismes de la démocratie participative et mettant en avant les outils développés pour consacrer et faciliter leur mise en œuvre, tels que les guides, les sites Internet et les plateformes (DGCT, 2021[30]).
Par ailleurs, comme au niveau national, ces trois lois organiques instituent le droit de pétition auprès des conseils des collectivités territoriales, qui permettent l’inscription d’une question ou problématique spécifique à leur ordre du jour, et définissent les conditions et modalités d’exercice de ce droit.9 Ainsi, l’ensemble de ces évolutions légales, spécifiques aux autorités décentralisées marocaines, constitue une avancée significative vers l’institutionnalisation de la concertation permanente entre les acteurs locaux.
Un approfondissement des dispositions du cadre légal permettrait de renforcer l’institutionnalisation de la participation et d’en harmoniser la mise en œuvre par la multitude d’acteurs impliqués
Un cadre légal cohérent constitue un élément important d’un environnement propice à la mise en œuvre d’initiatives de participation, ainsi qu’à leur systématisation et à un changement de culture progressif vers une plus grande ouverture des processus de prise de décision, de mise en œuvre et de suivi des politiques publiques aux citoyens et différentes parties prenantes.
Comme présenté dans les sections précédentes, le cadre légal marocain opérationnalisant les principes de la démocratie participative s’est rapidement étoffé aux niveaux national comme infranational au cours des dernières années, du fait d’une volonté politique marquée. Cependant, afin d’aller plus loin et de relever certains des défis rencontrés dans la pratique, il conviendrait dans un premier temps d’en décliner avec davantage de précision les modalités d’application, afin de s’assurer d’une mise en œuvre effective et cohérente. À terme, cela permettrait un accès égal de l’ensemble des citoyens aux opportunités de participation offertes par le cadre légal. À ce titre, en ligne avec les recommandations du chapitre 1, le Maroc pourrait ainsi envisager de réaliser une cartographie des dispositions légales existantes, afin de mieux identifier les lacunes ou les éléments qui gagneraient à être déclinés et mieux définis pour harmoniser la mise en œuvre effective du principe de participation. Des pistes pour la déclinaison des dispositions du cadre légal seront mentionnées pour chacun des mécanismes mis en place dans la section 5.4 de ce chapitre.
De plus, sur le court ou moyen terme, le Maroc pourrait saisir l’opportunité que représente l’actuel processus d’élaboration de la loi sur la consultation publique pour renforcer le cadre légal relatif à la participation et faire de ce texte la pierre angulaire des futurs efforts d’approfondissement des cadres (légaux comme institutionnels) et pratiques participatives dans le pays.
En parallèle, des velléités de réformes de la loi des associations existent également, et leur concrétisation pourrait servir les objectifs poursuivis par l’utilisation des dispositifs participatifs au Maroc (voir Chapitre 3). En effet, dans un contexte mondial de recul de l’espace civique,10 il est essentiel de s’assurer du caractère favorable de l’environnement dans lequel opèrent des OSC, afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle dans la vie publique et activer de manière efficace et pertinente les leviers et opportunités de participation progressivement développés par le Maroc. Un cadre légal adapté au nouveau rôle constitutionnel de la société civile ainsi qu’aux nouvelles pratiques de participation et d’engagement, notamment au niveau local et en ligne avec les normes internationales, est un élément déterminant pour la consécration de la démocratie participative dans la pratique. En ce sens, la réforme de la loi sur les associations est l’occasion pour le Maroc de rappeler et redéfinir le rôle de la société civile et de renforcer les garanties de sa liberté d’action, afin qu’elle puisse agir en véritable force de proposition et actrice de politiques publiques plus inclusives, plus efficaces et plus proches des besoins des citoyens.
Saisir les opportunités de l’élaboration de la loi sur la consultation publique pour une vision renforcée de la participation citoyenne, ancrée dans le cycle des politiques publiques
Conscient de l’importance d’un cadre légal adapté pour une mise en œuvre efficace des initiatives de participation, le Maroc s’est lancé dans l’élaboration d’une loi relative à la consultation publique. L’inclusion de l’élaboration d’un cadre légal relatif à la consultation publique dans le programme gouvernemental pour 2017-21, d’une part, et dans les engagements du Maroc dans le cadre du PGO, d’autre part, témoigne de l’importance stratégique et du portage politique dont bénéficie ce projet. Celui-ci répond par ailleurs aux recommandations émises par le Dialogue national sur la société civile et les nouvelles prérogatives constitutionnelles, lancé en 2013 par le gouvernement marocain. Ainsi, les entretiens menés dans le cadre de cette revue ont souligné l’importance de l’adoption d’une loi sur la consultation dans l’approfondissement du cadre et des pratiques participatives au Maroc.11
Le caractère prioritaire que revêt l’adoption de cette loi pour le gouvernement marocain permet de saisir plusieurs opportunités dans son élaboration, afin d’optimiser son impact sur le cadre général de la démocratie participative au Maroc. Cette loi pourrait ainsi redéfinir les contours d’une vision renforcée de la participation citoyenne en la connectant de manière explicite au cycle des politiques publiques, et en clarifiant sa contribution à la qualité des politiques et des services publics. Les paragraphes suivants explorent plusieurs éléments et pistes que le Maroc pourrait suivre afin de faire de cette loi un instrument déterminant du renforcement du cadre et des pratiques de participation dans le pays.
L’adoption d’une loi sur la consultation publique est l’occasion d’optimiser, de clarifier et de renforcer les pratiques participatives
La réforme du cadre légal est un levier d’instauration ou d’optimisation de nouvelles normes de participation plus exigeantes, pour que la société civile et les administrations soient considérées comme des acteurs à part entière des processus participatifs et démocratiques. Les discussions ont souligné que les expériences menées dans le cadre du PGO sont porteuses d’opportunités pour élargir les formes de participation des parties prenantes. Désormais, elles peuvent et doivent légalement aller au-delà de ce programme spécifique et être établies à des moments stratégiques du cycle des politiques publiques. Ainsi, l’adoption d’une loi sur la consultation publique aurait vocation à approfondir la conception de la participation et à véritablement l’ancrer comme méthode ou méthodologie d’élaboration, de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation des politiques publiques. Dans ce cadre, il serait opportun de mieux définir les rôles respectifs des citoyens et des parties prenantes, et en particulier de valoriser le rôle des citoyens pour les placer sur un pied d’égalité avec les parties prenantes, en ligne avec les principes de la démocratie participative. À ce titre, les dispositions de cette loi pourraient clarifier les étapes, les acteurs, les responsabilités et les moyens de la mise en œuvre des processus de consultation, afin d’en assurer l’application systématique.
La loi sur la consultation publique pourrait représenter l’opportunité d’engager un processus collaboratif, afin d’intégrer les besoins de toutes les parties prenantes
Afin que la loi sur la consultation réponde aux besoins de l’ensemble des acteurs concernés, il est essentiel de s’assurer qu’elle est le reflet d’une consultation élargie et des attentes, notamment de celles des OSC. Cela constitue un gage supplémentaire de légitimité et d’adhésion des parties prenantes aux dispositions adoptées et à leur mise en œuvre. Il ressort cependant des échanges avec les OSC que celles-ci sont informées de l’existence de ce projet, mais qu’elles n’auraient pas encore nécessairement été consultées.12
La consultation dans le cadre du projet de loi et son adoption seraient également des occasions de réaffirmer explicitement au niveau national les engagements envers l’approfondissement de la participation citoyenne et des relations avec la société civile, et de démontrer par la consultation même que cette étape est désormais essentielle dans les politiques publiques marocaines. Il serait ainsi important, dans le cadre de ce processus d’élaboration, de tirer des enseignements des processus antérieurs tels que le Dialogue national sur la société civile et les nouvelles prérogatives constitutionnelles menées en 2013 et certaines des critiques émanant d’OSC quant au manque de représentativité et de transparence dans le choix des participants à ce dialogue.
Les législateurs pourraient intégrer les suites données aux contributions citoyennes pour une transparence accrue des dispositifs
Enfin, un retour sur les contributions des parties prenantes constitue un jalon supplémentaire dans la transparence des décisions publiques et représente à ce titre un élément important d’un processus de participation réussi (OCDE, 2017[10]). L’absence de retours sur les contributions reçues pourrait en effet décourager l’engagement des citoyens dans de futures initiatives de participation, et ainsi amoindrir l’impact positif de ces initiatives sur la confiance accordée aux autorités publiques (OCDE, 2022[3]). Dans ce sens, le gouvernement de la ville de Mexico a par exemple explicité, dans la loi sur la participation citoyenne, le nécessaire retour auprès des parties prenantes pour ce qui concerne leurs contributions (voir Encadré 5.5). Au Maroc, les autorités pourraient considérer l’insertion, dans le cadre réglementaire, de dispositions et critères similaires quant aux suites données aux contributions citoyennes dans le cadre des consultations (résumé des opinions reçues, manière dont elles ont été prises en compte, etc.). Elles contribueraient à assurer la transparence du processus décisionnel vis-à-vis des parties prenantes, dans une perspective similaire à celle évoquée au Chapitre 3 eu égard au projet de loi relatif aux associations.
Encadré 5.5. Un retour sur les contributions aux consultations publiques au Mexique
En 2019, le gouvernement de la ville de Mexico a adopté la loi de participation citoyenne de la ville de Mexico. Elle définit ce concept et ce qu’il peut recouvrir en termes de dispositifs concrets mis en œuvre pour les autorités publiques du gouvernement.
L’article 147 de cette loi mentionne explicitement que « l’autorité convocatrice informe les personnes consultées du résultat de l’exercice, ainsi que de la manière dont leur avis sera intégré » dans la décision publique.
La définition d’un cadre légal de la consultation publique serait une opportunité de définir et clarifier les prérogatives des acteurs clés des dispositifs participatifs
La définition ou la clarification des responsabilités institutionnelles en termes de participation citoyenne est un facteur déterminant pour la systématisation et la mise en cohérence des pratiques (voir Section 5.3.2). Dans le cadre de la loi sur la consultation publique, le Maroc pourrait ainsi définir clairement les cadres institutionnels y afférents, y compris les responsabilités au niveau central et au niveau des différentes administrations pour la coordination, la mise en œuvre et le suivi des processus de consultation mis en place.
5.3.2. Des cadres institutionnels soutiennent la participation aux niveaux central et local
Les arrangements institutionnels structurent les responsabilités formelles de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’évaluation des processus participatifs au niveau gouvernemental et au sein de chaque institution. Ils sont de nature à assurer la mise en œuvre cohérente et efficace du cadre légal et réglementaire applicable à la participation des citoyens et des parties prenantes à la vie publique.
D’après les données recueillies par l’OCDE, l’existence d’un organe chargé de la coordination des initiatives de participation est un élément important d’un cadre institutionnel favorable à la promotion de la participation (OCDE, 2017[10]). Il permet en effet d’assurer la cohérence des actions entreprises par les différents acteurs dans ce domaine, de faciliter l’échange et la mise en commun de bonnes pratiques, et peut également apporter un appui aux fonctionnaires dans leurs efforts d’engagement avec les citoyens, les OSC et les autres parties prenantes (OCDE, 2017[10]). Une telle responsabilité institutionnelle est identifiable dans 90 % des pays membres et non membres de l’OCDE pour soutenir les institutions publiques dans leurs efforts de consultation et d’engagement des citoyens et parties prenantes, et dans 85 % de ces mêmes pays pour renforcer leurs relations avec la société civile (OCDE, 2021[31]).13 Plusieurs schémas institutionnels existent dans les pays de l’OCDE, tels qu’illustrés dans l’Encadré 5.6.
Encadré 5.6. Exemples de cadres institutionnels de la participation citoyenne dans les pays de l’OCDE
Colombie
En Colombie, le programme de participation des citoyens est coordonné au niveau national par le département en charge de la gestion publique (département du Service public). Celui-ci supervise la mise en œuvre de la politique nationale de participation citoyenne et a pour mandat de promouvoir les approches participatives du service public et de la gestion publique. Les ministères de tutelle (par exemple, de la santé ou de l’éducation) ont la responsabilité de mettre en œuvre une feuille de route institutionnelle de participation des citoyens et de se coordonner avec le département du Service public pour assurer la cohérence et l’harmonisation de la mise en œuvre.
France
Le programme de participation des citoyens dispose d’une direction politique, d’une coordination administrative et d’une évaluation indépendante. Ce volet est dirigé par un ministère dédié (ministère chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne), coordonné par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et supervisé par un organisme indépendant, la Commission nationale du débat public (CNDP). La DITP est également en charge de l’agenda du gouvernement ouvert, ainsi que du processus du PGO en France, et fonctionne comme un centre d’expertise fournissant un soutien technique sur la participation citoyenne à toutes les institutions publiques.
Mexique
Le Mexique dispose de deux bureaux qui coordonnent et dirigent la mise en œuvre de l’agenda de la participation. L’un est situé au centre du gouvernement et est chargé de l’articulation entre le gouvernement et les parties prenantes non publiques (sous-secrétaire au développement démocratique, à la participation sociale et aux questions religieuses), alors que l’autre est le responsable du gouvernement ouvert chargé de l’orientation et du soutien aux autres entités fédérales (secrétaire à la gestion publique).
Espagne
En Espagne, la participation citoyenne est un élément essentiel du programme de gouvernement ouvert. Elle est coordonnée et dirigée par la Direction générale de la gouvernance publique du ministère de la Politique territoriale et de la Gestion publique. Ce bureau est également chargé de l’agenda du gouvernement ouvert.
Source : (OCDE, 2022[16]).
Au Maroc, plusieurs acteurs forment le cadre institutionnel de soutien aux initiatives de participation aux niveaux national et local
Au Maroc, il n’existe pas d’acteur unique chargé de coordonner les efforts et initiatives relatifs à la participation ou d’apporter un appui aux différents organes publics sectoriels dans ce domaine aux niveaux national et infranational. On peut cependant identifier trois acteurs principaux du cadre institutionnel favorisant la mise en œuvre du principe de participation : la Direction des relations avec la société civile (DRSC) du ministère délégué auprès du chef de Gouvernement chargé des Relations avec le Parlement, la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) du ministère de l’Intérieur, et le Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration (MTNRA) (voir Graphique 5.2).
La Direction des relations avec la société civile (DRSC) apporte un appui aux OSC, favorisant leur implication dans la vie publique
La DRSC, créée en 2012 et relevant du ministère chargé des Relations avec le Parlement,14 est en charge de renforcer les relations entre le gouvernement et la société civile à travers deux volets :
Créer un environnement propice à une implication effective de la société civile tout au long du cycle des politiques publiques, y compris à travers un renforcement de ses capacités.
Mettre en œuvre la participation citoyenne et les mécanismes de la démocratie participative.15
La DRSC est à ce titre porteuse de plusieurs engagements relatifs à la démocratie participative et aux OSC dans le cadre du PGO (Gouvernement-ouvert.ma, 2021[12] ; 2021[13]). Elle a également réalisé des supports pédagogiques relatifs aux mécanismes de la démocratie participative et mis en place des formations sur ces concepts à destination des OSC, conformément aux engagements du Maroc dans le cadre du premier PAN du PGO. Elle déploie également des efforts importants de formation et de renforcement de l’environnement favorable des OSC (voir Section 3.3.3 du Chapitre 3 sur le cadre institutionnel d’appui aux OSC).
Cependant, il ressort des entretiens menés ainsi que des réponses à l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert que la DRSC opère un travail principalement sectoriel en lien avec les OSC et ne prend pas en charge, pour l’heure, un rôle de coordination ou d’appui aux processus participatifs menés par les autres départements ministériels ou institutions publiques. À ce titre, bien qu’un nombre croissant d’initiatives de participation soit mené à différents niveaux du gouvernement et par des acteurs publics variés, il n’existe pas au niveau central d’organe disposant d’une vue d’ensemble sur les initiatives engagées et en capacité d’apporter un appui ou des conseils sur la manière de mener des processus de consultation ou d’engagement avec les citoyens et les parties prenantes au niveau national. Ainsi, d’après les entretiens menés dans le cadre de la revue par les pairs, la coordination des efforts de participation constitue le défi le plus prégnant pour une mise en œuvre cohérente et effective des principes de la démocratie participative.16 Allant dans le sens d’un renforcement de la coordination gouvernementale autour de l’appui à la société civile, il est à noter que la DRSC a intégré, dans la stratégie du ministère dans le domaine des relations avec la société civile pour la période 2022-26 – dite Stratégie « Nassij » – la mise en place d’une instance de coordination transversale au niveau du chef de Gouvernement, avec pour mission de veiller à la coordination des politiques publiques relatives à la société civile.17
La Direction générale des collectivités territoriales (DGCT) appuie la mise en œuvre cohérente des principes et mécanismes de la démocratie participative au niveau local
Au niveau territorial, le rôle d’appui à la mise en œuvre des principes de la démocratie participative est pris en charge par la DGCT. Celle-ci déploie en effet d’importants efforts pour soutenir les collectivités territoriales dans l’opérationnalisation des mécanismes de participation prévus par la loi, tels que les instances consultatives, les processus de participation dans le cadre de l’élaboration des plans d’action communaux (PAC) ou des plans de développement régionaux (PDR), ou encore du droit de pétition (voir Section 5.4 sur les mécanismes et outils institutionnalisés de participation).
La DGCT a affirmé et réitéré son engagement dans le domaine de la participation citoyenne à plusieurs reprises. Elle a par exemple diffusé, en octobre 2021, une circulaire auprès des gouverneurs et présidents des conseils de collectivités territoriales rappelant les mécanismes existant au niveau local, les obligations des collectivités territoriales en matière de participation, ainsi que les différents outils et matériaux mis à leur disposition par la DGCT, et a annoncé le lancement d’un programme de formation à l’adresse des élus et des cadres des collectivités territoriales autour de la communication, la planification participative, l’approche de genre et les outils de la participation citoyenne (DGCT, 2021[30]). Depuis 2017, elle a développé un arsenal d’outils pédagogiques sous la forme de manuels de procédures pour aider les collectivités territoriales marocaines dans la mise en place, le fonctionnement et le suivi des instances consultatives (voir Section 5.4.2). Elle a également produit un certain nombre de guides pratiques soutenant la mise en œuvre de processus participatifs dans les collectivités territoriales, tels que les budgets participatifs (DGCT, 2017[32] ; DGCT, 2019[33] ; DGCT, 2020[34] ; DGCT, 2021[35]).
De plus, la DGCT a élaboré, dans le cadre du programme de coopération TASHAROC du Royaume-Uni, deux boîtes à outils. La première, intitulée « Pour des politiques régionales participatives et inclusives », regroupe plusieurs guides, en arabe et en français, portant sur les mécanismes de gouvernance et de participation citoyenne au niveau régional. La seconde, relative aux outils de participation citoyenne, est constituée de fiches pratiques relatives aux démarches de participation citoyenne (DGCT, 2022[36] ; SNRT News, 2022[37]).
Enfin, la DGCT a lancé en 2022 le Programme d’appui aux collectivités territoriales ouvertes (PACTO), en partenariat avec l’Association des régions du Maroc et l’association Impact pour le Développement (DGCT, 2023[38]). Ce programme vise à institutionnaliser les principes de transparence, de redevabilité, l’accès à l'information, la participation citoyenne et la digitalisation dans les programmes et les projets des collectivités territoriales. Dans ce cadre, des ateliers de communication et de cocréation de programmes d’ouverture ont été organisés au début de l’année 2023. Par ailleurs, la DGCT a créé le Réseau marocain des collectivités territoriales (REMACTO), auquel ont adhéré 66 collectivités territoriales au moment de la rédaction de ce rapport (12 régions, 4 conseils provinciaux et 50 communes), afin qu’il constitue une espace de dialogues et de partage d’expériences autour de l’ouverture (DGCT, s.d.[39]). Une plateforme dédiée a été lancé en juin 2023. Ainsi, la DGCT apporte une contribution déterminante à l’opérationnalisation du principe de la démocratie participative à travers sa traduction en une véritable méthodologie de travail adoptée par les collectivités territoriales, et pourrait inspirer et soutenir les efforts au niveau national.
Le ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l’Administration participe à l’institutionnalisation de nouveaux modes de participation dans le cadre du pilotage du chantier du gouvernement ouvert
Enfin, en tant que coordinateur du chantier du gouvernement ouvert au Maroc et du processus du PGO, le MTNRA a également renforcé son rôle dans la promotion et la mise en œuvre effective d’initiatives participatives. Les efforts d’engagement avec la société civile et les citoyens, dans le cadre de la mise en œuvre du premier PAN du PGO et de l’élaboration du second plan selon un processus de cocréation, lui ont permis de progressivement développer une expertise dans le domaine et de soutenir l’évolution du mode de gouvernance du gouvernement ouvert favorisant une plus grande participation des citoyens et des parties prenantes. Le MTNRA est également en charge de la gestion d’un nouvel espace de la société civile sur le portail en ligne du gouvernement ouvert, qui a vocation à devenir un espace d’échange et de collaboration entre le gouvernement et les acteurs de la société civile dans le domaine du gouvernement ouvert (voir Section 5.4.5). Des projets de renforcement des capacités des OSC sur des thématiques liées aux engagements mais également sur des compétences transversales (telles que le plaidoyer) sont également à l’étude. Le MTNRA ne dispose cependant pas pour l’heure de prérogatives explicites en matière de participation, en dehors du processus d’élaboration, de mise en œuvre et de suivi du processus du PGO, et n’est pas non plus l’entité responsable de la mise en œuvre des engagements formels relatifs à la participation dans ce cadre.
Le Maroc pourrait envisager de clarifier les prérogatives de ces acteurs et de renforcer les synergies et la cohérence de leurs efforts respectifs
Ainsi, bien que ces acteurs remplissent chacun un rôle important dans la promotion et l’appui à la mise en œuvre de la participation citoyenne aux niveaux national et infranational, le Maroc ne dispose pas pour l’heure d’une gouvernance d’ensemble, ce qui représente un obstacle à une mise en œuvre harmonisée et cohérente des initiatives de participation.
Il serait ainsi utile de clarifier les responsabilités et prérogatives de ces différents acteurs clés et de cartographier leurs relations, afin d’éviter tout potentiel recoupement ou lacune qui pourrait nuire à la mise en œuvre efficace et constructive des dispositifs participatifs. Cet exercice serait l’occasion d’étudier les synergies et d’optimiser les ressources humaines, techniques et financières pour renforcer l’environnement favorable à la mise en œuvre des initiatives. En outre, la rationalisation du cadre institutionnel de la participation pourrait s’appuyer sur la dynamique de la stratégie du gouvernement ouvert, dans le cadre des efforts de cartographie recommandés dans la section 1.4.2 du Chapitre 1.
Une meilleure définition des responsabilités relatives à la participation dans les institutions publiques favoriserait une mise en œuvre plus systématique et harmonisée des processus de participation
Au-delà de responsabilités institutionnelles centrales de coordination et d’appui, il est nécessaire que l’ensemble de l’administration possède les responsabilités et compétences nécessaires pour promouvoir le cadre légal et son application. Certains pays (49 %),18 comme la France, ont par exemple opté pour des unités ou des agents référents au sein des institutions, chargés d’informer, de conseiller et de soutenir la mise en œuvre des procédures participatives de leur organisation (voir Encadré 5.7).
Encadré 5.7. La désignation de référents ministériels pour la participation citoyenne en France
En 2021, le Premier ministre français a annoncé des mesures visant à garantir la qualité et la cohérence des exercices participatifs menés par l’État. Parmi celles-ci, le ministère chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne doit désormais systématiquement être consulté par les ministères avant toute démarche participative et, pour ce faire, des référents sont désignés au sein de chacun d’entre eux.
À l’été 2021, ils ont ainsi été désignés auprès de chaque administration et ont pu être réunis pour la première fois en septembre 2021, dans le cadre des activités du Centre interministériel de la participation citoyenne (CIPC). Ils sont les ambassadeurs et garants des grands principes des dispositifs participatifs sincères, transparents et rigoureux, et notamment de l’importance de la stratégie et de la méthode garantissant l’expression d’une grande diversité d’opinions, de la qualité de l’information donnée aux citoyens et de la nécessité d’un « devoir de suite », afin que les parties prenantes connaissent les suites données à chaque dispositif.
Au Maroc, si les institutions publiques ne procèdent pas de manière institutionnalisée et systématisée à la désignation de responsables de la participation, les entretiens ont révélé qu’un nombre croissant de départements ministériels entretenaient des relations régulières avec des OSC.19 Des initiatives de départements ministériels ont récemment vu le jour en ce sens, comme au sein du ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, qui dispose d’un service dédié à la coopération avec la société civile (voir Encadré 5.8).
Encadré 5.8. Le rôle du service de partenariat du MTEDD
Au Maroc, le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable (MTEDD) dispose d’un service de partenariat avec les organisations non gouvernementales. Il est rattaché à la division du partenariat au sein de la Direction du partenariat, de la communication et de la coopération.
Son rôle est d’accompagner les OSC dans le montage de projets associatifs et la mise en relation avec d’autres acteurs pertinents dans le domaine de l’environnement et du développement durable.
En 2021, dans une logique participative, le MTEDD a en outre lancé un appel à manifestation à l’adresse des OSC, pour siéger à la Commission nationale de gestion intégrée du littoral (cinq associations retenues) et à la Commission nationale des changements climatiques et de la biodiversité (trois associations retenues).
Source : https://www.environnement.gov.ma/fr/partenariat-cooperation/partenariat/onghttps://www.environnement.gov.ma/fr/partenariat-cooperation/partenariat.
Afin d’assurer une approche horizontale de la participation et une mise en œuvre cohérente et élargie des initiatives dans l’ensemble du gouvernement, le Maroc pourrait encourager la désignation, au sein de chaque institution publique, de personnes en charge des initiatives de participation et d’engagement avec les citoyens, la société civile et les différentes parties prenantes. Pour définir des responsabilités relatives à la participation citoyenne, il pourrait par exemple capitaliser sur les réseaux de chargés d’accès à l’information et les velléités de créer un réseau de chargés du gouvernement ouvert au sein de l’administration (voir Chapitre 2). Un tel réseau pourrait faciliter la mise en cohérence et la coordination des pratiques participatives dans l’ensemble des institutions publiques et favoriser un échange de bonnes pratiques et un apprentissage mutuel. De plus, la définition de responsabilités explicites en termes de participation au sein de chaque administration, nationale et infranationale, favoriserait également à terme une approche plus systématisée de la participation comme méthodologie de travail dans le cadre de l’élaboration, de la mise en œuvre et du suivi des politiques publiques, et permettrait de pallier les inégalités de mise en œuvre actuelles, tributaires de la mobilisation personnelle de certains agents de l’administration.
5.3.3. Les cadres de politique publique de promotion de la participation des citoyens et des parties prenantes
Comme qu’indiqué dans le chapitre 1 de ce rapport, les cadres de politique publique dédiés sont également des éléments importants d’un environnement favorable au gouvernement ouvert et à la participation. Ils peuvent en effet soutenir les administrations publiques dans la mise en œuvre d’initiatives de participation et contribuer à une approche plus systématique et coordonnée au sein des différentes institutions publiques.
Le Maroc ne dispose pas d’une stratégie ou d’un plan d’action spécifiquement dédié à la participation. Cependant, comme décrit dans le chapitre 1, un certain nombre de documents de politique publique font référence au principe de participation et promeuvent son opérationnalisation.
Dans ses réponses à l’enquête sur le gouvernement ouvert, le Maroc a mentionné l’existence de deux stratégies visant à la promotion de la participation. Il s’agit de la Stratégie 2017-21 de l’ancien ministère des Droits de l’homme et des Relations avec le Parlement (devenu ministère chargé des Relations avec le Parlement, à la suite du remaniement ministériel d’octobre 2021) et d’un Plan d’action de promotion de la société civile 2017-21 du même ministère.20 La Stratégie 2017-21 du ministère dispose d’un axe dédié aux OSC et l’axe I du Plan vise entre autres à renforcer la participation à l’action publique, à travers la promotion du rôle des OSC, le lancement de programmes d’information et de formation sur la citoyenneté, les droits de l’homme et la démocratie participative, et le renforcement de la participation des jeunes, des femmes et des enfants. Si ces deux documents participent au renforcement de l’environnement favorable à la participation des citoyens et des parties prenantes, il s’agit principalement de stratégies ou de plans d’action sectoriels et ciblés, qui ne portent ainsi pas une vision plus large et de long terme de la participation. Dans la continuité de ces deux documents, afin de renforcer la planification stratégique de l’appui à la société civile en vue de sa participation effective à la vie publique, le ministère chargé des Relations avec le Parlement a élaboré en 2023 une nouvelle stratégie dans le domaine des relations avec la société civile pour la période 2022-26, la stratégie « Nassij ». 21 Cette stratégie, fondée sur un diagnostic de la situation de la société civile, une étude comparative et un recensement de bonnes pratiques internationales, définit une vision ainsi que des axes stratégiques, des objectifs, et un nombre important de programmes spécifiques visant à les remplir. En particulier, deux de ces programmes concernent le renforcement de la participation des OSC dans l’élaboration, le suivi et l’évaluation des politiques publiques, aux niveau national et infranational, ainsi que le lancement d’une campagne de communication et d’une offre de formation à destination des associations pour renforcer la participation citoyenne.
Par ailleurs, les plans d’action du PGO (voir Section 5.2.2) ont permis certaines avancées en termes de participation. Ils demeurent cependant des plans de court terme, sur des engagements très ciblés et portés par quelques acteurs, ce qui en limite l’impact sur l’intégration de la participation comme outil de politiques publiques plus globalement et au-delà des processus du PGO.
Soulignant son engagement en faveur d’une participation accrue et systématisée des citoyens et des parties prenantes dans la vie des collectivités, la DGCT du ministère de l’Intérieur a inclus un axe dédié au développement de la responsabilité des élus et de la participation citoyenne au sein de son plan d’action stratégique pour la période 2018-22. Dans ce cadre, la DGCT a pu mettre en place une approche stratégique de la participation au sein des collectivités territoriales, à travers un accompagnement et un appui constants aux administrations locales et une rationalisation des mécanismes participatifs existants pour répondre à des objectifs stratégiques de politique publique à l’échelle locale, par exemple dans le cadre de la planification du développement local. Cependant, cette approche stratégique ne concerne que le niveau infranational et ne connaît pas d’équivalent au niveau national.
De plus, il n’existe pas de connexion formelle entre les différents cadres de politique publique évoqués, bien que des liens existent entre les divers acteurs les mettant en œuvre (par exemple, la DRSC et la DGCT sont en charge de la mise en œuvre de certains des engagements du PGO relatifs à la participation). À ce titre, le Maroc pourrait envisager d’adopter une approche stratégique qui définirait une vision partagée de la participation et des objectifs auxquels cette dernière doit répondre. Une telle approche permettrait de dépasser la fragmentation des cadres légaux, institutionnels et de politique publique, et d’assurer la transversalité des cadres de la participation, ce qui contribuerait à terme à véritablement ancrer le principe de participation comme méthode de travail dans le cadre de l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques.
5.3.4. L’adoption d’une approche stratégique pourrait soutenir la mise en cohérence des cadres légaux, institutionnels et de politique publique de la participation au Maroc
Au cours des dernières années, le Maroc a vu une multiplication des cadres, processus et outils de participation, que l’administration, les citoyens et la société civile s’approprient progressivement, mais qui sont souvent mis en œuvre de manière dispersée et en silos, ce qui peut entraver leur pérennisation et leur impact. En parallèle, le Maroc a témoigné à plusieurs reprises d’une forte volonté politique en faveur d’une approche participative, d’une part à travers les dispositions constitutionnelles, et d’autre part à travers des processus innovants visant à atteindre des objectifs stratégiques plus larges tels que l’élaboration du Nouveau Modèle de développement. À présent, il serait utile de capitaliser sur ces expériences et de créer un consensus autour de la vision et des ambitions du Maroc en termes de participation. Dans ce cadre, le Maroc pourrait s’inspirer de la théorie du changement proposée en introduction de ce chapitre, et élaborer un modèle qui lui serait propre et lui permettrait de mettre en cohérence les cadres, outils et pratiques de la participation pour atteindre des résultats spécifiques, notamment des politiques publiques plus inclusives et efficaces.
Ainsi, une approche stratégique fixe l’orientation de toutes les actions dans un domaine donné. Elle englobe notamment la définition des objectifs à atteindre, les moyens mis en place, l’identification des parties prenantes cibles, les propositions budgétaires et le calendrier de mise en œuvre. En d’autres termes, il s’agit d’un cadre définissant l’approche globale et l’orientation des initiatives à mener, ainsi que les objectifs à court, moyen et long terme (OCDE, 2017[10] ; OCDE, 2021[40]). Au Maroc, une telle approche intégrée de la participation pourrait s’inscrire dans la future stratégie nationale du gouvernement ouvert, qui permettrait à la participation d’être davantage et explicitement ancrée dans la dynamique plus large pour l’ouverture du gouvernement. Pour ce faire, des sessions spécifiques dédiées à la participation pourraient être organisées dans le cadre de l’élaboration de la stratégie, et une section spécifique du document final pourrait être consacrée à la place de la participation dans le cadre du gouvernement ouvert, ainsi qu’à la déclinaison d’une vision et d’objectifs spécifiques et de long terme. La Finlande a par exemple opté pour des sections dédiées au dialogue et à la participation citoyenne dans sa Stratégie du gouvernement ouvert 2030, adoptée en 2021 (Gouvernement de Finlande, 2021[41]).
En premier lieu, il serait utile de créer un consensus autour de la compréhension de la participation en termes de processus et de mécanisme visant des objectifs ambitieux de politique publique. En ce sens, le Maroc ne dispose pas à l’heure actuelle de définition officielle de la participation, partagée par l’ensemble des institutions publiques et connue de l’ensemble des parties prenantes. Tout comme l’absence de définition officielle du concept de gouvernement ouvert évoquée dans le chapitre 1 de ce rapport, le manque de définition de la participation peut impliquer des différences dans la manière dont les acteurs abordent et appréhendent sa mise en œuvre dans la pratique. De même, une définition partagée peut être utile pour pouvoir évaluer les processus de participation autour de critères communs. Le Maroc pourrait ainsi envisager l’adoption d’une définition officielle de la participation, en ligne avec le principe de démocratie participative énoncé dans la Constitution de 2011. À ce titre, l’effort de définition par la DGCT de la démocratie participative dans une circulaire n° 920 du 4 octobre 2021 pourrait servir d’inspiration (DGCT, 2021[30]). Cet exercice de définition serait également l’occasion de préciser quels sont les acteurs d’un processus participatif, par exemple en clarifiant la distinction entre les citoyens et les parties prenantes. Elle pourrait en outre être entre inscrite dans la stratégie du gouvernement ouvert, ce qui soutiendrait sa diffusion et sa pleine intégration dans la dynamique de l’ouverture du gouvernement.
Une approche intégrée de la participation devrait également permettre de préciser la coordination des politiques publiques, des pratiques et des parties impliquées dans la mise en œuvre des mécanismes participatifs (voir Chapitre 2). En ce sens, il sera utile de lier ces échanges aux réflexions propres à la stratégie de gouvernement ouvert et à son cadre de gouvernance pour répondre aux défis soulevés en termes de moyens et de capacités, qui pourraient être optimisés par des synergies entre les différents chantiers du gouvernement ouvert. L’exercice permettrait également de définir les acteurs et piliers de la participation au Maroc, ainsi qu’une vision et des objectifs de long terme s’inscrivant pleinement dans l’agenda prioritaire et stratégique de réformes dans le pays. Enfin, l’impact réel des dynamiques et processus participatifs sur la qualité des politiques publiques, ainsi que la confiance et le bien-être des citoyens pourraient également être mesurés par des indicateurs dédiés dans le cadre d’une stratégie du gouvernement ouvert.
Une approche intégrée et cohérente de la participation, par exemple dans le cadre de la stratégie du gouvernement ouvert, permettrait également de mieux corréler et aligner le niveau national et le niveau local dans la mise en œuvre de la participation. Il existe en effet un certain décalage entre une approche de plus en plus stratégique portée au niveau local par la DGCT – à travers un appui soutenu aux collectivités territoriales et un effort pour ancrer l’implication des citoyens et des parties prenantes dans les processus et cadres de l’action publique – et le niveau national – où plusieurs outils et mécanismes existent, mais où les liens entre eux et leur place dans le cycle des politiques publiques gagneraient à être explicités. À ce titre, la DGCT pourrait être largement impliquée dans les efforts pour élaborer une approche stratégique, cohérente et intégrée à l’échelle de l’ensemble des institutions publiques. Elle pourrait ainsi partager son expérience acquise à travers les efforts menés au niveau local et soutenir sa traduction à l’échelon national. Cette vision stratégique pourrait par la suite constituer le socle de plans d’action ou d’activités et programmes plus ciblés, mais dont la cohérence serait assurée par l’existence d’un cadre commun permettant de porter des ambitions et objectifs de long terme.
5.4. Des mécanismes et outils ont permis l’éclosion de la participation dans la pratique aux niveaux national et local, mais gagneraient à être davantage mobilisés
La participation des citoyens et des parties prenantes est un moyen approprié pour toute institution publique de canaliser les demandes, d’obtenir de nouvelles contributions et, en fin de compte, d’instaurer la confiance avec les citoyens (OCDE, 2021[42]). Les institutions marocaines nationales et locales ont saisi son importance et l’utilisent de manière croissante.
Selon l’OCDE, la mise en œuvre de processus participatifs dans la pratique implique une combinaison d’approches et d’outils qui doivent être choisis en fonction du contexte de mise en œuvre, des objectifs poursuivis, et des ressources humaines et financières disponibles, et y être adaptés (OCDE, 2017[10]). Ainsi, « les processus de participation des parties prenantes doivent être suffisamment souples pour s’adapter à l’évolution des circonstances » (OCDE, 2017[10]). En ce sens, afin d’opérationnaliser le principe de la démocratie participative, le Maroc s’est doté au cours des dernières années d’un certain nombre d’outils et de mécanismes constituant des canaux de participation des citoyens et des parties prenantes à la vie publique, qui sont l’objet de cette section du chapitre.
Cette section donne un aperçu des pratiques participatives mises en œuvre au Maroc et des outils à disposition des différentes parties prenantes aux niveaux national et infranational. Il existe ainsi un nombre important de mécanismes et d’outils, mais leur mise en œuvre ou leur usage effectif semble inégal et gagnerait à être renforcé, notamment à travers une déclinaison de directives plus claires et la poursuite de l’accompagnement des autorités, des citoyens et de la société civile dans leur activation. Cette section souligne également l’existence d’expériences ad hoc et l’innovation de certains acteurs dans le développement de mécanismes de participation. Elle conclut en présentant plusieurs leviers pour soutenir et pérenniser les initiatives de participation dans la pratique, à travers une approche plus stratégique et planifiée.
5.4.1. Le droit de présenter des pétitions et des motions en matière législative a été institutionnalisé, mais peine à s’installer dans la pratique
Le droit de pétition est un mécanisme récemment institutionnalisé au Maroc, conformément aux dispositions constitutionnelles (voir Section 5.3.1 sur le cadre légal). Comme 86.5 % des pays répondant à l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020), le Maroc a mis en place un mécanisme permettant aux citoyens et aux associations de présenter des pétitions auprès de plusieurs entités publiques, au niveau national comme au niveau territorial (OCDE, 2021[31]).22 La loi sur les pétitions, adoptée au niveau national, et les dispositions des lois organiques sur la régionalisation avancée font partie intégrante des mécanismes de mise en œuvre des principes de la démocratie participative au Maroc. En outre, l’adoption de ce mécanisme a fait suite aux débats et recommandations du Dialogue national sur la société civile et les nouvelles prérogatives constitutionnelles, et est ainsi venue répondre aux revendications d’un certain nombre d’acteurs publics et non gouvernementaux en faveur de l’opérationnalisation des dispositions constitutionnelles relatives à la démocratie participative (Medias24, 2014[43]).
L’appropriation du droit de pétition et de motion en matière législative à l’échelle nationale appelle à un renforcement des efforts d’accompagnement et de sensibilisation, ainsi qu’à une simplification et une clarification des procédures
La loi n° 44-14, adoptée en 2016, définit les conditions et procédures de présentation de pétitions aux pouvoirs publics à l’échelle nationale (Royaume du Maroc, 2016[18]). La pétition est définie comme « toute demande écrite, sur papier ou support électronique, soutenant des revendications, des propositions ou des recommandations, adressée par des citoyennes et des citoyens résidant au Maroc ou à l’étranger aux pouvoirs publics concernés afin de prendre des mesures appropriées les concernant […] » (Royaume du Maroc, 2016[18]). Au niveau national, elle peut être adressée au chef du gouvernement ou aux présidents des deux Chambres du Parlement suivant le sujet traité, et doit poursuivre un but d’intérêt général.
Afin de soutenir et de faciliter l’usage de ce mécanisme, la DRSC a rédigé des guides relatifs aux droits de présenter des pétitions et des motions. Ils présentent de manière simplifiée et pédagogique les conditions de présentation de pétitions et de motions, la manière de préparer une motion ou une pétition (conditions de recevabilité et d’irrecevabilité), de choisir l’institution à laquelle l’adresser, de mettre en place un comité de présentation de l’initiative, ainsi que d’assurer le soutien à l’initiative et de suivre son cheminement, et propose un lexique des termes clés de la démocratie participative (Ministère chargé des Relations avec le parlement, 2022[44] ; Ministère chargé des Relations avec le Parlement, 2022[45]). Le guide relatif aux pétitions inclut également une seconde partie dédiée à la présentation de pétition auprès des présidents des collectivités territoriales, qui propose également des modèles types à remplir. Ces guides ont été disséminés par les autorités publiques et sont notamment disponibles en ligne en arabe sur la plateforme eparticipation.ma, de même que des capsules-vidéos produites par le Ministère, pour soutenir les citoyens et les parties prenantes dans l’actionnement de ces dispositifs (Royaume du Maroc, s.d.[46]). Une application mobile présentant l’ensemble de ces informations a également été lancée en 2019 en arabe, en amazigh, en français et en anglais, et a été actualisée en 2022 selon les nouvelles dispositions apportées par la réforme des deux lois organiques des pétitions et des motions. Ces efforts ont été accompagnés par des formations organisées par la DRSC à destination des OSC (notamment dans le cadre du premier PAN du PGO), ainsi que par la création d’une plateforme de formation en ligne afin d’en démultiplier la portée, la plateforme Tachorkia.ma (Tacharokia, s.d.[47]).
Malgré les importants efforts déployés pour appuyer l’usage du mécanisme de pétition, les résultats semblent mitigés dans la pratique. En effet, au moment de la rédaction de cette revue, et sept ans après l’adoption du cadre légal, seule douze pétitions ont été déposées au niveau national (dix auprès du chef du gouvernement et deux auprès du président de la Chambre des représentants). Seules trois pétitions auprès du chef de gouvernement ont été jugée recevables par la commission chargée de l’étude des pétitions.
Concernant le droit de présenter des motions en matière législative, régi par la loi n° 64-44, il présente une opportunité d’associer de manière directe les citoyens à l’élaboration de la loi (Royaume du Maroc, 2016[20]). Cependant, au moment de la rédaction de ce rapport, seules trois motions législatives ont été déposées via la plateforme dédiée eparticipation.ma, et elles n’ont recueilli qu’un nombre limité de signatures.
Le faible usage des droits conférés aux citoyens et parties prenantes dans les lois relatives aux pétitions et aux motions en matière législative a été en partie attribué au nombre élevé de signatures exigées pour leur recevabilité, qui est de 5 000 pour une pétition et de 25 000 pour les motions législatives (Zaanoun, 2021[48]). Les mandataires déposant la pétition doivent par ailleurs obligatoirement être inscrits sur les listes électorales générales, ce qui, d’après certains observateurs, représente un obstacle supplémentaire dans l’usage du droit de pétition comme mécanisme de participation complémentaire aux processus électoraux (Zaanoun, 2021[48]). Face à ces constats, et comme évoqué en section 5.3.1 de ce chapitre, une révision de ces textes de loi validée en septembre 2021 par la Cour constitutionnelle a abouti à un abaissement du nombre de signatures nécessaires ainsi qu’à une digitalisation des procédures autorisant notamment la signature électronique, qui pourraient permettre à terme de renforcer l’usage de ces droits (LesEco.MA, 2021[21]). Par ailleurs, les efforts de formation et de sensibilisation des citoyens dans leur ensemble à ce mécanisme, ainsi qu’une plus grande communication autour des pétitions déposées, représentent également des leviers importants d’approfondissement du droit de présenter des pétitions et des motions législatives au Maroc, et pourraient permettre à moyen terme une plus grande appropriation de ces outils par les citoyens. En effet, les obstacles à la recevabilité ou à la faisabilité des propositions formulées sont un facteur démontrant le besoin d’accompagnement et de soutien aux citoyens et aux parties prenantes dans l’exercice de leurs droits.
De plus, l’usage réduit de ces droits peut aussi être lié au manque de définition des processus de suivi, de mesure d’impact et des suites données aux pétitions. En effet, si la loi décline avec précision les modalités de dépôt, elle demeure peu précise sur les procédures mises en place par la suite, ainsi que sur les potentiels débouchés et la manière dont une pétition acceptée pourrait être traduite en action ou décision publique. La difficulté pour les citoyens pétitionnaires de percevoir l’impact potentiel de leur mobilisation peut ainsi décourager l’usage de la pétition comme mécanisme de la démocratie participative. À ce titre, le mécanisme de pétition, s’il permet de faire émerger certains sujets dans le débat public, n’est pas directement connecté au cycle d’élaboration des politiques publiques. Le Maroc pourrait ainsi envisager, dans l’optique d’un approfondissement du cadre légal et réglementaire, de clarifier les procédures d’étude, les débouchés potentiels et les processus de suivi des suites données aux pétitions jugées recevables auprès du chef du gouvernement et du Parlement.
Enfin, une limite supplémentaire peut résider dans le fait que seules les autorités auxquelles les pétitions sont soumises (chef du gouvernement et présidents des Chambres du Parlement) sont chargées d’adopter une solution politique pérenne ou de transférer la pétition à l’instance constitutionnelle pertinente le cas échéant. Le dispositif ne prévoit pas nécessairement l’association des parties prenantes aux suites données à la pétition (Colin, 2019[49]). Au-delà de la contribution des citoyens via le droit de pétition à la mise à l’agenda de certains enjeux, les autorités publiques pourraient considérer l’élargissement des modalités de définition des solutions aux pétitionnaires, par exemple en permettant un suivi amélioré voire leur association à la définition d’une solution. Cela pourrait par exemple passer par un débat public auquel participeraient les citoyens porteurs de la pétition, ainsi que les autorités l’ayant acceptée.
Face à ces différents constats, la DRSC a introduit dans la stratégie Nassij 2022-2026 un axe dédié à la mise en place d’une stratégie de communication et de sensibilisation des citoyens, citoyennes, et OSC autour de la participation citoyenne et des différents mécanismes et outils existants. Ces efforts de sensibilisation seront accompagnés par des programmes de formation ciblés à destination des OSC.
Le droit de pétition au niveau local s’ancre progressivement
Au Maroc, le droit de pétition rencontre une certaine adhésion au niveau local. Selon les données du ministère de l’Intérieur, plus de 200 pétitions ont été déposées auprès de collectivités territoriales depuis la mise en place de ce mécanisme jusqu’en 2019. En effet, avec la mise en œuvre des lois de régionalisation avancée de 2015, ce droit permet aux citoyens et associations locales de demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour du conseil de la collectivité (Zaanoun, 2021[48]).
Le succès relatif du dépôt de pétition à l’échelle locale peut être expliqué, d’une part, par des procédures simplifiées – qui requièrent un nombre réduit de signatures et permettent aux associations enregistrées au niveau de la collectivité territoriale de présenter des pétitions dans leur domaine de compétence – et, d’autre part, par l’intégration de ce mécanisme dans le cadre des travaux du conseil de la collectivité, et non à travers la mise en place d’une nouvelle commission dédiée à l’examen des pétitions (Colin, 2019[49]). La progression de 216 % entre 2018 et 2019 du nombre de pétitions présentées reflète ainsi une appropriation croissante de ce mécanisme par les acteurs locaux (DGCT, 2019[50]). Leur dépôt au niveau local tend également à renforcer le constat du rôle essentiel du processus de régionalisation avancée dans la mise en œuvre des principes et mécanismes de la démocratie participative. Néanmoins, et malgré l’existence de guides pédagogiques en ligne élaborés par la DGCT et pouvant en soutenir la mise en œuvre (DGCT, 2020[34]), une marge de progression demeure pour que ce dispositif puisse atteindre son plein potentiel pour le renforcement d’une approche participative dans la gestion de la vie publique au niveau local et de l’interaction et de la collaboration entre les autorités locales et les citoyens.
Ainsi, du côté des administrations, la volonté politique de s’appuyer sur les pétitions dans la prise de décision est un facteur clé pour le plein impact du droit de pétition. Dans les collectivités territoriales marocaines, une fois déposées, les pétitions sont soumises au vote du conseil de la collectivité et dépendent donc de l’issue qu’il leur donne. En 2019, parmi les 212 pétitions qui avaient effectivement pu être déposées auprès de 97 des 1 590 collectivités territoriales (80 communes, 9 préfectures ou provinces, et 8 régions), 49 % avaient été jugées conformes et acceptées pour mise à l’agenda du conseil de la collectivité. Cependant, les données collectées par la DGCT ne permettent pas d’appréhender dans quelle mesure les avis et idées exprimés à travers le mécanisme de pétition à l’échelle locale sont finalement pris en compte. Dans les collectivités les plus réactives aux pétitions citoyennes, la volonté politique a été une composante essentielle de la mise en œuvre des projets ayant fait l’objet de pétitions. Elle est notamment visible dans les procédures systématisées et soutenues par le conseil communal de Tanger (voir Encadré 5.9).
Encadré 5.9. Le succès des pétitions à Tanger : une dynamique associative et un engagement de la commune
En 2019, la publication du ministère de l’Intérieur sur la « Démocratie participative locale : les pétitions déposées au niveau des collectivités territoriales comme exemple » note que la commune de Tanger a été classée deuxième à l’échelle nationale en matière de nombre de pétitions déposées. En effet, la commune a reçu 11 pétitions.
Cette avancée est due à deux tendances :
Une société civile dynamique : plusieurs associations de la société civile – comme l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH) et l’association Impact pour le développement (ICT4dev) – ont organisé des ateliers de sensibilisation sur les pétitions au profit des associations locales. Par exemple, l’association Impact pour le développement a organisé des cliniques de pétition pour accompagner les associations dans la rédaction des pétitions en conformité avec les exigences légales de fond et de forme.
Un engagement de la commune : la clé de voûte de cette réussite réside dans les bonnes pratiques du service compétent de la commune, qui a présenté une innovation en termes de réactivité aux pétitions. Ainsi, lorsqu’une pétition est déposée auprès de la commune, ce service analyse sa conformité. S’il remarque une incohérence, un écrit notifie l’anomalie au représentant légal de la pétition, avant d’organiser une réunion avec le service concerné au sein de la commune et le comité permanent pour évoquer plus en détail cette pétition. Elle est d’abord présentée au bureau du conseil pour étude. Après son accord pour inscription à l’ordre du jour de la session suivante, la pétition est transmise à la commission permanente concernée par l’objet de la pétition pour étude et rapport. Elle est ensuite placée à l’ordre du jour du conseil communal. Après le vote sur la pétition, le service tient une réunion avec l’association dépositaire et ses experts ainsi que le service concerné de la commune pour envisager leur contribution conjointe à la réalisation du projet faisant l’objet de la pétition. À Tanger, une partie des projets ayant fait l’objet de pétitions ont déjà vu le jour ; d’autres sont en cours de réalisation ou n’ont pas encore démarré.
Des entretiens menés par l’OCDE ont permis de dégager plusieurs limites à la mise en œuvre de ce mécanisme et d’identifier des leviers d’amélioration pour les dépasser (DGCT, 2023[51]). On peut par exemple citer le manque d’informations disponibles pour les citoyens et la société civile autour de ce mécanisme ; le manque de formation des associations au cadre relatif aux pétitions ; l’appropriation de ce mécanisme par les élus et le personnel administratif des collectivités territoriales ; et, enfin, le budget limité disponible pour la mise en œuvre de propositions ou de projets faisant l’objet d’une pétition présentée devant le conseil de la collectivité territoriale, ce qui réduit la marge d’action de la collectivité pour répondre aux besoins ou aux idées exprimés par les citoyens. Par ailleurs, les données statistiques produites par la DGCT montrent que la majeure partie des pétitions sont présentées par des associations et non par des citoyens à titre individuel (78 % par des associations contre 22 % par des citoyens) (DGCT, 2019[50]), ce qui peut appeler à une réflexion sur la manière de renforcer l’usage de ce mécanisme par les citoyens – sans passer par des intermédiaires – et non principalement par des parties prenantes organisées, telles que les associations.
Selon le rapport réalisé en 2019 par la DGCT, 49% des pétitions formulées au niveau infranational ont été acceptées, 47 % ont été refusées et les 4 % restants étaient encore à l’étude au moment de la rédaction du rapport (DGCT, 2019[50]). D’après les données recueillies, la cause du rejet des pétitions est dans 59 % des cas un défaut de formes ou une non-conformité avec le cadre légal, ce qui pourrait montrer que les citoyens et les OSC ne bénéficient parfois pas des compétences, des connaissances et de l’accompagnement qui leur permettraient de déposer des pétitions conformes aux exigences de la loi.
Pour clarifier les dispositions légales et appuyer la mise en œuvre par les autorités territoriales, la DGCT a élaboré et publié un manuel de procédures de gestion des pétitions au niveau des régions à l’adresse des instances dirigeantes et des membres des conseils régionaux (DGCT, 2020[34]). De plus, pour encourager l’appropriation de ces mécanismes par les acteurs impliqués, la DRSC a organisé, avec la DGCT, une série d’atelier visant à élaborer les processus de dépôt et d’études des pétitions au niveau des collectivités territoriales. Des formations de formateurs ont également été organisées au profit des personnes chargées de la gestion de ces processus au niveau des conseils des collectivités territoriales.23 Il semble utile que ces efforts soient poursuivis et soutenus par des actions de vulgarisation et d’accompagnement à la mise en œuvre à destination des collectivités territoriales mais également de la société civile et des citoyens, afin de permettre une meilleure appropriation de ce mécanisme par l’ensemble des acteurs.
De même, les échanges lors de la mission de revue par les pairs ont souligné qu’une des raisons principales du rejet ou de la non-prise en compte de pétitions réside dans l’absence de budget dédié à la mise en œuvre des projets, mais que ce point n’est pas nécessairement explicité ou justifié par les pouvoirs publics. En cohérence avec les normes édictées au niveau national et en s’appuyant sur les expériences et les moyens à disposition ainsi que sur les guides élaborés par la DGCT (DGCT, 2020[34]), la normalisation des procédures locales d’examen, d’adoption ou de rejet des pétitions et leur justification auprès des parties prenantes contribueraient à une réponse plus transparente et cohérente, tout en soulignant la bonne volonté des collectivités.
Il serait également intéressant de saisir l’opportunité de la période de consultation pour l’élaboration du plan d’action communal (PAC) pour encourager les citoyens à présenter des pétitions sur des sujets ciblés qui les intéressent, afin que leur mise en œuvre puisse être budgétisée en amont. Les collectivités territoriales pourraient ainsi élaborer un calendrier permettant aux citoyens et aux associations d’identifier les moments les plus opportuns à l’activation des mécanismes de pétition.
Enfin, afin de renforcer la visibilité des initiatives pétitionnaires lancées auprès des communes et ainsi de progressivement en ancrer l’usage, la DGCT pourrait envisager de mettre en place un mécanisme de suivi du taux de réalisation des pétitions, qui permettait également aux pétitionnaires d’évaluer le processus et d’exprimer et de publier leur avis. Un tel mécanisme participerait ainsi au renforcement de la redevabilité des autorités territoriales dans la prise en compte des avis exprimés collectivement par les citoyens et la société civile, ainsi qu’au renforcement de la transparence. Il pourrait être accompagné par le développement d’indicateurs dédiés permettant de mesurer l’impact réel de l’usage du mécanisme de pétitions par les citoyens au niveau local. La publication systématique des données relatives aux pétitions ou réclamations déposées et examinées, à la justification de l’examen ou du non-examen, et à leur éventuelle incidence dans les décisions publiques locales dans le rapport d’activité, dans un bulletin local et/ou sur le site Internet de la collectivité serait un gage de redevabilité accrue de l’institution considérée. Elle pourrait en outre contribuer à nourrir le débat public et l’information des citoyens, leur permettant ainsi une participation informée à la chose publique locale. À ce titre, la DGCT et la DRSC ont travaillé ensemble à l’intégration des collectivités territoriales à la plateforme eparticipation.ma, ce qui permettra à terme un suivi en ligne des pétitions déposées au niveau des collectivités ainsi que la production de statistiques et de données dans ce domaine, renforçant ainsi la transparence et la redevabilité de ce mécanisme.24
5.4.2. Les instances consultatives aux niveaux national et infranational présentent un potentiel certain, qui gagnerait à être davantage exploité
Les instances consultatives constituent un premier pas vers l’institutionnalisation d’un engagement permanent entre les acteurs de la société civile et les différents niveaux de gouvernement, qui permet de compléter les initiatives ponctuelles et conjoncturelles de concertation ou de consultation avec les parties prenantes non publiques. Au Maroc, les instances consultatives font partie intégrante des efforts pour la mise en œuvre du principe de participation et l’association des différentes parties prenantes à la prise de décision publique.
Des instances au niveau national contribuent à l’institutionnalisation progressive du dialogue permanent entre les institutions publiques et les différentes parties prenantes
La Constitution du Royaume du Maroc de 2011 appelle explicitement les pouvoirs publics à la création d’instances de concertation, en vue d’associer les différents acteurs sociaux à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques (Royaume du Maroc, 2011[17]). En ce sens, elle a instauré, par son article 151, le Conseil économique, social et environnemental (CESE). En vertu de la loi organique n° 128-12, celui-ci est composé d’un président et de 105 membres issus de corps d’experts, de syndicats, d’OSC et d’associations professionnelles, notamment consultés sur les enjeux économiques et sociaux, de développement durable et de régionalisation avancée, par le gouvernement et par les deux Chambres du Parlement (Royaume du Maroc, 2014[52]). Le CESE participe ainsi à l’instauration d’un dialogue permanent entre le gouvernement et les différentes parties prenantes, qui permet de tirer profit de l’expertise de la société civile et d’informer la prise de décision publique. Depuis sa mise en place, le CESE s’est notamment illustré à travers la production d’un nombre important de rapports et de recommandations autour de différents enjeux de politiques publiques ou projets de loi, et dispose d’un droit d’autosaisine. Afin de renforcer son rôle comme mécanisme de participation, le CESE marocain pourrait s’inspirer de la réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) français, adoptée en 2021, qui lui permet d’impliquer les citoyens à ses travaux à travers des processus variés, tels que la consultation par tirage au sort, permettant de se rapprocher de la démocratie délibérative (voir Encadré 5.10).
Encadré 5.10. La réforme du Conseil économique, social et environnemental en France
En 2021, la France a procédé à une réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) à travers l’adoption de la loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 (République française, 2021[53]). Cette réforme vise à accroître le rôle de la société civile dans l’élaboration des politiques publiques et renforce le rôle du CESE en tant qu’institution de référence en matière de participation citoyenne et carrefour des consultations publiques (CESE, 2021[54]).
Au titre de cette loi, le CESE peut, de sa propre initiative ou à la demande du Premier ministre, du président de l’Assemblée nationale ou du président du Sénat, organiser une consultation du public dans les matières relevant de sa compétence, et notamment à travers une procédure de tirage au sort pour déterminer les participants à ce processus consultatif. Cette disposition traduit une évolution vers la démocratie délibérative, par l’association directe de citoyens tirés au sort et respectant une représentation équilibrée du territoire du pays, ainsi que la parité entre hommes et femmes. Dans le cadre de la consultation du public, la loi prévoit également la mise à disposition par le CESE d’une information claire et suffisante au profit des participants sur l’objet du processus de participation mis en place.
Enfin, du fait de cette réforme, le CESE peut impliquer des instances consultatives auprès des collectivités territoriales dans certains de ses travaux.
Sources : (République française, 2021[53]) (CESE, 2021[54]).
La Constitution a également prévu la mise en place d’un Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative, dont la loi régissant le fonctionnement a été adoptée par les deux Chambres du Parlement, mais qui n’a pas encore été mis en place au moment de la rédaction de cette revue (voir Chapitre 3).
Au niveau infranational, les instances consultatives s’intègrent progressivement au paysage institutionnel des collectivités territoriales, mais bénéficieraient d’une harmonisation dans leur mise en œuvre
Au niveau des collectivités territoriales, les instances consultatives prévues par les lois de régionalisation de 2015 (voir Section 5.3.1 sur le cadre légal) sont progressivement mises en place (voir Graphique 5.3). Elles participent à l’institutionnalisation du dialogue entre le gouvernement et les différentes parties prenantes dans les différentes régions, préfectures, provinces et communes, et sont ainsi pensées comme parties intégrantes des mécanismes d’une gouvernance plus ouverte et participative.
D’après une enquête menée par la DGCT en 2019, toutes les régions avaient alors mis en place les instances requises par le cadre légal, et le taux de mise en place pour les instances d’équité, d’égalité des chances et d’approche genre (IEECAG) atteignait alors 91 % pour les communes et 94 % pour les préfectures et les provinces (DGCT, s.d.[55]).
Ces instances sont composées de citoyens aux profils variés, qui en sont membres en dehors d’une appartenance à une OSC et de manière bénévole. Elles sont installées auprès des conseils des collectivités territoriales (région, préfecture, province ou commune) et sont informées de leurs projets. Les conseils prennent à leur tour connaissance des propositions de ces instances, en assistant par exemple à leurs réunions (OCDE, 2019[5]). Cependant, d’après les entretiens menés, le degré réel d’opérationnalisation de ces instances varie. Certaines régions, comme la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, font figure de précurseurs. Celle-ci a été parmi les premières à les mettre en place auprès du conseil de région et dans certaines communes (OCDE, 2019[5]).
Le rôle des instances consultatives pourrait être densifié, afin d’en faire des animateurs et catalyseurs des initiatives de participation au niveau infranational
Les instances consultatives peuvent jouer le rôle de catalyseur des initiatives participatives et de la mise en œuvre des objectifs territoriaux pour un véritable engagement citoyen. En ce sens, en tant que premier contact et interface entre le conseil de la collectivité territoriale, d’une part, et le public et la société civile, d’autre part, elles peuvent contribuer à définir des plans de développement ou encore des politiques publiques ou de la communication locale, qui répondent aux attentes et besoins des citoyens. Afin de pleinement tirer profit du potentiel que ces instances représentent, il serait opportun de renforcer plus largement leur rôle en tant qu’actrices pivots de la démocratie participative au niveau des collectivités territoriales, notamment en les connectant de manière plus formelle aux autres processus, mécanismes et outils de participation mis en œuvre localement.
Les informations recueillies par l’OCDE au cours de diverses missions de revue par les pairs et de collectes de données soulignent que les instances consultatives peuvent être saisies par les conseils ou autorités hiérarchiques des collectivités territoriales pour fournir un avis ou des recommandations sur les sujets qui concernent leur domaine de compétence. Elles sont aussi invitées à travailler de manière continue sur les sujets de leurs compétences et à formuler des avis spontanés (OCDE, 2021[56] ; OCDE, 2019[5]); OCDE, 2019[5]). Ainsi, dans certaines régions – comme celle de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma (OCDE, 2019[5]) – ou communes – à l’image de Ouazzane (DGCT, 2023[51]) – les instances proposent en pratique des avis de leur propre initiative, avec l’accord du conseil. Cette dynamique leur permet d’être force de proposition d’actions concrètes pour la collectivité, bien que leur prise en compte demeure à la discrétion et à la volonté du conseil de la collectivité. Cependant, peu d’instances semblent véritablement faire usage de cette possibilité de s’autosaisir, qui gagnerait donc à être davantage explicitée dans le cadre réglementaire et encouragée parmi les membres des instances.
De même, les instances consultatives pourraient être davantage mobilisées et associées formellement à la mise en œuvre du droit de pétition auprès des conseils des collectivités territoriales. Elles pourraient par exemple jouer un rôle de suivi des pétitions, de mobilisation du conseil de la collectivité territoriale concernée, ou d’accompagnement des pétitionnaires.
La mise en place de normes unifiées permettrait d’harmoniser et de clarifier le rôle et le fonctionnement des instances consultatives, en tant que mécanisme de la démocratie participative au niveau local
Un cadre juridique précis et unifié, notamment sur le rôle et le fonctionnement des instances consultatives, est un levier de cohérence, d’équité et d’efficacité du dispositif. Au Maroc, comme indiqué brièvement en section 5.3.1, les modalités de mise en œuvre sont laissées à la discrétion des collectivités territoriales et des autorités déconcentrées, qui les définissent dans leur règlement intérieur. Cela inclut par exemple les critères et modes de sélection des membres de l’instance, la périodicité des réunions, les possibles ressources matérielles mises à leur disposition, et le mode d’interaction avec les conseils des collectivités territoriales. En résultent des variations, des décalages dans la mise en œuvre des initiatives et des disparités dans la mise à profit du rôle des instances pour les définir, les promouvoir et les mettre en œuvre.
Pour préciser les directives de ce cadre légal, la DGCT a élaboré et publié un certain nombre de manuels détaillés sur la mise en place, le fonctionnement et le suivi des différentes instances consultatives (DGCT, 2017[57] ; DGCT, 2019[58] ; DGCT, 2021[59] ; DGCT, 2021[60]). Ces documents à portée pédagogique et pratique permettent, d’une part, de souligner le rôle que doivent jouer les instances dans la gouvernance locale dans leurs domaines de compétences respectifs. D’autre part, ils définissent les procédures, étapes (création, planification de l’exercice des missions de l’instance, gestion des affaires de l’instance, suivi et évaluation du travail de l’instance) et acteurs impliqués dans la mise en place et le fonctionnement concret des instances, ainsi qu’un calendrier indicatif pour les conseils des collectivités territoriales concernés (DGCT, 2017[57] ; DGCT, 2019[58] ; DGCT, 2021[59] ; DGCT, 2021[60]). Ils proposent également plusieurs modèles et documents types à l’endroit des instances, tels que des modèles de plans d’action, de comptes rendus ou d’avis consultatifs. À travers ces manuels, la DGCT a ainsi pu clarifier le cadre de mise en œuvre des instances et apporter aux autorités locales un éclairage et un appui à la mise en place effective de ces mécanismes obligatoires. À titre d’exemple, à l’instar du Maroc, la Belgique a opté au niveau fédéré pour un système similaire, avec des conseils consultatifs, notamment communaux, relativement variables d’une collectivité à l’autre. Elle a alors mis en place des directives, comme le guide du « droit à la participation citoyenne et démocratique » de la Wallonie pour assurer la cohérence de leur mise en œuvre (voir Encadré 5.11).
Encadré 5.11. Un guide pour développer des conseils consultatifs dans la région wallonne
En Wallonie, région fédérée belge, 262 communes mettent en œuvre des politiques et décisions prises par différents niveaux de gouvernement belge et disposent également de pouvoirs décisionnels propres dans l’intérêt communal. Leurs missions obligatoires couvrent par exemple l’organisation du centre public d’action sociale, celle de l’enseignement primaire ou encore le maintien de l’ordre public. En Belgique, les communes sont également libres de mettre en œuvre des initiatives, à condition que l’enjeu de politique publique ne soit pas exclu de leurs compétences par la Constitution, une loi ou un décret.
Pour leur assurer de tenir compte des attentes des citoyens dans la définition d’un programme communal et des actions y afférentes, des conseils consultatifs et participatifs ont été plébiscités par les services sociaux, les associations et les responsables publics locaux. Ces entités peuvent être créées pour une occasion, un enjeu, un public ou une situation spécifique, et être prolongées ou renforcées par l’octroi d’un budget participatif à gestion autonome.
La région de Wallonie a élaboré un guide pratique du « droit à la participation citoyenne et démocratique », afin de clarifier notamment le contexte de création, la composition, les responsabilités, les facteurs de réussite et de défi des conseils consultatifs, et de détailler des pratiques exemplaires menées sur le territoire. Ce guide contient également une section relative à la mise en œuvre de budgets participatifs locaux.
Cependant, ces manuels ne disposant pas d’un caractère réglementaire, le suivi effectif de leurs directives demeure à la discrétion des conseils des collectivités territoriales et est donc tributaire du degré de mobilisation de l’administration et des élus territoriaux.
Ainsi, une convergence des normes selon des directives ou des normes explicites ou un cadre juridique unique contribuerait à clarifier le rôle et les activités des instances (OCDE, 2019[5]). Au Brésil par exemple, les dispositions constitutionnelles complétées par un statut des communes ont permis la mise en place d’un cadre harmonisé pour soutenir la mise en œuvre de processus participatifs similaires à travers l’ensemble du pays, y compris à l’échelon local (voir Encadré 5.12).
Encadré 5.12. Un cadre harmonisé de participation citoyenne au niveau local au Brésil
Au Brésil, la Constitution fédérale (articles 182 et 183) prévoit des dispositions pour les arrangements administratifs et institutionnels soutenant les processus participatifs au niveau infranational. Le statut de la ville (Estatuto da Cidade), établi par la loi n° 10.257 de 2001, stipule que toutes les politiques urbaines au Brésil doivent garantir une « gestion démocratique par la participation des citoyens et des associations représentant divers segments de la communauté, dans la formulation, la mise en œuvre et le suivi des plans, programmes et projets ».
Cette loi comprend notamment un chapitre sur la « gouvernance démocratique de la ville ». Des dispositions y établissent les mécanismes permettant aux citoyens et aux parties prenantes d’influencer et de contrôler les politiques et la gestion urbaines. On y trouve notamment les modalités de mise en place de budgets participatifs, des organes collégiaux, de consultations publiques et de mécanismes de démocratie directe.
Il s’agit d’un exemple de cadre juridique harmonisé, avec des principes et des lignes directrices qui guident les institutions infranationales dans la mise en œuvre de leurs pratiques participatives.
Source : OCDE (2022[16]), Open Government Review of Brazil: Towards an Integrated Open Government Agenda, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris.
Au Maroc, cette clarification des normes pourrait s’appuyer à court terme sur les lignes directrices et boîte à outils développées par la DGCT dans le cadre de ses engagements au titre du plan d’action 2021-23 du PGO par exemple. À moyen terme, un document administratif cadre, à l’image d’une circulaire ou d’une note de procédure réglementairement applicable aux institutions publiques, pourrait fixer les critères essentiels et communs à toutes les instances, quelle que soit l’instance concernée et l’autorité publique auprès de laquelle elle intervient, en s’appuyant sur les expériences menées et les guides existants. Ceux-ci pourraient couvrir les enjeux de représentativité des membres, leur mandat et leurs responsabilités générales, ainsi que leurs relations avec les exécutifs. Un tel document-cadre central est une trame qui pourra faire l’objet d’adaptations eu égard aux règlements intérieurs spécifiques aux autorités publiques et aux instances. En ce sens, le modus operandi explicité devrait être suffisamment adaptable pour ensuite être décliné localement selon les enjeux et contextes spécifiques.
Avec la clarification de leur rôle et la densification progressive de leurs activités dans la vie de la collectivité, il est également essentiel d’assurer l’autonomie des instances consultatives pour garantir leur indépendance et la redevabilité de l’action publique. Elles doivent pouvoir formuler des avis bien informés et argumentés, issus des diverses positions et catégories représentées au sein de l’instance. La transparence de leur organisation, de leur fonctionnement, des moyens et du renforcement des compétences apportées par un document-cadre serait une première garantie d’indépendance et de redevabilité quant à leur propre activité et leur impact.
Par exemple, si certaines instances, encouragées par les guides pédagogiques de la DGCT, ont déjà fait preuve d’initiatives propres, l’inscription explicite dans la loi d’un pouvoir d’initiative sécuriserait une participation plus active des instances à la vie publique en dehors des consultations, sollicitations et réunions programmées par les règlements intérieurs des autorités publiques et à différentes étapes du cycle des politiques publiques.
Plusieurs défis demeurent et appellent à un renforcement des efforts d’appui et de formation des membres des instances
Comme indiqué plus haut, les instances sont composées de citoyens et membres d’OSC dont le mode de désignation varie en fonction des règlements intérieurs propres aux différentes collectivités territoriales. Si cette composition permet de donner tout son sens au caractère participatif des instances, il en découle que les membres sélectionnés ne disposent pas toujours des compétences et connaissances techniques nécessaires pour mener à bien leurs travaux et assurer le bon fonctionnement de l’instance. De même, parmi les obstacles à la pleine concrétisation du rôle des instances en tant que mécanisme de la démocratie participative au niveau territorial, plusieurs études ont également souligné la question de l’engagement et de la démobilisation de certains membres sur le moyen terme (El Jem, 2020[61] ; DGCT, 2023[51]).
Afin d’accompagner l’opérationnalisation des instances, plusieurs associations ont mis en place des formations à destination des élus locaux et des membres des instances, portant aussi bien sur des sujets thématiques au cœur du travail des instances (par exemple, sur l’approche de genre pour les instances de l’équité, de l’égalité des chances et de l’approche genre) que sur le rôle et les modes opératoires des instances ou la préparation de plans d’action (El Jem, 2020[61]). Ces efforts gagneraient à être pérennisés et généralisés à l’échelle des territoires. Dans ce cadre, le Maroc, et notamment la DGCT, pourrait envisager de développer au niveau national un programme de dynamisation et d’accompagnement de l’ensemble des instances. Cela pourrait passer par le développement de différents outils adaptés, tels que des modules de formation initiale et continue, un programme d’accompagnement et de suivi standardisé en ligne pour les instances, ou encore des cursus plus avancés afin de permettre aux membres des instances d’approfondir leurs travaux au fil des années. Ce programme pourrait également inclure une plateforme de partage de bonnes pratiques (à l’image de la plateforme de praticiens recommandée dans le Chapitre 2), et des réunions annuelles rassemblant l’ensemble des instances pourraient favoriser des échanges d’expériences et de bonnes pratiques pour mutualiser les différentes expériences existant dans l’ensemble du pays (DGCT, 2023[51]). Ces initiatives pourraient s’inscrire dans le cadre du Programme d’appui aux collectivités territoriales ouvertes (PACTO) mentionné dans la section 5.3.2 de ce chapitre, et tirer profit du Réseau marocain des collectivités territoriales ouvertes (REMACTO).
De même, ces efforts pourraient également inclure un volet de sensibilisation des collectivités territoriales sur l’importance des instances dans la mise en œuvre du principe de la démocratie participative au niveau local et sur la manière dont leurs travaux doivent s’inscrire tout au long du cycle des politiques publiques et venir appuyer le développement local et la bonne gouvernance.
Enfin, parmi les critères et modalités de désignation des membres, les collectivités territoriales pourraient envisager de conserver, d’un mandat sur l’autre, une portion fixe des membres de l’instance, par exemple un tiers, ce qui permettrait d’assurer la continuité des travaux de l’instance.
Des instances consultatives représentatives ont le potentiel de jouer un rôle de relais permanent entre les collectivités territoriales et les citoyens
Afin que les instances puissent pleinement jouer leur rôle en tant que mécanisme de la démocratie participative à l’échelle locale, il est essentiel de s’assurer de la représentativité de leurs membres. Les normes édictées à l’échelle nationale dans un document cadre, qui pourraient inclure le mode de sélection des membres des instances, pourraient ainsi établir une méthodologie transparente et ouverte de nomination. De plus, des critères objectifs permettant de s’assurer de la représentation de différentes franges de la population – notamment les femmes, les jeunes, les personnes en situation de handicap ou les groupes généralement marginalisés – renforceraient le caractère inclusif de ces instances et la prise en compte dans leurs avis des points de vue et préoccupations pluriels de l’ensemble des citoyens.
Plusieurs pays de l’OCDE, dont l’Italie, ont mis en place des processus consultatifs au niveau local, permettant aux citoyens d’être directement impliqués dans la définition de priorités et l’élaboration de plans d’action au niveau local (voir Encadré 5.13). Le Maroc pourrait s’inspirer de tels modèles, afin de renforcer l’interaction entre les membres de l’instance et la population, par exemple différents quartiers au niveau des communes, notamment dans le cadre de l’élaboration des plans d’aménagement communaux (PAC). Les instances pourraient ainsi devenir un organe mobilisé et acteur de la cocréation des initiatives de participation visant à soutenir le développement local. En particulier, avec la mobilisation de régions ou villes comme la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma en faveur du gouvernement ouvert, les instances pourraient devenir un organe mobilisé et acteur de la cocréation des plans d’action locaux et une partie intégrante de l’écosystème du gouvernement ouvert au niveau local. Composées de manière adéquate, elles peuvent pleinement jouer un rôle de relais entre la collectivité territoriale et le public, par exemple en étant le premier interlocuteur des conseils territoriaux pour le développement des plans d’action.
Encadré 5.13. Les laboratoires de quartiers de la ville de Bologne, cocréateurs des priorités locales
En 2017, la ville de Bologne, en Italie, a mis en place les laboratoires de quartiers (laboratori di quartiere). À l’image de certains conseils consultatifs dans d’autres pays de l’OCDE, il s’agit d’un mécanisme permettant aux citoyens de définir l’allocation des ressources, en leur proposant de participer à la définition, à la cocréation et à la mise en œuvre d’actions prioritaires, et de devenir responsables de la transformation en cours de différents quartiers de Bologne. Les citoyens peuvent par exemple décider de la manière de dépenser l’argent public ou encore d’utiliser les espaces et les bâtiments publics.
Les laboratoires sont considérés comme un espace d’interactions entre le gouvernement, des groupes formels et informels, et les citoyens. Ils sont conçus comme un outil permettant de collecter et de cartographier les informations sur les besoins sociaux, d’écouter, de consulter, de cocréer des projets, d’en assurer le suivi et d’en rendre compte auprès de la population.
Chaque laboratoire met en œuvre des stratégies visant à engager et responsabiliser les citoyens et à renforcer leurs compétences sur les territoires, en assurant une interaction ouverte et transparente avec la population du quartier. Concrètement, le laboratoire de quartier est mis en œuvre par le biais d’une série d’ateliers organisés dans les quartiers de Bologne, au cours desquels les gens coconçoivent leurs projets avec le soutien d’un animateur et de fonctionnaires municipaux.
S’assurer que les instances disposent des moyens budgétaires et humains nécessaires à la réalisation de leurs travaux
Enfin, le cadre légal actuel ne définit pas les modalités de financement des instances consultatives, qui peuvent donc varier d’une collectivité territoriale à l’autre. Compte tenu de la nature bénévole des membres, s’assurer que les instances consultatives disposent de ressources matérielles, budgétaires et humaines adéquates pour mettre en œuvre des activités – telles par exemple que des visites de terrain auprès des citoyens, des réunions régulières ou le suivi des travaux – est un élément déterminant pour leur permettre de planifier et pérenniser leurs activités, et ainsi d’atteindre leur plein potentiel. Cela peut par exemple passer par la création d’une ligne budgétaire dédiée au sein du budget de la collectivité territoriale concernée ou par la mise à disposition de locaux pour la tenue de réunions périodiques.
Assurer une plus grande transparence des prérogatives et des activités des instances consultatives contribuerait à la redevabilité de leur action et des décisions publiques marocaines
En outre, assurer la publication d’un rapport d’activité, comme indiqué dans les guides formulés par la DGCT à destination des collectivités territoriales et de leurs instances (DGCT, 2021[59] ; DGCT, 2021[60] ; DGCT, 2019[33]), ou octroyer un espace d’information dans un bulletin de la collectivité territoriale et/ou sur son site Internet pourrait aider les citoyens et les parties prenantes à mieux connaître le rôle et les activités des instances consultatives, ainsi que leur degré d’impact sur les décisions de la collectivité. Procéder ainsi soutiendrait la consultation et l’action pérenne des instances, et accroîtrait la redevabilité des institutions et des instances aux yeux des citoyens et des parties prenantes. Ces informations à la disposition des citoyens et des parties prenantes peuvent en retour contribuer à leur participation à la chose publique locale de manière plus informée et active.
5.4.3. Les démarches de consultation dans le cadre de la planification du développement local ont une portée obligatoire, mais leur mise en œuvre varie d’une collectivité à l’autre
Comme indiqué plus tôt, la mise en œuvre du principe de participation est particulièrement importante au niveau local. En effet, la plus grande proximité entre les autorités et les citoyens au niveau local permet à ces derniers de mieux appréhender les résultats et impacts réels et concrets de leur participation et de leur contribution à l’élaboration des politiques publiques.
Depuis l’adoption des lois organiques de 2015 consacrant la régionalisation avancée, les collectivités territoriales marocaines sont tenues de mobiliser les citoyens, les associations et autres acteurs locaux dans le cadre du diagnostic participatif réalisé en amont de l’élaboration des plans de développement des collectivités territoriales aux niveaux des régions, des préfectures et provinces, et des communes. Dans ce sens, les conseils des collectivités territoriales doivent mettre en place des mécanismes et outils participatifs de dialogue et de concertation, afin de permettre l’implication de tous les citoyens et des associations dans la planification, l’élaboration, le suivi et l’évaluation de ces plans de développement, selon les modalités fixées dans leur règlement intérieur (OCDE, 2019[5]).
Dans la pratique, les citoyens, comme la société civile, sont souvent associés au processus d’élaboration des plans de développement locaux par le biais de consultations. C’est par exemple le cas dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, où les citoyens ont participé – lors de l’élaboration du premier plan de développement régional pour la période 2016-21 – à des séances de consultation visant à assurer que la vision stratégique de l’action publique locale réponde de manière efficace et adaptée aux besoins des populations (OCDE, 2019[5]). Les instances consultatives prévues par les lois organiques sont elles aussi impliquées dans la planification du développement local.
Dans le cadre de l’élaboration du Programme de développement régional (PDR) 2022-27, et comme première étape du processus, des concertations au niveau préfectoral ont été organisées en 2022 dans chacune des huit préfectures de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Ces réunions ont regroupé notamment les membres des conseils élus, les services extérieurs, les établissements publics, les chambres professionnelles, le secteur privé, les instances consultatives auprès du conseil de la région et les représentants de la société civile, pour une présentation technique sur le cadre de référence régissant la réalisation du PDR (MAP Tanger, 2021[62]). Une plateforme électronique a de plus été mise en place pour recueillir les avis et propositions de la population et des acteurs du développement local. La région de Fès-Meknès a suivi une approche similaire pour la préparation de son PDR 2022-2027 et a lancé entre décembre 2022 et juin 2023 une plateforme numérique dédiée, http://pdr.region-fes-meknes.ma/ (Portail national des collectivités territoriales, 2022[63]).
Cependant, dans de nombreuses collectivités territoriales, dans la pratique, l’implication des citoyens et de la société civile dans cette démarche participative reste limitée à l’organisation de consultations durant la phase de planification des plans de développement locaux, et ne se poursuit pas tout au long de la mise en œuvre et de l’évaluation de la mise en œuvre de ces plans. De plus, les collectivités territoriales, et notamment les communes, n’ont pas toujours les connaissances et les compétences et ressources techniques, financières et humaines nécessaires pour mener des consultations publiques et en exploiter les résultats. La participation des jeunes à ces mécanismes de participation ouverts à tous les citoyens reste également peu développée, alors que ceux-ci représentent une part importante de la population marocaine.
Pour aller plus loin et permettre aux citoyens de participer tout au long de la planification et de la mise en œuvre des plans de développement local, il est important de systématiser leur implication à chaque étape de l’élaboration, de la mise en œuvre – avec des points de suivi réguliers – et de l’évaluation du plan. À terme, l’objectif est de normaliser la coconception, le cosuivi et la coévaluation des politiques et des programmes locaux par les collectivités territoriales et les citoyens.
5.4.4. Un nombre croissant de collectivités territoriales adoptent des mécanismes au-delà des exigences du cadre légal
Au-delà des mécanismes promus ou rendus obligatoires par le cadre légal, d’autres formes de dispositifs participatifs sont de plus en plus déployées et progressivement institutionnalisées dans les pays membres et non membres de l’OCDE (OCDE, 2020[1]). Le Maroc n’échappe pas à cette dynamique, avec le développement d’initiatives locales de participation, en supplément des mécanismes voulus par la loi.
Des budgets participatifs ont par exemple vu le jour. Il s’agit d’un processus de politique publique qui permet d’associer les citoyens à l’orientation d’une partie des ressources de la commune à travers leur participation à la définition, à la réalisation et au suivi-évaluation de projets les concernant (OCDE, 2019[5]). La ville de Tiznit en a fait usage dès 2003, par le biais d’une initiative autonome, sans lien avec des programmes de coopération internationale (Goehrs, 2017[64]). Les communes de Tétouan, Chefchaouen et Larache en ont mis en œuvre dès 2014, dans le cadre d’un projet de coopération internationale. La commune de Larache, par exemple, le pérennise (voir Encadré 5.14).25
Encadré 5.14. Institutionnaliser la participation et la redevabilité dans la commune de Larache
Le projet « Promotion de la culture de reddition de comptes dans les communes urbaines de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma » d’août 2014 à juillet 2016 a contribué à la mise en place d’un dispositif de budget participatif au sein de plusieurs localités, dont la commune de Larache. L’objectif était d’améliorer l’interface entre société civile et collectivités territoriales, tout en développant des outils de contrôle et de reddition des comptes au profit des associations de quartier dans les communes engagées.
Le projet a contribué au développement d’une culture de la participation citoyenne. Dans chacune des collectivités impliquées, un groupe moteur a été mis en place, composé de représentants des associations locales impliquées dans le projet. À Larache, à la suite du premier cycle de budget participatif mené, la commune a officialisé le groupe moteur, composé de représentants associatifs, comme interlocuteur de la commune pour toutes les actions qui touchent à l’aménagement de la médina. La modernisation de l'administration locale dans la région de Tanger-Tétouan-Al-Hoceima
Source : OCDE (2019[5]), La modernisation de l'administration locale dans la région de Tanger-Tétouan-Al-Hoceima.
Dès 2017, la DGCT a mis en place des outils pédagogiques concrets – s’appuyant sur des projets et expériences menés et soutenant les collectivités territoriales dans la mise en œuvre de dispositifs participatifs tels que les budgets participatifs (DGCT, 2017[32])–, ainsi que des méthodes participatives – comme des focus groups, des débats mouvants ou encore des ateliers du futur (DGCT, 2021[35]). Des pistes y sont évoquées non seulement pour un autotest de la manière dont les collectivités territoriales abordent les processus participatifs, pour planifier, mettre en place et animer ces dispositifs, mais aussi pour les pérenniser et les institutionnaliser dans les processus décisionnels publics locaux (DGCT, 2021[35]).
De même, il existe d’autres initiatives de participation prises par les collectivités territoriales, mettant ainsi en œuvre les dispositions de l’article 139 de la Constitution. Dès 2014, la commune de Tétouan a par exemple mis en place un conseil communal des jeunes et un conseil communal des enfants (Réseau marocain de la gouvernance participative, 2018[65]). Une approche participative a été adoptée pour la création du conseil communal des jeunes, afin de définir avec l’ensemble des parties prenantes – y compris une délégation de l’éducation nationale, une université et une centaine d’organisations intervenant sur les questions liées à la jeunesse – les modalités d’élection des membres et de fonctionnement du conseil. Le rôle et les prérogatives du conseil ont par la suite été définis par ses membres, en concertation avec la commune. La création d’un conseil des jeunes a permis de renforcer l’engagement de la commune avec une franche plus large de la jeunesse, à travers par exemple des activités de diagnostic participatif et de discussion mis en place par le conseil pour identifier les besoins des jeunes de divers quartiers.
Dans le même élan, certaines collectivités territoriales ont également élaboré et mis en place des dispositifs personnalisés permettant de renforcer la communication à double sens entre les citoyens et la collectivité, et ainsi de davantage impliquer les citoyens. C’est par exemple le cas de la ville de Fès, qui a créé une application permettant aux citoyens de signaler en temps réel les dysfonctionnements de la ville (OCDE, 2019[5]). Ce dispositif prévoit également un retour au citoyen une fois que le problème est résolu par les services concernés, ce qui renforce la redevabilité et la relation de confiance entre la population et les autorités.
5.4.5. Le Maroc a saisi les opportunités de la transition numérique comme vecteur d’une plus grande participation
Les portails ou plateformes numériques de participation citoyenne permettent aux gouvernements de faciliter les échanges avec les citoyens et la société dans la définition des politiques publiques et d’élargir les opportunités de collaboration. Parmi les pays membres et non membres de l’OCDE, 85 possèdent de tels portails à l’échelle de l’ensemble du gouvernement (OCDE, 2021[31]).26 Le Maroc ne fait pas exception et a mis en place, au cours des dernières années, un certain nombre d’outils numériques permettant l’interaction entre les citoyens et les autorités à différents niveaux.
Plusieurs portails existent et remplissent des fonctions différentes
Il existe au Maroc plusieurs plateformes numériques favorisant la participation des citoyens, dont plusieurs ont été créées dans le cadre de la mise en œuvre d’engagements du PGO.
La plateforme de participation eparticipation.ma, gérée par la DRSC, permet actuellement aux citoyens de déposer des pétitions et des motions, et d’en consulter la liste conformément aux lois organiques n° 44.14 et n° 64.14. La plateforme dispose également d’un espace pour les consultations publiques, en attente de l’adoption d’un cadre légal dédié (Royaume du Maroc, s.d.[66]). Des guides détaillant les modalités d’usage des droits de motion et de pétition, ainsi que les documents liés au cadre légal et réglementaire de la participation citoyenne y sont librement consultables. L’intégration récente des collectivités territoriales sur la plateforme, ainsi que la possibilité depuis la réforme de la loi de septembre 2021 (voir Section 5.3.1) de collecter les signatures des pétitions de manière électronique, pourraient contribuer à renforcer la pertinence de cette plateforme, qui présente pour l’instant un usage limité par rapport aux potentialités qu’elle possède. De même, l’adoption d’une loi sur la consultation pourrait permettre de redynamiser cette plateforme à travers un usage plus systématique et par l’ensemble des autorités publiques pour les efforts de consultation des citoyens.
En outre, le Secrétariat général du Gouvernement (SGG) et le MTNRA sont également des acteurs impliqués dans l’institutionnalisation de la participation citoyenne. Ils sont respectivement en charge des deux autres plateformes dans ce domaine : http://www.sgg.gov.ma/Legislation.aspx et https://chikaya.ma/. La première permet de consulter des avant-projets législatifs publiés pour commentaires, au titre du décret n° 2-08-229 du 21 mai 2009 instituant une procédure de publication des projets de textes législatifs et réglementaires. Pour chaque avant-projet, il existe un tableau des différents commentaires, souvent à caractère technique et juridique, et des réponses apportées par l’institution à l’origine du projet.
Le MTNRA a quant à lui mis en place en 2019 la plateforme de réclamation https://chikaya.ma/, dans le cadre de la mise en œuvre du décret n° 2-17-265 fixant les modalités de réception des remarques et propositions des usagers, du suivi et du traitement de leurs réclamations (Chef du gouvernement, 2017[26]) (voir Section 5.3.1 sur le cadre légal). Elle permet aux citoyens de formuler des réclamations, observations ou suggestions quant aux services publics à l’attention des différents ministères, collectivités territoriales, et établissements et entreprises publiques. D’après le site Internet, 1 731 administrations sont concernées et plus de 995 000 réclamations ont été reçues depuis la mise en place du portail, dont 69.5 % ont été traitées (Royaume du Maroc, s.d.[67]).27 Pour répondre aux réclamations citoyennes, les administrations marocaines mobilisent des ressources et formulent des solutions tenant compte des doléances et des attentes des citoyens. Le taux de traitement avoisinant les 70 %, pour un délai moyen de 45 jours, et le taux de retour positif exprimé de près de 55 %28 traduisent les efforts fournis et qui peuvent être poursuivis. Associer les requérants au suivi du traitement des réclamations pourrait notamment contribuer à accroître les retours positifs et à réduire les délais de traitement.
Par ailleurs, le portail du gouvernement ouvert (gouvernement-ouvert.ma) a été la pierre angulaire du processus de cocréation du second plan d’action du PGO 2021-23, à travers d’une part des efforts de communication constants sur les différentes étapes du processus, et d’autre part un espace dédié au recueil d’idées et de propositions ainsi qu’à la consultation sur les différents projets d’engagement. En décembre 2021, un nouvel « espace de la société civile » a été intégré à la plateforme, consacrant ainsi sa vocation à devenir un nouveau lieu permanent – et non plus ponctuel – d’interaction en ligne et de dialogue à double sens entre le gouvernement et les OSC autour des politiques et réformes du gouvernement ouvert. Après inscription sur la plateforme, les associations ont la possibilité de publier des propositions et idées, et de participer à des consultations ponctuelles sur des points spécifiques, la première d’entre elles concernant l’évolution du mode de désignation des membres du comité de pilotage du PGO. En février 2022, la plateforme comptait plus de 450 associations inscrites sur l’ensemble du territoire, ce qui tend à confirmer l’intérêt que portent les OSC aux possibilités de participation à travers l’usage du numérique, ainsi que l’opportunité que représente le vecteur numérique pour une participation plus inclusive.
Enfin, en janvier 2022, le CESE a lui aussi lancé une plateforme de consultation en ligne (ouchariko.ma), afin d’ouvrir plus largement cette instance de conseil et de réflexion sur les enjeux de politiques publiques aux citoyens ordinaires et aux OSC (CESE, 2022[68]). Cette plateforme a vocation à recueillir les idées et avis de la population sur des thématiques ciblées, afin de venir nourrir les travaux du CESE, et témoigne de l’ancrage progressif au sein des institutions marocaines du réflexe de consultation, dans le sillage des efforts entrepris la Commission spéciale pour le modèle de développement en 2020.
Une mise en cohérence des différentes plateformes existantes permettrait d’en favoriser l’usage et d’en renforcer l’impact comme outils efficaces et innovants de participation citoyenne
Face à la multiplication des plateformes de consultation, il serait opportun de les rationaliser en étudiant les possibles synergies entre elles, et a minima de créer davantage de liens et de rappels entre elles, à travers par exemple un référencement unique sur le portail du gouvernement ouvert. Cela permettrait aux citoyens et aux usagers de mieux comprendre l’architecture de la participation en ligne, et de savoir où se diriger en quelles occasions. Communiquer davantage autour de l’existence de ces différentes plateformes pourrait également en soutenir l’usage. Le Maroc pourrait de même encourager l’utilisation de ces plateformes par l’ensemble des départements ministériels souhaitant mettre en place un processus de consultation ou un appel à contribution des citoyens, afin de centraliser les efforts de participation au niveau national.
Enfin, à terme, il pourrait être opportun de centraliser les efforts de consultation et d’engagement sur une seule et même plateforme, qui pourrait être le portail du gouvernement ouvert gouvernement-ouvert.ma, comme recommandé dans le chapitre 2, compte tenu de son usage actuel et des velléités exprimées pour en développer davantage les fonctionnalités, notamment dans le cadre d’une stratégie du gouvernement ouvert. Procéder ainsi aurait un double avantage. D’une part, un portail unique permet de créer un guichet pour toute l’administration, réduisant les coûts et moyens nécessaires, et simplifiant les démarches des personnes chargées de l’alimenter, de le suivre et d’en assurer la maintenance et l’évolution. D’autre part, un portail de ce type crée un seul lieu, identifiable et communicable aisément, auprès duquel les citoyens et parties prenantes peuvent trouver l’ensemble des dispositifs participatifs et informations y afférentes.
Par ailleurs, si le vecteur numérique représente de nombreuses opportunités pour la participation citoyenne et l’interaction directe entre les autorités, les citoyens et les OSC, il convient de tenir compte des inégalités existant au sein de la population dans l’accès à Internet et les compétences pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (voir Section 3.2.3 du chapitre 3 sur l’espace civique). Ainsi, dans l’optique du développement de ces différents outils numériques de participation, veiller à l’existence d’alternatives et à une approche multicanale de la participation citoyenne sera déterminant, afin d’assurer le caractère inclusif et accessible des initiatives de participation.
5.4.6. L’usage stratégique de la communication comme vecteur de participation s’ancre progressivement
La communication publique joue un rôle fondamental dans la vie quotidienne des citoyens car elle leur permet d’accéder à des informations pertinentes et constitue une condition préalable à l’engagement avec leur gouvernement sur les enjeux qui les touchent (OCDE, 2019[69]). Des efforts constants de renforcement de cette fonction ont été déployés par le gouvernement marocain, comme l’ont souligné plusieurs études de l’OCDE consacrées à la communication publique aux niveaux central et local au Maroc (OCDE, 2019[70] ; OCDE, 2021[40]). Les discussions lors de la mission de revue par les pairs ont montré que la communication relative à la participation citoyenne reste cependant un défi pour les administrations, ce qui est d’ailleurs le cas pour de nombreux pays de l’OCDE. Les agents et responsables publics comme les citoyens ne sont pas nécessairement toujours conscients des initiatives existantes et des progrès réalisés.
L’usage accru des outils de communication numérique et de la mise en réseau des communicants publics contribuerait à l’efficacité de la mise en œuvre au sein du gouvernement
Un élément clé pour une communication publique réussie réside dans une communication efficace au sein des institutions gouvernementales et entre elles, y compris dans la définition des actions et la mise en œuvre des procédures participatives (OCDE, 2019[70]). Perfectionner la coordination interne est décisif en ce sens. C’est une condition, d’une part, du renforcement de l’efficacité de la communication et, d’autre part, de la planification et de la mise en œuvre des initiatives. En 2019, l’enquête de l’OCDE a révélé que plus de la moitié des départements publics ne centralisaient pas leurs activités de communication au sein de l’unité dédiée de leur administration (OCDE, 2019[70]). L’utilisation accrue des outils numériques pour ce faire pourrait contribuer à l’efficacité de la communication interne au gouvernement et aux institutions (OCDE, 2019[70]), en s’appuyant par exemple sur un intranet ou le back office du portail du gouvernement ouvert pour échanger les informations pertinentes sur les procédures participatives à venir, en cours ou passées (par exemple, projets, besoins, calendriers, dissémination d’une campagne ou des résultats, etc.).
Le gouvernement marocain pourrait en outre poursuivre les efforts de mobilisation du réseau des responsables de la communication publique créé par le MTNRA, au-delà du groupe WhatsApp mis en place, en l’amenant à identifier des opportunités de collaboration et à diffuser de bonnes pratiques (OCDE, 2019[70]), tout en en pérennisant et régularisant les activités. Il pourrait s’appuyer sur un outil de planification des échanges du réseau, sur des rendez-vous réguliers (par exemple, trimestriels ou semestriels) ou en marge d’occasions identifiées par les communicants publics.
En outre, l’importance de la communication et de l’accès à l’information en tant que vecteurs de participation a également été reconnue au niveau des collectivités territoriales. En ce sens, et afin d’appuyer les collectivités territoriales dans la mise en place d’une communication efficace, la DGCT a été, en mars 2021, à l’initiative de la mise en place d’un site web type pour les collectivités territoriales qui n’en ont pas, où figure une rubrique « Communication citoyenne et participation citoyenne ». Chaque organisation peut adapter la charte graphique et ajouter ce qu’elle souhaite, mais les informations nécessaires pour chaque rubrique sont indiquées sur le site type. Une opération pilote est en cours avec 15 communes pour un apprentissage mutuel et de futures améliorations fondées sur les enseignements tirés du projet et les besoins des collectivités.29
Le portail du gouvernement ouvert pourrait être davantage utilisé comme un outil de communication à double sens entre citoyens et gouvernement
Au-delà de l’information des acteurs gouvernementaux, une communication à double sens, permettant un échange entre gouvernement et citoyens, est une composante essentielle pour une participation significative des parties prenantes (OCDE, 2021[71]). L’utilisation des réseaux sociaux et des plateformes numériques offre par exemple la possibilité de favoriser une communication plus réactive, conversationnelle et inclusive avec les citoyens (OCDE, 2019[70] ; OCDE, 2021[40]). La cocréation des plans et leur suivi peuvent en faire l’objet. Le portail du gouvernement ouvert recèle de nombreuses opportunités en ce sens, mais qui gagneraient à être davantage exploitées. Il pourrait en effet être utilisé non seulement comme un forum des parties prenantes, mais aussi comme une plateforme de dialogue citoyen par exemple. À ce titre, comme évoqué plus haut dans ce chapitre, l’intégration en décembre 2021 d’un espace numérique de la société civile est une avancée positive (Royaume du Maroc, 2021[72]). Il est à souhaiter que, avec sa montée en puissance, les velléités d’en faire un outil à part entière de consultation en ligne et de dialogue citoyen pérenne puissent se concrétiser.
La poursuite des efforts de coordination et d’institutionnalisation de la communication au sujet des initiatives participatives au sein d’un conseil du gouvernement ouvert serait un vecteur de cohérence et d’efficacité
La coordination des messages sur les initiatives, à la fois horizontale et verticale, est cruciale pour maximiser la participation citoyenne et promouvoir l’effort de passage à un État ouvert (OCDE, 2019[69]). Comme évoqué, un groupe WhatsApp pour les responsables de la communication publique des départements ministériels a vu le jour et a été particulièrement utile pour l’échange d’informations durant la pandémie de COVID-19. La poursuite de ces échanges et leur institutionnalisation dans des réunions régulières, des boucles de messages électroniques ou une plateforme numérique d’échanges seront des leviers d’accroissement des synergies, de la cohérence et de l’efficacité des communications au sujet des initiatives de participation citoyenne.
Les points de contact du gouvernement ouvert des départements ministériels, mais aussi de toutes les branches de l’État et des administrations infranationales, comme suggéré dans les chapitres précédents, pourraient être davantage impliqués dans les efforts de coordination de la communication sur le gouvernement ouvert, et ce au travers de l’utilisation de groupes thématiques au sein d’un Conseil national du gouvernement ouvert, placé sous l’égide du MTNRA (voir Chapitre 2).
5.4.7. Le Maroc pourrait tirer profit de la dynamique existante pour expérimenter de nouvelles pratiques participatives innovantes, telles que les modèles délibératifs
Face à la complexité grandissante des enjeux de politique publique dans le monde et à la difficulté croissante à trouver des solutions à certaines des problématiques les plus pressantes, les autorités, les OSC et les citoyens se sont interrogés sur la manière dont les décisions collectives de politique publique devraient être prises au XXIe siècle (OCDE, 2020[1]).
Dans ce cadre, l’OCDE s’est intéressée aux processus délibératifs dans son rapport Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching the Deliberative Wave, publié en 2020, qui propose une étude comparative des différents processus délibératifs existants et ouvre une discussion autour de l’opportunité de les institutionnaliser (OCDE, 2020[1]). L’OCDE définit ainsi les processus délibératifs comme des processus au cours desquels des citoyens sélectionnés de manière aléatoire, constituant un microcosme d’une communauté, passent un temps important à apprendre et à collaborer à travers une délibération facilitée, dans le but d’élaborer des recommandations collectives éclairées à l’intention des pouvoirs publics (OCDE, 2020[1]).
Le processus mis en place dans le cadre de l’élaboration du Nouveau Modèle de développement, les efforts récents pour renforcer la participation au niveau des collectivités territoriales, ainsi que l’intérêt croissant du Maroc pour le développement de l’intelligence collective offrent des bases solides pour le développement de ce type d’initiatives au Maroc, par exemple au sein de communes pilotes. Parmi les nombreux modèles existants de processus délibératif, les assemblées délibératives permanentes de la communauté germanophone de Belgique représentent un exemple particulièrement intéressant et abouti d’institutionnalisation de la participation citoyenne faisant appel à l’intelligence collective pour identifier et répondre à des questions d’intérêt général (voir Encadré 5.15).
Encadré 5.15. Un modèle délibératif permanent : l’exemple du dialogue citoyen permanent de la communauté germanophone en Belgique
En Belgique, la communauté de l’Ostbelgien (communauté germanophone de l’est de la Belgique, qui compte environ 78 000 habitants) a récemment élaboré un modèle qui combine un organe délibératif représentatif permanent avec l’utilisation continue de processus délibératifs représentatifs (ci-après le modèle Ostbelgien), mis en place par un décret voté en février 2019 sur le dialogue citoyen permanent. Ce projet poursuit en particulier deux objectifs : 1) institutionnaliser la participation citoyenne ; et 2) rendre les décisions politiques compréhensibles pour les citoyens. Il institue un organe délibératif permanent, le conseil citoyen, qui a pour mandat de mettre en lumière et de trancher les questions d’assemblées citoyennes mises en place de manière ad hoc.
Dans ce modèle, 24 citoyens choisis au hasard forment le conseil citoyen et ont pour mandat de représenter leurs concitoyens pour une période d’un an et demi. Les 24 premiers membres sont composés de 3 groupes différents : 6 membres sont choisis au hasard parmi les participants d’une précédente assemblée de citoyens ayant eu lieu dans la région ; 6 sont des personnalités politiques – une de chaque parti politique – et 12 sont des citoyens choisis au hasard parmi la population de la communauté. Tous les 6 mois, un tiers de la cohorte est remplacé par des citoyens sélectionnés au hasard. Les personnalités politiques seront les premiers acteurs à être éliminés par rotation et seront remplacées par des citoyens sélectionnés par le biais d’une loterie civique. L’objectif de ce mécanisme de rotation est de permettre une certaine continuité, tout en s’assurant que le conseil citoyen ne devienne pas un corps de personnes qui se sont professionnalisées en politique et en proie aux mêmes problématiques rencontrées par les élus.
Le conseil citoyen a le pouvoir d’établir son propre programme et de mettre en place jusqu’à trois assemblées citoyennes ad hoc sur les questions politiques les plus urgentes de leur choix. Les propositions citoyennes disposant du soutien d’au moins 100 citoyens, ainsi que les propositions des groupes parlementaires ou du gouvernement peuvent également être soumises à l’examen du conseil. Chaque assemblée citoyenne est composée de 25 à 50 citoyens choisis au hasard, qui se réunissent au moins trois fois en trois mois. Le conseil citoyen décide du nombre de participants et de la durée de l’assemblée citoyenne.
Conformément à la législation, le parlement régional est tenu de débattre et de répondre aux recommandations élaborées par les assemblées. Le conseil citoyen surveille en outre la mise en œuvre des recommandations convenues. Le modèle Ostbelgien représente le seul exemple où une nouvelle institution met en place un mécanisme permanent permettant de donner aux citoyens une véritable voix dans la définition de l’agenda politique et de leur fournir le cadre et les outils pour explorer activement les questions de leur choix.
La première assemblée citoyenne, qui a vu le jour en mars 2020 et a été interrompue jusqu’en septembre 2020 du fait de la pandémie de COVID-19, s’est réunie au cours de quatre séances autour de la thématique (définie avant la pandémie) des soins médicaux. Une réunion d’évaluation de la mise en œuvre des recommandations de l’assemblée citoyenne était prévue en 2022, soit un an et demi après le processus délibératif, conformément à la législation.
Source : Anna Stuers, secrétariat du Dialogue permanent de la communauté germanophone de Belgique, présentation, avril 2021 ; OCDE (2020[1]), Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching the Deliberative Wave, Éditions OCDE, Paris.
5.4.8. Des leviers existent pour rationaliser et renforcer l’effectivité des pratiques participatives au Maroc
Comme montré dans cette section du chapitre, les outils et mécanismes de participation, dont le degré d’institutionnalisation varie, se sont multipliés au Maroc au cours des dernières années. L’enjeu réside à présent dans la pérennisation et la systématisation des initiatives participatives existantes, et dans leur plein ancrage dans une dynamique plus large et cohérente en faveur du gouvernement ouvert, et poursuivant les objectifs du pays. Il s’agirait ainsi de passer d’une compréhension de la participation comme principe à une appropriation comme véritable méthodologie de travail, comprenant un certain nombre d’outils et de mécanismes à disposition des autorités publiques pour améliorer les processus d’élaboration, de mise en œuvre, d’évaluation et de suivi des politiques publiques, et disposant des moyens nécessaires pour les mettre en œuvre.
Adopter un document global encadrant la participation
Les données de l’OCDE ont montré l’utilité d’un document global afin de mettre en œuvre une approche intégrée de la participation ainsi que l’opportunité d’un lien à une possible stratégie du gouvernement ouvert (OCDE, 2017[10]). Un tel document permettrait d’établir un ensemble unique de normes sur lesquelles les différentes entités publiques pourraient s’appuyer pour mettre en place leurs initiatives de participation (OCDE, 2017[10]). Au Maroc, si plusieurs lois, ainsi que des décrets, circulaires, guides et manuels ont été élaborés pour promouvoir et encadrer les processus de participation, il n’existe pas à l’heure actuelle de document cadre faisant office de « guichet unique » établissant des lignes directrices communes et des normes de participation pour l’ensemble des administrations concernées.
Un tel document représenterait un outil déterminant pour l’approfondissement, la mise en cohérence et la pérennisation des différentes initiatives de participation déjà existantes, et permettrait de les aligner sur la forte volonté politique du Maroc pour la promotion de la participation et de l’ouverture du gouvernement, ainsi qu’avec les objectifs stratégiques plus larges de politiques publiques. Ce document cadre devrait par exemple détailler une vision nationale stratégique de la participation et servir de structure cohérente au développement et à l’institutionnalisation de futurs mécanismes et outils participatifs. Il devrait ainsi inclure une description des différents outils permettant d’impliquer les citoyens dans toutes les phases du cycle des politiques publiques, ainsi que détailler les différentes formes de participation (OCDE, 2017[10]).
À titre d’exemple, l’OCDE a défini dix étapes essentielles dans la mise en œuvre de processus participatifs, qui peuvent servir de lignes directrices pour une planification plus stratégique et systématisée des efforts déployés (voir Graphique 5.4). Le document global développé par le Maroc pourrait ainsi s’inspirer de ces étapes et lignes directrices, et les décliner de manière à en faciliter l’usage par les différentes administrations. Ainsi, l’évaluation des processus de participation, qui peut souvent faire défaut, pourrait être pleinement intégrée de manière plus systématique à l’ensemble des initiatives mises en place.
Des méthodes communes et harmonisées permettent notamment un gain de temps et d’efforts dans l’initiation, la mise en œuvre et le suivi pour toutes les parties aux projets. Cependant, en pratique au Maroc, les échanges lors de la mission de revue par les pairs indiquent l’existence de multiples initiatives, plateformes et méthodologies, mais parfois sans liens entre les mécanismes et/ou communication entre les acteurs à l’initiative et impliqués dans les dispositifs. Les discussions ont également souligné que la multiplication des initiatives isolées peut résulter en une moindre réponse aux attentes et aux besoins des citoyens.
Des normes et une boîte à outils intégrée et commune, applicables tant au niveau local – comme ceux élaborés par DGCT – qu’au niveau national, ainsi qu’une gouvernance et une coordination clarifiées seraient des instruments essentiels pour guider les différentes entités responsables vers l’harmonisation des initiatives dans un sens qui répondrait aux attentes citoyennes. Ils pourraient ainsi être élaborés de manière suffisamment adaptable pour être utilisés par les organismes chargés de former les acteurs, de les soutenir dans la mise en place, de mettre en œuvre les activités ou encore d’en assurer le suivi et l’évaluation. Ces efforts pourraient s’inspirer de la boîte à outils élaborée par la DGCT au niveau des collectivités territoriales, et être établis en cohérence avec la mise en commun des lignes directrices existantes dans le domaine du gouvernement ouvert et le développement d’une boîte à outils intégrée (voir Chapitre 2).
Identifier les capacités et optimiser l’allocation des moyens pour la participation citoyenne
L’usage de l’ensemble des leviers pour la pleine participation des citoyens est intimement lié à l’identification, la provision et l’optimisation de moyens humains, financiers et techniques des autorités publiques et des OSC (OCDE, 2017[10]). L’OCDE les définit comme suit (OCDE, 2022[3]) :
Ressources humaines : un processus de participation (même en ligne) requiert des ressources humaines adéquates pour son organisation, le recrutement des participants, le développement de supports et de sources d’information, la médiation des interactions, la communication, la réponse aux requêtes diverses, ainsi que l’analyse et la synthèse des résultats du processus.
Ressources financières : comme pour tout processus démocratique, un processus participatif requiert des ressources financières dédiées pour couvrir le coût des ressources humaines, des lieux de réunion et de la restauration, des licences de plateforme numérique, de la communication publique, des paiements d’honoraires aux participants, des frais de garde d’enfants et de transport des participants, etc. La mise en œuvre d’un processus plus inclusif entraînerait par ailleurs des coûts plus importants.
Ressources techniques : de plus en plus de processus participatifs utilisent des outils numériques pour la communication, la réception des contributions des participants, ou pour le traitement et l’analyse de ces contributions. Ainsi, les ressources techniques englobent par exemple les membres de l’administration disposant de compétences numériques, les licences de logiciel, les ordinateurs, etc. (OCDE, 2022[3]).
Dans les pays membres et non membres de l’OCDE, il existe des moyens, mais ils sont parfois diffus ou insuffisants. Les échanges lors de la mission de revue par les pairs avec les autorités comme avec les OSC ont également soulevé ce point au Maroc.
En ce qui concerne l’administration marocaine, à budget constant, des solutions existent pour assurer l’octroi de moyens. Comme évoqué ci-avant, l’harmonisation, la coordination et la centralisation dans la mise en œuvre des dispositifs participatifs permettraient de mieux identifier les capacités en place et les besoins, et d’actionner les synergies entre différents départements. Une solution pourrait également consister à prendre appui sur la mise en réseau de relais ou de points de contact en matière de participation citoyenne, désignés au sein des départements ministériels. Comme évoqué dans la section 5.3.2 de ce chapitre ainsi que dans le chapitre 2, le Maroc pourrait déployer un tel dispositif dans le cadre de la mise en place d’un Conseil national du gouvernement ouvert mettant en réseau les points de contact en la matière, y compris pour la participation.
Cependant, à plus long terme et au fur à mesure que les initiatives de participation des citoyens et des parties prenantes se densifieront et se systématiseront à travers l’ensemble du cycle des politiques publiques, l’attribution explicite de moyens est nécessaire pour soutenir un fonctionnement pérenne des dispositifs (OCDE, 2017[10]). Cela peut s’appuyer sur l’identification et l’analyse des capacités en place, des lignes ou programmes budgétaires utilisés ou des budgets spécifiques à la participation citoyenne lorsqu’ils existent dans les exercices budgétaires au Maroc.
L’élaboration d’une stratégie du gouvernement ouvert pourrait être l’occasion d’affirmer l’optimisation de ces efforts budgétaires et humains, en s’appuyant sur l’identification des capacités et moyens au sein du Conseil national. L’inscription de la participation dans ce cadre et des objectifs y afférents permettrait ensuite d’en évaluer régulièrement la mise en œuvre et d’être informés de l’évolution.
Renforcer les efforts de planification des procédures participatives et élaborer des calendriers aisément accessibles
Un cadre cohérent de participation repose non seulement sur une vision et des objectifs communs coconstruits, mais aussi sur une planification stratégique explicite. Au Maroc, il ressort de discussions lors de la mission de revue par les pairs avec les OSC et certaines administrations que la planification est un défi à la pérennisation et à l’optimisation de la participation citoyenne.
L’utilisation stratégique de ces initiatives participatives, afin qu’elles ne demeurent pas des actions isolées ou déconnectées des objectifs à long terme, nécessite en effet une plus large réflexion sur la planification des mécanismes et leur intégration dans le cycle des politiques publiques. Ces activités requièrent des efforts de programmation à court, moyen et long termes, notamment pour l’appui technique, humain et financier pour la mise en œuvre des outils, la communication au sein et entre les administrations ainsi qu’avec le public, ou encore le suivi et l’évaluation.
D’après les OSC interrogées, il est parfois difficile de se tenir informé des échéances et des possibilités de contribuer pertinentes. Pour y remédier, l’approfondissement des efforts de planification pourrait se traduire par la mise en place de plans d’action ou d’un calendrier du déploiement des opportunités participatives, notamment au niveau local. Ils pourraient par exemple être rendus disponibles en ligne sur le portail du gouvernement ouvert du Maroc, comme guichet unique des informations relatives aux procédures participatives (voir Chapitre 2).
Soutenir la formation, l’appui et le conseil aux différentes administrations dans la mise en œuvre des processus participatifs
Les données recueillies par l’OCDE soulignent que le « développement d’une culture administrative propice à la promotion de la participation des parties prenantes passe par un renforcement des valeurs principales du service public dans l’ensemble des administrations publiques » (OCDE, 2017[10]). Dans ce cadre, le Maroc mène d’ores et déjà un travail important de formation et de sensibilisation de l’administration, notamment la DGCT au niveau des collectivités territoriales, dont la poursuite permettra d’ancrer une culture de consultation et d’engagement avec les citoyens et les parties prenantes dans la pratique. Afin d’accompagner ces efforts de formation, il serait à présent opportun de renforcer l’appui sur le plus long terme aux administrations dans la mise en œuvre de processus de participation, qui permettraient également de s’assurer que les objectifs poursuivis par ces initiatives sont atteints et que les mécanismes adoptés sont satisfaisants du point de vue des citoyens.
À ce titre, le Maroc pourrait s’appuyer sur un organe pilote de la participation au niveau du gouvernement central, à l’imagine de la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) du ministère français de la Transformation et de la Fonction publiques (voir Encadré 5.7). Cet organe pourrait à la fois apporter un soutien concret aux administrations et institutions publiques souhaitant mettre en œuvre un processus de participation, mais également constituer une arène de réflexion sur l’innovation et l’avenir de la participation citoyenne dans le Royaume. Il pourrait également tirer profit des mécanismes propres au gouvernement ouvert, tels que le Centre d’Excellence pour le développement évoqué dans le Chapitre 1 (voir Section 1.5.1), qui a signé une convention de partenariat avec le Département de la Réforme de l’Administration ou encore le réseau de praticiens du gouvernement ouvert pour faciliter un partage de bonnes pratiques (voir Chapitre 2). Ainsi, cet organe serait pleinement intégré dans l’écosystème du gouvernement ouvert et favoriserait la convergence entre ce chantier et les velléités plus larges de renforcement de la participation citoyenne.
De même, le Maroc pourrait saisir l’opportunité de la création de groupes thématiques pour la mise en œuvre des engagements du second PAN du PGO (voir Section 5.2.2) pour mettre en place un groupe thématique dédié à la participation, dans le cadre du PGO et au-delà. Ce groupe serait composé de représentants du gouvernement et de la société civile, et constituerait une instance de réflexion, de débat et de recommandation pérenne en matière de participation innovante et d’engagement du gouvernement avec les citoyens et les parties prenantes tout au long du cycle des politiques publiques.
Encourager la participation citoyenne à divers stades du cycle des politiques publiques
D’après les données recueillies par l’OCDE, les initiatives de participation sont utilisées dans la phase de définition des priorités ou des politiques publiques en matière de gouvernement ouvert dans 80 % des pays membres et non membres de l’OCDE (OCDE, 2021[31]).30 Comme de nombreux pays, les échanges lors de la mission de revue par les pairs avec les autorités publiques comme la société civile soulignent que le Maroc fait principalement usage de ces mécanismes au stade de leur définition.
Cependant, pour contribuer à la qualité et à la mise en œuvre de services publics efficaces, il est important que les parties prenantes soient informées et consultées sur les domaines politiques pertinents, et ce de manière régulière, tout au long du cycle des politiques publiques (OCDE, 2019[69]). En ce sens, un nombre croissant de gouvernements s’efforcent d’assurer un dialogue continu en matière de gouvernement ouvert avec les parties prenantes (82 % engagent les parties prenantes pour la coordination de la mise en œuvre des initiatives et politiques de gouvernement ouvert, et 32 % pour leur suivi).31 À l’image d’autres pays, comme l’Argentine par exemple, au Maroc, la consultation et la participation des parties prenantes se font encore majoritairement de manière ad hoc et en début de cycle (OCDE, 2019[69]).
Ainsi, les efforts de planification des moments de la participation devront également permettre de l’intégrer de manière plus systématique dans les phases de mise en œuvre, de suivi et d’évaluation. Dans ce cadre, les autorités chargées de la promotion et de l’appui aux processus de participation évoqués dans la section 5.3.2 de ce chapitre devront encourager les différentes institutions publiques à renforcer les efforts d’engagement avec les citoyens et la société civile, au-delà de la phase d’élaboration (voir Graphique 5.5).
Comme évoqué dans la section 5.3.1, le projet de loi sur la consultation publique serait une opportunité d’inscrire le principe de consultation à différents stades des politiques publiques. Pour aller plus loin, une stratégie du gouvernement ouvert au Maroc pourrait en détailler davantage les objectifs, en fonction de l’institutionnalisation ou du caractère ad hoc de certaines procédures et des moments stratégiques auxquels elles doivent ou peuvent être déployées. En cohérence avec les dispositions de la loi, les lignes directrices et la boîte à outils intégrée mises en place, elle permettrait également de renforcer le caractère central de la participation et sa contribution à la définition, à la mise en œuvre, au suivi et à l’évaluation de politiques publiques efficaces.
Appuyer l’inclusion de tous aux dispositifs participatifs
En outre, élargir la variété des parties prenantes qui participent et atteindre les groupes sous-représentés est une opportunité d’assurer un large éventail de points de vue pour nourrir la réflexion, l’élaboration et le suivi. L’élaboration de politiques publiques inclusives exige en effet des gouvernements qu’ils créent des canaux permettant aux parties prenantes de discuter des défis et de trouver des solutions (OCDE, 2019[69]).
Les analyses de l’OCDE montrent que la participation d’une grande variété de parties prenantes à la vie publique est un pilier de la bonne gouvernance et de la croissance inclusive (OCDE, 2017[10]). S’il est important, à court terme, de continuer à s’appuyer sur les partenaires régulièrement impliqués au Maroc, comme les organisations prenant part aux processus du PGO, il sera essentiel à moyen et long termes de poursuivre les efforts d’accroissement de la diversité des parties prenantes pour s’adresser à tous les groupes, y compris ceux qui sont vulnérables, sous-représentés ou marginalisés. Une approche multicanale dans les processus participatifs pourrait être mise en place, permettant aux citoyens d’y prendre part sous différentes formes, en cas de difficultés rencontrées avec certains supports ou outils (par exemple, les outils numériques). À ce titre, l’approche adoptée dans le cadre de l’élaboration du Nouveau Modèle de développement offre un exemple pertinent de dispositif inclusif et multicanal, qui pourrait inspirer d’autres initiatives visant à toucher des catégories diverses et parfois sous-représentées de la population.
En outre, la création d’un espace de la société civile sur le portail du gouvernement ouvert s’inscrit dans un effort d’inclusion du plus grand nombre dans un dialogue permanent sur les réformes du gouvernement ouvert. La stratégie du gouvernement ouvert pourrait constituer une occasion de réaffirmer cet objectif. Un exercice de recensement, de cartographie et de catégorisation des OSC, en fonction des domaines de politiques publiques par exemple, pourrait également appuyer ces efforts (voir Chapitre 3).
À titre d’illustration, les analyses de l’OCDE ont noté l’impact du processus de régionalisation avancée comme vecteur de participation des jeunes au niveau infranational au Maroc (voir Encadré 5.16) (OCDE, 2021[56]). Il existe d’ores et déjà des mécanismes institutionnalisés de participation propres à la jeunesse. Les instances régionales consultatives sur les questions de jeunesse en sont des exemples, tout comme le futur Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative. Au fur et à mesure qu’ils se mettent en place et que leurs activités se densifient, ils pourront être davantage mobilisés pour accroître le rapprochement des jeunes de la décision publique. Le processus pourrait s’appuyer sur les réformes légales, les documents-cadres et une stratégie du gouvernement ouvert permettant de clarifier et d’uniformiser les normes et pratiques (OCDE, 2021[56]).
Encadré 5.16. La mise en place de mécanismes dédiés pour renforcer la participation des jeunes dans la vie publique à tous les niveaux au Maroc
Depuis le début des années 2000, une importance croissante est donnée à l’implication des jeunes au cœur de la vie et des politiques publiques au Maroc, dont le rôle comme moteur de développement national est aujourd’hui largement reconnu, alors que la part des moins de 25 ans représentait en 2019 43 % de la population du pays (Nations Unies, 2019[73]).
Dans cette dynamique, de nombreux efforts sont mis en œuvre à tous les niveaux pour offrir aux jeunes des opportunités de faire entendre leur voix dans la vie publique.
Le niveau local est un échelon privilégié de participation, car les mécanismes mis en place offrent aux citoyens et aux jeunes la chance d’être en contact direct avec les décideurs politiques, une opportunité rare aux plus hauts échelons de gouvernement.
Les jeunes peuvent ainsi prendre part aux mécanismes de démocratie participative ouverts à tous les citoyens et consacrés par les lois sur la régionalisation avancée de 2015. Ils peuvent notamment être nommés en tant que citoyens, membres d’une association ou autres (par exemple, experts sur un sujet) au sein des instances consultatives auprès des collectivités territoriales. Plus particulièrement, les instances consultatives chargées de l’étude des questions relatives aux centres d’intérêt des jeunes auprès des régions représentent une opportunité pour les jeunes d’interagir avec les décideurs régionaux sur l’élaboration et le suivi des politiques et services publics qui les concernent directement.
Les jeunes peuvent également déposer ou signer des motions et pétitions au niveau local – comme au niveau national – et participer à des consultations publiques, notamment dans le cadre de l’élaboration des plans de développement des collectivités territoriales, ou encore aux initiatives de budget participatif mises en place au niveau local dans le pays.
Par ailleurs, de plus en plus de collectivités territoriales mettent en place, de manière structurée ou ad hoc, des initiatives et mécanismes de participation dédiés aux jeunes, comme des conseils locaux de la jeunesse, des hackathons ou encore des réunions publiques.
Au niveau national, au-delà de la mise en place d’un quota de 30 sièges réservés aux jeunes de moins de 40 ans au sein de la Chambre des représentants et visant à faciliter leur accès à la prise de décision, un Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative (CCJAA) a été instauré par la Constitution de 2011. Une fois mis en place, il disposera d’un pouvoir consultatif sur les questions relatives à la jeunesse.
Cependant, s’il existe un nombre croissant d’opportunités pour les jeunes de s’impliquer dans la vie publique et la vie politique, celles-ci restent encore trop peu exploitées. En effet, les études de l’OCDE montrent que les jeunes se mobilisent de façon limitée dans le cadre des mécanismes de participation citoyenne ouverts à tous, en partie car ils en sont peu souvent informés ou parce que ces mécanismes sont peu propices au dialogue avec eux. Concernant les mécanismes institutionnalisés et ad hoc de participation propres à la jeunesse, ils devraient aujourd’hui être mieux mobilisés pour permettre de rapprocher les jeunes de la décision publique.
Étudier l’opportunité d’institutionnaliser et de généraliser les mécanismes innovants et parfois ad hoc mis en œuvre
Les sections précédentes ont mis en avant la multiplication des outils et mécanismes institutionnalisés de participation, représentant autant de vecteurs d’engagement entre le citoyen et les pouvoirs publics. En plus des mécanismes régis par le cadre légal, un nombre croissant d’initiatives ad hoc sont mises en place dans le but d’impliquer différentes catégories de population dans des dialogues spécifiques et ponctuels.
Le Maroc a également progressivement adopté des outils innovants favorisant la participation des citoyens et des parties prenantes, et permettant d’impliquer les citoyens dans une réflexion commune pour la recherche de solutions à des problèmes de politiques publiques. À titre d’exemple, la ville de Casablanca a lancé en 2016 le hackathon Smart City Casablanca, qui réunit chaque année durant plusieurs jours des milliers de participants, notamment des jeunes, autour de différentes thématiques telles que la transformation digitale, la planification stratégique et le développement durable, ou encore les villes collaboratives et inclusives, et qui vise à proposer des solutions innovantes aux défis rencontrés (Casablanca Smart City, s.d.[75]).
Cela traduit la possibilité de multiplier les forums et mécanismes d’engagement avec les citoyens au gré des besoins des autorités et des velléités d’implication de la population sur des dossiers spécifiques qui l’intéresse. Dès lors, il est essentiel de maintenir un certain degré de flexibilité, afin de permettre l’émergence de ce type d’initiatives et de favoriser l’innovation dans le domaine de la participation, ce qui permettra d’aller plus loin dans l’engagement avec les citoyens.
Dans le cadre des efforts déjà préconisés, la DRSC, le MTNRA et la DGCT pourraient mener un exercice commun de recensement et de cartographie des opportunités, initiatives, processus et plateformes effectifs de participation, afin de les porter à la connaissance du plus grand nombre et d’étudier les opportunités d’institutionnalisation ou de réplication de ces mécanismes. Les boîtes à outils développées par la DGCT au niveau des collectivités territoriales participent d’ores et déjà à cet effort, et gagneraient à être élargies au niveau national, afin de faciliter l’échange de bonnes pratiques et l’apprentissage mutuel autour des mécanismes de participation, ce qui permettrait d’en démultiplier l’impact. Cet effort pourrait aider à anticiper les besoins en soutien et renforcement des capacités des acteurs dans la définition et la mise en œuvre des dispositifs participatifs.
Les résultats de cet exercice pourraient alors être rendus publics et facilement accessibles sur le portail du gouvernement ouvert et/ou sur les autres plateformes de participation, telles que eparticipation.ma. En outre, comme évoqué dans le chapitre 4, ce portail pourrait inclure des témoignages sur l’action des parties prenantes. Ces descriptions concrètes contribueraient à encourager d’autres acteurs à s’inscrire dans ce type de démarches, qu’il s’agisse de la réutilisation des données publiques (voir Chapitre 4) ou de l’engagement dans les mécanismes participatifs nationaux et locaux marocains.
Il serait également déterminant d’impliquer dans ces efforts de cartographie et de communication les acteurs clés de la société civile engagés sur la thématique de la participation citoyenne et de la bonne gouvernance, afin de s’assurer de toucher le grand public et de renforcer l’appropriation de cette dynamique par la population et par la société civile plus largement. Dans cette optique, le Maroc pourrait lancer des Journées nationales de la participation citoyenne, à l’image de la Journée nationale de l’accès à l’information. Ces temps forts de la participation citoyenne seraient l’occasion de faire un bilan périodique des progrès réalisés et d’identifier les défis et opportunités pour aller plus loin. Ils réuniraient aussi bien des praticiens des différents niveaux de gouvernement que les citoyens et la société civile, ainsi que des experts permettant d’aborder des modèles innovants de participation.
Références
[75] Casablanca Smart City (s.d.), Smart City Casablanca, une 4e édition réussie !, https://www.casablancasmartcity.com/evenement/csc-2019/ (consulté le 14 février 2022).
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[54] CESE (2021), La loi organique portant réforme du Conseil économique, social et environnemental, adoptée le 15 janvier 2021, est entrée en vigueur le 1er avril., https://www.lecese.fr/content/la-reforme-du-cese-est-adoptee-au-parlement-quelles-evolutions-pour-le-conseil (consulté le 22 avril 2022).
[19] Chef du gouvernement (2017), « Décret n °2-16-773 du 28 chaabane 1438 (25 mai 2017) fixant la composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de la commission des pétitions », Bulletin officiel, vol. 6584, pp. 791 - 792, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/commissions/decret2-16-773.pdf.
[26] Chef du gouvernement (2017), « Décret n° 2-17-265 du 28 ramadan 1438 (23 juin 2017) fixant les modalités de réception des remarques et propositions des usagers, du suivi et du traitement de leurs réclamations », Bulletin officiel, vol. 6582, pp. 3859 - 3862, https://www.add.gov.ma/storage/pdf/D%C3%A9cret%20n%202-17-265.pdf.
[25] Chef du gouvernement (2009), « Décret n° 2-08-229 du 25 joumada I 1430 (21 mai 2009) instituant une procédure de publication des projets de textes législatifs et réglementaires », Bulletin officiel, vol. 5644, pp. 987 - 988, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/dec_proj_fr.pdf.
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[35] DGCT (2021), « Communes citoyennes : Planifier, animer une démarche citoyenne dans votre commune ».
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[56] OCDE (2021), Renforcer l’autonomie et la confiance des jeunes au Maroc, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/588c5c07-fr.
[40] OCDE (2021), Voix citoyenne au Maroc 2021: La communication au service d’une administration ouverte au niveau régional, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/c56c56e3-fr.
[4] OCDE (2020), A Roadmap for Assessing the Impact of Open Government Reform, GOV/PGC/OG(2020)5/REV1.
[76] OCDE (2020), Civic Space Scan Analytical Framework in the Area of Open Government, GOV/PGC/OG(2020)6.
[1] OCDE (2020), Innovative Citizen Participation and New Democratic Institutions: Catching the Deliberative Wave, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/339306da-en.
[5] OCDE (2019), La modernisation de l’administration locale dans la région de Tanger-Tétouan-Al-Hoceima, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/mena/governance/modernisation-administration-locale-dans-la-region-de-tanger-tetouan-al-hoceima.pdf.
[69] OCDE (2019), Open Government in Argentina, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/1988ccef-en.
[74] OCDE (2019), Soutenir la participation des jeunes dans la vie publique locale à Salé, Maroc : Guide pratique, OCDE, Paris, https://fr.slideshare.net/OECD-GOV/soutenir-la-participation-des-jeunes-dans-la-vie-publique-locale-sal-maroc-guide-pratique.
[70] OCDE (2019), Voix citoyenne au Maroc: Le rôle de la communication et des médias pour un gouvernement plus ouvert, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264306608-fr.
[10] OCDE (2017), Gouvernement ouvert: Contexte mondial et perspectives, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264280984-fr.
[2] OCDE (2017), « Recommandation du Conseil sur le Gouvernement Ouvert », Instruments juridiques de l’OCDE, OECD/LEGAL/0438, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0438.
[11] Paulson, L. (2021), A Moroccan Model of Collective Intelligence: The Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) - Evaluation Report-January 2021.
[63] Portail national des collectivités territoriales (2022), La région Fès-Meknès crée une plateforme numérique pour préparer le Programme de Développement Régional 2022-2027, https://www.collectivites-territoriales.gov.ma/fr/actualites/la-region-fes-meknes-cree-une-plate-forme-numerique-pour-preparer-le-programme-de#:~:text=Le%20Conseil%20de%20la%20r%C3%A9gion,2022%2D2027%20selon%20l%27approche (consulté le 12 mai 2023).
[6] Portail national des collectivités territoriales (2012), Discours adressé par SM le Roi à la Nation à l’occasion du 37ème anniversaire de la Glorieuse Marche Verte, https://www.collectivites-territoriales.gov.ma/fr/discours-et-messages-royaux/discours-adresse-par-sm-le-roi-la-nation-loccasion-du-37eme.
[53] République française (2021), « Loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021 relative au Conseil économique, social et environnemental », Journal officiel de la République française, vol. 0014, https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042992836/.
[65] Réseau marocain de la gouvernance participative (2018), État des lieux des approches participatives dans les villes membres du REMAGP, REMAGP, https://www.cmimarseille.org/knowledge-library/remagp-r%C3%A9seau-marocain-de-la-gouvernance-participative-etat-des-lieux-des.
[22] Royaume du Maroc (2021), « Loi organique n° 70.21 modifiant et complétant la loi organique n° 44.14 déterminant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics », Bulletin officiel, vol. 7021, pp. 6746-6747, http://www.sgg.gov.ma/BO/bo_ar/2021/BO_7021_Ar.pdf.
[23] Royaume du Maroc (2021), « Loi organique n° 71.21 modifiant et complétant la loi organique n° 64.14 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des motions en matière législative », Bulletin officiel, vol. 7021, pp. 6747-6748, http://www.sgg.gov.ma/BO/bo_ar/2021/BO_7021_Ar.pdf.
[72] Royaume du Maroc (2021), Portail du gouvernement ouvert – Espace société civile, https://www.gouvernement-ouvert.ma/espace-ong.php?lang=fr (consulté le 7 janvier 2022).
[27] Royaume du Maroc (2016), « Dahir n° 1-15-83 su 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 111-14 relative aux régions », Bulletin officiel, vol. 6440, pp. 197-230, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi_org_111-14_fr.pdf?ver=2016-06-16-144306-930.
[29] Royaume du Maroc (2016), « Dahir n° 1-15-84 su 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 112-14 relative aux préfectures et provinces », Bulletin officiel, vol. 6440, pp. 231-260, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/loi_org_112-14_fr.pdf?ver=2016-06-16-144539-747.
[28] Royaume du Maroc (2016), « Dahir n° 1-15-85 su 20 ramadan 1436 (7 juillet 2015) portant promulgation de la loi organique n° 113-14 relative aux communes », Bulletin officiel, vol. 6440, pp. 260-298, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/loi_org_113-14_fr.pdf?ver=2016-06-16-144720-997#:~:text=%2D%20les%20r%C3%A8gles%20de%20gouvernance%20relatives,%C3%A0%20la%20reddition%20des%20comptes.&text=La%20commune%20constitue%20l%27un,l%27organisation%20territor.
[18] Royaume du Maroc (2016), « Dahir n° 1-16-103 du 23 chaoual 1437 (28 juillet 2016) portant promulgation de la loi organique n° 44-14 déterminant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des pétitions aux pouvoirs publics », Bulletin officiel, vol. 6492, pp. 1325-1327, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loiorgnique_44-14_Fr.pdf?ver=2017-02-08-171743-837.
[20] Royaume du Maroc (2016), « Dahir n° 1-16-108 du 23 chaoual 1437 (28 juillet 2016) portant promulgation de la loi organique n° 64-14 fixant les conditions et les modalités d’exercice du droit de présenter des motions en matière législative », Bulletin officiel, vol. 6492, pp. 1327-1328, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loiorgnique_64-14_Fr.pdf?ver=2017-02-08-172310-160.
[52] Royaume du Maroc (2014), « Dahir n° 1-14-124 du 3 chaoual 1435 (31 juillet 2014) portant promulgation de la loi organique n° 128-12 relative au Conseil économique, social et environnemental », Bulletin officiel, vol. 6284, pp. 3879-3883, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/Loi-organique_128.12_Fr.pdf.
[17] Royaume du Maroc (2011), Constitution, https://web.archive.org/web/20131102041635/http:/www.sgg.gov.ma/BO/bulletin/FR/2011/BO_5964-Bis_Fr.pdf (consulté le 22 juillet 2020).
[66] Royaume du Maroc (s.d.), Consultation publique, https://www.eparticipation.ma/espace/liste_consultations_public/ (consulté le 2 novembre 2021).
[46] Royaume du Maroc (s.d.), Documentation | eParticipation.ma, https://www.eparticipation.ma/fr/documents (consulté le 2 novembre 2021).
[15] Royaume du Maroc (s.d.), Manuel du comité de pilotage, https://www.gouvernement-ouvert.ma/files/ManuelCopil.pdf.
[67] Royaume du Maroc (s.d.), Portail national des réclamations, https://chikaya.ma/?lang=fr (consulté le 2 novembre 2021).
[37] SNRT News (2022), « TASHAROC : Présentation des résultats du projet « Capitalisation des outils de communication, de coopération et de participation citoyenne » », SNRT News, https://snrtnews.com/fr/article/tasharoc-presentation-des-resultats-du-projet-capitalisation-des-outils-de-communication-de (consulté le 23 mars 2022).
[47] Tacharokia (s.d.), Tacharokia.ma, https://www.tacharokia.ma/.
[48] Zaanoun, A. (2021), « The Role of Petitions in Strengthening Citizens’ Participation in Morocco: Stakes and Outcomes », Arab Reform Initiative, https://www.arab-reform.net/publication/the-role-of-petitions-in-strengthening-citizens-participation-in-morocco-stakes-and-outcomes/ (consulté le 3 novembre 2021).
Notes
← 1. Entretiens avec le MTNRA et avec des OSC, juin 2021.
← 2. Entretien avec le MTNRA, juin 2021.
← 3. Entretien avec le MTNRA, novembre 2021.
← 4. La loi définit une motion en matière législative comme suit : « toute initiative présentée par des citoyennes et des citoyens conformément aux dispositions de la présente loi organique, dans le but de participer à l’initiative législative » (Royaume du Maroc, 2016[20]).
← 5. Un rapport parlementaire adopté en 2021 proposait initialement une réduction du nombre de signatures à 12 500 pour les pétitions et l’abandon de la condition de présentation des copies des cartes d’identité des signataires (LesEco.ma, 2021[24]).
← 6. Article 116 de la loi organique n° 111-14 de 2015 relative aux régions.
← 7. Article 110 de la loi organique n° 112-14 de 2015 relative aux préfectures et aux provinces.
← 8. Article 86 de la loi organique n° 113-14 de 2015 relative aux communes.
← 9. Chapitre V du Titre III de la loi organique n° 111-14 de 2015 relative aux régions, Chapitre V du Titre III de la loi organique n° 112-14 de 2015 relative aux préfectures et aux provinces, et Chapitre VI du Titre III de la loi organique n° 113-14 de 2015 relative aux communes.
← 10. Selon l’OCDE, l’espace civique est un ensemble de conditions juridiques, politiques, institutionnelles et pratiques nécessaires aux acteurs non gouvernementaux pour accéder à l’information, s’exprimer, s’associer, s’organiser et participer à la vie publique (OCDE, 2020[76]).
← 11. Entretien avec la DRSC, juin 2021.
← 12. Les éléments considérés pour la rédaction ont été collectés dans le cadre de la mission de revue par les pairs et lors d’une réunion organisée le 7 juillet 2021 avec les représentants d’OSC marocaines.
← 13. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Sur 41 répondants, 28 pays membres et 9 pays non membres de l’OCDE ont signalé la présence d’un bureau ou d’une institution responsable d’apporter un soutien aux institutions publiques dans leurs efforts de consultation et d’engagement des citoyens et parties prenantes, alors que 24 pays membres et 9 pays non membres de l’OCDE sur 39 répondants ont indiqué qu’une fonction centrale existe pour renforcer les relations entre le gouvernement et la société civile.
← 14. Anciennement dénommé le ministère d’État chargé des Droits de l’homme et des Relations avec le Parlement, jusqu’aux élections nationales d’octobre 2021.
← 15. Entretien avec la DRSC dans le cadre de la revue par les pairs menée par l’OCDE, 8 juin 2021.
← 16. Entretien avec la DRSC dans le cadre de la revue par les pairs menée par l’OCDE, 8 juin 2021.
← 17. Document de présentation de la stratégie Nassij consulté par l’OCDE, juin 2023.
← 18. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Si 19 répondants sur 41 (12 pays membres et 7 pays non membres de l’OCDE) indiquent qu’ils ne savent pas ou que cela ne leur est pas applicable, et si 1 répondant indique qu’il n’y en a dans aucun ministère, un total de 21 pays – 18 pays membres et 3 pays non membres de l’OCDE – ont des agents dédiés à la participation citoyenne dans 1 % à 100 % des ministères du gouvernement central.
← 19. Entretien avec la DRSC, op. cit.
← 20. Le plan mentionné n’a pas été transmis au Secrétariat de l’OCDE et aucune information supplémentaire n’a été trouvée en ligne.
← 21. Document de présentation de la stratégie Nassij consulté par l’OCDE, juin 2023.
← 22. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Sur 41 répondants, 32 disposent d’une loi sur les pétitions et autres initiatives citoyennes.
← 23. Idib.
← 24. Communication de la DGCT, mars 2023.
← 25. Le projet « Promotion de la culture de reddition de comptes dans les communes urbaines de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceïma » a été financé par l’UE et porté par le Réseau méditerranéen des médinas, en partenariat avec le fond andalou de municipalités pour la solidarité internationale et les communes de Chefchaouen, Tétouan et Larache.
← 26. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Sur 41 répondants, 26 pays membres et 9 pays non membres de l’OCDE ont indiqué disposer d’un portail numérique pour la participation des citoyens et parties prenantes.
← 27. Les éléments considérés pour la rédaction ont été consultés sur le site Internet du Portail national des réclamations pour la dernière fois le 2 novembre 2021.
← 28. Les éléments considérés pour la rédaction ont été consultés sur le site Internet du Portail national des réclamations pour la dernière fois le 2 novembre 2021.
← 29. Entretien avec la DGCT, juin 2021.
← 30. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Sur 41 répondants, 33 ont notamment indiqué que les mécanismes participatifs sont employés pour la définition des documents de politique publique relatifs au gouvernement ouvert.
← 31. Données issues du tableau de bord en ligne, fondé sur les résultats de l’enquête de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (2020). Sur 39 répondants, 32 ont indiqué engager des parties prenantes non publiques dans les mécanismes de coordination facilitant la mise en œuvre des politiques de gouvernement ouvert, et 12 répondants sur 37 ont indiqué engager des parties prenantes non publiques dans le suivi de la mise en œuvre des principaux documents de politiques publiques dans ce domaine.