Atteindre des résultats au regard des ODD dans la coopération pour le développement

1. L’alignement de la coopération pour le développement sur le développement durable : pouvons-nous accélérer le mouvement ?

Les défis mondiaux appellent une action collective urgente

Il y a six ans que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été entériné, et les défis mondiaux qui font obstacle à sa réalisation ne cessent de croître. S’ajoutant aux problèmes que posent le changement climatique, l’absence de sécurité et les inégalités, la pandémie mondiale a gravement ébranlé les économies, les sociétés et l’environnement. En 2019, la plupart des Objectifs de développement durable (ODD) associés à ces enjeux étaient déjà hors d’atteinte, en partie en raison d’une coopération internationale limitée. Depuis, la pandémie du COVID-19 a annulé des années, voire des décennies, de progrès dans de nombreuses régions du monde.

La pandémie a crûment mis en lumière notre interdépendance mondiale et l’importance du multilatéralisme, de la coopération internationale et des partenariats stratégiques pour affronter les problèmes mondiaux et locaux. Les responsables politiques du monde entier reconnaissent l’urgente nécessité de disposer de données actualisées et de mener des interventions portant sur les trois volets du développement durable : économique, social et environnemental.

Si, à l’évidence, de plus amples moyens doivent être mobilisés au niveau international et national, cette mobilisation doit intervenir de manière à ne laisser aucun pays ni aucun individu en chemin, et à optimiser chaque centime dépensé. La reprise économique doit être mise au service de la lutte contre la crise climatique et d’autres problèmes systémiques. Ces crises systémiques soulignent la nécessité d’œuvrer à des objectifs communs, de bien appréhender les synergies et les retombées des politiques menées et des investissements, et de renforcer les capacités à long terme ainsi que la résilience dans toutes les dimensions du développement durable.

Le cadre des ODD offre de nombreux avantages connexes

En tant que programme universel au service du développement durable, les ODD offrent un cadre complet susceptible de guider notre action collective en faveur d’une planète équitable et durable.

Les Objectifs de développement durable servent de norme commune pour coordonner les efforts des gouvernements, des partenaires au développement, du secteur privé et d’autres acteurs du développement. Le cadre commun que forment les 17 ODD, assortis de leurs cibles et indicateurs, peut remédier à la fragmentation et à l’absence de coordination actuellement observées au niveau des pays, en renforçant les synergies et en optimisant l’impact collectif (Infographie 1.1).

Le recours général aux indicateurs des ODD dans la coopération pour le développement peut favoriser la production de données et d’éléments factuels plus nombreux et de meilleure qualité dans tous les pays. Nous savons tous combien il importe de disposer de données actualisées et fiables pour prendre des décisions dans un monde de plus en plus instable. L’utilisation du cadre des ODD mènera à des efforts conjoints pour renforcer l’offre de données relatives au développement (et la capacité à les analyser), nécessaires à la prise de décisions avisées. Elle aidera également les décideurs à mesurer les progrès accomplis sur la voie des ODD et à évaluer si leurs interventions ont des effets positifs.

Infographie 1.1. Les avantages du cadre des ODD

Les ODD permettent d’assurer la cohérence des efforts individuels et collectifs. Leurs cibles et indicateurs incitent les acteurs du développement à s’attaquer aux trois dimensions du développement. La poursuite des ODD encourage l’évaluation des interactions entre des actions isolées et d’autres initiatives et interventions. Les ODD aident également à déterminer l’incidence qu’ont les politiques intérieures sur d’autres pays. C’est là un élément essentiel pour veiller à ce que l’ensemble des politiques intérieures et de coopération pour le développement restent conformes aux ODD en général, et à ce qu’elles aident les pays partenaires à obtenir des résultats sur le terrain.

Étant donné l’ampleur des défis à venir, le cadre des ODD peut servir de feuille de route pour une action collective. Une impulsion politique constante est toutefois nécessaire pour veiller à ce que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 fasse à la fois fonction d’objectif et de moyen d’action. Les pays partenaires et les partenaires au développement prennent des mesures en ce sens. Une impulsion vigoureuse est plus nécessaire et urgente que jamais, car de nombreux pays accusent un retard ou régressent dans la réalisation des ODD.

L’intégration des ODD par les pays partenaires est en cours

Les gouvernements des pays partenaires s’emploient activement à intégrer les ODD dans la planification et l’élaboration des politiques nationales, dans les budgets et dans les mécanismes de suivi. Les ODD offrent aux pays un programme d’action commun pour mobiliser des financements, des acteurs ainsi que l’attention autour de leurs stratégies nationales de développement et de leurs priorités. Le suivi des ODD s’améliore du fait que les pays utilisent les rapports d’étape pour stimuler les efforts des différentes administrations en vue de recenser, de recueillir et de suivre les données correspondantes – des progrès notables ont été accomplis à cet égard jusqu’en 2020. À ce jour, 205 examens nationaux volontaires sur les progrès accomplis dans la réalisation des ODD, couvrant quasiment tous les pays, ont été présentés aux Nations Unies.

La mise en concordance des politiques nationales avec les ODD demeure cependant inachevée. Dans 175 pays, les pouvoirs publics ont entrepris de mettre en place des dispositifs institutionnels afin de promouvoir la planification, le suivi et les partenariats axés sur les ODD. L’alignement sur le cadre des ODD demeure toutefois incomplet en raison des retards dus aux cycles de planification, aux travaux en cours pour intégrer les ODD à l’échelle de l’administration dans son ensemble, à la médiocrité des liens entre les plans en faveur des ODD et les décisions budgétaires, et à la pénurie de données à leur propos. De surcroît, le soutien international apporté aux pays pour l’intégration des ODD et la collecte de données n’a pas atteint l’ampleur requise et n’a pas été uniforme.

Infographie 1.2. Pays partenaires : progrès en matière d’alignement sur les ODD

Source : établi par les auteurs à partir de sept études de cas nationales et de données tirées de dashboard.effectivecooperation.org.

L’intégration des ODD par les partenaires au développement intervient essentiellement au niveau de la définition des politiques publiques

De nombreux partenaires au développement se fondent sur les ODD pour définir leurs politiques de coopération, et quasiment tous s’y réfèrent dans leurs politiques et stratégies de coopération pour le développement. De même, leurs priorités en matière d’ODD sont progressivement intégrées aux cadres de résultats utilisés pour rendre compte de leur contribution globale au développement mondial. Il n’en demeure pas moins que 55 % seulement d’entre eux disposent d’un cadre de résultats qui vise à atteindre pleinement ou partiellement des résultats au regard des ODD.

Les efforts déployés pour aligner les cadres de résultats sur les ODD se répercutent lentement sur les activités de développement au niveau des pays, même si l’adoption des ODD y est encore plus ténue. La plupart des partenaires au développement structurent leur contribution au niveau des pays autour des 17 ODD et utilisent ces derniers pour définir les contours de leur dialogue avec les autorités, leurs mécanismes de coordination et leurs partenariats. C’est notamment le cas de ceux qui ont actualisé leur mandat et leurs cadres institutionnels de manière à les faire concorder avec les ODD. Pour autant, le recours au cadre des ODD à des fins de planification et d’évaluation des résultats est limité : un tiers à peine des partenaires au développement utilisent systématiquement ou souvent les indicateurs des ODD dans leurs cadres de résultats au niveau des pays. En Ouganda par exemple, seule la moitié d’entre eux fait explicitement appel aux cibles et indicateurs des ODD pour mesurer les résultats. Cette proportion chute à un quart au Pérou. Cependant, dès lors que les services centraux et les capitales enclenchent le processus d’adoption des ODD, les organismes de développement tendent à s’engager, quoique lentement, sur la même voie (Graphique 1.1).

Graphique 1.1. Trajectoires d’alignement de la coopération pour le développement sur les résultats au regard des ODD

Source : établi par les auteurs à partir de sept études de cas nationales.

Infographie 1.3. Partenaires au développement : progrès en matière d’alignement sur les résultats au regard des ODD

Source : établi par les auteurs à partir de sept études de cas nationales et d’une enquête de référence.

L’immobilisme n’est plus une solution

L’inertie en matière d’adoption des ODD est trop forte et les progrès sont trop lents pour que les ODD servent de fil conducteur à une action collective cohérente et efficace en faveur du développement durable. Étant donné le nombre croissant d’acteurs du développement, le morcellement et le manque de coordination des interventions vont s’aggraver si rien n’est fait pour y remédier. Les dysfonctionnements se multiplieront et, en l’absence de données fiables, il sera impossible de mesurer les progrès, de distinguer les pratiques efficaces des autres, et de prendre des décisions éclairées. Les indicateurs sont déjà trop nombreux. En Éthiopie, par exemple, nous avons constaté que les partenaires au développement utilisent 40 indicateurs distincts pour mesurer l’ODD 7.1.1 relatif à l’accès à l’électricité. Les données dissonantes qui en ont résulté ont freiné toute coopération ultérieure et n’ont pas fourni au gouvernement éthiopien d’informations précises quant au nombre de ménages ayant accès à l’électricité dans le pays.

Le coup d’arrêt donné par la pandémie offre une occasion unique de réajuster les modalités de mise en œuvre de la coopération pour le développement et des partenariats. Les plans nationaux de développement et les stratégies des apporteurs de coopération pour le développement doivent être repensés à la lumière des nouvelles réalités. Il faut voir dans la crise une occasion de remédier aux blocages institutionnels, d’adapter les normes et processus, et d’adopter des approches plus audacieuses, à la mesure du défi que pose aujourd’hui le développement.

Une impulsion politique constante et éclairée est nécessaire pour inverser cette tendance. La gestion du changement requiert à la fois une volonté politique et une direction affirmée. Elle exige aussi de bien comprendre les obstacles qui ont empêché une adoption plus large des ODD. Les dirigeants doivent en outre examiner les possibilités d’améliorer la qualité des politiques de développement et l’exécution des programmes.