Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.
Axer le secteur public sur les données : marche à suivre
Annexe C. La gestion des ressources humaines axée sur les données : une utilisation stratégique des ressources humaines au service d’une fonction publique hautement performante
Introduction
À l’ère de la transformation numérique, les pouvoirs publics ont compris l’importance croissante de la valeur des données comme le fondement de l’amélioration de l’action publique, de la prestation de services publics et de la gestion continue des performances. Dans ce contexte, de nombreux pays de l’OCDE cherchent à construire un secteur public axé sur les données, dans lequel les données sont pensées comme une ressource, une partie intégrante de l’action publique, de la prestation de services publics, de la gestion organisationnelle et de l’innovation. Adopter une approche stratégique du secteur public axé sur les données peut avoir un effet positif sur les résultats que les pouvoirs publics obtiennent en fondant l’action publique sur des données probantes et en étayant la conception des services publics par des données (van Ooijen, Ubaldi et Welby, 2019).
De la même manière, la gestion des ressources humaines axée sur les données vise à gérer les ressources humaines de façon stratégique en utilisant des données sur les ressources humaines. Par le passé, les politiques de ressources humaines tendaient à reposer sur les pratiques antérieures ou sur l’expérience ou l’intuition d’un décideur, sans donnée probante scientifique ou objective pour l’étayer. Aujourd’hui, les données relatives à la main d’œuvre provenant de sources multiples offrent la possibilité de mettre en œuvre des politiques de ressources humaines fondées sur des données probantes pour gérer le personnel du secteur public. Les pouvoirs publics peuvent donc de plus en plus recruter, déployer, former, motiver et retenir leur personnel selon une approche scientifique et analytique reposant sur des données objectives sur les ressources humaines.
La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique, adoptée en 2019 présente 14 principes pour une fonction publique à la hauteur des buts poursuivis. Elle préconise d’élaborer « une démarche à long terme, stratégique et systématique en matière de gestion des effectifs [...] étant précisé qu’il faudra mettre les données sur les ressources humaines et à la main-d’œuvre au service d’une analyse stratégique et prédictive tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des données » (OCDE, 2019).
Les fonctions publiques n’ont jamais autant collecté de données sur leur personnel qu’aujourd’hui. Les données démographiques donnent une vue d’ensemble de la main d’œuvre et permettent de mieux connaître ses compétences, sa diversité et sa répartition par âge. Les données administratives montrent que les tendances et les constantes en matière d’emploi peuvent être un indicateur de la santé d’une organisation sur le plan de l’attractivité de l’emploi, de l’efficience des processus touchant aux ressources humaines et de la mobilité ou du taux de rotation par exemple. Les données issues d’enquêtes auprès du personnel peuvent fournir des indications précieuses sur l’implication du personnel et sa satisfaction en ce qui concerne le travail et l’environnement professionnel.
Les données sur les ressources humaines ne manquent pas. Aujourd’hui, à l’heure des « données massives », la quantité de données disponibles pour étayer la gestion stratégique de la main d’œuvre a explosé et grâce au développement des technologies de l’information, ces données peuvent être traitées et utilisées de façon plus efficiente. Elles peuvent être collectées à partir de sources tant internes (systèmes d’information sur les ressources humaines ou enquêtes auprès du personnel, par exemple) qu’externes (médias sociaux ou tendances du marché du travail notamment). Cependant, la plupart des pays ne collectent que des données sur les ressources humaines, car ils peinent à les analyser scientifiquement, à les interpréter de façon éclairante et à les utiliser dans une démarche anticipative pour améliorer la prise de décision en matière de gestion ainsi que la conception et l’exécution des politiques de gestion des ressources humaines. Ils ne savent pas encore très bien quel sens donner à toutes ces données ou quelle utilisation en faire et ils doivent surmonter de nombreuses difficultés pour mettre en œuvre efficacement la gestion des ressources humaines axée sur les données. En outre, les départements de ressources humaines ne comptent pas encore beaucoup d’experts des données.
La présente étude de cas est centrée sur deux questions. Comment appliquer la gestion des ressources humaines axée sur les données à la gestion stratégique des ressources humaines de façon à atteindre efficacement les objectifs de l’organisation ? Et quelles sont les difficultés que les pouvoirs publics peuvent rencontrer lorsqu’ils instaurent une gestion des ressources humaines axée sur les données ?
Vue d’ensemble
Définition
La gestion des ressources humaines axée sur les données est également désignée dans les travaux de recherche par les termes « gestion des ressources humaines fondée sur des données probantes », « analytique RH » (RH renvoyant à ressources humaines) ou « analytique de la main d’œuvre ». La gestion des ressources humaines fondée sur des données probantes est un processus décisionnel combinant réflexion critique et utilisation des meilleures données scientifiques et informations sur les entreprises disponibles. Elle repose sur quatre piliers : 1) les meilleures données probantes issues de la recherche ; 2) des données, des indicateurs et des analyses sur la situation dans l’entreprise ; 3) des réflexions des praticiens ; 4) et la prise en compte des parties prenantes concernées (Rousseau et Barends, 2011). L’analytique RH est une pratique touchant aux ressources humaines fondée sur les technologies de l’information qui utilise des analyses descriptives, visuelles et statistiques des données sur les processus touchant aux ressources humaines, au capital humain, aux résultats de l’organisation et aux valeurs économiques de référence extérieures pour déterminer l’effet sur l’entreprise et permettre une prise de décision axée sur les données (Marler et Boudreau, 2017). L’analytique RH renvoie à la mise en évidence et au chiffrage systématique des déterminants humains des résultats de l’entreprise (Heuvel et Bondarouk, 2016). Cette définition englobe analytique des ressources humaines, des talents et du capital humain qui suivent une approche centrée sur l’individu. Quant à l’analytique de la main d’œuvre, elle désigne l’analytique des talents à plus grande échelle. Elle s’appuie sur davantage de données provenant de nombreux individus afin d’évaluer les tendances au niveau de la main-d’œuvre en général. Elle est parfois utilisée dans un sens plus étroit pour analyser la planification de la main d’œuvre.
Dans la présente étude de cas, la gestion des ressources humaines axée sur les données est définie comme un processus stratégique ayant pour but de parvenir à de meilleures décisions et politiques relatives aux ressources humaines dans l’ensemble de l’administration en collectant, mesurant et utilisant des données sur les ressources humaines telles que des données démographiques, des données administratives (dont rémunération et rotation), des données sur la perception du personnel (enquêtes auprès du personnel) et des données sur les performances. La gestion des ressources humaines axée sur les données repose sur les données et les faits plutôt que sur l’intuition et sur l’expérience personnelle.
Collecte et utilisation des données sur les ressources humaines dans les pays de l’OCDE
L’OCDE collecte et utilise des données quantitatives et qualitatives sur les ressources humaines afin de mener des analyses comparatives entre pays de l’OCDE sur la gestion des ressources humaines dans le secteur public et les stratégies de réforme de la fonction publique. L’édition 2016 de l’enquête de l’OCDE sur la gestion stratégique des ressources humaines dans les administrations centrales des pays de l’OCDE a permis de recueillir des données portant sur les grandes tendances en matière d’emploi public et de gestion des ressources humaines dans l’ensemble des pays de l’OCDE et d’offrir à ces pays une meilleure appréciation de leur position relative dans ces domaines. Cette enquête comprenait une nouvelle série de questions sur la collecte et l’utilisation des données à des fins de gestion des ressources humaines. Elle visait à collecter trois types de données : des données administratives, des données issues d’enquêtes auprès du personnel et des données sur les performances du personnel. Dans le Panorama des administrations publiques 2017, l’OCDE a présenté les résultats, très hétérogènes, d’une enquête portant sur la quantité et sur le type de données administratives sur les ressources humaines collectées dans les pays de l’OCDE (OCDE, 2017).
D’après cette enquête, la plupart des pays de l’OCDE collectent et centralisent des données de base sur les ressources humaines, comme le niveau d’effectifs, l’âge et le sexe. Cependant, un nombre relativement plus faible de pays recueillent des données sur les ressources humaines plus fines et plus intéressantes concernant les conditions de travail ou la culture de l’organisation, comme l’appartenance à une minorité, le recours à des formules d’organisation du travail modulables et l’appartenance à un syndicat. Les données concernant la formation, les congés et la mobilité ne sont généralement pas agrégées à un niveau supérieur, lorsqu’elles sont collectées par des ministères.
Les enquêtes auprès du personnel constituent une autre source importante de données sur les ressources humaines. Elles sont utilisées par l’ensemble des pays de l’OCDE dans des proportions variables. Les enquêtes centralisées menées à l’échelle de la fonction publique sont souvent réalisées à intervalles réguliers et complétées par des enquêtes spécifiques effectuées par certaines agences ou certains ministères. Les pays de l’OCDE mesurent la perception du personnel en ce qui concerne la satisfaction professionnelle, la motivation et l’équilibre vie privée/vie professionnelle à l’aide d’enquêtes auprès du personnel. Cependant, un nombre relativement plus faible de pays utilisent ces outils pour évaluer l’inclusion, le harcèlement et l’efficacité des systèmes de gestion des ressources humaines.
Encadré C.1. Analyse comparative de l’implication du personnel dans les pays de l’OCDE
L’OCDE réalise un suivi et une analyse de l’utilisation des enquêtes auprès du personnel par les administrations centrales depuis le rapport intitulé Engaging Public Employees for a High-Performing Civil Service publié en 2016 (OCDE, 2016). Ce dernier a examiné l’utilisation prometteuse qui est faite de ces enquêtes pour construire une gestion des talents axée sur les données en comparant des indicateurs comme l’implication du personnel dans l’ensemble des ministères et des organismes publics. De fait, l’OCDE a pu analyser les données sur l’implication du personnel selon différents paramètres — équipe, organisation/secteur, groupe démographique, profession —, mais aussi au fil du temps, de façon à mettre en évidence les déterminants et les résultats relatifs à l’emploi et à éclairer la conception de politiques de gestion des ressources humaines visant à accroître la motivation du personnel.
Au moment de l’enquête, de nombreuses fonctions publiques mesuraient l’implication de leur personnel à l’aide d’enquêtes auprès du personnel, mais chacune suivait sa propre définition et posait des questions différentes, ce qui rendait les comparaisons impossibles. C’est pourquoi, en 2016, l’OCDE a créé un groupe de travail informel chargé de définir un module de questionnaire standard sur l’implication du personnel. Cet exercice avait trois objectifs :
1. parvenir à comparer l’implication du personnel entre pays (et entre secteurs classiques, comme l’éducation ou la santé par exemple) de façon à faire apparaître des tendances et des bonnes pratiques
2. exploiter une base de données internationales pour étudier les grands déterminants de l’implication du personnel et leurs effets sur les principaux résultats, comme les performances au niveau de l’équipe et de l’organisation et la satisfaction des citoyens à l’égard des services publics
3. incorporer les résultats du module standard dans la base de données du Panorama des administrations publiques, en tant que données sur la politique de l’emploi dans le secteur public — la publication constitue la principale source d’indicateurs clés de performance comparables à l’échelle internationale sur la gestion publique dans les pays de l’OCDE et les pays partenaires.
Après avoir réalisé un examen des travaux antérieurs et une mise en pratique, le groupe de travail a retenu le cadre d’analyse suivant pour mesurer l’implication du personnel : implication dans le travail et satisfaction professionnelle, implication dans l’organisation, sens du service public et motivation.
Chaque aspect a été étudié à l’aide des questions suivantes provenant de modules utilisés dans les travaux de recherches (comme l’échelle d’Utretcht) ainsi que dans d’autres enquêtes nationales.
Satisfaction professionnelle
Je suis globalement satisfait de mon emploi.
Implication dans le travail
Faire ce métier est stimulant.
Mon travail me donne le sentiment d’avoir accompli quelque chose.
Implication dans l’organisation
J’éprouve un fort attachement personnel envers mon organisation.
Je me sens en accord avec les missions de mon organisation.
Sens du service public
Il est important pour moi que mon travail contribue au bien commun.
Les réponses suivaient une échelle de Likert allant de 1 à 5 et ont été transmises à l’OCDE.
Les résultats préliminaires des pays participants devraient être disponibles fin 2021. Si vous souhaitez plus d’informations sur les modalités de participation au groupe de travail ou à l’exercice d’évaluation comparative, veuillez contacter PEM@oecd.org.
S’agissant des données sur les performances du personnel, moins de la moitié des pays de l’OCDE déclarent collecter ces données de façon centralisée. Cette situation peut s’expliquer par la difficulté à mesurer objectivement les performances du personnel tout en permettant une comparaison entre types d’emploi et conditions de travail.
Dans la plupart des pays de l’OCDE, les données administratives sont utilisées pour établir des rapports destinés au grand public et les données issues des enquêtes auprès du personnel des rapports destinés à la haute fonction publique. Quant aux données sur les performances du personnel, elles sont principalement utilisées pour évaluer les performances ou orienter les plans de formation à l’échelle de l’organisation.
Potentiel et application
Le cadre de l’OCDE présentant les possibilités offertes par un secteur public axé sur les données (graphique C.6) met en évidence trois aspects où la mise en place d’initiatives axées sur les données peut d’étayer le processus décisionnel dans l’ensemble des domaines de l’action publique et des niveaux d’administration : 1) gouvernance anticipative ; 2) conception et mise en œuvre ; et 3) gestion des performances (van Ooijen, Ubaldi et Welby, 2019).
Dans cette étude de cas, le cadre relatif à la gestion des ressources humaines axée sur les données permet d’adapter le cadre de l’OCDE concernant le secteur public axé sur les données aux fonctions touchant aux ressources humaines. La gestion des ressources humaines axée sur les données crée de nouvelles possibilités dans deux grands domaines : 1) la prévision et la planification ; et 2) le suivi et l’évaluation.
Prévision et planification
S’appuyant sur des données anciennes ainsi qu’actuelles issues de différentes sources, l’analyse prédictive suppose l’élaboration de modèles et de prévisions statistiques de façon à faciliter la mise en évidence des futures tendances relatives à la main d’œuvre et aux viviers de talents. Lorsqu’ils anticipent ces tendances, les responsables et les organisations disposent d’une longueur d’avance décisive en matière de prévention, d’atténuation ou de promotion de certaines évolutions, ce qui leur permet, in fine, de faire des économies et d’améliorer les performances.
Les possibilités offertes par l’analytique RH prédictive sont encore à l’étude. Elle est cependant déjà appliquée, en particulier pour mener des planifications stratégiques de la main d’œuvre, renforcer la diversité et l’inclusion et retenir les meilleurs talents.
1. Planification stratégique de la main d’œuvre
La gestion stratégique des ressources humaines cherche à mettre en adéquation la gestion des talents et les objectifs stratégiques des organisations du secteur public (OCDE, 2011). La planification stratégique de la main d’œuvre revêt une importance majeure pour la gestion stratégique des ressources humaines dans la mesure où elle permet de prédire l’évolution de la main d’œuvre en fonction des changements de l’environnement administratif — tels que la démographie, les changements technologiques et la situation économique — et préparer le recrutement des talents nécessaires. La planification stratégique de la main d’œuvre est un processus de gestion des ressources humaines essentiel pour mieux déterminer les compétences nécessaires, les développer et promouvoir leur acquisition. Elle contribue ainsi à la réalisation des objectifs personnels et professionnels des membres du personnel et permet un maintien du bon fonctionnement durable des organisations. La planification de la main d’œuvre est un processus dynamique qui permet à l’organisation de disposer d’un niveau d’effectif adéquat et des compétences nécessaires tout en assurant une allocation optimale des ressources humaines pour atteindre ses objectifs à court et à long terme. Autrement dit, la planification de la main d’œuvre vise à obtenir la meilleure combinaison possible entre le budget disponible pour les ressources humaines et le niveau d’effectifs disposant des compétences nécessaires adéquat pour atteindre les objectifs de l’organisation. Elle ne se contente pas de mettre en évidence les métiers essentiels au regard des missions et des compétences indispensables à la réalisation des objectifs de l’organisation, mais permet aussi de repérer les déficits de compétences (Huerta Melchor, 2013).
Encadré C.2. La planification des ressources humaines axée sur les données dans la Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique
La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique, adoptée en 2019, présente 14 principes pour une fonction publique à la hauteur des buts poursuivis. Elle préconise précisément aux pouvoirs publics de « mettre au point des dispositifs d’emploi public favorisant une fonction publique réactive et adaptable, apte à faire face aux défis présents et émergents ainsi qu’aux changements de circonstance », notamment au moyen des actions suivantes :
Élaborer une démarche à long terme, stratégique et systématique en matière de gestion des effectifs, fondée sur des données probantes et sur une planification inclusive. Cette démarche devra :
1. être étayée par une évaluation fondée sur des données probantes des compétences nécessaires et des compétences disponibles permettant de répondre aux besoins présents et futurs liés au cœur d’activité, étant précisé qu’il faudra mettre les données sur les ressources humaines et à la main-d’œuvre au service d’une analyse stratégique et prédictive tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des données ;
2. fixer les orientations et les priorités stratégiques en tenant compte des contributions des parties prenantes concernées, et notamment des agents publics et/ou de leurs représentants et des encadrants qui seront chargés d’assurer la mise en œuvre ;
3. tenir compte de tous les aspects pertinents de la gestion des effectifs et assurer la cohérence avec les processus de planification stratégique des autorités politiques, y compris en termes de budget et de gestion des performances ; et
4. être étayée par des indicateurs adaptés pour suivre les progrès accomplis, évaluer les incidences des politiques et processus de gestion des ressources humaines et éclairer la prise de décisions.
Source : OCDE (2019 [2]), Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0445.
La gestion des ressources humaines axée sur les données peut aider à établir à l’avance une liste des inadéquations éventuelles en matière de main d’œuvre à partir des tendances à long terme. Par exemple, il est possible d’analyser et de prévoir de nombreuses données en examinant la situation actuelle et l’offre de main d’œuvre et en calculant les tendances et les besoins futurs en termes de main-d’œuvre à l’avenir, comme les mouvements de main d’œuvre (augmentation sous l’effet de recrutements, de promotions et de transferts ; diminution en raison de démissions, départs à la retraite et cessations d’emploi involontaires), la différence entre le niveau de main d’œuvre disponible et le niveau requis à l’avenir, les déficits de compétences et les effectifs dans chaque domaine d’emploi. Ces informations peuvent être utilisées pour établir une planification stratégique de la main d’œuvre de façon à remédier au manque de main d’œuvre dans chaque domaine d’emploi et à accroître la compétitivité future de l’organisation.
Citons, par exemple, le ministère mexicain de l’Énergie, qui applique une planification de la main d’œuvre en vue de repérer les déficits de compétences actuels et futurs dans les métiers du secteur du pétrole et du gaz sur un horizon de 10 ans. « Ce modèle s’appuie sur un certain nombre de variables macroéconomiques telles que le prix du pétrole et les taux de change, qui sont fortement corrélées à la demande et à l’offre de main-d’œuvre qualifiée. À partir des déficits de compétences essentielles mis en évidence, le ministère est en mesure de travailler de façon proactive avec de multiples intervenants pour y remédier. Fort de cette initiative, le ministère a élargi l’utilisation de la planification et de l’analyse de la main-d’œuvre à d’autres domaines de sa compétence, comme les énergies renouvelables et l’utilisation durable des ressources » (Deloitte, 2016).
2. Retenir les meilleurs talents/rétention ciblée
Si la planification stratégique de la main d’œuvre peut prendre en compte la rotation du personnel en la faisant entrer dans la modélisation, l’analytique prédictive va plus loin : elle peut analyser la rotation volontaire afin de réduire ce type d’attrition dans les organisations, en particulier celle qui concerne les personnes les plus performantes. De fait, pour les employeurs, non seulement la rotation des effectifs représente un coût important en termes de perte de productivité et de connaissances de l’organisation, mais elle engendre également des coûts irrécupérables liés au recrutement, à l’apprentissage et au perfectionnement. Elle a aussi un effet sur les citoyens dans le sens où elle génère des discontinuités dans la mise en œuvre des politiques et mine la qualité de la prestation de services. D’après un rapport de l’Institute for Government, groupe de réflexion britannique, la rotation excessive des effectifs dans les ministères coûte chaque année entre 36 millions de GBP et 74 millions de GBP en termes de recrutement et de formation et en perte de productivité (”Moving On”, 2019). Alors que la concurrence s’intensifie sur les marchés du travail, l’analytique prédictive est utilisée pour prévenir et éviter la rotation volontaire, en particulier dans certaines catégories d’employés.
De telles prévisions doivent, cependant, reposer sur des modèles robustes des déterminants de la rotation volontaire. Plusieurs études ont essayé de mettre en évidence les causes précises des démissions dans la fonction publique. Cette application de l’analytique prédictive, qui s’appuie sur certains « signaux », se fonde sur des modèles utilisant des données anciennes ou actuelles pour repérer les membres du personnel présentant un « risque élevé » de départ.
Plusieurs études ont cherché à dégager des variables explicatives de la rotation volontaire. Elles ont mis en évidence de très nombreux facteurs. D’après une analyse des travaux antérieurs, les principaux déterminants de la rotation volontaire sont l’âge, l’ancienneté, la rémunération, la satisfaction professionnelle générale et le sentiment d’équité. D’autres travaux de recherche similaires laissent penser que les variables personnelles ou démographiques — à savoir l’âge, le sexe, l’appartenance ethnique, la formation et la situation matrimoniale — constituent d’importants facteurs prédictifs de la rotation volontaire. D’autres caractéristiques ont également été étudiées : le salaire, les conditions de travail, la satisfaction professionnelle, l’encadrement, la progression de carrière, la reconnaissance, les possibilités d’évolution professionnelle et le burn-out (Punnoose et Pankaj, 2016).
La plupart des études portent principalement sur le secteur privé, mais les fonctions publiques commencent à mener des études similaires. Aux États-Unis, les chercheurs ont utilisé une base de données contenant des informations sur les fonctionnaires fédéraux provenant du Bureau de gestion du personnel de l’administration fédérale des États-Unis (Office of Personnel and Management), telles que l’âge, le type d’administration, le sexe, le niveau de rémunération, la situation géographique, l’ancienneté, le type de profession, le régime de rémunération et le statut d’emploi (temporaire, temps plein, etc.). Des régressions logistiques ont fait apparaître plusieurs résultats concernant la probabilité de démission : cette dernière baisse significativement à mesure que l’ancienneté augmente ; elle augmente ou baisse selon l’âge de l’employé et elle est plus faible lorsque l’employé relève du régime de rémunération standard. En comparant l’âge et l’ancienneté, on trouve, pour les démissions, un pic à 6.25 années d’ancienneté environ, indépendamment de l’âge (Frye et al., 2018).
À partir de ces modèles, les professionnels et les responsables de la gestion des ressources humaines peuvent agir en proposant des augmentations de salaire, des opportunités professionnelles ou des aménagements des conditions de travail (formules d’organisation du travail modulables, télétravail par exemple), selon les préférences des équipes ou des individus, en fonction du degré de granularité des données. Cependant, beaucoup font remarquer que l’analytique prédictive appliquée à l’attrition soulève des problèmes éthiques dans le sens où les données peuvent faire émerger des corrélations dangereuses et sans fondement et risquent d’induire les responsables en erreur. Ainsi, la mise en évidence d’une relation entre genre et attrition peut conduire un responsable peu soucieux de l’éthique à désavantager certains candidats. En outre, d’aucuns estiment que la prise en compte de certaines données fausserait les résultats. Par exemple, les individus ne déclarent pas toujours des données exactes, en particulier lorsqu’ils pensent que leurs réponses seront utilisées par leur organisation pour modéliser des prévisions.
3. Prévoir le leadership inclusif dans la fonction publique
La gestion des ressources humaines axée sur les données peut aussi faciliter la réalisation à l’avenir d’objectifs précis en matière de développement de la main d’œuvre. Par exemple, la Commission de la fonction publique (Public Service Commission) de l’État de la Nouvelle-Galles du Sud en Australie a adopté une approche axée sur les données pour concevoir des politiques en matière d’inclusion et de diversité et assurer un suivi des progrès réalisés (OCDE, 2019).
La Commission souhaitait assurer un suivi des progrès réalisés par les agences pour atteindre leurs objectifs en matière de diversité. Pour cela elle a élaboré un modèle prédictif de la proportion de femmes occupant des postes de direction à partir des pratiques actuelles de recrutement et de cessation d’emploi dans le secteur public. Cette mesure a ensuite été étendue à chaque catégorie sectorielle et est devenue le point de départ pour démontrer que ce taux allait peu évoluer à moins de mettre en place un cadre d’initiatives à fort impact à l’échelle de l’administration toute entière. Grâce à ce modèle prédictif, la Commission de la fonction publique est arrivée à la conclusion suivante : pour atteindre un taux de 50 % de femmes aux postes à responsabilité d’ici 2025 dans le secteur public, six nouvelles recrues sur dix devaient être des femmes, au lieu de quatre sur dix. D’après les données actuelles, ce taux s’élève désormais à 5.5 sur 10.
Ces exemples illustrent les possibilités qu’offre la gestion des ressources humaines axée sur les données en matière de prévision et de planification en vue d’améliorer les politiques de ressources humaines. Si l’on se concentre sur un ensemble d’objectifs futurs, il est possible d’obtenir un aperçu des défis actuels qui peuvent entraver la réalisation de ces objectifs en combinant de multiples sources de données. Dans tous les exemples présentés plus haut, on peut appliquer des scénarios axés sur les données pour faire apparaître différentes versions de l’avenir. Un autre aspect intéressant est que les données sur la main-d’œuvre sont facilement accessibles puisque les sources de données sont internes. La plupart des services de ressources humaines ont accès à des points de données clés sur la composition du personnel, les tendances en termes de mobilité et les goulets d’étranglement. La difficulté consiste à rendre ces données instructives et à investir dans les compétences nécessaires pour analyser ces données et trouver des idées et des solutions.
Suivi (de la situation actuelle) et évaluation (de la situation passée)
Selon le cadre de l’OCDE concernant le secteur public axé sur les données, ce grand domaine montre que les données sur les ressources humaines peuvent être utilisées pour mieux comprendre l’état de la main d’œuvre et la prestation de services de ressources humaines dans le présent. Les données sur les ressources humaines peuvent être utilisées pour résoudre des problèmes en mettant en évidence les besoins de différentes parties prenantes, comme les services de ressources humaines, le personnel et d’autres parties concernées, et en améliorant l’efficacité et l’efficience des politiques de ressources humaines en orientant le processus décisionnel grâce à la remontée d’informations qu’elles permettent par l’évaluation de l’impact des politiques de ressources humaines. Lorsque des données sont collectées de façon régulière et correctement organisées, la gestion des ressources humaines axée sur les données peut réduire significativement le temps qui s’écoule entre la mise en œuvre d’une décision et son évaluation — dans la mesure où elle permet de repérer des problèmes dès leur apparition et de prendre des mesures presque en temps réel. Ces deux aspects sont traités ensemble dans cette étude de cas.
Suivi des politiques de ressources humaines
Étant donné que la gestion des ressources humaines constitue un levier stratégique pour réaliser les objectifs des pouvoirs publics, la plupart des pays de l’OCDE cherchent à améliorer leurs approches de la gestion des ressources humaines grâce à l’innovation. Les exemples qui suivent montrent la façon dont les données sur les ressources humaines collectées dans le cadre d’activités de suivi et d’évaluation peuvent être utilisées pour stimuler l’innovation en matière de conception et de mise en œuvre des politiques et des processus de gestion des talents.
Le programme HRStat aux États-Unis
HRStat est un processus d’examen axé sur les données qui vise à améliorer les résultats sur le plan du capital humain, à renforcer la capacité des agences à atteindre leurs buts et objectifs stratégiques et à créer une culture propice à l’utilisation d’examens axés sur les données qui éclairent la prise de décision en matière de capital humain. Le Bureau de gestion du personnel de l’administration fédérale des États-Unis (Office of Personnel Management) a présenté HRStat aux professionnels des ressources humaines appartenant à l’administration fédérale, en 2013 (US Office of Personnel Management, 2017)
Les examens réalisés à l’aide d’HRStat sont centrés sur des enjeux liés aux ressources humaines spécifiques, mis en évidence et étudiés à l’aide d’analyses de données et de processus de suivi et d’évaluation. Ces examens ne présentent donc pas seulement des données sur les ressources humaines portant sur des aspects comme le taux d’attrition, l’achèvement de plans d’évaluation des performances, le nombre de décisions de recrutement ou les taux de participation aux formations. En réalité, les agences fédérales mènent des examens axés sur les données dans des domaines liés aux ressources humaines qui doivent être améliorés en introduisant des innovations ou en renforçant l’efficience économique par exemple.
Ainsi, les agences peuvent utiliser des examens réalisés à l’aide d’HRStat afin d’évaluer leurs demandes de travail, de nouveaux impératifs de mission et des tendances concernant la main d’œuvre qui devraient avoir une incidence sur les besoins en compétences. Elles peuvent également y avoir recours pour évaluer les stratégies et les interventions en matière de ressources humaines qui visent à réduire ou à faire disparaître les déficits de compétence dans les postes extrêmement importants ou pour comprendre pourquoi certaines interventions pourraient permettre d’atténuer le risque d’attrition dans les postes à fort impact. De cette façon, HRStat facilite la constitution d’éléments empiriques qui éclairent la prise de décision et offrent aux agences la possibilité d’affiner leurs connaissances de façon continue afin d’améliorer les processus touchant aux ressources humaines. Mener des examens à l’aide d’HRStat permet également aux agences d’évaluer leurs progrès, d’affiner leurs stratégies et de produire des informations quantifiables et démontrables sur des résultats fructueux sur le plan du capital humain.
Tableau C.1. Indicateurs couramment utilisés par les agences dans les examens réalisés à l’aide d’HRStat
Catégories |
Indicateurs |
Enquête sur les perceptions du personnel fédéral (Federal Employee Viewpoint Survey) |
Indicateur d’implication, indicateur de charge de travail, quotient d’inclusion, intention de quitter son poste, indicateur de gestion des talents, indicateur de satisfaction professionnelle, indicateur d’inclusivité de l’environnement de travail, indicateur de leadership, etc. |
Recrutement |
Délai de recrutement, nombre de candidats, qualité des candidats, caractéristiques démographiques/diversité, statut au regard du handicap, degré de satisfaction des candidats, etc. |
Formation |
Validation de la formation, satisfaction à l’égard de la formation, satisfaction à l’égard du mentorat, etc. |
Gestion des performances |
Évaluation des performances, analyse du processus de gestion des performances |
Base de données sur le personnel des agences |
Promotion, caractéristiques démographiques (profession, ancienneté, diversité, vétéran, handicap), télétravail et aménagements de l’emploi du temps, santé et bien-être, attrition, etc. |
Source : (US Office of Personnel Management, 2017[14]).
Le programme HRStat comprend également un modèle de maturité (voir graphique C.7), qui propose un cadre de diagnostic permettant d’évaluer le niveau de maturité de la gestion des ressources humaines axée sur des données appliquée par une agence. Le modèle de maturité joue le rôle d’une feuille de route ambitieuse et orientée vers l’action qui aide les agences à déterminer les domaines à améliorer et leur permet de suivre leurs progrès au fil du temps.
Le modèle de maturité d’HRStat s’articule autour de trois éléments constitutifs :
1. Portée de l’impact — niveau d’intégration des indicateurs dans l’évaluation de la réalisation des missions de l’agence.
2. Actions et efforts — renforcement des capacités de l’agence à utiliser des données sur les ressources humaines pour éclairer la prise de décision dans l’ensemble de l’agence.
3. Performance d’HRStat — progression des indicateurs d’une agence au regard des objectifs d’amélioration et validation à l’aune de repères extérieurs.
Pour chaque élément constitutif, il existe quatre degrés de maturité (maturité minimale, naissante, avancée et optimale). À partir de ces quatre degrés de maturité, le modèle de maturité de HRStat détermine cinq domaines à étudier : analyse, technologie, talent/personnel, collaboration et leadership.
Corée : indicateurs de diagnostic des innovations dans le domaine des ressources humaines
La Corée offre un autre exemple d’application de la gestion des ressources humaines axée sur les données au suivi et à l’évaluation. En Corée, la demande d’intégrité et de confiance du public dans l’administration est forte, d’où la nécessité de gérer les ressources humaines de façon transparente et responsable. La mise en place, en 2014, du ministère de la gestion des ressources humaines (MPM, Ministry of Personnel Management) chargé de l’innovation dans le domaine des ressources humaines a renforcé la demande d’efficacité et de réactivité en matière de gestion des ressources humaines. Dès 2015, le ministère a mis au point des indicateurs de diagnostic des innovations dans le domaine des ressources humaines et les a utilisés pour réaliser des évaluations objectives (Korea Ministry of Personnel Management, 2018).
À partir de ces indicateurs, le MPM évalue les initiatives novatrices dans le domaine des ressources humaines pour chaque entité publique et formule des commentaires de façon à permettre à l’entité publique concernée d’accroître sa capacité d’innovation à l’aide d’un cycle plan d’action, action, observations et retour d’informations.
Ces indicateurs portent sur cinq aspects :
1. la capacité de mise en œuvre, qui mesure les efforts déployés par les agences en vue de réaliser des innovations dans le domaine des ressources humaines et la qualité des projets d’innovation
2. l’emploi, qui mesure le degré d’ouverture et de diversité des recrutements
3. la valorisation des ressources humaines, qui mesure les perceptions du personnel et sa connaissance des possibilités de développement professionnel et des initiatives mises en place par l’organisation pour valoriser la main d’œuvre
4. l’expertise et la gestion des performances, qui mesurent le degré de conformité de la mise en œuvre de différents programmes afin de garantir le respect des normes professionnelles, dont la gestion des performances
5. l’amélioration de l’environnement et des conditions de travail, qui mesure les efforts déployés par l’organisation en vue d’encourager le personnel à utiliser les congés pour raisons personnelles et les formules d’organisation du travail modulables et en vue de lutter contre la discrimination au sein de la fonction publique.
Le MPM utilise toute une série de méthodes pour mesurer ces indicateurs. Les méthodes quantitatives s’appuient notamment sur des indicateurs comme le taux de postes à pouvoir et le taux d’emploi et l’augmentation de la proportion de femmes à des postes de direction. Ces méthodes sont complétées par des méthodes quantitatives, comme l’évaluation de la qualité des plans d’action en matière d’innovation dans le domaine des ressources humaines et la pertinence des plans de formation ; ainsi que par des enquêtes sur le niveau de connaissances (concernant les formules d’organisation du travail modulables, notamment) et de satisfaction (à l’égard des possibilités de développement professionnel, par exemple).
Dans le cadre de l’innovation collaborative, le MPM établit des indicateurs avec des entités publiques et des experts externes après un examen approfondi. Par ailleurs, les indicateurs font chaque année l’objet de corrections, en fonction des orientations annuelles du MPM en matière d’innovation, des retours d’informations des entités participantes et de l’évolution de la situation.
Le MPM formule des commentaires aux entités participantes et met en place des incitations (formation à long terme à l’étranger, par exemple). Il propose également des conseils sur mesure aux entités moins performantes qui le souhaitent. De plus, le MPM organise des ateliers trimestriels pour diffuser les bonnes pratiques et définir des objectifs de référence.
Difficultés soulevées par la mise en œuvre de la gestion des ressources humaines axée sur les données dans le secteur public
La mise en œuvre de la gestion des ressources humaines axée sur des données par les administrations publiques se heurte à différents types d’obstacles :
des obstacles techniques (ayant trait aux ressources et aux infrastructures liées aux technologies de l’information)
des obstacles juridiques (confidentialité des données)
des obstacles touchant aux ressources humaines (manque de compétences et de connaissances des responsables de la gestion des ressources humaines et des cadres supérieurs).
Ces obstacles constituent souvent la raison pour laquelle les praticiens de la gestion des ressources humaines dans les entités publiques sont perçus comme moins enclins à appliquer une gestion des ressources humaines axée sur les données que leurs homologues du secteur privé. Cette section examine ces difficultés en détail en vue d’aider les praticiens à anticiper les obstacles éventuels et à faire en sorte qu’ils disposent de l’assise adéquate pour adopter efficacement à terme les pratiques associées à la gestion des ressources humaines axée sur les données.
Gouvernance, infrastructures et ressources en matière de technologies de l’information
La gestion des ressources humaines axée sur des données tire sa force de la compilation et de l’analyse de données provenant de nombreuses entités et organisations. Comme expliqué plus haut, plusieurs types de données très utiles (rémunération, ancienneté, données d’opinion, informations sur l’expérience professionnelle, la formation et les performances et indicateurs liés à la gestion des ressources humaines comme le taux de rotation, les congés de maladie, entre autres) qui viennent généralement alimenter les plateformes et les analyses relevant de la gestion des ressources humaines axée sur les données. La difficulté est de parvenir à combiner des données provenant de plusieurs organisations ou bases de données utilisant chacune des formats ou des indicateurs différents. Il s’avère délicat d’assurer l’exactitude et la comparabilité des données dans ce genre de cas, à moins d’avoir réalisé au préalable un contrôle de qualité ou un travail d’harmonisation. Cette tâche est encore plus ardue dans la mesure où les données provenant de sources extérieures (à l’administration publique), comme les médias sociaux, sont de plus en plus utilisées dans les exercices de gestion des ressources humaines axée sur les données.
En outre, l’adoption de la gestion des ressources humaines axée sur les données suppose que les organisations changent la façon dont les données sont collectées et stockées. Ces changements ne portent pas que sur les systèmes informatiques eux-mêmes — comme l’introduction de l’informatique en nuage, de plateformes et de logiciels relevant de la gestion des ressources humaines axée sur les données, etc. — mais aussi sur les processus économiques sous-jacents. Ainsi, pour conserver les données sur la masse salariale, la ponctualité ou les performances, il sera nécessaire d’adapter les nouveaux systèmes et méthodes informatiques en matière de collecte, de saisie et de stockage des données. De telles réformes ne passent pas seulement par une évolution des processus, elles nécessitent également des ressources financières pour concevoir et installer des outils relevant de la gestion des ressources humaines axée sur les données et pour former le personnel aux nouveaux systèmes. Or, les mesures d’austérité qui ont touché le secteur public assez récemment ont limité les dépenses dans le domaine des technologies de l’information et de nombreux responsables ne sont toujours pas convaincus de l’intérêt économique de tels investissements.
En réponse à ces difficultés, la plupart des organisations ont abordé la collecte de données pertinentes sans plan cohérent, en commençant par les données disponibles avant de constituer petit à petit des bases de données détaillées en partenariat avec d’autres organisations (aspects financiers, masse salariale, ressources humaines, etc.). Il est souvent nécessaire de faire émerger un consensus, de mettre en place une excellente communication et d’apporter un solide soutien (sous la forme d’orientations écrites, de moyens humains ou de ressources informatiques) pour parvenir à associer d’autres organisations. Par ailleurs, l’expérience à montrer qu’il était plus facile de remporter l’adhésion des responsables et d’obtenir leur participation en monétisant les avantages de l’adoption des outils et des techniques de gestion des ressources humaines axée sur les données (sur le plan de l’amélioration des performances et des résultats au niveau de l’organisation) et en partageant les pratiques et les expériences de ceux qui ont endossé un rôle de pionnier dans l’administration publique.
Contraintes légales, protection de la vie privée et respect de la confidentialité
Les contraintes légales qui restreignent le type d’informations que les entités publiques peuvent collecter, stocker et analyser constituent un autre obstacle à l’adoption de la gestion des ressources humaines axée sur les données par le secteur public. De fait, qu’il s’agisse de la rémunération, de la performance, de données sur la santé ou d’autres informations personnelles, les informations sur le personnel qui sont collectées et conservées constituent des données sensibles. Il existe des règles strictes qui protègent la vie privée des membres du personnel dans de nombreux pays de l’OCDE. Par exemple, le règlement général sur la protection des données établi par l’Union européenne (UE), définit les données à haut risque comme celles qui sont « susceptible[s] d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques » et qui, à ce titre, exigent une plus grande protection. Les organisations qui sont victimes d’atteintes à la protection des données sont passibles de sanctions et d’amendes élevées pour avoir enfreint ce règlement. En outre, la législation anti-discrimination de nombreux pays de l’UE limite également les types d’informations que les organisations peuvent collecter sur les membres de leur personnel. Ainsi, dans de nombreux pays européens, il est illégal de conserver des données sur les minorités ethniques et les personnes en situation de handicap peuvent refuser d’être considérées comme telles. De plus, en raison de possibilités de triangulation et de reconfiguration offertes par données massives, il semblerait que l’anonymat des informations individuelles ne puisse peut-être même pas être garanti.
Le cadre OCDE de protection de la vie privée (OCDE, 2013) recommande de respecter plusieurs principes en matière de traitement des données à caractère personnel : principe de la limitation en matière de collecte, principe de la qualité des données, principe de la spécification des finalités, principes de la limitation de l’utilisation, principe des garanties de sécurité, principe de la transparence, principe de la participation individuelle et principe de la responsabilité. Par ailleurs, le règlement européen général sur la protection des données est entré en vigueur en mai 2018. Il remplace la Directive 95/46/CE sur la protection des données et a permis non seulement d’harmoniser les lois sur la protection des données personnelles dans toute l’Europe, mais aussi de fournir une nouvelle base de référence pour protéger les citoyens de l’UE et leur donner accès aux données les concernant (van Ooijen, Ubaldi et Welby, 2019).
Cependant, plus que dans le cas des risques financiers, les employeurs s’inquiètent en outre de la perte de confiance qu’entraîneraient chez les membres de leur personnel une atteinte à la protection des données ou l’impression que leur vie privée a été violée (par exemple, si des données collectées lors d’enquêtes auprès du personnel étaient utilisées sans leur consentement ou à des fins auxquelles ils n’ont pas donné leur accord). Les employeurs, y compris les entités du secteur public, courent le risque de perdre leur crédibilité et de peiner à recruter les meilleurs talents, rencontrer des problèmes de rétention et pâtir de faibles niveaux de satisfaction et d’implication du personnel.
Manque de compétences analytiques
Jusqu’à récemment, la gestion des ressources humaines ne mettait pas l’accent sur les compétences quantitatives et la majorité des professionnels des ressources humaines n’avait jamais reçu de formation en analytique RH. Les compétences utiles ne relèvent pas seulement de l’informatique (trier des données, concevoir et alimenter des tableaux de bord, etc.) ou de la statistique (faire des régressions), mais concernent surtout la mise en récit. En d’autres termes, ceux qui appliquent l’analytique RH doivent être capables de poser les bonnes questions et d’utiliser les données de façon à répondre directement aux problèmes économiques et à améliorer les résultats. À ce titre, ils doivent notamment être capables de représenter visuellement les données de façon percutante.
Jusqu’à présent de nombreuses organisations ont adopté une approche double, combinant intensification de la formation en analytique RH et recrutement de spécialistes de la science des données pour créer des équipes/groupes pluridisciplinaires autour de l’analytique RH. Ainsi, les décisions en matière de gestion des ressources humaines prises par Google sont étayées par une puissante « équipe d’analytique des talents », constituée de sociologues qui réalisent des expériences, des enquêtes et des recherches en archives visant à éclairer ce type de décisions.
En juin 2019, le Bureau de gestion du personnel de l’administration fédérale des États-Unis a publié une note sur la création du poste de spécialiste de la science des données dans les entités publiques. Dans le même esprit, Affaires mondiales Canada a conçu un programme de formation pilote en analyse de données dans le cadre de sa stratégie globale en matière de données afin d’accroître la capacité de son personnel à utiliser davantage les données lors de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. La fonction publique britannique (UK Civil Service) a également lancé un programme de renforcement des capacités axé sur le numérique, les données et les technologies (Digital, and Technology Fast Stream) afin d’attirer dans le secteur public des personnes disposant de compétences numériques, comme des spécialistes des sciences numériques, et d’accroître leurs compétences.
Références
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