Le présent chapitre évoque le rôle important que les solutions d’administration numérique peuvent jouer dans la transformation générale d’un pays. Il aborde ensuite l’état actuel de la réflexion sur l’utilisation des données au sein du secteur public. Il conclut en annonçant la structure du reste du rapport, ainsi que l’impact et les possibilités qui pourront en découler.
Axer le secteur public sur les données : marche à suivre
1. Chapitre introductif
Abstract
Les solutions d’administration numérique sont fondamentales pour transformer un pays
La montée en puissance des données et des technologies numériques bouleverse nos économies et nos sociétés à un rythme très soutenu, avec des implications considérables pour la marche quotidienne des administrations publiques. Ces outils ouvrent la possibilité de réinventer des tâches routinières comme le traitement de documents ou l’orientation des administrés souhaitant poser une question. Ils peuvent aussi permettre d’améliorer la prestation des services publics, par exemple en accélérant les diagnostics fondés sur l’imagerie médicale, en automatisant les transports publics ou en détectant en temps réel les risques de commission d’infractions.
Les administrations publiques du XXIe siècle doivent s’adapter aux exigences des citoyens, tous en subissant des pressions budgétaires toujours plus grandes et tout en faisant face à de nouveaux défis sur le plan de l’action publique. En parallèle, elles doivent être conscientes que tout échec ou maladresse dans leur adaptation à cet environnement nouveau et mouvant les expose à des risques réels pouvant déboucher sur une dégradation du niveau de confiance des citoyens.
Les travaux de l’OCDE sur l’administration numérique et les données publiques ouvertes accompagnent les pays sur le chemin de la « transition numérique » qu’ils ambitionnent (voir Annexe A). En réalisant des travaux de recherche, en formulant des conseils et en offrant des possibilités de collaboration, l’OCDE les aide à réexaminer leur rôle, leur périmètre d’action et leurs méthodes de travail à la lumière des technologies numériques. Ces travaux relèvent de la mission de la Direction de la gouvernance publique de l’OCDE, qui s’emploie à aider les pays, une fois qu’ils ont repéré les possibilités offertes par une technologie, à la mettre en application dans le cadre des réformes de leur secteur public. L’objectif est de concevoir et mener l’action publique en tenant compte des nouvelles possibilités liées à un modèle sociétal imprégné de numérique et fonctionnant en réseau, et de créer de nouvelles formes d’interaction entre l’État, les particuliers et les entreprises.
Pour permettre à ces possibilités de se concrétiser, un changement de paradigme s’impose sur le plan de l’utilisation des technologies numériques et des données au sein de la sphère publique : il faut passer de « l’administration électronique » à « l’administration numérique ». Une démarche d’« administration électronique » considère la technologie comme une solution permettant de gagner en efficience en assurant par voie électronique un processus analogique préexistant ; l’accent est mis sur la mise en œuvre des outils technologiques. Les démarches d’« administration numérique » ne répondent pas à la même logique, et les outils technologiques y occupent une place secondaire. Ces démarches visent avant tout à répondre à un besoin de l’usager en réimaginant les services et les processus. Cette transformation numérique va de pair avec l’instauration de cultures internes de « conception numérique » (« digital by design ») qui transforment les comportements de chaque entité publique.
Le souhait de mettre les technologies numériques et les données au service d’un secteur public plus ouvert, plus innovant et plus efficient est à l’origine de l’élaboration de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les stratégies numériques gouvernementales (OCDE, 2014[1]). Dans le cadre de cette Recommandation, l’OCDE a énoncé les grandes conditions à réunir pour mener à bien une transformation numérique. Ces conditions ont été entérinées par les 36 pays de l’OCDE, ainsi que par 10 non-Membres qui ont adhéré à la Recommandation1. Entreprendre la transformation numérique, ce n’est pas simplement utiliser des outils technologiques à l’appui des activités des administrations : c’est repenser les besoins des administrés, et les associer en tant que parties prenantes à l’action des pouvoirs publics, en cessant de les considérer uniquement comme les bénéficiaires de cette action. Cela implique que l’administration cesse de se borner à formuler des hypothèses sur les besoins des particuliers et des entreprises, et qu’elle leur donne les moyens de collaborer avec elle pour lui expliquer et lui faire comprendre ces besoins, et pour trouver avec elle les meilleures solutions. Ce processus devrait permettre à l’administration de mieux assurer le bien-être des citoyens en étant de plus en plus réactive, protectrice et digne de confiance (Encadré 1.1).
Encadré 1.1. L’impact de l’administration numérique sur le bien-être des citoyens
Les pays qui font le choix de l’administration numérique peuvent améliorer les conditions de vie de leurs citoyens en s’appuyant sur le numérique, les données et les technologies pour adopter les pratiques suivantes, afin de créer une administration plus réactive, plus protectrice et plus digne de confiance :
Une administration réactive…
… associe les administrés à toutes les étapes de la conception et de la prestation des services et politiques publics, afin de veiller à ce que leurs besoins aient été compris, et continuent de l’être.
… s’emploie activement à contacter les usagers là où ils passent du temps (en ligne en dans le monde réel), et les associe à la conception et à la prestation des services publics.
… ne se contente pas de mettre en œuvre des outils technologiques, et réfléchit à la façon dont l’administration est organisée et au vécu des usagers, de bout en bout.
Une administration protectrice…
… s’emploie en priorité à protéger la population des menaces extérieures pour la sécurité numérique et à assurer la fiabilité et la sécurité des services assurés.
… encourage les efforts déployés pour rétablir et diffuser la confiance dans l’espace numérique.
… réfléchit à la réglementation en termes de réalisations, plutôt que de mener une réflexion cantonnée à telle ou telle technologie.
Une administration digne de confiance...
… trouve le bon équilibre entre la sécurité en ligne et les libertés démocratiques, afin de donner confiance à la population.
… assure des services de qualité qui montrent qu’elle comprend les usagers et qu’elle est ouverte à toute remise en cause et à tout retour d’information.
… montre aux citoyens ce qu’elle fait et donne aux individus la possibilité de voir et de contrôler l’utilisation qui est faite de leurs données.
Source : Welby, B. (2019[2]), « The impact of digital government on citizen well-being », https://doi.org/10.1787/24bac82f-en.
La Recommandation du Conseil sur les stratégies numériques gouvernementales (OCDE, 2014[1]) formule 3 piliers et 12 principes visant à assurer une bonne conception, une bonne élaboration et une bonne mise en œuvre des stratégies d’administration numérique, afin de réussir la transformation numérique. Les six dimensions illustrées par le Graphique 1.2 déterminent le degré de maturité d’une stratégie d’administration numérique :
1. Un secteur public axé sur les données : reconnaissance de l’importance des données en tant qu’outil fondamental permettant aux composantes du secteur public de collaborer pour prévoir les besoins, pour organiser la prestation des services publics, pour comprendre les changements et pour y réagir.
2. L’ouverture par défaut : volonté des pouvoirs publics de collaborer par-delà les frontières administratives ainsi qu’avec des acteurs extérieurs à la sphère publique ; il s’agit d’un marqueur important d’une culture qui intégrera les principes de transparence et de redevabilité qui sous-tendent les modes de travail numériques.
3. Une administration plateforme : construction d’un écosystème visant à apporter aux agents publics le soutien et les moyens nécessaires pour mener des politiques publiques et assurer des services publics en encourageant la collaboration avec les particuliers, les entreprises et la société civile, entre autres.
4. La conception numérique : volonté de l’administration d’aborder le numérique en ayant analysé l’ensemble des activités stratégiques nécessaires pour favoriser une transformation réussie et durable en modifiant les processus et la culture de la prestation des services publics.
5. Un fonctionnement axé sur l’usager : démarche de prestation des services publics permise par une culture d’ouverture et mue par une ambition visant à pratiquer une conception numérique des services publics afin d’intégrer et de se laisser guider par les besoins des usagers plutôt que par les hypothèses des pouvoirs publics.
6. La proactivité : aptitude des administrations à anticiper et à répondre rapidement aux besoins des administrés grâce la mise en œuvre des cinq dimensions susmentionnées. Une administration transformée permet de traiter les problèmes de bout en bout, plutôt que de procéder au coup par coup à la numérisation de telle ou telle composante.
Le présent rapport porte sur le premier de ces aspects : « un secteur public axé sur les données ». Toutefois, il est important de garder à l’esprit qu’il ne s’agit que l’une des six dimensions qui permettent collectivement d’assurer une bonne mise en œuvre des solutions d’administration numérique.
Vers un secteur public axé sur les données
Ces dix dernières années, les déclarations ambitieuses quant aux perspectives économiques et sociétales ouvertes par l’exploitation des données n’ont pas manqué. Si certaines de ces ambitions ont abouti, des exemples célèbres ont montré à quel point la question de l’utilisation des données pouvait entamer la confiance à l’égard des institutions. L’exemple le plus notable de ces dernières années tient sans doute à l’utilisation des données de Facebook à des fins politiques. L’espoir de transformer les promesses liées aux données en retombées tangibles, mesurables et cohérentes reste difficile à concrétiser.
C’est particulièrement vrai au sein du secteur public, où le poids des technologies déjà en place, un certain manque de compétences et l’existence d’obstacles d’ordre juridique ralentissent la transformation numérique en cours. Néanmoins, on reconnaît de plus en plus le rôle important que les données sont appelées à jouer pour sous-tendre, façonner et éclairer l’activité du secteur public dans son ensemble. Des efforts déployés dans le domaine de l’ouverture des données publiques ont conduit à publier des séries de données afin de stimuler l’innovation dans le secteur privé, d’offrir plus de possibilités à l’ensemble des acteurs économiques et de renforcer la redevabilité de l’administration. Dans le cadre d’autres actions, on a cherché à développer l’utilisation interne des données afin de créer de la valeur, en donnant aux agents publics les moyens d’utiliser les données dans le cadre de leur travail. Les possibilités ouvertes par des technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et la technologie des registres distribués soulèvent aussi de nouvelles difficultés liées à la qualité des données et aux considérations liées aux droits à protéger et à l’éthique (van Ooijen, Ubaldi et Welby, 2019[4] ; Berryhill, Bourgery et Hanson, 2018[5] ; Ubaldi et al., 2019[6]).
Certains pays ont réalisé d’importants progrès et, à titre individuel, des entités ont obtenu des résultats impressionnants grâce aux données. De même, des initiatives telles que la Déclaration sur les données à 360° du D9 (Digital Nations) (2019[7]) montrent que cette thématique suscite un intérêt croissant. Toutefois, les pays n’ont pas encore réussi à mettre en place, que ce soit au niveau du centre de gouvernement ou au sein de chaque entité du secteur public, des dispositifs cohérents permettant aux données d’être considérées et financées comme un outil fondamental permettant de créer de la valeur publique en améliorant l’action publique, la prestation des services publics et la gestion des performances.
Le présent rapport montre en quoi des solutions axées sur les données peuvent aider les secteurs publics à être plus ouverts, plus innovants et plus agiles. Pour les pays qui souhaitent tirer le meilleur parti d’un secteur public axé sur les données, la difficulté consiste à mettre en place des conditions propices et à faciliter les comportements souhaités de façon à assurer une cohérence à l’échelle de l’ensemble du secteur public. Un secteur public véritablement axé sur les données :
admet que les données sont un actif stratégique crucial, en définit la valeur et en mesure l’impact ;
s’emploie activement à lever les entraves à la gestion, au partage et à la réutilisation des données ;
utilise les données pour transformer la conception, la prestation et le suivi des politiques et services publics ;
valorise les efforts visant à publier les données de façon ouverte, ainsi que l’utilisation des données par chaque acteur public et leur partage entre les acteurs publics ;
comprend les droits des citoyens en lien avec les données, que ce soit en termes de respect de l’éthique ; de transparence de l’utilisation des données ; ou de préservation de la confidentialité et de la sécurité des données.
Les pays qui se sont dotés, en matière d’utilisation des données, d’une démarche stratégique à l’échelle de l’ensemble du secteur public sont mieux placés pour anticiper les évolutions et les besoins de la société et, par conséquent, pour élaborer des plans à long terme efficaces. De plus, une utilisation active des données peut être précieuse pour éclairer en permanence la conception et la prestation des services publics, ainsi que pour analyser et évaluer tous les types d’activités officielles dans une optique d’amélioration continue. Les données peuvent aussi permettre une transparence quant aux succès et aux échecs rencontrés qui favorise la redevabilité et qui incite les citoyens à s’impliquer et à faire confiance aux autorités.
Il est fondamental que l’exécutif comprenne qu’axer le secteur public sur les données implique d’assurer un leadership sur les questions liées aux données et de doter l’ensemble du secteur public des compétences et de la formation nécessaires. Ce processus concerne l’ensemble des acteurs officiels, qu’ils aient des missions transversales (budgétisation, emploi public, réglementation, intégrité dans le secteur public, etc.) ou sectorielles (éducation, santé, protection sociale).
De plus, une démarche de secteur public axé sur les données vise à combiner les réflexions en cours sur l’ouverture des données publiques et sur les données publiques internes au sein d’une réflexion globale. L’ouverture des données publiques représente un volet important de cette réflexion globale, mais il ne faut plus la considérer comme une politique à part. Que les données soient ouvertes ou non, elles sont concernées au même titre par les bonnes pratiques et politiques de gestion des données publiques évoquées dans le présent rapport. Pour que la démarche de secteur public axé sur les données puisse tenir ses promesses, il faut trouver le bon équilibre entre l’ouverture par défaut des données, la protection des données sensibles et confidentielles, l’éthique et le consentement des citoyens.
L’effet que l’utilisation des données pourrait avoir sur tout un ensemble de retombées de l’action publique est considérable. De nombreux aspects de l’action du secteur public se fondent sur de simples hypothèses quant à l’efficacité des interventions prévues ; les données permettent aux pouvoirs publics de tester ces interventions, et de corriger le tir si nécessaire. En matière de réglementation, par exemple, la possibilité de réaliser une analyse en temps réel à la lumière de sources de données diverses ouvre des perspectives inédites pour repenser entièrement tel ou tel aspect du fonctionnement du secteur public, et pour se détourner des réponses toutes faites au profit de solutions sachant s’adapter à la demande, aux risques et au contexte (OCDE, 2018[8]).
Il est important de comprendre combien les attitudes internes à l’égard de la gestion des risques influent sur l’aptitude à adopter les technologies nouvelles et émergentes. Un secteur public axé sur les données permet d’utiliser efficacement les technologies émergentes telles que l’intelligence artificielle et les registres distribués, entre autres. Le présent rapport énonce la nécessité d’un modèle de gouvernance des données cohérent et complet, qui offre un cadre permettant de gagner la confiance et d’atténuer les risques tout en encourageant les administrations à expérimenter et à innover. Néanmoins, si le leadership et la vision stratégique sont importants, il reste crucial de doter les agents publics des compétences qui leur font défaut en matière de données.
Le présent rapport
Le présent rapport évoque la réflexion en cours sur les tendances, les possibilités et les difficultés liées au modèle de secteur public axé sur les données, et propose des données probantes et des conseils aux pays désireux de tirer pleinement parti des possibilités offertes par ce modèle. Il propose un cadre conceptuel qui aidera les pays à comprendre l’intérêt des données pour le secteur public et à concevoir une démarche stratégique permettant d’en tirer parti.
Le cadre employé pour analyser dans sa globalité le modèle de secteur public axé sur les données englobe les trois aspects suivants : 1) un modèle complet en matière de gouvernance des données (voir le chapitre 2) ; 2) l’utilisation des données à des fins de création de valeur publique (voir le chapitre 3) ; et 3) le rôle des données dans la confiance de la population (voir le chapitre 4). Au sein de ces trois volets, on distingue 12 dimensions secondaires, et c’est la conjugaison des actions menées dans ces différentes dimensions qui permet la mise en œuvre d’un secteur public axé sur les données, conformément aux indications du Graphique 1.3. L’objectif n’est pas de présenter un modèle unique à vocation universelle, mais d’indiquer la voie à suivre à partir de bonnes pratiques issues du monde entier. Aucun pays n’a encore mis en place de démarche holistique en la matière.
Le chapitre 2 est consacré à la gouvernance des données et vise à répondre à la question suivante : « Comment un pays doit-il s’y prendre pour créer des conditions propices à un secteur public axé sur les données ? ». Ce chapitre propose une définition de la notion de gouvernance des données ; énonce la finalité de cette gouvernance ; et décrit la marche à suivre pour mettre en place un cadre commun permettant d’instituer une telle gouvernance. Le présent rapport argue que, si les pays veulent instaurer un secteur public véritablement axé sur les données, ils doivent se doter d’une démarche de gouvernance des données cohérente ; commune à l’ensemble de l’administration ; et dépassant le champ habituel de la réflexion menée sur cette question afin de refléter les éléments indispensables à l’obtention d’avantages systémiques pour la sphère publique. Les éléments constitutifs d’un tel cadre sont les suivants :
mettre en place le leadership et la vision qui permettront de conférer, à l’échelle de l’ensemble du secteur public, une orientation stratégique à la réflexion relative au secteur public axé sur les données ;
encourager une mise en œuvre cohérente du modèle de secteur public axé sur les données, à l’échelle de l’ensemble de l’administration et dans l’enceinte de chaque entité ;
définir ou revoir les règles, les textes, les orientations et les normes associés aux données ;
mettre en place l’infrastructure en matière de données nécessaire pour favoriser la publication, le partage et la réutilisation des données ;
veiller à l’existence d’une architecture des données qui respecte les normes, l’interopérabilité et la sémantique tout au long des opérations de création, de collecte, d’entreposage et de traitement des données.
Le chapitre 3 décrit par quels mécanismes l’utilisation des données crée de la valeur publique. Il évoque d’abord le cycle de valeur des donnés publiques et les moyens dont disposent les pays pour définir et mesurer la « valeur publique ». Il examine ensuite comment cette valeur peut être créée, ou accrue, au moyen de trois types d’activités :
1. l’anticipation et la planification : les pouvoirs publics peuvent utiliser les données dans le cadre dans la conception des politiques, de la planification des interventions, de l’anticipation des évolutions possibles et de la prévision des besoins ;
2. la prestation des services publics et des politiques publiques : ils peuvent utiliser les données pour éclairer et améliorer la mise en œuvre des politiques publiques, la réactivité des pouvoirs publics et la prestation des services publics ;
3. l’évaluation et le suivi : ils peuvent utiliser les données pour mesurer l’impact, contrôler les décisions et suivre les performances.
Il n’existe pas de séparation étanche entre ces trois types d’utilisation des données ; cette distinction vise simplement à souligner les divers aspects de l’action des pouvoirs publics, aux différentes étapes du cycle de l’action publique (conception, prestation et suivi) : les pouvoirs publics préparent l’avenir, agissent dans le présent et évaluent le passé. Chacun de ces aspects éclaire et influence le suivant, selon une logique itérative d’amélioration continue de l’efficacité et de l’efficience des administrations publiques.
Mettre en place une bonne gouvernance des données et tirer parti de ces données pour créer de la valeur publique permettra aux administrations publiques d’améliorer le bien-être des citoyens en leur assurant des services publics de meilleure qualité, plus inclusifs et tenant mieux compte de leurs besoins. Toutefois, l’une des composantes du bien-être des citoyens a une source moins tangible : la confiance à l’égard des pouvoirs publics. Cette confiance se perd beaucoup plus aisément qu’elle ne se gagne, et elle peut souffrir de la façon dont les pouvoirs publics traitent les données des citoyens. Le chapitre 4 examine comment un secteur public axé sur les données peut surmonter ces difficultés et honorer les droits des citoyens en matière de données, par les moyens suivants :
adopter une démarche conforme à l’éthique qui guidera les décisions et les comportements ;
préserver la confidentialité des données et éclaircir les questions liées à la propriété des données et aux permissions données, tout en comprenant les forces en jeu et le point de vue des usagers s’agissant de comprendre l’utilisation de leurs données, d’autoriser cette utilisation et de révoquer cette autorisation ;
assurer la transparence quant aux modalités de l’utilisation des données ;
admettre que, même s’il faut atténuer les risques, la sécurité des services et données publics doit être assurée par des moyens qui n’entravent pas l’action menée pour transformer l’expérience des usagers, ni l’aptitude des agents publics à remplir leur mission.
En présentant les différentes facettes susmentionnées d’un modèle de secteur public axé sur les données (voir Graphique 1.3), le présent rapport a pour objet d’éclairer l’orientation politique et la stratégie adoptées, que ce soit au niveau du centre de gouvernement ou dans le contexte propre à un secteur ou une entité spécifiques. Le rapport s’accompagne de deux études de cas qui présentent des exemples relevant des domaines de l’intégrité du secteur public et de l’emploi et de la gestion publics.
Impact attendu et étapes suivantes
Le présent rapport montre l’importance d’une démarche à l’échelle de l’administration tout entière pour concevoir un modèle de gouvernance des données cohérent et complet, qui permette aux pouvoirs publics de se montrer efficients, transparents et dignes de confiance en la matière, de façon à pouvoir tirer le meilleur parti des données.
Le rapport vise à montrer la voie à suivre. Il propose une vue d’ensemble des pratiques actuelles de plusieurs pays en matière de données. Il aborde également divers thèmes et considérations à prendre en compte pour comprendre le potentiel des données au sein du secteur public. Cette analyse conceptuelle débouche sur 3 piliers et 12 dimensions que les pays et les entités peuvent mettre à profit pour évaluer les différentes composantes nécessaires à un secteur public axé sur les données ; l’OCDE s’est fondée sur ce cadre d’analyse pour son récent examen de l’administration numérique au Panama (OCDE, 2019[9]).
Ce modèle n’est ni universel ni contraignant, mais il peut guider les pays dans leur démarche stratégique visant à instaurer un secteur public axé sur les données. Dans le cadre de son analyse de la gouvernance des données, il fait apparaître les principaux changements que les pays peuvent avoir intérêt à mettre en œuvre. Il présente aussi les avantages potentiels d’un modèle de secteur public axé sur les données en termes de gestion et d’utilisation des données au service de la conception, de la prestation et du suivi des services et politiques publics. De plus, il signale les facteurs à prendre en compte afin de répondre à la nécessité croissante d’aborder l’utilisation des données selon une démarche qui préserve et renforce la confiance.
Pour l’heure, aucun pays n’a cherché à prendre en compte l’ensemble de ces éléments. Si le présent rapport peut être utile à des publics très différents, des novices jusqu’aux experts, il vise avant tout à offrir à ceux qui sont chargés de piloter et d’élaborer des stratégies en matière de données un cadre leur permettant de tenir compte de chacune des dimensions qui, collectivement, portent la transformation numérique. Il propose des éléments probants permettant d’expliquer l’impératif politique lié à cette transformation, mais aussi l’intérêt des données dans le cadre de démarches proactives et préventives de gestion des risques, de productivité du secteur public et d'innovation dans le secteur public.
On trouvera dans le présent rapport une série de conclusions qui pourraient servir de point de départ à l’élaboration d’une nouvelle Recommandation de l’OCDE. Cette Recommandation décrirait les mesures concrètes à mettre en œuvre par les pays désireux d’axer véritablement leur action sur les données et de les mettre à profit pour transformer la société grâce à des administrations plus efficaces, ouvertes et dignes de confiance.
Références
[5] Berryhill, J., T. Bourgery et A. Hanson (2018), « Blockchains Unchained : Blockchain Technology and its Use in the Public Sector », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 28, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/3c32c429-en.
[7] Digital Nations (2019), Digital Nations Data 360° Declaration, https://www.gub.uy/agencia-gobierno-electronico-sociedad-informacion-conocimiento/sites/agencia-gobierno-electronico-sociedad-informacion-conocimiento/files/documentos/noticias/Declaration%20for%20D9%20Data%20Alliance.pdf.
[9] OCDE (2019), Digital Government Review of Panama : Enhancing the Digital Transformation of the Public Sector, OECD Digital Government Studies, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/615a4180-en.
[8] OCDE (2018), The Regulatory Future of Emerging Technologies - A Scoping Paper on Gaps and Opportunities, Éditions OCDE, Paris.
[1] OCDE (2014), Recommendation of the Council on Digital Government Strategies, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/en/instruments/OECD-LEGAL-0406.
[3] OCDE (à paraître), OECD Digital Government Indicators, Éditions OCDE, Paris.
[6] Ubaldi, B. et al. (2019), « State of the art in the use of emerging technologies in the public sector », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 31, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/932780bc-en.
[4] van Ooijen, C., B. Ubaldi et B. Welby (2019), « A data-driven public sector : Enabling the strategic use of data for productive, inclusive and trustworthy governance », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 33, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/09ab162c-en.
[2] Welby, B. (2019), « The impact of digital government on citizen well-being », Documents de travail de l’OCDE sur la gouvernance publique, n° 32, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/24bac82f-en.
Note
← 1. Les pays non Membres qui ont adhéré à la Recommandation sont l’Argentine, le Brésil, la Colombie, le Costa Rica, l’Égypte, la Fédération de Russie, le Kazakhstan, le Maroc, le Panama et le Pérou.