Ce chapitre examine comment le secteur public peut appréhender les données comme un actif stratégique et les exploiter au service de la création de valeur publique. Après une présentation du cycle de valeur des données publiques, on y étudie comment déterminer la valeur des données en tant qu’actif et les approches envisageables pour mieux comprendre la notion de valeur publique. On s’intéresse ensuite aux moyens concrets d’exploiter les données à l’appui de la création de cette valeur publique dans trois domaines : « l’anticipation et la planification », la « prestation » et « l’évaluation et le suivi ».
Axer le secteur public sur les données : marche à suivre
3. L’exploitation des données dans le secteur public au service de la création de valeur publique
Abstract
Introduction
L’exploitation des données offre aux administrations des possibilités presque illimitées de fournir des services publics plus efficients, efficaces et dignes de confiance. Le chapitre 2 a mis en évidence l’importance de définir et d’adopter un modèle de gouvernance des données qui crée des conditions favorables à la mise en place d’un secteur public axé sur les données aussi bien au niveau du centre de gouvernement qu’au sein des organisations et des secteurs du secteur public. Si la réponse à ces modèles dépend de facteurs contextuels, toutes les entités publiques s’intéressant au rôle des données et aux moyens d’en dégager de la valeur doivent définir et exposer clairement l’usage auquel elles sont destinées et les avantages visés. Aux États-Unis, par exemple, la priorité du Department of Health and Human Services est de bâtir un environnement de données partageables, tandis que la Marine met l’accent sur le renforcement de la capacité de combat (US Department of Health & Human Services, 2011[1] ; Department of the Navy, 2017[2]).
Ce chapitre se penche sur l’exploitation des données dans le secteur public au service de la création de valeur publique. Il examine dans un premier temps les définitions de la valeur, en présentant d’abord le cycle de valeur des données publiques, avant de s’intéresser aux notions de valorisation des données en tant qu’actif et de création de valeur publique. Après avoir jeté les bases sur lesquelles les pouvoirs publics peuvent s’appuyer pour définir, démontrer et générer la valeur, le chapitre développe le cadre présenté dans van Ooijen, Ubaldi et Welby (2019[3]) pour examiner comment les pays peuvent exploiter les données en vue de générer ou de renforcer la valeur publique, par le biais de trois types d’activités :
1. Anticipation et planification : ils peuvent utiliser les données dans le cadre de la conception des politiques, de la planification des interventions, de l’anticipation des évolutions possibles et de la prévision des besoins ;
2. La prestation (des services publics et des politiques publiques) : ils peuvent utiliser les données pour fournir des éclairages et améliorer la mise en œuvre des politiques publiques, la réactivité des pouvoirs publics et la prestation des services publics.
3. Évaluation et suivi : ils peuvent utiliser les données pour mesurer l’impact, contrôler les décisions et suivre les performances.
Définir la valeur
Le cycle de valeur des données publiques
Le document de travail de l’OCDE intitulé A data-driven public sector: Enabling the strategic use of data for productive, inclusive and trustworthy governance (van Ooijen, Ubaldi et Welby, 2019[3]) introduit la notion de cycle de valeur des données publiques. Y sont identifiées les phases par lesquelles les données doivent passer pour une gestion et une valeur optimales. Le cycle permet de suivre la trajectoire des données, depuis leur prise en charge (ensembles de données brutes, isolées et non structurées) jusqu’à l’identification et la compréhension des relations qui existent entre ces données et aboutissent à l’information et la connaissance. Les résultats de cette connaissance nourrissent l’action des pouvoirs publics et la prise de décisions, qu’elles soient d’ordre stratégique, tactique ou opérationnel (Ubaldi, 2013[4]).
La constitution d’une base de connaissances du secteur public ouvre la voie à un fonctionnement plus efficient et efficace des administrations publiques et à la création de valeur publique. Pour autant, on la représente délibérément sous la forme d’un cycle, puisque cette évolution ne relève pas d’un processus linéaire, mais s’inscrit dans un cycle comptant des boucles de rétroaction et des itérations permanentes. Les données peuvent nourrir et transformer les processus décisionnels, qui à leur tour peuvent conduire à la production et la collecte de données différentes ou plus nombreuses (OCDE, 2015[5]).
Ce modèle comprend quatre phases par lesquelles passent les données du secteur public : 1) la collecte et la génération ; 2) le stockage, la sécurisation et le traitement ; 3) le partage, la curation et la publication ; et 4) l’utilisation et la réutilisation. Les deux premières phases du cycle ont entièrement trait à la façon dont le secteur public gère les données qu’il génère, collecte et détient, et assume ses responsabilités à leur égard. Comme exposé dans le chapitre 4, cette activité touche à plusieurs aspects importants des droits inhérents aux données et à la préservation de la valeur publique liée à une administration efficace et digne de confiance. Les deux dernières phases ouvrent la voie à des possibilités de créer de la valeur publique nouvelle par des moyens qui seront exposés dans la seconde moitié du chapitre.
Collecte et génération des données
Il s’agit là du point de départ de l’exploitation des données au sein du secteur public. Les données auxquelles accèdent les agents des services publics peuvent prendre des formes très diverses et être issues de multiples sources. Elles peuvent provenir d’un ensemble de données publié par une tierce partie – qu’il s’agisse de données publiques ouvertes ou de données accessibles via une interface de programmation d’application (API) –, ou être produites par une technologie tierce, un appareil connecté dans le cadre de l’internet des objets (IdO), par exemple. Il peut s’agir de données demandées dans le cadre d’un service par le biais de formulaires destinés à recueillir des informations auprès du public, consignées dans un logiciel de gestion de la relation client suite à des enquêtes de suivi successives, ou encore résultant d’une activité de service public impliquant la mise en place de contrats publics. Enfin, il peut s’agir de données détenues par des acteurs privés qui travaillent de concert avec le secteur public pour fournir des biens et des services.
Si la plupart de ces données sont générées par l’activité des administrations publiques, cette première phase du cycle peut également faire intervenir des sources non gouvernementales. D’où l’importance de mettre en place des normes universelles de collecte et de prise en charge des données dans les secteurs tant public que privé (un point abordé dans la partie du chapitre 2 consacrée à l’infrastructure et l’architecture de données). Bien que l’utilisation des données au titre de cette phase ait des incidences internes au secteur public et influe sur les décisions internes, le fait de disposer de données de qualité en favorise la réutilisation dans le cadre des phases ultérieures. Dans la mesure où ces décisions façonnent les interactions qui sous-tendent la collecte et jettent les bases de l’utilisation à venir des données, cette phase détermine l’expérience de consommation des services publics par les citoyens (Welby, 2019[6]). En tant que telle, la valeur publique est un produit dérivé « passif » et non pas directement issu de l’utilisation ou de la réutilisation des données, comme c’est le cas au cours des phases ultérieures.
Stockage, sécurisation et traitement des données
Une fois identifiées, collectées et générées, les données doivent être stockées, sécurisées et traitées. Cette phase du cycle revêt une importance cruciale au regard des thématiques abordées dans le chapitre 4, à savoir le rôle des données et la confiance du public. Des décisions doivent être prises quant aux modalités de stockage des données collectées et d’évaluation de leur qualité (y compris pour ce qui est des questions liées aux biais éventuels), à leur catalogage et à leur nettoyage. Autant d’étapes essentielles non seulement pour garantir la confiance des citoyens quant à la capacité du secteur public de gérer correctement les données, mais aussi pour établir un socle solide en vue des phases ultérieures du processus.
Cette phase du cycle touche aux comportements et activités des acteurs du secteur public appelés à affronter les défis architecturaux et infrastructurels inhérents à la mise à disposition de données de qualité tels qu’exposés dans le chapitre 2 sur les modèles de gouvernance des données. Les données qu’il convient de stocker, sécuriser et traiter ont des incidences internes au secteur public et influent sur les décisions internes. Elles ne donnent pas lieu à la création de valeur publique nouvelle en termes de maintien de la confiance dans les administrations (comme évoqué au titre de l’examen des droits des citoyens à l’égard des données, dans le chapitre 4). Ces considérations doivent être une priorité pour les acteurs responsables des informations nominatives, qu’ils relèvent du secteur public ou privé.
Partage, curation et publication des données
La troisième phase du cycle de valeur des données publiques a trait à la façon dont les données stockées, sécurisées et traitées sont partagées, organisées et publiées. À ce stade, le contexte et les contraintes juridiques peuvent influer sur les délais de traitement des demandes d’accès et des accords de partage pour les données qui ne sont pas mises à la disposition du public. Lorsque des efforts explicites sont déployés pour favoriser le partage, la curation et la publication des données, la disponibilité de plateformes d’interopérabilité des données et la mise en place de licences sur les données mises à disposition sur des sites de données ouvertes devraient être une priorité dès les phases antérieures du cycle, de manière à assurer la qualité latente des données.
L’expérience des pays ayant participé à l’étude comparative qui a nourri le présent rapport met en lumière diverses approches quant à la formulation d’une obligation de partage des données entre les institutions publiques, dans le but notamment d’éviter que les citoyens n’aient à fournir les mêmes informations à différentes administrations.
En Corée et au Portugal, le partage proactif des données est une obligation légale. En Corée, la loi Electronic Government Act constitue le fondement juridique pour empêcher la duplication des données collectées auprès des citoyens, instaurant de facto une obligation de partage des données pertinentes entre les administrations (Gouvernement de la Corée, 2017[7]). Au Portugal, un texte législatif comparable établit le principe de « collecte unique », selon lequel les citoyens ne sont pas tenus de transmettre à l’administration deux fois le même document. La plateforme d’interopérabilité pour l’administration publique mise en place au Portugal facilite l’échange d’informations liées aux services au sein de l’administration : la Résolution du Conseil des ministres 42/2015 du 19 juin étend ce dispositif aux fournisseurs relevant du secteur privé (Presidência do Conselho de Ministros, 2015[8]).
Au Danemark et en Suède, seuls certains ensembles de données font l’objet d’un partage proactif entre toutes les institutions publiques. À l’image de l’approche de mise à disposition des données sous forme de service adoptée en Argentine (voir encadré 2.6 du chapitre 2), le Danemark a mis au point un ensemble complet de ressources détaillant la marche à suivre pour bâtir et publier des modèles de données1. Ces ressources établissent une terminologie commune pour les discussions sur les données danoises et simplifient leur réutilisation par les acteurs concernés. La Suède a depuis longtemps institué une obligation légale de partage des données ; la loi, adoptée en 1998, détaille quelles informations doivent être partagées et dans quelles conditions (Finansdepartementet S3, 1998[9]). En Irlande, plusieurs institutions publiques ont conclu des accords ad hoc de partage de données ou d’accès aux données. Le pays déploie par ailleurs des efforts continus pour étendre le cadre législatif sur la réutilisation des données afin de mettre en place un modèle plus formel en la matière. Au Royaume-Uni, il n’existe pas d’obligation explicite imposant à une organisation qui produit des données de les partager avec d’autres institutions ; par conséquent, le partage de données fait toujours suite à une demande ad hoc et ne s’inscrit pas dans une approche stratégique d’interopérabilité et de facilitation des échanges.
La quasi-totalité de ces pays prennent des mesures en faveur de la publication des données sur des sites de données ouvertes donnant accès à un large éventail d’ensembles de données. Le chapitre 2 expose les efforts de production de données de qualité à un stade précoce du cycle de valeur des données publiques en vue d’en faciliter la réutilisation ultérieure, soit par une autre institution publique, soit sous la forme de données publiques ouvertes (DPO). En revanche, les capacités de découverte interne de ces données sont moins développées, seuls la Corée et le Royaume-Uni ayant mis en place un inventaire unique des données afin de permettre aux décideurs et aux équipes de service d’y accéder plus facilement en vue de les réutiliser. Le Danemark, l’Irlande et le Portugal prévoient d’en faire de même dans un avenir proche ; la Suède n’a pas de projet en ce sens.
Pour autant, l’absence d’inventaire unique ne constitue pas nécessairement un frein à la réutilisation et la découverte internes des données. De fait, ni le Danemark (Encadré 3.1) ni le Portugal n’en disposent, mais ils ont, avec la Corée, pris des mesures concrètes pour étudier les besoins et la structure des registres de données de base. Ces enregistrements canoniques fournissent un socle pour la phase de « prestation » des politiques et services publics et simplifient les activités liées à l’obtention et à la curation d’ensembles de données essentiels. Le Royaume-Uni s’attelle également à la mise en place de tels enregistrements, mais sans une assise législative explicite.
Encadré 3.1. Les données de base au Danemark
L’étude e-Government Study of Denmark (OCDE, 2010[10]) publiée par l’OCDE en 2010 souligne l’importance de fournir des registres de données de base de qualité, non seulement à l’appui des activités des équipes des administrations, mais aussi pour renforcer l’efficacité des efforts en faveur des données publiques ouvertes. Le Danemark disposait déjà de registres et des cadres juridiques nécessaires, mais leur adoption a été limitée car ils ne répondaient pas aux besoins des utilisateurs.
Cherchant à passer du strict respect de la loi à la mise à disposition d’une solution répondant aux besoins, le gouvernement a lancé un programme sur trois ans afin de mettre en œuvre des registres de données de base au Danemark. Au titre de cet effort, le pays a repensé intégralement l’approche de la gouvernance des données au sein du secteur public, allant jusqu’à modifier le cadre juridique et nouer des partenariats en dehors du secteur public pour recueillir des avis et identifier des sources de données utiles.
Désormais, les pouvoirs publics danois consignent diverses informations clés sur les individus, les entreprises, les biens immobiliers, les bâtiments, les adresses et d’autres éléments. Ces informations, dites « données de base », sont réutilisées à l’échelle du secteur public et constituent pour les pouvoirs publics une ressource importante pour remplir leurs fonctions de manière adéquate et efficiente, en particulier compte tenu du nombre sans cesse croissant de tâches à effectuer dans l’environnement numérique et à l’échelle des différent(e)s unités, administrations et secteurs.
Qui plus est, les données de base sont également utiles au secteur privé, d’une part parce que les entreprises les utilisent dans le cadre de leurs processus internes et, d’autre part, parce que les informations obtenues à partir des données du secteur public peuvent être exploitées pour créer des produits et solutions entièrement nouveaux, notamment au format numérique. En d’autres termes, des données de base de qualité, librement accessibles au secteur privé, peuvent constituer un levier potentiel d’innovation, de croissance et de création d’emplois.
Source : Collectivités locales du Danemark (2012[11]), Good Basic Data for Everyone: A Driver for Growth and Efficiency, https://en.digst.dk/media/18773/good-basic-data-for-everyone-a-driver-for-growth-and-efficiency.pdf.
À ce stade du cycle, les incidences potentielles de l’utilisation des données ne se limitent plus aux acteurs internes du secteur public, mais commencent à s’étendre aux acteurs externes qui peuvent entreprendre d’utiliser les données ainsi partagées. Si les deux premières phases du cycle de valeur des données publiques façonnent l’expérience des citoyens et contribuent à bâtir la confiance dans les administrations et à préserver la valeur publique, c’est lors de cette troisième phase, ainsi que la suivante, que l’on entrevoit la possibilité de créer de la valeur publique nouvelle à partir de l’activité des acteurs avec lesquels les données sont partagées en vue d’évaluer l’impact des politiques et les opportunités en termes d’offre de services.
Utilisation et réutilisation des données
La dernière phase du cycle de valeur des données publiques concerne l’utilisation et la réutilisation des données ; c’est à ce stade qu’apparaissent les véritables possibilités de créer une valeur publique manifeste. Les étapes précédentes du cycle se déroulent souvent en arrière-plan. Elles ne doivent toutefois pas être négligées, car si elles ne font pas l’objet d’une approche efficace, les efforts pour tirer de la valeur de l’utilisation et de la réutilisation des données seront mis à mal par la piètre qualité des données, la couverture partielle des sources, le manque de fiabilité de l’accès et les obstacles au partage des données. Par conséquent, si la valeur publique dégagée de l’utilisation et de la réutilisation des données est visible, c’est uniquement parce que ces activités prennent appui sur un écosystème plus large de gouvernance des données, comme évoqué dans le chapitre 2, qui crée les conditions indispensables à une exploitation optimale des données.
Certes, l’ouverture des données permet aux acteurs externes de créer de la valeur publique sur cette base, mais dans un secteur public fondé sur les données, on accorde une importance et une attention équivalentes à l’expérience interne. Lorsque l’on améliore la gestion et l’exploitation des données à chaque stade du processus, les décideurs et les agents publics sont à même d’accroître leur efficacité en renforçant leurs capacités en matière de données et par ricochet, en créant une valeur publique accrue. La seconde moitié du chapitre examine plus avant comment l’utilisation et la réutilisation des données peuvent créer cette valeur et tend à montrer que lorsqu’un secteur public axé sur les données s’appuie sur le cycle de valeur des données publiques, la valeur publique naît des résultats des deux dernières phases. On peut à ce titre tirer des enseignements de l’action déjà menée par les pouvoirs publics ; comprendre les problématiques auxquelles sont confrontées les parties prenantes ; prévoir les tendances et les besoins nouveaux ; fournir des services de meilleure qualité ; concevoir et adapter des approches innovantes ; assurer le suivi des activités de mise en œuvre en cours ; et gérer les ressources utilisées pour faire face à une problématique particulière.
Apprécier la valeur des données en tant qu’actif
Il apparaît clairement que le secteur public doit investir dans ses capacités en matière de données, en particulier depuis que les partisans des données se font largement l’écho des vertus qu’elles recèlent à l’ère du numérique. Dans les secteurs public comme privé, la gestion des ressources humaines et techniques axée sur les données est devenue une priorité ; en témoigne la hausse des investissements, en temps et en moyens financiers, dans la capture, la gestion, le traitement et l’administration responsable des données. Les emplois dans le domaine de la science des données ont enregistré une croissance de 256 % sur cinq ans (Indeed Hiring Lab, 2019[12]) et les organisations reconnaissent intuitivement que les dépenses consacrées à la gestion des données sont porteuses d’économies et de réduction des risques.
Bien que, dans le cadre de ces efforts, il soit généralement possible d’évaluer les coûts inhérents aux activités liées aux données, il s’avère plus ardu de déterminer les avantages de leur utilisation ; c’est pourquoi on tend à les assimiler avant tout à un poste de dépenses, plutôt qu’à un actif. En l’absence d’une méthodologie permettant de les appréhender relativement à d’autres actifs clés, comme les ressources humaines ou financières, les organisations sont moins à même de valoriser les données qu’elles détiennent.
De fait, s’il est encourageant de voir les acteurs publics décrire les données comme un « actif » dans les documents stratégiques énonçant les objectifs en matière d’utilisation des données, ces documents ne définissent généralement pas en des termes aussi explicites comment calculer la valeur de cet actif. Il convient donc de corroborer cette intuition de la valeur des données avec une définition plus robuste de son évaluation et d’apporter ainsi de la matière aux dossiers de décision d’investissement et à l’évaluation d’impact par étalonnage.
En termes comptables, les trois caractéristiques essentielles d’un actif sont identifiées comme suit (Godfrey et al., 2010[13] ; Henderson et al., 2017[14]) :
1. L’actif présente-t-il un potentiel en termes de service, ou des avantages économiques futurs découlant de son utilisation ou de sa cession ?
2. L’actif est-il contrôlé par l’organisation ? En d’autres termes, l’organisation est-elle en mesure d’en tirer avantage et d’en refuser ou réglementer l’accès par des tierces parties ?
3. L’actif est-il le résultat d’une activité antérieure ? A-t-il été collecté dans le cadre d’un processus, acquis d’une certaine manière auprès d’une source, ou des activités ont-elles été menées à bien pour le développer ?
Les données présentent ces caractéristiques et peuvent donc à ce titre être considérées comme des actifs. Pour autant, une question se pose : comment peut-on en déterminer la valeur ? Dans la mesure où il ne s’agit pas d’actifs corporels, la valeur ne peut être évaluée de la même façon. Dans le cas des actifs corporels, on peut s’appuyer sur la mesure du coût initial ou de la valeur au prix du marché, ou estimer les perspectives de recettes futures. Du point de vue de la conduite des affaires, une telle mesure est une priorité, non seulement à des fins de reporting financier à l’intention des actionnaires, mais aussi pour servir de base aux opérations de fusion ou d’acquisition, ainsi que pour le calcul de l’impôt.
Ni le secteur public, ni le privé ne disposent pour l’heure d’un modèle définitif pour mesurer la valeur des données. C’est un domaine dans lequel des travaux de recherche complémentaires doivent être menés – c’est pourquoi il est encourageant de voir l’Open Data Institute et le Bennett Institute for Public Policy de l’Université de Cambridge annoncer un projet destiné à définir une taxinomie pour déterminer la valeur des données, qui pourrait servir de point de départ à l’élaboration de politiques en matière de données (Nuffield Foundation, 2019[15]). Toutefois, en 1999, Moody et Walsh avaient proposé sept « lois » pour la mesure de la valeur de l’information (Encadré 3.2), qui peuvent aider à l’examen de certaines caractéristiques quantifiables. Vingt ans après la formulation de ces lois de l’information, même si l’on s’intéresse aujourd’hui davantage aux données qu’à l’information (un point examiné plus avant dans le chapitre 4), l’analyse de ces lois apporte néanmoins des éclairages utiles à l’identification de certaines solutions pratiques pour appréhender et mesurer la valeur des actifs incorporels.
Encadré 3.2. Les sept « lois » de l’information selon Moody et Walsh
1. L’information est partageable (à l’infini)
Les données sont un actif qui peut être partagé par plusieurs individus, sans perte de valeur. Elles diffèrent en ce sens d’autres actifs, dont la valeur totale est répartie entre divers acteurs. Quel que soit leur nombre, les personnes disposent d’un accès aux données qui peut être vu comme exclusif, de sorte que la valeur est cumulative, et non partagée : plus les données sont accessibles, plus grands sont les avantages. Cette caractéristique remet en cause les comportements de thésaurisation ou de duplication des données, synonymes de perte de valeur. De fait, la duplication des données en limite la valeur puisqu’elle a pour effet d’augmenter les coûts de stockage, le potentiel de redondance et les risques associés à la qualité et, par ricochet, à l’exactitude des données.
2. La valeur de l’information croît avec son utilisation
La plupart des actifs corporels perdent de la valeur au fil de leur utilisation ; pour les données, c’est le contraire qui se produit : plus elles sont utilisées, plus le retour sur investissement est élevé. Il s’agit là d’un point particulièrement important à prendre en compte lorsque l’on cherche à contrebalancer les coûts associés aux différentes phases du cycle de valeur des données publiques, non seulement parce qu’il convient de garder à l’esprit que les coûts marginaux sont comparativement négligeables, mais aussi parce que c’est l’utilisation des données qui leur confère de la valeur. Les données non utilisées constituent donc, non pas un actif, mais un élément de passif induisant des coûts de stockage, de maintenance et de sécurité.
3. L’information est périssable
Il peut arriver que la valeur des données se déprécie avec le temps, à un rythme qui dépend du type de données en question. Il se peut en outre que, dans le secteur public, la valeur de certains ensembles de données s’apprécie après une période déterminée, mais c’est généralement le cas lorsqu’elles sont combinées ou comparées à d’autres données.
4. La valeur de l’information augmente avec la qualité
Dans le secteur public, les informations inexactes sont extrêmement coûteuses. Les décisions afférentes à des politiques ou des services fondés sur des données incorrectes peuvent avoir de graves conséquences. Cette caractéristique ne doit pas conduire à exiger un niveau d’exactitude impossible à tenir, mais doit en revanche constituer un critère important lors de la mise au point d’un mécanisme d’appréciation de la valeur des données en tant qu’actif.
5. La valeur d’une information augmente lorsque celle-ci est associée à d’autres informations
Un bon moyen de libérer la valeur des données consiste à s’assurer qu’elles puissent être comparées et combinées à des données d’autres sources. Le défi de l’interopérabilité au sein du secteur public peut freiner la concrétisation de la pleine valeur des données à la fois en faisant obstacle aux avantages potentiels et en ajoutant des coûts liés aux efforts déployés pour extraire et rapprocher des données de différentes sources.
6. Le nombre n’est pas nécessairement synonyme de qualité
Pour la plupart des actifs, l’abondance fait la richesse. Ce n’est pas le cas pour les données, dont la prolifération pose de plus grandes difficultés d’allocation de ressources limitées.
7. L’information n’est pas une ressource épuisable
En règle générale, plus un actif est utilisé, moins il y en a. En revanche, les données ont souvent la capacité de s’autogénérer : plus elles sont utilisées, plus il en existe. À la valeur des données d’origine, qui demeure, s’ajoute celle des données obtenues via le processus suivi pour les utiliser et les analyser plus avant.
Source : Moody, D. et P. Walsh (1999[16]), Measuring the Value of Information: An Asset Valuation Approach, http://si.deis.unical.it/zumpano/2004-2005/PSI/lezione2/ValueOfInformation.pdf.
Malgré la difficulté de traiter un actif incorporel de cette façon, il importe que les secteurs publics trouvent des solutions concrètes pour déterminer la valeur des données. Comme le montre Ladley dans son ouvrage Making Enterprise Information Management (EIM) Work for Business (2010[17]), « tant que les données, les informations et les contenus ne seront pas gérés comme le sont d’autres actifs, ils n’ont aucune chance d’atteindre leur plein potentiel dans les organisations » (traduction libre).
Le cycle de valeur des données publiques peut offrir la possibilité de ventiler les activités liées aux données entre les différentes phases constitutives. En prenant en compte les coûts et les avantages inhérents à chacune des quatre phases (collecte et génération ; stockage, sécurisation et traitement ; partage, curation et publication ; et utilisation et réutilisation), il devient alors possible de définir la valeur. On peut allouer aux données un coût correspondant à l’effort nécessaire pour les obtenir et les tenir à jour. On peut également attribuer une valeur à l’utilité des données selon le lieu, l’utilisateur et la fréquence à laquelle elles sont utilisées. On ne s’attache plus dès lors à appréhender des données stockées, mais à analyser et comprendre qui sont les acteurs qui les utilisent et à quelles applications elles sont destinées. On pourrait pour ce faire utiliser un bilan interne pour suivre la valeur et l’activité associées aux actifs de données (Laney, 2017[18]).
Le graphique 3.3 illustre une approche envisageable pour déterminer la valeur des données dans le secteur public. Dans la partie de gauche figurent les trois domaines dans lesquels les activités sont les plus susceptibles de générer des coûts, tandis que sur la droite sont représentés les quatre avantages (en vert) liés à l’utilisation et la réutilisation des données, ainsi que deux inconvénients (en rouge) susceptibles de découler d’une utilisation insuffisante ou d’un traitement inadapté des données.
Cet exercice peut mettre en évidence l’urgence de s’atteler à certaines des questions de « gouvernance de données » exposées dans le chapitre 2. Pour concrétiser la valeur des données, il importe de veiller à bâtir une assise solide afin que les pays soient à même d’utiliser au mieux les données existantes, comme évoqué dans les documents de l’OCDE intitulés Digital Government Review of Sweden et Primer on Artificial Intelligence (OCDE, 2019[19] ; Observatoire de l'OCDE sur l'innovation dans le secteur public, 2019[20]). Ces efforts peuvent alors soutenir les opportunités qu’offrent les technologies émergentes et les progrès constants qui permettront de tendre vers des résultats optimaux et de libérer la valeur latente de leurs données (Ubaldi et al., 2019[21]). Le chapitre 2 recense les conditions essentielles à réunir pour garantir un fonctionnement efficient à chaque phase du cycle de valeur des données publiques.
L’utilisation du cycle de valeur des données publiques comme base pour cartographier la circulation des données et en comprendre les sources et les usages aide à identifier les données détenues par une organisation et les situations dans lesquelles elles ne sont pas correctement utilisées. Le secteur public axé sur les données ne se résume pas à la conception de services nouveaux ou au traitement, à une échelle sans précédent, des données issues des capteurs. L’exploitation et l’optimisation de la valeur des données existantes des administrations revêtent en effet une importance cruciale, d’autant que l’on observe une augmentation des coûts liés au stockage, à la protection et à la sécurisation de volumes de données sans cesse croissants. Les lois 2 et 6 proposées par Moody et Walsh (voir Encadré 3.2) montrent que la valeur potentielle des données diminue si elles ne sont pas utilisées ou si elles sont collectées sans finalité précise.
Il importe par ailleurs de reconnaître les données en tant qu’actif pour assurer la fiabilité des administrations publiques et des données elles-mêmes (pour plus d’informations, voir le chapitre 4). Cet impératif constitue le socle de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’amélioration de l’accès aux données et de leur partage élaborée sous la responsabilité conjointe du Comité de la politique de l’économie numérique, du Comité de la politique scientifique et technologique et du Comité de la gouvernance publique. Une valeur appropriée doit être attribuée aux données pour que les organisations prêtent suffisamment attention à leur sécurisation et leur protection. Comme suite à l’entrée en vigueur du Règlement général sur la protection des données de l’Union européenne, les organisations qui n’ont pas pris des mesures suffisantes pour sécuriser leurs données sont passibles de lourdes sanctions. Une autre solution pour déterminer la valeur des données en tant qu’actif consiste donc à s’intéresser à la valeur associée aux répercussions d’une violation des données.
Traiter les données comme un actif de valeur revient non pas à accumuler toujours plus de données ou à les exploiter sans discernement, mais à les gérer et à déterminer comment la valeur sera générée. Il importe dès lors, comme évoqué dans le chapitre 2, de savoir quelles données sont collectées ; qui les collecte ; et la finalité de toute activité de génération, de collecte, de stockage ou de partage. Tout autre actif d’une organisation est audité et identifié ; il est par conséquent essentiel que des efforts similaires soient menés afin de comprendre comment les données sont traitées et de prendre en considération la dimension éthique (examinée au chapitre 4).
L’approche des données en tant qu’actif peut s’avérer utile pour bâtir et insuffler une culture fondée sur les données à l’échelle du secteur public, en mettant les responsables organisationnels au défi de comprendre que la valeur de leurs données augmentera – ou diminuera – en fonction des efforts qu’ils déploieront pour les gérer et les exploiter. Dans le cadre de la mise en place d’un secteur public fondé sur les données, il convient de définir des indicateurs de performances clés pour les responsables des programmes en matière de données établissant des objectifs clairs en termes d’identification de solutions pour exploiter les données à l’appui de la création de valeur et parer à chaque opportunité non concrétisée de transformer un service ou d’éviter des coûts.
En conclusion, on peut tenter de mesurer les données de la même façon que pour des actifs corporels. Pour autant, si l’on peut mener une analyse comparable des coûts, de la valeur au prix du marché ou des perspectives d’augmentation de la rentabilité financière, il ne s’agit là que d’un facteur qui vient s’ajouter au rôle et à la contribution des données à l’appui du renforcement de la redevabilité, de la mesure de l’efficacité d’une politique ou d’un service particuliers, ou de la justification d’investir dans des mesures nouvelles et existantes. En conséquence, tout examen de la valeur des données du secteur public doit être mené en tenant dûment compte de la façon dont leur utilisation est source de création de valeur publique, plutôt qu’en les abordant comme de simples actifs latents. La section qui suit étudie ce point par le prisme de la création de « valeur publique » telle qu’envisagée dans le cadre du cycle de valeur des données publiques.
Valeur publique
Maintenant que l’on a établi que le cycle de valeur des données publiques jette les bases de la réflexion sur le rôle et l’exploitation des données au sein d’un secteur public fondé sur les données, et étudié comment définir et valoriser les données en tant qu’actif, la dernière étape de la compréhension de la valeur des données proposée dans ce chapitre consiste à définir la « valeur publique ».
Selon le cycle de valeur des données publiques, c’est au cours des deux dernières phases qu’intervient la création de valeur publique nouvelle, à savoir lors du partage, de la curation et de la publication des données en tant que matière brute ouvrant la voie à l’utilisation et la réutilisation de ces données pour créer ou améliorer autre chose. Cela peut se faire par le biais soit de la mise à disposition de données publiques ouvertes, avec un objectif de création de valeur par des acteurs non gouvernementaux (entreprises, universités ou société civile), soit d’un partage interne des données au sein de l’administration, afin d’éviter aux citoyens de devoir fournir les mêmes informations à différents services. À cet égard, l’examen des moyens d’exploiter les données pour créer de la valeur publique est axé sur la corrélation entre les données en tant qu’intrant et les résultats qui en découlent.
La notion de « valeur publique », soit la valeur qu’une organisation apporte à la société, a été introduite par Moore (1997[22]), qui souhaitait trouver un équivalent, applicable à la gestion publique, de la valeur actionnariale dans le secteur privé. Dans sa définition, la réussite de la gestion publique impliquait de mener à bien et repenser l’activité du secteur public de manière à accroître sa valeur aux yeux du public. Les premiers travaux de Moore mettaient l’accent sur l’importance de trois domaines de performances particuliers pour les organismes publics :
1. La prestation de services réels
2. L’obtention de résultats sociaux
3. Le maintien de la confiance et de la légitimité de l’organisme.
Cette approche a été complétée par les travaux de Meynhardt (2009[23]), qui tendent à montrer qu’il y a création de valeur publique lorsque l’on observe un impact sur une expérience partagée, en termes de qualité de la relation entre l’individu et la société. Talbot (2011[24]) insiste quant à lui sur l’importance du point de vue du public sur ce qui est utile et essentiel ; la valeur publique n’est alors pas déclarée par les administrations, mais définie par la perception des gains qu’ont les citoyens.
La notion de secteur public axé sur les données fait fond sur l’idée que l’exploitation des données peut générer de la valeur publique. Dans ce contexte, plusieurs principes structurants déterminent la manière dont cette valeur pourrait se manifester au sein des grandes catégories précitées, à savoir : la prestation de services, l’obtention de résultats sociaux, et le maintien de la confiance et de la légitimité d’un organisme.
Produit intérieur brut
Le produit intérieur brut (PIB) est l’un des moyens traditionnellement employés pour mesurer la santé et le bonheur à l’échelle d’un pays. L’utilisation de la taille de l’économie d’un pays comme mesure indirecte de la richesse des ménages et, par conséquent, du bien-être de la société est un mécanisme utilisé de longue date pour déterminer si l’action publique permet ou non d’atteindre les objectifs visés. Bien que les citoyens ne perçoivent pas nécessairement directement les répercussions d’une hausse du PIB, c’est l’un des critères envisageables pour appréhender la valeur publique des données en termes d’avantages financiers générés.
Comme évoqué plus haut, la valeur financière est généralement le moyen le plus aisé de définir la valeur d’un actif corporel. Dans le cas des données, cet avantage financier est souvent cité comme argument en faveur de l’utilisation renforcée ou de la publication des données. En Espagne, l’Observatoire national des télécommunications et de la société de l’information (ONTSI) publie une évaluation annuelle du secteur des « infomédiaires », des entreprises qui n’existent que par les données. En 2016, l’ONTSI a estimé que l’impact des données publiques ouvertes était, en 2015, de l’ordre de 600 millions EUR à 800 millions EUR. En 2019, selon l’Association multisectorielle de l’information (ASEDIE), le chiffre d’affaires de ces entreprises s’élevait à 1 796 millions EUR (ASEDIE, 2019[25] ; OCDE, 2019[26]).
La valeur financière des données est l’argument phare mis en avant pour plaider en faveur de la mise à disposition de données publiques ouvertes. Selon l’indice OURdata (indice des données Ouvertes, Utiles et Réutilisables) de 2017 de l’OCDE (OCDE, 2017[27]), 32 des 34 pays participants ont ouvert l’accès aux données publiques dans le but d’offrir aux entrepreneurs et aux étudiants de nouveaux débouchés. De toute évidence, l’une des grandes ambitions des programmes en faveur des données publiques ouvertes est de les utiliser pour stimuler la croissance économique via la création de nouveaux secteurs et modèles économiques, et les emplois qui s’ensuivraient (OCDE, 2019[26]). Au Royaume-Uni, il est apparu que l’ouverture des données géospatiales dans le cadre de l’initiative OS OpenData™ de l’autorité chargée de la cartographie (Ordnance Survey) donnait lieu à des gains de productivité allant de 8.1 millions GBP à 18.2 millions GBP, et un surplus de recettes fiscales réelles de 4.4 millions GBP à 8.3 millions GBP (ConsultingWhere Limited et ACIL Tasman, 2013[28]). Ces chiffres restent toutefois modestes par rapport à l’évaluation réalisée en 2015 au Canada, qui estimait les retombées économiques de l’ouverture des données géospatiales sur le PIB du pays à 695 millions CAD (Hickling Arthurs Low Corporation, 2015[29]). Pour autant, même si ces montants semblent conséquents, ils ne représentent guère que 0.04 % du PIB ; les retombées financières des données sur le PIB peuvent donc sembler peu perceptibles.
Efficience du secteur public
La valeur publique peut également être appréhendée par le biais de l’efficience et de l’efficacité des services fournis par les administrations. Aux termes des définitions de la valeur publique énoncées plus haut, les gains d’efficience des services obtenus avec la mise en place des administrations numériques ont des incidences directes sur le quotidien des citoyens (Welby, 2019[6]). Dans certains cas, les citoyens constateront par eux-mêmes les améliorations apportées à un service grâce à l’exploitation des données. Dans d’autres, il se peut qu’ils ne s’aperçoivent pas des changements induits par l’utilisation des données parce que les administrations sont en mesure de devancer leurs besoins avant qu’ils ne les expriment ou leur évitent de fournir des informations qu’elles ont pu obtenir via un partage avec d’autres administrations. Ces avantages se traduisent non seulement par des gains de temps pour les citoyens, mais aussi par une réduction des délais de traitement et de gestion des services d’appui pour les agents publics, avec à la clé un rendement accru, moins d’erreurs et une amélioration du rapport coût-efficacité du point de vue opérationnel. Pollock (2010[30]) conclut qu’outre les avantages liés à l’offre de nouveaux produits et services conçus à la faveur des informations du secteur public ou dérivés de la conception de services complémentaires et de services de conseil, les données peuvent offrir des avantages indirects, comme la réduction des coûts de transaction et des gains d’efficience, pouvant aller jusqu’à 600 millions GBP par an.
Aux États-Unis, le Management Agenda du Président (Maison blanche, 2018[31]) énonce une vision à long terme pour reconnaître les données publiques en tant qu’actif. La valeur publique réside dans la modernisation de l’administration fédérale de manière à renforcer la capacité des agences à produire les résultats escomptés dans le cadre des missions, fournir des services publics de meilleure qualité et mieux gérer l’argent des contribuables.
Les gains d’efficience dans le secteur public sont pris en compte par plusieurs universitaires qui se sont penchés sur la valeur inhérente à la publication des données publiques ouvertes et abordés dans le Rapport sur les données publiques ouvertes (OCDE, 2019[26]). Cet aspect de la valeur publique se manifeste par la façon dont la mise à disposition des données publiques ouvertes contribue à réduire les frais généraux des organisations liés à la diffusion de ces informations et à rationaliser l’accès aux informations. Pour d’autres, l’efficience ne tient pas tant à la valeur externe des services améliorés, mais doit plutôt être appréhendée par le prisme des économies et de l’amélioration des processus internes. Au niveau national, la reconnaissance de la contribution des données publiques ouvertes à l’efficience des services est visible dans l’indice OURdata de 2017 (OCDE, 2017[27]), 31 des 34 pays participants faisant part de leur intention de recourir à la publication des données pour renforcer les performances du secteur public (OCDE, 2019[26]). Au Luxembourg, de nombreux ensembles de données sont accessibles au public, mais les principaux utilisateurs font partie du secteur public. Par le passé, de nombreuses données géospatiales (cadastre, images aériennes, cartes topographiques, registre d’adresses) étaient partagées sous licence au coût entre différents organismes du secteur public ; la suppression de ce coût et l’ouverture des données permet désormais d’élargir l’utilisation de ces données, ce qui génère une valeur publique ajoutée.
Le McKinsey Global Institute a évalué les gains d’efficience potentiels à 250 milliards EUR par an dans le secteur public européen (Manyika et al., 2011[32]) et entre 35 milliards USD et 95 milliards USD par an aux États-Unis à l’horizon 2020 (Lund et al., 2013[33]). Le secteur privé peut également être une source d’inspiration pour définir les gains de productivité potentiels selon une approche fondée sur les données, les entreprises privées affichant en moyenne, selon McAfee et Brynjolfsson (2012[34]), une productivité supérieure de 5 % par rapport à leurs concurrentes.
Valeur sociale
Les deux définitions de la valeur publique énoncées plus haut s’appuient sur des mesures financières. Or si la valeur publique est définie sur la seule base du PIB et porte exclusivement sur l’efficience, elle n’est rien d’autre qu’une simple « valeur économique ». Selon une étude réalisée en 2006 par le Center for Technology in Government (Cresswell, Burke et Pardo, 2006[35]), la capacité des administrations à tirer le meilleur rendement des dépenses consacrées aux investissements informatiques ne peut être mesurée uniquement à la lumière des résultats financiers. En revanche, l’expérience exposée dans cinq études de cas réalisées en Autriche, en Israël et aux États-Unis a montré que la valeur des dépenses publiques résidait dans les retombées politiques et sociales plus larges dont bénéficiait le grand public, plutôt que dans la seule valeur interne au niveau des opérations du secteur public (comme évoqué plus haut).
Au Royaume-Uni, HM Treasury formule des orientations destinées à aider les agents publics à constituer des dossiers de décision. Outre l’exposé des attentes quant à la marche à suivre pour obtenir des investissements, le Green Book appelle les agents publics à se concentrer sur la création de « valeur sociale » dans l’énoncé des coûts et avantages (Encadré 3.3). Ajouté au cadre de valeur publique (HM Treasury, 2019[36]), un outil mis au point pour évaluer dans quelle mesure l’utilisation de l’argent public se traduit par la mise en place de politiques efficaces, ce dispositif contribue grandement à faire en sorte que cette institution, traditionnellement centrée sur les questions financières, élargisse son champ d’action en se penchant sur la définition de la valeur.
Encadré 3.3. Classification des coûts et des avantages pour l’évaluation de la valeur sociale, telle que présentée dans le Green Book: Central Government Guidance on Appraisal and Evaluation (Royaume-Uni)
Coûts pris en compte aux fins de l’évaluation de la valeur sociale
Coûts publics directs totaux (pour l’organisation d’origine) :
Capital
Revenus
Coûts publics indirects totaux (pour les autres organisations du secteur public) :
Capital
Revenus
Coûts plus larges pour la société britannique :
Coûts monnayables, y compris les coûts décaissés
Coûts quantifiables mais non monnayables
Coûts qualitatifs non quantifiables
Coûts totaux liés aux risques (coûts inhérents à la réduction ou la gestion des risques) :
Biais d’optimisme (réduit du fait de la prise en compte des coûts estimatifs liés aux risques)
Coûts estimés ou mesurés
Avantages pris en compte aux fins de l’évaluation de la valeur sociale
Avantages directs pour le secteur public (pour l’organisation d’origine) :
Avantages pécuniaires
Avantages monnayables non pécuniaires
Avantages quantifiables mais non monnayables
Avantages qualitatifs non quantifiables
Avantages indirects pour le secteur public (pour d’autres organisations du secteur public) :
Avantages pécuniaires
Avantages monnayables non pécuniaires
Avantages quantifiables mais non monnayables
Avantages qualitatifs non quantifiables
Avantages plus larges pour la société britannique (ménages, individus, entreprises) :
Avantages monnayables, y compris pécuniaires
Avantages quantifiables mais non monnayables
Coûts et avantages qualitatifs non quantifiables.
Source : HM Treasury (2018[37]), The Green Book: Central Government Guidance on Appraisal and Evaluation 2018, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/685903/The_Green_Book.pdf.
L’OCDE s’efforce de longue date de mettre au point des mesures afin de mieux appréhender les notions de confiance et de bien-être dans le cadre de l’Initiative « Vivre mieux ». Le cadre de mesure du bien-être (Graphique 3.4) met l’accent non plus sur la conjoncture économique globale, mais sur la définition du progrès social. Pour ce faire, on s’attache à déterminer les incidences des politiques publiques en termes de résultats plutôt qu’en se bornant à recenser les entrées et les sorties (OCDE, 2018[38]). Cette approche mixte tient compte des aspects aussi bien objectifs que subjectifs de la vie et examine la diffusion de l’expérience au sein de la population, intégrant par là même les questions d’inégalités et de durabilité dans la définition du bien-être.
En Nouvelle-Zélande, le gouvernement a pris des mesures radicales afin de repenser son approche à l’égard des dépenses publiques, s’écartant de la quête de croissance du PIB pour mettre l’accent sur le bien-être. Le budget du pays pour 2019 exige que toutes les nouvelles dépenses soient axées sur cinq objectifs spécifiques en ce sens : 1) agir en faveur de la santé mentale ; 2) réduire la pauvreté infantile ; 3) soutenir les populations autochtones ; 4) amorcer la transition vers une économie bas carbone ; et 5) favoriser la prospérité à l’ère du numérique. Il utilise un cadre de mesure du niveau de vie fondé sur des données au niveau des citoyens et assorti d’indicateurs concrets. Cette approche reflète l’intérêt que le pays porte de longue date à l’étude des possibilités d’» investissement social » (Acquah, Lisek et Jacobzone, 2019[39]).
Association et participation
Les citoyens, leur compréhension de la valeur et leur participation à sa création sont au cœur des définitions de la « valeur publique » précitées. Par conséquent, l’exploitation des données à l’appui de la création de valeur publique a pour objet non seulement de mettre à disposition des données, que ce soit sous forme de données publiques ouvertes ou via leur utilisation dans l’offre de services publics, mais aussi de veiller à ce qu’elles puissent être comprises et à favoriser l’association et la participation des citoyens.
La volonté de renforcer la transparence et la redevabilité des pouvoirs publics par le biais de la mise à disposition des données publiques ouvertes a été un facteur de réussite important (OCDE, 2019[26]). La publication des données publiques ouvertes et les communautés qui se sont formées autour de thèmes spécifiques et dans des secteurs particuliers de l’action publique témoignent de la création de valeur publique en termes d’association et de participation des citoyens. Le chapitre 4 examine plus en détail le rôle des données dans le renforcement de la confiance du public et met en avant les leviers que les pouvoirs publics peuvent actionner pour instituer des mécanismes de consentement efficaces, à même d’aider les citoyens à comprendre les modalités précises d’utilisation de leurs données. Si cet aspect est important sur le plan technique, il convient en outre de renforcer les compétences du public en matière de données et d’examiner les moyens innovants de tenir compte de leurs points de vue.
Une nouvelle tendance se fait jour en matière d’évaluation de la valeur publique, qui s’intéresse aux questions d’association et de participation et a trait à l’exploitation des données : les « mini-publics ». Un mini-public est « un groupe de citoyens, démographiquement représentatif d’une population plus large, rassemblé pour se tenir informé et débattre d’un sujet dans le but d’éclairer l’opinion publique et la prise de décisions » (traduction libre) ; il peut prendre la forme d’un jury de citoyens, d’une conférence de citoyens, d’un sondage délibératif ou d’une assemblée de citoyens (Breckon, Hopkins et Rickey, 2019[40]).
L’exemple de l’Irlande (Encadré 3.4) illustre la façon dont ce processus allie l’exploitation de données dans le cadre de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes et la création de valeur publique. Des citoyens sélectionnés de manière aléatoire ont été rassemblés pour étudier les problématiques et les incidences liées à des sujets épineux et sensibles. Un tel dispositif exige de faciliter les échanges entre les citoyens et les experts, afin de les aider à utiliser au mieux les éléments probants et les données. Il exige en outre que les citoyens soient disposés à remplir un devoir civique consistant à aborder des problèmes complexes et à tenir compte du contexte sociétal global. Lorsque le public a conscience que de tels processus reflètent sa participation (et s’inscrivent par conséquent dans la lignée des définitions précitées de la « valeur publique »), il perçoit toute activité ultérieure comme créatrice de valeur, même si elle n’est pas conforme à ses préférences personnelles (Talbot, 2011[24]). En revanche, l’intérêt de cet exercice repose pour une large part sur le degré d’engagement des pouvoirs publics à laisser aux « mini-publics » la main sur le programme d’action, de la même façon qu’un juge doit respecter le verdict du jury au tribunal.
Encadré 3.4. Les « mini-publics » en Irlande
L’Irlande s’est intéressée pour la première fois au potentiel des jurys de citoyens en 2012, lorsque le Parlement irlandais a ordonné la création d’une Convention constitutionnelle. Celle-ci était composée de 100 membres : un président indépendant, 29 membres du Parlement irlandais, 4 représentants des partis politiques de l’Irlande du Nord et 66 citoyens sélectionnés de manière aléatoire en Irlande.
La Convention avait pour mission d’examiner huit sujets spécifiques :
1. la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et l’alignement de l’élection présidentielle sur les élections locales et européennes ;
2. l’abaissement de l’âge de la majorité électorale à 17 ans ;
3. la révision du système électoral de l’Assemblée (Dáil) ;
4. l’octroi aux citoyens résidant en dehors du pays du droit de voter aux élections présidentielles dans les ambassades d’Irlande ou ailleurs ;
5. la prise en compte des mariages entre personnes de même sexe ;
6. la modification de la clause sur le rôle des femmes au foyer et la promotion de la participation des femmes à la vie publique ;
7. la promotion de la participation des femmes à la vie politique ;
8. la suppression du délit de blasphème de la Constitution.
À cela s’ajoutaient deux sujets choisis par la Convention elle-même :
9. la réforme de l’Assemblée (Dáil) ;
10. les droits économiques, sociaux et culturels.
La Convention a tenu des réunions d’une journée et demie sur dix week-ends. Chaque réunion était organisée en trois parties : 1) une présentation, par des experts, de documents diffusés en amont des réunions ; 2) un débat entre des groupes défendant une position contradictoire sur les sujets ; et 3) une table ronde, avec des animateurs et secrétaires de séance. Le dimanche matin, les membres passaient en revue les discussions de la veille et votaient à l’aide d’un bulletin reprenant les détails du débat.
Le gouvernement a répondu formellement à chacun des documents transmis par la Convention. Trois des sujets ont fait l’objet d’un référendum public ; deux d’entre eux ont donné lieu à une majorité de voix favorables – un amendement de la Constitution irlandaise autorisant le mariage entre personnes du même sexe et la suppression du délit de blasphème de la Constitution.
En 2016, suite à une élection générale et à l’ouverture d’une nouvelle session de la Dáil, un nouveau « mini-public » a été créé : l’Irish Citizens Assembly. Si cette « assemblée » était là aussi composée de 100 membres, dont un président indépendant, elle était exclusivement citoyenne, contrairement à la Convention. Autre caractéristique notable : elle avait pour mission de mener un débat et formuler des recommandations sur l’interdiction de l’avortement en Irlande. Comme dans le cas de la Convention, l’Oireachtas ne s’est pas contentée de suivre l’avis de l’assemblée citoyenne, mais y a répondu en formant un Comité conjoint dont le rapport a donné lieu à l’adoption d’une loi ; la décision finale est revenue au public irlandais, qui a été invité à se prononcer dans le cadre d’un référendum.
Sources : Breckon, J., A. Hopkins et B. Rickey (2019[40]), Evidence vs Democracy: How “Mini-publics” Can Traverse the Gap Between Citizens, Experts, and Evidence, https://media.nesta.org.uk/documents/Evidence_vs_Democracy_Report_Final.pdf ; Arnold, T. (2014[41]), Inside the Convention on the Constitution, https://www.irishtimes.com/news/politics/inside-the-convention-on-the-constitution-1.1744924.
Si l’on peut aisément appréhender la notion de « valeur publique » comme une amélioration comprise et reconnue des membres du public, les modalités de sa création peuvent de toute évidence être diverses. Cette section a examiné la possibilité de mesurer la « valeur publique » par le biais de la croissance du PIB, de l’efficience du secteur public, de la valeur sociale, du bien-être, ou de l’association et de la participation.
Il n’existe pas d’approche unique de la définition de la « valeur publique » inhérente à l’exploitation des données, les activités menées au titre de chaque catégorie offrant des possibilités et des trajectoires distinctes pour créer de la valeur. Pour déterminer les moyens de définir au mieux la valeur, il importe de clarifier les raisons qui sous-tendent cette création, le problème à résoudre et le besoin à satisfaire. L’une des solutions pour veiller à ce que le besoin soit compris selon plusieurs perspectives consiste à favoriser la participation du public et constituer une équipe pluridisciplinaire faisant la part belle à la diversité. Parvenir à des résultats concluants et relever les défis auxquels sont confrontées différentes communautés nécessitent l’implication collective d’acteurs externes et de membres des équipes responsables de la stratégie, de la prestation et de l’opérationnel. Cela permet d’éviter que les usages des données publiques ne mettent à mal la confiance du public et la légitimité des organismes, tout en ouvrant la voie à des approches novatrices de la façon dont les pouvoirs publics abordent la prestation de services aux citoyens et mesurent l’efficience de l’offre et la satisfaction des utilisateurs (Welby, 2019[6]).
Pour comprendre, définir et mesurer la valeur des données en tant qu’actif et leur contribution à la création de valeur publique, il convient de s’assurer que le cycle de valeur des données publiques soit reconnu et que chaque étape du processus soit clairement cartographiée et évaluée. La définition des références et étalons pour l’utilisation des données au sein des organisations publiques et entre elles est une condition préalable importante pour déterminer la valeur. Pour autant, lors de l’établissement des dossiers de décision et de l’obtention de l’engagement des pouvoirs publics, cette valeur doit souvent être définie en termes financiers. L’approche du Royaume-Uni, qui consiste à estimer la valeur sociale et est exposée dans l’Encadré 3.3, peut aider à démontrer que les mesures tant financières que non financières pourraient être définies en termes pécuniaires.
L’approche de la gouvernance des données exposée dans le chapitre 2 est essentielle à la réussite des efforts déployés pour tendre vers un secteur public fondé sur les données. La priorité devrait être donnée à la direction de ces efforts, à la capacité d’exécution et aux cadres juridiques nécessaires, ainsi qu’aux approches architecturales et infrastructurelles qui améliorent le cycle de valeur des données. Y parvenir permet d’envisager de nouveaux moyens d’exploiter les données en vue de créer de la valeur publique, avec la certitude d’avoir mis en place les fondations nécessaires pour obtenir des résultats concluants et de fournir une mesure solide de sa valeur.
Exploiter les données pour créer de la valeur publique
Il est essentiel que les pays axent leur secteur public sur les données afin de maximiser les possibilités offertes par le concept d’administration numérique en termes de transformation des modes de fourniture des biens et services publics et de contribution à l’amélioration du bien-être des citoyens. Après avoir évoqué la définition de la valeur des données, ce chapitre va à présent montrer, exemples à l’appui, comment il est possible d’exploiter les données pour tirer le meilleur parti des possibilités offertes par le modèle de secteur public axé sur les données.
D’après Van Ooijen, Ubaldi et Welby (2019[3]), ces possibilités relèvent de trois catégories : gouvernance anticipative, conception et prestation, et gestion des performances. L’un des objectifs de ce rapport est de proposer un cadre analytique et conceptuel qui puisse être appliqué dans l’ensemble du secteur public et dans les différents domaines de l’action publique, de manière à favoriser l’adoption de méthodes davantage axées sur les données en matière d’action publique ainsi que pour la conception et la prestation des services publics. Le Graphique 3.5 propose une définition élargie, qui assimile les possibilités d’exploitation des données aux fins de création de valeur publique à un ensemble plus large et généralisé de trois comportements qui sont liés et se renforcent entre eux.
La première phase, « anticipation et planification », est axée sur la compréhension du rôle que peuvent jouer les données dans la conception de l’action publique, l’anticipation des changements, la prévision des besoins et la préfiguration des possibilités futures. Cette phase se concentre sur la façon dont les données peuvent être utilisées pour préparer l’avenir – que l’objectif soit d’anticiper une série de scénarios futurs possibles ou de réfléchir à une solution pour résoudre un problème particulier. Elle mobilise différentes sources de données pour mener ces activités à bien, et notamment les données issues de l’évaluation des interventions passées ou en cours.
La deuxième phase, celle de la « prestation » des services publics et des politiques publiques, recouvre les activités associées à la mise en œuvre des politiques, à la prestation concrète des services et aux exigences immédiates de réponse au changement. Elle renvoie à la façon dont les données sont utilisées en permanence pour guider la prestation des services publics et des politiques publiques et pour attirer l’attention sur des problèmes qui pourraient nécessiter une réponse immédiate, ou pour améliorer les modalités de mise en œuvre existantes. La « prestation » suppose de bien utiliser les outils d’analyse et de définir des indicateurs de performance adéquats, de manière à pouvoir exploiter les données tirées de la prestation d’un service, souvent en temps réel, et à pouvoir interpréter et appliquer rapidement et judicieusement ces données et les enseignements éventuels qui en découlent.
La troisième phase, « évaluation et suivi », qui recouvre la mesure de l’impact, le contrôle des décisions et le suivi des performances, consiste à analyser rétrospectivement les événements et à tirer des enseignements des données produites lors de la phase de « prestation ». Il existe donc une importante boucle de rétroaction entre cette phase et celle de la « prestation ». La phase « d’évaluation et suivi », qui est en elle-même une source de valeur importante, apporte de surcroît une contribution appréciable aux activités de « prestation » et « d’anticipation et planification » pour lesquelles on souhaite profiter d’éclairages tirés des interventions antérieures.
Ces trois domaines offrent des possibilités distinctes d’exploiter les données à des fins de création de valeur. Toutefois, comme le montre le Graphique 3.5, il existe un certain nombre de flux de données et de travaux entre ces domaines. Par conséquent, bien que la suite de ce chapitre aborde ces trois phases successivement, on ne doit pas en conclure que ce sont des silos étanches, et que les données n’ont de valeur que pour une phase seulement. Il y a lieu, au contraire, d'appréhender ces trois phases comme un continuum : l’exploitation des données lors de la phase « d’anticipation et planification » conduit à un ensemble de livrables dont la « prestation » entraîne la production de nouvelles données et la mise en pratique de nouveaux enseignements qui, in fine, produiront les données nécessaires à « l’évaluation et au suivi » des performances et impacts. L’exemple de la démarche globale adoptée par la ville de San Francisco pour améliorer la prestation des services destinés aux jeunes défavorisés (Encadré 3.5) illustre ce processus. Cette démarche reflète le cycle de prestation continu et itératif que les autorités cherchent à promouvoir au travers d’un modèle d’administration numérique dans lequel la stratégie, les activités de prestation et les aspects opérationnels se nourrissent et s’influencent mutuellement, dans le contexte d’une collaboration pluridisciplinaire, trans-sectorielle et transfonctionnelle.
Encadré 3.5. San Francisco améliore la prestation des services destinés aux jeunes défavorisés
Le partage des données entre les différentes organisations du secteur public est peut-être l’un des plus grands défis à relever pour améliorer les retombées de l’action publique et créer de la valeur publique. À San Francisco, le cas des jeunes défavorisés a incité les responsables des services de placement en famille d’accueil, de probation pour mineurs et de santé mentale à collaborer avec les services du procureur de la ville pour faciliter l’échange limité d’informations relatives aux dossiers entre les services concernés. Ces échanges ont permis de modifier le niveau d’accompagnement assuré aux mineurs ayant des contacts avec l’un ou l’autre de ces services, grâce à l’amélioration de la coordination des dossiers et à l’identification des jeunes suivis par plusieurs services.
Ces progrès ont été rendus possibles par un système intégré de données permettant de reconnaître et de cibler les familles les plus vulnérables, les plus en difficulté et ayant les besoins les plus aigus. Le processus d’intégration des données a permis d’engager des activités « d’évaluation et suivi » desquelles il est ressorti que 2 000 usagers absorbaient la moitié des ressources des services sociaux de la ville, et que la plupart de ces jeunes habitaient à proximité immédiate des locaux de ces services sociaux. À la lumière de ce constat, la Human Service Agency a décidé de cibler la « prestation » des services sur des quartiers particuliers et de proposer des services dans des centres de quartier, ce qui amélioré l’efficience et la qualité de la prestation des services.
Grâce à cette nouvelle source de données, il a été possible d’engager des activités « d’anticipation et planification » visant à cerner plus précisément les besoins des jeunes à risque, et, sur cette base, de déterminer comment éviter à ces jeunes de commettre à l’avenir des actes préjudiciables, de comprendre pourquoi certains d’entre eux passaient entre les mailles du filet et d’identifier les services nécessaires pour pouvoir intervenir plus tôt et éviter ces résultats défavorables.
Basé dans un premier temps sur un dispositif rudimentaire, le système a ensuite été transféré vers une plateforme plus élaborée qui permet aux trois services de mieux comprendre la façon dont les données s’emboîtent. La visualisation partagée des données a permis de constater que les personnes prises en charge par des systèmes multiples avaient une probabilité plus élevée de commettre une infraction : parmi les jeunes habitants pris en charge par plusieurs services, 51 % avaient été reconnus coupables d’une infraction grave ; 33 % avaient eu affaire aux trois services ; et 88 % avaient commis une infraction dans les 90 jours suivant leur prise en charge par plusieurs services. Ces données ont défini une fenêtre de tir critique pour l’intervention des travailleurs sociaux, et apporté des arguments en faveur de la mise en place d’un système de gestion des dossiers intégré et en ligne, permettant d’établir ces connexions en temps réel.
Source : OCDE (2015[42]), Rebooting Public Service Delivery: How Can Open Government Data Help to Drive Innovation?, www.oecd.org/gov/Rebooting-Public-Service-Delivery-How-can-Open-Government-Data-help-to-drive-Innovation.pdf.
Anticipation et planification
La première phase durant laquelle les pays peuvent démontrer leur capacité à exploiter les données pour créer de la valeur publique recouvre des activités tournées vers l’avenir – planification, ou réflexion sur ce qu’il y aurait lieu de faire pour mieux répondre aux besoins de la société. L’avenir est imprévisible et ne peut pas être prédit avec certitude. Il existe donc des situations dans lesquelles il n’est pas possible de s’appuyer sur les données – celles-ci n’existant pas et ne pouvant pas exister – pour prendre des décisions pourtant nécessaires. Dans ce cas de figure, disposer d’une méthodologie qui permette d’identifier la valeur publique, de comprendre la finalité de l’intervention publique et de mesurer son impact est utile pour déterminer ultérieurement si une décision prise en l’absence de données a produit ou non l’effet désiré.
Néanmoins, les pouvoirs publics devraient toujours chercher à obtenir les données nécessaires pour tenter d’atténuer les risques associés à l’imprévisibilité de l’avenir. S’ils réussissent à se procurer ces données, la phase « d’anticipation et planification » peut commencer ; les données sont alors utilisées pour définir et planifier une intervention, apporter des éléments probants à l’appui de l’action publique et soutenir les volets de la gouvernance anticipative que sont la prospective et la prévision. En étant préparés à se procurer les données requises pour guider l’anticipation et la planification des activités et besoins futurs, les pays sont à même de réagir aussi bien aux événements planifiés qu’à ceux qui sont imprévisibles. En outre, dans leur réflexion sur les moyens de répondre de façon proactive aux besoins des citoyens, les pouvoirs publics ne devraient pas uniquement réfléchir aux services susceptibles de répondre à ces besoins ; ils devraient aussi étudier toutes les possibilités de faire évoluer le statu quo. Les travaux que mène actuellement le Groupe de travail OCDE des hauts responsables de l’administration numérique (E-leaders) sur les administrations publiques de demain et sur la marche à suivre pour tirer le meilleur parti de l’ère du numérique constituent une ressource importante qui peut aider les exécutifs à se préparer et à répondre à ces défis.
Dans certains domaines de l’action publique, il n’est pas possible de se procurer les données nécessaires. Dans ce cas, une solution peut consister à inviter les acteurs du secteur privé et de la société civile à assumer une part des risques. La Corée octroie des financements par le truchement d’un concours de « projets d’analyse des données massives du secteur public » qui encourage la recherche de nouveaux moyens d’appliquer les enseignements dégagés des données nationales aux défis que doit relever le pays. Ce système offre la liberté expérimentale requise pour l’élaboration de modèles axés sur un problème particulier et pouvant être déployés à plus grande échelle par la suite, en les affranchissant des contraintes des pouvoirs publics en termes de stratégie et de prestation des services publics ou des politiques publiques. Au Royaume-Uni, les autorités chargées du cadastre et de la cartographie (Land Registry et Ordnance Survey) ont collaboré avec Geovation, le laboratoire de données foncières et de localisation du Royaume-Uni, pour se mettre en quête de personnes ayant des idées pour transformer la société à l’aide des données foncières ou de localisation, et pour les aider à transformer ces idées en projets viables. Jusqu’à présent, 23 millions GBP ont été investis dans 84 start-ups relevant de dix secteurs marchands (Geovation, 2019[43]).
En général, il est possible, lors de la phase « d’anticipation et planification », de trouver des sources de données sur lesquelles se fonder. Les activités d’anticipation et de planification peuvent être motivées par l’échec retentissant d’une politique, ou par la volonté de privilégier une nouvelle politique pour des raisons idéologiques. Il se peut qu’un laboratoire d’idées, des médias ou des universitaires aient effectué une analyse de données qui ait conduit l’exécutif à revoir ses priorités. Il peut aussi arriver que l’évaluation d’une activité en cours et la collecte de nouvelles données incitent les autorités à réorienter leur action vers la recherche de retombées différentes. Les expériences de la Corée, du Danemark, de l’Irlande, du Portugal, du Royaume-Uni et de la Suède, telles qu’elles ressortent des recherches qui ont conduit aux analyses présentées dans ce rapport, montrent toutes que, lorsque les données ont été utilisées pour anticiper, c’était en général en réaction à des données ou des activités existantes, dans l’optique de créer une nouvelle perspective tournée vers l’avenir.
La notion de gouvernance anticipative est également pertinente dans le contexte de la gouvernance innovante des données du secteur public, comme c’est évoqué au chapitre 2.
Une action publique fondée sur des données probantes
Le premier aspect à examiner, s’agissant de la phase « d’anticipation et planification », est l’utilisation de données probantes à l’appui de la conception d’interventions visant à répondre aux défis prévus. Cette tâche est à distinguer des activités de prévision (abordées plus loin), qui visent à prédire si telle ou telle politique sera efficace ou non. Elle se rapporte aux méthodes adoptées par les pays pour expérimenter une approche spécifique, et prend en considération le plus vaste éventail d’interventions possible pour guider les interventions futures, en fonction de la disponibilité des données. Cette tâche n’est pas du seul ressort des pouvoirs et agents publics, puisque des laboratoires d’idées, des journalistes et des universitaires, entre autres acteurs, participent également à la réflexion sur la façon dont les données peuvent être utilisées pour apporter des réponses proactives aux besoins de la société.
Pour assurer la prise en compte des données en tant qu’éléments probants lors des processus de conception, de mise en œuvre et d’évaluation de l’action publique, l’un des facteurs les plus essentiels est d’établir des normes pour ces données. Le Groupe d’experts de l’OCDE sur les exigences en matière de données probantes a proposé six critères (Encadré 3.6) à réunir au service d’une action publique fondée sur des données probantes.
Encadré 3.6. Assurer la bonne gouvernance des données probantes : quelles exigences faut-il appliquer aux données probantes censées éclairer la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de l’action publique ?
Un groupe d’experts de l’OCDE sur les exigences en matière de données probantes a énoncé six critères en la matière :
1. Adéquation : les données probantes devraient être choisies de façon à permettre de répondre à des considérations politiques multiples, être utiles à la réalisation des objectifs stratégiques et prendre en considération le contexte local.
2. Intégrité (intermédiation objective) : les individus et organisations qui fournissent des données probantes à l’appui de l’action publique ont besoin de processus qui garantissent l’intégrité des avis formulés sur la base de ces données, notamment en ce qui a trait à la gestion des conflits d’intérêts, à l’éthique et à l’influence des activités de lobbying.
3. Redevabilité : les personnes qui définissent les règles et la configuration des systèmes officiels permettant, sur la base de données probantes, la formulation d’avis sur l’action à mener devraient être titulaires d’un mandat public officiel, et le pouvoir de décision final concernant les politiques fondées sur des données probantes devrait appartenir à des responsables tenus de rendre des comptes à la population.
4. Contestabilité : les données probantes devraient pouvoir être remises en cause et faire l’objet de recours, de même, éventuellement, que les décisions portant sur le choix des données probantes à utiliser.
5. Transparence : les informations devraient être clairement visibles et pouvoir être examinées par la population. La population devrait être en mesure de déterminer comment les données probantes qui ont éclairé la prise de décision ont été identifiées et utilisées. La transparence est également citée comme un critère dans les Principes directeurs de l’OCDE pour la qualité et la performance de la réglementation de l’OCDE, ainsi que dans les Principes d’ouverture de l’administration.
6. Délibération : des possibilités de dialogue devraient être ménagées, de façon à permettre aux citoyens de faire valoir leurs valeurs et préoccupations, dans toute leur diversité, dans le cadre de l’utilisation des données probantes. Cette exigence renvoie également à la co-conception et à la co-création des politiques publiques et à la participation dans un contexte d’administration ouverte pouvant contribuer aux données probantes.
Source : OCDE (à paraître[44]), Standards of Evaluation: A Review of International Perspectives.
Certains pays ont mis au point à l’intention de leurs agents publics des lignes directrices sur l’utilisation des DPO dans le cadre de la conception de l’action publique. Selon l’enquête relative à l’indice OURdata de 2017, l’Autriche, la Colombie, la Corée, la Finlande, la France, le Japon, la République tchèque et le Royaume-Uni ont tous élaboré des lignes directrices générales sur la façon d’utiliser au mieux les données publiques ouvertes pour éclairer les processus de l’action publique (OCDE, 2017[27]). Tandis que ces pays formulent des recommandations à l’intention des agents publics, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis et la Norvège se servent des données publiques ouvertes pour intensifier le débat public autour de l’action publique et pour promouvoir la co-responsabilité dans la gestion des défis associés à cette action. En outre, le Chili, la Colombie, la France et Israël misent sur les données publiques ouvertes pour faciliter la recherche participative de solutions aux problématiques liées à l’action publique, grâce à la mobilisation de l’intelligence collective de la population (OCDE, 2019[26]). Au Mexique, la Stratégie numérique nationale pour 2013‑18 souligne la contribution importante des données publiques ouvertes à la réalisation d’objectifs stratégiques – amélioration de la politique foncière, économie numérique et prévention et atténuation des catastrophes naturelles (OCDE, 2016[45]).
La Corée a conçu un modèle normalisé d’analyse des « données massives » du secteur public, grâce auquel les données créées dans une composante du secteur public peuvent être comparées aux données créées dans les autres composantes de ce secteur. Les modèles produits grâce à ce dispositif fournissent des éclairages sur l’action à mener dans 18 domaines, et pour l’heure, 320 modèles normalisés ont été fournis à 175 entités. Il est prévu de créer des modèles similaires dans des domaines en lien avec les services aux administrés, le tourisme, les transports, la vidéosurveillance et le logement social. Une telle normalisation permet de limiter les divergences dans les analyses faites par différentes institutions, notamment entre l’administration centrale et les administrations locales, ce qui permet de mener, à partir de tel ou tel ensemble de données, une action fondée sur une analyse plus exacte et plus complète.
Le Danemark a consacré des efforts considérables au traitement des données sur l’éducation. Une banque et un entrepôt de données permettent aux institutions, aux régions, aux municipalités et à la population d’accéder à un certain nombre de rapports, graphiques et statistiques prédéfinis. Par ailleurs, les usagers peuvent construire leurs propres rapports à partir de certaines données contenues dans la base.
En Irlande, les données massives sont principalement utilisées dans le cadre d’activités de cartographie. Le service cartographique irlandais (Ordnance Survey Ireland) utilise un service dénommé Geohive qui offre un accès facile aux données géospatiales d’accès public. Combinées aux données issues d’autres sources, ces données cartographiques aident à analyser les évolutions du marché immobilier et les risques d’inondation. L’Irlande a aussi créé Pobal, un site internet couplé à un service d’aide qui fournit des renseignements sur le niveau de pauvreté des zones, sur les services disponibles en matière de petite enfance et sur les autres services publics dont les citoyens peuvent bénéficier. Il s’agit d’une ressource à l’usage des responsables publics, mais aussi des citoyens et des associations.
L’une des possibilités les plus intéressantes qu’offre le recours aux données est que ce recours peut permettre aux autorités de modifier leur approche. En Belgique, les autorités de la région flamande ont procédé à une revue de dépenses dans le but d’élaborer des politiques favorisant la création d’emplois adaptés aux besoins de la collectivité. Or, l’analyse a mis en évidence que la nécessité la plus impérieuse était de répondre aux besoins des seniors en termes de services à domicile, plutôt qu’en termes d’emploi.
Gouvernance anticipative
Axer le secteur public sur les données peut créer de la valeur publique dans le cadre d’un deuxième aspect de la phase « d’anticipation et planification » : la gouvernance anticipative. La gouvernance anticipative implique de tenir systématiquement compte de l’avenir dans les décisions prises au moment présent. Dans ce contexte, les autorités agissent de façon proactive plutôt que réactive, en s’appuyant sur des connaissances et des données probantes plutôt que sur l’expérience et le protocole. L’utilisation des données permet de mieux cerner les besoins de la société à mesure qu’ils se font jour et améliore la prédiction des besoins futurs. Il s’agit d’une activité particulièrement importante dans le contexte de l’innovation. L’Observatoire de l'OCDE sur l'innovation dans le secteur public (OPSI) a récemment lancé un projet de « gouvernance anticipative de l’innovation » pour analyser les défis et possibilités qui existent dans ce domaine.
Les techniques de prédiction et de modélisation faisant appel aux données aident les pouvoirs publics à anticiper les évolutions sociétales, économiques ou naturelles susceptibles de se produire. Elles permettent également de détecter les signaux d’alerte précoces et de mieux déterminer la nécessité éventuelle d’intervenir. En outre, les administrations publiques qui savent s’appuyer sur un socle robuste de données sont capables de fournir des services proactifs, qui anticipent les besoins des citoyens sans que ceux-ci en aient nécessairement conscience et leur évitent de devoir interagir avec l’administration.
Ces processus renvoient à une macro-anticipation au niveau sociétal, impliquant de comprendre les tendances émergentes et de mener des activités « prédictives » qui étaieront la planification à long terme. Toutefois, ils renvoient également à une micro-anticipation au niveau des individus et de leurs besoins. À ce niveau, il ne s’agit pas de prédire ce dont l’individu va avoir besoin en fonction de ses choix passés, et de lui présenter la solution existante, mais plutôt d’opérer une transformation plus profonde de la conception de l’État, fondée sur une compréhension approfondie des événements de la vie et des types d’interactions associés à tel ou tel ensemble de services.
La gouvernance anticipative a deux composantes : la prévision et la prospective.
Prévision
Dans le contexte du secteur public axé sur les données, prévoir implique d’utiliser les données et les tendances existantes dans le but de prédire les évolutions et les retombées les plus probables. Les techniques de prédiction et de modélisation faisant appel aux données aident les pouvoirs publics à anticiper les évolutions sociétales, économiques ou naturelles susceptibles de se produire. Des compétences en matière de prévision sont mobilisées pour essayer de cerner les besoins émergents et d’anticiper les besoins futurs sur la base des tendances observables, qu’elles soient de nature physique ou numérique, comme dans l’exemple présenté par l’Encadré 3.7.
Encadré 3.7. Australie : prédiction des hospitalisations
Les services d’urgence des hôpitaux peuvent souvent être débordés et avoir du mal à prendre en charge les patients rapidement. Or, tout retard dans la prise en charge peut accroître la mortalité des patients. C’est pourquoi les hôpitaux australiens se sont fixé pour objectif de traiter les personnes admises aux urgences dans un délai maximum de quatre heures.
Pour aider les hôpitaux à réaliser cet objectif, la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation a conçu un outil spécifique, le Patient Admission and Prediction Tool (PAPT). À partir des données détenues par un hôpital, cet outil permet de prédire avec précision le nombre de patients attendus, le type d’urgence et la spécialité concernée, ainsi que le nombre d’entrées et de sorties de patients.
Le PAPT est en train d’être élargi en vue de prédire des maladies telles que la grippe et les hospitalisations de patients atteints de maladies chroniques.
Il est actuellement utilisé dans 30 hôpitaux, avec un taux d’exactitude des prévisions de la demande de lits de 90 %. Si le PAPT était déployé dans l’ensemble du pays, il générerait 23 millions AUD d’économies annuelles.
Source : Dods, S. et al. (2013[46]), Evidence-Driven Strategies for Meeting Hospital Performance Targets: The Value of Patient Flow Modelling, https://doi.org/10.4225/08/584c43f4df82b.
Axer le secteur public sur les données implique de mettre en place les ressources nécessaires pour permettre à des activités prédictives d’alimenter des systèmes d’alerte précoce, des outils d’analyse du sentiment sur les médias sociaux et des systèmes d’aide à la décision en temps réel (Höchtl, Parycek et Schöllhammer, 2016[47]). Grâce à l’ubiquité croissante des appareils mobiles et des plateformes de médias sociaux, les autorités disposent d’un éventail de possibilités élargi pour recueillir auprès des citoyens des informations précieuses sur leur vie quotidienne, leurs besoins, leurs préférences et leurs comportements. Prises toutes ensemble, ces données permettent aux pouvoirs publics de mieux évaluer les besoins, de concevoir des mesures plus adéquates et d’estimer plus précisément les impacts attendus.
Au Mexique, l’État a créé le Datalab, laboratoire de données spécialisé qui a pour mission de développer ces aptitudes de prévision. L’une des priorités consiste à renforcer les approches de gouvernance anticipative en vue de générer des prédictions fondées sur les données concernant, par exemple, les populations menacées de certaines maladies, les zones où des problèmes environnementaux commencent à poindre et les conflits en devenir (OCDE, 2019[26]). Toujours au Mexique, le ministère de l’Énergie utilise un modèle prédictif de planification et d’analyse de la main-d’œuvre pour déterminer quels talents et compétences manquent ou viendront à manquer dans les métiers essentiels du pétrole et du gaz d’ici les dix prochaines années (Deloitte, 2016[48]).
Au Portugal, des financements ont été alloués à des projets qui utilisent la science des données pour atténuer les risques. L’un des projets menés avec succès a consisté à comparer les compétences des chômeurs et les besoins du marché du travail pour pouvoir identifier les personnes les plus exposées au chômage de longue durée et leur fournir une formation ciblée.
L’Irlande s’appuie sur l’analyse des médias sociaux pour modéliser la protection sociale, et elle a eu recours à l’analyse prédictive des données concernant les besoins futurs du pays pour l’action associée à Project Ireland 2040, projet lancé par le gouvernement irlandais pour préparer l’Irlande aux enjeux et aux possibilités des 20 prochaines années.
Prospective
Dans le contexte d’un secteur public axé sur les données, la prospective revient à assurer une vigie afin de discerner les problèmes qui pourraient poindre à l’horizon ; la prospective n’a pas pour objet de prédire l’avenir. Il s’agit d’une démarche systématique qui examine différents scénarios plausibles de divergence de l’avenir par rapport aux attentes, et qui en tire des éclairages pour permettre à l’action publique de s’adapter à ces scénarios avec plus d’agilité. Les données les plus pertinentes aux fins de la prospective sont celles qui permettent d’identifier les changements émergents actuels susceptibles de se muer, à l’avenir, en ruptures importantes.
L’Unité de prospective stratégique de l’OCDE contribue dans une mesure importante à renforcer les capacités des autorités nationales en coordonnant la Communauté de prospective publique, initiative qui regroupe plus d’une centaine de professionnels de la prospective chevronnés travaillant pour des pays ou des organisations internationales du monde entier. Par ailleurs, l’Observatoire de l’OCDE sur l’innovation dans le secteur public assure la curation d’une série de ressources relatives à la prospective au moyen de son Navigateur (Toolkit Navigator), qui permet de se repérer dans les boîtes à outils existantes2.
Bien que les compétences et les capacités requises pour des activités de prospective efficaces ne soient pas toujours disponibles, l’Australie a conçu le Public Sector Innovation Toolkit, un guide pratique sur l’analyse prospective dans le secteur public. Cet outil fournit des notions de base sur l’analyse prospective et la façon dont elle doit être conduite, proposant différentes aides et listes de vérification aux agents publics qui souhaitent s’initier à cet exercice dans leur contexte d’activité propre.
Les compétences et les capacités ne sont pas la seule condition du succès de la prospective : il faut que les données requises soient disponibles et accessibles. En outre, la prospective exige d’avoir l’esprit tourné vers le long terme et non pas vers les cycles politiques de courte durée, qui peuvent conduire à des politiques centrées sur les problèmes ou exigences les plus immédiats. Compte tenu de ces facteurs, il n’est pas surprenant de constater qu’en dehors du centre de gouvernement, les activités de prospective sont relativement limitées. En particulier, l’enquête OCDE/Bloomberg sur les capacités d’innovation des villes montre que la prospective est un domaine dans lequel les villes sont à la traîne (OCDE/Bloomberg, 2019[49]).
Plusieurs pays de l’OCDE ont créé des institutions chargées de jouer un rôle moteur en ce qui concerne le volet de la gouvernance anticipative consacré à la prospective. Au Canada, Horizons de politiques Canada utilise la prospective pour aider le gouvernement fédéral à créer des programmes et des politiques plus solides et résilients face aux ruptures. L’équipe chargée de cette initiative utilise la prospective au sens où elle prend les données du passé et les extrapole dans le futur, à l’aide de différents outils allant des statistiques aux simulations. Au Portugal, l’une des missions du Centre des compétences numériques de l’administration publique (TicAPP), qui relève de l’Agence pour la modernisation administrative, est de mettre au point des modèles quantitatifs et prédictifs permettant d’appliquer les données disponibles à l’appui des processus décisionnels politiques et administratifs. Par ailleurs, en 2016, le Portugal a établi le LabX, laboratoire d’expérimentation pour l’administration publique qui a pour but d’instiller une culture de l’innovation au sein de l’administration publique portugaise, de (ré)organiser les services publics autour des besoins et des attentes des citoyens et de promouvoir une démarche d’action publique fondée sur des données probantes en procédant à des essais et des expérimentations dans un environnement contrôlé. Le Royaume-Uni s’intéresse lui aussi aux possibilités offertes par les laboratoires dans l’expérimentation et la prospective en lien avec l’action publique. Pour citer deux exemples d’initiatives, le Government Policy Lab et le réseau What Works s’attachent à générer des données pour ensuite les analyser et modéliser différents scénarios d’intervention.
Conception des services publics et des interventions
L’un des intérêts les plus manifestes d’un secteur public axé sur les données tient à ce que l’exploitation des données peut permettre de concevoir de meilleures interventions et de meilleurs services. En effet, les besoins des citoyens peuvent être compris de façon plus approfondie et plus complète, et les citoyens peuvent être associés à la création de valeur. Bien que cette activité s’inscrive dans la phase « d’anticipation et planification », il existe un lien manifeste entre la conception et la phase de « prestation ».
À mesure que les pays développent leurs modèles de gouvernance des données (comme on l’a vu dans le chapitre 2) et acquièrent une compréhension plus fine du cycle de valeur des données publiques, l’utilisation et la réutilisation des données au sein des administrations publiques se perfectionnent. La circulation des données d’un secteur à l’autre de l’administration publique, leur catalogage et l’amélioration de leur accessibilité créent de nouvelles possibilités en termes d’intégration renforcée de la conception des services publics. En outre, à mesure que les citoyens sont invités à prendre part à la conception des services publics et contribuent aux travaux de recherche-utilisateurs visant à définir leurs besoins, les services publics commencent à refléter les besoins et situations réels des administrés.
Au Royaume-Uni, le Government Digital Service a élaboré une série de directives obligatoires pour évaluer et assurer la qualité de l’ensemble des services fournis aux usagers par les administrations publiques. Cette norme de service en 14 points est administrée au travers d’une série d'évaluations qui interviennent à différents stades du cycle de prestation. L’intérêt des données qualitatives et quantitatives pour comprendre les besoins des citoyens et leurs comportements face au secteur public est constamment souligné. En lien direct avec la contribution des données à « l’anticipation et la planification » de la conception des services publics, les administrations publiques sont tenues de prendre en compte les données qualitatives et quantitatives pour s’assurer que les équipes responsables ont bien compris les besoins de leurs usagers et sont ensuite en mesure d’y répondre en continu. Il existe une norme similaire au Canada, qui impose aux agents publics d’assurer une bonne intendance des données, de recueillir les données des usagers une seule fois, de les réutiliser autant que possible et de veiller à ce que les données soient gérées de manière sûre et selon des modalités qui favorisent leur réutilisation.
Un autre aspect important de la phase de conception de la planification, à la fois pour les phases de « prestation » et « d’évaluation et suivi » des services et interventions publics, est la nécessité préalable d’étalonner les performances et de définir comment le succès sera mesuré. Pour générer la valeur publique maximale, il est essentiel de définir clairement la finalité poursuivie ; mais ce n’est que la moitié du travail à accomplir. L’autre moitié consiste à définir quels moyens seront employés pour mesurer la valeur et pour déterminer si une intervention donnée a été couronnée de succès ou non.
Encadré 3.8. 350 000 donneurs d’organes supplémentaires grâce à un simple lien
Au Royaume-Uni, les citoyens peuvent s’inscrire volontairement sur un registre de donneurs d’organes. L’équipe chargée d’accroître le nombre de personnes inscrites à ce registre a travaillé avec les administrateurs du nom de domaine du gouvernement britannique, GOV.UK, ainsi qu’avec des équipes de l’organisme chargé de l’enregistrement des véhicules et des automobilistes (Driver and Vehicle Licensing Agency), du Service national de santé (NHS) et du ministère de la Santé, de même que l’équipe chargée des éclairages comportementaux au sein du Cabinet Office, pour trouver des moyens d’inciter les usagers à s’inscrire sur le registre des donneurs à l’occasion de l’une de leurs démarches administratives.
Il y avait lieu, pour cela, de trouver un moyen judicieux de sensibiliser les usagers à la question du don d’organe. Dans cette perspective, l’équipe a mené une série d’expériences lors de la phase finale de la procédure effectuée par les particuliers pour renouveler le paiement de leur taxe sur les véhicules. Au total, elle a expérimenté huit combinaisons d’image et de texte différentes, qui ont été vues par plus de 1 million de visiteurs. Elle a ainsi pu constater que l’un des modèles proposés était plus efficace que la version d’origine. En l’espace d’une année, 350 000 personnes supplémentaires se sont inscrites au registre.
Cet exemple souligne l’intérêt d’une démarche associant interventions incitatives et puissance des données. Dans le cas considéré, l’équipe responsable du projet a eu la possibilité de s’appuyer, avec « GOV.UK », sur un support permettant les mises à jour et l’expérimentation. Cependant, elle s’est aussi appuyée sur une culture de l’évaluation des données pour déterminer comment améliorer l’approche utilisée et comment maximiser à la fois le retour sur investissement du projet et son intérêt pour la société dans son ensemble.
Sources : Cabinet Office et al. (2013[50]), Applying Behavioural Insights to Organ Donation: Preliminary Results from a Randomised Controlled Trial, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/267100/Applying_Behavioural_Insights_to_Organ_Donation.pdf.
Prestation
La deuxième phase durant laquelle les pays peuvent démontrer leur capacité à exploiter les données pour générer de la valeur publique est celle correspondant à la prestation des services publics et à la conduite des administrations publiques au quotidien. Comme le montrent les études de cas qui accompagnent ce rapport, la phase de « prestation » ne se cantonne pas aux services publics, et reflète une perspective plus large qui tient compte du rôle des données dans des domaines moins visibles du travail du secteur public.
Puisqu’il s’agit de la phase qui donne lieu aux interactions les plus nombreuses entre les citoyens et les administrations publiques, il existe un lien important entre la « prestation » et le modèle propice de gouvernance des données (chapitre 2), la mise en œuvre concrète du cycle de valeur des données publiques (début du présent chapitre) et les conséquences des données sur la confiance (chapitre 4).
Les modalités de mise en œuvre du modèle de secteur public axé sur les données durant la phase de « prestation » influent directement sur l’aptitude à exploiter la valeur des données durant les phases « d’anticipation et planification » et « d’évaluation et suivi ». Le lien entre la « prestation » et « l’évaluation et le suivi » est particulièrement étroit, dans la mesure où la culture du secteur public axé sur les données encourage les boucles de rétroaction, qui offrent la possibilité d’améliorer en continu la qualité de la mise en œuvre. Ces boucles de rétroaction, qui peuvent être assurées par des mécanismes qualitatifs ou quantitatifs, offrent aux autorités la possibilité d’en finir avec une approche descendante de la conception et de la mise en œuvre des services publics, et de privilégier une conception ciblée des services publics et une approche de la mise en œuvre des politiques et de la prestation des services fondée sur les besoins, ce qui permet d’accroître la portée et l’efficacité des services publics.
Néanmoins, l’utilisation des données pour guider les activités de « prestation » n’est pas toujours une priorité, notamment en ce qui concerne l’utilisation des données publiques ouvertes. La plupart des pays considèrent comme accessoire le rôle que les données publiques ouvertes pourraient jouer dans l’amélioration de la prestation des services publics, et les politiques et initiatives en matière de DPO n’ont pas pour objectif premier d’accroître l’efficience et l’efficacité des services publics (OCDE, 2019[26]).
On verra à la section suivante que l’exploitation des données durant la phase de « prestation » peut générer de la « valeur publique » de quatre manières : 1) en améliorant les services publics pour mieux répondre aux besoins des citoyens ; 2) en donnant aux agents publics la possibilité de se concentrer sur la satisfaction d’autres besoins ; 3) en favorisant la communication et le dialogue avec la population ; et 4) en apportant des réponses aux situations d’urgence, aux crises et aux autres phénomènes émergents.
Améliorer les services publics pour mieux répondre aux besoins des citoyens
Le modèle de secteur public axé sur les données permet d’établir des relations plus étroites entre les activités de conception de l’action publique et de prestation des services publics. Ces relations plus étroites favorisent l’abandon progressif de la mise à disposition descendante des services publics au profit d’une approche des activités de conception et de prestation fondée sur les besoins de l’usager et guidée par une compréhension de l’ensemble du parcours de l’usager d’un service, ce qui peut déboucher sur une amélioration de la portée et de l’efficacité de ce service.
Les approches inclusives et axées sur l’usager adoptées en matière de prestation des services publics peuvent être encore renforcées au travers d’approches tournées vers l’avenir telles que celles décrites dans la section sur « l’anticipation et la planification ». L’analyse des données découlant des comportements et des caractéristiques des usagers existants peut faciliter les activités prédictives d’identification de nouveaux usagers potentiels et/ou des besoins et problèmes émergents. Cela offre la possibilité de mettre au point de nouveaux services qui répondront aux besoins encore non satisfaits, mais aussi de renforcer de façon proactive l’approche utilisée pour remédier aux problèmes dont pâtissent les services existants. Par conséquent, les services fournis par les administrations pourront continuer à s’améliorer, en s’adaptant au rythme de vie des individus et en évoluant continuellement pour satisfaire les besoins et les attentes de ces derniers, avec l’ambition de générer davantage de valeur publique.
Une grande partie de la valeur publique que peut générer l’exploitation accrue des données lors de la phase de « prestation » des services publics n’est pas immédiatement évidente pour l’usager externe. Trouver des solutions aux défis évoqués dans le chapitre 2 concernant la réglementation ainsi que l’architecture et l’infrastructure en matière de données permet pourtant de faire évoluer l’interopérabilité des données entre les différents organismes publics. Dès lors, les champs d’information peuvent être pré-renseignés, et le principe de soumission unique des données peut devenir une réalité. Ces efforts peuvent être particulièrement utiles pour réduire le travail fastidieux qu’impliquerait la numérisation de la grande quantité de processus et services analogiques qui persistent.
De fait, le recours aux données dans le cadre de la prestation de services publics peut accélérer les cycles d’innovation. Cela tient non seulement aux caractéristiques de l’environnement, qui se prête à l’expérimentation de nouvelles technologies à partir d’un socle robuste de données fiables, mais aussi à l’utilisation de méthodes de conception plus souples. L’approche « Lean Startup » (Ries, 2011[51]), fondée sur le cycle construire-mesurer-apprendre, préconise d’exposer les usagers à la solution dès qu’elle présente un minimum de viabilité, de manière à favoriser l’apprentissage et l’itération et l’amélioration continues. En intégrant une approche fondée sur les données dans cette culture de prestation des services publics, les institutions publiques seront mieux à même de savoir comment les citoyens utilisent leurs services et dans quelle mesure ils en sont satisfaits ; elles pourront ainsi tirer les enseignements qui s’imposent et adapter la conception et la prestation de leurs services en conséquence.
Il existe aussi une autre source de valeur qui peut passer inaperçue : la possibilité pour les prestataires de services publics de fournir un service aux usagers de façon proactive, c’est-à-dire avant qu’ils n’aient à en faire la demande à l’État. En agrégeant les données recueillies auprès des citoyens par différentes institutions publiques, les autorités peuvent dresser un tableau plus complet des besoins des citoyens et éviter à ces derniers un parcours morcelé, ce qui serait le cas s’ils devaient interagir avec des entités multiples. Les citoyens peuvent nourrir des préventions à l’égard de ce type d’approche, et y voir la marque d’un « État espion », même si ses intentions sont louables. Une discussion sur les données et la confiance (voir chapitre 4) est donc nécessaire pour garantir que, dans chaque situation où les activités du secteur public axé sur les données dépendent des données personnelles des citoyens, des dispositions sont prises pour préserver et renforcer le niveau de confiance pouvant être accordé à l’administration.
L’expérience des citoyens qui se rendent à l’étranger offre une illustration plus patente de la valeur publique que peut générer le modèle de secteur public axé sur les données pour la « prestation » des services publics. Les échanges de données entre pays peuvent faciliter de nouvelles formes de coopération internationale, telles que celle mise en œuvre dans l’Union européenne pour établir la norme eIDAS, ou encore l’application mobile Mi Argentina, qui permet la reconnaissance de titres et documents officiels numériques dans plusieurs pays (Encadré 3.9). Il existe encore d’autres exemples de solutions automatisées, comme l’échange de données de base tirées des registres du commerce entre l’Estonie et la Finlande, qui devrait faciliter l’essor de l’activité commerciale entre les deux pays (OCDE, 2015[52]).
Encadré 3.9. Reconnaissance transfrontalière des titres et documents officiels
Le permis de conduire argentin
En Argentine, l’application mobile Mi Argentina permet aux citoyens d’accéder à une version numérique de leur permis de conduire. Celle-ci a la même validité juridique que la version physique du permis, et elle est générée automatiquement si l’usager est déjà en possession d’un permis de conduire valide. Le Permis de conduire numérique national s’inspire du Système d’identification numérique argentin, qui permet d’authentifier l’identité des citoyens à distance à l’aide de leurs données biométriques.
Étant donné que de nombreux Argentins sont amenés à traverser la frontière pour se rendre au Chili ou en Uruguay, les autorités ont travaillé avec les gouvernements de ces deux pays pour que le permis de conduire numérique argentin ait la même validité sur leurs territoires. Cette démarche a bénéficié des travaux menés par le Groupe du programme numérique du Marché commun austral, qui s’est employé à déterminer et à hiérarchiser les services publics pouvant être assurés à l'échelle transfrontalière.
Règlement (UE) n° 910/2014 (eIDAS)
Dans l’Union européenne, la reconnaissance et la légitimation d’identité à l’échelle transfrontalière ne reposent pas sur la réutilisation d’un ensemble déterminé de titre ou documents officiels, comme c’est le cas en Argentine, mais sur l’élaboration d’une approche normative quant aux solutions techniques employées.
Le règlement eIDAS offre une base juridique importante pour la prestation de services transfrontaliers et la libre circulation des personnes d’un pays à l’autre au sein du marché unique. Établi en vertu du règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014, il a posé un cadre juridique à l’intérieur duquel les États membres se sont attachés à concevoir et améliorer des solutions d’identification numérique pouvant être reconnues par les autres pays et réutilisées par leurs citoyens dans leurs démarches pour accéder aux services sur l’ensemble du territoire du marché unique.
Depuis le 29 septembre 2018, tout organisme fournissant des services publics dans un État membre de l’UE doit reconnaître les moyens d’identification électronique de l’ensemble des États membres de l’UE. La mise au point de méthodes d’identification numérique fondées sur des normes offre aux individus la possibilité d’accéder à un service où qu’ils se trouvent dans la région, sans avoir à recréer un titre d’identité à chaque fois.
Sources : Jueguen, F. (2019[53]), « Lanzan la versión digital del registro de conducir que se podrá 'llevar' en el celular », https://www.lanacion.com.ar/economia/lanzan-version-digital-del-registro-conducir-se-nid2219177 ; Bracken, M. (2019[54]), « Argentina just made driving licences digital », https://public.digital/2019/02/12/argentina-just-made-driving-licences-digital ; OCDE (2019[55]), Digital Government Review of Argentina: Accelerating the Digitalisation of the Public Sector, https://doi.org/10.1787/24131962 ; Union européenne (sans date[56]), eIDAS: The Ecosystem, https://www.eid.as/home.
En outre, analyser la demande de services publics permet de mieux connaître le paysage de la prestation de ces services au sein de la société, et donc de mieux cibler les différents canaux de prestation sur des segments particuliers de la population, afin de veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte. L’Encadré 3.10 décrit deux exemples se rapportant au Portugal et au Mexique.
Encadré 3.10. Utiliser les données pour cibler l’aide sur les citoyens vulnérables
Au Portugal, des analyses de données et une plateforme d’interopérabilité ont rendu un dispositif d’aide accessible à 600 000 personnes supplémentaires
Au Portugal, l’éclairage apporté par les données a transformé l’aide fournie à certains des ménages les plus vulnérables du pays. L’exécutif avait créé un tarif social de l’énergie pour subventionner les dépenses liées à l’énergie. Pour bénéficier de ce tarif, les usagers admissibles devaient s’inscrire. Or, les premières données recueillies sur le dispositif ont montré que des personnes qui remplissaient les critères d’admissibilité au tarif spécial n’effectuaient pas la procédure d’inscription.
Des recherches ont été menées pour en comprendre la raison, et il est apparu que ces personnes ignoraient qu’il fallait qu’elles déposent une demande pour bénéficier de ce tarif. Par conséquent, la décision a été prise d’automatiser la procédure. Cependant, cela nécessitait que la Direction générale de l’énergie et de la géologie, les compagnies d’énergie, le système fiscal et le système de sécurité social mettent leurs données en commun.
Heureusement, la Plateforme d’interopérabilité pour l’administration publique (iAP) du Portugal avait été conçue précisément pour ce type de scénario, et offrait un accès à toute une gamme de services dispensés par des partenaires des secteurs public et privé.
En conséquence directe de l’automatisation du tarif social de l’énergie rendue possible par la Plateforme d’interopérabilité, le nombre de ménages bénéficiant de ce tarif a grimpé de 154 648 à 726 795. Cette mesure a permis de subventionner les dépenses d’énergie de 7 % de la population portugaise, sans que les bénéficiaires n’aient à confirmer leur admissibilité.
Croiser les données pour s’assurer que l’aide parvient aux personnes qui en ont le plus besoin
Au Mexique, la prestation des services sociaux relève de la compétence du ministère du Développement social. En combinant données sur les ménages, données sur les bénéficiaires et données géographiques, il a été possible de créer un nouveau système qui cible les aides sur les ménages qui en ont le plus besoin, de manière à améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres du Mexique.
En collaboration avec un partenaire de la société civile, Data Science for Social Good, le ministère du Développement social s’est attaché à affiner la précision du ciblage de l’aide sur les personnes et les familles admises à en bénéficier. Ses objectifs étaient au nombre de trois :
1. Identifier les personnes qui étaient admissibles à certains programmes mais n’y avaient pas recours
2. Croiser les jeux de données pour mieux prédire les besoins des ménages et, le cas échéant, éclairer l’élaboration de nouveaux programmes de services sociaux
3. Repérer les personnes n’ayant pas déclaré tous leurs revenus, et les radier du registre des bénéficiaires.
Sources : Indications communiquées par le Portugal à l’OCDE ; Data Science for Social Good (sans date[57]), Enhancing the Distribution of Social Services in Mexico, https://dssg.uchicago.edu/project/enhancing-the-distribution-of-social-services-in-mexico.
Parmi les pays ayant participé au projet comparatif qui a fourni les éclairages et les données probantes sur lesquels s’appuient les analyses présentées dans ce rapport, plusieurs ont précisé que l’utilisation qu’ils faisaient des données pour améliorer la prestation des services publics se confondait, en partie, avec l’utilisation qu’ils en faisaient afin de mener une action publique fondée sur des données probantes. Cette relation étroite entre la conception des politiques publiques et la prestation des services publics montre qu’il est important d’identifier les relations qui existent entre chacune des phases de l’exploitation des données.
La Corée, le Danemark et le Portugal se sont dotés de lois se rapportant aux besoins et aux structures liés aux registres de données de base. Ces registres facilitent grandement la prestation de services fondés sur les données, dans la mesure où ils limitent la prolifération des données redondantes, fournissent une source fiable pour les jeux de données les plus importants et incarnent une approche cohérente de l’accessibilité et du partage internes des données. En Corée, les « projets d’analyse des données massives du secteur public » ont été déployés à plus grande échelle avec succès, afin de procurer des avantages à différents groupes de population. Ces avantages vont de la mise en place de services visibles des citoyens, tels que la détermination des emplacements les plus appropriés pour installer les bornes de chargement des véhicules électriques, à des utilisations des données moins axées sur le public, comme par exemple la détection des cas suspectés de soustraction aux obligations de service militaire ou la lutte contre la fraude à l’assurance dans le cadre des accidents de la route.
Donner aux agents publics la possibilité de se concentrer sur la satisfaction d’autres besoins
L’amélioration de la « prestation » des services publics constitue un indicateur très tangible d’accroissement de la valeur publique du point de vue des particuliers et des entreprises, qui voient leurs vies et leurs activités simplifiées. Mais il existe aussi d’autres avantages, qui échappent davantage aux regards du fait qu’ils bénéficient surtout au personnel des administrations publiques.
L’un des arguments qui ont été avancés pour justifier la transformation numérique de l’administration est que ce processus permettrait de réduire les effectifs du personnel placé au contact direct des usagers. À mesure qu’un nombre croissant de services deviendraient accessibles en ligne, la présence physique des usagers diminuerait, et une partie de ces postes deviendraient inutiles. Cette conjecture repose sur plusieurs hypothèses fallacieuses. Premièrement, elle table sur un comportement qui n’a rien de certain, à savoir que tous les usagers se convertiront à l’utilisation des plateformes en ligne pour accéder aux services. Deuxièmement, elle tient pour acquis que la transformation numérique est simplement un moyen plus rapide d’effectuer les mêmes opérations que par le passé, sans considérer que ce processus pourrait permettre de repenser la manière dont les services sont assurés. Ainsi, dans une situation qui voit les services se transformer, le rôle des personnels administratif et de première ligne est également amené à évoluer. Cela peut se produire de plusieurs façons :
Grâce à la prise en charge des interactions correspondant aux cas simples, les agents publics pourront consacrer davantage de temps et d’énergie aux cas les plus difficiles.
À mesure que les personnes qui manient aisément les services numériques se détourneront des modes d’interaction en présentiel, le personnel continuant d’offrir une aide en face à face pourra consacrer davantage d’énergie aux personnes potentiellement exclues du numérique.
L’augmentation du nombre de soumissions par voie numérique et la réutilisation des données entre les différents secteurs de l’administration publique réduisent le risque d’erreurs. Cela réduit les besoins d’assurer un suivi des dossiers et de fournir des éclaircissements, activités qui peuvent entraîner des retards d’exécution du service initial.
Par ailleurs, les centres d’accueil des usagers et les lignes d’assistance téléphonique peuvent utiliser des informations analytiques en temps réel pour prédire la demande et gérer leur personnel en conséquence. Cela peut, par exemple, leur permettre de réaffecter une partie des agents publics d’une catégorie de demande de renseignements à une autre en cas de hausse imprévue de la demande.
Communication et dialogue avec la population
Dans le cadre de la dernière édition de l’enquête sur l’organisation et les fonctions du centre de gouvernement (OCDE, 2017[58]), on a cherché à déterminer quel était l’objectif le plus important des stratégies de communication. Le graphique 3.6 montre que l’objectif prioritaire est de communiquer sur l’action gouvernementale, 8 % seulement des déclarants indiquant qu’ils voulaient en priorité encourager la participation ou promouvoir la transparence, et un petit 4 % qu’ils essayaient d’améliorer les relations avec les citoyens. Ces chiffres sont en contradiction avec la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le gouvernement ouvert, qui appelle à « une culture de gouvernance qui promeut les principes de transparence, d’intégrité, de redevabilité et de participation des parties prenantes, au service de la démocratie et de la croissance inclusive » (OCDE, 2017[59]). Ils sont également en net contraste avec un précepte fondamental des données publiques ouvertes et du gouvernement ouvert, selon lequel les données sont un instrument précieux pour encourager la participation civique à la conception et à la prestation des politiques et services publics afin de favoriser une forme de démocratie plus axée sur l’humain et plus participative (OCDE, 2019[26] ; Ubaldi, 2013[4]).
Les données publiques ouvertes offrent des possibilités incontestables pour ce qui est de communiquer et de nouer un dialogue avec la population. Au Chili, le ministère du Secrétariat général de la Présidence a lancé un appel aux artistes les invitant à élaborer des contenus numériques originaux à partir des données publiques ouvertes, afin de mettre en valeur les possibilités existant en la matière. Partout dans le monde, des pays organisent des marathons de programmation (« hackathons ») qui encouragent des équipes de développeurs à travailler en mode collaboratif sur des données publiques ouvertes pour apporter des réponses à des défis spécifiques ; citons, entre autres exemples, Accountability Hack aux Pays-Bas, le Défi des données CANDEV au Canada, OpenGovDataHack et Hack the Plan en Inde, et GovHack en Australie.
Cependant, l’expérience de HackforSweden, en Suède (OCDE, 2019[60]), se révèle particulièrement intéressante. HackforSweden travaille actuellement avec près de 100 organismes publics et entreprises suédois pour promouvoir l’innovation fondée sur les données ouvertes, dans l’intention explicite de créer une plateforme sur laquelle les citoyens pourront formuler des solutions aux besoins de la société, et d’encourager la collaboration à des fins de co-création de valeur publique. Après des débuts modestes en 2014, HackforSweden est en train de monter en puissance, passant de l’organisation de manifestations annuelles au dialogue permanent et à l’encouragement de la créativité de l’ensemble de l’écosystème numérique du pays. Plus précisément, l’initiative s’est donnée pour mission de toucher non plus 200 personnes lors d’un événement unique, mais 2 millions de personnes connectées entre elles par une plateforme, en deux ans tout au plus (Hack for Sweden, sans date[61]).
Actuellement, en dehors des données publiques ouvertes, les pouvoirs publics n’exploitent pas toutes les possibilités offertes par le secteur public axé sur les données pour communiquer avec le public. Il ressort des recherches comparatives menées avec les six pays membres de l’OCDE que seuls le Danemark et la Suède sont en mesure de fournir des exemples concrets d’initiatives existantes qui encouragent l’utilisation des données à l’appui de l’association des acteurs sociaux. Cela signifie que pour la Corée, l’Irlande, le Portugal et le Royaume-Uni, il ne s’agit pas d’une priorité.
On peut le regretter, car l’utilisation des données peut éclairer le débat sur les solutions pouvant être envisagées en termes d’action publique, la visualisation des données offrant un moyen accessible de présenter des informations détaillées sur des problèmes particuliers. Des concepts qui se prêtent difficilement à une communication verbale, ou des ensembles denses de chiffres ou de coordonnées, peuvent être versés dans des outils propices à des discussions et des exercices d’association précieux. Dans le contexte de la production de valeur publique, Morabito (2015[62]) affirme qu’informer le public de l’usage qui est fait des données par des moyens accessibles peut avoir un effet positif sur le sentiment d’accomplissement des citoyens et sur leur satisfaction à l’égard des services fournis par les administrations publiques.
Au Danemark, les autorités ont repensé leur approche de la fiscalité foncière afin que les citoyens aient une vision plus transparente du système, fondée sur des données améliorées et sur l’utilisation de méthodes statistiques perfectionnées. Lors de la transition de l’ancienne approche à la nouvelle, des fonctions de visualisation des données ont été utilisées pour offrir plus de clarté aux citoyens. Dans le cadre de cette démarche de changement donnant la priorité à la transparence et à l’ouverture, non seulement les citoyens ont été en mesure de comprendre de façon globale la politique adoptée, mais les autorités ont investi dans les capacités et la culture des données des citoyens afin qu’ils comprennent en quoi cette politique les affecte spécifiquement.
Réagir aux situations d’urgence, aux crises et aux autres phénomènes émergents
Un dernier domaine relevant de la phase de « prestation » du modèle de secteur public axé sur les données offre des possibilités de générer de la valeur publique : il s’agit de la façon dont les entités publiques réagissent aux situations d’urgence, aux crises et aux autres phénomènes émergents.
De par leur nature, les situations d’urgence et les crises sont imprévisibles. S’il est possible de réduire leur impact au minimum, il est en revanche impossible d’être préparé à toute éventualité à chaque instant. Ce constat souligne l’importance de la phase « d’anticipation et planification » en termes d’activités de conception et de prospective pouvant guider la réflexion sur les actions à mener au cas où quelque chose se passerait mal. De fait, la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur la gouvernance des risques majeurs insiste sur la nécessité de renforcer le niveau de préparation en s’appuyant sur la prospective et l’évaluation des risques ainsi que sur une architecture financière pour mieux anticiper l’ampleur et la complexité des impacts potentiels (OCDE, 2014[63]).
En Corée, le maire de Séoul a investi une somme considérable pour faire installer dans les locaux de la mairie un vaste panneau de 3.5 mètres de large sur lequel s’affichent des données utiles, rafraîchies en temps réel, concernant la santé et la vitalité de la ville et de ses habitants, notamment le coût de la vie, la demande de logements et la situation budgétaire en temps réel. Ces données offrent un éclairage opérationnel utile, qui peut faciliter la détermination des priorités politiques et guider en continu la prestation des services publics à Séoul. Cependant, les concepteurs ont également cherché à savoir comment cette ressource pourrait ajouter de la valeur dans une situation d’urgence. Et c’est véritablement dans les situations d’urgence que le panneau trouve toute sa raison d’être, en affichant des données en temps réel sur l’évolution de la situation et en assurant un contact direct entre le maire et les personnes sur le terrain (Crawford, 2017[64]).
À Singapour, les défis posés par le vieillissement et la saturation des équipements de transport, couplés à l’ambition de « nation intelligente » que s’est forgée le pays, ont conduit au lancement d’une nouvelle initiative, la Fusion Analytics for Public Transport Emergency Response (FASTER). FASTER recueille des informations géographiques anonymisées et les associe aux données sur les achats de cartes de transport et les enregistrements vidéos des stations pour repérer les situations de saturation. Lorsqu’une densité de voyageurs importante est détectée, des bus supplémentaires sont mis en service, et des messages sont diffusés pour permettre aux usagers de prendre leurs dispositions en conséquence. En offrant des modèles détaillés des déplacements des usagers dans la zone urbaine, ces données aident les autorités publiques à comprendre la structure du trafic, la façon dont le réseau de transport est utilisé et les problèmes à résoudre.
Évaluation et suivi
Le troisième et dernier ensemble d’activités relevant du secteur public axé sur les données qui offrent la possibilité d’exploiter les données à des fins de création de valeur publique se situent à la phase « évaluation et suivi ». Un secteur public axé sur les données adhère à l’idée selon laquelle l’exploitation de données pertinentes contribue à améliorer les activités régulières d’évaluation et de suivi. Ces activités consistent à mesurer et à analyser des processus qui ont déjà eu lieu. Si elles peuvent donner lieu à des réactions à court terme, elles peuvent également avoir une finalité propre, en tant que réflexion sur ce qui a été accompli, ou acquérir une valeur supplémentaire après un certain temps, lorsqu’elles sont utilisées à l’appui de nouveaux objectifs.
Dans une société caractérisée par des données en temps réel, l’évaluation des performances et le suivi sont étroitement liés aux activités de « prestation » décrites à la section précédente, et les données générées au cours de la phase « évaluation et suivi » alimentent « l’anticipation et la planification » des projets ultérieurs. Cette phase exerce donc une influence décisive sur le rythme des décisions, le ciblage des investissements et la capacité à réagir au changement. L’idée maîtresse, dans cette section, est que les données du secteur public favorisent la compréhension des performances et, ce faisant, permettent de mettre en place une approche itérative axée, soit sur le perfectionnement continu des activités, soit sur la planification des étapes suivantes. Faire des rapports n’est pas un but en soi.
Le secteur public axé sur les données crée un environnement dans lequel il est possible de disposer de données sur l’action publique en temps réel. Les décideurs ne sont plus tenus d’attendre les mises à jour mensuelles ou trimestrielles des données se rapportant aux migrations, au chômage ou à la démographie, entre autres thèmes, car les données dont ils ont besoin sont rendues disponibles et accessibles à une fréquence plus élevée. Cela fournit de meilleurs éclairages pour le processus de l’action publique, et cela permet à court terme de procéder à des réajustements rapides si nécessaire, d’où une redevabilité renforcée et des améliorations continues à moyen et long terme.
Ces éléments mettent en évidence l’interconnexion des différentes dimensions du modèle de secteur public axé sur les données, et soulignent qu’aucune activité « d’anticipation et planification » ou de « prestation » ne devrait être engagée sans que l’on se demande comment l’activité sera évaluée, quelle forme prendra le suivi des performances et comment les impacts seront mesurés. Cette section sera donc axée sur les aspects suivants : évaluation de l’action publique ; performances opérationnelles ; démonstration du retour sur investissement ; et redevabilité et transparence. Les types d’activités relatives aux données abordés dans cette section sont ceux qui visent à rendre possibles la mesure des impacts, la vérification de la qualité des décisions et le suivi des performances.
Évaluation de l’action publique
Le premier domaine dans lequel « l’évaluation et le suivi » des données peuvent générer de la valeur publique est le processus visant à évaluer le succès – ou l’insuccès – des mesures adoptées. Dans une société démocratique qui fonctionne correctement, la mise en œuvre de l’action publique est suivie de près par différentes catégories d’acteurs. Certains veulent vérifier que les ressources publiques sont bien gérées, d’autres ont envie de connaître l’impact des mesures mises en œuvre, d’autres encore peuvent être en quête d’arguments à invoquer sur la scène politique. Ces acteurs ont des priorités concurrentes, mais la remontée d’information sur les progrès accomplis, en particulier si cette information est publique, est une activité génératrice de données probantes qui permet de soutenir la tension entre, d’une part, les revendications motivées par des considérations politiques et idéologiques, et d’autre part, un processus d’action publique fondé sur des données probantes qui est théoriquement rationnel et impartial.
En ce sens, l’évaluation de l’action publique après sa mise en œuvre complète l'utilisation qui est faite des données probantes lors de la phase initiale de conception et d’élaboration de cette action. Les éclairages apportés par l’évaluation sont essentiels pour l’itération et la mise au point de nouvelles solutions, et c’est en réagissant à l’évaluation de ce qui a été réalisé précédemment que les pouvoirs publics peuvent créer de la valeur publique. Néanmoins, au-delà de l’application directe des données dans les activités des administrations publiques, les données « d’évaluation et de suivi » peuvent jouer un rôle important quand elles sont partagées, puisqu’elles peuvent être utilisées et réutilisées pour éclairer et informer le personnel politique, les journalistes, les universitaires et le grand public.
L’augmentation de la quantité de données disponibles au sujet des retombées d’une politique permet de procéder avec agilité à des ajustements à court terme mais, surtout, fournit de meilleurs éclairages au service de la redevabilité et de l’apprentissage à moyen et long terme. L’équipe responsable d’une politique déterminée est en mesure d’établir si les mesures ont produit l’effet voulu ou non, et lorsque les données sont publiées en tant que données publiques ouvertes, d’autres parties prenantes peuvent également se faire une idée sur la question. Par conséquent, l’évaluation de l’action publique peut être un processus ouvert, inclusif et continu, et non pas simplement une opération interne ponctuelle. La possibilité de réduire le délai s’écoulant entre la conception d’une politique, son exécution et la découverte de ses résultats ne présente pas seulement un intérêt théorique et conceptuel : elle devrait également servir de base pour apporter rapidement des éclairages aux activités de « prestation » et remédier aux éventuels effets négatifs involontaires (Höchtl, Parycek et Schöllhammer, 2016[47]). Si le suivi des performances peut être motivé par une volonté descendante d’exercer un contrôle et d’être tenu informé, dans un modèle de secteur public axé sur les données, on cherche avant tout à analyser ces éclairages et, surtout, à les mettre au service de l’amélioration des performances grâce à une compréhension plus approfondie des besoins de l’organisation et de ses usagers.
Les évaluations et analyses rétrospectives aident les décideurs à garder l’esprit ouvert, en les encourageant à tirer continuellement les leçons de leurs expériences et en les incitant à adapter leur action future en fonction de ce qu’ils ont appris. Quand des mécanismes permettant de recueillir de nouveaux éclairages et de les mettre en application sont mis en place, on s’attend à ce que des enseignements et des éclairages en soient tirés. L’adoption d’une telle approche renforce continuellement la qualité des retombées de l’action publique. Le rapport OCDE/Bloomberg (2019[49]) sur l’amélioration de la capacité d’innovation des villes (Enhancing Innovation Capacity in Cities) indique que « les villes qui évaluent… sont mieux placées pour déployer à plus grande échelle les projets innovants qui apportent des améliorations, et moins susceptibles de s’engager dans des pratiques ou des projets offrant un faible retour sur investissement ». Le fait d’être ouvert à « l’évaluation et la mesure » des impacts traduit une perception plus fine du rôle des données, qui se manifeste tout au long du cycle de l’action publique et des activités de prestation.
Il est donc encourageant de constater à la lecture du Graphique 3.7 que cinq des six pays étudiés (Corée, Danemark, Irlande, Portugal et Royaume-Uni) ont pris quelques mesures pour renforcer le suivi et l’évaluation de l’action publique dans le cadre du cycle de valeur des données publiques. La Corée, le Danemark, l’Irlande et le Portugal s’emploient plus particulièrement à renforcer le suivi et l’évaluation de l’action publique en investissant dans des capacités d’analyse des données. Comme on l’a vu au chapitre 2 dans le contexte de l’examen des conditions nécessaires à la mise en place d’un secteur public axé sur les données, les compétences des agents publics et de la population sont déterminantes pour maximiser la valeur publique. Les cinq pays ont pris des dispositions pour faire du partage des données une priorité. Nous avons vu au début de ce chapitre que c’était crucial pour pouvoir établir, à l'échelle de l’ensemble de l’administration, une démarche efficace de création de valeur publique à partir des données.
On a évoqué à la section précédente le rôle des données dans l’amélioration de la communication et du dialogue entre le secteur public et la population, en montrant par des exemples comment la relation entre les administrations publiques et les citoyens pouvait être facilitée. Cependant, les autorités peuvent aussi œuvrer à une meilleure compréhension des effets de l’action publique sur les citoyens. Dans un secteur public axé sur les données, les entités publiques ont la possibilité d’analyser une myriade d’informations d’origine externe obtenues grâce à des initiatives collaboratives (crowdsourcing). Toutefois, elles peuvent également recueillir ces informations sans avoir à les demander directement, comme le montre l’Encadré 3.11. À l’instar de certaines des pratiques mentionnées dans la section traitant de la prévision, la consultation et l’analyse de données issues d’une multitude de canaux numériques permettent d’obtenir des éclairages instructifs sur les opinions et les comportements des citoyens, qui pourront être ensuite utilisés pour évaluer l’action publique. En la matière, les pouvoirs publics doivent faire preuve de discernement, et s’appuyer sur les orientations données au chapitre 4 pour le cadrage du débat.
Encadré 3.11. Tunisie : Utiliser les médias sociaux pour suivre les progrès accomplis au regard des Objectifs de développement durable
Pour suivre les progrès accomplis au regard de l’Objectif de développement durable (ODD) 16, « Paix, justice et institutions efficaces », qui accorde une place importante à la lutte contre la corruption, l’Institut national de la statistique de la Tunisie et le Programme des Nations Unies pour le développement ont lancé un projet pilote qui s’appuie sur les médias sociaux pour mieux comprendre la perception qu’ont les citoyens des pouvoirs publics. Les méthodes traditionnelles (telles que les enquêtes auprès des ménages) n’étaient pas suffisantes en raison de leur faible fréquence et de leur coût.
Le projet pilote a consisté à mener une analyse du web et des médiaux sociaux (sites d’information, blogs et Twitter notamment) pour identifier les contenus pertinents et déterminer si leur tonalité était positive ou négative, afin de jauger la perception qu’avaient les citoyens de la corruption. Pour déterminer le niveau d’exactitude des résultats de son analyse des médias sociaux, l’équipe les a comparés aux résultats de l’enquête tunisienne auprès des ménages sur la gouvernance, la paix et la démocratie, qui contenait des questions sur les perceptions des citoyens en matière de corruption. Il est apparu que, sur la même période, l’enquête auprès des ménages et l’analyse des médias sociaux dressaient le même tableau de la perception de la corruption ; cependant, l’analyse des médias sociaux présentait des avantages supplémentaires au sens où elle était plus rapide, plus régulière et moins coûteuse. La Tunisie a commencé à expérimenter cette approche sur d’autres cibles du même ODD : les droits de l’homme et l’état de droit, et la participation de la société civile.
Source : OCDE (2017[65]), Fostering Innovation in the Public Sector, https://dx.doi.org/10.1787/9789264270879-en.
Performances opérationnelles
Un deuxième aspect à prendre en compte concernant les activités « d’évaluation et suivi » dans le cadre d’un modèle de secteur public axé sur les données est la capacité qu’ont les données de transformer les performances opérationnelles de l’administration publique, avec à la clé une utilisation plus productive et efficace des ressources publiques et l’instauration d’une culture d’amélioration continue des performances. La mesure des performances est une activité « d’évaluation et suivi » qui intervient rétrospectivement. Néanmoins, au travers de l’application de ses résultats, elle est étroitement liée à la qualité de la « prestation » des activités des administrations publiques. Cette relation souligne une fois encore combien il est important d’être clair quant à l’objectif poursuivi avec l’utilisation de toute donnée.
La valeur publique peut se manifester par l’impact direct qu’elle produit sur les activités des administrations publiques, comme on l’a vu dans la section sur la « prestation », mais elle transparaît également dans les activités structurelles des pouvoirs publics, qui sont moins visibles. Par exemple, les données relatives à l’état des actifs physiques en temps réel peuvent être mises à profit pour améliorer la planification des opérations de maintenance et perturber le moins possible la continuité du service (OCDE, 2016[66]). L’étude de cas complémentaire intitulée « La gestion des ressources humaines axée sur les données » (Annexe C), qui est consacrée à l’emploi et à la gestion publics, montre que « l’analytique des talents » pourrait modifier les méthodes de recrutement et de fidélisation ainsi que la gestion en continu des performances du personnel, et aider à comprendre quelles améliorations de l’environnement de travail peuvent assurer la productivité et le bien-être du personnel.
Même si un nombre croissant de nos transactions s’effectuent en ligne, la préservation de notre environnement bâti et de nos conditions matérielles demeure une fonction importante de l’État. L’application des données permet de mieux cibler le peu de ressources disponible et, par exemple, de concentrer les services de police sur les zones de forte délinquance (Höchtl, Parycek et Schöllhammer, 2016[47]).
En Corée et au Portugal, les candidats aux concours d’idées sur l’utilisation des données ont été invités à se concentrer sur les moyens d’améliorer l’efficience des activités des administrations publiques. Parmi les exemples de réussite relevés en Corée, citons la mise au point d’un modèle de données permettant d’identifier les entreprises les plus susceptibles de présenter des risques. Douze mois après son adoption, la proportion d’entreprises inspectées qui étaient en infraction à la loi coréenne sur les normes en matière de travail est passée de 40.9 % à 77.7 %, ce qui signifie que l’impact des inspections en termes de valeur publique a presque doublé. Un impact similaire a été observé aux États-Unis, lorsque le service de la ville de New York chargé du bâti a pris l’initiative de mettre en commun ses données avec celles de 19 autres organismes municipaux. Leur collaboration a permis de multiplier par cinq la valeur du temps passé par les inspecteurs, le taux de détection de bâtiments dont l’état présentait un risque élevé ayant grimpé de 13 % à plus de 70 % des inspections (OCDE, 2019[26]).
Démonstration du retour sur investissement
Parce que les entités publiques sont comptables des fonds qu’elles dépensent, et parce que les dépenses souhaitées sont toujours supérieures aux ressources disponibles, des procédures sophistiquées ont été conçues pour les investissements et les marchés publics. La Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les marchés publics (2015[67]) promeut la mise en place d’une approche stratégique dans les différents secteurs et échelons du secteur public, en définissant une série de principes directeurs qui s’applique à l’ensemble du cycle de passation des marchés publics. Dans le contexte spécifique de l’administration numérique, le point 9 de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur les stratégies numériques gouvernementales (2014[68]) souligne qu’il est important de développer des dossiers justificatifs clairs (« business cases ») pour renforcer la politique numérique. Une partie des travaux actuels du Groupe de travail OCDE des hauts responsables de l’administration numérique (E-leaders) est consacrée à l’élaboration de ces dossiers justificatifs et à la réforme des processus de commande de TIC.
Pour ce troisième aspect de la phase « d’évaluation et suivi », on examine en quoi le modèle de secteur public axé sur les données peut étayer l’argumentaire financier en faveur de ces dépenses et la mesure de leur impact. Dans ce cas de figure, la valeur publique est beaucoup plus étroitement associée à la redevabilité pour les dépenses, à l’amélioration des décisions relatives aux marchés publics, et à l’aptitude à décrire les retombées ainsi rendues possibles. Au Danemark, plusieurs initiatives relevant de la stratégie nationale de transformation numérique s’appuient sur l’analyse de la valeur du partage des données dans le cadre de la transformation des activités internes de l’administration.
La démonstration du retour sur investissement est une autre activité fortement tributaire de la clarté des objectifs, quelle que soit l’activité relevant du secteur public axé sur les données considérée. Pour mesurer l’impact d’un ensemble donné d’activités, il est nécessaire de définir une situation de référence et d’élaborer une méthodologie qui permette de comprendre les coûts et les avantages. Ces éléments doivent être considérés lorsqu’un organisme public décide d’investir des ressources financières pour résoudre un problème ou concevoir une intervention, durant la phase « d’anticipation et planification », et les activités correspondantes doivent être exécutées lors de la phase de « prestation ». Cette démarche garantit la reconnaissance systématique de la valeur d’un investissement, comme le montre l’exemple de l’Encadré 3.12.
Dans le contexte des dépenses liées aux données, et plus particulièrement aux données publiques ouvertes, on a parfois considéré la publication des données comme le but ultime, ce qui a pu conduire à adopter comme objectif la mise à disposition de jeux de données plus nombreux en consultation publique. Par conséquent, l’effort a pu porter sur la publication des données plutôt que sur leur réutilisation. Or, si la publication est une condition préalable nécessaire pour créer de la valeur à partir de l’utilisation des données, on ne peut mesurer la valeur publique générée par des investissements consacrés aux données sans avoir défini, dans le cadre du cycle de valeur des données publiques, des valeurs de référence pour la phase de partage, curation et publication, mais aussi pour la phase d’utilisation et réutilisation.
Encadré 3.12. La discipline fiscale au Royaume-Uni
L’administration fiscale et douanière du Royaume-Uni (HM Revenue and Customs) a mis au point des modèles de données pour l’aider à mieux cibler ses activités de contrôle. Ces modèles facilitent le repérage des contribuables les plus susceptibles de ne pas respecter leurs obligations fiscales – par exemple parce qu’ils ont commis des erreurs dans leurs déclarations fiscales ou qu’ils essaient délibérément d’échapper à l’impôt. Les modèles s’appuient sur des informations telles que les antécédents du contribuable en termes de respect de ses obligations fiscales et les indications qui figurent sur les déclarations elles-mêmes, telles que le revenu et la profession, pour estimer la probabilité de risque de non-respect. Un large éventail de données peut être mis à profit par ces modèles pour affiner le calcul de ces probabilités de risque, et à mesure que le corpus de données s’étoffe, les modèles peuvent être perfectionnés, et offrir ainsi des performances toujours meilleures.
Des programmes de contrôle tels que celui-ci sont l’un des moyens les plus aisés d’assurer un retour sur investissement pour les projets d’analytique des administrations publiques, car ils génèrent des avantages financiers souvent substantiels. Selon les estimations, le modèle analytique utilisé pour détecter la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée a permis à l’État britannique d’engranger de l’ordre de 200 millions GBP de recettes supplémentaires par an grâce à l’amélioration de ses activités de contrôle, avec un doublement des recettes collectées par chaque agent chargé du contrôle.
Source : OCDE (2017[65]), Fostering Innovation in the Public Sector, https://dx.doi.org/10.1787/9789264270879-en.
Les pistes d’audit et la transparence au service de la redevabilité
Ce dernier aspect des activités « d’évaluation et de suivi » menées dans le cadre du modèle de secteur public axé sur les données concerne la redevabilité, et en particulier le rôle des données en tant qu’outils facilitant l’accès aux archives administratives et encourageant la culture de la transparence. L’aptitude des « acteurs de l’intégrité » du secteur public à remplir leur rôle est conditionnée dans une large mesure par la bonne mise en œuvre du secteur public axé sur les données. L’étude de cas sur « L’Intégrité axée sur les données » (annexe B) met en exergue les possibilités offertes par une approche connexe mais différente de la redevabilité, à savoir la prévention de la fraude et de la corruption.
L’importance des activités d’audit et le souci de la transparence du secteur public sont des arguments de poids en faveur d’une montée en puissance des activités relatives aux données au sein de l’administration, et il ne faut pas sous-estimer leur influence. Dans le contexte des données publiques ouvertes, ces préoccupations ont fortement joué en faveur de la publication de données selon les indications de la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le gouvernement ouvert (OCDE, 2017[59] ; Ubaldi, 2013[4]).
Plus généralement, les entités publiques souhaiteraient sans doute découvrir comment démontrer l’impact d’une action grâce à des modalités permettant de renforcer la redevabilité de l’administration et le degré de confiance de la population. Ce point fait écho à certaines des remarques formulées dans ce chapitre au sujet de l’analyse des activités de « prestation ». L’Encadré 3.13 présente l’exemple du Japon, dont l’approche en matière de démonstration des effets de l’action publique, appliquée dans tous les secteurs de la sphère publique, est impulsée depuis le sommet de l’État (confirmant l’importance du leadership et de la vision ; voir le chapitre 2). Dans ce contexte, l’analyse et l’évaluation de l’action publique représentent un moyen de renforcer la redevabilité, mais permettent aussi de vérifier qu’une intervention spécifique produit l’effet voulu. L’adoption de méthodes robustes telles que celles que l’on vient de décrire pour mesurer et publier des données probantes sur la réalité d’une mesure ou d’un service public, non seulement pendant la phase d’essai, ou alpha, mais tout au long de leur cycle de vie, peut apporter des arguments en faveur de financements futurs et, au fil du temps, permettre de démontrer l’existence d’un retour sur investissement et contribuer à instaurer une culture de redevabilité.
Encadré 3.13. Utilisation de données probantes pour évaluer l’efficacité des mesures mises en œuvre au Japon
Gouvernance des données
Au Japon, la Conférence stratégique pour le renforcement de l’utilisation des données du secteur public et du secteur privé, présidée par le Premier Ministre et composée de l’ensemble des ministres, des directeurs de données du secteur public et de conseillers experts, est depuis 2017 l’entité responsable du programme d’action en matière de données à l’échelon national. Un appui est assuré par un Conseil pour la promotion d’une action publique fondée sur des données probantes et par la présence, dans chaque ministère, d’un directeur général chargé de veiller à ce que l’action publique soit fondée sur des données probantes.
Le Bureau d’évaluation administrative, qui relève du ministère des Affaires internes et des Communications, et le Secrétariat du Bureau central de promotion de la réforme administrative passent au crible toutes les évaluations de politiques et examens de projets, pour vérifier que des données probantes sont utilisées à chaque étape. Les données utilisées dans ces évaluations sont librement accessibles au public, et l’état d’avancement de la procédure peut être suivi en ligne.
Non seulement cette redevabilité est utile pour améliorer la gouvernance démocratique, la fiabilité, l’intégrité et la légitimité, mais elle garantit que les politiques fassent l’objet d’une remise en cause empirique continuelle, visant à déterminer si elles atteignent les objectifs qui leur ont été assignés au départ.
Utilisation d’essais contrôlés randomisés pour évaluer les technologies liées à l’Internet des objets
Eu égard au vieillissement de sa population, le Japon doit impérativement trouver des solutions technologiques pour assurer une prise en charge efficace et de qualité des personnes âgées tout en réduisant les coûts. Les travaux se sont notamment concentrés sur les soins aux patients atteints de démence, et sur la question de savoir si l’utilisation de dispositifs IdO (Internet des objets) permettrait de prévenir la maladie ou de réduire les coûts associés au traitement.
Dans le premier cas, des patients atteints de démence et vivant en maison de retraite ont été répartis de façon aléatoire en deux groupes. La prise en charge des patients du premier groupe, le groupe témoin, n’a pas été modifiée ; les patients du second groupe ont fait l’objet d’interventions faisant appel à des services IdO. Les symptômes de démence ont disparu en l’espace de quatre mois pour 34 % du groupe témoin et 74 % du groupe expérimental.
Dans le deuxième cas, des dispositifs IdO ont été remis à certains patients, dont on a enregistré et noté l’activité. À partir des données fournies aux équipes médicales, les patients se sont vu attribuer des points qui pouvaient être utilisés comme de l’argent. Un niveau de dépenses de soins de santé de référence a été établi pour chacun des patients qui utilisaient le dispositif IdO et pour ceux qui formaient le groupe témoin. Au bout d’un an, on a calculé l’augmentation des dépenses de soins de santé par rapport à la situation de référence. Les données ont fait apparaître qu’en moyenne, les dépenses induites par les patients qui avaient utilisé les dispositifs IdO représentaient 56 % des dépenses du groupe témoin, soit une économie de 50 000 JPY par patient. Parmi les patients les plus âgés, l’économie s’est montée à 90 000 JPY.
Source : Conseiller auprès du ministère des Affaires internes et des Communications, Japon (2019), « Is evidence contributing to public accountability? Evidence from Japan ».
Au Portugal, le Portail pour la transparence des services de santé3 et le Portail pour la transparence de la justice4 permettent d’accéder librement aux données relatives aux performances de chaque secteur. En outre, à l’échelon municipal, le Portail pour la transparence municipale5 fournit des données et des tableaux de bord détaillés sur l’utilisation locale des fonds publics et le niveau de performance des services assurés. Au Danemark, l’office national de statistique6 offre une plateforme commune pour la publication des données relatives aux performances du pays. Ce dispositif présente notamment des données sur l’efficacité de l’action publique. Au Royaume-Uni, une norme de service impose à tous les services de publier des données sur leurs performances, mais ces données ne permettent pas toujours de savoir dans quelle mesure les objectifs initiaux du service ont été atteints.
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